:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant votre comité. C'est un honneur pour moi de vous présenter nos points de vue sur le projet de loi C-293.
[Traduction]
Je me propose de traiter de quatre points essentiels au sujet des implications potentielles du Projet . À chaque fois, je soulignerai les difficultés possibles, selon la version finale du projet de loi, que les membres n'auraient pas prévues ou pas pu discuter.
Tout d'abord, quand on parle de « Ministre compétent » dans ce projet de loi, on doit rester sensible aux obligations diverses de rendre compte des dépenses d'aide publique au développement du Canada — ou APD, acronyme que j'utiliserai. Le terme APD est négocié parmi les membres du Comité d'aide au développement de l'OCDE pour les aider à déterminer quelles catégories d'assistance internationale peuvent être considérées comme « aide » en tant que telle, à des fins de comparaisons statistiques entre pays. Ce n'est donc pas une définition établie par un acte législatif.
[Français]
Depuis plus de 20 ans, et sous différents gouvernements, au moins trois ministères ont été responsables des dépenses d'APD canadienne: la ministre de la Coopération internationale, qui est responsable de la majorité, mais pas de la totalité, de l'aide canadienne, par le biais de l'Agence canadienne de développement international; deuxièmement, le ministre des Finances, qui est responsable de la participation du Canada aux institutions de Bretton Woods, les plus gros bailleurs d'APD multilatérale; troisièmement, le ministre des Affaires étrangères, qui est responsable d'acquitter les quotes-parts du Canada aux organismes internationaux, dont une partie est considérée comme de l'APD, et de plus en plus, des différents types d'assistance aux activités promouvant la paix et la sécurité, eux aussi considérés comme de l'APD.
[Traduction]
Tandis que les montants d'APD assignés à chacun de ces ministères évolueront avec le temps, la division des tâches restera probablement la même. Il n'y a pas, et il n'y aura probablement jamais, de ministre sur lequel repose l'intégralité des responsabilités de la gestion de l'APD canadienne.
En outre, un pourcentage non négligeable de l'APD canadienne, soit environ 3 p. 100 ou 130 millions de dollars, est déboursé par le Centre de recherches de développement international, le CRDI. Bien que le CRDI rende compte au Parlement par le biais du Ministre des affaires étrangères, c'est un corps autonome, responsable devant son conseil indépendant, tel qu'établi par la Loi sur le CRDI. Comme le CRDI l'a précisé dans sa propre présentation écrite à ce comité, il y a des risques que le Projet soit incompatible avec certaines dispositions importantes de la Loi sur le CRDI.
Deuxièmement, les membres du Comité souhaiteront peut-être se pencher davantage sur l'alinéa 4(1)c) et ce qu'il implique, comme par exemple l'invitation à ce que l'APD canadienne se « conforme aux engagements internationaux du Canada par rapport aux droits de la personne ». Je tiens tout particulièrement à attirer votre attention sur les incidences du mot « engagements » dans ce contexte.
Les engagements du Canada par rapport aux droits de la personne découlent des traités internationaux sur les droits de la personne que nous avons signés et ratifiés. Ces engagements sont liés à la promotion et à la protection des droits de la personne par le gouvernement du Canada et dans la juridiction du Canada. La référence actuelle aux « engagements » du Canada par rapport aux droits de la personne accentue les droits de la personne des Canadiens, sans pour autant souligner le rôle de l'APD dans la promotion et la protection des droits de la personne au niveau international. Un libellé indiquant que les activités d'APD doivent être « conformes aux normes internationales des droits de la personne » serait conforme à la politique canadienne visant à protéger et à favoriser les droits de la personne au niveau international. Grâce à divers mécanismes, le Canada s'assure que d'autres gouvernements rendent également compte de leurs engagements par rapport aux droits de leurs citoyens. La référence aux « engagements canadiens vis-à-vis des droits de la personne » fait aussi courir le risque de dépasser les engagements bilatéraux qui existent actuellement en droit international et de réduire l'importance accordée aux responsabilités des pays bénéficiaires par rapport à leurs citoyens.
Troisièmement, si l'on se penche sur les responsabilités spécifiques du ministre des Affaires étrangères, il est important de préciser que le test de réduction de la pauvreté utilisé dans cette loi pourrait affecter notre capacité à financer les activités de certains organismes internationaux, puisque nos quotes-parts à différents organismes internationaux peuvent être considérés comme de l'APD — je vais vous en donner quelques exemples — 3 p. 100 de nos quotes-parts à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI; 18 p. 100 de nos quotes-parts à l'Union internationale des télécommunications, l'UIT; 80 p. 100 de nos quotes-parts à l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS; 100 p. 100 de nos quotes-parts à l'Organisation des États d'Amérique l'OEA.
J'ai retenu ces exemples pour vous donner une idée de la gamme des organisations concernées. Soit dit en passant, ces pourcentages concernent tous les pays donateurs qui revendiquent une aide publique au développement dans le cadre de leurs contributions.
Les objectifs de ces organismes peuvent varier, ce qui explique les différences de pourcentage que l'on observe. Le Canada n'est bien sûr qu'un pays parmi tant d'autres qui appartiennent à ces organisations et les programmes et priorités de ces organisations internationales sont déterminés par l'ensemble des membres qui les constituent. Le Comité devrait éviter de demander au ministre responsable de ces quotes-parts de certifier que ces organismes internationaux suivent des normes canadiennes sur la façon de dépenser la partie d'APD de leurs budgets.
Ma dernière remarque, la plus importante, visera à déterminer à quel point ce Comité et, dans l'avenir, un gouvernement lié par la loi, désire lier les dépenses d'APD canadienne aux objectifs de réduction de la pauvreté. C'est un centre d'intérêt plus étroit pour l'APD canadienne que la définition de l'OCDE, qui dicte que l'APD doit « avoir pour but essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie des pays bénéficiaires de l'aide. »
Une grande partie de l'aide au développement canadienne contribue aux objectifs de réduction de la pauvreté dans les pays en voie de développement, mais parfois de façon indirecte et sur une longue période, par des moyens tels que la sécurité des citoyens, l'amélioration de la gouvernance et de la capacité de définir des politiques gouvernementales, et le respect des droits de la personne.
Le ministère des Affaires étrangères, à travers son programme de sécurité humaine, et son Fonds pour la paix et la sécurité dans le monde, vise tous ces objectifs dans ses dépenses d'APD.
En voici quelques exemples tirés du dernier exercice financier du ministère des Affaires étrangères. On peut citer: les programmes de sensibilisation aux dangers des mines et des armes légères et de petit calibre, et à leur destruction; le déploiement de formateurs d'agents correctionnels en Côte d'Ivoire; l'achat et le transfert d'un système sécuritaire de courriel pour améliorer la coopération en matière de justice pénale dans les Amériques; la formation dispensée au Brésil en matière de protection des témoins; les séminaires donnés en Amérique centrale à propos de la conduite d'enquêtes sur les lieux d'un crime; l'aide en matière de gestion frontalière apportée à l'Autorité palestinienne; la sensibilisation aux droits de la personne en Indonésie, et le soutien au processus de paix en Colombie.
Voici maintenant quelques exemples qui pourraient faire l'objet d'un financement par les Affaires étrangères au cours du présent exercice financier : contributions aux pourparlers de paix au Sud-Soudan; appui à la réforme des services correctionnels; activités de réintégration de membres de gangs, et déploiement de geôliers en Haïti; contributions à des missions policières civiles de maintien de la paix par le biais de la GRC.
Bien qu'un certain lien existe entre chacune de ces activités et la réduction de la pauvreté, un rapport direct ne peut pas être établi dans tous les cas. Si ces programmes et projets continuent à recevoir l'appui du Parlement, il serait malheureux de les clore aux seules fins de se conformer à une interprétation stricte de l'APD canadienne.
Si la lutte contre la pauvreté présentant comme objectif de l'aide canadienne au développement était interprétée de façon stricte, le gouvernement pourrait se retrouver dans la position embarrassante de devoir signaler à l'OCDE ces dépenses en tant qu'APD, tout en niant qu'elles représentent de l'aide au développement parce qu'elles ne répondent pas à toutes exigences légales de la nouvelle loi.
Pour conclure, permettez-moi de vous lire un passage de la déclaration des chefs des pays du G-8 lors du sommet de St. Pétersbourg, en juillet dernier :
Ces dernières années, les organisations multilatérales et régionales ainsi que les États ont consacré énormément de ressources à l'élaboration de nouveaux instruments de stabilisation et de reconstruction. Les États, de leur côté, essaient de faire un meilleur usage de leurs ressources nationales en intégrant leur capacité de défense, de développement et de diplomatie à l'appui d'une planification et d'une stratégie communes en vue de favoriser la stabilisation et la reconstruction.
Le Comité d'aide au développement de l'OCDE, auquel le Canada appartient, a applaudit à cette approche qu'il encourage. L'OCDE a lancé d'importants programmes pour harmoniser les pratiques exemplaires des pays bailleurs de fonds d'États fragiles afin de mieux comprendre les réformes du système de sécurité et de mieux les intégrer aux programmes de développement, et aussi pour préciser la façon dont l'APD est définie et appliquée par les pays donateurs dans ces contextes.
Nous sommes fiers de pouvoir dire que le Canada est un chef de file en ce qui concerne ces activités destinées à améliorer la cohérence et la transparence des activités des bailleurs de fonds à l'appui de l'APD et de la sécurité dans le monde.
Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé et de votre patience.
:
Si vous le permettez, je vais répondre en anglais, car je parle un peu lentement.
[Traduction]
De plus, cela me permet de réfléchir plus clairement.
Mon quatrième point traitait des programmes actuellement administrés par le ministère des Affaires étrangères, essentiellement dans les domaines de la paix et de la sécurité, qui obéissent à un certain nombre d'objectifs.
La réduction de la pauvreté ne constitue pas l'un des principaux objectifs de ces programmes. Ce n'est le cas que pour certains. Beaucoup ont un rapport indirect avec cet objectif. J'estime que, si l'on améliore la sécurité des citoyens, on contribue automatiquement à la promotion des droits de la personne ou à la réduction de la criminalité et qu'on permet aux états bénéficiaires d'utiliser plus efficacement les ressources dont ils disposent afin, au bout du compte, de réduire la pauvreté.
Ainsi, pour compléter un peu la réponse que j'ai donnée à la question de M. McKay, je vous dirai qu'il faut savoir où commence la réduction de la pauvreté, mais ce que je peux clairement vous dire — parce que je crois que cela correspond tout à fait à l'esprit de ce dialogue — c'est que le lien avec la réduction de la pauvreté ne sera pas direct. Il ne sera pas aussi direct, par exemple, que dans le cas d'un projet qui consisterait à distribuer des additifs nutritionnels à des populations démunies ou à dispenser un programme de puériculture.
Les gouvernements poursuivent, pour différentes raisons, des objectifs de politique plutôt généraux qui sont reconnus à l'OCDE depuis un certain temps déjà comme donnant lieu à une utilisation légitime de l'aide publique au développement, telle que définie par les pays bailleurs de fonds. Si l'on retient la réduction de la pauvreté comme objectif principal de l'aide — en fonction de la définition stricte qu'on en donnera — cela pourrait vouloir dire qu'aux termes de cette loi, l'aide publique au développement du Canada pourrait être limitée par une définition plus étroite que celle qu'appliquent et continueront d'appliquer les autres bailleurs de fonds, peu importe l'orientation que décidera d'adopter le Parlement du Canada.
Je vais inviter mon collaborateur, M. Tellier, qui se montre si patient, à vous répondre également à ce sujet.
:
Merci beaucoup d'être venus nous voir cet après-midi, messieurs.
Je me propose de revenir rapidement sur ce que vous avez dit au début. D'abord, je ne vois pas une seule personne dans cette pièce qui ne soit pas entièrement d'accord avec le fait que plusieurs ministres peuvent être chargés de ce genre de responsabilités. Comme ces ministres doivent tous rendre des comptes, peu importe le changement de libellé qui s'impose, il est simplement question de refléter ce à propos de quoi nous sommes d'accord.
Deuxièmement, pour ce qui est des préoccupations concernant le CRDI — et j'ai d'ailleurs apprécié d'obtenir un mémoire du Conseil dont vous avez un peu parlé —, le fait qu'il s'agisse d'un organisme autonome devant rendre des comptes à un conseil d'administration indépendant l'exonère de la portée du texte dont nous sommes saisis. Cependant, je dois dire qu'à la suite de la récente mission du comité en Europe, nous en sommes venus à la conclusion que nous ne connaissons pas et ne comprenons pas tout ce que nous devrions savoir ou comprendre au sujet du CRDI. C'est là notre responsabilité et j'espère que nous allons faire davantage. Nous entendons beaucoup plus parler des initiatives du CRDI de nos contacts à l'étranger qu'ici, au Canada. Je pense donc qu'il est utile de jeter un peu de lumière sur toute cette question. Cela renforce l'intérêt que nous portons à toute cette entreprise, mais je ne crois pas que ça empiète sur la loi. Rien de ce que vous nous avez dit semble suggérer le contraire. Ainsi, à moins que vous ayez autre chose à dire à ce sujet, j'estime personnellement que ce projet de loi ne pose aucun problème.
Troisièmement, je tiens à dire que je suis d'accord avec mon collègue John McKay. Il suffirait d'un changement aux normes internationales des droits de la personne pour régler le problème que vous avez mentionné au sujet du terme « engagement », et j'espère donc que nous parviendrons à un consensus à ce sujet.
Passons rapidement à tout ce que vous nous avez dit au sujet des quotes-parts admissibles en tant qu'APD. Je ne sais pas si nous aurons le temps de parler de cela comme nous le souhaiterions, mais je vais vous poser une question directe. Vous avez mentionné un certain nombre de choses, à commencer par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, de l'Union internationale des télécommunications, et ainsi de suite, puis d'un certain nombre de programmes — comme le programme de lutte contre les mines antipersonnelles, le déploiement de formateurs d'agents correctionnels et ainsi de suite. Dois-je effectivement comprendre, d'après ce que vous nous avez dit, que toutes ces choses-là sont admissibles au titre de l'APD compte tenu de la définition qu'en donne l'OCDE et à laquelle nous nous conformons? Je suis consciente que, dans certains cas, comme vous l'avez expliqué, l'aide n'est pas reconnue comme APD en totalité. Toutefois, dans tous les exemples que vous nous avez donnés, la définition d'APD s'applique en totalité ou en partie, n'est-ce pas?
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Merci de m'avoir invité aujourd'hui. J'espère, d'abord, vous fournir certains renseignements utiles au sujet du rôle que joue le ministère des Finances vis-à-vis des institutions de Bretton Woods, en particulier de l'aide au développement, puisque ce sujet a soulevé certaines questions lors de réunions précédentes du comité.
Comme vous le savez, la plupart des activités exercées par le ministère des Finances ne sont pas liées à l'aide au développement. Nous tirons nos pouvoirs de 143 lois parmi lesquelles se trouve la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes qui s'appliquent le plus clairement à l'aide au développement; je crois que cela se retrouve aux articles 9 et 10 du projet de loi.
La Loi sur les accords de Bretton Woods établit les pouvoirs législatifs du ministre en ce qui a trait aux contributions à la Banque mondiale et au FMI. Le ministre effectue trois paiements principaux en matière d'aide au développement. D'abord, il y a les contributions au volet de financement sans intérêt de la Banque mondiale, appelé l'Association internationale de développement. Deuxièmement, il y a les contributions au volet de financement à faible taux d'intérêt du Fonds monétaire international, appelé Facilité pour la réduction de la pauvreté et de la croissance. Enfin, il y a les paiements versés aux termes de l'Initiative d'allègement de la dette multilatérale, dans le cadre de laquelle des donateurs financent l'allègement total de la créance de pays admissibles envers le FMI, l'IDA de la Banque mondiale et le Fonds africain de développement. Cette année, le ministère versera en tout 367 millions de dollars sous ces trois volets. Le budget total du Canada en matière d'aide internationale est d'environ 3,8 milliards de dollars.
Outre le pouvoir d'effectuer des paiements, la Loi sur les accords de Bretton Woods établit aussi les exigences de présentation de rapports annuels au Parlement par le ministre des Finances. Dans le document qui vous a été remis en même temps que le rapport que le ministère des Finances dépose chaque année à ce sujet, je cite l'article 13 de la loi qui nous régit. Celui-ci exige que le ministre présente au Parlement
un rapport annuel concernant un résumé général des opérations visées par la Loi et un exposé détaillé de toutes les opérations qui intéressent directement le Canada, notamment les ressources du Groupe de la Banque mondiale et les prêts qu'elle consent, les sommes souscrites et les contributions faites par le Canada, les emprunts effectués au Canada et l'obtention de biens et de services canadiens.
Je signale que l'article 10 du projet de loi reprend à peu près les mêmes idées que l'article 13 de notre loi.
Enfin, la Loi définit aussi le rôle du ministre des Finances en sa qualité de représentant du Canada aux conseils des gouverneurs de la Banque mondiale et du FMI. À titre de gouverneur, le ministre des Finances exerce son influence dans le cadre d'échanges de points de vue aux assemblées annuelles des conseils des gouverneurs de ces institutions.
Ces discussions portent sur les grands objectifs stratégiques de la Banque mondiale et du FMI. Les décisions quotidiennes sont déléguées au conseil d'adminitration qui compte 24 membres. Les administrateurs de ces conseils sont nommés par les gouverneurs des groupes qu'ils représentent, mais ils sont employés de la Banque ou du Fonds. Ils ne sont pas employés de leurs gouvernements respectifs.
Il est donc important de signaler que nos administrateurs à ces deux institutions ne représentent pas uniquement le Canada. Il n'y a pas, à proprement parler, d'administrateur canadien. Nos administrateur représentent le Canada, l'Irlande et bon nombre de pays des Caraïbes. Il n'y a donc pas de Canadien qui représente uniquement le Canada à ces institutions, et cette précision sera importante pour la suite.
Je vais maintenant présenter quelques observations au sujet du et je vais parler de trois aspects importants de ce texte. Le premier concerne l'incidence qu'il pourrait avoir sur les pouvoirs législatifs du ministre des Finances dans les domaines autres que le développement. Je suppose que, d'après le témoignage que j'ai entendu hier et les remarques des membres du comité, que ce n'est pas voulu, mais nos conseillers juridiques nous mettent sérieusement en garde quant aux répercussions non intentionnelles de ce projet de loi, à cause de la façon dont il se présente actuellement. Deuxièmement, il y a un risque de confusion à l'égard des obligations redditionnelles prévues dans la Loi sur les accords de Bretton Woods. Troisièmement, il y a les restrictions touchant la communication des renseignements attribuables aux règles de confidentialité imposées par les conseils d'administration de la Banque et du FMI.
Pour ce qui est des pouvoirs du ministre des Finances, nos préoccupations sont de deux ordres et il en a été question dans vos premières séances. Nous sommes préoccupés par la portée de la définition d'« aide au développement », par rapport à ce qui est autorisé en vertu de l'article 4. Je vais vous donner trois exemples de problèmes potentiels qui pourraient découler de cette situation.
Les engagements du Canada au chapitre de la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité dans les pays en développement tomberaient sans doute sous le coup de la définition d'aide au développement que M. McKay a présentée au comité. Il s'agirait de fonds versés à des pays en développement pour promouvoir leur essor économique grâce à l'amélioration de leur système bancaire. Or, à la façon dont le projet de loi s'articule actuellement, et en fonction des activités qui obéiraient à la définition d'aide au développement, le gouvernement risquerait de ne pas pouvoir dépenser dans les domaines correspondant à la définition large d'aide au développement qui n'aurait pas pour principal objectif de réduire la pauvreté. Non seulement nous ne pourrions pas compter ce genre de dépenses en tant qu'APD, mais nous n'aurions même pas la possibilité de les effectuer.
Notre principale préoccupation concerne donc les domaines de dépense du ministère des Finances comme la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité. Un autre domaine est celui de l'allègement tarifaire unilatéral. Bien que ce programme puisse avoir un effet positif sur le développement économique de pays en développement, son premier objectif n'est pas de réduire la pauvreté.
Je ne pense pas que c'était là l'intention visée avec le projet de loi, mais notre service juridique craint que le texte actuel ait ce genre de répercussion. Les activités tomberaient sous le coup de la définition élargie de l'aide au développement, notamment les activités de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité, l'allègement tarifaire unilatéral et même l'Initiative bilatérale d'allègement de la dette pour des pays comme l'ex-Yougoslavie, ces programmes devant désormais répondre au critère de réduction de la pauvreté. Si les activités échouaient à ce critère, le gouvernement ne pourrait plus les financer.
Prenons, par exemple, l'Initiative bilatérale d'allègement de la dette qui, vous vous en souviendrez, a été appliquée à l'ex-Yougoslavie après le conflit des Balkans. Ce genre d'aide correspond aisément à la définition d'aide au développement, mais la pauvreté au pays ne constituait pas le facteur déterminant de l'aide accordée. Il s'agissait plutôt de tenir compte de la réalité financière selon laquelle, face à un imposant défi économique et financier, ce pays n'avait pas la capacité requise pour s'acquitter du service de la dette dans les prochaines années. Si le projet de loi C-293 avait été en place, le ministre n'aurait peut-être pas pu fournir ce genre d'aide, puisqu'il lui aurait été difficile d'établir un lien direct entre l'annulation de la dette et la réduction de la pauvreté, comme l'exige l'article 4.
Même dans le cadre des institutions de Bretton Woods et en particulier de la Banque mondiale, nous ne pourrons peut-être pas verser ce genre de contribution, car elle n'est pas directement liée à la réduction de la pauvreté.
Prenons, par exemple, les organismes d'aide au développement du secteur privé qui sont affiliés à la Banque mondiale — soit la Société financière internationale et l'Agence multilatérale de garantie des investissements — qui consentent du financement à des sociétés dans l'espoir d'améliorer l'état de l'économie des pays où elles se trouvent et donc d'aider les citoyens, notamment les plus pauvres d'entre eux.
Toutefois, quand il s'agit de paiements ponctuels, il est difficile d'établir un lien direct entre une subvention ou une assurance risque fournie à une petite entreprise et la réduction de la pauvreté. Il y a lieu de craindre, compte tenu de la définition large qu'on accorde à l'aide au développement et du facteur restrictif voulant que seules les dépenses destinées à réduire la pauvreté peuvent être financées, que le gouvernement ne puisse contribuer à ces organismes importants affiliés au groupe de la Banque mondiale et auquel la plupart des autres pays contribuent.
Deuxièmement, il y a la question de la confusion en ce qui concerne les obligations redditionnelles. Comme je l'ai indiqué plus tôt, les exigences de présentation de rapport prévues dans la Loi sur les accords de Bretton Woods établissent clairement que le ministère des Finances doit rendre compte des opérations aux termes de cette loi en présentant un rapport annuel au Parlement.
À la façon dont j'interprète les articles 9 et 10, trois rapports sont à présent exigés au sujet de l'aide au développement: un qui doit être produit par le ministre de l'ACDI, un autre par le ministre des Finances en vertu de l'article 10, qui recoupe essentiellement un troisième rapport que nous produisons actuellement et que je vous ai fait remettre: il s'agit du rapport sur les opérations effectuées en vertu de la Loi sur les accords de Bretton Woods que le ministère des Finances dépose déjà. Il y a donc un risque que tout cela n'affaiblisse les obligations redditionnelles en semant la confusion au sujet du rôle particulier de chacun des ministres à cet égard.
Je devrais peut-être m'arrêter sur cette préoccupation très importante pour tous les représentants du Canada auprès des institutions de la Banque mondiale et du FMI. Cette préoccupation concerne la règle de confidentialité de ces institutions.
L'alinéa 10b), qui est repris à l'alinéa 9(1)d) précise que le ministre doit présenter au Parlement :
un résumé des observations présentées par les représentants canadiens à l'égard des priorités et des politiques des institutions de Bretton Woods.
La politique de la Banque mondiale en matière de diffusion de l'information et la politique de transparence du FMI exigent toutes deux que certaines questions débattues par les administrateurs et par le conseil des gouverneurs demeurent confidentielles. Je ferai, à cet égard, un parallèle entre les réunions du conseil des gouverneurs et celles du Cabinet. Pour encourager des échanges de vue francs et complets entre les administrateurs, l'information qui circule lors de ces réunions doit être gardée confidentielle. Signalons que les statuts de la Banque mondiale et du FMI accordent une immunité perpétuelle aux documents conservés dans leurs archives.
Un deuxième problème se pose quand vient le temps de décoder la position du Canada étant donné que nos administrateurs délégués ne représentent pas uniquement le Canada, mais aussi l'Irlande et plusieurs pays des Caraïbes. Il n'est donc pas possible, à la façon dont l'institution est structurée, de connaître la position des représentants canadiens qui siègent aux conseils d'administration, même si nous pouvions nous affranchir de la question de la confidentialité.
La nécessité de ce genre de protection au Canada est aussi prise en considération dans nos lois sur l'accès à l'information qui accordent expressément des exemptions au titre des renseignements fournis à titre confidentiel par des organisations internationales comme le FMI et la Banque mondiale et de la communication de toute information risquant, selon toute vraisemblance, de nuire à la conduite des affaires internationales.
Étant donné la nature franche des échanges lors de ces réunions, si le Canada devait publier un résumé détaillé de sa position, par exemple à propos de la performance économique d'un autre pays dans le cadre des délibérations du FMI, ce genre de remarque et d'impression quant à l'orientation qu'un pays devrait prendre pourrait avoir des répercussions sur les marchés, et il est certain qu'il y aurait un impact sur les relations entre États, ce qui pourrait être préoccupant.
Il ne faut pas en conclure que nous ne pouvons divulguer aucune des observations présentées par le Canada. Par exemple, et même si cela n'est pas exigé par la loi, dans le cadre du rapport du ministère des Finances sur les institutions de Bretton Woods, il est courant d'énoncer les positions adoptées par le conseil d'administration ainsi que celles du Canada relativement à toutes les résolutions adoptées. Nous essayons simplement de faire ressortir, pour le comité, le fait que nos administrateurs se retrouveraient dans une situation intenable s'ils devaient nous communiquer des informations en enfreignant ipso facto leur devoir de réserve.
Pour résumer, je dirai que nous voulions exprimer trois préoccupations au comité.
D'abord, à propos de la question de la définition de l'aide au développement à l'article 4. Si cette définition est élargie, on risque d'englober des activités comme la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité qui, en vertu de l'article 4, ne pourrait pas être financée parce qu'elle ne vise pas, en premier lieu, à réduire la pauvreté.
Nous soulevons cette question du point de vue du ministère des Finances parce que c'est notre ministre qui est investi du pouvoir non-attribué, en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, de dépenser dans un domaine donné. Si vous empêchez le ministre des Finances de dépenser dans tel ou tel domaine, par exemple au titre d'une aide au développement qui ne répondrait pas à l'objectif premier qui est de réduire la pauvreté, vous vous trouveriez à empêcher le gouvernement du Canada en général de financer ce genre d'activités. Nous pensons que cela fait problème.
Deuxièmement, il y a la question des exigences relatives à la présentation de rapports. Nous produisons déjà un rapport sur les institutions de Bretton Woods. L'alinéa 10d) reprend d'ailleurs ce qui est dit dans notre rapport. Je signale que 12 pays membres seulement sur 185 produisent un tel rapport. Quand l'Irlande a récemment ajouté son nom à cette liste, elle s'est inspirée de notre rapport qui, je pense, est excellent. Nous sommes préoccupés de constater que l'article 10 ne fait que reprendre ce que dit notre rapport.
Je n'ai bien sûr rien contre l'industrie des pâtes et papier au Canada, mais j'estime que nous devrions éviter d'imposer un rapport qui reprend quasiment à l'identique ce qui se trouve dans un autre.
Enfin, pour ce qui est de la règle de confidentialité et de la nouvelle exigence de produire un résumé, nous soulignons la position difficile dans laquelle pourraient se retrouver les représentants du Canada auprès de ces institutions, dans la mesure où ils pourraient devoir sortir de la discrétion à laquelle ils sont tenus. Nous nous trouverions, en fait, à révéler l'équivalent des informations confidentielles du Cabinet.
Je vous remercie.
:
Je pourrais peut-être essayer au niveau du principe pour parvenir aux mêmes résultats sans que cela, espérons-le, m'attire des ennuis au bureau.
À propos de la règle de confidentialité et de la boîte noire, il se trouve que le Canada a adhéré à cette institution et qu'il a signé un ensemble de règles. Au sein de cette institution, aux côtés des Britanniques et d'autres, nous avons insisté pour que la transparence du fonctionnement de l'institution soit améliorée et nous avons obtenu de bons résultats. Les deux rapports que nous produisons sont à la limite extrême de la transparence quand on considère ce que les pays peuvent divulguer en vertu des initiatives actuelles, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas insister pour que l'institution aille plus loin. Ce que je disais, c'est que si nous agissions unilatéralement en révélant des secrets d'alcôve, nous risquons d'être vite exclus de l'institution pour avoir placé nos administrateurs dans une situation intenable, étant donné que cela les contraindrait à enfreindre leurs propres règles.
Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de rendre plus transparent le fonctionnement de l'institution et les gouvernements qui se sont succédé ont tous oeuvré dans ce sens, notamment le ministre des Finances lors des récentes rencontres de Singapour, à propos du programme de lutte contre la corruption, qui avaient pour objet d'améliorer la transparence du fonctionnement de la Banque et du Fonds dans cette région.
Comme vous pourrez le constater en lisant le rapport, le Canada a la possibilité de faire rapport sur ses entreprises. Nous sommes très transparents au sujet de nos contributions au FMI et à la Banque mondiale quand nous accordons des fonds spéciaux pour des initiatives comme l'allègement multilatéral de la dette; nous expliquons ce dont il s'agit, comment nous nous y prenons et ce que cela donne. Nous avons cette latitude parce que nous contribuons à une initiative publique.
Le problème survient à propos des discussions qui se déroulent au niveau des administrateurs. Elles sont particulièrement confidentielles et donc protégées. La question de la confidentialité devient évidente dans le cas de nouveaux projets. Comme je l'ai dit, nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions, parce que chaque fois que nous rejetons un projet ou que nous nous abstenons de voter à son égard, nous l'indiquons dans le rapport et nous décrivons brièvement notre décision. Nous avons essayé de démêler les choses compte tenu du fait que le représentant canadien ne parle pas uniquement pour le Canada.
Si nous allions plus loin pour fournir plus de détails — et je comprends que c'est ce que beaucoup apprécieraient — nous nous trouverions à modifier fondamentalement la nature de l'institution, ce que nous ne pouvons pas faire unilatéralement. C'est finalement ce sur quoi porte l'appel que je vous adresse. Si l'on considère que la production d'un résumé à propos d'observations formulées par un représentant canadien constitue une obligation incontournable qui risque de nous placer dans une situation invivable, nous serions heureux que vous adoptiez un amendement permettant à nos administrateurs de continuer de s'acquitter de leurs obligations légales envers l'institution tout en améliorant les rapports, mais nous pensons être allés aussi loin que possible à cet égard.
:
À titre de rapport, j'avise les membres du comité que leur sous-comité s'est réuni le jeudi 23 novembre pour discuter des travaux du comité et faire les recommandations suivantes.
Tout d'abord, il est convenu que le comité discute de l'ébauche de rapport sur Haïti pendant la deuxième heure de la réunion du 5 décembre 2006. Nous sommes sur le point de parachever notre rapport que nous voulons prêt avant Noël, voire avant. Il prendra peut-être une heure.
Deuxièmement, il est convenu que le comité rencontre différents témoins en décembre pour étudier le développement démocratique, y compris John Williams, député, et Kevin Deveaux, député provincial. Nous avons fait un compromis à cet égard. Deux personnes veulent nous rencontrer, l'une pour nous parler de la corruption et l'autre pour nous entretenir d'un sujet dont je ne suis pas certain. Mme McDonough pourrait nous donner plus de renseignements à ce sujet. Le député provincial Deveaux a beaucoup d'expérience dans les questions de développement de la démocratie et de l'aide au développement. J'oserais dire que les deux témoins représentent en quelque sorte un compromis.
Troisièmement, il a été convenu que la greffière du comité établisse, de concert avec le président, une proposition budgétaire — que vous avez devant vous — pour le projet de voyage du comité à Washington, D.C., et à New York, en février, et qu'il la soumette à l'attention du comité. Si vous avez des questions, nous pourrons parler de ce rapport qui vous a été remis.
Quatrièmement, et dernièrement, il est convenu que la très honorable Kim Campbell du Madrid Group soit invitée à comparaître devant le comité à une date ultérieure. Cela s'est réglé tout seul, puisqu'elle était ici lundi et que nous n'avons pas été en mesure de la rencontrer, mais c'était prévu à notre ordre du jour.
Avez-vous des questions au sujet du rapport du comité de direction?
Est-on d'accord pour adopter ce rapport?
Des voix: D'accord.
Le président: Il est adopté à l'unanimité. Je vous remercie.
Voulez-vous que nous passions au budget?
Nous disposons d'un budget de déplacement grâce auquel je vais pouvoir m'adresser au Comité de liaison. Ce budget concerne un déplacement à Washington et à New York. Le comité de direction m'avait demandé de m'entretenir avec mon whip, mais je dois vous avouer bien honnêtement que je ne l'ai pas encore fait.
Je rappelle au comité que, pour ce déplacement, nous allons utiliser un de nos points de voyage pour la branche d'Ottawa, ou de n'importe où ailleurs au Canada, à Washington. Le comité pourrait peut-être me rafraîchir la mémoire. Pour ce voyage, nous allons essayer de voir si nous ne pouvons pas utiliser un autre point de voyage pour la branche Washington-New York et retour au Canada. C'est cela? Ah non, ce n'est pas cela.
Monsieur Patry.