FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 8 novembre 2006
[Enregistrement électronique]
[Français]
Bonjour à tous.
Conformément à l'article 122 du Règlement, nous tenons une séance d'information sur la situation en Afghanistan.
[Traduction]
Nous accueillons comme témoins aujourd'hui, de Project Ploughshares, M. Ernie Regehr, conseiller principal en politiques — bienvenue, monsieur Regehr — et, par vidéoconférence, de l'Université de Calgary, M. David Bercuson, professeur, directeur du Centre for Military and Strategic Studies. Bienvenue à vous aussi, monsieur Bercuson.
Je tiens à signaler la présence d'un groupe du Forum des enseignantes et des enseignants sur la démocratie parlementaire canadienne qui assiste à notre séance aujourd'hui. Je vous souhaite également la bienvenue. Nous sommes très heureux de nous avoir avec nous cet après-midi.
Nous allons commencer par M. Regehr. Vous avez dix minutes pour votre déclaration liminaire. La parole est à vous, monsieur Regehr.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis reconnaissant au comité de son invitation.
Comme vous le savez, les Canadiens sont très ambivalents au sujet du rôle du Canada en Afghanistan. Ce n'est pas la première fois que les Canadiens mettent en question les priorités politiques et les décisions qui ont pour effet d'envoyer nos soldats participer à des missions périlleuses à l'étranger. Parfois, les critiques visent aussi les autorités militaires qui commandent et dirigent ces opérations, mais il est acquis qu'elles s'expriment dans le contexte d'un profond respect pour le dévouement extraordinaire et le sacrifice des soldats qui servent en notre nom et que nous honorons. Le même respect est dû et accordé aux employés civils, aux diplomates et aux travailleurs non gouvernementaux qui, avec courage, partagent les risques associés à ces opérations complexes.
Notre organisation intervient dans le débat public sur l'Afghanistan en se basant sur cette même prémisse. J'ajoute que nous le faisons d'un point de vue strictement canadien. Je ne suis pas allé en Afghanistan et, par conséquent, comme la plupart des Canadiens, je dois me fier aux comptes rendus d'autres sources : les médias, l'ONU, les ONG, les groupes de recherche qui ont des représentants sur le terrain et, bien sûr, notre propre gouvernement.
Voilà qui m'amène au premier des trois points que je veux aborder.
En tant que Canadiens, nous dépendons de rapports exhaustifs et fouillés du gouvernement. Nous saluons tout particulièrement le fait que le ministre de la Défense et le chef d'état-major de la Défense aient récemment comparu devant le Comité de la défense et devant votre comité. Ces comparutions doivent être beaucoup plus fréquentes et inclure une communication beaucoup plus claire et transparente quant aux progrès réalisés vers l'atteinte des objectifs de la mission dans une perspective canadienne. Les rapports sur les rôles, les activités et les éléments de logistique du contingent canadien sont manifestement très importants, mais nous avons aussi besoin d'évaluations qui confirment qu'aux plus hauts échelons de l'appareil gouvernemental canadien, on sait pertinemment ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Cette démarche s'impose si nos dirigeants veulent que la population soit convaincue que les décisions qu'ils prennent sont fonction de cette prise de conscience et d'une évaluation spécifiquement canadienne de ce que la situation exige.
À la lecture du témoignage du ministre et du chef d'état-major de la Défense, deux choses me frappent : on n'y évalue pratiquement pas la situation globale en Afghanistan, et lorsqu'on le fait, cette évaluation diffère parfois sensiblement des comptes rendus provenant d'autres sources.
À propos de l'importante question de l'ampleur de l'insurrection, le ministre O'Connor a déclaré au Comité de la défense que « l'insurrection est un défi de taille dans quelque six ou sept des 34 provinces d'Afghanistan. Dans les autres provinces, il règne, d'un point de vue afghan, une stabilité relative. » Devant votre comité, ce chiffre a été porté à neuf ou dix — autrement dit, il y aurait 20 ou 25 provinces relativement stables —, mais à la fin de septembre, le secrétaire général de l'ONU a fait rapport d'une recrudescence de la violence. Selon lui, « l'insurrection couvre désormais un large territoire en forme d'arc où dominent les Pachtous, qui s'étend de la province de Kunar à l'est à la province de Farah à l'ouest; elle touche de plus en plus la limite sud des hauts plateaux du centre... » Si l'on regarde la carte, le champ de l'insurrection semble englober 15 à 20 provinces plutôt que neuf ou dix, comme on l'a mentionné.
En outre, le secrétaire général a déclaré : « À aucun moment depuis la chute des talibans à la fin de 2001, la menace qui pèse sur la transition en Afghanistan n'a été aussi sérieuse. » En novembre, dans son second rapport, l'International Crisis Group peint un portrait encore plus sombre, tout comme le Council on Foreign Relations.
Ce que je veux dire, ce n'est pas que le ministre a tort et que tous les autres ont raison; c'est plutôt que nous avons besoin d'une évaluation canadienne sérieuse. Si le Canada présente des conclusions différentes des autres, qu'on nous explique pourquoi.
Un sentiment d'urgence imprègne les nombreux rapports que l'on peut lire à l'heure actuelle en ce qui concerne non seulement l'insurrection, mais aussi l'économie afghane et les efforts de reconstruction du pays, deux volets dont l'impact est substantiel dans un contexte insurrectionnel. À mon avis, l'ambivalence des Canadiens tient en partie au fait qu'ils ont le sentiment de ne pas avoir l'heure juste — ou, pis encore, le sentiment que leurs dirigeants leur cachent l'heure juste parce qu'ils craignent une érosion encore plus marquée du soutien de la population s'ils divulguaient tout le sérieux de la situation.
Une initiative aussi simple que la présentation de rapports et d'évaluations bi-hebdomadaires ou mensuelles à votre comité ou au comité de la défense, par exemple, ferait beaucoup pour bâtir une culture fondée sur une meilleure reddition de comptes et pour susciter une discussion éclairée.
Mon deuxième point concerne la décision de garder ou de modifier le cap. Et il s'agit autant d'une question que d'un argument que je pose au sujet de la transition de l'opération Liberté immuable à l'opération de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS).
Les deux opérations ont des raisons d'être très différentes. L'opération Liberté immuable a été mise sur pied strictement pour assurer la défense des États-Unis en vertu de l'article 51 de la Charte. Elle ne se déroulait pas sous l'égide d'un mandat de l'ONU. Son objectif était de rechercher et de neutraliser les groupes soupçonnés d'avoir été impliqués dans les attentats perpétrés en Amérique du Nord. Pour sa part, la FIAS relève entièrement d'un autre paradigme, soit assurer la sécurité du peuple de l'Afghanistan. Pour passer de la défense des intervenants à la sécurisation de la population hôte, il a fallu opérer un changement d'orientation de l'action militaire, c'est-à-dire passer des attaques contre des adversaires présumés dans leurs bastions pour s'investir dans la création et le soutien de forces militaires, de sécurité et de police afghanes dans les régions où le gouvernement est déjà bien ancré, soutenu et en passe de démontrer les avantages liés à l'élargissement de l'autorité gouvernementale.
Le ministre et le chef d'état-major ont beaucoup insisté sur l'importance de « supprimer l'insurrection », pour reprendre les propos du ministre. C'est pratiquement comme si cette action militaire, de style opération Liberté immuable, est un préalable au progrès dans d'autres domaines. Ce n'est pas là un scénario encourageant, compte tenu de la résurgence des forces rebelles. Infliger une défaite militaire aux insurgés, d'après ceux qui pensent que c'est même faisable, exigera au moins quatre préalables : davantage de troupes pour la FIAS, des forces de sécurité afghanes efficaces, l'interruption du financement fourni par la culture du pavot et la coopération du Pakistan. Aucun de ces facteurs n'est en voie de se concrétiser à un rythme qui permette de faire une différence sous peu.
J'arrive d'une rencontre qui portait sur la sécurité en Afrique. Un participant a fait remarquer que depuis le début de la décolonisation, il n'y a même pas eu deux insurrections en Afrique que l'on a réussi à mater par une action militaire. Et c'est ce pessimisme au sujet de la voie dans laquelle nous sommes engagés qui motive la quête d'autres options, d'autres solutions. Voici quelques-unes des suggestions que l'on entend : abandonner l'action militaire directe contre les bastions de la résistance pour se recentrer sur le soutien à la formation et aux efforts de reconstruction provinciale, augmenter substantiellement l'aide non militaire, réviser les objectifs stratégiques et les tactiques de la FIAS dirigée par l'OTAN et rouvrir du processus politique dans le but d'instaurer un ordre politique plus inclusif et représentatif de l'ensemble du pays.
Mon troisième et dernier point, monsieur le président, porte sur les suggestions concernant un nouveau processus politique. L'International Crisis Group a relevé certains facteurs qui poussent les gens à s'opposer au gouvernement, d'après ce qui lui a mentionné à maintes reprises. Ces facteurs sont au nombre de cinq. Premièrement, le désenchantement politique — le sentiment qu'un groupe ou une tribu est privilégié et que les autres sont écartés des structures du pouvoir décisionnel. Deuxièmement, les conflits relatifs aux ressources. Les conflits entourant les terres et l'eau sont particulièrement aigus et ils sont exacerbés par le retour des réfugiés. Troisièmement, la corruption, qui donne l'impression d'être en présence du pillage à grande échelle des ressources de l'État et des donneurs. Quatrièmement, l'absence de développement économique et de possibilités. Le gouvernement ayant trop moussé les avantages qu'apporterait la démocratie, celle-ci suscite maintenant le scepticisme. Cinquièmement, les abus perpétrés par les forces de sécurité locales et internationales. Cela englobe surtout les exactions de l'armée et de la police locales, mais aussi les excès des forces internationales qui se livrent à des raids musclés dans les maisons, à des détentions illégales, à des bombardements aériens, etc.
Pour conclure — j'ai presque terminé —, il est clair que le défi que posent ceux que l'on appelle couramment les talibans ne semble pas découler d'un fanatisme irrationnel mais plutôt de griefs fondamentaux et familiers, semblables à ceux que l'on retrouve dans n'importe quel conflit.
Merci beaucoup, monsieur Regehr.
Nous allons maintenant passer à M. David Bercuson, de l'Université de Calgary.
Monsieur Bercuson, je vous prie.
Mes propos divergeront quelque peu de ceux qui figurent sur le document préparé à l'avance que je vous ai envoyé aujourd'hui. En effet, je croyais, à tort, que la séance d'aujourd'hui serait consacrée à la politique étrangère en général, ainsi qu'à l'Afghanistan, bien entendu. Par conséquent, je parlerai d'abord brièvement de la mission, telle que je la conçois. Cela ne prendra pas beaucoup de temps et ensuite, nous passerons à la période des questions et réponses, comme à l'habitude.
Premièrement, permettez-moi de poser la question suivante : Qui sont les talibans? Nous connaissons très bien les talibans qui ont gouverné l'Afghanistan avant 2001. Aujourd'hui, une question reste sans réponse pour bien des gens : Les talibans que nous combattons en Afghanistan sont-ils les mêmes que ceux qui dirigeaient le gouvernement de l'Afghanistan et qui ont permis à al-Qaïda de se servir du territoire afghan comme lieu d'entraînement, comme centre de préparation logistique des attentats terroristes du 11 septembre et des attentats subséquents?
À cette question, je réponds que cela importe peu. Même si les rebelles que nous affrontons dans le sud de l'Afghanistan forment une coalition peu structurée d'extrémistes religieux, de cultivateurs de pavot qui ne veulent pas que l'on détruise leurs champs, de contrebandiers locaux, de seigneurs de la guerre, etc., il ne fait aucun doute dans mon esprit que l'organisation centrale de la résistance militaire est le fait des talibans eux-mêmes, des extrémistes religieux, qui, depuis les régions frontalières du Pakistan où ils sont réfugiés en grand nombre, dirigent et financent l'insurrection actuelle. Il m'apparaît assez naïf de dire qu'il ne s'agit pas là des talibans que nous connaissions si bien auparavant.
À mon avis, la mission est réalisable. Quelle est cette mission? Elle consiste à appuyer le gouvernement de Hamid Karzai de façon à ce que les talibans ne puissent lui nuire et perturber ses efforts. N'étant pas allé sur place, il ne m'appartient pas de juger si ces efforts ont été ou non couronnés de succès . Mais les talibans tentent indubitablement, par une insurrection armée, de nuire aux tentatives du gouvernement d'établir des liens avec les milieux ruraux et de torpiller les efforts de l'OTAN et de diverses organisations gouvernementales et non gouvernementales en vue de rebâtir les villages pour permettre au gouvernement central d'y asseoir son pouvoir. La mission est réalisable, et j'estime qu'elle est nécessaire pour protéger les intérêts nationaux du Canada. Il n'est pas dans notre intérêt de voir le retour d'un gouvernement taliban — un gouvernement dirigé par et pour des extrémistes religieux — en Afghanistan. Et il ne faut pas se leurrer : c'est exactement ce qui se passera advenant l'échec de cette mission.
Il faut se rappeler que la mission comporte deux composantes : l'action militaire et la reconstruction. La mission militaire est nécessaire pour protéger l'oeuvre de reconstruction. À terme, cette oeuvre de reconstruction est uniquement possible dans le contexte plus large d'une protection militaire.
La mission de reconstruction peut-elle réussir? J'en suis certain, mais elle échouera si elle est constamment attaquée par les talibans et leurs partisans. Le fait que des Canadiens aient été tués alors qu'ils construisaient des routes et des écoles, qu'ils essayaient d'acheminer des provisions, etc. est la preuve irréfutable que les talibans, les jihads, -- qu'importe le nom qu'on veut leur donner — sont prêts à tout pour perturber la mission de reconstruction. Mais cette reconstruction ne sera tout simplement pas possible sans l'instauration d'une certaine forme de sécurité.
En soi, l'établissement d'un climat sécuritaire n'est pas suffisant pour assurer le succès de cette mission. Je pense que tout le monde le comprend. Je pense que l'OTAN le comprend. Chose certaine, notre gouvernement le comprend. Il faut déployer des efforts considérables pour rebâtir le pays. Il faut s'attacher à promouvoir une réforme sociale dans le respect des moeurs et des valeurs de la population locale. Mais une chose est claire. Peu importe la religion que l'on pratique, la corruption est la même pour tous les peuples, et tous les peuples la reconnaissent. Il faut manifestement établir dans ce pays un gouvernement viable et incorruptible, ou aussi incorruptible que possible. Et l'atteinte de ces objectifs passe nécessairement par la reconstruction, laquelle ne pourra se concrétiser en l'absence de sécurité militaire.
Les défis militaires sont considérables. Il faut constamment avoir à l'esprit que, sous une forme ou une autre, la guerre règne là-bas, que l'on parle d'une guerre larvée, d'une insurrection ou d'un conflit asymétrique. Mais le fait que des gens aient recours à la violence pour perturber notre mission signifie que c'est la guerre. Nos soldats sont attaqués; nos travailleurs humanitaires sont attaqués. C'est la guerre.
Dans n'importe quelle guerre, les combattants adverses ont une volonté et une intelligence qui leur sont propres. Ils recourront à tous les moyens et à toute l'ingéniosité possibles pour contrer les forces et la technologie que vous déploierez sur le champ de bataille dans le but de réaliser votre mission.
Il faut se rappeler que les forces militaires canadiennes vivent une transition fondamentale : formées pour le maintien de la paix, nos troupes doivent se transformer en troupes de combat. Il leur faut apprendre des leçons. Parfois, cet apprentissage sera très dur et impliquera des pertes de vie, jusqu'à ce qu'elles aient appris à fonctionner dans ce contexte.
Il est très important que le Canada continue de faire valoir que l'OTAN n'a tout simplement pas suffisamment de troupes sur le terrain pour s'acquitter de son mandat.
Je ne suis pas allé en Afghanistan, mais je pense savoir quels sont les ingrédients nécessaires pour combattre une insurrection comme celle que nous combattons en territoire afghan. Il faut pouvoir déployer une combinaison de forces de types différents : forces spéciales, forces régulières, etc. — alliées à diverses technologies et, chose certaine, une masse critique. Il ne fait aucun doute qu'une masse critique, ou un grand nombre de soldats, est un atout en soi. Tant que nous ne pourrons pas compter sur la masse critique nécessaire pour mater les rebelles, l'insurrection se poursuivra. Cela représente un défi à la fois politique et militaire pour l'OTAN.
Le défi politique, c'est qu'advenant un échec de l'OTAN en Afghanistan, l'avenir de l'organisation sera compromis.
L'OTAN doit affronter le Pakistan avec un front uni et tenter de convaincre le gouvernement pakistanais, par tous les moyens nécessaires, qu'il ne peut plus continuer à jouer double jeu. C'est un ingrédient essentiel du succès d'une mission militaire.
Mais si l'OTAN échoue en Afghanistan, son avenir en tant qu'organisation de sécurité sera très sombre. À mon avis, le Canada souffrira d'une érosion éventuelle de l'efficacité de l'OTAN, pour les raisons que je mentionnerai dans quelques minutes.
Le Canada a pris un engagement. Il y a eu un vote au Parlement au sujet de cet engagement. Nous devrions respecter cet engagement jusqu'en février 2009, jusqu'à la fin de la première rotation ou, possiblement, poursuivre pour une autre rotation après 2009. À partir de là, nous devrions commencer à réduire nos effectifs. Et si nos troupes devaient rester, il faudrait qu'elles soient déployées ailleurs en Afghanistan, dans une région moins hostile, et, essentiellement, obliger nos partenaires de l'OTAN à se commettre.
Si vous considérez que c'est une mission importante pour l'OTAN, alors d'ici 2009, le Canada pourra dire qu'il a fait sa part et qu'il est temps que quelqu'un d'autre fasse le gros du travail en Afghanistan pour que nous puissions donner à nos forces armées le temps de se rebâtir et de se régénérer. Il est dangereux que l'on croie au Canada que nous serons présents en Afghanistan pendant 10, 20 ou 30 ans. Nous n'avons pas les ressources militaires pour cela. Le gouvernement planifie de rebâtir les forces militaires canadiennes à partir de son niveau du début des années 90, et je pense que c'est louable. Or, ce sera impossible si nous participons constamment à des opérations de combat dans un pays comme l'Afghanistan.
Nous devons fournir en Afghanistan l'effort que nous avons promis de fournir à nos partenaires de l'OTAN. Cela fait — nous n'allons pas gagner la guerre en Afghanistan tout seuls —, le moment sera venu pour nous de laisser d'autres pays de l'OTAN prendre le relais dans cette région.
Pourquoi l'OTAN est-elle si importante pour le Canada? Pour contrebalancer — aujourd'hui comme dans le passé — l'influence des États-Unis. Les Nations Unies ne sont tout simplement pas un véhicule approprié pour nous. En tant qu'organisation de défense et de sécurité, les Nations Unies sont devenues synonymes de faillite totale. Nous avons été témoins de ses échecs tout au long des années 90, avec les guerres civiles en Bosnie et ailleurs. En ce moment, nous voyons se recréer au Conseil de sécurité une dynamique très semblable à celle que nous avons connue pendant les années de la guerre froide.
Il est très évident — et nous pourrons y revenir lors de la période des questions et des réponses — que les intérêts de la Russie et de l'Occident sont divergents, et que les intérêts de la Chine et de nombreux autres pays et ceux de l'Occident sont divergents. Il n'y a qu'à voir la façon dont nous voyons le Soudan et la façon dont la Chine voit le Soudan. Il y aura impasse au Conseil de sécurité très bientôt, si cela n'est pas déjà fait. Cela signifie que les Nations Unies en tant qu'organisation de sécurité est dans un cul-de-sac.
Ou nous collaborons avec l'OTAN, ou nous en serons réduits à dépendre presque complètement des États-Unis d'Amérique. Et je ne pense pas que ce soit dans l'intérêt du Canada. Je pense que le Canada devrait promouvoir une OTAN vigoureuse, axée vers l'avenir — politiquement transformée pour devenir une alliance de pays démocratiques voués à la sécurité de la planète. Mais si l'OTAN échoue en Afghanistan, cela n'arrivera pas.
À bien des égards, la poursuite de la mission sous sa forme actuelle jusqu'en 2009 sert l'intérêt national et la propagation dans le monde des valeurs canadiennes telles que nous les concevons. Mais à partir de cette date, il faudra veiller à assurer la transformation de la mission.
Merci.
Merci, monsieur Bercuson, et merci à la technologie moderne qui fait qu'il est possible pour vous de discuter avec nous aujourd'hui, même si vous êtes dans une autre province éloignée.
Je vous remercie également, monsieur Regehr. Ce n'est pas votre première comparution ici, et vous êtes toujours le bienvenu. Votre témoignage est apprécié.
Nous allons débuter le premier tour de table. Je propose des interventions de sept minutes. Est-ce ce que vous aviez mentionné, monsieur Patry?
M. Wilfert sera le premier, suivi de M. Martin. Comme ce temps de parole vous appartient, vous pouvez l'organiser comme bon vous semble.
Monsieur le président, je remercie les deux témoins.
Après être allé en Afghanistan en mai, je peux dire que la mission a certainement changé. À propos de son rôle, il comporte effectivement un volet militaire et de reconstruction, mais aussi un volet diplomatique.
Monsieur Bercuson, vous avez parlé de diplomatie, en quelque sorte, à propos du Pakistan. Il ne fait aucun doute que la frontière occidentale est très poreuse. Il est évident que le Pakistan doit cesser de tenir un double langage. Il faut que ce pays arrête de jouer double jeu.
Au sujet de la négociation, je ne sais trop avec qui nous pourrions négocier car si j'étais, comme le Mullah Omar, à la tête des talibans, je ne voudrais négocier avec personne. De toute évidence, les talibans sont prêts à une guerre d'usure; ils espèrent que le Canada et les autres pays étrangers quitteront éventuellement le pays sous la pression de l'opinion publique. D'ailleurs, il n'est pas nécessaire de remonter très loin dans l'histoire pour constater que lorsque des pays sont intervenus pour appuyer un gouvernement, ils ne sont pas restés à long terme.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus long au sujet du rôle du Canada? Vous dites que les forces armées sont en transition, et qu'après 2009, nous devrions réduire notre présence et partir; et si nous restons, que nous devrions intervenir dans des régions moins hostiles. Qu'en est-il du Pakistan? Quelles pressions l'OTAN peut-elle exercer auprès du Pakistan, compte tenu du fait que nous recevons constamment des assurances et que, malgré tout, il ne se passe rien.
Ensuite, j'ai une brève question pour notre autre témoin.
Monsieur Wilfert, nous allons écouter la question de M. Martin également, et ensuite, nous passerons aux réponses.
Allez-y, monsieur Martin, très rapidement.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux de votre témoignage.
Les talibans de 2006 ne sont pas les mêmes que les talibans de 2001. Nous sommes allés en Afghanistan pour assurer notre propre sécurité, et non pas pour rebâtir le pays. L'Afghanistan est-il une source première de terrorisme dans le monde? Si oui, pourquoi? Et si non, quel pays a cet honneur douteux?
Ma deuxième question s'adresse à vous, monsieur Bercuson. Le ministre de la Défense a déclaré que les talibans ne peuvent remporter la victoire contre nos forces dans une guerre conventionnelle, et il a raison. Ils vont simplement continuer à faire exploser des bombes artisanales. On dit en médecine qu'une hémorragie tue. Je crains que ce type d'hémorragie ne soit fatale à nos troupes et nous force à quitter le pays sans avoir eu sur le terrain un impact fondamental qui modifierait la situation par rapport à celle d'aujourd'hui. On constate que l'emprise des talibans s'élargit au lieu de diminuer et, jusqu' ici, on peut dire que nous perdons la guerre.
C'est juste.
Vous avez parlé d'exclusion politique, de désenchantement. Quel processus faudrait-il instaurer pour faire échec à ces phénomènes? Pour peu que nous puissions négocier avec une partie quelconque, qu'impliquerait ce processus?
La première question concerne l'action que peut mener l'OTAN auprès du Pakistan.
Si l'OTAN était unie... Nous verrons après la conférence de Riga, qui se tiendra d'ici la fin du mois, si l'OTAN a la volonté de mener une action concertée et si les 26 pays membres souhaitent ou non s'investir dans la même direction. Dans l'affirmative, je pense — et cela vous semblera très dur — que le Pakistan devrait être confronté à la possibilité d'une action militaire le long de sa frontière. Autrement dit, le déploiement de troupes, en nombre suffisant, le long de la frontière pour pouvoir repousser les rebelles en provenance du territoire pakistanais.
À mon avis, il faut exercer des pressions militaires, économiques et diplomatiques sur le gouvernement du Pakistan. Les Pakistanais doivent savoir que nous sommes en guerre en Afghanistan et que si le Pakistan est le maillon faible de la chaîne, nous ne tolérerons tout simplement plus qu'il en soit ainsi. C'est aussi simple que cela.
Voilà ma réponse en ce qui concerne le Pakistan. Advenant que l'OTAN agisse ainsi, il est plus que probable que le gouvernement du Pakistan reculerait et nous fournirait plus d'aide qu'il nous en fournit en ce moment.
Pour ce qui est de la seconde question — pouvons-nous mater la rébellion? — je suis d'accord avec le ministre de la Défense. Je ne pense pas que les rebelles puissent remporter une guerre conventionnelle. Ils feront tout en leur pouvoir pour détruire notre technologie, compromettre notre formation, attaquer notre moral et miner notre centre de gravité, c'est-à-dire l'opinion publique canadienne. C'est ce qu'ils feront. À mon avis, si la mission demeure importante pour nous et réalisable au plan politique, il faut la poursuivre.
Peut-on faire échec aux bombes artisanales? On le peut, comme on peut faire échec à n'importe quelle arme. L'une des choses qu'on constate en Afghanistan, c'est que l'ennemi adopte des tactiques, des stratégies qui ont été utilisées auparavant ailleurs — en Irak, au Liban, etc. Nous devons tirer beaucoup plus rapidement que nous le faisons présentement des leçons de ces autres insurrections. Nous devons combler l'écart entre l'assimilation de ces leçons et la prise de décisions ,et je pense qu'avec le temps, nous y parviendrons.
Premièrement, à la question de savoir avec qui négocier, l'une des caractéristiques de l'insurrection, c'est qu'elle est très intense dans une zone ethnique et géographique bien définie. Elle est en symbiose avec des populations particulières et une région géographique particulière où elle se concentre. Autrement dit, elle n'est pas entre les mains de fanatiques éparpillés dans tout le pays et dont les bases sont disséminées dans l'ensemble de la région. C'est un mouvement concentré.
Dans la zone où la rébellion est concentrée, il y a une myriade de dirigeants que des gens qui connaissent l'Afghanistan beaucoup mieux que moi pourraient identifier. On trouve dans ces zones des chefs politiques, municipaux, ethniques et traditionnels. Il y a une vaste gamme d'interlocuteurs avec lesquels on pourrait discuter, des gens qui, en fait, peuvent exprimer les griefs qui les jettent dans les bras des talibans.
À mon sens, il ne serait pas judicieux de solliciter les chefs talibans et de renforcer davantage leur position en les mettant au centre des négociations. Je pense qu'il faut plutôt aller chercher des gens qui ont des doléances envers le gouvernement, qui sont désabusés et qui, à défaut d'autres refuges politiques, adoptent les talibans comme porte-parole pour exprimer leur dissidence. C'est vers ces chefs non talibans, qui ont des griefs à exprimer, qu'il faudrait se tourner dans un contexte de négociation.
Peut-on gagner ou perdre? La règle de base de l'insurrection, c'est que les rebelles gagnent s'ils ne perdent pas, et que les gouvernements perdent s'ils ne gagnent pas. Autrement dit, tout ce qu'une force de guérilla doit faire, c'est éviter de perdre, et elle sort gagnante. Elle atteint son objectif. Mais si un gouvernement ne remporte pas une victoire décisive, il est perdant.
Comme je le disais tout à l'heure, sur le continent africain, dans bien des cas d'insurrection anti-gouvernementales, les gouvernements ne gagnent pas.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Messieurs, merci d'être ici aujourd'hui.
Plus on en parle, moins on a l'impression de comprendre ce qui se passe en Afghanistan. Vous pourrez peut-être nous aider à mieux comprendre.
Nous sommes en train de discuter de la possibilité de gagner ou de perdre. Tout cela est bien beau, sauf que nous en sommes déjà à nous demander pourquoi nous sommes en Afghanistan. La population dit que la principale raison de notre présence là-bas est d'aider le peuple afghan et de faire en sorte que le pays revienne dans le giron de la démocratie. Cependant, on se retrouve dans une situation très grave de guerre contre les talibans, que personne ne semble pouvoir identifier.
Le gouvernement du Canada, qu'on a essayé de questionner plusieurs fois à cet égard, nous affirme — et les ministres l'ont également dit en comité — qu'à part le sud et l'est du pays, le reste de l'Afghanistan est sur la bonne voie.
Une journaliste connue, Céline Galipeau, fait actuellement un reportage en Afghanistan. Elle dit que le nord de l'Afghanistan est sous la mainmise de ceux qu'on appelle les seigneurs de guerre, les moudjahidines, bien connus pour leur corruption. Le nord ne reçoit pas l'aide annoncée et la criminalité augmente de façon alarmante. Selon Mme Galipeau, le nord se sent abandonné par la communauté internationale et fait face à un grand problème de criminalité, qui ne cesse de s'aggraver. Donc, le portrait d'un sud du pays assailli où il y a beaucoup de problèmes ne semble pas corroboré par cette journaliste.
Ma question s'adresse à vous deux. Quelle est la situation actuelle en Afghanistan et où en est la reconstruction du nord du pays?
Je n'y suis pas allé, Tout ce que je peux dire, c'est ceci: l'Afghanistan est de toute évidence un gâchis, et ce n'est pas étonnant étant donné qu'il a été le théâtre de guerres constantes, d'insurrections, de conflits tribaux, d'une invasion des Soviétiques, etc., pendant des décennies et des décennies. Il ne faut pas s'étonner de retrouver encore aujourd'hui en Afghanistan de la corruption, des seigneurs de guerre bien en selle et bien d'autres facteurs négatifs. Vraisemblablement, la situation perdurera pendant les 50 prochaines années.
Mais il faut se demander ce que l'on tente de réaliser. Nous essayons de donner au gouvernement de l'Afghanistan, qui a été choisi par le peuple afghan à l'occasion d'élections tenues avec succès sous la surveillance d'organisations internationales, une chance d'amorcer un cheminement vers le redressement du pays. Je ne doute pas — j'ai lu les reportages des journalistes qui sont allés sur le terrain et j'ai parlé à des gens qui se sont rendus là-bas — que les habitants sont impatients face à la lenteur des progrès. Je peux certainement le comprendre. Mais nous devons nous concentrer sur la mission qui est la nôtre. Nous sommes un pays modeste. Nous n'avons pas beaucoup de ressources. Nous devons cibler notre action. Nous devons faire notre part au plan militaire pour instaurer la sécurité de façon à ce que les efforts de reconstruction puissent démarrer et donner des résultats. Et nous devons apporter une contribution à ces efforts. Voilà ce qu'il faut faire. Il faut aussi assurer une présence pendant un certain laps de temps, ce qui ne veut pas dire indéfiniment, ou même pour 20 ou 10 ans. C'est tout ce que nous pouvons faire.
En ce qui concerne les Afghans eux-mêmes, je pense qu'avec le temps, dans un climat sécuritaire, ils pourront aider leur pays à se relever. C'est dans leur propre intérêt de le faire. Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit d'autre que l'on puisse dire à ce sujet.
Si l'on s'attend à ce que l'Afghanistan devienne une démocratie libérale exempte de toute corruption du soir au lendemain, nos attentes sont trop élevées et la barre est trop haute. Si c'est à cette aulne que l'on mesure notre succès, nous serons toujours déçus. Ce sont là des attentes déraisonnables.
Je répondrai brièvement. Une grande tragédie se produira si l'insurrection dans le Sud fait office d'aimant et attire de plus en plus les forces de sécurité dans ce vortex. Le résultat, c'est que les autres régions du pays seront peu à peu moins protégées et moins sécuritaires. En outre, la reconstruction, qui avait pu démarrer dans les zones du pays où le gouvernement jouissait initialement d'un soutien de base, se trouvera compromise à cause du manque de sécurité.
Et dans le Sud, qui constitue le foyer des opérations anti-rébellion... Barnett Rubin, du Council on Foreign Relations, par exemple, fait valoir que la concentration des opérations militaires dans cette zone a donné un nouveau souffle à la rébellion, et que cela va à l'encontre du but recherché.
Je remercie beaucoup les témoins d'aujourd'hui.
Je ne vais pas poser de question. Je vais seulement faire une observation et répondre à certaines questions. Demain après-midi, je pars pour New Delhi, en Inde, pour assister à la deuxième conférence sur la coopération économique régionale en Afghanistan.
Cette conférence réunit les pays autour de l'Afghanistan. Tous les pays ont été invités; de plus, les pays membres du G8 seront représentés. Le thème de cette conférence est un plan massif de reconstruction économique, comprenant notamment la construction d'un pipeline depuis le Turkestan au nord jusqu'au Pakistan et en Inde, à travers l'Afghanistan. Il y a un gigantesque projet de construction routière. Il y a aussi un énorme programme d'électrification. Ces modules ont été établis pour assurer la reconstruction de fond en comble de l'Afghanistan par les pays avoisinants, dont les intérêts propres, comme vous l'avez dit, monsieur Bercuson, sont en jeu, mais ils doivent saisir l'occasion. Les pays de cette région ont décidé que la sécurité et la reconstruction de l'Afghanistan sont d'une grande importance pour eux.
Il y aura aussi une réunion d'affaires dans cette partie du monde, parallèlement à cette conférence sur la reconstruction, afin d'inciter des entreprises privées à s'implanter là-bas. Les entreprises canadiennes sont invitées à aller investir dans les secteurs qui présentent des possibilités dans ce pays.
Tout cela se fait en ce moment même, mais c'est mal connu. Je n'étais pas au courant avant qu'on me demande de diriger cette délégation. Quand j'ai examiné de plus près ce qui s'est passé depuis l'année dernière, j'ai été très étonné de constater la quantité de travail qui a été faite en Afghanistan.
Comme M. Bercuson l'a dit, ce pays a été le théâtre d'une guerre de grande envergure. Le rétablissement ne se fera donc pas du jour au lendemain, mais c'est un fait qu'il y a beaucoup de bonne volonté dans les pays circonvoisins. Il n'y a pas un seul pays dans toute la région autour de l'Afghanistan qui n'est pas convaincu que la reconstruction est l'aspect le plus important. Ils n'ont pas de présence militaire dans ce pays. L'Iran n'a pas de soldats là-bas; la Chine n'en a pas non plus. Mais ils font tous partie de l'effort de reconstruction.
Maintenant, au sujet du Pakistan, nous avons des pourparlers — auxquels j'ai participé moi-même — avec le Pakistan depuis trois semaines. Aujourd'hui, malheureusement, plus de 40 soldats pakistanais ont perdu la vie dans un attentat suicide, et les Pakistanais commencent donc à prendre conscience qu'ils feraient mieux de s'attaquer à cette menace, parce qu'elle est maintenant revenue les hanter chez eux. Aujourd'hui, ils ont perdu des soldats et ils ont dit: oui, nous allons combattre cette menace le long de notre frontière poreuse.
Donc, la situation change, oui. Nous avons un défi à relever, à n'en pas douter. C'est vrai qu'il y a actuellement certains éléments qui ne sont pas satisfaisants. Le gouvernement Karzai est faible, mais il y a de la bonne volonté dans tous les pays avoisinants, y compris le Canada, pour ce qui est de travailler et de participer à cet effort de reconstruction.
Merci.
Merci, monsieur Obhrai.
Partagez-vous votre temps avec M. Goldring?
Monsieur Goldring, voulez-vous poser votre question, très rapidement?
Monsieur Regehr, vous avez dit qu'à votre avis, la situation a été mal évaluée et le gouvernement est dans l'erreur. Vous avez même dit qu'il faudrait négocier avec les talibans. Il est très improbable que des négociations puissent avoir lieu, car que négocierait-on au juste? Proposerait-on de revenir à la situation antérieure? De revenir à la négation totale des droits fondamentaux et de faire de nouveau de ce pays une menace pour le monde entier?
Je dirais que la porte est ouverte, mais qu'il faut deux personnes pour tenir un dialogue quelconque. Compte tenu de la situation et de ce que l'on apprend dans les journaux aujourd'hui, il y a des projets d'une valeur de 300 millions de dollars là-bas. Il y a une approche équilibrée pour la gouvernance et la sécurité et, dépendant de la région et du secteur, il faut voir dans quelle mesure on peut progresser dans les secteurs difficiles, car je crois savoir que beaucoup d'écoles qui avaient été construites ont été fermées et même détruites tout de suite après et il faut donc adopter une approche équilibrée face à ce pays.
Compte tenu de ce scénario et des projets valables qui ont été réalisés dans le dossier de la gouvernance et du fonctionnement du gouvernement, peut-être pourriez-vous nous conseiller et nous dire ce que l'on pourrait faire, à votre avis, pour consolider les acquis. Quels secteurs ne sont pas appuyés dans la société civile? Que pourrait-on faire de plus dans ce domaine?
Eh bien, ma réponse sera très différente de celle que vous escomptez probablement.
Si les talibans constituent aujourd'hui une coalition peu structurée ayant comme noyau dur les extrémistes religieux et d'autres éléments, qu'ils soient criminels, politiques ou autres, je pense que les forces armées que nous avons dans ce secteur devraient cibler essentiellement l'élimination des talibans purs et durs et recourir à des mesures incitatives politiques, économiques, etc., pour essayer de détacher de ce noyau dur les autres éléments qui, au fond, se fichent éperdument de savoir qui dirige le pays, que ce soit sur le plan politique ou religieux. Je pense que cela peut se faire de diverses manières, notamment au moyen de l'aide économique, de la reconstruction, etc., pour essayer d'attirer ces gens-là en dehors de l'orbite protectrice des talibans.
Je pense qu'il y a un fait incontournable: il faut combattre et vaincre militairement le noyau dur des talibans, avant qu'on puisse accomplir quoi que ce soit d'autre. Il est absolument vital de les mettre hors de combat.
Je suis plutôt d'accord avec M. Bercuson. Cela revient en fait à ce que je disais en réponse à la question précédente. C'est une caricature de dire que nous devrions discuter avec les talibans et négocier pour revenir à... Il y a un vaste éventail de dissidents et, comme M. Bercuson l'a dit, il faut provoquer la scission entre ces éléments et le noyau dur des talibans. C'est l'argument que j'invoquais tout à l'heure moi aussi.
Pour ce qui est de l'évaluation faite par le ministre et le chef d'état-major de la Défense, je ne crois pas être le seul à trouver que leur description de la situation en Afghanistan ne concorde pas tout à fait avec ce qui émane de beaucoup d'autres sources. J'ai fait observer que pour avoir un débat sérieux et éclairé sur la probabilité d'atteindre cet objectif militaire évoqué par M. Bercuson, c'est-à-dire de vaincre militairement des insurgés déterminés, nous devons reconnaître franchement la nature de la situation. Je pense que dans leurs rapports, certains groupes indépendants comme International Crisis Group, et aussi le secrétaire général brossent un tableau globalement plus pessimiste que celui que nous décrivent le ministre et le chef d'état-major.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à M. Regehr et à M. Bercuson de comparaître devant le comité. Je vais vous poser brièvement une question à chacun de vous, après quoi je vous donnerai le reste du temps pour y répondre.
Je dois dire que j'accueille avec grande satisfaction les questions que vous avez soulevées, monsieur Regehr, au sujet de ce qui semble être un véritable fossé entre l'information émanant de ceux qui examinent en profondeur ce qui se passe et le portrait simpliste dépeignant une lutte entre les forces du bien et du mal : les talibans d'un côté et les forces armées dont nous faisons partie de l'autre, groupe qui comprend, je le suppose, l'Alliance du Nord, les barons de la drogue, les seigneurs de la guerre qui constituent le gouvernement Karzai, etc.
Je me demande si vous pourriez nous en dire plus long là-dessus. Vous savez probablement que l'ambassadeur de l'ONU en Afghanistan pendant la période suivant le 11 septembre jusqu'en 2004, qui a participé à l'organisation de la conférence de Bonn, a déclaré : « L'une de mes plus grandes erreurs a été de ne pas m'adresser aux talibans en 2002 et en 2003 ». Il a ajouté qu'il n'était pas possible de les faire participer à la conférence à ce moment-là, mais qu'il considérait que c'était une « très grave erreur » de ne pas avoir déployé des efforts suffisamment énergiques dans ce but afin de mettre en branle un processus de paix global.
Je vais maintenant poser ma question à M. Bercuson, après quoi je permettrai aux témoins de répondre.
Monsieur Bercuson, je dois dire que je suis très étonnée de vous entendre préconiser une méthode dont l'inefficacité est reconnue de manière tellement générale : en fait, vous préconisez une nouvelle escalade de la violence qui nous enfoncerait davantage dans le chaos, le tout accompagné de tueries plus nombreuses, d'un fanatisme exacerbé et d'une augmentation du nombre des talibans. Je vous entends dire qu'il nous faut augmenter nos effectifs pour accentuer notre effort, dans l'espoir d'obtenir un meilleur résultat.
Vous savez sûrement que beaucoup de pays de l'OTAN refusent de toucher de près ou de loin à cette mission de combat axée sur l'offensive pour dénicher l'ennemi et le tuer, parce qu'ils estiment que la situation que je viens de décrire est exactement le résultat qui s'ensuivrait. Pourtant, je vous entends dire qu'il faut continuer dans le même sens. Je me demande si vous pourriez nous dire plus précisément sur quoi vous vous fondez pour dire que nous obtiendrions un meilleur résultat en poursuivant avec encore plus de vigueur une ligne d'action qui ne fonctionne pas.
Bien sûr. Je vais répondre d'abord à la deuxième partie de votre question.
Encore une fois, je fais une mise en garde: je ne suis pas allé sur place. Je n'ai pas vu le théâtre d'opération de l'opération Méduse; je n'ai lu aucun des comptes rendus après action, ni les journaux de guerre ou quoi que ce soit. Mais en lisant entre les lignes et en me fondant sur ce que je sais des opérations militaires en général, s'il y avait eu des effectifs militaires plus nombreux, disons une brigade mobile, on aurait pu bloquer les voies d'évasion des forces des talibans en direction de la frontière du Pakistan, et pour le dire crûment, il y aurait eu un taux de destruction de l'ennemi beaucoup plus élevé par rapport à ce qui s'est apparemment passé.
Ces effectifs ne sont pas disponibles. L'OTAN ne dispose tout simplement pas dans le sud ou le sud-est de l'Afghanistan des effectifs massifs qu'il lui faudrait pour livrer les durs combats qui sont nécessaires pour vaincre l'insurrection des talibans. Je ne dis donc pas qu'il faut continuer à faire la même chose, je dis qu'il faut mener une action un peu différente, à savoir engager des effectifs suffisants pour bien faire le travail.
Quant à nos alliés de l'OTAN, vous signalez un problème important. Je ne suis pas certain qu'ils ne veulent pas « intensifier le cycle de la violence » en Afghanistan, c'est plutôt que chacun de ces pays qui ont stipulé d'importantes conditions à leur participation l'ont fait pour diverses raisons politiques, certaines de politique intérieure, d'autres ayant trait à la politique de l'Union européenne, d'autres encore ayant à voir avec l'actuel gouvernement des États-Unis, qui sait? Je l'ignore. Mais ce que je sais, c'est que s'ils ne sont pas prêts, si l'OTAN n'est pas prête à sauver cette mission, à faire ce qu'il faut pour sauver cette mission, les aspirations de l'OTAN à devenir, en un sens, une force capable de protéger la démocratie dans le monde vont rester lettre morte. Ou bien l'OTAN va assurer sa survie, ou bien elle va échouer.
Au Canada, nous serons en mesure de dire que nous avons fait tout ce que nous avons pu. C'est très, très important que nous puissions dire cela, non seulement si l'OTAN réussit, mais surtout si elle échoue: nous avons fait de notre mieux pour éviter l'échec.
Merci.
À propos du commentaire de M. Brahimi, qui regrette de n'avoir pas parlé aux talibans, il faut se poser une question: quelle est vraiment la situation là-bas?
Sommes-nous en présence d'un gouvernement qui recueille le soutien de la majorité des habitants du pays et qui est malmené par des groupes de rabat-joie fanatiques, ou d'une société fondamentalement divisée et dans laquelle des segments importants de la population estiment être exclus du monde politique? Lequel de ces scénarios est le bon? La preuve s'accumule — et Brahimi le confirme —, c'est le deuxième scénario qui l'emporte. Dans ce cas, il faut négocier. Il ne s'est jamais produit une insurrection face à laquelle le gouvernement a répondu d'entrée de jeu qu'il ne trouvait personne avec qui négocier et que, de toute façon, tous les opposants étant des diables incarnés, il est impossible de négocier avec eux.
À l'heure actuelle, le gouvernement de l'Ouganda négocie avec l'Armée de résistance du Seigneur, une incarnation du mal qui donne froid dans le dos. Après avoir essayé de nier pendant 20 ans cette réalité, les autorités sont maintenant en négociation à Juba et à Khartoum. Il est essentiel d'engager le dialogue car il est impossible de mettre fin à une guerre autrement.
Merci, monsieur Regehr.
Monsieur Van Loan, vous avez environ deux minutes d'après l'horloge murale. Je vous invite donc à prendre 30 secondes.
Ma question s'adresse à M. Bercuson, qui a été très franc au sujet de l'OTAN et du défi que l'organisation doit relever en cette période de transition.
Les pays qui n'ont pas répondu présents, et vous avez dit clairement que le Canada avait très bien répondu à l'appel... De toute évidence, l'OTAN traverse une période critique. Y a-t-il d'autres mesures que le Canada peut prendre pour encourager ses partenaires de l'OTAN, soit à prendre des engagements plus substantiels, soit à lever les réserves motivées par des considérations intérieures? Y a-t-il des initiatives que nous pourrions prendre, selon vous?
En outre, à la lumière des interventions de l'OTAN ces dernières années, dans les Balkans et en Afghanistan, d'aucuns pourraient avancer que l'OTAN a donné un sérieux coup de collier. La situation est-elle aussi sombre que vous le dites? Si l'OTAN ne se montre pas à la hauteur cette fois-ci, est-ce vraiment la fin de l'organisation?
Pour répondre à la dernière partie de votre question en premier, je pense qu'à long terme, effectivement, ce sera la fin de l'organisation. À mon avis, l'Afghanistan est un point tournant pour l'OTAN. Les praticiens, les universitaires, etc., tous s'interrogent au sujet de l'avenir de l'OTAN. Pendant les dix premières années environ qui ont suivi la fin de la guerre froide, personne ne savait exactement ce que l'OTAN allait faire ou si elle avait même un rôle à jouer.
À terme, si l'OTAN réussit à tirer son épingle du jeu en Afghanistan, elle devrait pouvoir rallier les démocraties dans le monde, des régimes démocratiques comme l'Australie et l'Inde qui sont convaincus qu'à l'occasion une démocratie aura besoin de la protection d'une organisation de sécurité armée, mais aussi les pays enclins à transformer l'OTAN en une organisation sociale, économique et politique. Rien n'est exclu, mais cela ne se produira pas si l'OTAN échoue en Afghanistan. L'Afghanistan représente la première mission de l'OTAN à l'extérieur de son théâtre d'opération habituel, et si l'organisation échoue, comme je l'ai dit, ce sera un désastre.
Que pouvons-nous faire? À part essayer de discuter et de convaincre des gens, et je suppose que c'est exactement ce que font notre ministre des Affaires étrangères, notre ministre de la Défense et notre premier ministre, nous disons qu'il y a une échéance à notre participation lourde à ce combat, et c'est 2009. Après cette date, nous irons dans un secteur plus tranquille ou bien nous nous retirerons de l'Afghanistan parce que nous devons rebâtir nos forces ailleurs. Cela les tiendra sur le qui vive. Le seul moyen de tenir quelqu'un sur le qui vive, c'est d'avoir une situation dangereuse et d'être obligé d'y faire face. Il faut que cela se fasse.
Je n'ai qu'une chose à dire et c'est que nous devons vraiment faire preuve de prudence avant de faire de la mission en Afghanistan un point tournant de l'OTAN et de dire que cette mission doit bien servir l'OTAN. Elle doit bien servir l'Afghanistan. Je sais que M. Bercuson en est conscient, mais de modifier le point de vue et de dire que c'est l'OTAN et la survie de l'OTAN qui sont en jeu, et de dire que nous devons faire tout en notre pouvoir pour assurer cette survie, cela ne garantit pas un bon résultat pour le peuple afghan.
Merci, monsieur Regehr. J'ajouterais qu'il faut aussi songer à ce qui est bon pour le Canada et pour la lutte contre le terrorisme, car nous avons des responsabilités à cet égard.
Nous allons suspendre la séance pendant une ou deux minutes pour permettre à ce groupe de témoins de partir et au suivant de prendre place.
Merci beaucoup, monsieur le professeur et merci à vous, monsieur Regehr.
Nous reprenons la séance.
Nous devons déjà vous faire des excuses. Je n'aime pas commencer par des excuses, mais nous savons que la sonnerie va se faire entendre à 17 h 30, je crois.
Nous tenons vraiment à vous entendre tous les deux aujourd'hui. Nous sommes heureux d'accueillir Linda Jones, directrice technique, Opérations internationales, Mennonite Economic Development Associates of Canada, et M. Roland Paris, professeur agrégé, Affaires publiques et internationales, Université d'Ottawa.
Je sais que vous avez été présents pendant notre première heure de séance. Nous poursuivons la discussion de cet après-midi sur la situation en Afghanistan.
Nous vous souhaitons la bienvenue à notre comité. Nous allons vous accorder quelques minutes pour vos exposés, après quoi nous ferons le premier tour de table.
Vous avez la parole, madame Jones.
Je témoigne au nom de Mennonite Economic Development Associates, connu sous le sigle MEDA. Nous sommes une organisation non gouvernementale qui met en oeuvre des programmes de développement économique durable sur la scène internationale depuis plus de 50 ans. Nous sommes également connus comme des leaders dans le domaine du microfinancement et du développement des entreprises et nos activités couvrent tout l'éventail, depuis la création de fonds d'investissement jusqu'au renforcement des capacités aux niveaux communautaire et individuel.
Nous avons aussi travaillé, et c'est peut-être plus pertinent à cette discussion, dans beaucoup de pays en transition et ravagés par des conflits, par exemple la Roumanie, l'Ouganda, le Tadjikistan, Haïti, le Nicaragua, l'Angola, le Pakistan et l'Érythrée, et nous avons fait l'expérience du pouvoir de la société civile canadienne pour ce qui est de construire des ponts et d'apporter l'espoir à des gens qui ont été perturbés par des changements chaotiques et souvent violents.
MEDA travaille en Afghanistan depuis maintenant près de trois ans. Je suis personnellement allée trois fois en Afghanistan. Nous avons appuyé un certain nombre d'organisations qui mettent en oeuvre des programmes de microfinancement. Nous avons collaboré avec des organisations locales comme le Conseil des femmes d'affaires afghanes, qui est une organisation nationale. Nous avons été consultants pour l'ONU, le MISFA et pour des ONG internationales dans le domaine du développement du secteur privé durable. Nous avons effectué des missions exploratoires pour élaborer notre propre programmation.
Récemment, nous avons eu l'approbation pour lancer au début de 2007 un projet financé par l'ACDI et visant à renforcer le pouvoir des femmes sur le plan économique. Grâce à ce programme, nous tendrons la main aux femmes des villages, en vue de les intégrer aux marchés principaux et de leur permettre de devenir des agents actifs de l'avancement du bien-être de leurs familles et de leurs collectivités. J'ai eu le privilège de rencontrer des femmes rurales dans la province de Parwan et je peux vous assurer qu'elles ont bien hâte de se mettre au travail et qu'elles sont reconnaissantes au Canada pour son soutien.
Pendant les trois années de présence de MEDA en Afghanistan, nous avons aussi constaté l'incidence extraordinaire de l'apport du Canada en termes de développement et de reconstruction de la nation.
Comme vous le savez peut-être, deux grands programmes multilatéraux reçoivent un important soutien de l'ACDI. Le premier est le mécanisme de microfinancement et de soutien en Afghanistan, que je désigne sous le sigle MISFA; et l'autre est le programme de solidarité nationale connu sous le sigle NSP. Ils ont reçu 50 millions de dollars et 30 millions de dollars, respectivement, de la population canadienne.
Le MISFA, programme de microcrédit, a actuellement beaucoup plus de 200 000 clients actifs, 36 millions de dollars en prêts et un taux de remboursement phénoménal de 98 p. 100. Sous l'égide du MISFA, mon organisation a appuyé l'organisation Women for Women International pour l'aider à mettre sur pied son programme de microcrédit — formation d'agents de prêt, conception de produits financiers — et s'affaire actuellement à en transférer la gestion au personnel local. À lui seul, ce petit programme de MISFA rejoint actuellement 6 000 clientes, qui ont généralement de cinq à huit enfants chacune, ce qui permet ainsi à 30 000 à 40 000 personnes de sortir de la misère et de participer à la mise en place d'un avenir plus solide, plus stable et plus sûr.
Joyce Lehman est allée en Afghanistan avec MEDA et est ensuite devenue directrice générale du MISFA. Elle est récemment devenue conseillère du secteur du microcrédit en Afghanistan par l'entremise du projet ARIES financé par les États-Unis. En fin de semaine, elle m'a envoyé un courriel depuis Kaboul et m'a dit que le Canada a été le plus important donateur du MISFA, programme qui est l'un des plus éclatants succès du pays. On souhaite ardemment que les donateurs comme l'ACDI continuent d'appuyer le secteur pendant encore deux ou trois ans pour donner aux institutions de microcrédit le temps de s'établir solidement à titre d'institutions afghanes durables, le Canada ayant joué un rôle clé dans la création de ce secteur.
Comme nous l'avons sûrement tous constaté, à la suite de l'attribution du Prix Nobel de la paix à Muhammad Yunus et à la Fondation Grameen, un secteur fiable du microcrédit peut avoir de profondes répercussions en réduisant les difficultés économiques et en libérant les collectivités du crime et de l'agitation sociale.
L'autre grande initiative multilatérale appuyée par le Canada, le programme de solidarité nationale, a établi dans l'ensemble du pays un réseau de structures démocratiques et inclusives au niveau communautaire, ce qu'on appelle les conseils de développement communautaire. Ces conseils donnent aux citoyens une voix au chapitre pour le développement de l'Afghanistan.
L'une des principales raisons qui incitent les gens à participer aux conseils de développement communautaire, et c'est un élément important pour ce qui est des négociations, c'est que ces conseils ont accès à l'argent des donateurs pour lancer des projets dont l'appui populaire a été démontré dans la région. Cela a permis à des villages éloignés, par exemple, de construire des écoles, d'exploiter des cliniques sanitaires, de remettre en état des ouvrages d'irrigation, d'améliorer les routes, etc.
Je suis allée dans le village de Chawalkhel, dans la province de Wardak, où l'on m'a montré avec fierté l'un de ces projets : une grande école pour garçons toute neuve qui sert toutes les familles du district. L'un des grands regrets des hommes et des femmes avec lesquels je me suis entretenue était qu'il n'y avait pas eu assez d'argent pour construire aussi une école pour les filles. Et les gens ne disaient pas cela simplement pour apaiser ma sensibilité occidentale. L'une de ces femmes faisait l'objet d'une admiration générale parce qu'elle avait risqué sa vie pour enseigner aux filles du village dans la clandestinité sous le régime taliban. On entend beaucoup d'histoires semblables en Afghanistan.
Si ces initiatives multilatérales sont absolument essentielles, il est également nécessaire de souligner l'importance du rôle direct plus limité que la société civile canadienne a joué et peut continuer de jouer dans la reconstruction de l'Afghanistan. Récemment, des efforts accrus ont été faits pour faire intervenir des agents d'exécution canadiens et des intervenants du secteur privé dans le programme de développement. MEDA se targue du fait que, grâce à son projet d'habilitation économique des femmes, nous serons en mesure de contribuer à ce processus. Chez MEDA, nous avons observé à quel point il est important d'avoir des contacts directs — de citoyen à citoyen, d'une ONG à l'autre, entre les entreprises, et aussi entre les établissements d'enseignement et l'institut d'éducation — pour assurer la croissance de la capacité locale et l'habilitation des particuliers, des entreprises et de la société civile nationale.
À titre d'organisme à but non lucratif, MEDA dispose de possibilités d'engagement que n'ont pas les employés expatriés des programmes multilatéraux et des autres pays. Par exemple, les employés de l'ambassade et de l'ONU passent habituellement leur journée au bureau, rentrent à la maison et se déplacent à bord de véhicules blindés, sans aucune possibilité d'interaction avec des Afghans à l'extérieur de ces contextes. À titre d'employée de MEDA, je suis libre d'aller et de venir à ma guise, sans véhicule blindé, sans protection, et de nouer des contacts avec des Afghans. Je suis allée dans des régions rurales et j'ai entendu les demandes de soutien des chefs de ménage et des groupes de femmes. J'ai bavardé avec des petits commerçants dans leurs échoppes, alors que des voitures blindées patrouillaient les rues. J'ai mangé dans la salle réservée aux femmes dans un restaurant de province et, les femmes ayant enlevé leur voile, j'ai écouté des femmes de tous les milieux me raconter leur vécu quotidien. Et j'ai marché dans les rues de Kaboul pour accompagner un père en plein désarroi qui se rendait à une pharmacie pour acheter des médicaments pour son enfant malade, expliquant à mon compagnon, au pharmacien et à tous ceux qui se trouvaient dans l'établissement que je suis une mère de cinq enfants du Canada. L'engagement de la société civile canadienne sur le terrain et la mise en oeuvre de nos programmes de développement contribuent puissamment à la paix, à la prospérité et à l'établissement de la démocratie, des droits et des libertés en Afghanistan.
MEDA est ravi et honoré qu'on nous ait donné l'occasion de faire entendre notre voix devant le comité. En nous fondant sur notre expérience organisationnelle en Afghanistan et ailleurs dans le monde au cours du dernier demi-siècle, nous aimerions faire les recommandations suivantes :
Premièrement, nous disons que les dollars canadiens peuvent être utilisés efficacement pour construire des ponts entre les Canadiens et les Afghans — particuliers, groupes, institutions, entreprises et autres agences. Si nous concentrons nos efforts uniquement sur l'intervention militaire ou sur des programmes financés publiquement, nous ratons l'occasion de nous engager directement et d'être des messagers de l'espoir d'un avenir meilleur et plus stable.
Deuxièmement, en travaillant directement avec le secteur privé, nous jetons les bases du développement durable. Quand l'argent des donateurs disparaît et que les agents d'exécution ne dirigent plus les programmes, si le secteur privé a été renforcé, le développement peut se poursuivre.
Troisièmement, nous croyons que ce serait très avantageux si les Canadiens dans leur ensemble étaient plus conscients des résultats des programmes de l'ACDI : le MISFA, le NSP, les programmes bilatéraux. Si l'on pouvait encourager la presse à faire connaître ces résultats aussi bien que les actions militaires, les efforts de la société civile canadienne et des organisations comme le MEDA qui travaillent sur le terrain sans aucune protection, contribuant ainsi à la démocratisation et à la sécurité par l'atténuation de la pauvreté, seraient renforcés.
Quatrièmement, nous vous demandons de reconsidérer les pressions exercées sur la société civile canadienne par le gouvernement pour assurer une présence dans les régions les moins sûres du pays, notamment à Kandahar. On nous a demandé de déployer nos programmes là-bas plutôt que dans d'autres districts; pourtant, ce sont toutes les régions de l'Afghanistan qui sont confrontées à des défis. Si nous pouvons renforcer les districts et les provinces qui ont de meilleures chances de succès, nous aurons contribué davantage à renforcer les processus durables en vue d'une stabilité à long terme. Ensuite, à mesure que les risques diminueront à Kandahar, nous aurons une meilleure connaissance du pays et des succès avérés sur lesquels bâtir et la capacité d'agir rapidement pour lancer des programmes efficaces.
Enfin, nous recommandons fortement que nous tous profitions de l'effet de levier du leadership du Canada et de notre réputation internationale à titre de bâtisseurs de la paix, de la démocratie et de nations équitables et inclusives et, dans toute la mesure du possible, que nous recherchions des solutions non militaires aux défis du développement, mettant à profit l'énergie créatrice des Canadiens et des Afghans en vue de créer ce proverbial monde meilleur.
Merci.
Merci de m'avoir invité à témoigner devant le comité aujourd'hui. C'est un plaisir d'être ici.
Je regrette de ne pas avoir entendu la discussion avec les témoins précédents. En fait, j'étais en train de parcourir à la course la rue Sparks dans toute sa longueur et je vous demande donc votre indulgence car je suis encore tout essoufflé à la suite de cette course imprévue.
Mon message aujourd'hui est très simple : la mission de l'OTAN en Afghanistan est en difficulté et il faut une nouvelle stratégie pour la remettre sur les rails. En dépit des récents succès militaires du Canada dans la province de Kandahar, les talibans et leurs alliés islamistes radicaux mènent leurs activités plus librement et plus ouvertement aujourd'hui qu'il y a un an à peine, et ils continuent de bénéficier de refuges sûrs de l'autre côté de la frontière, au Pakistan.
L'insurrection, que je qualifie de néo-taliban, à cause de son caractère diffus, a formé des alliances avec les barons de la drogue locaux et les seigneurs de la guerre pour s'opposer au gouvernement de Hamid Karzai. De plus en plus, de nombreuses sources différentes indiquent que les Afghans ordinaires sont de plus en plus désillusionnés face à l'incapacité de leur propre gouvernement de leur assurer la sécurité et les services publics de base. Si la tendance se maintient, je crains que nous-mêmes et nos alliés de l'OTAN subirons la défaite en Afghanistan. La défaite, le cas échéant, surviendrait graduellement, non pas sur le champ de bataille, mais dans l'esprit des Afghans ordinaires qui, pour la plupart, veulent tout simplement la sécurité et de meilleures chances pour eux-mêmes et leurs familles. Si le gouvernement légitimement élu de l'Afghanistan et les pays qui l'appuient sont incapables de leur fournir ces éléments essentiels, les Afghans vont se tourner ailleurs. C'est exactement ce sur quoi comptent les néo-talibans.
Ils poursuivent ce qui semble être une stratégie politico-militaire sophistiquée visant à ébranler la confiance envers le gouvernement Karzai au moyen d'attaques de guérilla menées contre des cibles militaires et civiles, tout en offrant en même temps aux Afghans ordinaires une sorte de gouvernement de rechange sous forme de justice religieuse, de protection et d'emploi rémunéré pour ceux qui acceptent de se joindre à la cause néo-taliban. C'est en fait une stratégie visant à gagner l'esprit, sinon le coeur des Afghans ordinaires en les forçant à se tourner vers leurs agresseurs pour quémander la sécurité et subvenir à leurs besoins.
Il faut toutefois insister sur le fait que la mission de l'OTAN n'est pas une cause perdue. La plupart des Afghans veulent que les efforts de reconstruction et le gouvernement Karzai soient couronnés de succès, et les néo-talibans ne disposent encore que d'une infrastructure limitée à l'intérieur de l'Afghanistan. Le pays a un parlement fonctionnel et énergique et un président élu. L'économie connaît une croissance vigoureuse, même le secteur économique qui n'est pas associé à la drogue.
Une armée afghane se constitue lentement et, bien que les rapports sur sa performance soient mitigés, chose certaine, le consensus est que les unités qui ont été entraînées se débrouillent assez bien. L'OTAN a montré que, dans une bataille en terrain découvert, elle est capable de battre les néo-talibans et les insurgés. Le problème n'est donc pas que notre mission est perdue, mais plutôt que notre stratégie actuelle ne semble pas être gagnante.
Alors que faut-il faire? Permettez que je fasse six suggestions, que je vais formuler le plus brièvement possible.
Premièrement, en bout de ligne, il faudra augmenter les effectifs des forces étrangères en Afghanistan. Depuis le début, cette mission souffre du manque d'effectifs internationaux pour aider le gouvernement afghan à établir sa présence partout dans le pays. Nous en subissons les conséquences aujourdhui, car nous pénétrons très en retard dans des régions qui ont été négligées au cours des cinq dernières années. Nous subissons donc les conséquences de décisions prises antérieurement quand on a décidé de doter cette opérations de ressources insuffisantes. En fait, compte tenu de la taille du pays et de sa population, c'est la mission de stabilisation internationale qui manque le plus cruellement de ressources depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Deuxièmement, je le dis tout net, nous devons suspendre le programme d'éradication du pavot. C'est un échec total pour ce qui est de réduire la superficie ensemencée et, pire encore, ce programme provoque l'aliénation des collectivités agricoles pauvres qui perçoivent maintenant parfois le gouvernement central et les forces de l'OTAN comme des agresseurs, perception que les néo-talibans exploitent stratégiquement.
Troisièmement, il faut que la formation de la police soit une priorité. À l'heure actuelle, les policiers sont majoritairement à la solde des hommes forts locaux. Ils sont sous-entraînés, sous-équipés, incompétents, corrompus, et ils ne rendent de comptes à personne. Comme l'a fait remarquer l'International Crisis Group, dans la plupart des districts, la police afghane est considérée comme une source d'insécurité par les habitants, et non comme une source de protection.
Quatrièmement, il faut s'attaquer sérieusement à l'éradication de la corruption officielle. Récemment, le président Karzai a nommé un homme fort régional ayant des liens avec le crime organisé en tant que chef de police de Kaboul. Et dans le secteur judiciaire également, des personnes incompétentes sont nommées parce qu'elles sont loyales à diverses factions. Voilà le genre de décisions qui ont pour effet de miner la confiance de la population envers le gouvernement Karzai.
Cinquièmement, l'OTAN doit bâtir une armée afghane autonome. L'entraînement des soldats progresse, mais lentement. D'après le plan actuel, on vise à former une armée de 70 000 soldats afghans, mais ce sera presque certainement insuffisant étant donné qu'il y a déjà approximativement 70 000 soldats afghans et étrangers dans le pays, et que la sécurité demeure problématique. Si l'on remplace les forces de l'OTAN par des recrues afghanes, on se retrouvera au bout du compte avec une armée de taille semblable dont la capacité sera sensiblement moindre. Par conséquent, il faudra que les forces afghanes soient beaucoup plus nombreuses pour être en mesure de s'acquitter seules de la tâche. Et pour que nous puissions partir, elles devront être capables de prendre le relais.
Sixièmement, il faut contenir le flot de combattants insurgés qui sortent de leurs refuges au Pakistan. Le gouvernement du Pakistan n'en fait pas assez. Au mieux, il tolère l'existence de bases néo-talibanes sur son territoire. Mais selon certains rapports crédibles, y compris le dernier numéro de Jane's Intelligence Digest, et d'après Seth Jones, de la Rand Corporation, les services de renseignement pakistanais fournissent des renseignements et une aide matérielle aux combattants néo-talibans basés au Pakistan.
À mon avis, la mission internationale en Afghanistan a des chances de succès pourvu qu'elle réoriente sa stratégie autour de ces éléments. Mais ce changement impliquerait aussi un engagement renouvelé envers l'opération de la part de toute l'alliance, et non seulement de la poignée de pays, dont le Canada, qui ont accepté de faire courir des risques à leurs soldats.
Si l'OTAN renonçait à prendre cet engagement, l'alliance devrait commencer à planifier un retrait graduel de l'Afghanistan. Voilà, à mon avis, le difficile choix auquel nous sommes confrontés maintenant. C'est la décision épineuse que l'OTAN doit prendre au cours des prochains mois. Demeurer dans l'indécision n'est pas une option car ne pas prendre de décisions signifie la poursuite de la stratégie actuelle. Or, cette stratégie semble nous mener tout droit, bien qu'au ralenti, vers une défaite.
J'espère de tout coeur que l'OTAN n'abandonnera pas l'Afghanistan, mais il serait préférable de se retirer plutôt que de présider à une mission qui n'a ni la stratégie ni les ressources nécessaires pour stabiliser convenablement le pays.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité ici. Je suis prêt à discuter avec vous.
Merci, monsieur Paris.
Je rappelle encore une fois au comité que nous devons aller voter à 17 h 30. Nous allons donc essayer de rester dans les temps et de limiter les interventions à sept minutes autant que possible.
La parole est à M. Eyking.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
J'ai deux séries de questions, qui s'adressent surtout à vous, monsieur Paris. Je ne sais pas si vous étiez ici pour entendre le témoin précédent, un professeur de Calgary. Durant son exposé, il a évoqué une date limite pour notre retrait, soit 2009. Selon lui, il faut que le Canada fasse savoir dès maintenant que, quoi qu'il arrive, il se retirera de l'Afghanistan en 2009.
Il a aussi mentionné que l'OTAN devrait brandir devant le Pakistan la menace d'une intervention militaire le long de la frontière, ce qui m'a semblé fort intéressant. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
Vous avez parlé de la culture du pavot. Il semble que ce soit tout un défi que d'essayer de convaincre les paysans d'abandonner cette culture pour en adopter une autre. Les Américains se sont heurtés au même problème en Colombie. Ils sont intervenus sur le terrain et ont détruit les cultures, mais les paysans en replantaient constamment. À moins de pouvoir leur offrir une solution de remplacement qui leur permettrait de gagner autant, ou à peu près, il est difficile pour ces régions de trouver d'autres sources de revenu.
Pourriez-vous commenter ces deux questions?
Oui. J'ai entendu trois questions. J'essaierai de répondre rapidement.
Pour ce qui est d'une échéance possible, ce qui est urgent maintenant, ce n'est pas tellement de penser en termes d'échéancier, mais plutôt d'encourager le gouvernement du Canada à collaborer avec ses partenaires de l'OTAN, les autres pays membres pour leur faire comprendre la nécessité de prendre la décision de frapper un grand coup ou de se retirer sous peu, de souligner l'urgence de la situation. Je ne pense pas que la mission soit en train de s'effondrer. Ce n'était pas là mon propos, mais je pense que les lignes de tendance vont dans la mauvaise direction, et nous n'avons pas le tout le temps du monde. Il faudrait, en priorité, utiliser tous les leviers diplomatiques pour convaincre nos partenaires de l'OTAN de la nécessité de prendre cette décision, et de le faire au sein des conseils de l'organisation.
En ce qui a trait à notre relation avec le Pakistan, je n'ai pas eu le privilège d'entendre les commentaires de M. Bercuson, si c'est bien de lui qu'il s'agit. Comme j'ignore ce qu'il a proposé comme option militaire, je ne m'aventurerai pas à faire de commentaires à ce sujet, même si la situation au Pakistan est extrêmement complexe et délicate. En conséquence, il conviendrait d'adopter à l'égard du Pakistan une démarche empreinte à la fois de fermeté et de doigté. Peut-être pourrions-nous poursuivre plus avant cette discussion.
Au sujet de la stratégie de lutte contre les stupéfiants et de la culture du pavot, de nombreux experts estiment possible d'élaborer un mécanisme quelconque pour réglementer, même au moyen de permis, la culture du pavot en Afghanistan. Je ne connais pas suffisamment la dynamique économique de la culture du pavot pour être en mesure de juger si l'une ou l'autre de ces propositions est viable, mais d'après ce que j'ai lu la stratégie actuelle est un double échec. D'une part, elle ne parvient pas à réduire l'ampleur de la culture du pavot et d'autre part, elle est nuisible car elle suscite l'hostilité de ceux-là même qui tentaient d'appuyer l'effort de reconstruction dans le gouvernement Karzai.
Pour commencer, il faudrait stopper l'éradication, car l'absence de politique est préférable à une politique stérile, et envisager énergiquement diverses solutions de rechange. Un jour, le gouvernement de l'Afghanistan sera peut-être suffisamment fort pour interdire la culture et le commerce du pavot. Ce jour est encore très loin, et pour l'heure, notre priorité devrait être de créer les conditions propices à la paix.
Merci, monsieur Paris.
Mme Jones et ensuite, une question supplémentaire pour M. Patry ou M. Eyking.
Pour ce qui est de la culture du pavot et du développement économique, on peut faire la comparaison avec la situation des agriculteurs au Canada. Ils pourraient faire davantage d'argent en vendant du pavot ou de la marijuana. Pourquoi ne le font-ils pas? De toute évidence, si les gens ont d'autres débouchés qui leur permettent d'assurer leur subsistance, ils s'en prévaudront. Mais je suis d'accord avec Roland: ce n'est pas le moment d'exercer ce genre de pression sur ces agriculteurs, comme nous le faisons maintenant. De tels changements exigent du temps, et il faudra travailler d'arrache-pied, de façon concertée et créative pour y arriver, mais c'est possible.
MEDA a travaillé au Pérou sur des gagne-pain de remplacement, et nous avons enregistré de bons résultats. Mais on ne peut simplement investir de l'argent et s'attendre à ce que le problème disparaisse du jour au lendemain.
Merci beaucoup.
Monsieur Paris, j'ai lu votre article au sujet de l'OTAN intitulé « Go Big or Get Out ». Vous avez parlé de défaite au début de votre allocution, mais il ne s'agira pas d'une défaite militaire, en un sens, parce que les militaires sont là pour protéger la population et instaurer un climat de sécurité. Mais étant donné que les néo-talibans quittent le pays et y reviennent via le Pakistan, et tout le monde...
Il semble qu'environ 10 ou 15 p. 100 de la population appuie les néo-talibans et que leurs opposants et le reste de la population attendent simplement de voir ce qui va se passer. Il semble que la mission enregistre quelque succès pour ce qui est de bâtir des routes et des écoles, par exemple, mais la sécurité de ces écoles n'est pas assurée à 100 p. 100.
Ma question est la suivante. Des membres du Congrès et du Sénat américain estiment qu'il n'est pas nécessaire d'envoyer plus de soldats là-bas, mais plutôt d'injecter davantage d'argent dans la reconstruction. Et même s'il y avait des fonds pour la reconstruction... Le gouvernement Karzai n'investit pas tout l'argent car il ne sait pas comment le dépenser. Comment freiner la corruption? Entre autres, les habitants se heurtent à la corruption dans le système judiciaire. Étant donné qu'ils n'ont pas foi dans le gouvernement, si les problèmes persistent à long terme, les Afghans vont prendre parti pour les nouveaux talibans car ils veulent jouir d'un certain sentiment de sécurité, etc.
Voilà ma question.
Pour ce qui est de la relation entre l'intervention militaire et la reconstruction ainsi que le versement et l'utilisation de l'aide à la reconstruction, il va de soi qu'il existe un rapport étroit entre le climat de sécurité et notre capacité de fournir une aide à la reconstruction et de financer de tels projets. Mon premier argument, c'est que le choix que l'on présente parfois entre l'intervention militaire et le développement est un faux choix car en l'absence de sécurité, il n'est pas vraiment concevable que nous puissions mener à bien le genre de projets de développement que le Canada, les autres pays donateurs et le gouvernement de l'Afghanistan souhaitent réaliser.
Je crois savoir qu'en fait, de nombreux projets de développement sont au point mort précisément à cause de l'insécurité qui règne dans la majeure partie du pays. D'après un rapport récent de l'ONU, le tiers du pays n'est pas sûr pour le personnel du développement. Par conséquent, je pense que les deux volets sont nécessaires, si j'ai bien compris votre question.
En ce qui a trait à la corruption, on trouve d'excellentes suggestions dans le dernier rapport de l'International Crisis Group, que j'ai eu l'occasion de lire hier soir. Les principes de transparence et de reddition de comptes s'appliquent ici comme dans d'autres secteurs quand on veut contrer toute possibilité de corruption. Au départ, je pense qu'il faut s'assurer que les autorités observent les mécanismes de responsabilité qui ont été créés.
Par exemple, le président Karzai a fait un certain nombre de nominations sans égard au processus d'examen qui avait été créé précisément pour éliminer les candidats non qualifiés. Il ne s'est pas servi du mécanisme en place. Je pense qu'il lui incombe d'affirmer clairement qu'il aura recours aux systèmes existants. Au niveau local, j'estime qu'il est possible d'instaurer des mécanismes dans le contexte de la formation des policiers locaux. La police, la magistrature, le ministère de la Sécurité intérieure sont des intervenants clés pour combattre la corruption en Afghanistan dans un premier temps.
[Français]
Madame Jones, vous avez dit que l'ACDI exerçait de plus en plus de pressions pour que vous alliez à Kandahar, et vous avez parlé de l'insécurité qui régnait. Avez-vous des travaux en cours? Donnez-vous de l'aide en Afghanistan? Quelles sont les régions où votre organisation ne peut aller?
Monsieur Paris, je trouve votre proposition très intéressante. Mais certains éléments étaient évidents dès qu'on a mis les pieds en Afghanistan; entre autres, le nombre de militaires requis pour avoir un impact se posait dès le début de l'intervention.
Le gouvernement canadien ne nous dit même pas la vérité sur ce qui se passe en Afghanistan. Il a augmenté ses troupes en Afghanistan sans nous dire ce qu'il en était sur le terrain.
Qui prendra les mesures que vous préconisez? Qui pourra influencer quel gouvernement afin qu'il prenne les mesures menant soit à la résolution du conflit, soit à un retrait?
[Traduction]
De toute évidence, il n'y a pas de réponse simple à cette question. S'il y en avait une, les 2 500 soldats que réclame l'OTAN seraient en route pour l'Afghanistan à l'heure qu'il est.
Le problème tient en partie au fait que la stratégie actuelle en Afghanistan ne suscite guère la confiance. Je ne dirais pas qu'il y a un effondrement de la confiance dans les capitales de nombreux pays de l'OTAN, mais la confiance est plutôt fragile. On a l'impression d'une dérive de l'opération. L'espoir est toujours présent, et non l'abandon, mais, tout de même, un sentiment de dérive.
Si l'OTAN décidait d'adopter une nouvelle stratégie — et il y a des indices voulant que l'organisation repense sa stratégie, notamment les commentaires du secrétaire général au cours du week-end dernier... Si l'OTAN décidait de se doter d'une stratégie qui pourrait sembler être plus efficace et de prendre la difficile décision qui s'impose, à mon avis, le contexte politique qui préside aux décisions des gouvernements serait quelque peu différent.
Je n'ai pas la réponse à la question sauf que les faits concernant les tendances lourdes dans le pays doivent être présentés clairement à tous les gouvernements de l'OTAN. Comme je l'ai dit à la fin de mon exposé, je ne suis pas pessimiste. J'ai bon espoir que cette mission soit couronnée de succès à condition que l'on en modifie la stratégie.
Pour ce qui est des pressions venant de l'ACDI, nous oeuvrons en Afghanistan depuis trois ans, surtout dans la région centrale et les environs de Kaboul. Bien sûr, de nombreuses organisations partenaires ont un champ d'action beaucoup plus large en Afghanistan. Elles ont de très bon programmes. Nous commençons à peine à nous établir là-bas.
Lorsque nous avons pressenti l'ACDI pour mettre en oeuvre un programme de prise en charge économique des femmes en Afghanistan, on nous a spécifiquement demandé de le faire à Kandahar. Je me suis rendue en Afghanistan en mission exploratoire. À mon retour, j'ai dit à mes interlocuteurs de l'ACDI que nous aimerions beaucoup travailler avec eux, mais qu'il m'était impossible de demander à mon personnel d'aller à Kandahar. Je n'étais pas d'accord pour faire cela. Si l'ACDI ne souhaitait appuyer qu'une seule région, il faudrait alors attendre pour voir l'évolution de la situation. Nous avons réaffirmé notre volonté de collaborer avec eux, et l'ACDI a changé d'avis.
J'étais à Ottawa la semaine dernière et l'ACDI m'a fait savoir qu'elle souhaitait mettre en oeuvre un programme de microfinancement à Kandahar. Je pense que c'est une bonne idée, et notre organisation aimerait s'en charger. Nous avons donc fait une séance de remue-méninges: serait-il possible de le faire outre-frontière, à partir du Pakistan où, par exemple, MEDA et moi-même, personnellement, avons beaucoup d'expérience? Pourrions-nous le faire par l'intermédiaire d'organisations locales et, à ce moment-là, nous n'aurions pas besoin d'envoyer des effectifs à Kandahar?
Comme je l'ai dit, MEDA a une présence plutôt limitée en Afghanistan à l'heure actuelle. La plupart des organisations ont quitté Kandahar. Mais elles continuent d'y envoyer des gens pour faire des évaluations. J'ai reçu ce matin un courriel d'un Canadien qui dirige le programme de développement rural de l'ONU-Habitat. Il revenait tout juste de Kandahar, où il avait effectué des évaluations. Des travailleurs se rendent encore là-bas, mais c'est plutôt risqué.
Merci. J'ai une brève question, et ma collègue ici présente vous en posera une autre.
Comme je viens d'en informer le comité, demain je pars assister à la deuxième Conférence sur la coopération économique régionale en Afghanistan, à New Delhi. Il y aura là-bas des représentants des milieux politiques et des affaires.
En lisant ma trousse d'information, j'ai constaté qu'il n'y avait aucune participation des ONG, de la société civile pour ce qui est des pays de la région. Je pense que c'est une avenue que vous pourriez explorer. Je vous invite à écrire au ministère pour expliquer qu'il serait bon que vous participiez à ce forum avec vos partenaires. Je pense que ce serait formidable. D'ailleurs, il y a un précédent: l'initiative des Grands Lacs en Afrique, où la communauté des ONG est très présente.
Très rapidement, le Pakistan a perdu 45 soldats aujourd'hui aux mains des talibans. Il me semble que le Pakistan reconnaît que les talibans font des percées chez eux également, ce qui représente une menace pour le gouvernement pakistanais lui-même. Espérons que cette attaque modifiera l'attitude du Pakistan et que cela l'amènera à combattre vigoureusement les talibans.
Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Obhrai.
Encore une fois les talibans infligent de terribles pertes. C'est affreux.
Je remercie beaucoup les témoins d'être venus aujourd'hui. C'est la première fois que je siège au comité des affaires étrangères. C'est véritablement un honneur pour moi d'être ici, particulièrement cette semaine, la Semaine des anciens combattants.
J'ai quelques brèves questions.
Monsieur Paris, êtes-vous déjà allé en Afghanistan?
D'accord.
Madame Jones, pourriez-vous commenter l'importance de la contribution de nos troupes pour ce qui est de faciliter la reconstruction. Évidemment, vous pouvez répondre tous les deux. Vous avez mentionné avoir déambulé dans les rues et parlé aux commerçants locaux qui vaquaient à leurs affaires sous la protection des tanks. Nos valeureux soldats assurent une sécurité essentielle à la reconstruction de l'Afghanistan et ils ont d'ores et déjà permis des changements importants.
Passons en revue certains de ces changements, monsieur le président. Sous les talibans, il n'y avait pas d'élections libres en Afghanistan, les femmes n'avaient aucun droit et la plupart des enfants afghans n'avaient pas accès à l'éducation publique de base. Aujourd'hui, en grande partie grâce aux efforts militaires du Canada depuis trois ans, 12 millions d'hommes et de femmes afghans se sont inscrits pour voter à l'occasion de la tenue de deux élections, et cinq millions d'enfants fréquentent l'école, dont le tiers sont des jeunes filles.
Madame Jones, pourriez-vous nous dire quelle importance revêt la sécurité assurée par nos forces militaires, qui a permis les changements que je viens de mentionner et qui permettra au bout du compte l'instauration de la paix, de la démocratie et de la liberté en Afghanistan.
C'est une question très complexe. Je peux vous donner une réponse brève, mais elle ne rend justice ni à la question ni aux 40 jeunes Canadiens qui ont perdu la vie en Afghanistan.
Certaines régions de l'Afghanistan ne sont pas sûres. Lorsque j'ai dit que j'avais marché dans les rues de Kaboul sous la protection des blindés, c'était en quelque sorte une métaphore. Il n'y avait pas de blindés dans les rues où je déambulais. Je connais des gens qui vivent dans certains quartiers de la ville où il n'y a pas non plus de blindés. J'ai donné cet exemple non pas pour minimiser le rôle des forces de sécurité, mais pour affirmer qu'il existe un autre volet important, soit le fait de jeter des ponts entre les peuples.
Dans la majeure partie de l'Afghanistan, la sécurité est un enjeu. Lorsque les citoyens afghans, hommes et femmes, ont été appelés aux urnes, un grand nombre de personnes qui organisaient les élections n'étaient pas protégées par les forces de l'OTAN. J'en connaissais plusieurs, et trois d'entre elles ont été kidnappées pendant que j'étais sur place. Ces gens-là ne jouissent d'aucune protection. Bon nombre d'incidents frappent la société civile, des bénévoles, des gens exposés au danger, qui ne circulent pas en véhicule blindé. Ce volet de la sécurité est donc une composante importante de l'effort de reconstruction.
Je ne suis pas vraiment qualifiée pour commenter la stratégie relative à Kandahar. Cependant, je suis qualifiée pour affirmer qu'investir dans la société civile et le rétablissement économique, comme l'a fait le Canada, est très important et doit demeurer important, peu importe les décisions militaires qui sont prises. Je suis convaincue que plus on investit dans le relèvement de l'économie, moins nous devrons compter sur l'intervention militaire. Mais on ne peut pas tout simplement fermer une avenue et en ouvrir une autre. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent.
Votre argument concernant les réalisations en Afghanistan est fort valable. Bien souvent, ces réalisations ne sont pas reconnues. En revanche, on constate maintenant là-bas des signes troublants, et certaines tendances qui permettraient de jauger les progrès sont négatives.
D'abord, le nombre des attentats. Il y a eu davantage d'attentats suicides cette année qu'au cours de toute l'histoire antérieure de l'Afghanistan. Les insurgés ont recours à de nouvelles techniques qui sont apparemment importées de l'Irak. On note chez la population des signes croissants de mécontentement au sujet du gouvernement de Hamid Karzai. Ce constat n'est pas simplement tiré de témoignages de gens qui ne font que passer en Afghanistan et qui parlent à une poignée d'Afghans. Il est relaté par des organisations comme le Centre for Strategic and International Studies, à Washington, DC, qui a effectué des entrevues approfondies auprès de 1 000 personnes disséminées un peu partout dans le pays cette année et l'année dernière.
Il y a donc des éléments probants qui indiquent, d'une part, que les réalisations sont tangibles et, d'autre part, qu'il y a des raisons de s'inquiéter. Ce qui me préoccupe, présentement, c'est que les tendances négatives risquent de masquer les authentiques réalisations que vous avez signalées dans vos commentaires.
Merci, monsieur le président.
Je veux vous dire à tous les deux que nous sommes conscients des grandes avancées qui ont été réalisées. On ne peut qu'imaginer quelle serait la vie des Afghans si les troupes du Canada et des autres pays de l'OTAN n'étaient pas en Afghanistan. On verrait un renversement immédiat de la situation, on verrait les talibans brûler les écoles, etc. Effectivement, c'est un travail très difficile : la tâche est très lourde. Mais particulièrement cette semaine, je pense que toutes les personnes présentes dans la salle et tous les Canadiens devraient être reconnaissants aux hommes et aux femmes des forces armées qui acceptent de mettre leur vie en danger. Comme Mme Jones l'a mentionné, nous avons perdu 42 soldats au cours de cette mission périlleuse qu'il faut mener à bien. C'est notre contribution à un monde meilleur que de promouvoir les droits de la personne en Afghanistan.
Merci, monsieur Batters. Votre intervention ressemblait à une publicité radio pour le jour du Souvenir. Je vous en remercie. C'est une semaine très importante et vous avez tout à fait raison de mentionner l'excellent travail de nos forces armées.
Madame McDonough.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie beaucoup de votre témoignage devant le comité. Si nous sommes réunis, c'est pour tirer des leçons de votre expérience et voir s'il serait possible d'adopter une approche intégrée face à une situation d'une grande complexité.
Madame Jones, je salue votre travail dans le domaine du microfinancement. Vous le savez peut-être, ou peut-être pas, mais notre comité était à Stockholm au moment où l'on a annoncé que le Prix Nobel de la paix était décerné à Muhammad Yunus. J'espère que vous moussez à fond les succès de vos projets de microfinancement car comme vous le savez sans doute, l'ACDI a diminué son soutien à ce type d'initiative au cours des cinq dernières années. Aujourd'hui, à la Chambre, j'ai invité la ministre à renverser la vapeur à l'occasion du Sommet global du microcrédit.
J'aimerais poursuivre dans cette veine brièvement. Si je ne m'abuse, le principal message que vous nous livrez, c'est qu'il faut continuer à miser sur nos points forts, ce qui signifie collaborer avec la société civile et — sans vouloir vous faire dire quoi que ce soit — étendre ensuite notre action pour renforcer la sécurité à plus grande échelle. Vous m'avez peut-être vu fouiller dans mes papiers. Je cherchais une carte car vous avez mentionné la province où vous étiez, mais je ne peux la visualiser. Je suppose que c'est dans la région de Kaboul.
Connaissez-vous le projet Future Generations, auquel l'honorable Flora MacDonald se consacre présentement avec passion? Elle assume la présidence du conseil d'administration de cette ONG qui a de nombreux projets en Afghanistan. En matière d'éradication de la culture du pavot, l'approche adoptée est à l'inverse de ce qui se fait à Kandahar, et il semble que les résultats soient spectaculaires. Autrement dit, c'est l'évidence même, il ne faut pas acculer les gens à la famine en leur retirant le seul gagne-pain, soit la culture du pavot. Il faut leur offrir des solutions de remplacement.
Dans les trois provinces où l'organisation Future Generations est présente, ce sont les dirigeants de la communauté qui incitent toute la population à participer à l'enlèvement des plants de pavot. Ils annoncent à l'avance quand on procédera à l'éradication des plantations, avec la bénédiction de la communauté. De cette façon, on ne provoque pas le chaos économique et on n'affame pas les gens, ce qui les amène à se tourner vers les talibans qui — c'est compréhensible — exploitent la situation.
J'aimerais que vous parliez brièvement de cet aspect. Et je pourrais peut-être aussi poser une brève question à M. Paris.
Monsieur Paris, vous avez parlé du problème de la corruption dans les États frêles, fragiles et en déroute, et c'est là un sujet que le comité a essayé d'approfondir. Au sujet du soutien accru que recueillent les talibans et des problèmes évidents que cela entraîne, on nous a dit, entre autres, que ces derniers payaient leurs recrues civiles le double de ce que gagnent les policiers locaux. À mesure que les gens perdent leur gagne-pain, ils sont de plus en plus disponibles pour être recrutés par les talibans. Pourriez-vous nous communiquer ce que vous savez à ce sujet et faire quelques recommandations pertinentes?
Madame Jones, vous pouvez commencer.
D'accord.
Le projet d'éradication de la culture du pavot dont vous parlez ressemble énormément au programme mis sur pied par MEDA au Pérou. C'est un processus de développement de la conscience communautaire, qui fait appel à tous les habitants d'une collectivité. Étonnamment, les paysans qui cultivent le pavot n'y tiennent pas nécessairement, mais c'est la seule option qui s'offre à eux.
S'ils réfléchissent sérieusement à l'orientation qu'ils souhaitent pour leur village et qu'ils travaillent et prennent des décisions de concert et que ces décisions sont soutenues par divers acteurs, je pense que cela ouvre la porte au changement. Évidemment, c'est beaucoup plus complexe que cela car bien souvent, les paysans sont sous la coupe des barons de la drogue et ils cultivent le pavot parce qu'ils ont peur.
Effectivement. Il n'y a pas de réponse simple; c'est un processus graduel et douloureux. À l'occasion, c'est aussi risqué.
Je veux aussi mentionner une chose au sujet de Future Generations. Un aspect très important. Nous sommes des Nord-Américains. Nous voulons qu'il se passe quelque chose, et tout de suite. On se dit que peut-être en envoyant plus de soldats les choses changeront et, du soir au lendemain, la situation s'améliorera en Afghanistan.
Non. Rebâtir un pays, instaurer la démocratie dans un lieu où la population n'a pas vécu dans un contexte démocratique, est un processus de longue haleine. L'organisation dont vous avez parlé, Future Generations, s'attache à bâtir la démocratie à partir de la base. C'est le seul moyen de faire fonctionner la démocratie. Une démocratie imposée n'est pas une démocratie. Il faut que les citoyens se prennent eux-mêmes en charge.
On a évoqué tout à l'heure les informations provenant de gens qui ne font que « passer en Afghanistan ». J'espère que vous aurez tous l'occasion de passer en Afghanistan et de vous entretenir avec des Afghans. Comme le veut le dicton, ils sont comme nous. C'est comme Louis Armstrong le disait dans sa chanson. Les gens veulent simplement bâtir une vie meilleure pour leurs enfants. Ils veulent tout simplement vivre leur vie.
Les analystes nous répètent à satiété que le plus grand risque de conflit survient lorsque les jeunes hommes n'ont pas de travail. Si les jeunes hommes travaillaient, ils seraient moins nombreux à être recrutés pour participer à un conflit violent. Trouver du travail pour les jeunes gens, voilà le premier facteur qui permet d'atténuer les occasions de conflit. Comme je l'ai expliqué à MEDA, si tous les jeunes hommes avaient une voiture sport et une copine, ils ne feraient pas la guerre.
Merci.
Nous pouvons peut-être discuter avec les concessionnaires automobiles ici au Canada. Je ne sais pas trop à qui nous pourrions nous adresser pour ce qui est du deuxième point. Mais nous essaierons de régler cela un jour ou l'autre, j'en suis certain.
Je ne me rendais pas compte que je donnais l'impression d'être aussi impatient.
Vous avez parlé des salaires que les néo-talibans étaient présumément capables d'offrir à ces recrues. J'ai vu des chiffres semblables. Bien sûr, il y a des rapports contradictoires à ce sujet. J'ai vu bien des chiffres, allant de 6 $ à 10 $ ou 12 $. Je pense que le Bureau des Nations Unies sur les drogues affirme dans son plus récent rapport, qui fait état d'une augmentation de 59 p. 100 des récoltes — que le salaire des paysans a grimpé jusqu'à 10 $ ou 12 $, ce qui est plus du double de ce que gagnent les travailleurs de l'économie légitime ou les recrues des forces armées. C'est un problème sérieux, qui dépasse le simple aspect des ressources disponibles pour un gagne-pain de remplacement. C'est que les gens se tournent vers les talibans pour assurer la protection de leur gagne-pain, tel qu'ils le perçoivent. Et c'est pour cette raison qu'à mon avis, la politique d'éradication ne sert pas nos intérêts.
Personnellement — et d'une certaine façon, je réponds à l'autre témoin et peut-être devrais-je m'en abstenir —, je suis moins enthousiaste à l'idée de bâtir la démocratie en Afghanistan que je ne le suis d'adopter des objectifs clairs et modestes dans ce pays. Essentiellement, nous ne réussirons jamais à faire de ce pays l'équivalent de la Suède, ou un modèle parfait de démocratie et de développement, non pas que c'est ce que vous laissez entendre, mais il importe d'être clair à ce sujet.
Même dans le domaine de la sécurité humaine, à certains égards, notre plan est trop vague et ambitieux pour l'Afghanistan. Notre voeu, et celui de l'OTAN, c'est d'empêcher ce pays de redevenir une base importante du terrorisme transnational. Tout part de là. Il faut que l'Afghanistan soit dotée d'un gouvernement que la plupart des citoyens afghans jugent légitime, un gouvernement capable d'assurer une certaine sécurité sur l'ensemble du territoire, ce qui m'apparaît être des objectifs modestes.
Merci, monsieur Paris et madame Jones, de votre témoignage, ainsi que de vos réponses à nos questions. Nous apprécions votre contribution.
Nous devons discuter brièvement des travaux du comité puisqu'une réunion qui avait été prévue a été annulée. Cela ne prendra qu'une minute.
Essentiellement, le groupe du Pakistan qui devait comparaître mardi le 21 a annulé. J'en ai déjà parlé brièvement. Nous pourrions peut-être terminer notre rapport sur Haïti au cours de cette séance. Êtes-vous d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Nous sommes d'accord. Il y a consensus. C'est adopté.
Nous avons aussi un budget. Où est passé ce budget?
Les 28 et 29, nous devrions pouvoir entendre les derniers témoins sur le projet de loi C-293. Si nous pouvions mettre la dernière main au rapport sur... Je ne veux pas revenir au début du rapport encore une fois. Finissons-en une fois pour toutes au cours de l'heure dont nous disposons.
Le 29, vous avez dit que nous allions terminer l'étude du projet de loi C-293. À condition qu'il n'y ait pas de témoins.
Vous avez évoqué la possibilité de terminer le rapport sur Haïti au cours de l'heure que vous allouez.
Cela ne sera peut-être pas possible. Voilà pourquoi je ne renonce pas tout à fait à terminer le rapport sur Haïti. Je veux que nous y mettions un point final, et je pense que cela peut se faire en une heure.
Je pense que si nous pouvions nous réunir et le passer en revue encore une fois pour le peaufiner...
Madame Barbot.
[Français]
[Traduction]
C'est pourquoi nous gardons le 29 ouvert. Le rapport sur Haïti est prévu à l'ordre du jour. J'espère que nous pouvons y mettre la dernière main, mais si ce n'est pas possible, le comité devra revenir...
Pour l'instant, je veux que nous adoptions ce budget. La sonnerie va retentir sous peu. Nous avons en main notre budget pour Washington. Nous ne pouvons même pas présenter une demande de voyage à Washington tant que le budget ne sera pas adopté. Je vous invite donc à l'examiner.
Angela, pourriez-vous le résumer?
Nous en avons discuté au comité directeur, mais nous n'avons pas encore eu l'occasion d'en parler ici. Les membres du comité directeur recommandent que les députés utilisent l'un de leurs quatre points de déplacement pour faire ce voyage à Washington. Par conséquent, les coûts de déplacement visent uniquement le personnel. Il y a aussi les frais d'hôtel et les indemnités quotidiennes pour tous les députés et le personnel. J'ai prévu 12 députés. Comme il me fallait préciser des dates, j'ai inscrit la semaine avant le retour du comité, c'est-à-dire du 20 au 24 janvier.
Vous pourriez quitter vos circonscriptions le dimanche et y rentrer le jeudi.
Y a-t-il des questions à ce sujet? Encore une fois, je vous rappelle qu'il s'agit en l'occurrence de points pour les déplacements aériens. Vous utiliseriez un point.
Madame McDonough.
J'ai peut-être raté quelque chose, mais je ne savais pas que nous avions décidé — et c'est peut-être ce dont nous discutons ici — de passer quatre jours à Washington. Je croyais que l'on envisageait de passer deux jours à Washington et deux jours à l'ONU. Personnellement, c'est ce que je préférerais. À vrai dire, je ne vois pas pourquoi nous passerions quatre jours à Washington, surtout dans l'état où sera Washington.
C'est Washington parce que c'est ce dont il a été question au comité directeur. Nous n'en avons jamais parlé au comité principal.
Je suis d'accord avec Mme McDonough. Washington est une possibilité, mais au bout du compte, ce sera peut-être Washington et New York. Pouvons-nous changer cela sans trop modifier le budget?
Merci.
Nous allons inscrire cela dans le budget. Est-ce que tout est clair? Sommes-nous d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Il semble qu'il y ait consensus. Je me ferai peut-être taper sur les doigts puisque 12 députés vont voyager, mais peut-être pas. Après tout, c'est une semaine de relâche et nous utilisons nos points.