:
Je déclare ouverte la 29e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous poursuivons cet après-midi notre étude du .
Nous avons déjà entendu M. McKay, parrain de ce projet de loi d’initiative parlementaire. Je crois que c’est ce que nous avons fait en dernier à ce sujet. Plusieurs des membres du comité ont proposé de convoquer des témoins. Nous allons donc entendre des représentants de l’ACDI, du ministère des Affaires étrangères, du ministère des Finances et de nombreux autres centres canadiens de recherche et d’étude des politiques, qui souhaitaient contribuer à notre examen du projet de loi.
Nous avons aujourd’hui, de l’Agence canadienne de développement international, Christiane Verdon, avocate générale principale à la Direction des services juridiques, et Stephen Wallace, vice-président à la Direction générale des politiques.
Nous vous souhaitons la bienvenue et avons hâte d’entendre ce que vous avez à nous dire. Nous passerons ensuite à notre premier tour de table.
Au cours de la seconde heure de notre réunion, nous discuterons du projet de rapport et des recommandations concernant l’étude du comité sur Haïti. Durant la première heure, nous écouterons ce que les témoins auront à nous dire sur ce projet de loi d’une extrême importance.
Vous avez la parole. Je vous remercie.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Merci, monsieur Sorenson.
Nous sommes très honorés d’être ici.
[Français]
C'est un privilège pour nous de comparaître devant ce comité.
[Traduction]
Nous sommes très heureux de continuer à appuyer le travail du comité. Nous avons suivi de très près l’avancement du et en avons étudié les répercussions possibles. Nous avons également entrepris une analyse générale des mandats législatifs dans les pays membres de l’OCDE. Nous serions heureux de discuter des résultats de cette analyse internationale, si vous le souhaitez.
Voici ce qu’a dit récemment l’Organisation pour la coopération et le développement économiques:
Une base législative solidement élaborée présente l’avantage de la transparence et de la clarification des responsabilités entre les différentes instances gouvernementales susceptibles d’intervenir, et elle permet de faire des objectifs de développement le principal axe de l’aide au développement dans l’ensemble du système. En revanche, les pays dont la base législative est moins formalisée ont une plus grande marge de manœuvre pour agir, ce qui peut être un avantage lorsqu’il s’agit de s’assurer la coopération des organismes de développement et d’autres instances gouvernementales dont les politiques et actions ont une incidence sur les perspectives de développement des pays en développement.
Ce texte est tiré d’une publication de l’OCDE qui a paru au début de l’année. Il n’y a pas de doute que les mesures législatives occupent une place très importante dans plusieurs des pays de l’Organisation, même si ces mesures sont particulièrement adaptées aux circonstances juridiques et politiques de chacun. Il est donc difficile de faire des comparaisons portant sur l’ensemble du système international, les lois adoptées étant étroitement liées aux conditions locales.
L’un des principaux objectifs des lois portant sur l’aide au développement est d’établir un fondement juridique efficace pour le programme d’aide, pour que celui-ci puisse résister à l’épreuve du temps et demeurer pertinent dans un monde en évolution rapide.
Bien sûr, le défi est encore plus grand, dans une optique juridique, si l’on considère la gamme des ministères fédéraux du Canada qui contribuent à la mise en œuvre du programme d’aide, dont les ministères des Finances et des Affaires étrangères et d’autres ministères axiaux, et qui seront donc touchés par ce projet de loi.
D’un point de vue opérationnel, le vise à obtenir un résultat – je crois que les membres du comité ont travaillé en vue d'y parvenir – qui soit clair et simple, facile à comprendre, facile à appliquer et doté d’exigences de rapports aussi pertinentes qu’efficaces.
Au sujet du critère « facile à comprendre », ma collègue aimerait soulever un certain nombre de points qui, nous l’espérons, seront utiles au comité dans son examen détaillé du projet de loi.
Il importe de signaler au départ que les objectifs sous-jacents du – c’est-à-dire la clarification de l’objet, le renforcement de la responsabilité et l’établissement de nouvelles normes de transparence – concordent avec les directives que nous avons reçues du gouvernement. Ce sont des éléments de base d’une aide améliorée, des objectifs qui sont au cœur du programme de renforcement de l’efficacité de l’aide que la ministre de la Coopération internationale a eu l’occasion de discuter avec vous, il y a moins de trois semaines.
[Français]
Depuis six mois, l'ACDI travaille à la mise en oeuvre d'un programme en quatre volets pour rendre l'aide plus efficace. Qu'il s'agisse d'une concentration plus stratégique de la coopération canadienne, d'une amélioration systématique de la prestation des programmes, d'une utilisation plus efficace et efficiente de nos ressources ou d'une responsabilisation claire à l'égard des résultats, ces thèmes se retrouvent aussi dans plusieurs dispositions du projet de loi à l'étude.
[Traduction]
Pour ce qui est du critère « facile à appliquer » auquel doit répondre le projet de loi, je voudrais signaler un certain nombre de questions à considérer, en tenant compte des amendements que le parrain du projet de loi a déposés au comité.
La première porte sur le système des pétitions. Les mesures tendant à mieux adapter le programme d’aide aux besoins des bénéficiaires sont évidemment importantes, mais nous nous posons des questions au sujet de la valeur ajoutée du système, des exigences de gestion et de leurs effets sur le programme d’aide.
La deuxième question porte sur la façon dont nous pourrions appliquer l’exigence, à notre avis obligatoire, de consulter les agences internationales et les organisations de la société civile canadienne sur toute décision d’octroi de l’aide. Cette obligation s’appliquerait à des milliers de décisions prises chaque année, un peu partout dans le monde, et pour lesquelles il faudrait prévoir des arrangements précis de consultation, à des endroits où les organisations de la société civile canadienne pourraient ne même pas être présentes.
Nous procédons à des consultations d’une manière très active et sur une base permanente. Ces consultations sont essentielles pour faire un travail efficace, qu’elles portent sur les relations avec les partenaires, les stratégies de pays ou les questions sectorielles et opérationnelles, par exemple. Nous nous inquiétons cependant des incidences administratives de consultations qui, d’après le projet de loi, devraient se faire d’une façon tout à fait systématique.
Nous estimons qu’il y a aussi un problème connexe: comment interpréter en droit le critère – qui revêt autrement une importance critique – de prise en compte des points de vue des pauvres? L’ACDI et ses plus de 700 partenaires canadiens le font actuellement aussi bien dans le cadre de différents processus formels, comme les comités directeurs de projet, les exercices de stratégie de pays, les consultations sur divers thèmes et secteurs, que dans le cadre de nombreuses rencontres informelles, au cours de visites sur place, de discussions et de recherches de base. C’est ce que nous faisons actuellement pour tenir compte des points de vue des pauvres. En droit, il serait difficile de définir des critères de rendement dans ce domaine particulier. Nous y voyons donc un problème.
Par ailleurs, nous avons beaucoup d’expérience dans le domaine des comités consultatifs. Nous croyons qu’ils augmentent la valeur ajoutée et la transparence du programme canadien de coopération internationale. Nous nous demandons cependant s’il est vraiment préférable de charger un seul comité consultatif de conseiller les ministres, au lieu d’avoir de multiples comités particuliers pouvant donner des avis spécialisés sur des sujets donnés. Ainsi, nous formons d’ici trois semaines un comité d’experts, sous l’autorité de la ministre, pour examiner les questions liées aux programmes canadiens de partenariat avec la société civile. La composition de ce comité est spécialement conçue en fonction de son mandat particulier.
Il est possible d’en faire plus pour renforcer les exigences de rapport à des fins de responsabilité et de résultats. Le projet de loi C-293 contient plusieurs dispositions à cet égard. L’obligation de présenter des rapports sur toute activité ou initiative prise en vertu du projet de loi est très vaste et, à notre avis, sans précédent. Le projet de loi impose également à différents ministres de présenter des rapports. Nous croyons que le comité voudra, à cet égard, s’assurer que les dispositions correspondantes ne créent pas une certaine confusion au sujet des responsabilités respectives de certains ministres envers le Parlement.
Monsieur le président et membres du comité, c’étaient là quelques questions opérationnelles que nous avons relevées en examinant les détails du projet de loi C-293. Nous serions très heureux de discuter avec vous de ces questions et d’autres. Nous espérons que notre point de vue sera utile au comité.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Mes observations porteront sur le projet de loi tel que déposé à la Chambre et aussi sur les modifications qui ont été proposées par le parrain du projet de loi.
Le projet de loi soulève quelques questions. J'aimerais en mentionner quelques-unes. Premièrement, le projet de loi ne semble pas tenir compte du cadre législatif en place. Deuxièmement, la façon dont il est rédigé rend son interprétation imprévisible, et cela peut augmenter les risques de litige. Troisièmement, le projet de loi superpose des critères applicables à l'aide au développement qui rendent un peu complexe l'application du projet de loi. Enfin, la redondance entre certains passages du projet de loi et d'autres textes de loi rend plus diffuse la responsabilité en matière d'aide au développement.
Permettez-moi de donner quelques exemples. Tout d'abord, prenons le cadre législatif en place. L'aide au développement au sein du gouvernement fédéral fait l'objet de différentes lois qui précisent le mandat des ministres qui administrent des programmes d'aide au développement. C'est un cadre législatif précis et complexe. À titre d'exemple, mentionnons la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, la Loi d'aide au développement international (institutions financières) et la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes.
Il me fera plaisir d'en parler davantage, si vous le souhaitez, mais les représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et du ministère des Finances pourront, eux aussi, expliquer les difficultés qu'ils perçoivent quant à l'impact du projet de loi sur les lois qui s'appliquent à leur ministère.
[Traduction]
Une deuxième catégorie de questions touche les aspects de l’interprétation et de la rédaction. Le projet de loi soulève des questions d’interprétation à cause d’incohérences et de l’utilisation de mots ou d’expressions qui n’ont pas toujours un sens précis. Je vais vous donner quelques exemples d’incohérences.
Deux expressions différentes, « activités canadiennes d’aide au développement menées à l’étranger » et « activités canadiennes de développement à l’étranger » sont utilisées dans la même disposition, l’article 2. Il est difficile de dire si elles ont le même sens. Par ailleurs, l’expression « activités canadiennes de développement » couvre-t-elle le genre d’aide mentionné à l’article 5, c’est-à-dire l’aide humanitaire, aussi bien que l’expression définie « aide au développement »? Si c’est le cas, l’aide humanitaire devrait être fournie conformément aux principes du développement durable. De plus, l’obligation d’exercer les activités canadiennes d’aide au développement à l’étranger conformément aux principes du développement durable n’est pas soumise au même critère de discrétion ministérielle que l’obligation de contribuer à la réduction de la pauvreté.
Également à l’article 2, l’expression « normes internationales en matière de droits de la personne » ne concorde pas avec le libellé de l’alinéa 4(1)(c), où est employée l’expression « obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. » On peut se demander pourquoi deux expressions différentes ont été utilisées.
Enfin, l’expression « ministre compétent » s’applique aux ministres désignés pour fournir l’aide au développement, mais non l’aide humanitaire. Pourtant, cette même expression est utilisée à l’article 5, qui semble lié à l’aide humanitaire.
On peut trouver des exemples d’expressions qui n’ont pas un sens précis dans la disposition de déclaration de l’objet du projet de loi, l’article 2. En effet, des concepts tels que « valeurs canadiennes » et « normes internationales en matière de droits de la personne » ne sont pas faciles à définir. Une définition de la seconde expression est proposée dans les amendements déposés, mais elle s’écarte des obligations internationales actuelles du Canada.
La définition modifiée d’« aide au développement » est imprécise. Par exemple, les transferts de fonds semblent être uniquement destinés à des pays en développement et à des institutions multilatérales. Prise littéralement, cette définition semble exclure les fonds transférés à des ONG au profit des pays en développement. Il faut noter, en outre, que l’utilisation de termes vagues peut ouvrir la porte à un risque accru de contestations judiciaires.
Il y a deux autres points que je voudrais aborder au sujet de la rédaction.
Les dispositions de déclaration de l’objet servent ordinairement à énoncer les principes d’une loi et ne sont pas censées créer des obligations. Celles-ci devraient plutôt figurer dans les dispositions de fond. Pourtant, le paragraphe 2(2) crée une obligation qui va en fait au-delà de l’objet du projet de loi, tel qu’il est énoncé au paragraphe 2(1). L’objet mentionné au paragraphe 2(1) porte sur l’aide au développement, alors que l’obligation figurant au paragraphe 2(2) s’applique à toutes les activités de développement à l’étranger.
Par ailleurs, l’article 7 concernant les pétitions crée un risque de contestation judiciaire, surtout si l’on tient compte du libellé ambigu du paragraphe 7(5), qui semble imposer l’adoption de mesures correctives.
Une troisième catégorie de questions que j’ai notées porte sur le chevauchement de différents critères concernant les décisions ministérielles relatives au développement. Au-delà du problème de concordance avec les différents mandats définis dans d’autres lois, le projet de loi C-293 crée en soi des difficultés en ce qui concerne l’application des différents critères qui conditionnent l’octroi de l’aide au développement.
Examinons d’abord la définition de l’aide au développement. Cette définition reprend celle d’un organisme international, l’OCDE, qui ne détermine qu’après coup que le financement déjà fourni par un pays donateur constitue de l’aide publique au développement aux fins de l’OCDE.
[Français]
L'amendement à cette définition proposée incorpore au-delà du critère formel une dimension substantielle: le transfert doit promouvoir le développement économique et social des pays en développement. Ce critère, qui définit le champ d'application de la loi, vient rendre plus complexe l'interprétation et la mise en oeuvre du projet de loi tel que rédigé.
Passons maintenant aux critères du paragraphe 2(2). Ce paragraphe, qui parle des activités canadiennes de développement à l'étranger, exige que celles-ci soient exercées conformément aux principes du développement durable.
Le paragraphe 4(1) ajoute trois conditions à l'exercice de la discrétion ministérielle quant à toute décision de fournir ou non de l'aide au développement. Cette aide doit contribuer à la réduction de la pauvreté, tenir compte des points de vue des pauvres et être compatible avec les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.
Le libellé de l'alinéa 4(1)(c) pose particulièrement problème. Il va de soi que tout ministre doit respecter les obligations internationales du Canada, mais vu le principe d'interprétation de l'effet utile selon lequel le législateur ne parle pas pour ne rien dire, il y a un risque que la mention voulant que le ministre doive respecter les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne soit interprétée comme incorporant une nouvelle obligation en droit canadien.
De plus, selon l'amendement proposé par le parrain du projet de loi, avant d'en arriver à l'opinion que l'aide au développement contribue à la réduction de la pauvreté, le ministre compétent doit consulter les agences internationales et la société civile canadienne. Cette obligation de consulter, au-delà des difficultés de mise en oeuvre, soulève aussi la possibilité de révisions judiciaires répétées.
Une dernière catégorie de questions touche aux questions de
[Traduction]
redondance et de chevauchement des responsabilités.
Les dispositions relatives aux rapports occasionnent des difficultés à deux niveaux: elles imposent des exigences de rapport redondantes si l’on tient compte des obligations établies en vertu d’autres lois et du projet de loi lui-même; de plus, elles semblent créer une certaine confusion quant aux responsabilités respectives des ministres en cause.
Par exemple, aux termes des articles 9 et 10, le ministre de la Coopération internationale et le ministre des Finances doivent présenter des rapports liés au projet de loi.
Le ministre de la Coopération internationale doit produire des rapports décrivant toute activité ou projet entrepris sous le régime de la loi, tandis que le ministre des Finances doit présenter un rapport contenant un résumé des opérations effectuées en application de la loi. La distinction entre les deux rapports n’est pas claire et soulève la question de savoir qui est vraiment responsable de rendre compte des activités menées aux termes du projet de loi.
En vertu des lois actuelles, c’est le ministre des Finances qui présente un rapport en vertu de la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes. L’obligation, énoncée à l’alinéa 9(1)(c), de présenter un résumé de ce rapport est un exemple de chevauchement entre les fonctions du ministre de la Coopération internationale et du ministre des Finances.
[Français]
C'était un bref aperçu de certaines questions soulevées par le projet de loi C-293. Il s'agit d'un projet de loi que je qualifie d'horizontal et qui touche aux mandats et aux responsabilités de plusieurs ministres qui sont déjà inclus dans diverses lois du Parlement, par exemple les lois applicables au ministre des Affaires étrangères et au ministre des Finances.
Je vais laisser le soin aux fonctionnaires de ces ministères de vous fournir plus d'information à ce sujet.
:
Merci, monsieur le président.
Madame Verdon, monsieur Wallace, je vais poursuivre un peu dans la même veine que mon collègue M. McKay, qui, à mon humble avis, a été très gentil envers vous, parce que d'après ce que je comprends — et j'espère que vous me corrigerez si j'ai tort —, vous ne voulez pas de ce projet de loi. Par contre, durant votre présentation, vous avez aussi été, tous les deux — je le dis gentiment —, très vagues, un peu flous. C'est peut-être parce qu'on n'avait pas votre présentation écrite, mais vous avez répété à plusieurs reprises que ce n'était pas clair et qu'il y avait matière à interprétation. Quand on veut d'un projet de loi, on fait des propositions concrètes pour l'améliorer, mais quand on n'en veut pas, on trouve qu'il est flou.
Je voudrais simplement vous rappeler, ainsi qu'à mes collègues, qu'à l'époque, le premier ministre actuel voulait que l'aide internationale soit enchâssée dans une loi.
Plusieurs personnes font état de problèmes non seulement en ce qui concerne les montants accordés en vertu de l'aide internationale, mais également au chapitre de la transparence et de l'efficacité de cette aide. À titre de représentants de l'agence, vous dites que vous ne voulez pas de ce projet de loi parce qu'il est flou, mais vous ne proposez rien pour le modifier, pour le bonifier, pour faire en sorte que le Canada ait une loi.
C'est à ce sujet que j'aurais aimé vous entendre.
:
À première vue, la loi britannique paraît semblable à ce projet de loi parce qu’elle prend la même optique de réduction de la pauvreté, mais il y a d’importantes différences entre l’objet des deux mesures législatives.
Il est intéressant d’examiner ces différences parce que notre droit est inspiré de celui du Royaume-Uni, mais il existe en réalité de grandes différences entre les deux pays, surtout sur le plan de la structure du gouvernement. Chez nous, les ministères sont constitués par des lois. Ce n’est pas le cas au Royaume-Uni. Dans ce cas particulier, les Britanniques ont une loi qui confère des pouvoirs à un ministre particulier, sans empiéter sur d’autres lois puisque leurs ministères ne sont pas constitués en vertu de mesures législatives. Par contre, le projet de loi à l’étude a des répercussions sur d’autres lois, comme je l’ai mentionné.
Il y a une autre grande différence. Au Royaume-Uni, le thème de réduction de la pauvreté ne s’applique qu'à un seul ministre, alors que le projet de loi à l’étude comprend une définition de « ministre compétent. » Nous supposons qu’il y en a plus d’un, peut-être deux ou trois, je ne le sais pas vraiment. C’est donc une autre différence.
Je crois savoir, par ailleurs, que la loi britannique a été précédée par un important travail préparatoire. Elle a fait l’objet d’un livre blanc.
Elle ne comporte ni système de pétitions ni comité consultatif. Le mandat est plus simple. Il y est clair que l’aide humanitaire se distingue nettement de l’aide au développement, à cause des circonstances très différentes. Lorsqu’on parle d’aide humanitaire, on se soucie de sauver des vies d’abord et avant tout.
La loi britannique a sa propre définition de l’aide au développement. Elle n’a pas emprunté celle de l’OCDE.
J’ai entendu dire que les Communes britanniques ont beaucoup discuté de la question de savoir s’il fallait mentionner dans la loi les droits internationaux de l’homme ou les droits de la personne. Le gouvernement a finalement décidé qu’il n’en voulait pas.
Il y a donc des différences, la principale étant que la loi s’applique à un seul ministre et non à l’ensemble du gouvernement britannique.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
La frustration exprimée par le secrétaire parlementaire nous incite peut-être à réfléchir un peu au contexte dans lequel le projet de loi a été présenté. Il faut reconnaître, en effet, que ce contexte était lourd de frustrations et de problèmes. Pendant plus de deux ans, nous avons entendu beaucoup, beaucoup de témoins internationaux qui ont comparu devant le comité nous dire combien ils étaient déçus, horrifiés même – je crois que certains d’entre eux ont utilisé ce terme – par le niveau de l’aide officielle au développement accordée par le Canada.
Ensuite, il y avait à l’époque une sorte de vide. Nous attendions depuis longtemps un énoncé de la politique internationale. Vous avez mentionné qu’au Royaume-Uni, les autorités avaient trouvé utile de publier un livre blanc pour situer le contexte dans lequel leur loi a été élaborée. C’est cela que nous attendions. Lorsque ce document a finalement paru, il était mort-né après deux ans de gestation. En fait, il n’a pas permis de lancer un grand débat parce que ce qui était censé constituer un examen s’est rapidement transformé en un simple énoncé mettant fin à toute discussion.
Dans ce contexte, il y a eu une tentative honnête, sans esprit partisan et dans la meilleure tradition du travail en comité, pour demander au gouvernement de s’occuper de cette question d’un cadre législatif clairement axé sur la réduction de la pauvreté, comme principal objectif de notre aide au développement.
Je ressens personnellement une grande frustration – et je ne veux parler au nom de personne d’autre – parce que deux gouvernements successifs ont affirmé que des mesures législatives étaient en préparation. C’est comme si on nous avait dit: « Soyez patients. Nous nous en occupons. » Entre-temps, nous recevions sans cesse des mémoires et des plaidoyers des ONG, des universitaires, des chercheurs, aussi bien au Canada qu'à l’étranger, nous disant que le Canada devait mettre de l’ordre dans ses affaires.
Nous venons de rentrer d’une tournée dans les quatre pays scandinaves et le Royaume-Uni, que j’ai trouvée plutôt humiliante. Je crois que nous avons tous ressenti l’humiliation causée par le fait que l’APD canadienne ne s’élève actuellement qu'à 0,32 p. 100. Par comparaison, la Finlande, qui est probablement la moins bien placée des cinq pays que nous avons visités, en est à 0,98 p. 100.
Je vais donc poser la grande question. Vous représentez ici l’ACDI. La ministre prépare-t-elle un projet de loi? Si c’est le cas, il est insensé que nous n’ayons pas au moins une idée de ce que vous projetez, si nous devons procéder de bonne foi. Si ce n’est pas le cas, si vous n’êtes pas autorisés à en parler – peut-être le secrétaire parlementaire a-t-il raison de dire que c’est la responsabilité du gouvernement –, pouvez-vous pour le moins nous fournir une analyse écrite du projet de loi à l’étude?
Je dois dire qu’il est très difficile de tenir compte d’une multitude de commentaires décousus, qui ne constituent pas ce que nous pourrions considérer comme une analyse détaillée nous permettant d’aller de l’avant et de passer à l’étape suivante de la rédaction. Il n’y a pas de doute que certaines de vos critiques sont fondées. À la réflexion, je dirais même que oui, il y a là des problèmes, mais il n’en reste pas moins que tous les partis sont vraiment déterminés à aller de l’avant. Quatre partis ont convenu d’examiner ce qui se passe à l’étranger, et nous en sommes maintenant à nous demander comment procéder pour avancer. Toute suggestion concrète que vous auriez pour nous aider serait très appréciée.
:
Monsieur le président, le Parlement s’est prononcé deux fois à ce sujet. La dernière fois, 178 députés ont voté en faveur du projet de loi. Vous avez dit que le Royaume-Uni a une loi, que la Suède aussi en a une, qui mentionne la pauvreté et les droits de la personne. Nous avons quelque six exemples de telles lois.
Je suis un peu déconcerté. Le projet de loi flotte par-ci par-là depuis un certain temps déjà. Vous êtes d’accord en principe. Puis, à la onzième heure, voilà qu’on nous présente tous ces amendements techniques. Je soutiens – et je compte proposer une motion dans quelques instants, monsieur le président – que le projet de loi concorde avec les objectifs de l’ACDI et avec ce que la ministre a dit dans le passé.
On nous parle de problèmes d’interprétation. Je propose, monsieur le président, de présenter une motion aujourd’hui, qui pourrait être adoptée jeudi, pour que nous puissions entreprendre l’étude article par article mardi prochain. Entre-temps, je suppose que nous serons bien obligés de nous occuper de ces amendements techniques.
En fait, si le projet de loi concorde avec les objectifs de l’ACDI et si des mesures législatives du même ordre fonctionnent dans d’autres pays, sans compter que le Parlement s’est déjà prononcé deux fois et que cela n’a rien de neuf, je suis vraiment très surpris. J’ai demandé au parrain du projet de loi s’il a eu connaissance avant aujourd’hui de ces problèmes techniques. Il m’a affirmé qu’on ne lui avait rien dit.
Je suis préoccupé, monsieur le président. J’ai l’impression qu’on fait bien peu de cas de la volonté du Parlement à cause de ce qui semble être des changements techniques.
Si le comité est disposé à voter sur cette motion jeudi pour que nous puissions entreprendre l’étude article par article mardi, nous devrions aller de l’avant. Nous pourrions dans l’intervalle nous occuper de ces questions de rédaction.