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Merci, monsieur le président.
Je remercie le comité d'avoir invité l'Institut Nord-Sud à participer à cette discussion sur la démocratie. Cet institut, comme vous le savez probablement, est le seul institut de recherche indépendant au Canada qui se consacre au développement international.
J'aimerais me concentrer sur trois des questions que vous posez : quel est le rôle des organisations non gouvernementales? Où sont les besoins d'aide? Quelles sont les options que le Canada pourrait envisager?
Vous avez manifesté un intérêt pour la méthode comparative. Je vais vous donner quelques exemples tirés de mon expérience depuis sept ou huit ans, principalement dans des initiatives de la société civile. Il y en a une qui est une initiative gouvernementale.
La première chose dont j'aimerais vous parler, c'est de l'expérience de Social Watch, une ONG internationale qui a été créée en 1995 d'abord en complément des sommets de Beijing et de Copenhague, puis qui s'est donné récemment le mandat d'examiner la gouvernance et des éléments comme la Déclaration du Millénaire de l'ONU et les objectifs du Millénaire pour le développement. Il s'agit d'une association de 60 coalitions nationales autonomes, dont la plupart oeuvrent dans les pays en développement. Elle a un petit secrétariat à Montevideo, en Uruguay, et son bureau central reçoit l'appui d'un organisme indépendant du gouvernement, Oxfam Novib des Pays-Bas.
J'aimerais souligner le travail de l'une de ces coalitions nationales pour vous montrer comment ces groupes travaillent à la démocratisation. Il s'agit de Social Watch en Inde. C'est en fait une alliance d'organismes de la société civile et non un organisme séparé. Elle travaille à l'échelle nationale à surveiller des questions de gouvernance nationales, régionales et locales. Elle a pour objectif de veiller à ce que les organismes de la société civile et les citoyens participent véritablement au processus de gouvernance pour rendre la démocratie plus significative et participative. La surveillance des institutions de gouvernance les rendra responsables et transparentes. Elle cible quatre lieux clés de gouvernance : le Parlement, l'exécutif et son exécution de la politique publique, la Cour suprême et les administrations autonomes locales. Elle le fait dans une perspective de développement social et de reddition de comptes aux citoyens. L'ancien premier ministre I. K. Gujral lui-même a déposé son rapport de 2006.
Pour ce qui est du Parlement, elle critique particulièrement le fonctionnement du Parlement indien. Elle affirme constater qu'il siège de moins en moins souvent chaque année et consacre toujours moins de temps aux enjeux véritables. Ce tableau est d'autant plus sombre que les députés affichent un désintérêt envers des enjeux fondamentaux comme la sécheresse, l'insuffisance de nourriture et d'eau et l'état critique des agriculteurs. La coalition déplore également que le Parlement a non seulement diminué le temps qu'il consacrait au débat sur des enjeux clés, mais qu'en plus, il affiche un taux d'absentéisme élevé et que beaucoup de députés ont des casiers judiciaires, soit 16 p. 100 en Inde.
Au sujet de la Cour suprême et de l'appareil judiciaire, la coalition s'inquiète à la fois du fonctionnement du système et de problèmes comme les postes de juges vacants et les longues listes d'affaires en suspens, mais aussi du rôle des tribunaux de veiller à ce que les lois sur l'équité, par exemple, sur la distribution de repas du midi cuits dans toutes les écoles gouvernementales ou subventionnées par le gouvernement soient mises en oeuvre par les gouvernements inférieurs. C'est une façon purement activiste d'utiliser les tribunaux.
Pour ce qui est des gouvernements locaux, Social Watch Inde illustre particulièrement bien comment la société civile est essentielle pour la construction de la démocratie depuis la base. L'élément clé, ce sont les panchayats, les conseils de village locaux et les conseils de village régionaux. La coalition les a examinés en 2006 sous l'angle du droit à l'alimentation, du droit de travailler, du droit à la santé et du droit à l'éducation. Elle s'est également demandé dans quelle mesure ils font jouer leur mandat national de gouvernance en faveur des intérêts tribaux et des groupes marginalisés.
Parmi les questions que la coalition a mises en lumière, il y a le sexe et la participation des deux sexes; l'inefficacité de la décentralisation financière, la gestion de l'éducation (qui est généralement bonne); l'engagement en santé publique (qui est généralement inefficace) et les ambigüités dans les mandats de gestion des ressources en eau locales. En conclusion, son évaluation du fonctionnement de ces groupes — et il y a quelques centaines de milliers de conseils en Inde —, c'était que d'une part, ils constituent le pas le plus net vers une réénergisation de la démocratie dans l'histoire de l'Inde indépendante, mais que cette initiative louable de décentralisation de la gouvernance est compromise par l'alliance des intérêts politiques de l'élite, la résistance aux changements de la bureaucratie et de la classe locative, qui a des intérêts bien ancrés dans la continuation de la structure d'état centralisée du modèle colonial.
Cependant, malgré les petits problèmes, ils génèrent de l'espoir dans un système de démocratie profondément troublé. Ils présentent aussi beaucoup de petits exemples de gouvernance efficace.
Social Watch en Inde est l'une des 60 coalitions nationales les plus avancées. Cependant, le travail sur la démocratie et la responsabilisation locales de même que sur la responsabilisation nationale se fait dans des endroits aussi divers que les Philippines, le Bénin et le Brésil. Dans le contexte international actuel, il est particulièrement intéressant de souligner le travail du réseau arabe pour le développement, une ONG membre de Social Watch établie à Beyrouth, qui travaille avec des organisations membres dans des pays qui vont du Yémen au Maroc, en passant par le Soudan.
Cette expérience confirme ce qu'affirment d'autres témoins du comité : la meilleure façon d'exprimer la démocratie, c'est dans le cadre des droits de la personne, et ces droits comprennent les droits sociaux, économiques et culturels, de même que les droits civils et politiques. Elle illustre également l'importance de l'aide des donateurs pour les organismes non gouvernementaux efficaces du sud.
La seconde expérience dont j'aimerais vous parler est le processus d'Helsinki. Il s'agit d'une initiative du gouvernement de la Finlande en collaboration avec le gouvernement de la Tanzanie. J'y ai participé comme rapporteur pour le comité sur les nouvelles solutions aux problèmes mondiaux présidé par Nitin Desai, ancien sous-secrétaire général de l'ONU. Nous avons publié un rapport intitulé Gouvernez la mondialisation — Globalisez la gouvernance, qu'on peut consulter sur le site Web du ministère des Affaires étrangères de la Finlande.
J'aimerais mentionner trois choses. Elles concernent toute la démocratie à l'échelle mondiale. La première est la surveillance de la démocratisation de l'économie mondiale. La seconde est le renforcement du rôle joué par les parlementaires et la troisième, le modèle sectoriel particulier de la réforme de la gouvernance.
Selon le processus d'Helsinki, les membres des parlements nationaux et régionaux démocratiquement élus ont la responsabilité constitutionnelle de représenter le peuple, mais à l'heure actuelle, la participation directe des parlementaires aux tribunes de négociation internationales et aux organismes multilatéraux de coopération reste peu répandue, de sorte qu'on a l'impression que les processus, les politiques et les décisions qui touchent la vie des gens s'établissent et se prennent en coulisses. En gros, nous nous sommes demandé comment on pouvait faire participer des institutions démocratiques nationales à la prise de décisions mondiales et réduire la distance entre les deux, en plus d'accroître la responsabilité qui les lie aux citoyens et à la base électorale.
Nous nous sommes particulièrement préoccupés de la surveillance de l'économie mondiale, et dans notre mémoire, nous décrivons un peu notre façon de voir. En résumé, elle s'articule surtout autour de deux éléments clés. Il y a d'abord les organismes multilatéraux internationaux comme la Banque mondiale, le FMI, l'OMC et d'autres organismes connexes, qui devraient, d'une certaine façon, produire un rapport annuel de responsabilité mondiale, qui pourrait être examiné publiquement, soumis aux membres du Conseil économique et social des Nations Unies ainsi qu'aux leaders du G-8 et étudié lors d'audiences publiques participatives dans différentes régions du globe. Ce rapport devrait porter sur des enjeux fondamentaux comme le développement durable et la réduction de la pauvreté.
Nous avons ensuite recommandé la création d'un mécanisme de responsabilisation parlementaire et appuyé la recommandation de la Commission mondiale de la dimension sociale de la mondialisation, qui est chapeautée par l'OIT et réclame la surveillance parlementaire intégrée du système multilatéral mondial et la création d'un groupe parlementaire mondial qui se pencherait sur la cohérence et à l'uniformisation.
Nous avons également repris une proposition faite par le Groupe de personnalités éminentes sur les relations entre l'ONU et la société civile, présidé par l'ancien président du Brésil Fernando Henrique Cardoso à l'ONU. Il s'agit de créer un ou plusieurs comités de politique publique mondiale expérimentaux qui seraient chargés de discuter des priorités émergentes dans le monde. Ces comités se composeraient de parlementaires du comité fonctionnel le plus pertinent d'un éventail internationalement représentatif de pays dans des domaines comme l'environnement, la santé ou l'éducation.
J'aimerais mentionner un autre aspect du processus d'Helsinki, qui a contribué notamment au renforcement des normes internationales du travail et au respect des conventions de l'OIT, mais surtout à la gouvernance environnementale, qui était un enjeu très urgent pour nous. Nous avons pris l'exemple de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation publique à la prise de décisions et l'accès à la justice en matière environnementale, une convention qui a été conclue en Europe en octobre 2001 et qui a été décrite par le secrétaire général Kofi Annan comme « l'entreprise la plus ambitieuse dans le domaine de la démocratie environnementale dans laquelle la communauté s'est engagée sous la gouverne des Nations Unies ». Elle a été négociée dans le cadre de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe, mais 39 pays y ont déjà adhéré en plus de ceux de l'Union européenne.
Pourquoi est-ce important? Parce qu'elle fait le lien entre les citoyens ordinaires et leurs droits d'accès à l'information, à des rapports périodiques sur l'état de l'environnement et à la justice pour les citoyens en matière environnementale, notamment par le truchement d'un organisme indépendant et impartial. Notre institution a recommandé que ce modèle déjà en place ne Europe soit reproduit de façon appropriée dans d'autres régions du monde, y compris en Amérique, en Afrique et en Asie.
En guise de conclusion, je vais aborder les questions de la volonté politique et de la contribution canadienne à la démocratisation. Comme l'initiative d'Helsinki le montre, la gouvernance mondiale et la démocratisation sont urgentes et il faut nous y attaquer adéquatement. Dans notre institut, nous travaillons en étroite collaboration avec des réseaux de la société civile internationale qui ont des ressources spécialisées en matière de réforme démocratique à l'échelle internationale. Par exemple, nous avons un partenariat quinquennal avec la Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies afin d'informer la population et de faire rapport sur l'engagement de la société civile dans le monde à la lumière de la Déclaration du Millénaire et des objectifs du Millénaire pour le développement. Cet effort a nécessité des recherches approfondies, des publications en huit langues et des présentations au millénaire de l'Assemblée générale des Nations Unies, en plus de cinq audiences. Il s'agit essentiellement d'un effort visant à informer la population et à renforcer les mécanismes de responsabilité locaux et régionaux, de même que les mécanismes de rapport international sur les activités.
On trouve à l'étranger un bon exemple de réseau non gouvernemental international qui travaille dans ce domaine à Barcelone. On l'appelle Ubuntu, qui n'est pas un mot espagnol mais swahili. Il s'agit en fait du Forum mondial de réseaux de la société civile, qui milite en faveur d'une réforme en profondeur du système des institutions internationales et qui a récemment tenu une grande conférence internationale à Genève. Ce forum tente d'élaborer des propositions particulières de réforme et milite pour qu'elles soient mises en oeuvre. C'est un exemple d'organisme non gouvernemental qui a un groupe consultatif international, mais qui reçoit de l'aide du gouvernement d'État catalan, de même que du gouvernement national espagnol et d'autres sources.
Il y a un exemple beaucoup plus près de nous, celui du Forum international de Montréal, le FIM, un organisme canadien. Cet organisme a patronné d'importantes conférences internationales sur la démocratie et la réforme en 2001 et en 2005, ainsi que de nombreux articles et séminaires de recherche. Il se compose d'un conseil international et d'un petit secrétariat à Montréal. Je trouve toutefois un peu choquant que la plus grande partie de son financement vienne de sources non canadiennes, soit de sources officielles ainsi que de donateurs et de fondations non gouvernementaux. C'est tout de même un signe positif de la réputation internationale d'une création canadienne, mais cela nous met sérieusement en garde, à mon avis, sur l'appui officiel canadien que peut recevoir une initiative internationale lancée ici.
Ces organisations qui se consacrent à la gouvernance mondiale et à la démocratisation sont fondamentales dans l'équation. Le travail continu des organisations non gouvernementales installées au Canada et de leurs partenaires de développement dans les pays en développement l'est d'ailleurs tout autant. Nous sommes conscients de l'intérêt renouvelé à l'ACDI qu'a exprimé la ministre responsable pendant les derniers jours internationaux sur le développement. L'ACDI veut élargir la place de la société civile dans les stratégies d'aide canadiens et les projets de l'OCDE pour l'aide officielle au développement. Ce pourrait être un début important.
Pour tirer quelques conclusions initiales de ces engagements, si l'on veut concevoir des méthodes différentes de voir la démocratisation et la gouvernance mondiale, il faudra mener des recherches approfondies et sérieuses, bien qu'en ce moment, elles soient très sous-financées. Il est également difficile de trouver des ressources pour financer le travail de recherche canadien essentiel dans le domaine pour l'élaboration des stratégies futures. C'est d'autant plus vrai depuis que la Commission du droit du Canada ne mène plus de recherches sur la mondialisation.
La société civile est d'une importance stratégique dans la démocratisation. Les partenariats nord-sud et sud-sud sont cruciaux. Il faut améliorer la politique d'aide canadienne ainsi que favoriser ces partenariats et y accorder une plus grande attention. Les réseaux de la société civile peuvent jouer et jouent un rôle crucial dans les activités de militantisme qui génèrent des changements importants dans la politique dans des domaines comme les mines terrestres, l'accès aux médicaments et l'allègement du fardeau de la dette. Les réseaux de la société civile s'intéressent de plus en plus à la démocratisation à tous les niveaux. Ceux qui mettent l'accent sur la démocratisation mondiale et les droits de la personne font preuve de créativité, et plusieurs organismes canadiens sont de véritables pionniers.
Nous avons plusieurs institutions remarquables, comme Droits et Démocratie, le Centre parlementaire, le Forum international de Montréal, de même que diverses ONG excellentes dans le domaine du développement. Cependant, dans bien des cas, ces organismes demeurent méconnus et se battent pour les ressources.
Que recommandons-nous? Très simplement, nous recommandons d'accorder une priorité renouvelée aux efforts pour favoriser la démocratie et améliorer l'efficacité de l'aide et d'augmenter les ressources octroyées à l'ACDI et aux autres organismes gouvernementaux pour aider les ONG canadiennes et leurs partenaires étrangers de la société civile qui travaillent au développement. Dans un objectif plus général, nous recommandons d'accorder la priorité à l'amélioration du soutien matériel accordé aux ONG canadiennes et internationales qui travaillent à la réforme démocratique d'institutions mondiales, régionales, nationales et sous-nationales, particulièrement celles qui utilisent un cadre détaillé des droits de la personne.
Nous recommandons également sur le plan de l'engament parlementaire qu'on tienne compte des recommandations formulées dans le cadre du processus d'Helsinki — qui sont décrites dans notre mémoire —, plus particulièrement en ce qui concerne le renforcement de la participation et de la responsabilisation sectorielles. Il faut appuyer la création d'une entente fondée sur le modèle de la convention d'Aarhus, par exemple, dans un contexte nord-américain.
Enfin, pour les institutions établies au Canada qui se consacrent à la défense de la démocratie et des droits de la personne, nous recommandons en priorité d'améliorer le travail des organismes existants, notamment par l'appui de deux propositions : celle de Droits et de Démocratie d'améliorer l'engagement des partis politiques et celle de tenir de forums périodiques pour les organismes établis au Canada qui défendent les droits de la personne et la démocratie.
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Merci. Je remercie le comité de m'avoir invitée.
J'aimerais commencer par une petite mise en contexte. J'aborde surtout la démocratie et la démocratisation d'une perspective de relations internationales. Depuis de nombreuses années, mon travail porte surtout sur les activités militaires internationales, particulièrement sur celles des Nations Unies et sur leur participation aux conflits. J'observe donc la question de la démocratie et celle de la démocratisation sous le même angle que les Nations Unies, par la porte arrière, en fait, puisque l'ONU se mêle de plus en plus de conflits entre États, un phénomène qu'on observe surtout mais non exclusivement depuis la fin de la guerre froide.
De plus en plus, les Nations Unies doivent s'interroger sur le rôle de la démocratisation dans ces situations. On est de plus sensibilisé au fait, par exemple, que la paix est plus que l'absence de guerre dans ces situations et l'on se demande de plus en plus comment la démocratie influence la probabilité de la paix et de la stabilité à long terme dans les situations de conflit et quel lien il existe entre la démocratie et les autres aspects de l'après-conflit. C'est de ce point de vue que j'aborde la question, donc vous le sentirez dans mes observations.
J'aimerais simplement aborder trois éléments dans ce contexte. Je m'intéresse surtout au rôle de la démocratie et de la démocratisation dans l'après-conflit. Ces trois éléments sont les suivants : le premier, c'est que le processus de démocratie dans ces situations diffère de celui dans les situations où il n'y a pas de conflit. Le deuxième est assez connexe, c'est qu'il y a des situations dans lesquelles la démocratisation peut être un syndrome générateur de conflit. Le troisième y est lié aussi, c'est que la façon dont nous favorisons la démocratisation et le moment où nous le faisons ont de l'importance. Je vais donc naviguer entre ces trois éléments et parler des questions qui en découlent.
Mon premier point, c'est que la démocratisation a des caractéristiques particulières après un conflit. Cela s'explique premièrement parce que dans presque tous les cas, compte tenu de la nature des institutions, l'idée que la démocratisation devrait faire partie de l'après-conflit est sous-jacente aux accords de paix qui mettent fin aux conflits. Cela signifie beaucoup de choses. Cela peut signifier que la nature du processus établi et des institutions envisagées n'est pas nécessairement conductrice de stabilité et de paix à long terme. Cela signifie également que la communauté internationale, par des organismes comme l'ONU ainsi que par les États qui appuient le processus, ont tendance à ne pas porter de jugement sur ces postulats de base. L'accord de paix est traité comme un produit de négociation qui a rassemblé les groupes en guerre et du coup, il reste intact. Ainsi, le fait qu'il puisse porter les germes des problèmes futurs n'est pas une possibilité qu'envisage la communauté internationale.
Cela nous mène à un autre élément, soit l'importance des élections. Dans les accords de paix conclus après un conflit, la communauté internationale et les autres États, collectivement, ont tendance à attribuer divers objectifs aux élections suivant un conflit. Les élections sont perçues comme une stratégie exutoire. On a tendance à les tenir plus tôt que tard et en général, on met beaucoup l'accent sur elles. Toutefois, des élections hâtives peuvent faire croître l'instabilité. Dans la mesure où elles sont perçues comme une stratégie exutoire, elles peuvent également devenir le faux symbole de la fin d'un conflit. Elles deviennent une porte de sortie pour la communauté internationale aussi.
Depuis la fin de la guerre froide, en particulier, on comprend que les élections ne signifient pas que la démocratie est installée ni même qu'il y a un processus de démocratisation en cours. Nous avons tendance à juger les élections au moment où elles ont lieu, selon si elles sont libres et justes, plutôt que d'essayer de déterminer si elles jouent un rôle positif dans l'environnement suivant le conflit.
L'une des questions liées aux élections est celle de l'inclusion. Qui est inclus dans le processus politique qui suit un conflit et comment? L'une des questions fondamentales, c'est que faisons-nous avec les groupes qui, en termes de relations internationales, sont souvent qualifiés de saboteurs? On entend par saboteurs un groupe qui cherche à miner le processus de paix ou le processus de l'après-conflit.
Les groupes extrémistes peuvent être des saboteurs ou des acteurs séparés. Comment les inclure dans le processus? A-t-on raison de croire qu'il est positif de les inclure dans le processus? L'inclusion des groupes extrémistes, de saboteurs potentiels, se fonde-t-elle sur l'espoir que leur inclusion les porte à modérer leurs objectifs, leurs buts et leurs méthodes? On ne sait pas trop si c'est une bonne évaluation de la situation.
L'inclusion joue aussi parce que la démocratisation ne se résume pas à un processus et à des institutions, puisqu'il faut aussi créer une culture politique qui favorise l'idée de la démocratie et de la démocratisation. C'est un objectif particulièrement difficile à atteindre après un conflit, et il faut du temps pour y arriver. Par ailleurs, nous avons tendance à ne pas en tenir compte dans l'équation, parce que nous avons tendance à voir tout cela d'un point de vue surtout fonctionnel.
Toujours du point de vue selon lequel la démocratisation est différente après un conflit, il y a la question de l'opportunité. Mon dernier point tient au fait que la démocratisation est un processus à long terme. Après un conflit, il y a beaucoup de besoins de base à très court terme. Nous avons appris des conflits internes qui peuvent survenir après un conflit, depuis la fin de la guerre froide, que ce que nous faisons ou ne faisons pas immédiatement après la signature d'un accord de paix changent beaucoup de choses. Si la communauté internationale ou les pays étrangers tardent à appuyer l'accord de paix, on ouvre la porte à beaucoup de choses.
On ouvre la porte au réarmement de divers groupes, à la perception par ces groupes que la situation demeure instable et à un changement de priorités et d'appui de leur part parce qu'ils s'attendent à ce que les choses dégénèrent. Ensemble, tous ces facteurs contribuent à une instabilité à long terme qui envoie des messages à toutes les parties au conflit. De plus, ils laissent l'impression que l'engagement politique de la part de la communauté internationale et des États étrangers est loin d'être total, ce qui influence également les positions et les perceptions des groupes en guerre.
De façon plus générale, l'opportunité de l'accord dépend de ce qu'on appelle souvent dans la littérature « l'enchaînement ». C'est toute la question du moment où l'on met l'accent sur quelles institutions pendant le processus. À quel moment est-il juste ou utile de tenir des élections? Quand les élections devraient-elles avoir lieu et que devons-nous faire pour protéger les droits? Cela rejoint certaines des questions que John a soulevées. Est-il possible d'entreprendre la démocratisation dans une situation qui est loin d'être sûre ou la démocratisation peut-elle contribuer à accroître la sécurité avec le temps? Encore une fois, nous comprenons que ces questions sont importantes, mais nous n'avons pas encore beaucoup de réponses sur ce qui est important et quand.
Le deuxième grand élément est le fait que la démocratisation peut générer des conflits. Cela dépend notamment de la façon dont les minorités et les autres groupes de la société sont traités. Il faut reconnaître davantage que la démocratisation peut à la fois donner du pouvoir et en enlever. Elle peut enlever du pouvoir aux groupes qui étaient habitués à avoir l'accès exclusif au pouvoir avant le conflit ou l'après-conflit, mais peut donner du pouvoir aux groupes qui, pendant longtemps, ont subi les injustices d'autres groupes de la société et qui utiliseront ce processus pour y remédier.
Il y aussi la façon dont la citoyenneté est définie qui entre en jeu. Il faut nous demander qui est inclus, sur quelle base, comment les ententes de partage de pouvoir peuvent fonctionner. La question de la citoyenneté, particulièrement après un conflit ethnique ou qui du moins, divise des groupes minoritaires, a beaucoup d'importance. Nous pouvons le voir dans certains des conflits qui font rage aujourd'hui.
La démocratisation peut également générer des conflits, à court ou à long terme, si la démocratie est perçue comme un produit de la politique étrangère. Je veux dire par là que la démocratie et l'idée de la démocratisation sont souvent perçues comme des produits des sociétés occidentales, des intérêts occidentaux, plutôt que comme une valeur en soi. Tout dépend aussi de la mesure dans laquelle le processus de démocratisation, l'instauration de la démocratie, si l'on veut, est associé de plus en plus à la militarisation ou aux opérations militaires.
Nous pouvons maintenant parler de la militarisation de l'instauration de la démocratie. L'Irak en est un exemple évident, mais il y en a beaucoup d'autres, comme en Afghanistan et dans bien d'autres situations d'après-guerre, où l'ONU est intervenue et la force est entrée en jeu. Pour les personnes sur le terrain, la perception dépend du lien entre l'utilisation de la force et l'arrivée de la démocratie. Il faut mieux comprendre ce lien.
La question de savoir si la démocratie est une construction de l'Occident, une valeur occidentale, ou une valeur universelle est fondamentale pour l'ONU. Comme l'ONU intervient de plus en plus dans les situations d'après-guerre entre des États, elle a dû, comme je l'ai dit au début, se demander où et comment la démocratie joue un rôle. Par conséquent, l'ONU se trouve souvent dans une position de défenseur de la démocratie.
Depuis la fin de la guerre froide, les deux secrétaires généraux eux-mêmes, d'abord Boutros-Ghali puis Kofi Annan, se sont faits de plus en plus des défenseurs de la démocratie dans leur poste. C'est particulièrement vrai de Kofi Annan. Comme vous pouvez certainement l'imaginer, c'est assez controversé. Il y a des États membres qui ne sont pas contents que l'ONU doive jouer un rôle dans la défense de la démocratie, même après un conflit où les parties conviennent que la démocratie fera partie de l'accord de paix.
C'est lié en partie aux questions récurrentes de la souveraineté. Avec la responsabilité de protéger, par exemple, on accepte de plus en plus que la souveraineté n'est pas sacro-sainte, et pour ceux qui résistent à ces idées, la perspective que la démocratisation ou la démocratie soit une valeur universelle importante est encore perçue comme une autre attrape que les États occidentaux peuvent utiliser comme critère pour intervenir dans d'autres États.
Si nous voulons présenter la démocratie comme une valeur universelle, nous devons être en mesure de l'expliquer mieux que maintenant. C'est un facteur auquel réfléchissent beaucoup les acteurs des Nations Unies, mais je pense qu'il préoccupe tous les États aussi. À cet égard, les perceptions viennent aussi de l'image ou de l'impression dans divers États que l'ONU a beaucoup de standards doubles. Pourquoi, par les Nations Unies, réagissons-nous à certains conflits en y investissant des ressources et nous engageons-nous à régler certains conflits plutôt que d'autres? Quand nous nous posons la question à la lumière de celle de savoir si la démocratie est une valeur occidentale ou non, on peut comprendre comment le tout pose problème.
Enfin, le type d'enchaînement dont j'ai parlé très rapidement me mène à mon troisième point, soit que la façon et le moment dont nous faisons les choses ont de l'importance. Je pense que nous devons absolument comprendre l'importance des particularités contextuelles. Depuis la fin de la guerre froide, il y a une vague, si l'on veut, ou une explosion du nombre d'États dans le monde qui se qualifient de démocratiques ou que nous considérons comme démocratiques. Cela signifie qu'en 15, 17 ou 18 ans, notre base de données, si l'on veut, a augmenté beaucoup. Toutefois, nous n'avons pas encore entrepris, dans la littérature universitaire ou au niveau politique, d'étudier en profondeur les leçons que nous pouvons tirer de toute cette expérience pour déterminer comment la nature de certains contextes touche la démocratisation et le processus de paix qui s'amorce après un conflit.
Pour ce qui est du Canada, par exemple, vous pourriez notamment faire valoir comme argument sur cette base qu'il ne suffit pas d'inscrire simplement la démocratie ou la démocratisation parmi les trois D, ou dans le cadre d'une approche décloisonnée, peu importe l'appellation qu'on lui donnera. En sa qualité de chef de file dans ce dossier, le Canada pourrait s'employer à mieux faire ressortir les nuances et les complexités associées à ce processus, et mener ou commander une étude pour examiner de façon approfondie l'importance de la spécificité de chaque contexte et du choix d'une intervention appropriée. Il est possible qu'un certain modèle de démocratie ou de démocratisation fonctionne dans un cas particulier, mais que dans une autre situation pouvant être assez semblable, avec seulement quelques distinctions, les résultats soient entièrement différents sans compter, comme je l'ai mentionné, le risque de semer les germes d'une instabilité à long terme ou même d'une reprise des conflits.
Toutes ces questions font appel à notre compréhension du concept de violence politique, qui ne se manifeste pas seulement sous la forme de conflits entre états ou à l'intérieur d'un pays, mais aussi dans le cadre de guerres civiles, de querelles ethniques et de terrorisme. Si vous voulez, on peut considérer qu'il existe tout un spectre de formes distinctes de violence politique. C'est d'ailleurs devenu un sujet d'étude de plus en couru chez les universitaires qui se demandent quel type de situation mène à quelle forme de violence politique. Je veux donc faire valoir qu'il est bon de considérer la démocratie de la même manière et de faire le lien avec notre compréhension des choses.
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Je suppose que la question s'adresse à nous deux. Je peux apporter quelques précisions.
Premièrement, j'aurais tendance à être d'accord avec ceux qui prônent le conservatisme en matière d'exportation de la démocratie, si je puis m'exprimer ainsi, en tant que priorité en matière de politique étrangère, étant donné que ce n'est pas ce que je préconise. Je pars de l'hypothèse que pour encourager le développement démocratique, il faut à toutes fins utiles en semer les germes directement sur le terrain. C'est pourquoi j'insiste sur l'importance des liens, de société civile à société civile, et le renforcement des groupes de citoyens à l'échelon communautaire.
C'est l'objectif visé par Social Watch, mais les efforts ne se limitent pas à cela. Des milliers de réseaux ont été mobilisés en ce sens. Il est particulièrement urgent de rendre les groupes locaux mieux aptes à remettre en question les agissements des autorités en place et à demander des comptes à celles-ci.
Par exemple, si vous examiniez l'évolution des organisations non gouvernementales africaines au cours des 10 dernières années, vous constaterez qu'elles sont maintenant nettement mieux outillées pour apporter leur soutien et remettre en question les actions de leurs gouvernements dans des dossiers comme les négociations commerciales à l'OMC. Cette amélioration est en grande partie attribuable aux interactions avec des groupes de l'Asie, de l'Amérique du Nord et de l'Europe ainsi qu'au soutien d'organismes de financement non gouvernementaux, comme Oxfam notamment, qui ont pris des engagements à ce chapitre.
C'est donc un peu de cette manière que je vois les choses. Lorsque j'ai parlé d'urgence, c'était davantage en référence à la réforme de la gouvernance mondiale, car nous avons pu constater un élargissement du mandat et des assignations d'organismes comme l'OMC, sans évolution équivalente des mesures de responsabilisation démocratique, si ce n'est de manière indirecte, via les incidences des accords conclus sur la vie des gens qui n'ont toutefois pas directement accès au processus.
Dans le cadre du processus d'Helsinki, nous essayons de voir comment nous pourrions renverser la vapeur. Pour ce faire, on pourrait notamment établir des liens plus étroits entre les gens comme vous et les intervenants à l'échelle internationale, pas seulement par le truchement d'associations informelles, mais aussi à l'intérieur de cadres plus officiels.
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Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.
Monsieur le président, membres du comité, bonjour et merci de nous avoir invités aujourd'hui pour vous parler du rôle que jouent les policiers canadiens dans le développement de la démocratie dans le monde.
Je suis accompagné par le surintendant principal Dave Beer, qui, de toute évidence, n'a plus besoin de présentation pour les membres de votre comité. Dave dirige le programme international du maintien de l'ordre des Opérations fédérales et internationales et possède, je ne vous apprends rien, une très vaste expérience des opérations de paix à l'échelle internationale. Je crois donc que nous pouvons tous les deux répondre à la vaste majorité de vos questions.
Comme vous le savez, la stabilité et la primauté du droit sont essentielles au développement de la démocratie.
[Français]
Au cours des 17 dernières années, la Gendarmerie royale du Canada a aidé les forces de l'ordre public dans bien des pays à l'échelle mondiale. Elle le fait en partenariat avec d'autres services de police canadiens depuis 1996.
[Traduction]
De façon générale au cours de cette période, les opérations policières canadiennes à l'étranger sont passées pratiquement inaperçues. Le public continue d'être peu informé au sujet des efforts qui sont déployés. Toutefois, compte tenu du nouveau financement permanent affecté au programme et de l'augmentation des demandes provenant d'organisations internationales qui ont besoin de plus de policiers canadiens, cela pourrait bientôt changer. Bien que des études indiquent que le nombre de conflits dans le monde a diminué au cours des 10 dernières années, la lacune en matière de sécurité qui résulte des conflits dans les États défaillants et les États en déroute a donné lieu à un environnement dans lequel le crime organisé et les groupes terroristes sont solidement établis. Cela a des répercussions directes sur le processus de démocratisation.
[Français]
Nous savons désormais que pour créer et maintenir un environnement sûr et stable, il ne faut pas seulement mettre fin aux conflits armés, mais il faut également établir des institutions compétentes en matière de sécurité, notamment une force policière, un système judiciaire et un service correctionnel.
[Traduction]
Grâce au nouvel arrangement sur la police civile au Canada, le cadre stratégique du gouvernement pour le déploiement de forces policières à l'appui des objectifs canadiens en matière de politique étrangère, le Canada sera en mesure de déployer jusqu'à 200 policiers dans le cadre d'opérations internationales de soutien de la paix, d'ici la fin de l'exercice 2007-2008. Bien qu'il s'agisse d'une contribution importante à la paix et à la sécurité dans le monde, cela ne répond pas à la demande croissante de policiers dans les opérations internationales de soutien de la paix.
[Français]
La mondialisation, le crime conventionnel et les défis environnementaux ont exercé des pressions considérables sur la GRC pour qu'elle améliore sa capacité d'oeuvrer au delà des frontières du pays. Pour ce faire, la GRC a dû renforcer sa capacité de sélectionner, d'équiper, d'affecter, de soutenir et de réintégrer des spécialistes partout dans le monde, afin d'être prête à intervenir en cas d'urgence et à donner suite aux enquêtes criminelles à l'échelle internationale.
[Traduction]
Pour mener des enquêtes canadiennes à l'étranger, il faut s'associer à des organismes policiers partenaires qui peuvent mener des enquêtes de façon conforme aux normes internationales. En outre, il faudra réaliser des investissements considérables pour renforcer la capacité d'association avec des organismes policiers partenaires à l'échelle internationale. Jusqu'à la signature du nouvel APCC au printemps dernier, les fonds débloqués pour des opérations de paix de la police canadienne étaient affectés selon le principe de la récupération des coûts, ce qui donnait lieu à une approche réactive pour ce qui est de la gestion de cette capacité. La situation a néanmoins changé.
Le Canada peut maintenant adopter une approche proactive pour ce qui touche les opérations policières internationales, la collaboration avec d'autres organismes gouvernementaux visant à entreprendre une démarche pangouvernementale, la détermination de secteurs d'intérêts stratégiques et le perfectionnement d'employés possédant la compétence nécessaire pour relever le défi qui consiste à oeuvrer dans ces milieux. Cela signifie que la GRC et les organismes policiers partenaires doivent aménager un cadre de policiers experts prêts à collaborer à des opérations de paix à l'étranger. La constitution d'un ensemble de compétences peut permettre d'apparier des spécialistes avec des missions particulières en fonction de leurs talents. Ainsi, ces hommes et ces femmes pourront être déployés plus rapidement que dans le passé et, ce qui est peut-être le plus important, les déploiements vont permettre de réduire la portée des moyens d'action des forces policières nationales de notre agence et de ses partenaires.
[Français]
Bien entendu, le Canada ne peut pas offrir tous les services voulus à tout le monde. Il est important que les ressources s'harmonisent aux objectifs touchant la politique étrangère du Canada. En outre, des stratégies doivent être élaborées à l'aide d'une démarche pangouvernementale, de façon à mener à bien le processus de démocratisation à long terme et à favoriser le développement post-conflit.
[Traduction]
Au fil des ans, le Canada a aidé de nombreux pays à devenir des endroits plus sûrs ce qui permet de poser les jalons du développement démocratique. En voici quelques exemples.
Au Kosovo, la police canadienne a grandement contribué au développement du nouveau service de police kosovar.
En Jordanie, la police canadienne a aidé à former plus de 34 700 aspirants-policiers iraqiens, c'est-à-dire un nombre beaucoup plus élevé que celui initialement prévu, soit 32 000 aspirants-policiers.
À Kaboul, en Afghanistan, elle a favorisé l'amélioration de la sécurité parlementaire. Au sud de ce pays, à Kandahar, elle a distribué de l'équipement, offert une formation en maniement d'armes ainsi que pour les véhicules automobiles et la mise au point. Elle a prêté main-forte pour réparer des véhicules de police et pour construire un nouveau poste secondaire.
En Bosnie-Herzégovine, elle a prêté son concours à la préparation et à la poursuite de causes délicates impliquant des politiciens et des organisations criminelles, lesquelles ont donné lieu à des chefs d'accusation, à des arrestations et à des condamnations.
[Français]
En Côte d'Ivoire, elle a participé à la réduction de manoeuvres frauduleuses dans des secteurs de marché où la police multiplie les patrouilles.
En Haïti, elle a collaboré à apporter des améliorations aux normes professionnelles touchant la police; en outre, elle a favorisé l'accroissement de l'efficacité de l'unité de lutte contre les enlèvements de la Police nationale haïtienne.
[Traduction]
Enfin, en Sierra Leone, sa collaboration avec le tribunal spécial de ce pays a permis d'intenter des poursuites contre un grand nombre d'individus membres des trois principaux groupes de combattants durant la guerre civile. La police canadienne a aussi élaboré un programme de protection des témoins et favorisé le renforcement de la capacité de l'unité d'enquêtes financières visant la préparation de cas complexes comme celui contre l'ancien président Charles Taylor.
Ce ne sont là que quelques-uns des résultats que nous avons obtenus.
L'expérience a démontré que la police joue un rôle important dans le maintien d'un environnement sécuritaire et stable lequel, comme je l'ai déjà mentionné, est un signe précurseur de développement économique, politique et social. Grâce à ses efforts à l'étranger, la police canadienne exporte sa culture, ses valeurs ainsi qu'un modèle établi de maintien de l'ordre démocratique.
Les leçons tirées des expériences passées démontrent que le développement soutenu nécessite un engagement à long terme. Le manque de planification à cet égard, c'est-à-dire ne pas faire en sorte que les ressources nécessaires soient disponibles pour maintenir un engagement à long terme, risque de causer plus de mal que de bien aux personnes qui reçoivent les services prévus.
L'expérience a aussi montré qu'une réforme fructueuse du secteur de la sécurité nécessite des stratégies qui visent le développement égal des capacités relatives à la justice, à la police et aux services correctionnels. Autrement dit, la police n'est pas trop utile en l'absence de tribunaux qui peuvent évaluer de façon équitable les preuves qui pèsent contre un accusé et en l'absence d'établissements correctionnels modernes qui soient en mesure de recevoir les personnes reconnues coupables.
Il est important de veiller à ce que tous les éléments susmentionnés disposent des outils nécessaires pour bien faire leur travail et à ce qu'ils reçoivent régulièrement un salaire approprié. Il est important de noter que, même si d'autres pays commencent à reconnaître la valeur de l'établissement des capacités de la police en Afrique, le Canada est certainement le chef de file dans ce domaine et il se positionne à l'échelle du continent.
[Français]
Conformément aux engagements pris par le Canada dans le cadre du G8 visant à développer les capacités de l'Afrique, la GRC collabore avec le Centre Pearson pour le maintien de la paix, un organisme privé non gouvernemental, afin de développer les capacités d'organismes africains à faire preuve de leadership dans les opérations de paix.
Des progrès importants ont été réalisés dans le développement de la capacité de l'Afrique pour le déploiement des forces policières qui disposent des compétences nécessaires au fonctionnement efficace des opérations de paix.
[Traduction]
L'appui continu à l'égard de ce type d'initiative de mise en place des capacités en Afrique ainsi qu'à d'autres secteurs d'intérêt stratégique au Canada est essentiel si nous voulons assurer la sécurité des foyers et des collectivités au pays.
Alors que la plupart des forces policières canadiennes ont développé des capacités en matière d'ordre public, en règle générale, ces capacités sont insuffisantes pour déployer des unités entières à l'étranger. Toute contribution à l'égard des capacités nécessaires en matière d'ordre public pour les opérations de paix à l'échelle internationale doit toucher la mise en place des capacités ou l'éducation.
Une autre importante leçon consiste en la constatation que les forces policières canadiennes ont besoin d'une formation adéquate avant de pouvoir être déployées à l'étranger. Un investissement accru en formation préalable au déploiement, plus particulièrement dans un environnement intégré (militaire, policier et civil) améliorerait considérablement la capacité des Canadiens de contribuer à l'atteinte des buts et objectifs établis. Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de nous entretenir avec vous.
En compagnie du surintendant principal Beer, je serai heureux de répondre à vos questions.