:
Merci, monsieur le président.
Je remercie également mes collègues du comité de m'avoir invité à leur donner mon opinion sur la question de la facturation à l'utilisation pour les services Internet de gros, et à formuler des remarques d'ordre plus général.
[Français]
À titre de ministre de l'Industrie du Canada, j'ai pour travail de contribuer à encourager la mise en place d'un marché novateur et concurrentiel, et de faire en sorte que les consommateurs canadiens aient des choix réels parmi les services qu'ils achètent.
[Traduction]
Même si les technologies de l'information et des communications ne représentent qu'environ 5 p. 100 du PIB, je suis convaincu, statistiques à l'appui, qu'elles favorisent le rendement des 95 p. 100 restants. Les TIC constituent le moteur et le carburant qui nous propulsent en avant. Jamais nous ne devons perdre leur importance de vue.
Voilà pourquoi, en ma qualité de ministre de l'Industrie, j'ai fait des TIC et, de façon plus générale, de l'économie numérique l'une de mes priorités personnelles; je lancerai d'ailleurs ce printemps la première stratégie canadienne exhaustive de l'économie numérique.
Je tiens également à m'assurer que nous n'oublions pas les consommateurs quand nous discutons de cette économie et élaborons des plans qui la concernent. Les entreprises sont évidemment importantes, et j'y reviendrai dans quelques instants. Les initiatives universitaires et gouvernementales le sont également. Mais si nous oublions le consommateur, je crois que nous omettons un élément essentiel à la réussite de la stratégie de l'économie numérique et de l'économie en général.
Qu'est-ce que j'entends par là? Eh bien, il est évident que l'accroissement de la concurrence et de l'offre proposée aux consommateurs favorise l'adoption de l'économie numérique et nous aide à devenir plus concurrentiels et novateurs. Nos citoyens peuvent devenir plus créatifs, et nos petites entreprises ont plus de chances de réussir. Tous ces éléments seront nécessaires à une société fondée sur l'économie du savoir.
Nous cherchons donc à assurer un sain équilibre sur le marché afin d'offrir un environnement propice à la réussite des entrepreneurs, à l'émergence de nouvelles idées novatrices et d'occasions réelles, et à la création d'emplois.
[Français]
Nous devons nous assurer que les politiques gouvernementales permettent d'encourager les investissements, d'accroître les choix des consommateurs, de réduire au minimum la réglementation et d'assurer le libre jeu des forces du marché. Voilà nos politiques et notre orientation.
Sans aucun doute, les sociétés canadiennes de télécommunications ont effectué d'importants investissements dans l'infrastructure au cours des dernières années. Par suite de ces investissements, les Canadiens ont maintenant accès à de multiples réseaux de pointe et à des services d'envergure mondiale d'un bout à l'autre du Canada.
[Traduction]
Les fournisseurs de services canadiens investissent parce que c'est payant pour eux de le faire. Ils réagissent aux demandes de leur clientèle. De plus, ils stimulent eux-mêmes la demande en proposant de nouveaux services et des vitesses supérieures en faisant de la publicité et de la promotion.
Tenant compte de ce nouvel environnement, notre gouvernement a, en 2006, donné au CRTC des instructions en matière de politique afin de reconnaître l'importance de la concurrence et de l'équité.
[Français]
Dans les instructions, nous ordonnions au CRTC de se fier aux forces des marchés dans la plus grande mesure possible et, lorsqu'il utilise des mesures réglementaires, d'assurer la neutralité technologique et concurrentielle dans toute la mesure du possible pour permettre la concurrence issue des nouvelles technologies, et de ne pas favoriser artificiellement soit les entreprises titulaires ou les petits fournisseurs de services Internet.
[Traduction]
Dans ces instructions, le gouvernement indiquait que la réglementation, si elle s'avérait nécessaire, devait être modérée et proportionnelle aux objectifs visés.
J'attaquerai directement la question de la facturation à l'utilisation pour dire que l'accès à Internet est une facette de plus en plus importante de la vie des Canadiens. J'affirmerais même que c'est plus qu'important; à notre époque, cet accès est rapidement en train de devenir un maillon essentiel de la trame sociale et économique du pays. L'abordabilité et le choix sont donc au coeur de la question. Nous sommes certainement conscients de l'importance des réseaux à large bande pour l'innovation entrepreneuriale.
Dans ce contexte, la décision du CRTC d'imposer la facturation à l'utilisation aux fournisseurs de services de gros est malheureuse et incompatible avec une saine politique publique. Les FSI indépendants ne doivent pas être obligés d'adopter la même stratégie de prix de détail que les compagnies titulaires, car cela limiterait l'offre et entraverait la concurrence sur le marché.
De plus, si pareille décision était maintenue alors que le gouvernement a fait de 2011 l'« Année de l'entrepreneur », elle aurait des répercussions à grande échelle non seulement sur les consommateurs, mais également sur les entrepreneurs, les créateurs, les innovateurs et les petites entreprises de toutes les régions du pays.
En outre, un grand nombre de nouvelles entreprises novatrices qui s'implantent ici, au Canada, ont besoin de pouvoir offrir à leur clients des services ou du contenu par Internet. Dans le secteur de pointe des services informatiques dématérialisés, il faut que les consommateurs et les clients — qui sont nombreux à utiliser une ligne résidentielle — aient un accès équitable et abordable à Internet. S'il n'y a pas suffisamment de concurrence, la facturation à l'utilisation risque de faire disparaître ces entreprises novatrices et les avantages qu'elles peuvent apporter aux consommateurs canadiens et à l'économie numérique du pays.
Quant aux FSI indépendants eux-même, le fait est que dans bien des cas, ils font bien plus que de revendre les services de réseau des compagnies titulaires, allant souvent jusqu'à fournir plus qu'un simple accès à Internet. Nombreux sont ceux qui offrent un autre produit final à leurs utilisateurs, servant parfois des créneaux qui, même s'ils sont relativement petits si on les compare aux marchés des compagnies titulaires, sont essentiels à l'innovation, à la concurrence et à l'offre proposée aux consommateurs.
Monsieur le président, j'ai entendu l'avis d'un nombre impressionnant de Canadiens dans ce dossier. Ce sont littéralement des centaines de milliers de citoyens qui ont communiqué avec moi et avec le gouvernement concernant la question qu'étudie le CRTC ainsi que d'autres sujets, comme le prix de détail, la qualité et l'offre de services, le choix actuellement offert au Canada, la neutralité du Net et d'autres questions afférentes. Je tiens à remercier publiquement la population canadienne d'avoir participé au débat essentiel que nous tenons continuellement sur le sujet.
Je crois qu'actuellement, le point principal qui ressort des échanges que nous avons eus jusqu'à présent avec les Canadiens et que de nombreux intéressés ont soulevé, dont les FSI eux-mêmes, c'est que la meilleure manière de stimuler une offre réelle de services aux consommateurs et d'éviter d'imposer la facturation à l'utilisation consiste à favoriser l'établissement d'une concurrence vigoureuse.
Le CRTC ne réglemente pas les prix de détail, et si nous pouvons résoudre la question dont nous sommes saisis aujourd'hui pour assurer une concurrence saine et équitable dans le secteur des services de gros, il ne devrait pas avoir à le faire dans l'avenir non plus.
Je crois que les propriétaires de réseau ont des attentes raisonnables en voulant obtenir une rétribution équitable de leurs investissements constants; il faut toutefois agir de manière à ne pas restreindre l'offre proposée aux consommateurs. Je crois que les divers intéressés soumettront de meilleures solutions que celles que le CTRC a envisagées initialement dans le cadre de son processus d'examen et je suis certain que l'organisme en tiendra compte.
Nous en sortirons tous gagnants si les Canadiens ont accès à des réseaux évolués, à une variété de services et à des occasions leur permettant de tirer parti des technologies et des services qui font leur apparition sur le marché. Ce sont là les fondements d'une économie numérique florissante.
Le gouvernement continuera de surveiller les développements de l'industrie pour assurer l'efficacité des cadres stratégiques et réglementaires du Canada.
Si la décision du CRTC ne permet pas de combler adéquatement les besoins des consommateurs, des petites entreprises, des innovateurs et des créateurs canadiens, le gouvernement peut intervenir aux termes de la Loi sur les télécommunications.
Je dirai enfin, monsieur le président, que quand le CRTC se penche sur les questions de la restriction de services et de l'engorgement des réseaux et de leur incidence sur les FSI, il dispose déjà d'un cadre prévu pour la gestion du trafic Internet. Pour régler le problème de congestion, il faut avant tout investir pour moderniser et améliorer les réseaux. De toute évidence, les FSI ont tout intérêt à s'efforcer constamment d'offrir un meilleur accès aux réseaux à une vitesse plus rapide afin de faire face à la concurrence.
Cependant, il se peut que ces investissements ne permettent pas d'aplanir toutes les difficultés ou ne constituent pas la solution la plus appropriée pour résoudre un problème. En pareil cas, le CRTC autorise le recours à des mesures économiques transparentes pour atténuer la congestion — et j'insiste sur le mot « transparentes ».
La congestion des réseaux fait l'objet de débats, où l'on remet en question l'existence même de cette congestion et l'ampleur que lui prêtent les compagnies titulaires. Il est toutefois évident que l'application ou l'imposition de la facturation à l'utilisation aux FSI indépendants n'a rien de transparent. La corrélation directe entre l'imposition de ce modèle d'affaires et les coûts réels des services de gros n'est pas transparente non plus.
Je concluerai, monsieur le président, en soulignant que notre gouvernement met l'accent sur l'économie et la création d'un environnement favorable à la prospérité des créateurs d'emplois et des entreprises. Les Canadiens peuvent compter sur nous pour agir dans l'intérêt supérieur des consommateurs.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je répondrai avec plaisir aux questions que vous pourriez avoir.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de comparaître aujourd'hui.
Vous me pardonnerez d'être un peu sceptique. Vous vous gargarisez de belles paroles, mais quand vient le temps d'agir, c'est une autre paire de manches.
J'ai, moi aussi, écouté un grand nombre de Canadiens et d'intervenants du secteur des télécommunications. Vous avez dit en avoir entendu des milliers, et j'espère que ce n'étaient pas de simples gazouillis, mais des échanges sérieux. Vous êtes, après tout, ministre de l'Industrie.
J'ai l'impression qu'un immense vide politique règne au pays. Le secteur des télécommunications réclame à cor et à cri une forme d'orientation stratégique, alors que votre gouvernement est au pouvoir depuis cinq ans. On ne s'étonnera pas que vous renversiez fréquemment les décisions du CRTC, puisque cet organisme patauge lui-même en plein vide politique. Lui aussi a besoin que vous et Industrie Canada lui donniez une orientation stratégique pour que ses décisions ne finissent pas par être invalidées. En fait, vous et le CRTC gardez le contact et êtes sur la même longueur d'ondes. Dans le cours normal des choses, il devrait être extrêmement rare que les décisions du CRTC soient invalidées.
Je passerai outre la question de la facturation à l'utilisation pour vous demander comment vous avez procédé pour aviser le président du CRTC que vous alliez vous opposer à sa décision.
J'ai parlé à Konrad von Finckenstein quand il a comparu devant notre comité il y a quelques temps et je lui ai demandé comment il avait été informé que vous n'étiez pas d'accord avec la décision du CRTC. Il m'a répondu que ni vous ni le ministère n'avaient communiqué avec lui, et qu'il avait appris la nouvelle comme tout le monde, par l'un de vos messages sur Twitter.
Se pourrait-il que le gouvernement annonce ses politiques et ses décisions en diffusant des messages de 140 caractères au milieu de la nuit pour dire au CRTC, un organisme de réglementation respecté, comment les décisions se prennent au pays?
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, d'être parmi nous aujourd'hui.
Comme vous le savez, le CRTC est un organisme indépendant. Il réglemente et supervise les réseaux de radiodiffusion et de télécommunications au Canada. Il est indépendant. Il est là. Il est censé faire son travail. Son mandat est de veiller à ce que les réseaux de radiodiffusion et de télécommunications servent l'intérêt du public canadien.
Les objectifs du CRTC découlent de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications, qui guident ses décisions politiques. D'après ce que je peux voir, il a pour ligne directrice, pour balise, la position exprimée par le ministre de l'Industrie à l'époque, c'est-à-dire votre cabinet, en 2006, c'est-à-dire qu'il doit laisser agir les forces du marché.
Cela semble être une bonne idée de laisser agir les forces du marché. Quand on parle de forces du marché, je m'imagine qu'on ne fait qu'ouvrir la porte et qu'on laisse le marché suivre son cours. C'est ce que j'entends de l'autre côté. Cela semble être un mantra conservateur que de laisser le marché suivre son cours, et tout se règlera de lui-même. J'ai des réserves à cet égard.
Un peu plus tôt, quand on vous a demandé ce que vous vouliez dire vraiment et quelle était la politique du gouvernement, vous avez parlé de choix et de concurrence. Tout cela semble très bien. C'est merveilleux. Cela semble bien, mais ne me donne aucun point de référence précis. Cinq ans se sont écoulés, et tout ce que nous pouvons offrir au CRTC, c'est l'objectif de laisser les forces du marché agir, de favoriser le choix et la concurrence. Si votre bureau n'est pas d'accord avec ses décisions, il les renverse.
J'ai l'impression qu'on revient à la situation d'il y a quelques années. Si je regarde ce qui s'est passé depuis environ un mois concernant la facturation à l'utilisation, c'est un peu comme s'il y avait une nouvelle crise. Elle a été créée de toutes pièces. Mais voilà que le ministre vient se présenter en héros. C'est extraordinaire, n'est-ce pas? C'est comme si le gars qui avait mis le feu était un héros parce qu'il a appelé les pompiers. Je m'excuse, mais cela ne passe pas.
Le CRTC a pris une série de décisions sur la facturation à l'utilisation conformément aux balises qu'on lui a données en 2006. Nous dites-vous que ces lignes directrices ont changé ou que le CRTC ne les a pas suivies? S'il ne les a pas suivies, en quoi contreviennent-elles aux politiques d'origine?