Passer au contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 047 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 mars 2007

[Enregistrement électronique]

(1115)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bonjour. En ce jeudi 29 mars 2007, nous en sommes à la 47e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Je rappelle à chacun de nos membres que la séance d'aujourd'hui est télévisée. Dans la première heure, nous ferons le point sur la situation en Afghanistan, notamment peut-être sur le rôle et les responsabilités du Canada dans ce pays.
    Nous entendrons également M. Barnett Rubin du Center on International Cooperation, figure bien connue au comité. Nous avons en effet pu faire sa connaissance à New York il y a quelques mois. Il est directeur des études et agrégé supérieur de recherches à l'Université de New York.
    De l'Université de Victoria, nous accueillons M. Gordon Smith, directeur exécutif du Centre for global studies et professeur de sciences politiques. Je ne sais trop à combien de séances du Comité des affaires étrangères M. Smith a assisté — une centaine peut-être — en sa qualité d'ancien sous-ministre des Affaires étrangères.
    Je rappelle aux députés que nous réserverons quelques instants à la fin de la séance d'aujourd'hui pour traiter de certaines affaires du comité.
    Avant de commencer, j'encourage les membres du comité à prendre connaissance du document public sur la promotion de la démocratie rédigé par notre attaché de recherche, M. Gerry Schmitz. Angela, notre greffière, nous en a remis un synopsis accompagné des liens avec ce qu'il a rédigé en 2004.
    M. Rubin, M. Smith, soyez les bienvenus. La formule du comité est de vous accorder entre 10 et 15 minutes pour une déclaration liminaire, après quoi nous vous poserons des questions. Chaque parti se voit attribuer une période de sept minutes pour la première série de questions et de cinq minutes pour la deuxième.
    Soyez les bienvenus; nous avons hâte de vous entendre.
    Monsieur Rubin.
    Je tiens d'abord à remercier le comité. Je suis heureux de retrouver ceux d'entre vous que j'ai rencontrés à New York et de vous revoir ici.
    Je suis aussi très heureux d'être ici en compagnie de Gordon Smith. J'espère que vous avez eu le temps de consulter sa communication, dans laquelle vous trouverez passablement d'idées dignes d'intérêt. Je crois que vous avez également reçu des copies de mon article récent publié dans Foreign Affairs.
    J'aurais également tort de ne pas remercier le Canada de son engagement en Afghanistan et des sacrifices qu'il a consentis. Je ne veux pas dire que la vie d'un diplomate chevronné vaut davantage que celle d'un jeune soldat, mais je veux préciser que nous connaissions bien Glyn Berry au Center on International Cooperation. Il a travaillé avec nous à certains projets lorsqu'il était à la mission permanente du Canada à New York. J'habitais chez Chris Alexander, l'ancien ambassadeur, aujourd'hui RSSG, au moment où il a tragiquement trouvé la mort à Kandahar.
    Je déplore que le rôle du Canada ne soit pas mieux compris aux États-Unis; je pense toutefois qu'il l'est en Afghanistan. J'ai rencontré là-bas vos commandants militaires, soldats, diplomates et travailleurs humanitaires, et ils remplissent très bien leurs fonctions.
    Évidemment, je vous parle en mon nom personnel puisque je ne représente personne. Bien que citoyen américain, je ne représente pas ici les intérêts des États-Unis. Je m'occupe de l'Afghanistan depuis 1983. Je m'y suis rendu 29 fois et j'ai visité tous ses pays voisins et la plupart des pays aujourd'hui associés de près ou de loin à l'Afghanistan. J'en sais donc quelque chose, je ne suis pas étranger à l'ordre international et je suis au courant des erreurs qui ont été commises par beaucoup de gens, dont moi à l'occasion.
    Je pensais dire quelques mots à propos du fait que je comprends, même si je n'en suis pas très bien informé — peut-être en apprendrai-je davantage ici —, qu'il y a une polémique ou un débat au sujet du rôle du Canada en Afghanistan. Je voulais dire quelques mots à ce sujet.
    Premièrement, je veux dire que je comprends. Évidemment, ce sont les États-Unis qui dominent la mission là-bas. Les Américains fournissent environ la moitié de l'assistance économique. J'ignore quel est le pourcentage exact de la force militaire, mais je pense qu'à peu près 70 p. 100 des soldats étrangers en Afghanistan sont américains, ce qui signifie que la mission dans ce pays revient à coopérer avec les États-Unis dans ce que beaucoup estiment être une entreprise américaine. Je comprends que pour bien des gens il est très difficile de coopérer avec l'actuelle administration à Washington. Même pour certains membres éminents du propre parti du président au Sénat, c'est chose difficile.
    Ce que je dis avec insistance, c'est que l'Afghanistan ne devrait pas pâtir de nos dirigeants. Il ne s'agit pas seulement d'une opération américaine.
    Beaucoup de gouvernements dans le monde ont des réserves au sujet de divers aspects de l'opération mais aucun gouvernement dans le monde n'y est officiellement hostile. Cela inclut l'Iran, qui contribue activement à la reconstruction de l'Afghanistan et, officiellement au moins, le Pakistan, qui fait de même. Nous parlerons du rôle du Pakistan, qui est plus complexe.
    Chose plus importante encore, tout ce que j'ai vu me porte à croire que la plupart des Afghans veulent que cet effort soit couronné de succès. Ils veulent un gouvernement national comptable même s'ils peuvent ne pas s'entendre — et soient effectivement d'un avis divergent — sur la structure qu'il doit adopter.
    Éducation, soins médicaux, développement, sécurité et primauté du droit: voilà ce qu'ils attendent de ce gouvernement et de tous ses alliés étrangers, même s'ils sont en désaccord sur de nombreux points, notamment le rôle précis de l'islam dans l'appareil juridique, les liens entre les lois afghanes et le droit et les normes internationales ainsi que d'autres questions.
    Ils veulent aussi un Afghanistan uni et multiethnique, même s'il existe une question épineuse rarement débattue ouvertement, qui fait l'objet de désaccords entre les Afghans et leurs voisins: l'emplacement exact de cet Afghanistan uni et la définition exacte de ce qu'est un Afghan.
    Cela ne signifie pas pour autant qu'ils soient heureux de la communauté internationale ou de leur gouvernement. C'est tout le contraire et les appuis en faveur de la présence internationale et du gouvernement sont en chute libre depuis un an environ, quoique, je m'empresse de le préciser, la perte d'appui pour le gouvernement ne se traduit pas forcément par un appui direct pour l'insurrection, le taliban, ou tout autre élément insurrectionnel. Parfois c'est le cas; parfois ça ne l'est pas.
    Mais le principal reproche n'est pas que nous, l'occident, ou la communauté internationale soyons en train d'imposer aux Afghans quelque chose dont ils ne veulent pas. On entend bien ces reproches venant d'éléments islamistes et de beaucoup d'autres à cause du cortège de conséquences créées par une grande présence d'étrangers qui ont beaucoup d'argent, qui le dépensent et qui vivent là, ce qui a créé des problèmes sociaux graves, en particulier à Kaboul.
(1120)
    La principale doléance des Afghans n'est pas que nous leur imposions ce dont ils ne veulent pas, mais plutôt que nous n'ayons pas rempli ce qu'ils pensent que nous leur avons promis, soit ce que je viens de mentionner. Pourquoi n'y sommes-nous pas parvenus? Parce que c'est extraordinairement difficile.
    Je veux répéter une chose que j'ai dite quand j'ai rencontré certains d'entre vous à New York. On ignore souvent que l'Afghanistan est le pays le plus pauvre du monde à l'extérieur de l'Afrique subsaharienne et qu'il est plus pauvre que la quasi totalité des pays de l'Afrique subsaharienne. Son PIB par habitant est à peu près la moitié de celui d'Haïti, et ses indicateurs de scolarisation, de santé, de longévité et ainsi de suite s'apparentent à ceux du Burundi, de la Sierra Leone, etc.
    Cela explique que son gouvernement et l'un des plus faibles au monde. Les recettes fiscales pour habitant du gouvernement afghan sont de 13 $ par année. C'est tout ce dont dispose le gouvernement afghan pour assurer sécurité, instruction, soins de santé, etc. Avez-vous imaginé l'étendue des services publics, même avec l'aide qu'il reçoit, qu'il arrive à offrir. Les difficultés sont grandes, auxquelles il faut ajouter l'histoire des 30 dernières années, que je n'évoquerai même pas.
    Cela tient aussi aux politiques erronées du gouvernement américain, l'administration Bush. Dès le début, il a tenté de minimiser l'ampleur de la mission pour ménager les moyens qu'il destinait à d'autres choses, comme l'invasion de l'Irak. Je peux donc comprendre les sentiments de certains Canadiens, qui ne veulent pas que leurs soldats et leurs civils soient tués ou blessés à cause des erreurs des États-Unis.
    Nous n'avons pas besoin de débattre de la question de savoir si le Canada devrait être là ou non — c'est votre droit à vous de le faire — mais il faut tenir un autre débat. Je voudrais demander au Canada et aux Canadiens de participer beaucoup plus activement — et je crois que l'audience d'aujourd'hui en est le signe — au débat concernant la question de savoir ce que devraient vraiment faire tous ceux d'entre nous qui sont en Afghanistan en vue de changer la démarche là où elle doit l'être.
    Il est très difficile pour le Canada d'influer sur la politique des États-Unis mais j'ai visité la plupart des pays présents en Afghanistan — la Norvège, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni, la France — ces derniers mois et j'ai constaté qu'il y a beaucoup de pays qui sont acquis à l'Afghanistan d'une manière ou d'une autre, même si leur gouvernement a des réserves au sujet de la politique suivie. Dans chacun de ces pays, on trouve des partis d'opposition et des intellectuels indépendants qui partagent ces inquiétudes. Je crois qu'il y a même eu une réunion — peut-être organisée par la Norvège — il y a à peu près six mois de pays aux vues semblables en Europe.
    Ce que je suggère en fait, c'est que le Canada — le gouvernement, le Parlement, l'opposition, les figures indépendantes tel mon collègue ici présent — fassent un effort pour collaborer avec des gens qui partagent leur avis dans d'autres pays, d'autres puissances moyennes, présentes en Afghanistan afin d'élaborer des propositions communes.
    Vous constaterez je crois que les États-Unis vous accorderont une oreille très attentive — peut-être même au gouvernement — en raison de la réévaluation de la politique effectuée ces six derniers mois. Nous avons déjà vu des résultats: la rallonge budgétaire récente proposée envisage de doubler l'aide à la reconstruction en Afghanistan et la décision d'augmenter le nombre de soldats et d'en affecter davantage à la sécurité, au service de police, etc. Je suis en rapport constant avec des membres du Congrès américain, des démocrates surtout, mais aussi avec certains républicains, qui tiennent beaucoup à ce débat et qui espèrent que nous pourrons faire mieux que nous l'avons fait jusqu'à présent.
    Où faut-il apporter des changements? Je ne veux pas énumérer nos propositions ici car elles figurent dans l'article que vous avez reçu et je suis sûr que vous voudrez me poser des questions sur le sujet.
(1125)
    Évidemment, les principaux changements portent sur le degré et le rythme du soutien économique, en particulier pour la création d'emplois, et la manière dont l'aide internationale finit en fait par diminuer l'autorité et la légitimité du gouvernement, la méthode de la communauté internationale dans la lutte contre les stupéfiants, qui est très dommageable, et je félicite d'ailleurs mon collègue pour ce qu'il a dit sur la question; les affaires régionales, en particulier le rôle du Pakistan et la manière de faire bloc dans nos rapports avec ce pays; ainsi que la nécessité d'adopter une démarche accélérée et coordonnée en matière de sécurité intérieure, à savoir la police, la justice et les établissements de détention.
    Mes propositions détaillées sont dans l'article que vous avez reçu.
    Je vous remercie et j'attends vos questions.
    Je vous écoute. Merci.
    Merci, monsieur Rubin.
    Nous allons passer à M. Smith.
    Monsieur Rubin, vu ce que vous avez dit dans votre témoignage au sujet du fait que le débat ne devrait pas porter sur la question de savoir si nous sommes là ou non, mais plutôt celle de savoir ce que nous y faisons et comment nous pouvons changer ce que nous faisons, je pense que cela cadre parfaitement avec ce que M. Smith a écrit, je le cite:
Il est facile de critiquer ce qui se passe en Afghanistan. Cependant, il est beaucoup plus difficile de recommander ce qui devrait être fait. Au cours de ma longue vie professionnelle, je n'ai rencontré aucun défi politique plus complexe que celui-ci. Je ne suis pas certain que nous ayons toutes les bonnes solutions. Mais je sais que nous, au Canada, avons instamment besoin d'un débat mieux éclairé sur ces questions, car un grand nombre de choses sont en jeu.
    Je pense que cela reflète très clairement ce que M. Rubin a suggéré, mais c'est vous que nous avons hâte d'entendre, monsieur Smith.
    Merci, monsieur le président. J'allais justement vous lire ce passage — et je crois sincèrement à ce que je dis dans ces phrases.
    Il est très important pour moi de mieux débattre de ces questions au Canada. Il est trop polarisé entre ceux qui, d'un côté, disent que nos soldats sont engagés, qu'ils trouvent la mort, qu'ils ne saurait être question d'être autre chose qu'à 100 p. 100 derrière nos soldats — et, de l'autre, ceux qui disent que c'est impossible, que nous perdons trop de gens et que nous devrions partir.
    À mon avis, les deux ont tort. Il nous faut précisément le genre d'analyse que vient de nous donner le professeur Rubin. Je suis ravis que le comité ait décidé d'examiner la question et je suis honoré que vous m'ayez demandé mes vues.
    Je précise d'entrée de jeu que les objectifs énoncés par le gouvernement du Canada pour l'Afghanistan sont à mon avis parfaitement méritoires. La question que je pose dans mon document est la suivante: Sont-ils réalisables? Est-il possible de faire ce que demande le rapport — non pas est-ce que ce ne serait pas une bonne idée, mais pouvons-nous le faire? Les moyens sont-ils là?
    Je veux aussi préciser qu'à mon avis la performance de nos militaires est de tout premier ordre et que nous avons tous une dette envers ceux qui ont risqué ou perdu leur vie là-bas. J'ai aussi remarqué et je suis impressionné par la façon dont l'ACDI essaie de changer sa façon de faire de manière radicale pour qu'elle puisse opérer dans le monde réel de l'Afghanistan.
    Mais la question dans mon esprit, que les Canadiens et le comité examineront j'espère, est de savoir si dans l'ensemble nous avons le moindrement les ressources nécessaires pour réaliser les objectifs énoncés, à savoir instaurer la démocratie, une économie de marché opérante et le respect des droits de la personne. J'ai été frappé par les comparaisons qui ont été faites avec la taille de l'effort dans les Balkans, en particulier dans l'analyse de James Dobbins, le premier ambassadeur des États-Unis en Afghanistan. Il signale que selon la façon dont on fait la comparaison, ce qui est consacré à l'Afghanistan représente le 25e ou le 50e de ce qui a été consacré aux Balkans.
    Je viens de lire un article intéressant que je vous recommande dans le dernier numéro de Survival — celui d'avril 2007 — par le général Richards, le général britannique, qui a dit il y a quatre mois à peine: « Je n'ai pas assez de soldats pour gagner. » Je crois qu'il parlait avec franchise.
    La première question à aborder est celle du nombre de soldats engagés et celle de l'aide au développement. Je sais que les niveaux ont augmenté et augmentent de manière spectaculaire, en provenance du Canada, y compris ceux destinés à la région de Kandahar.
    Je tiens à souligner, et c'est ce que fait Seth Jones de la RAND Corporation, dans son article, le rôle déterminant joué par le Pakistan. Nous le savons tous. La frontière est ouverte. Les Pachtounes vivent des deux côtés. Je suis loin d'avoir voyagé autant que le professeur Rubin, mais je suis allé dans les zones tribales du nord du Pakistan et jamais le gouvernement d'Islamabad ne les a maîtrisées. Ce qui est très important, c'est ce que nous avons maintenant, et je vais citer une seule phrase de l'article de Seth Jones:
De nombreux éléments montrent que les talibans, Hezb-i-Islami Gulbuddin (HIG), al-Qaïda, et les autres groupes insurrectionnels se servent du Pakistan comme d'un sanctuaire où trouver des recrues et des appuis. En outre, les avis sont quasi unanimes: la Direction générale pakistanaise du renseignement interservice (ISI) continue de prêter main forte aux groupes insurrectionnels afghans.
    Ces situations deviennent de plus en plus difficiles, ce qui rend plus compliqué de traiter avec l'Afghanistan comme un pays autonome. Ce n'est pas Haïti, qui est entourée d'eau et qui a une frontière relativement anodine. C'est un environnement beaucoup plus complexe, et nous pourrons en discuter pendant la période de questions si vous voulez, la question de savoir si le gouvernement pakistanais fait tout ce qu'il peut, mais il faudrait aussi discuter non seulement de l'Iran, comme l'a suggéré le professeur Rubin, mais aussi du rôle joué par l'Inde et la réaction du Pakistan au rôle joué par l'Inde en Afghanistan.
(1130)
    Je dis aussi dans mon document que j'estime important de ne pas oublier la raison première pour laquelle nous sommes allés en Afghanistan: combattre al-Qaïda. Le problème d'al-Qaïda n'a pas disparu. De fait, d'après les renseignements que j'ai pu obtenir, il y a une résurgence d'al-Qaïda dans le nord du Pakistan.
    Dans le document, nous avançons l'idée que, tout d'abord, tout ce qui peut être fait doit être fait, même s'il n'est peut-être pas possible de dissocier al-Qaïda des talibans. Deuxièmement, essayons de réintégrer dans le processus politique plus de gens actuellement solidaires des talibans.
    La clé, c'est la dimension politique, aussi bien au Pakistan qu'en Afghanistan. Je dis cela sachant très bien combien c'est difficile.
    Il est certain que nous faisons plus que notre part. Je reviens d'une rencontre à Bruxelles il y a deux semaines, à laquelle participait l'ancien président du comité, M. Graham. On ne peut manquer d'être frappé par le fait qu'en Europe, on est loin d'avoir le même sentiment qui règne ici ou en Grande-Bretagne — si j'exclus la Grande-Bretagne de l'Europe ici — qu'il s'agit de leur guerre à eux. Ils y voient la guerre des Américains et la guerre des amis des Américains. Cela se voit dans le genre de restrictions nationales que je juge intolérables — le mot est fort — et qui sont imposées à la participation de nos alliés européens.
    Pour terminer, je voudrais parler de la production de pavot évoquée par le professeur Rubin. Nous pourrons en parler davantage si la question vous intéresse, mais pour dire les choses simplement, je dirai que l'élimination de la culture du pavot est un échec et cause de graves problèmes politiques à cause de ses conséquences économiques. Que ce soit en achetant et en commercialisant l'opium à des fins pharmaceutiques ou autrement, il faut trouver un moyen d'en dissuader la culture. Il ne s'agit pas seulement de détruire la production de pavot. C'est un des éléments déterminants pour obtenir l'appui de la population afghane en faveur des efforts que nous et d'autres pays de l'OTAN et pays amis de l'OTAN faisons en Afghanistan.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Smith.
    M. Patry entamera la première série de questions.
    Je veux partager mon temps de parole avec M. Martin, s'il revient, mais il doit être à la Chambre à midi.
    Merci à vous deux. Je suis très heureux de revoir ici M. Rubin.
    Il est très difficile de comprendre tous les joueurs présents en Afghanistan. La perception ici au Canada — ma perception, dans un certain sens, et celle de mes électeurs — c'est que ce n'est pas une guerre des États-Unis, et pas même une participation de l'OTAN, même si 36 pays sont engagés en Afghanistan.
     Nous lisons que toute solution doit passer par la coopération du Pakistan, et que les Pakistanais ne font pas suffisamment. J'ai deux questions concernant ce point.
    Au Pakistan, quel est le rôle exact du Renseignement pakistanais, l'ISI? Il semble que l'ISI appuie rigoureusement le taliban, et la solution passera par eux dans un certain sens.
    Mon autre question concerne l'Inde. Avec le long conflit entre l'Inde et le Pakistan, je pense que c'est encore très présent dans cette guerre en Afghanistan contre les talibans et al-Qaïda. Pensez-vous que l'Inde devrait jouer un plus grand rôle, dans un certain sens, ou que l'OTAN et les États-Unis laisseront l'Inde jouer un rôle plus grand en Afghanistan? Cela amènera-t-il Islamabad à coopérer davantage avec les pays de l'OTAN?
(1135)
    Merci, monsieur Patry.
    Monsieur Rubin.
    Merci.
    Tout d'abord, au sujet du Pakistan, je ne saurais vous dire exactement quel est le rôle de l'ISI, puisque c'est un service secret de renseignement.
    Évidemment, la politique officielle du gouvernement pakistanais, c'est qu'il appuie l'effort international, qu'il juge toutefois trop militaire et trop peu politique. Il est en faveur d'une démarche politique auprès des talibans et dans les zones tribales.
    Il est certain qu'il existe au Pakistan une infrastructure de soutien à l'insurrection, d'abord dans les agences tribales et aussi dans des régions du Balouchistan, qui comprennent les madrassas, les camps d'entraînement, le recrutement, les vidéos et les DVD en vente libre, etc.
    Ce n'est pas que je vois des rapports des services de renseignement, mais des gens m'en parlent. S'ils me disent la vérité, des rapports répétés affirment que des agents de niveau opérationnel de l'ISI ont contribué à soutenir les talibans; pendant des dizaines d'années auparavant, ils soutenaient les moudjahidines. Ils continuent d'apporter une certaine forme d'assistance, bien que cela ne se fasse plus ouvertement et officiellement comme c'était le cas antérieurement. J'ajouterai toutefois que le Pakistan avait nié qu'il appuyait les talibans pendant toute cette période, alors qu'il les soutenait effectivement, comme il l'a maintenant reconnu.
    En ce qui concerne l'Inde, je ne pense pas que le Pakistan réagira positivement en accentuant sa perception d'être menacé par l'Inde en Afghanistan. De fait, la plupart des actes de non-coopération du Pakistan en ce qui concerne l'Afghanistan sont motivés par sa crainte de la présence indienne en Afghanistan.
    Le Pakistan ne devrait pas avoir le pouvoir de veto sur les relations de l'Afghanistan avec l'Inde. Les deux pays peuvent avoir des rapports mutuellement avantageux. Mais les États-Unis, le Canada et d'autres qui sont là devraient essayer de faire ce qu'ils peuvent pour veiller à ce que le rôle de l'Inde ne soit pas une menace pour le Pakistan. Il y a certains problèmes particuliers que le Pakistan a évoqués, comme les consulats de l'Inde, et le Pakistan a essayé de favoriser certaines mesures de renforcement de la confiance et de transparence entre les deux pays au sujet de leurs activités en Afghanistan.
    Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je suis d'accord avec le professeur Rubin sur toute la ligne. Tout ce que j'ajouterais, c'est que dans le cas de l'ISI, c'est une question de degré. Le service fait partie de l'armée pakistanaise mais d'après ce que l'on peut en juger, il jouit d'une autonomie considérable. Il y a aussi d'anciens membres de l'ISI auxquels ont recours certains membres actuels du service.
    Comme le professeur Rubin l'a dit, l'ISI a longtemps été présent en Afghanistan. Cela ne va pas changer. L'ISI donne au Pakistan une vision géostratégique de cette partie du monde, le Pakistan se voyant maintenant avec l'Inde. Leurs rapports se sont peut-être un peu améliorés, mais la relation est loin d'être sûre. L'Iran quant à lui pose toute la question des armes nucléaires. En ce qui concerne l'Afghanistan et les contingents étrangers, l'ISI songe constamment aux intérêts géostratégiques à long terme du Pakistan.
    À part cela, je suis d'accord avec le professeur Rubin sur toute la ligne.
(1140)
    Monsieur Wilfert, aviez-vous une question très brève?
    Merci, monsieur le président.
    Il y a une chose à caractère double qui me frappe. D'une part, les Pakistanais continuent à dire, ils le disaient encore il y a trois semaines, alors que j'étais là-bas, qu'ils ont 80 000 soldats à la frontière et que si on les pousse trop fort, la situation après Musharraf serait le chaos le plus total. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
    Deuxièmement, la question des négociations. Les talibans ne sont pas une organisation monolithique. On se demande alors s'il ne serait pas possible de diviser les éléments talibans afin de négocier et d'isoler les plus radicaux.
    Merci, monsieur Wilfert.
    M. Smith, M. Rubin?
    Je vais commencer.
    Les experts des questions pakistanaises se demandent en fait si Musharraf fait tout ce qu'il peut. Il a ses propres problèmes, après avoir renvoyé le juge en chef. Il prêche beaucoup l'action militaire. Si on l'évince, je suppose qu'il sera probablement remplacé par un autre général.
    Mon sentiment, pour le moment, et j'en suis en fait plus convaincu que lorsque j'ai révisé ce rapport, c'est qu'il est temps d'exercer davantage de pressions sur Musharraf. Ce n'est pas à nous de le faire mais aux Américains et aux Britanniques.
    Pour ce qui est des talibans et de savoir si on peut les diviser, c'est exactement ce que nous suggérons dans le rapport. Là encore, c'est assez controversé. Il y a des gens qui pensent qu'il est possible d'essayer d'exclure certains des éléments les plus extrêmes et d'amener des gens qui sont associés aux talibans dans le processus politique à Kaboul. Cela finirait entre autres par donner aux Pashtun davantage de pouvoirs dans la gouvernance générale du pays.
    Tout d'abord, le Pakistan a ses troupes à la frontière et se montre très actif face à Al-Qaïda. Évidemment, les membres d'Al-Qaïda ne sont pas des Afghans ni des Pakistanais, de façon générale, mais des Arabes ou ressortissants d'autres pays. Le Pakistan n'a pas intérêt à attaquer le World Trade Center ni le Pentagone. En fait, cela lui a créé des tas de problèmes en ce sens que les talibans seraient encore au pouvoir si ce n'était pas arrivé et c'est ce qu'ils préféreraient.
    Ils sont donc prêts à faire cela mais ils n'ont pas utilisé ces groupes contre les talibans. Jusqu'à la visite récente du vice-président Cheney, ils n'avaient jamais arrêté de dirigeants talibans sur le sol pakistanais. Ils niaient même qu'il puisse y en avoir au Pakistan. Le président Musharraf lui-même m'a déclaré lors d'une réunion du Council on Foreign Relations qu'il n'y avait aucun dirigeant taliban au Quitta. Ils ont ensuite arrêté un ancien ministre de la Défense taliban au Quitta et l'on peut ainsi se demander s'ils sont réellement de bonne foi.
    Les militaires, au Pakistan, disent toujours que la solution de rechange à un gouvernement militaire serait le chaos. Toutefois, j'estime qu'il y a très peu de Pakistanais qui le croient. J'ajouterais également que les dirigeants civils au Pakistan déclarent aux diplomates américains: « Nous devons faire ce qu'ils veulent, sinon ils seront remplacés par des islamistes radicaux, peut-être par des talibans ou autres », ce qui ne semble pas non plus vrai, d'après ce que j'ai observé au Pakistan.
    Je pense que le gouvernement militaire pourrait trouver un autre général. Le système politique pakistanais a suffisamment de maturité pour cela, malgré tous ses problèmes, qu'on pourrait avoir un gouvernement civil élu au Pakistan. Il est assez clair que c'est ce que souhaiteraient les Pakistanais.
    J'ajouterais, et ceci est plus controversé, qu'à mon avis un gouvernement civil au Pakistan serait plus favorable -- ou du moins pourrait être plus favorable -- à ce que nous essayons d'accomplir en Afghanistan car l'armée au Pakistan n'est pas simplement l'armée, c'est aussi le parti dirigeant. Elle a des alliances politiques et ces alliances sont avec les partis islamistes. Le parti de Musharraf est en coalition avec le parti pro-taliban dans le gouvernement provincial du Balochistan. Les partis Pashtun opposés aux talibans s'opposent en fait à l'armée et auraient vraisemblablement plus d'influence s'il y avait un gouvernement civil élu. Il y aurait certes quelques problèmes mais je ne pense pas que le chantage que fait l'armée Pashtun avec ses visiteurs étrangers soit crédible.
    Pour ce qui est des talibans, je préfère parler de la sédition que des talibans, parce que les talibans sont une organisation parmi d'autres dans cette sédition. Il y a des tas d'autres gens qui se battent pour tout un éventail de raisons. Il y a certainement des gens que l'on peut neutraliser ou incorporer au sein du gouvernement d'une façon ou d'une autre. Je pense qu'il est beaucoup plus douteux qu'on puisse créer une division politique ou entre différentes factions au sein de la structure des talibans qui semble relativement unie sous la direction de Mullah Omar.
    Merci, monsieur Rubin.

[Français]

    Madame Lalonde, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec Mme Barbot.
    Merci à vous deux. Je veux d'abord vous dire que le parti auquel j'appartiens est le Bloc québécois, qui est majoritaire au Québec, et que cette province est majoritairement contre la participation à la guerre en Afghanistan. Mon parti a défendu cette position depuis le début. Cependant, il faut rééquilibrer l'aide humanitaire par rapport au militaire. C'est absolument indispensable. Il faut également régler la question de l'utilisation du pavot. En ce moment, cela pourrit toute la société afghane.
    Les témoignages que nous avons entendus au comité laissent entendre que le type de guerre qui est livrée là-bas est incompatible avec l'aide humanitaire et la recherche de l'appui de la population. En définitive, ce dont on a besoin, c'est de l'appui de la population.
    J'aimerais entendre vos commentaires.
(1145)

[Traduction]

    Merci, madame Lalonde.
    Monsieur Rubin.

[Français]

    Je pourrais poser des questions, mais je préfère faire des remarques.
    Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il faut augmenter l'aide non seulement humanitaire mais aussi économique. Depuis le début, toutes mes interventions vont dans ce sens. Il faut surtout se rappeler que toute action internationale en Afghanistan doit se faire en collaboration avec les Afghans en vue de construire un État responsable et capable d'offrir les services dont les Afghans ont besoin et qu'ils attendent depuis longtemps. Si le Canada peut faire quelque chose en ce sens, je l'appuie.
    En outre, je suis absolument d'accord avec M. Smith sur la question de l'éradication du pavot. Je crois que c'est une grave erreur. Cette année et l'année dernière, la culture du pavot a été réduite dans plusieurs provinces. Cette réduction n'était dans aucun cas due à l'éradication. C'était plutôt le fait de la sécurité, de l'action politique du gouvernement et du développement économique.
    Cependant, il y a une contradiction. En effet, on veut l'appui des paysans, mais l'éradication du pavot donne l'effet contraire puisque la culture du pavot est leur gagne-pain. Quant à la manière de mener les opérations, je crois que M. Smith a fait quelques remarques à ce sujet dans le cadre de son exposé. Il a dit que le fait de ne pas avoir assez de troupes sur le terrain faisait en sorte qu'on avait recours à la force aérienne, qui est très nocive à cause des décès qu'elle provoque chez les civils.

[Traduction]

    Monsieur Smith.

[Français]

    Je vais simplement ajouter quelques mots sur un fait qui me frappe tout particulièrement.

[Traduction]

    Je regarde mes notes. Les estimations les plus récentes concernant la valeur de la production de pavot à la ferme sont de 37 millions de dollars pour tout l'Afghanistan pour un an. Une fois transformé et exporté, cela représente 3 milliards de dollars dans les rues.
    S'il s'agit d'un produit pour lequel les agriculteurs ne récoltent 37 millions de dollars, il est possible de trouver une autre façon ou un autre incitatif qui leur permettra de s'en sortir mieux. Tout dépend de la façon dont on structure la chose.
    J'ajouterais que bien que ce rapport n'ait rien à voir avec le Centre de recherches pour le développement international, dont je préside le conseil, le CRDI ainsi que certains organismes gouvernementaux, notamment l'ACDI, examinent actuellement des façons nouvelles d'offrir des incitatifs pour essayer de régler le problème mais il n'est pas question d'éradication.
    Merci.
    Madame Barbot, très rapidement.
(1150)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Vous avez parlé d'un débat possible au sein de la société en ce qui concerne le rôle du Canada en Afghanistan. Monsieur Rubin, vous avez dit que le Canada pourrait jouer un rôle auprès des pays qui veulent changer la mission en Afghanistan. 
    Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet? Comment le Canada pourrait-il s'y prendre?
    Merci.
    Prenons comme exemple la question du pavot, dont nous venons tout juste de parler. J'ai découvert que même au sein du Congrès américain et chez les républicains du Sénat, certains se rendaient compte que la politique actuelle ne fonctionne pas. Elle va même contre nos intérêts.
    Il y a une sorte de débat sur cette question — et le Conseil de Senlis a fait quelques efforts en ce sens —, mais il est un peu sous-terrain. Que je sache, aucune autorité officielle n'a proposé de politique à titre d'alternative. Il n'y a pas de débat sérieux. Le Conseil de Senlis a quelques idées à ce sujet. S'il est possible légalement d'acheter le pavot et de l'utiliser à des fins médicales, il faut étudier les implications que cela comporte sur les plans agricole, économique, etc. Il faut que cette étude soit bien élaborée et qu'on prévoie les conséquences aussi bien attendues qu'inattendues.
    Le Conseil de Senlis a essayé de le faire, mais il faudrait que l'initiative soit beaucoup plus solide et crédible, je crois. Dans les autres pays, y compris aux États-Unis, des membres de comités comme le vôtre partagent vos soucis, mais ces préoccupations ne sont pas élaborées, pour l'instant.
    J'aimerais proposer une solution additionnelle. Nous pourrions miser sur le fait que nous sommes membres de l'OTAN. Il y a aussi le conseil de l'OTAN. J'ai été ambassadeur auprès de l'OTAN. Avec nos alliés et amis de l'OTAN, il est tout à fait possible de tenir un débat portant sur tous les éléments de notre stratégie, y compris cet important problème.

[Traduction]

    Merci, monsieur Smith.
    Nous passons maintenant à M. Obhrai, du parti ministériel, pour sept minutes.
    Merci beaucoup à vous deux d'être venus participer à cet échange avec nous. C'est très intéressant. Nous avons là un excellent débat. Nous pouvons parler des tas de choses: des pavots, de l'OTAN -- comme vous l'avez dit -- et de tout le reste.
    J'aimerais revenir sur ce que M. Rubin a dit à propos des changements à apporter là où c'est nécessaire. Nous sommes maintenant en Afghanistan depuis un certain temps, l'OTAN aussi. Je conviens tout à fait avec vous, monsieur, que le rôle du Pakistan est critique, tout comme celui de l'Inde. Ces mesures permettant de ramener la confiance sont exactement la façon de procéder si l'on veut que l'Afghanistan conserve tous ses intérêts.
    Je suis allé à New Delhi pour la conférence économique régionale sur l'Afghanistan. Il semble maintenant que le Pakistan souhaiterait beaucoup recevoir la troisième de ces conférences. Ce qui est vraiment ressorti de cela, c'était que les acteurs régionaux qui entourent l'Afghanistan -- bien qu'ils ne soient pas présents militairement, parce qu'il s'agit essentiellement d'une mission de l'OTAN, si bien que leur composante militaire est en dehors de la région -- voient tous un grand intérêt à assurer la stabilité de l'Afghanistan parce qu'ils sont eux-mêmes devenus instables. Ils investissent énormément dans la reconstruction et tout le reste et ce serait à mon avis l'un des principaux catalyseurs importants à utiliser dans cette nouvelle stratégie dont vous parlez -- à savoir la reconstruction de l'Afghanistan -- parce que tout le monde parle d'économies et c'est ce que vous avez très bien expliqué.
    Je dirais que plutôt que de se concentrer sur l'OTAN et les questions de sécurité et tout le reste, les acteurs régionaux devraient être ceux qui s'intéressent surtout à la stabilité de l'Afghanistan. Ne diriez-vous pas que nous devrions travailler avec eux afin que l'on fasse de la prospérité de l'Afghanistan une priorité?
(1155)
    Merci, monsieur Obhrai.
    Monsieur Rubin.
    Merci.
    À la conférence de Bonn, le représentant iranien est venu voir M. Brahimi qui présidait pour l'ONU et lui a déclaré: « Je tiens à vous assurer qu'à partir de maintenant l'Iran ne s'ingérera plus dans les affaires internes de l'Afghanistan ». M. Brahimi lui a répondu: « Ne me parlez pas comme à un enfant. Il n'est pas possible pour l'Iran de ne pas s'ingérer dans les affaires internes de l'Afghanistan mais, ce que nous attendons de vous, c'est de vous y ingérer de façon positive. » Je crois que c'est en fait ce que vous proposez.
    Une partie de la motivation derrière le cadre de coopération économique auquel vous avez fait allusion consiste à créer des incitatifs de coopération en Afghanistan pour les voisins de ce pays. Cela faisait partie de l'idée. Évidemment, l'Afghanistan, pays environné de terre en a absolument besoin.
    Toutefois, permettez-moi de vous mettre en garde, je crois que l'expérience démontre que les pays tendent à considérer d'abord leurs intérêts en matière de sécurité. Il est certain que les pays qui ont des gouvernements militaires mettent la sécurité au premier rang. Je ne dirais pas que tous les pays manifestent de l'intérêt pour la stabilité en Afghanistan. Ils souhaitent tous que l'Afghanistan soit stable et dirigé par leurs amis. La deuxième solution aurait un effet déstabilisateur. La troisième viserait la stabilité mais il serait dirigé par les ennemis de leurs amis. C'est la raison pour laquelle nous avons ce problème.
    Pour le moment, par exemple, il y a deux cadres différents de coopération économique en Afghanistan. Il y a le cadre pakistanais-afghan par Karachi, et un cadre indo-iranien, qui passe par l'Iran puis va dans l'ouest de l'Afghanistan. Ceux-là sont aussi associés à différents groupes ethniques en Afghanistan du fait du territoire par lequel passe le commerce.
    Je pense qu'il est très bien d'essayer d'investir dans sa coopération internationale et le Canada a favorisé cela et devrait le faire davantage, mais je pense que les mesures visant à redonner confiance en matière de sécurité et sur les enjeux fondamentaux d'intérêt national sont ce qui rendra la coopération régionale possible.
    J'ajouterais très brièvement, et peut-être de façon encore plus explicite que ce qu'a dit M. Rubin, que si vous considérez l'histoire des relations entre le Pakistan et l'Afghanistan, il est difficile de dire que la stabilité et le progrès en Afghanistan étaient une priorité pour le Pakistan. Je suis entièrement d'accord avec M. Rubin. Ce qui est le plus souhaitable d'un point de vue géostratégique pakistanais, c'est que l'Afghanistan ait un gouvernement ami. Ensuite, il y a l'instabilité, avec laquelle il a appris à vivre. Troisièmement, évidemment, il y a les ennemis qui dirigent l'Afghanistan.
    Ce qui est absolument critique ici -- et cela nous ramène à nos leçons d'histoire -- c'est que la façon dont les Britanniques ont tracé la ligne Durand garantissait l'instabilité qui règne dans cette région. Si vous avez lu Paris 1919 de Margaret MacMillan, vous constatez que la Grande-Bretagne a ainsi tracé des frontières de la même façon dans d'autres régions. Il s'agissait pour une bonne part d'éviter de créer des puissances solides et de créer des situations instables là où prenait fin l'empire.
    Monsieur le président et messieurs, c'est une conversation très intéressante que nous avons aujourd'hui.
    Hier encore ou la veille, quatre membres du personnel de l'ISI ont été tués en déplacement dans cette région. Je ne sais pas si vous êtes au courant. J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.
    Par ailleurs, alors que j'étais en Afghanistan, j'ai eu une rencontre avec le général McNeill, commandant de l'ISAF, qui louait beaucoup les troupes canadiennes. Il les a également félicitées ainsi que le Canada du succès de l'opération Medusa et de participer à 100 projets que l'on est en train de construire à Kandahar.
    Nous entendons dire que la population afghane croit que nous sommes une force d'occupation mais je puis vous dire qu'il y a beaucoup de gens là-bas qui m'ont dit qu'il n'en était rien. Les opinions divergent donc à ce sujet. Aux États-Unis, au Canada et partout ailleurs, il y a quelques fois des gens qui disent que nos gouvernements ne font pas le nécessaire. Je crois que nous devrions être prudents lorsque nous disons que de façon générale la population afghane n'accepte pas les troupes et les considère comme une force d'occupation.
    Toutefois, j'aimerais également que vous me disiez ce que vous pensez de notre opération au nord-est de Kandahar sur la barrage de Kajaki. Certains ont considéré qu'il s'agissait d'une opération militaire mais c'est en fait pour fournir de l'électricité à deux millions de personnes -- à l'heure actuelle, cela en fournit à environ 300 000. Donc, on assure la sécurité, on participe au développement -- tout cela est réel et je m'inquiète un peu quand on tend à diminuer le travail de développement qui se fait.
    J'aimerais également que vous me disiez si nos attentes ou nos vues étaient trop élevées et que nous attendions que les choses se fassent très vite dans un pays que l'on bombarde depuis 30 ans. Je crois qu'il faut réévaluer nos attentes.
(1200)
    Merci, monsieur.
    M. Smith ou M. Rubin.
    Pour ce qui est des quatre membres l'ISI tués, je crois que le président Musharraf essaie un peu de contenter tout le monde. À un certain moment, il veut montrer qu'il est très sévère face au terrorisme et qu'il suit l'action américaine. D'autres fois, il doit faire face à ses propres problèmes politiques intérieures. L'ISI a ou n'a pas certains de ses propres éléments à l'oeuvre. Il semble y avoir certaines indications qui laisseraient entendre qu'il les a, mais il est extrêmement difficile pour quelqu'un de l'extérieur de comprendre réellement comment fonctionne l'ISI.
    Pour en venir maintenant à ce que vous disiez quant à la perception d'une force d'occupation, je vous répondrais ainsi. D'abord, les chiffres indiquent clairement qu'il y a de plus en plus de monde qui le croit. Ce n'est pas la majorité mais il y a davantage de monde qui le croit. Toutefois, plus le conflit dure, plus, et ce n'est pas surprenant, les gens en ont assez. Il me semble -- et c'est une des choses que nous avons dites dans le rapport -- qu'il est important d'essayer de mettre fin au conflit dans les plus brefs délais.
    Pour ce qui est du développement économique, ce que vous avez dit est absolument vrai. Il faut avoir des horizons à long terme. Il y a des projets qui vont demander beaucoup de temps. Par contre, il faut également pouvoir montrer des résultats rapidement, en particulier dans la région ou se trouvent nos troupes à Kandahar.
    Puis-je poser une question très rapide?
    Non, votre temps est écoulé. Nous reviendrons à vous au deuxième tour.
    Monsieur Rubin, vouliez-vous répondre également?
    Si je ne me trompe pas, c'est dans l'agence tribale du Sud-Waziristan qu'ont été tués les agents de l'ISI.
    Soyons bien clairs à propos des agences tribales. Ce n'est pas que le gouvernement du Pakistan n'ait pas un contrôle de fait sur elles. Il n'a pas de contrôle de droit. Elles ne relèvent pas de l'administration.
    Le problème de frontière n'est pas de savoir où situe la ligne Durand ni de reconnaître la ligne Durand. C'est également que ces agences tribales ne sont pas des territoires administrés.
    En outre, les gens qui vivent dans ces territoires déclarent qu'ils sont afghans et également qu'ils sont pakistanais. Ils ne croient pas qu'ils appartiennent à un seul pays mais ils ne participent pas au système politique afghan, sauf en tant que combattants. C'est donc un problème plus large.
    Au Sud-Waziristan, à l'heure actuelle, il y a beaucoup de combattants du mouvement islamique d'Uzbekistan qui sont aillés à Al Qaïda.
    Pour les tribus Pashtun locales, je ne sais pas quelles sont leurs opinions personnelles mais beaucoup d'entre elles sont organisées militairement pour soutenir les talibans et se battent en fait aujourd'hui contre les Ouzbeks d'Al Qaïda qui ne sont plus bienvenus dans la région.
    L'ISI est impliquée dans ce conflit très complexe entre les Ouzbeks favorables à Al Qaïda et les Pashtun pro-talibans. Nous ne savons pas exactement qui a tué les agents de l'ISI dans cette région mais, évidemment, les actions du Pakistan sont multidimensionnelles.
    Quant au barrage de Kajaki, c'est un projet extrêmement important. Je suis heureux d'entendre dire que le Canada aide là-bas. L'absence d'amélioration dans la production d'électricité ces cinq dernières années depuis qu'il y a des étrangers est certainement une des premières choses dont se plaignent les Afghans.
    Merci, monsieur Rubin.
    Nous allons passer à Mme McDonough.
    Quel plaisir de vous avoir tous les deux devant le comité.
    Vous avez demandé à tous ceux qui se préoccupent de l'avenir de l'Afghanistan de ne pas pénaliser ni punir les Afghans pour la participation des États-Unis ou la façon dont les États-Unis ont été impliqués. J'aimerais poursuivre un peu cette idée.
    J'ai eu l'occasion jeudi ou vendredi de participer à un séminaire d'une journée sur les stratégies de retrait pour l'Irak et l'Afghanistan. J'ai été frappée par ce qu'a dit un des conférenciers, à savoir que la façon dont on effectue ce retrait dépend de la façon dont on est entré. J'essaie d'approfondir un peu parce que je crois que vous y avez l'un et l'autre fait allusion. Vous avez parlé des évaluations ou interprétations des Canadiens quant à ce qui se passe là-bas dans le contexte de la participation américaine. J'aimerais revenir sur deux détails.
    Monsieur Rubin, je crois que c'est vous qui avez signalé que les dépenses gouvernementales représentent 13 $ par habitant pour tous les programmes et services publics.
(1205)
    Ce sont les revenus.
    Désolée, les revenus.
    Qu'on dise qu'il s'agit des revenus ou de ce qu'ils sont pour améliorer la vie de la population, il est certain que la situation est assez désespérée.
    Vous savez que l'engagement militaire du Canada est financièrement parlant neuf fois supérieur à son action humanitaire, diplomatique et d'assistance au développement. Dans ce cas, pourriez-vous nous parler d'aide humanitaire, des ressources ciblées pour améliorer le niveau de vie réel des gens et l'engagement plus robuste au niveau diplomatique? On ne fait vraiment pas grand-chose sur le plan diplomatique. Pensez-vous qu'il n'y a pas lieu de rééquilibrer les choses si nous voulons nous rapprocher un tantinet des objectifs donnés à cette mission?
    Merci, madame McDonough.
    M. Rubin ou M. Smith.
    Je ne dirais pas qu'il s'agit d'un problème de déséquilibre car on peut toujours corriger le déséquilibre en retirant les troupes. Le problème, c'est que l'Afghanistan a besoin de plus d'assistance au développement et d'une assistance plus efficace. Le Canada est l'un des meilleurs donateurs quant à la façon dont il apporte cette assistance. Il soutient la fiducie de reconstruction de l'Afghanistan et a même mis un certain montant, 10 millions de dollars -- je ne sais plus d'où viennent ces dollars, mais de quelque part -- directement dans le Trésor afghan comme signe de soutien aux réformes entreprises au ministère des Finances. Mais si l'on peut faire davantage, ce serait certainement encore mieux.
    Permettez-moi de dire un mot maintenant quant à la stratégie de retrait. Il y a différents scénarios, c'est évident. Toutefois, il y a un problème fondamental, et c'est que nous n'avons pour le moment aucune raison de croire que le territoire actuel de l'Afghanistan possède suffisamment de ressources économiques pour payer le coût de sa propre sécurité. En fait, le territoire est devenu un État parce qu'il était subventionné par l'Empire britannique pour protéger la frontière de l'Inde, et non pas pour fournir des services aux Afghans. C'est la raison pour laquelle ce pays n'a jamais eu la capacité de le faire.
    Si l'Afghanistan doit devenir stable, il faudra soit qu'il continue à recevoir des subventions, soit que l'on reconfigure en quelque sorte la région afin qu'il y ait beaucoup plus de ressources et de coopération régionale pour permettre à l'Afghanistan de produire beaucoup plus qu'il ne l'a fait par le passé afin de subvenir à ses besoins. Il nous faudra également diminuer le coût du maintien de la sécurité en réduisant les menaces régionales.
    Ce sont là les éléments de toute stratégie de retrait de l'Afghanistan. Il est toutefois très difficile d'imaginer une situation dans laquelle l'Afghanistan ne serait pas d'une certaine mesure subventionnée ou ne dépendrait pas de la communauté internationale, du moins pendant un certain temps.
    Monsieur Smith.
    Je ne propose pas de donner au comité une stratégie de retrait de l'Iraq pour les États-Unis parce que je ne suis pas du tout certain de ce qu'elle serait. L'Afghanistan sera déjà suffisamment difficile, comme vient de le dire M. Rubin.
    J'ai été impressionné depuis environ un an par la façon dont nous avons accru notre aide au développement en Afghanistan de façon générale, mais en particulier dans la région de Kandahar. Je crois que vous savez que lorsque l'on fait cette comparaison neuf pour un, il faut savoir que l'armée coûte très cher à entretenir, à utiliser et à équiper. Le rapport entre le budget militaire et le budget de l'ACDI est probablement de cinq pour un de toute façon. Je ne pense donc pas que la solution soit de transférer des ressources de l'effort militaire vers le développement. Je crois par ailleurs que nous ne devrions pas trop critiquer ce que nous faisons sur le plan du développement. La communauté internationale doit faire davantage. Cela revient à ce que je disais tout à l'heure, à savoir que beaucoup de gens ne considèrent pas que cette guerre est la leur.
    Je conviens toutefois avec vous qu'il est nécessaire de trouver des solutions politiques plus judicieuses -- du moins je ne pense pas qu'on les ait pour le moment -- à la fois vis-à-vis du Pakistan et pour voir s'il serait possible de séparer Al Qaïda des talibans et les plus extrémistes parmi les talibans de ceux qui se contentent de suivre. Il semble qu'il y ait beaucoup à faire du point de vue diplomatique. M. Rubin pourrait vous en dire davantage. Les États-Unis, qui sont les meneurs naturels, sont tellement préoccupés par la guerre en Iraq que l'Afghanistan n'a pas souvent la vedette chez eux. C'est très dommage car nous avons besoin du leadership américain.
(1210)
    Nous allons passer à M. Goldring pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Je vous remercie d'avoir mentionné les contributions du Canada jusqu'ici en les qualifiant de positives et d'efficaces.
    Évidemment, nous avons eu des discussions à Washington et à New York à propos de ce que nous pourrions faire pour la démocratie et de la façon dont c'est interprété parce qu'il peut y avoir des tas d'interprétations. Mais il s'agit dans tous les cas de bonne gouvernance. Vous dîtes dans votre rapport qu'en matière de gouvernance, le point faible là-bas est le système judiciaire. Étant donné qu'il est extrêmement complexe partout en Afghanistan, qu'il s'agisse des régions tribales ou des régions isolées, d'intervenir dans le système judiciaire qui existe et comme nous essayons de contribuer à l'améliorer, y a-t-il d'autres modèles que l'on pourrait incorporer? Devrait-on envisager -- je suppose que je devrais parler de « modèles culturels » ou « modèles tribaux » ou des concepts plus souples? Devrions-nous essayer de contribuer à un système judiciaire plus souple qui serait plus acceptable à long terme pour la population afghane?
    Oui, c'est là une question très importante à mon avis, et j'aimerais y répondre dans une perspective plus vaste encore.
    Pour beaucoup d'entre nous, quand nous parlons de démocratie, de droits de la personne, de respect pour les femmes... ce sont là autant de valeurs qui sont importantes pour nous, que nous reconnaissons et acceptons. Mais ces valeurs sont à des années-lumière de la réalité d'une société tribale. Il suffit de lire certains des best-sellers, comme The Kite Runner [Les cerfs-volants de Kaboul] ou The Bookseller of Kabul pour commencer à se faire une idée de ce qu'est la vie familiale, de ce qu'est cette réalité.
    Il y a toutefois des signes encourageants. J'ai appris récemment, par exemple, qu'il y a de plus en plus de conseils locaux. Dans certains cas, ces conseils comprennent aussi bien des femmes que des hommes. Dans le sud, qui est plus conservateur, il y a des conseils de femmes et des conseils d'hommes. À l'origine, ces conseils ont été créés pour dresser la liste des priorités pour l'aide humanitaire.
    Comment classeriez-vous ce genre de développement, dans quelle catégorie le placeriez-vous, quelle description en donneriez-vous dans le cadre de ce que devrait être notre orientation? Autrement dit, comment présenter la chose? Nous connaissons le droit et les structures de notre société occidentale, mais quels qualificatifs utiliseriez-vous pour décrire ce modèle?
    Je dirais qu'il s'agit d'un modèle sui generis.
    Je dirais que, si nous essayons de le définir en des termes occidentaux et au regard de notre démocratie occidentale, nous finirons par nous empêtrer parce que ce ne sera pas crédible.
    Le fait est que la population élit maintenant -- elle élit peut-être des personnes qui auparavant auraient simplement été choisies comme anciens du village, mais il reste que ces gens sont élus maintenant. Une fois qu'on est élu -- et je n'ai pas besoin de vous expliquer cela à vous, mesdames et messieurs, on a des comptes à rendre. La population exige qu'on lui rende des comptes.
    L'idée d'élire ces conseils était, comme je l'ai dit, d'assurer la livraison de l'aide au développement, mais ce qui est en train de se produire maintenant, d'après ce qu'on me dit, c'est que ces conseils deviennent en quelque sorte des conseils villageois dont la responsabilité ne s'arrête pas à la livraison de l'aide au développement.
    Quels que soient les progrès, cependant, ce n'est pas demain qu'on va passer là-bas à un système judiciaire comparable au nôtre, du moins d'après ce que nous pouvons constater; peut-être aussi que cela ne se fera jamais. Il reste que la justice traditionnelle là-bas ne se limite pas toujours à couper la main du coupable ou à lui imposer un châtiment semblable, ce qui est absolument inacceptable.
    J'estime qu'il faut être prêt à faire fond sur la tradition et éviter d'imposer simplement des modèles venus de l'extérieur.
(1215)
    Merci, monsieur Smith.
    Monsieur Rubin.
    Je ne voudrais pas laisser l'impression que l'Afghanistan n'a jamais eu de magistrature et que nous essayons simplement de lui en imposer une. Les talibans avaient en fait un système judiciaire très efficace. Quand les Afghans ont des éloges à faire à l'endroit des talibans, c'est généralement pour leur système judiciaire qui se compare avantageusement à la situation actuelle.
    Ces éloges s'expliquent par la capacité juridique considérable qui existe dans la société afghane, sauf qu'il s'agit de la capacité d'administrer la charia telle qu'elle est interprétée par le clergé islamique, et non pas de la capacité d'administrer les lois de l'État, qui existent elles aussi. Mais dans l'histoire de l'Afghanistan, il y a eu des gouvernements qui ont créé des systèmes judiciaires assez puissants qui se fondaient sur les lois du pays.
    Ce qui a toujours existé en tandem avec le droit d'application générale, c'est le droit coutumier, qui varie dans les différentes régions du pays et qui est utilisé traditionnellement comme le principal moyen de régler les différends. Dans une certaine mesure, le système judiciaire officiel mis en place par l'État joue généralement le rôle de cour d'appel relativement à l'application du droit coutumier lorsqu'une des parties n'est pas satisfaire du jugement rendu.
    Il y a donc un problème, qui fait l'objet de débats parmi la population afghane, quant à la façon ou à l'opportunité d'incorporer ou de reconnaître le droit coutumier dans le système judiciaire officiel -- non pas pour donner une approbation officielle à des compromis comme de donner sa fille pour régler un différend, mais, plus précisément, pour tenter d'utiliser la force positive que représente le droit coutumier tout en limitant, comme le prévoit la constitution afghane, les abus qu'il engendre.
    Merci, monsieur Rubin.
    Nous allons revenir à M. Casey, mais nous allons d'abord donner la parole à M. Graham.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, de vos témoignages.
    Je crois qu'au début, vous avez sonné une note assez pessimiste quant à la perception qu'ont les Afghans des interventions militaires qui se sont succédé et, de façon plus importante peut-être, des efforts pour reconstruire leur pays et de la capacité de leurs institutions à eux de répondre à leurs besoins.
    Si vous vous déplaciez dans les différentes régions du Canada pour vous entretenir avec la diaspora afghane, qui est nombreuse ici, on vous le confirmerait. Chaque fois que je parle de cela avec un de mes électeurs, et il s'agit assez souvent de chauffeurs de taxi de Toronto -- je ne cherche pas à faire une blague ici... Ces personnes communiquent tous les jours par téléphone avec les membres de leur famille et leurs amis là-bas. Ces dernières années, les Afghans sont devenus de moins en moins enchantés et de moins en moins optimistes quant à ce qui va ressortir de tout cela. Cette perception s'explique en grande partie par l'absence de sécurité et par les lacunes en matière de prestation des services, comme vous l'avez tout deux fait remarquer. La situation actuelle est attribuable au problème de la drogue. Cela ne fait aucun doute.
    J'ai une question pour vous. Il est clair que toute cette question fait l'objet d'un vaste débat parmi les forces militaires aux rencontres de l'OTAN. Quel devrait être le rôle des militaires par rapport à celui des policiers locaux? Vous avez dit que le programme américain d'éradication ne donnera pas les résultats escomptés. Quelles sont les chances que le gouvernement américain renonce à ce programme? Le gouvernement américain impose ce programme par la force à tous les autres membres de l'OTAN, qu'ils le veuillent ou non. Si nous en jugeons par ce qui s'est passé en Colombie, il est peu probable que le gouvernement américain renonce à ce programme. S'il n'y renonce pas, quelle serait la prochaine étape pour nous?
    Il y a aussi un problème connexe dont il n'a peut-être pas été fait mention jusqu'à maintenant. Il s'agit de la corruption endémique en Afghanistan qui est directement liée au problème de la drogue et qui en est une des conséquences, ce qui nuit énormément à la prestation de ces services dont vous avez dit qu'ils sont essentiels si nous voulons convaincre la population afghane du bien-fondé de notre intervention. La plupart des Afghans à qui on parle du problème de la corruption sont très sceptiques quant à la possibilité de le résoudre. Existe-t-il un mécanisme d'aide...? Avons-nous déjà réussi dans une société quelconque à assurer une aide suffisante pour les services publics qui permettrait d'éviter la corruption ou de l'éliminer? C'est là ma principale question.
    J'en ai une autre. Nous n'avons pas beaucoup parlé de la Russie, même si nous avons parlé de presque tous les autres pays avoisinants. Chaque fois que je rencontre Sergei Ivanov ou quelque autre haut dirigeant russe, les deux insistent pour dire que leur service de renseignement appuie entièrement ce que nous sommes en train de faire en Afghanistan. Ils nous sont très utiles. Quand je dis cela, je veux parler de manière générale des puissances occidentales. Faut-il ajouter foi à ces propos, ou la Russie a-t-elle un autre objectif dans la région?
(1220)
    Merci, monsieur Graham.
    Monsieur Rubin.
    Je vous remercie.
    Commençons par la Russie. La Russie appuie l'intervention, mais elle est un allié politique de l'Alliance du Nord. Par conséquent, le soutien qu'elle professe comporte une nuance différente. Elle a en fait protesté contre le fait que certains dirigeants de l'Alliance du Nord aient été écartés. Elle continue à entretenir des relations avec eux, pour le jour où elle pourrait avoir à leur renouveler son aide.
    La Russie a toutefois fait un grand pas dans la bonne direction récemment. Elle a ni plus ni moins accepté de renoncer à toutes ses créances sur l'Afghanistan dans le cadre de l'initiative PPTE, ce qui sera d'une grande utilité.
    Par contre, sur le plan politique...
    Pour ce qui est de l'Alliance du Nord, je suppose que sa position s'explique par le fait qu'elle considère les talibans et les Pachtounes comme une menace islamiste, qui se fait aussi sentir dans diverses régions de la Russie, en Tchétchénie et dans d'autres endroits et qu'elle considère l'Alliance du Nord comme un moyen de contrer cette menace.
    Tout à fait, et c'est justement pour cette raison que la Russie est maintenant un obstacle à la poursuite de certaines initiatives politiques visant à incorporer les talibans et à négocier avec eux, car il y une liste de dirigeants talibans qui sont visés par les sanctions prises en vertu de la résolution 1267 du Conseil de sécurité et que certains de ceux qui figurent sur cette liste travaillent maintenant pour le gouvernement, comme le gouverneur de l'Orouzgan. La Russie refuse toutefois de radier quelque nom que ce soit de la liste des sanctions. Si la personne a son nom sur la liste, il est très difficile de l'inviter à participer, de lui donner de l'aide au développement, etc. Il serait donc utile de discuter de ce problème.
    La liste des sanctions est aussi très utile maintenant comme moyen de contrer les stupéfiants. Aux termes d'une résolution adoptée en décembre, le Conseil de sécurité a adopté la proposition de M. Costa, de l'ONUDC, visant à ajouter à la liste des sanctions les noms des principaux trafiquants de drogues en Afghanistan, car le gouvernement afghan a manifestement beaucoup de mal à les arrêter.
    En ce qui concerne la corruption, il convient de préciser que, dans un sens, le terme est trompeur, car il y a divers types de problèmes qui se posent. Il est absolument impossible d'utiliser l'aide au développement pour éliminer la corruption au sein du gouvernement afghan -- ou, si je puis me permettre, au sein du gouvernement américain. Je ne vais pas m'aventurer à parler du gouvernement canadien. Mais le véritable problème, ce ne sont pas les pots-de-vin ni la corruption. Le véritable problème est la mainmise des groupes armés illégaux et des trafiquants de drogue, essentiellement, sur les institutions gouvernementales. C'est un tout autre problème.
    Le problème avec lequel on est aux prises, c'est essentiellement celui du crime organisé, en un sens. Résoudre le problème de la drogue, soit en mettant la structure en déroute soit en décriminalisant l'activité, est le seul moyen, à mon avis, de s'attaquer au principal problème que pose la corruption en Afghanistan, à savoir la mainmise sur les structures étatiques.
    Merci, monsieur Rubin.
    Vous vouliez répondre aussi, monsieur Smith?
    Oui, très rapidement. Une des choses que fait le Canada pour contrer la corruption, monsieur Graham, c'est d'accorder une aide financière pour la rémunération. Il y a un écart important entre la rémunération que reçoivent les fonctionnaires et celle qu'ils recevraient s'ils étaient à la solde d'un seigneur de guerre ou quelqu'un d'autre. On me dit que l'ACDI accorde des fonds pour relever les traitements, et c'est bien, à mon avis.
    Avez-vous une idée de l'importance de ce poste budgétaire?
    Non. Il y a peut-être quelqu'un ici de l'ACDI qui le saurait, mais peut-être pas.
    Ça va.
    Il pourra se renseigner.
    Il est toujours difficile de suivre la trace des fonds donnés par l'ACDI.
    Monsieur Rubin.
    Je voudrais moi aussi répondre brièvement. Je voudrais faire le lien entre le problème du soutien financier à la rémunération et de la corruption et celui de la stratégie de retrait. Un des problèmes avec lesquels nous sommes aux prises en Afghanistan à l'heure actuelle, c'est que, pour mettre sur pied l'armée afghane, pour recruter des militaires et les garder, il faut leur verser des montants qui dépassent de loin ce que le gouvernement afghan pourra jamais leur donner comme traitement dans un avenir prévisible. Il en va de même pour les policiers et d'autres.
    Il y a un sérieux problème de viabilité -- d'autant plus que les donateurs sont soumis à des cycles budgétaires annuels -- qui empêche le gouvernement afghan de savoir sur combien de ressources il pourra compter.
(1225)
    Merci, monsieur Rubin.
    Monsieur Casey.
    Il a été question de l'Iraq tout à l'heure. Je me demande quelle sera l'incidence du retrait éventuel des troupes américaines. Le Congrès américain vient d'adopter une motion visant à réduire considérablement la présence militaire américaine en Iraq d'ici un an, ce qui n'est pas très loin. Les Britanniques ont, eux aussi, indiqué leur intention de réduire leur présence militaire en Iraq. Quelle sera l'incidence de ce retrait sur l'équilibre des forces en Afghanistan? Les deux pays vont-ils affecter certaines de ces ressources à l'Afghanistan? Il pourrait en résulter des ressources excédentaires des deux côtés. A-t-on une idée de l'incidence que cela pourrait avoir en Afghanistan?
    Malheureusement, si la guerre prenait fin -- et je ne peux pas imaginer de scénario où ce ne serait pas le résultat --, l'autre camp en serait considérablement requinqué.
    Mais j'ai plutôt tendance à penser que les avantages qu'il y aurait au retrait des forces militaires américaines en Iraq l'emporteraient sur le préjudice qui pourrait en résulter pour l'Afghanistan du fait que des ressources seraient ainsi libérées. Par ailleurs, on peut aussi considérer que les États-Unis en particulier -- et il faudrait peut-être un changement de gouvernement pour cela -- pourraient donner le signe qu'ils ont réorienté leur politique et ainsi redonné à l'intervention en Afghanistan une partie de la légitimité qu'elle a perdue en raison de l'intervention en Iraq.
    Je sais toutefois que les services du renseignement et les diplomates iraniens sont très inquiets de la possibilité que certains Arabes d'Al Qaïda qui se trouvent en Iraq viennent en Afghanistan pour essayer d'y fomenter des troubles sectaires. Ils aimeraient bien pouvoir partager ces informations et ces inquiétudes avec les États-Unis et les autres pays d'Occident, mais ils ont pour l'instant du mal à le faire.
    Monsieur Casey, avez-vous d'autres questions?
    Oui.
    Le président Clinton est venu ici en novembre dernier, et il a fait une déclaration intéressante. Il a dit que les États-Unis n'auraient jamais dû aller en Iraq, qu'ils auraient dû se concentrer sur l'Afghanistan. J'imagine divers scénarios où l'Afghanistan deviendrait effectivement le nouveau point de mire des États-Unis.
    Pensez-vous qu'ils accroîtraient considérablement leurs efforts en Afghanistan s'ils devaient se retirer de l'Iraq?
    Au Congrès américain, en tout cas, et même au gouvernement américain, on souhaite accroître les efforts en Afghanistan tout en poursuivant l'intervention en Iraq. Je ne sais pas si le retrait de l'Iraq conduirait à un accroissement encore plus important des efforts en Afghanistan, mais cela rendrait certainement la chose plus facile à faire. Permettez-moi d'ajouter que c'est une erreur que de considérer les deux opérations comme faisant partie de quelque chose qu'on appelle la guerre au terrorisme et de penser que si la guerre au terrorisme perd un de ses points de mire, on en aura un autre. Il s'agit d'un problème politique beaucoup plus vaste. Et il nous faudrait aussi, bien sûr, une politique différente en ce qui concerne également tout le problème du Proche-Orient, mais nous ne sommes pas là pour discuter de cela.
    Nous pourrions peut-être vous inviter à revenir devant nous, monsieur Rubin, pour nous faire part de vos idées à ce sujet. Je crois que nous nous interrogeons tous sur la situation au Proche-Orient et sur l'orientation à prendre.
    Monsieur Smith.
    Non, je n'ai rien à ajouter.
    Très bien.
    Nous passons donc à Mme Lalonde.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Il y a un témoin qui a dit que de toute façon, pour lui, l'Afghanistan était un terrain de guerre continue et qu'on n'avait pas besoin de chercher des sorties, qu'il fallait s'habituer à ce type de guerre.
     J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, parce que c'est parfaitement contraire à la raison pour laquelle les populations acceptent d'aller en Afghanistan. Elles pensent que même si l'Afghanistan n'arrive pas à ne plus dépendre des autres, du moins le conflit pourra prendre fin.

[Traduction]

    Monsieur Smith.
    Il y a eu des périodes de paix en Afghanistan. Dire que le pays a toujours été en guerre, c'est déformer l'histoire. Il y a eu beaucoup de conflits armés ces 25 dernières années, cela ne fait aucun doute, mais si l'on remonte plus loin dans le temps, il y a eu des périodes de paix. Les deux ouvrages dont j'ai parlé parlent tous deux d'enfants qui ont grandi pendant une période de paix et qui ont vu venir les conflits.
    Il me semble, madame Lalonde, qu'il nous faut penser à ce que nous essayons de faire pour aider la population afghane et aux raisons pour lesquelles notre intervention est importante. Comme je l'ai dit, il me semble que nous perdons de vue le fait que, si nous sommes allés là, c'est à cause des attentats du 11 septembre et de la menace d'Al Qaïda. Cette menace est bien réelle, même si nous n'en avons pas vraiment parlé ce matin, car tous les signes montrent qu'Al Qaïda est en train de se reconstruire.
    J'ai aussi quelque chose à ajouter à la réponse de M. Rubin à la question précédente. Je m'inquiète que la défaite des États-Unis -- car c'est ainsi que ce sera perçu en Iraq -- encouragera la population à suivre Al Qaïda. Il en résultera toute une gamme de conséquences, mais ce sera, dans l'ensemble, une occasion de réjouissance pour la communauté mondiale du jihad islamiste extrémiste.
(1230)

[Français]

    On ne dit pas pour autant qu'il faut que les troupes restent en Irak, mais c'est un résultat qu'il n'est plus possible d'éviter.
    Quant aux conflits qui ont eu lieu en Afghanistan au cours des dernières décennies, ils n'ont pas été le résultat du caractère soi disant guerrier des Afghans. Ils résultaient aussi des phénomènes politiques qui peuvent être transitoires ou plus ou moins permanents, et cela dépend de nos actions et de celles des voisins de l'Afghanistan.
    J'ai remarqué qu'il est difficile de stabiliser ce pays, mais ce n'est pas impossible. Les habitants on connu des décennies de paix, par exemple à l'époque de la guerre froide. La condition de la stabilité était un genre de consensus entre les grandes puissances et les voisins de l'Afghanistan au sujet du régime politique de ce pays.

[Traduction]

    Madame Lalonde.

[Français]

    Je sais que c'est une question importante qui demande une longue réponse. Quels seraient les effets géostratégiques d'abandonner l'Afghanistan? Vous avez parlé de l'Irak, mais qu'en est-il de l'Afghanistan?
    Tout d'abord, je crois que ce serait un désastre total pour l'OTAN. Ce serait un échec pour l'OTAN.
    Dans notre rapport, nous avons décrit quelques scénarios de ce qui pourrait se passer. Une guerre civile serait possible ou l'occupation du pays par les Pakistanais, d'un côté, et par l'Alliance du Nord, de l'autre, ce qui donnerait un partage du pays. Il y a plusieurs possibilités.
    Selon moi, les conséquences d'une sortie rapide de l'Afghanistan seraient très difficiles. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que ce n'était pas une option. Il faudrait utiliser une autre stratégie pour sortir du pays, mais pas une sortie rapide et complète.
    D'abord, Al-Qaïda établirait sûrement très rapidement une base accrue en Afghanistan. En outre, je ne sais pas si les talibans pourraient s'emparer du pouvoir à Kaboul, parce que même si les occidentaux abandonnaient l'Afghanistan, l'Iran et la Russie ne l'abandonneraient pas. Il y aurait donc la possibilité d'une autre guerre civile.
    Mais il est certain que les retombées sur le Pakistan seraient très sévères, car les talibans et Al-Qaïda sont maintenant établis dans ce pays. Ils ne le sont pas uniquement dans des agences tribales, ils commencent à étendre leur influence dans les zones administratives et, du même souffle, ils peuvent reprendre le pouvoir. Et parce qu'ils y verraient comme une victoire en Afghanistan, ce serait vraiment difficile à gérer pour l'État pakistanais.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Rubin.
    Monsieur Khan.
    Merci, monsieur le président.
    Les témoins ont déjà répondu à une de mes questions. Je me demandais ce qui devra arriver pour que l'OTAN puisse survivre.
    Pour ce qui est de mon autre question, l'Afghanistan vient de former un grand conseil afghan, et j'ai rencontré les membres du comité des relations étrangères afghan. Le Pakistan, quant à lui, compte deux gouverneurs pour le Baloutchistan et la frontière nord, de même que trois ministres de premier plan.
    J'aimerais vous entendre sur les réussites du processus jirga. Certains soutiennent que la solution en Afghanistan passe par le Pakistan et le règlement du problème des régions très mal administrées par le gouvernement fédéral (FATA) et des régions de colonisation frontalière.
    Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous pensez de ces deux questions.
(1235)
    Merci, monsieur Khan.
    Monsieur Rubin.
    Le processus jirga dont vous parlez avait été proposé à l'origine par le président Karzai, si je ne m'abuse. Et ce qu'il envisageait, c'était que les tribus pashtounes de deux côtés de la ligne Durand -- il refusait de parler de frontière -- se rencontreraient pour essayer d'assurer la sécurité dans la région. Bien entendu, ni les non-Pashtun en Afghanistan ni le gouvernement pakistanais n'ont accepté la proposition, et si bien qu'on essaie maintenant de trouver un autre mécanisme.
    Mais il y a un problème fondamental. Le jirga est utilisé comme institution nationale en Afghanistan, mais pas au Pakistan, de sorte qu'il n'y a pas de symétrie de part et d'autre. Ils ont beaucoup de mal à décider comment ils pourraient s'y prendre, et je ne sais pas s'ils vont réussir.
    En ce qui concerne le deuxième point, vous avez parfaitement raison de dire qu'il ne s'agit pas que d'un problème afghan, c'est un problème régional. La frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan ne se limite pas simplement à tracer une ligne entre les deux pays, car la frontière est quelque chose de plus complexe, comme vous l'avez dit. On parle là-bas de frontière à trois tracés parce que ce sont les Britanniques qui ont tracé la ligne de démarcation, de sorte qu'il y a une ligne qui sépare les territoires administrés du Pakistan et les zones tribales non administrées.
    Soit dit en passant, le gouvernement afghan a certains droits dans ces zones tribales. Il avait l'habitude d'y recruter des soldats, et il entretient des relations avec les tribus. Les tribus envoient des messages au président Karzai pour lui dire ce qu'elles veulent qu'il fasse. Leurs membres vivent du côté pakistanais de la frontière et combattent des deux côtés en Afghanistan.
    L'Afghanistan était autrefois suzeraineté britannique, et la limite extérieure des frontières séparant l'Afghanistan de la Russie et de l'Iran était considérée comme la bordure de sécurité de l'empire britannique. Elle est ni plus ni moins considérée aujourd'hui comme la bordure de sécurité du Pakistan. C'est ce qu'on appelle la doctrine de la profondeur stratégique.
    Il y a donc une multitude d'enjeux liés à la structure du Pakistan, aux relations entre le Pakistan et l'Afghanistan et à la façon dont l'Afghanistan est installée dans la région qui doivent être réexaminées. Le pays est actuellement gouverné en vertu d'une entente coloniale de 1905 entre la Grande-Bretagne et la Russie. Le moment est tout indiqué pour revoir les diverses ententes, puisque la communauté internationale est présente en Afghanistan et qu'elle peut contribuer aux mesures de renforcement de la confiance, notamment en investissant dans le développement de cette zone frontière, ce qui permettrait à la population qui y vit d'avoir accès à un autre gagne-pain que la contrebande et les conflits armés.
    Merci, monsieur Rubin.
    Monsieur Smith.
    Merci, monsieur le président.
    Je n'ai rien à ajouter à ce sujet, mais j'ai maintenant l'information au sujet de l'aide à la rémunération grâce à Ellen Wright, de l'ACDI, et si vous le voulez bien, je pourrais répondre à cette question.
    Pour l'exercice financier 2006-2007, l'ACDI a versé 18 millions de dollars dans le fonds de fiducie pour la reconstruction de l'Afghanistan, et une partie de ces fonds est allée au soutien de la rémunération de 270 000 fonctionnaires travaillant dans une multitude de ministères gouvernementaux.
    C'est là un chiffre global, et je suis sûr que nous pourrions faire en sorte que le comité obtienne des chiffres plus détaillés s'il le souhaite.
    Me reste-t-il encore 30 secondes?
    Oui, allez-y.
    En effet, ils disent que le gouvernement du Pakistan annoncera sans doute quelque chose ce mois-ci ou bien au début du mois prochain au sujet des investissements. Ils envisagent l'établissement d'écoles, d'hôpitaux, ce genre de choses. À votre avis, est-ce que cela est utile?
    Oui, c'est utile.
    De concert avec un collègue du Waziristan, j'ai rédigé un rapport traitant de toute cette question de la frontière, y compris ce volet. Je note que la demande récente de fonds supplémentaires présentée par le gouvernement comprend une demande de 750 millions de dollars sur cinq ans dans le but d'aider le Pakistan à mettre en place des agences tribales.
    Merci.
    Madame McDonough.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Rubin, je crois avoir compris de vos observations précédentes que, d'après vous, les talibans se rallient plus ou moins autour de Mullah Omar. Et pourtant vous avez tous les deux fait savoir qu'il faut trouver des moyens pour engager non seulement des talibans mais aussi les autres insurgés. Je sais que vous avez insisté sur ce point.
    Est-ce que l'un de vous, ou vous deux, pouvez nous signaler des cas où on a connu un certain succès en engageant les talibans ou les autres insurgés, peut-être dans une autre province? Je crois avoir entendu des rapports à ce sujet dans la région de Helmand. Est-ce qu'on peut tirer des leçons des stratégies mises en avant ailleurs, si vraiment les talibans se rallient plus ou moins autour de Mullah Omar? C'est une bonne théorie, me semble-t-il, et nous continuons à la prôner, mais existe-t-il des preuves concrètes d'un succès réalisé soit par d'autres alliés de l'OTAN ou par des initiatives locales?
(1240)
    Il faut comprendre que les gens ne rendent par les armes lorsqu'ils croient qu'ils sont en train de gagner. En effet, dernièrement on n'a pas vu beaucoup de succès retentissants. Par contre, certains personnages bien connus qui faisaient partie des talibans s'assoient plus ou moins autour de la table avec le gouvernement, ou bien ces gens sont maintenant en Afghanistan et non pas avec les talibans.
    Il est vrai que le régime communiste de Najibullah, ou je devrais dire plutôt le régime post-communiste de Najibullah, a d'une certaine manière réussi à stabiliser certaines régions du pays grâce à des ententes, telles que l'entente que vous avez mentionnée, conclue avec des aînés qui permettaient aux combattants de garder leurs armes pourvu qu'ils ne s'attaquent pas au gouvernement, des mesures comme cela, qui servaient au moins de mesures temporaires. Mais il n'a jamais réussi à stabiliser tout le pays parce que le Pakistan a continué à soutenir les moudjahidines.
    D'après eux, tant qu'il y a une partie de l'Afghanistan qui n'est pas sous le contrôle du gouvernement de l'Afghanistan parce que le territoire relève des agences tribales et se trouve au Pakistan, et tant que cette région n'est pas vraiment sous le contrôle du Pakistan, et que ce dernier ne fait pas grand-chose pour fermer le centre de recrutement, ils vont pouvoir continuer de puiser dans cette grande réserve, ce qui nous empêche de créer des conditions propices à ce genre de débat politique, bien que cela soit possible localement, à l'intérieur de l'Afghanistan.
    Monsieur Smith.
    Je n'ai rien à ajouter à cela.
    Madame McDonough, il vous reste encore du temps.
    J'ai une dernière question. Je reviens à la question du soutien de la rémunération, qui pourrait peut-être améliorer les conditions de vie des gens mais qui pourrait servir également de protection contre la corruption, ce qui constitue des avantages certains, mais l'autre côté de la médaille, c'est qu'il s'agit d'une mesure que l'économie afghane ne pourrait jamais soutenir à long terme. Que faire? C'est clairement un problème. Pourriez-vous nous fournir de bons conseils pour régler ce problème?
    Je ne pourrai vous faire que des suggestions assez évidentes, du moins, à mon avis. Comme l'a dit M. Rubin, si nous voulons sérieusement aider les Afghans, faisons-le sérieusement car nous y sommes pour un bon moment.
    Il y a une chose dont on a omis de parler mais que tous les membres du comité savent certainement. L'Afghanistan n'a jamais eu de gouvernement central fort -- au contraire. Kaboul a exercé un certain contrôle à diverses époques, mais l'Afghanistan reste un pays où les régions ont beaucoup de pouvoirs et cela ne changera pas rapidement.
    Nous n'avons pas vraiment parlé de la police nationale afghane, de l'armée nationale afghane, qui est un enjeu distinct, et de l'Agence de sécurité nationale afghane. L'écart de salaire est aussi une question importante. Ce n'est pas à proprement parler de la corruption, mais il n'est pas rare que ceux que l'armée forme se joignent aux talibans à l'issue de leur formation et que ceux qui sont recrutés par la police, et qui viennent d'on ne sait où, retournent travailler pour le seigneur de la guerre dont ils dépendent après avoir reçu leur formation.
    Cela dépend beaucoup des salaires. Il ne s'agit pas vraiment de corruption. Ce sont des gens qui virent à tout vent et qui sont opportunistes. L'aide salariale est donc cruciale, et je ne vois pas d'autre solution que de prévoir une telle aide pour une longue période.
    Merci, monsieur Smith.
    C'est maintenant au tour de M. Goldring, qui sera suivi de M. Wilfert.
    Monsieur Rubin, vous avez dit plus tôt qu'il arrive que des instructions soient envoyées d'une région tribale au gouvernement central. Cela nous porte à croire qu'il y a au moins une forme rudimentaire de communication entre les régions tribales et le gouvernement central.
    Est-ce qu'on tente de tabler sur cette forme existante de communication pour la rendre plus régulière? Si des instructions sont envoyées de temps à autre, ne pourrait-on pas susciter un dialogue plus régulier qui pourrait constituer les fondements de la gouvernance dans cette région?
    Et où l'éducation s'inscrit-elle dans tout cela? Le Canada y a contribué considérablement. Des millions d'enfants de plus fréquentent maintenant régulièrement l'école, et les filles fréquentent l'école aussi. À long terme, pour les générations à venir, l'éducation ne pourrait-elle pas, de façon essentielle, informer et sensibiliser la collectivité aux bienfaits de la gouvernance et aux bienfaits de la communication entre les régions éloignées et le gouvernement central, et cela ne pourrait-il pas mener à une forme de communication plus régulière dans ces régions?
(1245)
    Je parlais en fait des tribus des agences tribales pakistanaises qui envoient des messages au président Karzai.
    Je sais qu'il y a eu un problème à la frontière avec l'agence tribale Mohmand. La tribu Mohmand, au Pakistan, a envoyé un message au président Karzai lui disant qu'il ne pouvait rien faire dans leur région sans les consulter. Ils se considèrent comme des Afghans ou des Pakistanais, selon ce qui leur convient le mieux dans les circonstances.
    Je ne comprends pas toujours comment ça fonctionne. Il y a beaucoup de contacts entre les gens dont on croirait qu'ils ne s'adressent plus la parole, mais qui trouvent une façon quelconque de communiquer.
    J'ajouterais qu'ils s'intéressent beaucoup aux médias. Ils écoutent la radio, surtout le bulletin de nouvelles, pendant des heures chaque jour. Ils sont mieux informés sur les grands enjeux internationaux que bien des Américains, même s'ils sont peut-être illettrés.
    En ce qui concerne l'éducation, je souligne que l'attitude à l'égard de l'éducation a changé radicalement au cours des 20 ou 30 dernières années. Auparavant, le gouvernement tentait de négocier avec les villageois pour leur faire accepter la présence d'une école, alors que maintenant, on ne peut répondre à la demande tellement il y a de garçons et de filles qui veulent fréquenter l'école.
    N'est-ce pas là une situation courante, que ce soit au Pakistan ou en Afghanistan, s'agissant d'encourager l'interaction entre les régions tribales éloignées et les organes officiels des deux pays?
    La réalité est telle que l'objectif à long terme devrait être de jeter des ponts afin de favoriser la communication quotidienne entre le gouvernement central et les régions tribales isolées et indépendantes avec lesquelles il connaît des difficultés.
    Il est à noter que l'on utilise beaucoup le téléphone mobile en Afghanistan. C'est incroyable les endroits où on peut s'en servir, même dans les régions tribales les plus isolées.
    Le problème des agences tribales pakistanaises, qui ne sont pas assujetties à l'administration de l'État, est différent de celui que présentent les régions de l'Afghanistan, où la structure sociale est tribale mais qui relèvent de l'administration de l'État. On déploie de grands efforts à l'heure actuelle pour renforcer l'administration aux niveaux local et provincial en Afghanistan, mais il faudra encore beaucoup de temps avant qu'elle ne soit vraiment fonctionnelle.
    Monsieur Smith.
    En outre, dans les régions qui, comme l'a fait remarquer M. Rubin, ne relèvent pas en droit d'Islamabad, il ne faut pas présumer que... En fait, je crois que, dans ces régions, on est très satisfait de la situation actuelle. On est très content de l'indépendance dont on jouit. On peut s'en servir de deux façons. Dans ces régions, on ne tient pas à devenir un rouage de la machinerie gouvernementale du Pakistan.
    Les opinions divergent à ce sujet. Pour des raisons économiques, certains préfèrent le maintien du système actuel car il y a déjà une méthode d'octroi de permis pour les marchandises dans cette région. Certains profitent aussi de l'économie de guerre. Mais il y en a d'autres, et c'est ce que font valoir certains partis politiques de cette région, qui tiennent à être intégrés, et qui veulent les services du gouvernement, des écoles et tout ce qui pourrait suivre.
(1250)
    Merci.
    Nous passons maintenant à l'opposition. M. Wilfert va poser une courte question puis je céderai la parole à M. Martin. Les témoins pourront alors répondre aux deux questions.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Smith, vous avez dit que nous devrons rester en Afghanistan encore longtemps, mais vous avez aussi dit que le temps ne joue pas en faveur de l'OTAN. Dans votre document, vous citez le premier ambassadeur des États-Unis en Afghanistan. Ma question est la suivante: pouvons-nous gagner?
    Monsieur Martin.
    Merci, monsieur Rubin, et merci, monsieur Smith, des observations très pertinentes que vous avez faites sur ce sujet très complexe.
    Si je répète ce qui a déjà été dit, je m'en excuse, mais j'ai dû m'absenter un moment pour aller prendre la parole à la Chambre.
    Je vois mal comment nous pourrions vaincre des insurgés dont les bases se trouvent à l'extérieur du pays où nous nous battons, en l'occurrence, Quetta, au Pakistan, comme nous le savons tous. Je ne vois pas non plus pourquoi nous n'avons pas investi davantage dans la police nationale afghane. Nos troupes font un travail exceptionnel contre les talibans, mais je crois que c'est à la force constabulaire que revient la tâche d'assurer le maintien de l'ordre et la sécurité pour les habitants des zones touchées.
    Voici mes questions.
    Premièrement, croyez-vous qu'il faut mettre à contribution, au sein d'un groupe de travail régional, le Pakistan, l'Inde, l'Iran et l'Afghanistan, pour relever les défis politiques dans cette région?
    Deuxièmement, en ce qui concerne la culture du pavot et la production d'opium, que pensez-vous de l'idée d'amener ces agriculteurs à produire de l'héroïne qui servirait à la production de narcotiques de qualité pharmaceutique qui pourraient ensuite être vendus, surtout aux pays en développement où il y a un déficit de 80 p. 100, ce qui donnerait au pays une ressource à valeur ajoutée avec laquelle les agriculteurs pourraient obtenir un taux de rendement raisonnable. Cela permettait aussi de briser le lien économique entre ces paysans et les talibans.
    Monsieur Rubin, si vous pouviez nous faire des conclusions de l'administration américaine par suite de son examen de l'Afghanistan, nous vous en saurions gré.
    Merci.
    Nous avons donc d'abord la question de M. Wilfert — pouvons-nous gagner? — puis celle de M. Martin.
    Monsieur Smith.
    Je vais me lancer.
    Pouvons-nous gagner? C'est en fait le titre de notre mémoire, Est-ce que ça marche?, et je dis essentiellement qu'à l'heure actuelle, non, ça ne marche pas. J'ai brossé le tableau le plus noir possible délibérément car j'estime important d'attirer l'attention sur ce fait.
    Je réponds aux deux questions à la fois parce que l'échéancier dont a parlé M. Wilfert met l'accent non seulement sur la présence militaire, mais aussi sur le niveau d'activité militaire en cours actuellement. Tout le monde à qui j'ai parlé m'a dit que, inévitablement, avec le temps, le niveau de tolérance baisse et c'est pour cela que nous sommes maintenant à une période cruciale. Même si on vivait en sécurité dans tout le pays, il y aurait encore une présence militaire externe même si nous n'avions plus à faire la guerre comme nous le faisons en ce moment. Comme je l'ai dit à Mme Lalonde, l'aide au développement, elle, se poursuivra encore très, très longtemps.
    En ce qui concerne la création d'un groupe de travail régional, je présume que cela ne ferait pas de tort et que cela pourrait même être bon, mais je crois que, en dernière analyse, ce qui fera toute la différence, ce sera la pression qui viendra de l'extérieur. Ce sont surtout les États-Unis, quand ils se concentreront sur ces questions, qui pourront faire toute la différence.
    Monsieur Martin, en votre absence, nous avons touché quelques mots du pavot et je suis d'avis, comme vous le savez pour avoir lu mon rapport, que l'éradication ne fonctionne pas. D'après votre question, j'en conclus que vous êtes d'accord avec moi. Que ce soit en créant un organisme de mise en marché qui se chargerait de l'achat et de la vente du pavot pour la fabrication de drogues légales ou que ce soit grâce à d'autres mesures, il faut encourager les agriculteurs à cesser de cultiver ou de vendre le pavot. Il ne faut toutefois pas que l'incitatif soit tel qu'il encourage ceux qui ne cultivent pas le pavot en ce moment à le faire.
    Je crois savoir que seulement 4 p. 100 des terres agricoles en Afghanistan servent à la culture du pavot. Il faut faire en sorte de ne pas prévoir des mesures d'encouragement trop généreuses, sinon, vous risqueriez de vous tirer dans le pied.
    La seule chose que je dirai pour ce qui est de savoir s'il est possible de gagner, c'est que si nous définissons nos objectifs de façon raisonnable, alors il est possible de réussir. Il n'est pas possible, en peu de temps, particulièrement avec peu de ressources, de transformer l'Afghanistan en une démocratie moderne, prospère, stable et pacifique où le niveau de représentation des femmes en politique est supérieur à celui des États-Unis.
    Je pense qu'il est très important de souligner qu'il ne sera pas possible de battre les forces insurgées sans avoir des bases à l'extérieur du pays. C'est l'une des conclusions à la suite de l'examen de la politique qui a été effectué par le gouvernement américain, je crois. Je n'ai pas vu l'examen de la politique, naturellement, mais j'en ai vu les résultats, qui consistent à accorder davantage d'attention au problème des talibans au Pakistan, à doubler le montant d'aide américaine qui a été demandé et en particulier, de mettre l'accent sur le renforcement des forces policières, comme vous l'avez suggéré. C'est tardif, et j'en explique les raisons, mais cela est tout à fait nécessaire, comme vous le mentionnez.
    Naturellement, je voudrais souligner encore une fois que sans un système judiciaire qui fonctionne, on ne sait pas exactement ce que la police est censée faire sauf battre les gens, et c'est essentiellement ce que les policiers font.
    En ce qui concerne la question de l'opium, je veux mentionner qu'il s'agit là d'un grave problème. Il existe un régime légal international sur les stupéfiants, et l'opium est une drogue illicite. Il y a des règles très strictes aux termes de ce régime, qui est administré par l'Organe international de contrôle des stupéfiants à Vienne, pour déterminer qui peut avoir un permis pour produire de l'opium licite. L'une des conditions consiste à avoir un système de police suffisant pour garantir qu'il n'y aura pas de fuite. Car vous pouvez facilement vous imaginer que si on leur dit en Afghanistan qu'il est maintenant légal de cultiver l'opium, tout le monde va commencer à en cultiver. Par ailleurs, il sera très difficile d'attribuer les permis pour produire de l'opium dans un pays où les gens ne sont pas inscrits auprès de l'État et où il n'y a pas d'arpentage. On n'a donc pas en Afghanistan le degré de contrôle nécessaire pour administrer un tel programme dans le cadre du régime international actuel.
    Or, cela crée un cercle vicieux, car avec les stupéfiants et la corruption que cela entraîne, il n'est pas possible de créer une sécurité adéquate et étant donné le manque de sécurité, on ne peut pas partiellement légaliser la culture de l'opium. Je serais certainement en faveur d'examiner s'il serait possible d'adopter une approche différente, particulièrement dans les régions où il n'y a plus de conflit, afin de contrer les stupéfiants, mais cela exigerait en fait peut-être d'apporter certains changements au régime international. Je participe à un projet qui examine justement cette question.
(1255)
    Merci, monsieur Rubin.
    Monsieur Eyking.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être venus ici aujourd'hui.
    Ma question concerne la reconstruction. Comme nous le savons, on a souvent mentionné l'idée selon laquelle nous devrions avoir un Plan Marshall. Le Plan Marshall a eu beaucoup de succès en Europe, mais en Europe les combats ont cessé avant que commence la reconstruction. En Afghanistan, je suppose que nous tentons de faire les deux. Nous sommes en guerre et nous tentons également de reconstruire, ce qui comporte des défis.
    Dans l'une de vos conclusions finales, vous avez cité un représentant de la RAND Corporation. Il a été cité il n'y a pas très longtemps au sujet de l'absence de reconstruction dans les régions rurales. Certaines régions connaissent un certain succès, mais les régions rurales sont vraiment négligées. Il dit qu'on ne fait pas beaucoup d'efforts pour se rendre dans ces régions rurales et qu'à moins que nous y allions pour faire un peu de reconstruction, ces gens ne verront pas le résultat de ce que nous tentons de faire pour eux afin d'améliorer leur vie plus tard.
    Avec les pays qui sont sur place à l'heure actuelle, y a-t-il suffisamment de fonds disponibles et existe-t-il un plan adéquat pour assurer le succès de cette reconstruction, non seulement dans certaines régions, mais partout au pays?
    Merci, monsieur Eyking.
    Monsieur Rubin.
    Tout d'abord, je ne suis pas certain si vous voulez parler de Jim Dobbins et de ce qu'il a dit. Il y a en Afghanistan un programme pour les régions rurales qui a beaucoup de succès, il s'agit du programme de solidarité nationale qui offre des subventions globales aux villages pour des projets qui sont déterminés et administrés par les villages eux-mêmes avec l'aide des organisations internationales afin d'assurer l'accessibilité des fonds.
    Ce programme est financé en grande partie par la Banque mondiale et certains autres donateurs. Je ne sais pas si le Canada contribue financièrement ou non à ce programme.
    Une voix: Oui.
    M. Barnett Rubin: Oui. Le Canada également y contribue financièrement.
    Je crois qu'aux dernières nouvelles, la moitié de tous les villages du pays s'étaient prévalus du programme.
    Ce que les gens disent souvent, ce n'est pas tout d'abord que ce programme a des avantages sur le plan économique, mais que pour la première fois, ils ont l'impression qu'ils sont vraiment des citoyens d'un pays car ils reçoivent certains avantages du gouvernement. Cela est extrêmement important.
    Cependant, ces projets sont au niveau des villages. J'ai constaté que ce qui manquait réellement dans le secteur agricole, ce sont les changements institutionnels et d'infrastructure qui sont nécessaires en plus des projets au niveau des villages — par exemple, des aménagements hydrauliques à grande échelle et à moyenne échelle, qui sont tout à fait essentiels, et des mesures qui amélioreraient la commercialisation, notamment des routes, davantage d'information et ce genre de choses. Tout cela est en fait extrêmement important pour lutter contre les stupéfiants aussi, car les gens ont besoin de commercialiser les cultures de rechange et de créer de l'emploi et d'autres types d'activités.
(1300)
    Me reste-t-il encore du temps?
    Il ne vous reste plus de temps.
    Puis-je ajouter quelque chose?
    Allez-y.
    Notre engagement à l'égard du programme de solidarité nationale est très profond, à la fois à Kandahar où nous nous sentons particulièrement responsables évidemment, et dans le reste du pays, où il n'a pas encore été mis en place mais il le sera de sorte qu'il s'étendra à toute la province.
    Par conséquent, l'élection de ces conseils de développement des collectivités a été phénoménale. On me dit qu'il y en a maintenant jusqu'à 16 000 à l'échelle du pays et le nombre de projets qui sont financés augmente considérablement. Donc, je pense que l'on comprend bien le problème tout à fait réel que vous soulignez. Je pense qu'on est en train de le régler à l'heure actuelle.
    Merci, monsieur Smith.
    Je pense que c'est à peu près tout le temps que nous avons ici aujourd'hui. Nous voulons certainement vous remercier tous les deux de votre comparution devant notre comité. Merci beaucoup.
    Nous faisons une étude assez complète sur l'Afghanistan. Je pense que tous les partis ont l'intention de déterminer de quelle façon les Canadiens peuvent améliorer notre rôle ou les ressources qui sont acheminées vers certaines parties de cette mission. Je pense que nous comprenons tous l'importance du développement démocratique et de la promotion de la démocratie dans des pays comme l'Afghanistan, notamment les valeurs, les principes, les droits de la personne qui sont pour nous importants.
    Nous vous remercions de votre participation. Comme je l'ai déjà mentionné, nous avons aimé votre témoignage par le passé à New York. Nous espérons que nous vous entendrons à nouveau et nous sommes impatients de lire les nombreux rapports que vous avez tous les deux aidé à rédiger.
    Encore une fois, merci d'être venus.
    Nous allons suspendre pour quelques minutes et donner la chance à chacun d'aller se chercher quelque chose à manger, ensuite nous passerons rapidement aux travaux futurs du comité.
    Je demanderais donc aux membres du comité de rester et nous examinerons les travaux futurs du comité. Nous avons un certain nombre de questions à examiner dans le cadre des travaux futurs à la suite de la séance du sous-comité de ce matin.
    Merci. Nous allons suspendre pour deux minutes.

(1305)
    Nous reprenons nos travaux. Si j'ai bien compris, cette séance n'est plus télévisée, et c'est toujours bien. J'ai du mal à manger lorsque je sais que la séance est télévisée.
    Nous allons revenir rapidement et aborder les travaux futurs du comité. Il y a quelques points à l'ordre du jour.
    Vous n'avez pas un exemplaire de ce budget. Ce matin, à la séance du sous-comité sur les droits de la personne, on a demandé de distribuer ce budget. D'après la greffière, ce budget est tout à fait approprié pour faire une étude. On demande un montant de 9 900 $ pour l'étude sur les droits de la personne en Iran. Le comité l'a adopté à l'unanimité.
    Nous faisons une étude sur la Chine, et maintenant une petite étude sur l'Iran. M. Cotler et plusieurs membres du comité ont présenté une motion et nous ferons donc une étude sur l'Iran.
    Avons-nous un consensus pour adopter ce budget? Oui? Il est adopté.
    Ce matin, il y avait trois rapports et encore une fois cela ne figure pas à l'ordre du jour qu'on vous a remis, car nous venons tout juste de recevoir cela du comité des droits de la personne qui s'est réuni de 9 heures à 11 heures. Le premier rapport a été déposé, alors nous pouvons en parler. Je ne dis certainement pas que nous allons l'adopter aujourd'hui mais, pour votre gouverne, on demande que le gouvernement du Canada entreprenne une enquête criminelle sur la participation du procureur iranien, le général Sayeed Martazevi, dans la torture et le meurtre de la citoyenne canadienne Zarah Kazemi, conformément à l'article... et cela continue.
    Par ailleurs, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international a reçu ce qui suit:
Le Sous-comité des droits internationaux de la personne exprime sa profonde réprobation devant le non-respect par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de la motion de Caroline St-Hilaire,
     — c'en est une importante —
demandant une copie du rapport du professeur Charles Burton, motion adoptée par le sous-comité le 7 novembre 2006.

Pour ce motif, le sous-comité exige que lui soit communiquée sans condition avant le 26 mars 2007 la version intégrale et originale du rapport...
    Cela vient de Mme St-Hilaire, et nous aborderons tout cela à la prochaine séance.
(1310)

[Français]

    Monsieur le président, cela a été adopté à l'unanimité, n'est-ce pas?
    Une voix: Mais on n'adopte rien aujourd'hui.

[Traduction]

    Non, nous n'allons pas adopté tout cela aujourd'hui. C'est tout simplement pour que vous sachiez quels sont les trois rapports qui nous ont été présentés aujourd'hui.
    Je viens tout juste de dire que cela a été adopté à l'unanimité.
    Oui.
    Le troisième rapport se lit comme suit:
Que le Sous-comité des droits internationaux de la personne presse le ministre des Affaires étrangères de prendre tous les moyens possibles afin d'exhorter vivement le premier ministre et le Parlement du Japon à: a) adopter une résolution à la Diète en vue de présenter des excuses officielles aux femmes qui ont été forcées à l'esclavage sexuel militaire durant la Seconde Guerre mondiale, lesquelles ont été qualifiées par euphémisme de « femmes de réconfort » par l'Armée impériale japonaise; b) accorder une indemnisation juste et honorable à ces victimes.
    Ces trois rapports ont été déposés auprès de notre greffière.
    Madame McDonough, voulez-vous toujours présenter votre motion et la réserver pour la semaine prochaine? Cela vous donnerait du temps pour en parler aujourd'hui également.
    Tout d'abord, je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que nous avons eu des témoins extraordinaires et que cela nous a donné l'occasion de profiter pleinement du temps que nous avions pour avoir des échanges respectueux, et je pense que cela était une bonne décision. Je suis donc heureuse de dire qu'il n'y ait pas de magie dans la motion d'aujourd'hui. Nous allons donc la reporter à la prochaine séance.
    Ce que je veux dire, c'est qu'il s'agit là de quelque chose que le comité devrait célébrer. Je ne sais pas qui d'autre a eu la chance de l'examiner, mais j'ai moi-même pris connaissance du rapport. Est-ce quelqu'un est au courant de la motion que j'avais présentée? Elle se fonde sur le rapport qui a été présenté à la suite de l'étude qu'a entreprise le Sous-comité des droits internationaux de la personne sur la responsabilité sociale des entreprises et l'activité du secteur extractif canadien dans les pays en développement. Je pense que c'est un excellent rapport et que c'est un excellent exemple de collaboration entre la société civile et l'industrie avec le gouvernement pour faciliter le processus.
    Si je présente cette motion, c'est que je veux dire que nous devrions vraiment nous assurer que cela se fera de façon opportune, car l'une des choses dont on a parlé à la conférence de presse ce matin, c'est que très souvent ce genre de choses prend énormément de temps et traîne en longueur. On a facilité les tables rondes qui ont fait énormément de travail au pays en si peu de temps, ce qui est surprenant. C'est pratiquement du jamais vu que l'on ait un degré aussi élevé de consensus et des recommandations aussi précises provenant de l'industrie et de la société civile avec ce niveau élevé de participation du gouvernement. Je pense que huit ministères et organismes gouvernementaux différents ont participé à ce processus.
    Je suis donc tout à fait disposée à attendre la prochaine séance pour que nous parlions de la motion comme telle, mais je vous recommande vraiment de lire ce rapport du comité consultatif qui a tenu une conférence de presse pour le publier aujourd'hui. Nous pourrions en parler après l'ajournement.
    Merci.
    Dois-je proposer la motion, ou non? Très bien. Nous n'allons donc pas lancer le débat.
(1315)
    J'hésite à dire que nous devrions entreprendre le débat maintenant, étant donné que nous avons pris trop de temps. Je veux donner à tout le monde la chance d'intervenir. Comme vous le dites, cela est très important.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Monsieur le président, je pense qu'il faudra revenir sur cette très importante étude, mais auparavant, nous avons intérêt à lire et à nous documenter.
    Oui.
    Je voudrais vous rappeler que nous avons adopté une motion présentée par Alexa relativement au FMI et à la Banque mondiale, mais nous n'avons pas établi de temps pour en discuter.

[Traduction]

    Je vais demander à notre greffière de l'expliquer.

[Français]

    C'est pour discuter du rapport.

[Traduction]

    Le rapport est censé être déposé à la Chambre sans doute demain. Dès qu'il le sera... J'ai déjà pris des mesures préliminaires pour communiquer avec les témoins qui étaient mentionnés dans la motion. Je tente donc d'organiser quelque chose, si possible, la première semaine de notre retour.
    Monsieur Patry.
    Je voudrais parler de la motion de Mme McDonough. Je ne vois pas de problème, mais je ne comprends tout simplement pas.
    Vous demandez que l'on parle du plan du gouvernement. Nous avons préparé le rapport et nous avons déjà eu une réponse du gouvernement. Dans cette réponse, le gouvernement demandait d'organiser des tables rondes partout au pays. C'était une réponse. Maintenant, il y a une réponse des ONG, des sociétés civiles, des sociétés minières, etc. Si c'est de ce rapport dont vous voulez parler maintenant — le rapport qui a été préparé par les Affaires étrangères... Si vous voulez inviter la coopération internationale... Un organisme était chargé de la réponse et je pense que nous devrions d'abord inviter cet organisme à venir parler du rapport — qui n'avait pas été déposé, mais qui a été publié aujourd'hui — concernant les entreprises minières qui travaillent avec les autres. Il y a cependant une réponse du gouvernement à notre rapport.
    Monsieur le président, j'étais d'accord, et d'ailleurs le comité l'avait demandé, qu'on n'entame pas le débat maintenant. Mais si vous voulez savoir pourquoi je présente cette motion, c'est parce qu'il existe maintenant un rapport qui fait des recommandations très précises qui résultaient des tables rondes, et je signale que les recommandations originales du comité international sur les droits de la personne étaient unanimes, si je ne me trompe pas. On pourrait dire la même chose de notre comité quant à notre contribution pour faire avancer ce processus fort utile.
    Nous voulons nous assurer que les recommandations publiées aujourd'hui sont mises en vigueur de façon convenable. Nous avons bonne raison de croire qu'il y aura une belle occasion pour le Canada de montrer la voie, de nous distinguer. Des séances très importantes sont prévues au mois de juin.
    Donc, il s'agit de passer à la prochaine étape, d'entendre la réponse du gouvernement quant à ces recommandations.
    J'ai pensé que nous n'allions pas discuter...
    Non, nous n'allons pas le faire maintenant.
    Mais maintenant vous avez décidé que la motion est recevable pour permettre à Bernard d'en discuter, alors...
    Non, non, je pensais que c'était uniquement à titre de clarification.
    D'accord, nous le ferons la prochaine fois, Bernard.
    Nous allons discuter de cette question la prochaine fois. Je crois que M. Patry est en train de nous dire que le gouvernement a déjà donné sa réponse. La réponse du gouvernement, c'était d'établir et d'encourager la discussion en tables rondes, mais maintenant nous avons un rapport qui en résulte, et elle demande une réponse ou un geste de la part du gouvernement.
    Nous n'allons pas en discuter maintenant. Nous pourrions le faire la prochaine fois.
    Y a-t-il d'autres questions?
    Oui, nous avons une demande pour tenir deux séances avec des délégations de l'Allemagne.
    Peut-être que vous devriez nous en parler. Je ne comprends pas tout à fait pourquoi elles sont ici et qu'est-ce qu'elles veulent au juste.
    Elles seront ici le 18 avril. Je vous ai envoyé un courriel très tard hier soir. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de le lire. L'un est un parlementaire qui aimerait discuter de la situation en Afghanistan avec notre comité et l'autre, c'est le secrétaire d'État aux Affaires étrangères. Ils ont proposé une séance le matin ou un déjeuner, mais ils ne cherchent pas une séance commune avec les deux groupes, parce que leurs centres d'intérêt sont différents. Je propose donc que le parlementaire témoigne devant le comité pour discuter de l'Afghanistan et qu'on déjeune par la suite avec le secrétaire d'État.
(1320)
    Qui sont ces types?
    M. Walter Kolbow est le vice-président du Parti social-démocrate du Bundestag allemand et il sera accompagné de quelques autres personnes dont un administrateur de la Fondation Friedrich-Ebert de Washington, et ils veulent discuter de la situation en Afghanistan.
    Mais sont-ils ici de façon officielle?
    Oui, c'est une délégation.
    Il s'agit d'une visite officielle.
    Il s'agit d'une visite officielle.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Est-il possible d'obtenir les coordonnées que vous avez?
    Oui.
    J'ai reçu cette nouvelle hier après-midi. J'ai demandé qu'on vérifie les curriculum vitae qu'ils m'ont envoyés et dès que je les aurai reçus, je les enverrai à tous les membres du comité.
    Avant de fixer une réunion, il faudrait s'assurer que ce sont des parlementaires qui viennent au nom d'un groupe, d'un comité. Autrement, on les rencontrera de façon informelle.

[Traduction]

    Nous comprenons tous que bien des parlementaires peuvent visiter d'autres pays en demandant des séances, mais nous devons faire preuve de prudence avant d'organiser ce genre de réunion. J'aimerais obtenir ces renseignements. On pourrait même nous envoyer ces renseignements pendant la semaine de relâche, pour qu'on ait une petite idée de qui ils sont.
    La séance est levée.