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Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. Je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole devant vous au sujet d'Haïti et de ses vastes ramifications pour la politique étrangère du Canada.
Stefan Paquette et moi-même sommes ici pour représenter SOS Villages d'Enfants, comme vous venez de le mentionner, monsieur le président.
SOS est le plus grand organisme caritatif au service des orphelins dans le monde, et SOS Villages d'Enfants Canada est une petite composante dans cette grande organisation internationale. J'aimerais vous faire connaître notre organisation et son action en Haïti, et ensuite, formuler certaines observations sur l'évolution des rapports entre Haïti et le Canada, dont nous sommes témoins.
SOS Villages d'Enfants a été fondé en Europe de l'Ouest après la Seconde Guerre mondiale, qui a laissé là-bas dans son sillage un très grand nombre d'enfants orphelins. À l'heure actuelle, notre organisme est présent dans 132 pays dans le monde, y compris Haïti. Toute notre oeuvre est axée sur les enfants à risque, principalement ceux qui n'ont rien ni personne vers qui se tourner. Malheureusement, je dois dire que nous sommes plus occupés que jamais.
Nous faisons ce que les intervenants du milieu du développement appellent communément un travail de réduction de la pauvreté, un travail de développement communautaire — ou de renforcement de la famille, comme nous le disons souvent — dans nos centres sociaux et dans nos “villages“, qui sont des regroupements de maisons dans lesquelles grandissent des enfants orphelins et abandonnés. Nous administrons aussi des jardins d'enfance, des écoles, des centres de formation professionnelle, des cliniques médicales; autrement dit, tout un éventail d'établissements dont la mission est de contribuer à développer des êtres humains complets. SOS n'est donc pas uniquement un programme d'alimentation ou une réponse d'urgence; son objectif est de faire de ces enfants de jeunes adultes complets. L'an dernier, l'organisation a aidé environ 800 000 bénéficiaires un peu partout dans le monde.
J'aimerais maintenant attirer votre attention sur Haïti. Nous savons qu'Haïti est un pays qui a connu bien des troubles. John et moi parlions à l'instant des turbulences qui agitent le pays depuis de nombreuses années maintenant. Nous espérons que l'élection récente de René Préval assurera une certaine stabilité, qui est des plus nécessaires, et dont bénéficierait notre organisation, ainsi que toutes les autres ONG oeuvrant en Haïti.
Comme nous travaillons en Haïti depuis 1979, nous sommes bien ancrés dans le pays. Nous avons des employés locaux et nous sommes administrés comme une organisation non gouvernementale locale. En Haïti, nous gérons deux SOS Villages, une demi-douzaine d'écoles, deux centres jeunesse, quatre programmes de réduction de la pauvreté; autrement dit, toute une gamme d'activités auxquelles vous seriez sans doute très fiers d'être associés.
La crise des quelques dernières années a compromis la capacité du gouvernement de remplir son mandat efficacement dans le pays. Nous avons fait l'expérience de cette crise de première main. Un employé de SOS Haïti a été kidnappé et deux de nos véhicules ont été volés l'an dernier seulement.
La situation qui règne présentement à Haïti a incité notre organisation à se recentrer légèrement. Sans abandonner les enfants à risque, nous nous sommes tournés vers des programmes dits de soulagement de la pauvreté, en marge de nos activités traditionnelles de type village. Une partie de notre action consiste en un travail exemplaire de prestation de services communautaires. Nous intervenons également dans le domaine de l'éducation, plus précisément la formation professionnelle. Nous offrons aussi aux jeunes Haïtiens d'autres services essentiels pour les aider à devenir des adultes qui pourront apporter à leur tour une contribution à leurs communautés.
Il y a quatre grands points que je veux aborder avant que nous passions aux questions. Premièrement, nous croyons que le Canada doit continuer de jouer un rôle actif en Haïti. J'ai le sentiment que le nouveau gouvernement est résolu à maintenir son engagement à cet égard. Le Canada se targue d'avoir avec Haïti une relation spéciale de longue date qui s'explique par de multiples raisons : liens économiques, politiques, géographiques et même linguistiques. Aujourd'hui, le Canada compte une imposante communauté haïtienne, ce qui vient confirmer cette notion des liens qui unissent nos pays.
D'après ce que nous savons, le gouvernement du Canada joue maintenant un rôle de chef de file dans le projet pilote de l'OCDE, ce que nous appuyons. Je n'en connais pas les détails, mais ce projet pilote qui vise à concrétiser les « Principes pour un bon engagement international dans les États fragiles » pourrait être très enthousiasmant pour Haïti, et aussi pour nous tous, qui en surveillerons l'évolution.
Mon deuxième point, c'est que nous croyons qu'Haïti représente véritablement une belle occasion pour le Canada de faire plusieurs choses : implanter un nouveau modèle intégré de soutien et d'engagement; démontrer sa volonté de rehausser le niveau de vie dans l'hémisphère occidental; aider les citoyens les plus pauvres du pays le plus pauvre du monde, qui est situé dans notre arrière-cour; et reconnaître qu'il faudra consentir un engagement sérieux à long terme, et y mettre le temps, pour espérer obtenir des résultats concrets.
Il n'y aura pas de miracle dans ce dossier, et il n'y aura certainement pas de solution rapide. Nous sommes très conscients de cela en raison de notre longue présence dans le pays.
Enfin, c'est aussi une occasion de collaborer avec d'autres États-nation intéressés, avec des organismes multilatéraux et avec des ONG internationales comme la nôtre. Même dans un petit pays comme Haïti, on ne peut pas vraiment s'attendre à ce que le gouvernement du Canada apporte à la table toutes les ressources nécessaires pour réaliser le type de succès et de développement que nous souhaitons tous.
Mon troisième point est le suivant. Pour pouvoir saisir ce que je considère être une occasion en or, je pense que le Parlement actuel et le nouveau gouvernement devront faire deux choses. Il leur faudra veiller à ce que les nombreux ministères et organismes gouvernementaux susceptibles de contribuer à relever ce défi s'engagent à véritablement collaborer. Nous n'arriverons à rien si nous nous retrouvons au bout du compte avec des silos et des fiefs. On ne peut accepter qu'un groupe ou un organisme gouvernemental en particulier prenne des décisions unilatérales.
La seconde chose que le gouvernement doit faire, à mon avis, c'est continuer d'apporter davantage de ressources à la table et examiner des façons novatrices d'encourager les autres nations, les ONG, les bailleurs de fonds multilatéraux à hausser d'un cran leurs efforts et à aligner leurs contributions sur celles — généreuses — du gouvernement du Canada.
Mais il ne suffira pas d'appliquer de bons programmes de gouvernement à gouvernement. Je ne pense pas que des programmes axés sur la bonne gouvernance et la sécurité soient suffisants. Ils sont absolument nécessaires, mais insuffisants. Il faudra faire plus, beaucoup plus, de développement communautaire de base à Haïti. L'Association villages d'enfants SOS Haïti n'est qu'une des nombreuses organisations qui devront obtenir beaucoup plus de soutien si l'on veut redresser la situation dans ce pays, comme beaucoup d'entre nous le souhaitent.
Il nous faudra aussi élaborer, en partenariat avec le gouvernement d'Haïti et d'autres parties intéressées, une vision collective et nécessairement inspirante des résultats que ce que nous souhaitons voir d'ici cinq ou dix ans dans ce pays. Si nous pouvons élaborer une vision, et ensuite, y consacrer les ressources nécessaires pour la concrétiser, nous aurons sans doute beaucoup plus de succès qu'en appliquant des mesures ponctuelles.
Mon dernier point — j'ai dit que j'en avais quatre —, c'est que SOS Villages d'Enfants souhaite vivement faire davantage de travail de développement communautaire à Haïti auprès de familles à risque. Certaines qualifient cela de travail de réduction de la pauvreté, mais pour notre part, nous parlons de renforcement de la famille. Quoi qu'il en soit, nous avons essentiellement besoin d'un financement et d'un soutien technique à l'appui du travail que notre organisation a fait et continuera de faire pendant encore bien des années à venir.
À SOS Canada, nous sommes disposés à nous lancer dans ce créneau, sous l'égide de notre fédération internationale, si nous pouvons travailler en partenariat avec le gouvernement canadien. À mon avis, cela représente une occasion formidable.
Historiquement, en Haïti et dans les 131 autres pays dans le monde où nous sommes présents, notre action a été centrée sur les enfants et les adolescents à risque, et cela demeurera le point de convergence de nos efforts en Haïti au cours des 25 ou 50 prochaines années.
Voilà qui met fin à ma déclaration liminaire, et j'espère que Stefan et moi-même pourrons répondre à vos questions ou peut-être engager la discussion avec vous.
Comme Boyd l'a dit, nous parlions, avant le début de la séance, de la perspective générale d'Haïti. J'ai visité Haïti pour la première fois il y a plus de 40 ans, à l'époque de « Papa Doc » Duvalier. J'y suis retourné périodiquement pour diverses raisons au fil des années. Malgré quelques rares avancées, ces 40 ou 50 années n'ont pas été très heureuses. À bien des égards, les conditions de vie se sont détériorées au cours de cette période.
L'un des moments où les attentes ont explosé a été l'élection de Jean-Bertrand Aristide, il y a une quinzaine d'années. Ces espoirs ont été rapidement anéantis, et encore une fois aujourd'hui, Haïti vit une période d'attentes élevées. Heureusement, on note quelques — rares — exemples de réussites, mais le fait même qu'il en ait est tellement inhabituel en Haïti que c'est pour nous une raison de nous réjouir modérément.
Contraste bienvenu après cette longue période de frustration, le Canada a enregistré certains succès dans ses efforts pour appuyer la reconstruction en Haïti. Parmi les succès les plus marquants, citons, en décembre 2004, la conférence de Montréal avec la diaspora haïtienne, et aussi, en septembre 2005, la rencontre, au lac Meech, présidée par l'ancien premier ministre Joe Clark, qui a réuni Enrique Iglesias, l'ex-président de la Banque interaméricaine de développement, Robert Greenhill, le président de l'ACDI et un certain nombre de représentants du secteur privé haïtien. Ces deux initiatives, dont le Canada a été l'instigateur, ont ouvert de nouvelles avenues de soutien à la reconstruction d'Haïti en renforçant le rôle d'acteurs non traditionnels.
Le dernier grand succès en date a été les élections. D'ailleurs, le président nouvellement élu, René Préval, a insisté sur l'importance de ces élections lors de sa récente visite ici. Des Haïtiens de tous les horizons du spectre politique haïtien ont assisté à un événement en compagnie de M. Préval. Certains étaient invités, d'autres non, ce qui n'est pas inhabituel. Ce qui était inhabituel, c'est que les diverses factions ne se sont pas lancées mutuellement des injures à la tête.
Auparavant, les événements d'envergure relatifs à Haïti ont presque invariablement été marqués soit par des boycotts ou des manifestations populaires. Cela ne s'est pas produit dans le cas de la visite de M. Préval. C'est un indice qui témoigne que des progrès ont été accomplis et qu'une occasion se présente maintenant. Avec un gouvernement légitimement élu qui jouit d'un appui populaire assez large et le soutien des donateurs, les conditions sont enfin en place pour réaliser des percées au chapitre de la reconstruction. La porte est ouverte, mais elle est fragile et peut se refermer facilement.
J'aimerais maintenant aborder la situation actuelle en Haïti et évoquer plusieurs grands enjeux.
Haïti — et c'est presque un cliché —, est à un point tournant. Le succès des élections et l'installation d'un nouveau gouvernement ont ouvert un créneau extraordinaire, ce qui a eu pour effet de hausser les attentes du peuple haïtien, sans compter celles des centaines de milliers de Haïtiens de la diaspora au Canada et dans d'autres pays. Pour la première fois en plus de dix ans, il y a une lueur au bout du sombre tunnel haïtien. Ce sentiment est partagé par les donateurs. Et pourtant, tout cela risque de disparaître si l'on n'agit pas pour lier ce succès électoral à des améliorations tangibles et visibles des conditions de vie matérielles à Haïti.
Les quatre prochains mois du régime Préval sont critiques. Au cours de cette période, il est essentiel que les Haïtiens puissent constater une amélioration concrète de la situation. À défaut de cela, les critiques du nouveau président pourront se nourrir de la désillusion de la population, et le pays retombera de nouveau en chute libre. Si cela se produit, des investissements considérables, les nôtres compris, auront été perdus, comme l'ont été une bonne partie des sommes que nous avons investies depuis une vingtaine d'années pour tenter de rebâtir Haïti.
Nous avons le choix : prendre les mesures qui s'imposent pour faire avancer les choses ou permettre un recul. La première voie pose un défi de leadership aux donateurs et remet en cause leur bureaucratie centrée sur les processus. Le prix d'un recul est évidemment une instabilité accrue et de nouvelles souffrances pour le peuple haïtien.
De multiples réalisations sont nécessaires. En premier lieu, une amélioration visible de la situation sous la forme de grands ouvrages publics générateurs d'emplois pour montrer que les choses bougent et prouver aux habitants qu'ils sont partie prenante du succès d'un nouveau gouvernement. Ce défi était présent durant le régime de transition de Gérald Latortue, mais la communauté internationale et le gouvernement provisoire n'ont pas fait ce qu'il fallait. Ils n'ont pas lancé un programme de travaux publics créateur d'emplois.
Résultat, de grands pans de la population ont vu leurs conditions de vie stagner ou, en fait, se dégrader. En l'absence d'indices d'une renaissance économique, de nouveaux emplois ou de projets porteurs et rassembleurs pour des zones comme les bidonvilles de Cité Soleil, de vastes segments de la population n'ont pas adhéré à la vision d'une reconstruction politique, sociale et économique et ne se sont pas investis dans le processus.
Il n'est pas nécessaire d'être un génie pour élaborer un programme de travaux publics d'envergure. En Haïti, ce ne sont pas les projets qui manquent pour remplir ce rôle : réfection des routes, dégagement du port, cueillette des ordures, logements. Le problème tient en partie au fait que jusqu'ici, la communauté internationale — même si on ne peut lui attribuer tout le blâme — et les donateurs ont vu cette entreprise comme un volet d'une mission normale de prestation d'aide et non pas, comme cela aurait dû être le cas, comme une intervention d'urgence.
La situation en Haïti est critique. Nous ne pouvons nous permettre d'attendre que le processus habituel des mécanismes d'aide ponde leurs programmes bien structurés et issus de soumissions en règle. Nous avons besoin de travailleurs armés de pelles sur le terrain maintenant. Il faut faire le nécessaire pour que cela se produise. Pour y arriver, un leadership politique devra donner l'impulsion, l'aval politique qui permettra aux donateurs de court-circuiter les règles régissant normalement les dépenses. Il faudra aussi du courage politique.
Une campagne d'ouvrages publics d'urgence souffrira inévitablement de certains abus. On ne peut lancer un projet de grande envergure dans un pays comme Haïti — et on ne peut pas toujours le faire ici non plus — sans qu'un scandale quelconque s'y rattache, et si l'on agit précipitamment, le risque d'une dérive s'accroît encore davantage. Mais dans la situation actuelle, c'est un risque qu'il faut courir.
Outre les grands ouvrages, deux autres choses revêtent un caractère impératif et urgent. Premièrement, il ne faut pas que le nouveau gouvernement soit assailli par les demandes figurant sur la liste d'épicerie de chaque donateur. Il est essentiel que les ressources en capital humain du gouvernement soient bonifiées si l'on veut qu'il enregistre des succès dans certains domaines critiques.
Deuxièmement, il est nécessaire d'inculquer à tout le moins un minimum de compétence aux services judiciaires et de sécurité. Cela exigera un niveau de soutien et d'intervention plus élevé que ce qui est envisagé à l'heure actuelle.
Au sujet du premier point, cette occasion sans précédent — presque sans précédent étant donné que nous avions déjà eu une chance avec la première élection d'Aristide, et que nous en avons une autre maintenant — a suscité énormément d'attente et d'enthousiasme parmi les ONG, les organismes d'aide et les Haïtiens. Lorsque pareil phénomène se produit, il est à craindre que cela provoque des attentes irréalistes et irréalisables et que le nouveau gouvernement soit dépassé par les événements.
La nouvelle équipe gouvernementale n'a pas les ressources voulues pour s'acquitter des fonctions normales de base du gouvernement, et encore moins de relever les défis cruciaux et complexes qui vont au-delà de ces fonctions normales.
Il faudra faire des choix difficiles. Le nouveau gouvernement a annoncé qu'il allait faire de l'éducation une priorité. Les autres dossiers prioritaires, comme nous l'avons mentionné, devront être la sécurité et la création d'emplois. Cela signifie que la protection de l'environnement, les négociations commerciales et d'autres dossiers devront, pour l'instant, être mis en veilleuse, à l'exclusion des activités dont Boyd a parlé qu'il ne faut certainement pas ralentir.
Il existe des modèles qui passent par le recrutement dans la diaspora. Un très bon modèle est présentement utilisé auprès de la diaspora afghane, sous les auspices de l'Organisation internationale de la migration, et pourrait peut-être servir de guide.
J'ai mentionné la sécurité, un aspect absolument fondamental. C'est uniquement en rehaussant la sécurité que l'on pavera la voix au retour des investissements, investissements qui favoriseront la création d'emplois, l'apaisement des tensions et un mieux-être généralisé.
Les donateurs devront envisager de modifier la composition des forces des Nations Unies en Haïti. Ces forces qui ont été initialement rassemblées à la hâte se sont révélées dans une certaine mesure inappropriées pour la mission qu'elles devaient remplir. Au lieu de confier la répression des émeutes à des forces militaires ordinaires, on a besoin, à l'évidence, d'unités policières ou militaires d'intervention tactique possédant la formation spécialisée, l'expérience et la capacité de mener à bien des interventions délicates en milieu urbain.
En outre, la mission des Nations Unies doit être autorisée à recueillir des renseignements sur les transmissions. L'absence de renseignements sur les transmissions accroît sensiblement le risque pour les forces onusiennes et les civils lorsque des opérations se déroulent dans des zones urbaines densément peuplées.
L'été dernier, j'ai eu un certain nombre de conversations avec des agents de la GRC précisément à ce sujet en Haïti.
La réforme de la police et la bonification de l'appareil judiciaire haïtien sont des objectifs tout aussi importants. Il existe un lien de causalité entre la corruption et la faiblesse des salaires, et il est peu probable que l'on constate des améliorations au sein des institutions judiciaires et des forces de sécurité haïtiennes tant que leurs agents ne seront pas mieux rémunérés.
Cette hausse salariale devra évidemment correspondre à la capacité de payer du gouvernement d'Haïti. En principe, les salaires devraient être proportionnels aux ressources disponibles, mais en réalité, ils ne le seront pas. Cela signifie qu'étant donné les ressources limitées du gouvernement haïtien, les donateurs internationaux devront sans doute absorber une partie de cette dépense pendant un certain temps à l'avenir.
À moins de prendre ces mesures, notre optimisme n'a pas de raison d'être. Rebâtir un État fragile ou en déroute n'est ni facile ni peu coûteux, que ce soit en termes financiers ou politiques. Et pourtant, dans le passé, nous avons oublié cette réalité lorsque nous avons tenté de contribuer à la reconstruction d'Haïti. Pour ce qui est des contributions financières, une part considérable du fardeau est assumée par la diaspora haïtienne. Il est intéressant de noter que la diaspora dépense annuellement quatre à six fois plus que les donateurs internationaux.
Une occasion s'offre à nous, et j'espère que nous aurons la volonté de la saisir et d'en tirer le maximum.
Merci beaucoup.
Il y a en ce moment dans le ciel d'Haïti quelques autres éclaircies dont je pourrais vous parler.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Graham.
Premièrement, nous apprécions toujours le travail de la Fondation canadienne pour les Amériques (FOCAL), ainsi que votre analyse. Si vous avez des commentaires à faire maintenant au sujet d'Haïti, le comité serait très heureux de les entendre.
Monsieur Paquette et monsieur McBride, vous avez parlé de SOS et du travail de cet organisme en Haïti, mais vous avez aussi ajouté dans votre déclaration que vous souhaitiez vivement élargir votre champ d'action. Je savais que votre organisation travaillait à l'échelle internationale, mais j'ignorais qu'elle était présente en Haïti. Je suis allé en Haïti à maintes reprises. Nous avons rencontré, mes collègues et moi, des représentants d'ONG, l'ancien premier ministre, etc.
Vous avez parlé de l'éradication de la pauvreté. Il faut à la fois éliminer la pauvreté et, comme l'a mentionné M. Graham, apporter des améliorations visibles. À propos d'améliorations visibles, qu'est-ce qui serait important?
Dans le domaine de l'infrastructure, beaucoup de travaux ont été effectués en Haïti et il y a eu, en un sens, des abus, comme vous l'avez mentionné, de la corruption. À preuve, on construit une rue, et un an ou deux plus tard, la rue n'existe plus. Cela s'explique par quantité de raisons : une construction défaillante, et ainsi de suite. Vous avez parlé aussi d'éducation et d'autres mesures.
Quelle est la priorité? Je pense que votre ONG fait de l'excellent travail auprès des enfants. Vous prenez des orphelins sous votre aile. Quelle est la priorité pour les enfants là-bas? Faut-il seulement s'en occuper? Est-ce l'éducation?
Il est très important pour nous de comprendre car on ne peut privilégier tous les domaines. À trop ratisser large, comme vous l'avez dit... Vous avez mentionné que tous les pays doivent collaborer.
Collaborez-vous avec d'autres ONG sur le terrain ou travaillez-vous de façon indépendante? Où votre organisation est-elle présente? Vous avez parlé d'une demi-douzaine d'écoles. Sont-elles à Port-au-Prince? Dans Cité Soleil? À Jacmel? Je l'ignore, voyez-vous. Je veux simplement en savoir un peu plus long au sujet de votre organisation.
Ma question pour M. Graham est la suivante : qu'est-ce qui importe le plus maintenant? Amener l'électricité à Port-au-Prince? Les gens doivent voir des changements, mais quels changements? Est-il nécessaire que l'on voit des équipes de nettoyage dans les rues? Les autorités affirment qu'elles vont créer des emplois. Il y a tellement de choses à faire là-bas; c'est comme si on partait de zéro.
Mais à votre avis, quelle est la première mesure qu'il faut prendre au cours des quatre prochains mois? Comme vous l'avez mentionné, vous ne voulez pas d'un retour à l'insécurité. Vous ne voulez pas voir une opposition sérieuse au gouvernement venir de la rue.
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Vous avez posé une multitude de questions pertinentes. Par où commencer?
Il est impossible de séparer la création d'emplois de la sécurité. Il faut absolument consacrer des ressources à la sécurité, à la formation, à la création d'un corps policier ayant une certaine crédibilité, non seulement dans la région de Port-au-Prince, mais aussi dans les zones plus éloignées, où il y a moins de contrôle.
En même temps, il faut s'occuper de création d'emplois. Cet aspect a été un échec lamentable sous le régime du gouvernement provisoire, et cet échec est attribuable à la fois au gouvernement provisoire lui-même et, dans une certaine mesure, à la communauté des donateurs. Il n'y a pas eu de création massive d'emplois.
Le parallèle est un peu curieux, mais on a vu un exemple de de ce genre d'intervention pendant la dépression,aux États-Unis, quand le président Roosevelt a donné le coup d'envoi à la Tennessee Valley Authority. Les projets en question nécessitaient énormément de main-d'oeuvre, et c'est ce qui a permis aux gens d'avoir de l'argent dans leurs poches et de se nourrir.Or, il ne se fait rien de tel en Haïti. En outre, il ne faut pas oublier l'aspect psychologique, qui est important. Les gens vont voir que l'on fait de l'excavation un peu partout et, pour reprendre vos propos que « des travailleurs armés de pelles sont à l'oeuvre ».
Je n'ai pas la compétence voulue pour dire s'il faut draguer des ports, construire plus de routes, nettoyer les bidonvilles ou bâtir davantage de maisons; il y a des gens beaucoup mieux placés que moi pour vous fournir cette information. Cela dit, il est impératif d'amorcer de grands ouvrages exigeant un nombre considérable de travailleurs manuels.
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Merci, monsieur le président.
Je suis ravie d'avoir entendu mentionner à plusieurs reprises qu'il est important de s'assurer sérieusement que toutes les actions, quelles qu'elles soient, se fondent sur un consensus haïtien. Il n'y a rien de plus dangereux que quelqu'un qui visite un pays pendant quatre ou cinq jours et qui en revient convaincu de l'avoir compris.
Avec certains de mes collègues, j'ai eu l'occasion de me rendre en Haïti juste avant l'inauguration de René Préval. Ce qui m'a profondément troublée, à vrai dire, ce n'est pas seulement le lourd bagage historique du pays, auquel vous avez fait référence, mais aussi l'impression d'être en présence d'une société civile de type ONG presque artificielle, qui semble avoir très peu de marge de manoeuvre. De toute évidence, cette situation est en partie créée par des forces extérieures ou exogènes. J'ai aussi eu l'impression que si Haïti ne s'alignait pas sur une démarche foncièrement d'inspiration américaine, on lui retirerait sans doute cette marge de manoeuvre ou elle perdrait son financement.
J'ai tellement de questions à poser.
Tout le monde semble s'entendre aisément sur la criante nécessité d'apporter des améliorations matérielles — j'entends par là un véritable relèvement de la qualité de vie, ce qui veut dire des emplois, une infrastructure, etc. La question est de savoir comment s'y prendre pour que tout cela se concrétise assez rapidement pour engendrer des succès avant que les gens perdent toutes leurs illusions.
J'ai été étonnée d'entendre M. Graham, si je ne m'abuse, dire qu'il faudrait peut-être mettre en veilleuse les priorités environnementales. En effet, l'une des choses qui s'est imposée à mon esprit, lorsqu'il a été question des mesures à prendre, est l'urgence d'apporter des mesures correctives environnementales. En fait, l'un de nos propres officiers militaires a fait à cet égard une déclaration plutôt brutale. Il a dit que même si l'on garantit la sécurité, à moins d'agir rapidement pour contrer l'érosion à grande échelle résultant de la déforestation et de régler les graves problèmes de salubrité de l'eau et de gestion des déchets, et ainsi de suite, on créerait sans contredit une société non viable qui ne pourrait tout simplement pas survivre, et encore moins prospérer.
La deuxième priorité qui a été mentionnée est le réseau routier. Il semble assez évident que l'on a de sérieuses difficultés ne serait-ce qu'à acheminer des denrées vers les marchés locaux, sans parler des marchés internationaux. Il faut donc régler cela.
La troisième priorité dont vous avez parlé est la faible rémunération des officiers de police. On nous a dit souvent qu'il est arrivé qu'ils ne soient pas payés pendant des mois et des mois. On nous a répété a maintes reprises qu'à moins de remédier à la situation sans délai, il serait impossible de mettre un terme à la corruption au sein des forces de sécurité ou à l'épidémie de vols, d'agressions, de kidnappings, etc., parce que les Haïtiens et leurs familles ne mangent pas à leur faim.
J'aimerais avoir vos commentaires sur ces trois priorités, qui semblent assez évidentes. Quels sont les obstacles? Que peut faire le Canada pour contribuer aux processus, quels qu'ils soient, qu'il faudrait entreprendre si l'on veut vraiment obtenir des résultats?
Trois questions simples...
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Je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet des problèmes de déforestation et d'érosion. Ces problèmes existent depuis l'époque où, comme je l'ai dit, les Français ont commencé à abattre l'immense forêt tropicale qui se trouvait sur l'île. Cela ressemble à un interminable cercle vicieux. On injecte de l'argent dans un domaine, mais il n'en reste pas suffisamment pour régler simultanément les problèmes dans d'autres domaines essentiels.
Je ne prétends pas offrir une réponse vraiment satisfaisante à ces questions, mais une partie de la solution consiste à bâtir sur les quelques rares assises qui sont encore intactes en Haïti.
L'une d'elles est le réseau des ONG qui a beaucoup d'envergure et qui prend une grande place, comme vous l'avez mentionné. Je ne me lancerai pas dans ce débat, car Stefan et Boyd peuvent en parler beaucoup mieux que moi. Ce réseau est soutenu de l'extérieur, mais son importance n'est pas négligeable. C'est là qu'on trouve des personnes éduquées, des noyaux de développement. Ce réseau a des antennes partout dans le pays.
L'autre est le secteur privé haïtien. Comme je l'ai mentionné, mon organisation. FOCAL, a organisé au lac Meech l'automne dernier une réunion, présidée par M. Clark, à laquelle ont participé quelque 18 entrepreneurs haïtiens. Le choix du lac Meech a été excellent car leurs téléphones cellulaires ne fonctionnaient pas et ils ne voulaient pas sortir parce qu'ils avaient peur d'être dévorés par les ours. Ils sont donc restés à l'intérieur et la conférence a été très fructueuse. Elle a permis de pointer vers des pistes de solutions productives.
L'un des problèmes, comme vous le savez, c'est que la fonction publique d'Haïti est en ruine. Elle est petite — et ce qu'il en reste est profondément entaché par la corruption —,elle est bien sûr sous-payée et fondamentalement incompétente. Elle ne peut administrer une grande partie des services essentiels qui doivent être administrés. Une façon d'aider serait de jeter des ponts entre certains volets de la fonction publique — ceux qui sont toujours fonctionnels — et le secteur privé haïtien pour leur permettre de collaborer, que ce soit à des programmes d'électrification, d'infrastructure routière ou de santé. Certains entrepreneurs du secteur privé haïtien participent déjà à un certain nombre de projets de cette nature d'une manière philanthropique. Je pense que c'est une avenue possible.
L'autre consiste à persuader les organisations donatrices de bouger beaucoup plus rapidement qu'elles ne l'ont fait jusqu'ici. La communauté internationale des donateurs avance à la vitesse d'un escargot. Elle doit débloquer des fonds et, comme je l'ai dit, elle doit prendre un certain risque au niveau de la distribution de ces fonds. L'argent en question ne se rendra pas intégralement aux travailleurs qui s'échinent sur leur pelle.
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Je m'appelle Elena Alvarado et je suis chargée de projet en chef du Programme de coopération volontaire en Haïti.
Le secteur postsecondaire s'inscrit dans le Programme de coopération volontaire. Nos quatre partenaires sont: le CECI, qui travaille avec des organisations de la société civile; SACO, qui travaille au développement du secteur économique; le ministère de la Planification et de la Coopération externe; et la Fondation Paul Gérin-Lajoie, qui travaille à l'éducation fondamentale. L'Entraide universitaire mondiale du Canada, quant à elle, travaille dans tous les volets postsecondaires, y compris les universités et les instituts de formation professionnelle.
Le programme a commencé il y a un an, en juin 2005, et il durera trois ans, soit jusqu'en juin 2008. Nous nous occupons du secteur de l'éducation postsecondaire. Je vais vous mentionner quelques éléments du contexte. D'abord, il existe peu de coordination entre le ministère de l'Éducation, de la Jeunesse et des Sports et les universités. L'Université d'État d'Haïti, selon la constitution, a une complète autonomie sur le système universitaire. La constitution date de 1987. Il existe à Port-au-Prince plus de 50 universités privées, et dans la plupart des cas, il n'y a ni coordination ni collaboration entre elles.
L'Institut national de formation professionnelle est l'organisme chargé de veiller sur la formation professionnelle, mais il existe de nombreuses institutions de formation professionnelle de toutes sortes et de toutes qualités.
Quels besoins avons-nous identifiés lors de notre analyse de la réalité postsecondaire? D'abord, il existe un besoin criant dans le domaine des infrastructures: des laboratoires, du matériel d'enseignement, du matériel technique à jour, etc. Cela n'existe pas dans la plupart des centres d'enseignement en Haïti. Les autres besoins identifiés sur lesquels nous pouvons agir avec le Programme de coopération volontaire sont des besoins en matière de gestion, et tout ce qui a trait à la coordination normative et fonctionnelle entre la Direction de l'enseignement supérieur et de la recherche du ministère de l'Éducation et les universités.
À l'intérieur des institutions mêmes, à l'intérieur des universités et des instituts de formation professionnelle, nous avons identifié des besoins administratifs et opérationnels. Par exemple, il n'existe pas de bureau du registraire, de bureau de ressources humaines ou de systèmes comptables et informatiques. Ils sont absents ou déficients.
En général, il y a un manque d'outils de gestion, de planification stratégique, de rendement et d'évaluation, ainsi que de sérieuses carences en gestion et administration chez les administrateurs. Il faut aussi dire que la situation est très inégale. Dans certains cas, on est assez avancé et dans d'autres, moins. Le plan d'intervention viendra donc plus tard.
Nous avons également identifié des besoins en pédagogie de l'enseignement. La plupart des enseignants sont des professionnels qui n'ont reçu aucune formation pédagogique, en techniques de l'enseignement et en préparation de programmes et de cours. Dans le cas des instituts de formation professionnelle, où il existe aussi une grave pénurie d'équipement et de matériel, les enseignants ont besoin de mettre à jour leurs connaissances sur les technologies de pointe.
Qui sont nos partenaires haïtiens? Il y a d'abord la Direction de l'enseignement supérieur et de la recherche du ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. Ce n'est pas tout le ministère, mais seulement la direction.
Les universités sont l'Université d'État d'Haïti, l'Université Quiskeya, l'Université Notre-Dame à Jacmel, l'Université Notre-Dame à Port-au-Prince, et la Conférence nationale de recteurs des universités privées. Cette dernière est un organisme qui commence à regrouper les recteurs et à se préoccuper de la formation et des compétences de ses membres.
Dans le secteur de la formation professionnelle, nos partenaires sont l'Institut national de formation professionnelle, qui réglemente toute la formation professionnelle, l'Institut canado-haïtien de formation professionnelle, le Collège technique Saint-Gérard et le Collège technique Claver. Nous travaillons par l'entremise de conseillers volontaires, et nous devons placer 29 conseillers volontaires pendant 155 mois de travail.
Notre stratégie d'intervention se situe d'abord à un niveau macro: appuyer la concertation entre les universités et la Direction de l'enseignement supérieur et de la recherche du MENJS pour suivre les recommandations du Plan national d'éducation et de formation. Nous allons jouer un rôle dans la formation des compétences en communication, en négociation, en conciliation et en résolution de conflits.
Au niveau intermédiaire, nous allons appuyer la gouvernance à l'intérieur des institutions: formation, suivi et conseils en planification et en gestion pour les cadres supérieurs et l'administration des universités et des instituts de formation professionnelle.
Il y a des besoins spécifiques et très ponctuels en formation, en pédagogie et en formation technique pour les professeurs. Notre méthode est la suivante: formation des formateurs; accompagnement, suivi et conseil; évaluation d'implantation et des résultats, soit la GAR, qui est utilisée par l'ACDI; approche de genre transversal; approche participative des partenaires et de la diaspora. Plusieurs de nos conseillers volontaires font partie de la diaspora haïtienne. Ce sont des professeurs d'université qui ont longtemps travaillé au Canada et qui souhaitent retourner chez eux et faire quelque chose pour leur pays. Nous recherchons également le consensus entre les institutions en Haïti et nous faisons l'éducation du public et l'engagement au moyen de partenariats avec les institutions canadiennes, notamment les universités et les cégeps. Nous faisons également de la recherche-action. Il s'agit d'une intervention dans un contexte de crise pendant trois ans, et nous faisons un suivi rigoureux de cette intervention. Notre documentation sur l'intervention est disponible pour les personnes qui veulent la consulter. Cela va servir pour la formation en coopération internationale dans les universités canadiennes. Nous nous préoccupons également beaucoup de l'environnement.
En 2005, nous avons eu à nous demander ce que nous allions faire. Il existait un contexte de crise et d'insécurité. Nous ne pouvions pas envoyer des conseillers volontaires en Haïti. Quelle était l'autre porte de sortie? Est-ce que nous allions faire des partenariats avec des universités et des institutions de formation professionnelle au Canada pour que les Haïtiens viennent au Canada? Allions-nous concentrer l'intervention dans la région de Jacmel, une région plus calme en dehors de la capitale?
Heureusement, cette année, les choses se sont calmées.Tenant compte de l'analyse du contexte, des besoins multiples et de la précarité des ressources du secteur postsecondaire en Haïti, nous avons conçu un plan d'intervention transversal et efficace dans le cadre duquel les conseillers volontaires à long terme feront une analyse des besoins plus spécifiques dans leur champ d'expertise pour les partenaires ciblés. Les conseillers volontaires à long terme s'assureront de la mise en oeuvre des plans et recommandations des conseillers volontaires à court terme pour le transfert des connaissances par le biais de conseils et d'accompagnement auprès des partenaires. Les conseillers volontaires à court terme ont une affectation très précise, très pointue, très spécifique.
Nous avons en ce moment des chefs d'équipe sectoriels. Ce sont des conseillers volontaires à long terme sur le terrain. Nous avons un conseiller en communication et un conseiller en appui à l'université à Jacmel. Un conseiller en pédagogie va bientôt partir et il y a un conseiller en planification et gestion. Nous avons déjà produit plusieurs documents et fait plusieurs observations.
Quelle stratégie de mitigation des risques utilisons-nous?
Face à l'instabilité politique et sociale, nous allons notamment limiter les ententes et les interventions. Si jamais les choses deviennent plus difficiles, nous déplacerons les personnes de Port-au-Prince vers d'autres provinces afin d'offrir la formation. Nous faisons le transfert des connaissances, et le conseiller volontaire doit en évaluer les effets à long terme, de même que les résultats obtenus pendant notre intervention. Nous devons également respecter les ententes.
Maintenant que j'en ai l'occasion, j'aimerais vous dire que présentement, à Haïti, on trouve que toutes les structures du pays sont démembrées. Dans certains secteurs, elles le sont complètement. Cependant, au sein du peuple haïtien, on veut mettre de l'ordre dans le chaos. Le nouveau gouvernement est en train de faire un plan de structuration. Je crois qu'appuyer le plan que ces Haïtiens sont en train d'élaborer pourrait constituer une initiative de coopération internationale.
En outre, il faudrait qu'on organise la coopération internationale. En effet, nous sommes plusieurs à faire des activités, mais jusqu'à maintenant, il n'y a pas de mot d'ordre ou de ligne directrice. Je crois que des efforts sont faits et que la discussion a été entamée en ce sens. Toutefois, nous devrons nous pencher davantage sur cette question.
Merci beaucoup.
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Merci. Il me fait grand plaisir de prendre la parole devant le comité au nom du ROCAHD. Je suis accompagné de M. Barthélus, qui est le vice-président du conseil d'administration du ROCAHD.
Qu'est-ce que le ROCAHD? C'est un regroupement d'organismes canado-haïtiens qui existe sous ce nom depuis 1994, mais qui existait depuis 1987 sous le nom de Fonds délégués AQOCI-Haïti. Le ROCAHD regroupe 47 organisations, dont 36 organisations canado-haïtiennes et 11 organisations canadiennes et québécoises de coopération internationale.
Les priorités du ROCAHD sont la santé communautaire, le développement économique, la formation professionnelle et l'alphabétisation. Ces dernières années, nous avons appuyé de nombreux projets: un projet de formation des sages-femmes, un projet de formation destinée au personnel hôtelier de Jacmel et un projet de formation des jeunes mères analphabètes d'un endroit reculé, à Port-de-Paix. Mentionnons également la construction de puits dans la région de Fossé-Naboth, la construction de latrines à Jacmel, la création d'un cercle de micro-crédit, l'élevage de poules, l'élevage de cabris, la production caféière et des activités de reboisement. Ces projets touchent beaucoup de personnes — environ 30 000 — et les aident à survivre et à améliorer leurs conditions de vie.
Les membres du ROCAHD au Canada sont autant d'agents multiplicateurs. Ils viennent de diverses régions du pays, ils connaissent la situation de leur région et sont en mesure de proposer des projets visant à améliorer les conditions de vie de ces personnes.
Nous sommes soutenus par l'ACDI depuis 1987, et nous en sommes un partenaire assidu depuis cette époque.
Comme le ROCAHD est une ONG de développement, nous allons surtout parler de développement, mais nous sommes aussi intéressés par la sécurité en Haïti. La sécurité est une préoccupation fondamentale, et depuis les trois dernières années, le climat d'insécurité qui sévit en Haïti a freiné le développement du pays et les projets de développement du ROCAHD. J'apprenais plus tôt que les projets de coopération en matière d'éducation étaient également affectés par ce climat d'insécurité.
Le Canada et plus particulièrement les États-Unis retournent en Haïti des délinquants haïtiens qui sévissent sur leur territoire. Lorsqu'ils débarquent en Haïti, ces délinquants sont considérés comme des diplômés de l'université du crime. Ils dynamisent le secteur criminel. Ils sont en quelque sorte des têtes de pont qui facilitent les communications avec des criminels canadiens. Une bonne façon d'aider Haïti serait de décréter un moratoire sur la déportation de ces délinquants car, pour le moment, le pays n'est pas en mesure de gérer cette situation. D'ici à ce qu'Haïti soit en mesure de le faire, on ne devrait pas déporter ces délinquants.
C'est la prérogative d'un État souverain comme le Canada que de déporter les indésirables, mais dans ces circonstances, un moratoire serait indiqué. Il faudrait renforcer l'appareil judiciaire et correctionnel d'Haïti afin qu'il assume ces responsabilités. Si on déporte des gens, il faut à tout le moins les mettre en prison et, le cas échéant, augmenter la capacité carcérale.
Il faut investir dans des démarches de renforcement des institutions d'Haïti, mais ces démarches devraient exclure les initiatives qui ne bénéficient pas d'un consensus dans la société haïtienne.
Jusqu'à présent, une grande partie de l'aide de ces récentes années a été consacrée à la stabilisation de la situation en Haïti — envoi d'experts et de policiers, création de la MINUSTAH —, mais il faudrait investir davantage dans le renforcement des institutions d'Haïti afin quelles soient en mesure de prendre la relève le temps venu.
Je profite de cette occasion pour saluer le sacrifice ultime du policier canadien Mark Bourque, qui est mort en Haïti dans le cadre des efforts de stabilisation du pays.
Je vais maintenant parler de développement. Des documents de l'ACDI font état d'investissements de 700 millions de dollars en aide internationale depuis 1968, dont la plupart étaient destinés à faire face à des crises en particulier. Au cours des deux dernières années, le Canada s'est engagé à allouer plus de 180 millions de dollars au Cadre de coopération intérimaire en réponse à des besoins de transition et de stabilisation identifiés par le gouvernement intérimaire.
Aujourd'hui, Haïti demeure le pays le moins développé de l'hémisphère, avec plus de 70 p. 100 de sa population vivant en-dessous du seuil de la pauvreté. Cinquante pour cent de la population haïtienne est encore analphabète et seulement 1 p. 100 de la surface de son territoire est encore boisé.
L'aide du Canada est importante pour Haïti. Le ROCAHD apprécie l'aide du Canada en vue d'améliorer la situation en Haïti. Il y a 3,6 millions de personnes en Haïti qui sont aptes à travailler et 70 p. 100 d'entre elles sont en chômage ou sous-employées, ou encore travaillent dans le secteur informel.
Considérant les indicateurs de développement en Haïti et les carences très marquées sur le plan de la satisfaction des besoins humains fondamentaux, le ROCAHD pense qu'il faudrait que l'aide du Canada à Haïti continue de mettre à contribution les organismes de la société civile en Haïti et au Canada engagés dans la coopération afin de répondre à des besoins en matière de santé, d'éducation et de développement économique.
Il est indispensable que l'aide du Canada à Haïti serve, d'une part, à renforcer les capacités internes des institutions gouvernementales haïtiennes pour qu'elles puissent mieux répondre à leur mission et, d'autre part, à renforcer les organismes de la société civile, qui sont des agents de développement auprès des populations haïtiennes.
En matière de sécurité, si nous convenons qu'il est important de renforcer les institutions publiques d'Haïti dans ce secteur, nous recommandons que l'essentiel de l'aide dans ce secteur soit orienté vers l'augmentation du nombre de policiers et de juges, et l'amélioration de leur formation pour qu'ils puissent s'acquitter de leur devoir.
En matière de développement, le ROCAHD pense que, vu les indicateurs de développement social en Haïti — analphabétisme, chômage, santé, déboisement, accès à l'eau, disponibilité des ressources énergétiques et promotion de l'égalité des sexes —, il est indispensable que l'essentiel de l'aide du Canada en Haïti soit orienté vers l'amélioration de la situation de la population. Ces besoins peuvent être pris en compte par les programmes du gouvernement, certes, mais aussi par des activités dans le secteur communautaire. Le secteur communautaire haïtien est très important et permet de satisfaire dans une large mesure les besoins humains fondamentaux de la population haïtienne. Il convient d'appuyer ce secteur pour qu'il continue à faire ce travail.
Il n'est pas possible pour le gouvernement haïtien, ni pour le secteur privé haïtien, de se charger de tout ce qu'il y a à faire en Haïti. Qu'il s'agisse de projets de reboisement, de conservation du sol, d'accès à l'eau, de mise sur pied de coopératives de production et de transformation de produits agricoles ou d'élevage, nous pensons que nous, au ROCAHD, pouvons contribuer à les mener à bien. Nous pourrions le faire davantage si nous recevions plus de contributions de la part de l'ACDI et si nos associations canado-haïtiennes pouvaient bénéficier d'un ratio de partage des coûts plus favorable.
Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner devant le comité. Nous pourrons donner davantage de détails dans nos réponses aux questions qui vont suivre.
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame et messieurs. C'est très intéressant de vous entendre. Je vais passer rapidement aux questions, puisque nous avons cinq minutes pour les questions et réponses. Donc, pour avoir des réponses, j'abrégerai mon préambule.
Madame Alvarado, vous et votre groupe avez beaucoup d'ambition, et c'est formidable. J'aimerais que vous me parliez de l'état des universités.
Depuis plus de 40 ans, il y a eu un certain exode des gens des universités, que ce soit dans le domaine médical, dont je suis issu, ou dans d'autres domaines. Croyez-vous qu'il soit possible d'envoyer des conseillers en Haïti pour faire passer les jeunes du primaire au secondaire? On sait que vous avez un peu le même système que la France. Croyez-vous qu'en Haïti, on puisse vraiment aller de l'avant avec les universités? On sait que ce sont surtout des universités privées.
Ma deuxième question s'adresse à M. Faustin. Le groupe ROCAHD fait de l'excellent travail. Vous effectuez beaucoup de travail communautaire et, selon moi, c'est très important.
On parle beaucoup de la sécurité à Port-au-Prince, mais j'aimerais connaître votre opinion sur la situation qui existe à l'extérieur de Port-au-Prince. Des témoins nous ont mentionné qu'il fallait mettre sur pied des projets visibles, sinon on retournerait à un climat d'insécurité, surtout dans les rues, situation qui serait vraiment en opposition avec les objectifs du président Préval.
Vous avez parlé de micro-crédit. Développement international Desjardins est très impliquée en Haïti. Il y a plus de 60 centres bancaires où on fait du micro-crédit, ce qui est excellent. Est-ce que le micro-crédit fonctionne bien chez vous? Est-ce qu'on peut aller de l'avant? À mon avis, ce sont de petits éléments qui sont très visibles. Lorsque les gens obtiennent un petit crédit, ils peuvent créer eux-mêmes leur emploi et je crois que c'est important.
Y a-t-il des régions à l'extérieur de Port-au-Prince où on pourrait construire un puits et ainsi faciliter la vie des gens? Cela permet aux gens de réaliser que leur gouvernement fait quelque chose pour eux.
J'aimerais avoir votre opinion, surtout à l'égard des régions situées à l'extérieur de Port-au-Prince.
Premièrement, ROCAHD est une organisation parapluie. Elle regroupe des associations de médecins, d'infirmières, d'ingénieurs, d'enseignants, ainsi que des associations locales composées de gens de différentes régions d'Haïti qui se sont regroupés et qui veulent s'investir dans des projets communautaires dans leur coin de pays.
Une liste des groupes haïtiens au Canada a été compilée par CSE International en 2004. Quelque 120 organisations haïtiennes y figuraient. La plupart ont une vocation locale: elles veulent aider les Haïtiens installés au Canada. Une soixantaine souhaitent s'investir dans des projets de développement en Haïti.
Nous regroupons 36 de ces 60 organisations. Autrement dit, ROCAHD est un organisme rassembleur. C'est sous son égide qu'on retrouve le plus grand nombre d'organisations canado-haïtiennes qui veulent venir en aide à Haïti. C'est la première chose.
Pour ce qui est de votre deuxième question, à savoir quel est l'accueil réservé par le peuple haïtien à la diaspora, quels sont ses rapports avec elle, la réaction est mitigée. La diaspora aide Haïti. De partout dans le monde, l'aide afflue vers Haïti à hauteur de 1,3 milliard de dollars. Sans cette aide, c'est bien simple, Haïti sombrerait. Les gens veulent louer une maison, envoyer leurs enfants à l'école, acheter de la nourriture et payer la facture d'électricité. Ils comptent sur leurs parents au Canada , aux États-Unis, en France ou ailleurs dans le monde, pour les aider à subvenir à leurs besoins quotidiens.
En revanche, la constitution d'Haïti ferme la porte aux membres de la diaspora. Elle exclut les Haïtiens qui ont adopté la citoyenneté d'un autre pays. On peut donc dire que la réaction est mitigée.
Si vous voulez retourner en Haïti pour créer une entreprise dans l'optique d'aider les gens, on vous accueillera à bras ouverts, mais pour ce qui est de participer à la vie politique, vous ne serez pas considéré pas comme un postulant légitime parce que vous avez quitté le pays. La réaction est mitigée.
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C'est tout pour les motions. Passons au deuxième rapport du sous-comité du programme et de la procédure.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de passer à huis clos, n'est-ce pas? Avez-vous un exemplaire de votre rapport?
Le sous-comité s'est réuni le mardi 13 juin pour étudier les travaux du comité et a convenu de faire les recommandations suivantes.
1. Que des représentants d'Oxfam Québec soient invités à comparaître devant le Comité le mardi 20 juin 2006.
Ils seront ici le mardi 20 juin.
2. Que des représentants de Droits et Démocratie soient invités à comparaître devant le Comité au sujet de l'étude sur Haïti le mardi 20 juin 2006.
Ils sont dans l'impossibilité de comparaître à cette date. Ils rencontrent le ministre.
3. Que Robert Greenhill, président de l'ACDI, soit invité à comparaître devant le Comité le 21 juin 2006, de 15 h 30 à 16 h 30.
Il accompagnait le ministre la dernière fois, mais certains d'entre nous ont jugé qu'il serait bon de lui demander de revenir.
4. Que le Comité se réunisse pour discuter des travaux futurs le 21 juin 2006, de 16 h 30 à 17 h 30.
5. Que le Comité renvoie les demandes de comparution de Falun Gong et de la Fédération vietnamienne du Canada au Sous-comité des droits internationaux de la personne.
6. Que la greffière du Comité soit autorisée à distribuer le rapport de 2004 du Comité sur le VIH/sida à tous les membres du Comité.
7. Que, dans le cadre de l'ébauche d'une étude future sur le développement de la démocratie, la greffière, en collaboration avec le président, prépare des propositions budgétaires au nom du Comité concernant le voyage proposé aux États-Unis et en Europe, et que le président soit autorisé à présenter ce budget au Sous-comité du budget du Comité de liaison.
Je voulais demander aux députés qui ont fait partie du comité directeur si cela correspond à leur compréhension du rapport?