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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et honorables membres du comité. Je m'appelle Dan Goldberg, président et chef de la direction de Télésat Canada. Je suis accompagné aujourd'hui d'Ian Scott, directeur général des Affaires gouvernementales et réglementaires de Télésat.
Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités ce matin pour traiter de cette question importante. D'entrée de jeu, j'aimerais indiquer que nos observations se limiteront à l'industrie canadienne des communications par satellite, Télésat n'étant pas en mesure de discuter de la modification du régime d'investissement étranger pour d'autres services de télécommunications.
Le fait est que, comme je m'efforcerai de vous l'expliquer ce matin, l'industrie canadienne des services par satellite se trouve dans une position très particulière lorsqu'il s'agit de réformer les règlements concernant les intérêts étrangers dans le secteur des communications. Comme le cadre juridique actuel du Canada fait que nous avons un désavantage important par rapport à nos concurrents étrangers, nous sommes convaincus que les changements que l'on envisage d'apporter aux règlements auxquels sont assujettis les exploitants de satellite canadiens devraient intervenir à court terme. Je vais vous donner un peu de contexte pour expliquer le raisonnement derrière cette déclaration.
Télésat constitue un bel exemple de société canadienne florissante. Depuis son lancement en 1969, elle offre des services par satellite essentiels et novateurs dans toutes les régions du Canada. Aujourd'hui, Télésat est le quatrième fournisseur de services fixes par satellite au monde. La société emploie plus de 500 personnes occupant des emplois spécialisés en haute technologie, dont plus de 80 p. 100 sont en poste au Canada. L'an dernier, les revenus de Télésat ont atteint près de 800 millions de dollars, ce qui est un record pour la société; actuellement, la valeur de nos actifs dépasse les 5 milliards de dollars.
Gérée à partir de notre siège social, ici même, à Ottawa, notre flotte mondiale de satellites peut desservir pratiquement tous les pays du monde. À l'heure actuelle, environ la moitié de nos revenus viennent de l'étranger, et notre intention et notre grand impératif stratégique consistent à poursuivre notre croissance tant au Canada qu'à l'étranger.
Télésat est souvent qualifiée de fournisseur de fournisseurs, car nous n'offrons pas de service directement aux consommateurs. Essentiellement, nos activités consistent à payer une société pour construire un satellite, puis à demander à une autre de le lancer dans l'espace. Nous exploitons ensuite ce satellite en orbite et offrons, à certains frais, des services de transmission à des radiodiffuseurs, des fournisseurs de services de télécommunications, des intégrateurs de réseaux et des gouvernements des quatre coins du monde.
Permettez-moi maintenant d'essayer de vous expliquer ce qui distingue l'industrie des services par satellite des autres services de télécommunications. Tout d'abord, la technologie par satellite est, de par sa nature même, internationale. Comme c'est le cas pour tous les fournisseurs de services fixes par satellite, nos satellites flottent sur un orbite géostationnaire environ 36 000 kilomètres au-dessus de l'Équateur. Dépendamment du modèle, un satellite peut fournir des services à n'importe quel endroit dans une région couvrant environ le tiers de la surface terrestre. La technologie de satellite fait fi des frontières nationales. En raison de cette caractéristique technologique et de la tendance qui porte les services de télécommunications vers le libre-échange, ces douze dernières années, l'industrie des services par satellite est le théâtre d'une concurrence féroce à l'échelle internationale.
Reconnaissant que les services par satellite sont intrinsèquement internationaux, le Canada a, en 1998, conformément aux engagements pris dans l'entente de l'OMC sur les télécommunications de base, accepté d'ouvrir son marché des services par satellite à la concurrence étrangère. Industrie Canada a donc autorisé plus de 75 satellites appartenant à des intérêts étrangers à fournir des services au Canada. La plupart de ces satellites appartiennent à nos plus importants concurrents.
Voilà une autre distinction cruciale entre les services de satellite et la quasi-totalité des autres services de télécommunications canadiens: les services par satellite ont été ouverts à la concurrence étrangère. Exception faite des câbles de télécommunications sous-marins, aucun autre service de télécommunications au Canada ne doit affronter la concurrence de fournisseurs étrangers.
En plus d'être intrinsèquement internationale, l'industrie des services par satellite se caractérise par des économies d'échelle, ce qui signifie que les exploitants de taille substantielle jouissent d'avantages concurrentiels notables par rapport à leurs rivaux plus petits. La taille a une multitude d'avantages sur le plan de la concurrence. Par exemple, les grands exploitants sont capables d'offrir à leur clientèle une couverture géographique plus variée et plus exhaustive, sont mieux en mesure de satisfaire leurs besoins d'expansion, et disposent de niveaux supérieurs de redondance en cas de panne de satellite. Or, ce sont là des d'atouts déterminants dans un domaine aussi concurrentiel que le nôtre.
Ces grands exploitants ont plus de poids lorsqu'ils négocient l'achat de satellites et de véhicules de lancement, les deux éléments les plus coûteux dans notre domaine. Ils peuvent s'autoassurer en cas de perte ou de panne de satellite, économisant ainsi des dizaines de millions de dollars en dépenses d'exploitation annuelles. Ils disposent en outre de sources de revenus plus diversifiées et de meilleurs profils de risque généraux. Ils bénéficient donc de coûts d'emprunt moins élevés, un facteur crucial au regard de la forte densité du capital dans notre industrie.
Bref, dans notre domaine, la taille de l'entreprise s'accompagne d'avantages concurrentiels substantiels. Toutes les entreprises de notre secteur sont confrontées à la nécessité stratégique impérative de prendre de l'ampleur; leur viabilité à long terme en dépend littéralement.
Consciente de ce fait, Télésat s'est empressée de croître au cours des dernières années. Après que BCE nous eut vendus, il y a environ deux ans et demi, à nos actionnaires actuels, l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public du Canada et Loral Space and Communications, Télésat a intégré la flotte de satellites de Loral Skynet Corporation dans sa propre flotte, plus vaste. Ainsi, du jour au lendemain, nous avons pu offrir des solutions satellites internationales à notre clientèle et élargir notre constellation de satellites d'environ 50 p. 100.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous sommes aujourd'hui le quatrième exploitant de satellites au monde. Témoignant de la nature internationale de nos activités et du fait que notre société diffère de pratiquement toutes les autres compagnies de télécommunications canadiennes, environ la moitié de nos revenus viennent de l'étranger.
Bien que nous soyons l'un des plus importants exploitants au monde et que nous jouissions d'un bon succès ces derniers temps, nous n'entretenons aucune illusion au sujet de notre position dans l'industrie internationale. À dire bien franchement, Télésat reste un nain comparativement à ses trois plus importants concurrents, lesquels ont tous été autorisés par Industrie Canada à offrir des services au Canada, sans toutefois être assujettis à des contraintes relatives à la propriété étrangère par leurs principaux organismes de réglementation.
Permettez-moi de vous glisser un mot au sujet de nos principaux concurrents pour vous donner une idée des sociétés contre lesquelles nous devons nous mesurer. Télésat possède aujourd'hui une flotte de 12 satellites et en fait construire deux autres.
Intelsat, le plus grand exploitant au monde, a aujourd'hui 56 satellites en orbite et est en train d'en construire huit autres. Cette société, sise à Washington D.C., a son siège social au Luxembourg et est dirigée par une société de capital privée basée au Royaume-Uni.
SES, forte de 42 satellites en orbite et de 12 satellites en construction, est une société cotée en bourse dont le siège social se trouve au Luxembourg. Ses actions s'échangent principalement sur Euronext, à Paris.
Eutelsat, qui possède 23 satellites en orbite et en construit quatre autres, est établie à Paris. La société est également cotée à la bourse Euronext de Paris, son principal actionnaire étant un grand fonds d'infrastructure espagnol.
Nous pouvons procéder de deux manières pour prendre de l'expansion afin de combler l'écart qui nous sépare de nos énormes concurrents, qui sont deux à cinq fois plus grands que nous ne le sommes aujourd'hui: nous pouvons croître organiquement ou inorganiquement.
Au chapitre de la croissance organique, nous avons investi ou investissons environ 2 milliards de dollars dans deux nouveaux satellites qui sont entrés en service au cours des 36 derniers mois ou que l'on commencera à exploiter au cours des 36 prochains mois. Mais l'ennui, avec la croissance organique, c'est qu'il faut près de trois ans pour construire et lancer un satellite. Nous avons besoin de positions orbitales, qui se font rares, et nous n'avons pas de position qui nous permette de desservir les marchés qui connaissent une forte croissance aujourd'hui, comme ceux de l'Afrique, du Moyent-Orient et de l'Asie. Chaque nouveau satellite coûte environ 300 millions de dollars, ce qui présente certains défis pour notre société, dont la capacité d'emprunt n'est pas illimitée. Les restrictions imposées au Canada concernant la propriété limitent notre capacité d'accéder aux marchés de capitaux internationaux afin de financer notre croissance future.
À bien des égards, la croissance inorganique — qui s'effectue par l'entremise de fusions et d'acquisitions — pourrait être préférable à la croissance organique. En acquérant un autre exploitant, nous pouvons croître beaucoup plus rapidement que ne nous le permettrait le lancement d'un nouveau satellite, qui prend trois ans. Nous pouvons profiter des synergies découlant de la fusion des activités et des fonctions. Nous pouvons en outre accéder très rapidement aux rares positions orbitales, aux connaissances et aux relations relatives aux marchés locaux, aux permis et autorisations réglementaires et à une nouvelle clientèle. Avec la croissance organique, il nous faudrait des années pour mettre ces éléments en place.
Nous prévoyons que notre industrie continuera de se regrouper et que nos concurrents — qui sont devenus aussi gros justement en se regroupant — continueront de chercher à faire des acquisitions et des fusions ou à nouer des relations stratégiques avec d'autres exploitants pour continuer de prendre de l'ampleur et d'augmenter leur productivité. Ces concurrents pourraient aller en bourse ou, pour ceux qui y sont déjà, faire une deuxième offre publique d'actions afin d'obtenir des nouveaux capitaux pour élargir leurs activités et diversifier leur appartenance.
Télésat est profondément déterminée à améliorer sa position défavorable dans certains marchés en acquérant d'autres exploitants et en accédant à de nouveaux capitaux. Pour ce faire, nous devons jouir de la même souplesse que nos concurrents étrangers. Fort de nos employés hautement qualifiés et des investissements substantiels que nous avons réalisés dans nos installations canadiennes ultramodernes, nous sommes bien placés pour prendre de l'expansion. Cependant, pour Télésat, le problème vient du fait que les restrictions que le Canada impose sur le plan de la propriété nuisent considérablement à sa capacité de prendre de l'expansion par l'entremise d'acquisitions et restreignent son accès aux capitaux sur les marchés internationaux. Pour dire les choses simplement, si nous émettons des actions pour acquérir un autre exploitant ou réunir de nouveaux capitaux, nous amenuiserons notre propriété canadienne et contreviendrons aux règles relatives à la propriété.
Par le passé, les ventes d'exploitants de satellites ont fait l'objet de processus hautement concurrentiels, et les plus importants exploitants soumissionnaient activement, cherchant ainsi à prendre toujours plus d'expansion. Nous nous attendons donc à devoir nous mesurer à nos grands concurrents dans les processus de vente à venir. Comme ces concurrents ne sont assujettis à aucune restriction en matière de propriété, ils jouissent d'une souplesse de loin supérieure à la nôtre, laquelle leur permet de présenter des offres fort intéressantes pour les vendeurs éventuels.
Je tiens à ce que quelque chose soit bien clair: Télésat est très favorable aux marchés ouverts et concurrentiels. Nous avons besoin que les marchés soient ouverts, compte tenu de la nature internationale de nos activités et du fait que la moitié de nos revenus viennent des marchés étrangers. Nous nous colletons quotidiennement avec nos compétiteurs, grands et petits, que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde. Mais nous devons prendre de l'expansion si nous voulons survivre à long terme. Et soyons francs, les règlements actuels du Canada en matière de propriété nous mettent les bâtons dans les roues.
Pour corriger cette grave situation, le gouvernement a proposé des modifications législatives à la Loi sur les télécommunications afin de soustraire les satellites des exigences en matière de propriété. Ces modifications permettront aux exploitants titulaires de permis canadiens de lutter à armes plus égales avec des exploitants étrangers et d'acquérir les compétences nécessaires pour devenir des concurrents plus efficaces sur les marchés internationaux.
Il est toutefois aussi important de comprendre ce que les modifications législatives proposées ne permettront pas d'accomplir. Les modifications que l'on envisage d'apporter à la Loi sur les télécommunications sont d'une portée très étroite. Aux termes de la loi, les fournisseurs de services par satellite continueront d'être des fournisseurs canadiens, et toutes les autres dispositions de la loi continueront de s'appliquer aux exploitants canadiens. Cet aspect est important pour les radiodiffuseurs canadiens, parce que le CRTC continuera de jouir de vastes pouvoirs pour veiller à ce qu'ils disposent des services de satellite dont ils ont besoin.
En outre, Industrie Canada continuera de pouvoir poursuivre ses objectifs clés en matière d'intérêt public en imposant des conditions dans les permis qu'il délivre aux exploitants canadiens de satellite, les obligeant, par exemple, à fournir des services dans toutes les régions du Canada, y compris le Grand Nord, et de fournir des services par satellite adéquats aux radiodiffuseurs canadiens. Enfin, la Loi sur Investissement Canada continuerait de s'appliquer aux exploitants canadiens.
Je dirais en conclusion que l'industrie des services par satellite est l'une des plus concurrentielles au monde. Télésat est une société canadienne florissante au sein de cette industrie concurrentielle internationale; cependant, nous devons prendre de l'expansion si vous nous voulons continuer de réussir et de prospérer à long terme. Les modifications proposées à la Loi sur les télécommunications permettront d'éliminer un obstacle important auquel se butent Télésat et d'autres exploitants canadiens sur la route qu'ils parcourent pour atteindre cet objectif vital. Du même coup, les parlementaires peuvent être certains que le gouvernement du Canada a maintenu toutes les mesures nécessaires pour protéger les intérêts des utilisateurs canadiens de satellite.
Voilà qui conclut nos propos ce matin. Merci beaucoup.
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Comme nous l'avons évoqué dans notre présentation, notre entreprise a pris de l'expansion de deux façons différentes, soit par une combinaison de croissance interne et de croissance externe.
Jusqu'à 2007, toute l'expansion s'est faite par croissance interne, simplement en construisant un satellite après l'autre, en les mettant en orbite, en établissant la base de l'entreprise, en trouvant des sources de revenus, ce genre de choses. Puis, en 2007, lorsque Bell Canada a vendu Télésat, l'une des entreprises qui ont fait notre acquisition — c'était Investissements PSP, la caisse de pension canadienne — et Loral...
Loral possédait un petit exploitant de services par satellite qui n'avait pas réellement de marché en Amérique du Nord. J'ai mentionné que deux de nos satellites ont été autorisés par la FCC, un au Brésil et l'autre aux Tonga. Ces deux satellites provenaient de Loral.
En 2007, nous avons acquis cette entreprise et nous l'avons intégrée à Télésat — puisque Télésat était plus grande — et du jour au lendemain, notre constellation de satellites a augmenté de 50 p. 100, tandis que la couverture géographique est passée de l'Amérique du Nord au monde entier. Maintenant, notre couverture mondiale est inférieure; nous n'avons que quelques satellites qui desservent le marché outre-mer.
C'est donc ainsi que nous avons réussi à prendre l'expansion que nous connaissons aujourd'hui: d'abord par une forte croissance interne, et ensuite par la fusion avec Loral, qui nous a permis de nous hisser à une position mondiale beaucoup plus importante.
Depuis la fusion, nous avons lancé au moins quatre autres satellites. J'ai déjà mentionné que nous en avions deux autres en construction, et un troisième à venir. C'est donc une combinaison de ces deux facteurs.
Et j'ai l'intention d'aller plus loin, par la croissance interne, mais aussi par la croissance externe, qui doit venir la compléter et l'accélérer; c'est d'ailleurs dans ce domaine que les restrictions doivent être levées.