Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Maureen Parker, et je suis la directrice générale de la Writers Guild of Canada. À mes côtés se trouve Rebecca Schechter, présidente la Writers Guild et scénariste professionnelle. La Writers Guild apprécie l'occasion qui lui est offerte de comparaître devant le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
La Writers Guild est une association nationale qui représente plus de 2 000 scénaristes professionnels qui oeuvrent à la réalisation de films, ainsi que dans le secteur de la production télévisée, radiophonique et numérique de langue anglaise au Canada. Nous plaidons régulièrement en faveur d'un système de radiodiffusion solide devant le Comité du patrimoine canadien et le CRTC. Nous croyons que les Canadiens doivent avoir le choix de regarder des émissions canadiennes de haute qualité sur nos ondes.
C'est le discours du Trône qui nous a incités à faire le point à ce sujet, puisqu'il invoquait un plan pour ouvrir l'industrie des satellites et des télécommunications aux capitaux étrangers, en réaction aux demandes du public d'obtenir de meilleurs services de télécommunications à moindre coût. Les scénaristes sont aussi des consommateurs, alors nous partageons ces préoccupations, mais nous ne sommes pas convaincus que diminuer ces restrictions sur les intérêts étrangers garantira aux consommateurs des prix moins élevés et de meilleurs services.
Le gouvernement a assuré à ce comité qu'il n'avait pas l'intention de toucher à la radiodiffusion; cependant, étant donné les regroupements et la convergence qui caractérisent nos médias depuis quelques années, nous ne voyons pas comment cela pourrait être possible. Par exemple, Rogers possède des stations de radiodiffusion et de câblodistribution, et offre des services Internet et sans fil. Si un pays étranger prenait le contrôle de Rogers Communications, il prendrait aussi le contrôle de ses filiales: Rogers Telecom Inc., qui possède aussi Rogers Wireless Inc.; Rogers Media Inc., qui possède les entreprises des secteurs de la télévision, de la radio, et de la publication de magazines; et Rogers Cable, qui offre des services Internet et de téléphonie en plus du câble. Les intérêts étrangers de la compagnie mère empêcheraient les filiales d'obtenir leur licence canadienne de radiodiffusion et de câble.
Même s'il était possible de permettre des investissements étrangers dans les entreprises médias intégrées, il existerait toujours des risques pour les actifs de radiodiffusion dans ces entreprises. Les investisseurs ont tendance à prendre des décisions axées sur les priorités internationales de l'entreprise. C'est parfaitement censé, mais ça peut mettre les affaires locales en péril. Si un investisseur étranger décide que ses actifs canadiens ont un rendement inférieur à ses autres actifs internationaux, il pourrait le vendre ou couper les services au nom de l'efficacité. Dans notre secteur, les actifs en radiodiffusion sont les plus vulnérables parce qu'ils offrent une marge de profit beaucoup plus faible que les télécommunications ou le câble.
Rebecca.
Le défi au Canada est encore plus grand maintenant que chaque marché dans le monde fait face à la convergence. Il est maintenant concevable que je puisse être engagée comme scénariste par Rogers Wireless pour rédiger une série en format numérique qui serait disponible sur leur plateforme sans fil et offerte aux consommateurs par Rogers Internet ou diffusée sur Rogers Citytv.
Le type de contenu que je crée est protégé en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, qui a été établie dans le but précis de protéger un service public essentiel à la préservation et à l'amélioration de l'identité nationale et de la souveraineté culturelle.
La protection de la souveraineté culturelle du Canada représente un défi particulier, et ce, pour plusieurs raisons: notre voisin et partenaire commercial le plus près, les États-Unis, est le plus grand exportateur de films et d'émissions de télévision au monde; le Canada partage une langue et de nombreux points culturels avec les États-Unis; aussi, les signaux de radiodiffusion des États-Unis traversent la frontière et des millions de Canadiens regardent les émissions américaines chaque soir, ce qui fragmente de façon considérable le marché ici. Nous avons aussi une petite population, qui dépasse tout juste 33 millions de personnes, réparties sur un vaste territoire, ce qui rend la production d'émissions de télévision locales plus chère et les marges de profit plus faibles que dans les territoires plus densément peuplés.
En comparaison, la France et l'Allemagne ont été en mesure d'assouplir leurs restrictions sur les intérêts étrangers en radiodiffusion parce qu'ils ne sont pas confrontés à ces problèmes. Ils peuvent s'appuyer sur leur culture et leur langue distinctes, une population importante, leur marché cohésif, et les radiodiffuseurs publics dominants pour protéger leur identité culturelle. Nous aimerions pouvoir faire la même chose.
Pour nous, c'est une question d'identité culturelle. Nous sommes ceux qui créent le contenu diffusé par ces ondes. Notre industrie ne ressemble pas aux autres industries. Nous ne faisons pas de souliers ou de voitures — aussi importantes que soient ces choses. Il n'existe pas de voiture canadienne. Ce n'est pas pour autant une tragédie pour notre pays. Mais s'il n'y avait pas d'histoires canadiennes sur nos ondes, ça en serait une.
Pour conclure, nous demandons au gouvernement de réaliser une étude sur les répercussions possibles qui nous amènerait à un plan d'action clair avant d'assouplir toute restriction sur les intérêts étrangers dans le secteur des télécommunications qui pourraient nuire de manière irréparable à l'industrie de radiodiffusion. Nous savons qu'il y a eu d'autres examens et d'autres études sur les intérêts étrangers dans le passé. Cependant, nous sommes maintenant au milieu d'une révolution numérique où les entreprises de télécommunications et les fournisseurs de contenu ne font plus qu'un. Le gouvernement a raison de tenir compte des intérêts des consommateurs, mais il y a plus que l'argent des consommateurs qui est en jeu.
Nous vous remercions de votre temps et nous avons hâte de répondre à vos questions.
Merci.
Bonjour, monsieur le président. Je salue aussi les autres membres et les collaborateurs du comité. Aux fins du procès-verbal, je m'appelle Peter Murdoch. Je suis le vice-président, Médias, du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Je suis accompagné de M. Michel Ouimet, vice-président exécutif, région du Québec.
Le SCEP est le plus grand syndicat des communications au Canada; aussi, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. Les 32 000 membres oeuvrant dans le secteur des télécommunications et de la radiodiffusion que nous représentons, y compris 12 000 membres au Québec et des millions d'autres à la grandeur du pays, sont en faveur d'un système de communications robuste et prospère, qui leur assure des emplois de qualité et des pensions.
Nous nous opposons vivement à la proposition du gouvernement qui confierait nos systèmes de communication à des intérêts étrangers. La pierre d'achoppement est la suivante: le gouvernement n'a pas démontré le bien-fondé de son argumentation, à savoir qu'il y a lieu de permettre la domination étrangère des communications. La semaine dernière, les instances du ministère de l'Industrie ont laissé entendre que le Canada devrait faire place au contrôle étranger parce que des pays tels que le Mexique et la Corée en ont fait autant et que cela devrait se traduire par une baisse des prix et une plus grande innovation.
Présenter les choses ainsi, c'est faire abstraction de certains faits pertinents. Ainsi, par exemple, le nombre de concurrents est à la baisse depuis la déréglementation des télécommunications au Canada. En effet, en 1951, on comptait 3 200 systèmes de téléphonie indépendants au Canada, alors qu'en 2006, 10 sociétés touchaient 93 p. 100 des revenus générés par les services de télécommunications. Par ailleurs, 20 ans de concurrence axée sur les prix dans le secteur de la câblodistribution et des télécommunications n'ont pas entraîné une baisse correspondante des prix. En quoi la propriété étrangère changerait-elle la donne? L'ironie, c'est que les investisseurs étrangers risquent d'être d'autant plus intéressés aux télécommunications canadiennes qu'ils pourraient maintenir les prix à la hausse.
Quant à l'innovation, il y a deux ans, l'OCDE a bel et bien rapporté que la pénétration de la fibre en Corée est supérieure au total de la pénétration des produits à large bande dans cinq de ses pays membres. Mais à y regarder de plus près, nous constatons que les données coréennes englobent les téléphones mobiles à large bande disponibles dans presque tous les ménages, ce qui donne l'impression que la pénétration des produits à large bande est plus grande qu'ailleurs.
Nous disposons des universités et des cerveaux parmi les meilleurs au monde. C'est un Canadien qui a inventé la radio. Le Canada a été le troisième pays au monde à mettre en orbite un satellite de télécommunications. RIM est un chef de file mondial en matière de technologie des télécommunications. Alors pourquoi le gouvernement canadien affirme-t-il que la seule façon pour les Canadiens et les Canadiennes de profiter de nouvelles technologies c'est de s'adresser à d'autres pays?
Dans le fond, le problème, c'est que les fournisseurs réglementés de services de télécommunications du Canada n'ont pas eu à innover pour réduire leurs prix parce que la Loi sur les télécommunications n'oblige pas le CRTC à réglementer dans l'intérêt public.
En tant que pays avancé, fondé sur la règle de droit et doté d'une main-d'oeuvre instruite, le Canada est manifestement intéressant pour les investisseurs étrangers. De plus, son économie est stable grâce à un système bancaire hautement réglementé et fort apprécié. Il est clair que la réglementation a fait ses preuves dans le secteur financier.
Qui protégera les Canadiens contre les problèmes propres aux oligopoles? Qui verra à la protection de la vie privée? À la sécurité nationale?
Ainsi, mardi dernier, vous vous êtes fait dire que la Loi canadienne sur la concurrence empêchera les grandes sociétés étrangères d'acquérir les entreprises de télécommunications canadiennes et de dominer le marché. Mais cette loi n'a pas eu beaucoup de succès au pays. En effet, elle n'a pu stopper les câblodistributeurs canadiens de faire mainmise sur leurs concurrents: ainsi, seulement cinq entreprises décident du prix que 90 p. 100 des abonnés ont à payer. Par ailleurs, ni la Loi sur la concurrence ni la Loi sur la radiodiffusion n'ont pu empêcher Jim Shaw Sr. et Ted Rogers de convenir, un beau soir il y a 10 ans, de ne pas se livrer concurrence. Lorsque le CRTC ferme les yeux sur pareils agissements et ne publie aucune information sur ce que paient réellement les Canadiens en frais mensuels de câblodistribution et de téléphonie, il n'y a pas lieu de s'étonner que les prix montent allègrement. Du coup, le secteur est encore plus alléchant aux acheteurs de l'étranger.
La commissaire à la protection de la vie privée a déjà fait une mise en garde: dès que les données quittent le Canada, le contrôle de celles-ci relève des autorités qui les détiennent et non plus des autorités canadiennes. Et même si une entreprise étrangère établie au Canada doit observer la Loi canadienne sur la protection des renseignements personnels, qu'est-ce qui empêche la société-mère de communiquer les renseignements personnels des Canadiens au gouvernement de son pays? Qui de nous sait, par exemple, que la législation américaine permet notamment aux entreprises américaines d'obtenir des renseignements auprès des entreprises de télécommunications à l'étranger?
Mais disons que l'accès aux nouvelles technologies et la possibilité d'obtenir des tarifs téléphoniques plus bas sont plus importants que la vie privée, les oligopoles et la sécurité nationale. Plus personne ne partage la technologie maintenant. Aujourd'hui, les contrats d'investissements étrangers régissent précisément la quantité d'information que les entreprises étrangères communiquent aux Canadiens. Pour ce qui est des nouveaux projets de recherche et de développement réalisés par les entreprises étrangères au Canada, les consommateurs pourraient un jour en bénéficier, mais ce sont les entreprises étrangères, et non les Canadiens, qui détiennent les droits de brevet sur ces technologies. Les recettes provenant de ces inventions quitteront le pays et ne pourront pas appuyer de nouveaux investissements et des innovations ici.
N'oublions pas que toute politique industrielle adoptée par le gouvernement doit non seulement tenir compte des tarifs et de la valeur actionnariale, mais aussi être axée sur les possibilités d'emplois pour les Canadiens. Depuis 1999, toutes les fusions importantes dans l'industrie de la radiodiffusion au Canada sont financées par des mises à pied — il y en a eu près de 9 000 jusqu'à maintenant. Peut-être que ce sera différent dans les télécommunications, mais c'est difficile à dire parce que les données du CRTC au sujet des tendances dans le domaine de l'emploi sont très difficiles à trouver.
Mais supposons que nous permettons à AT&T d'acheter Telus. Si l'économie américaine perdait du terrain, pourquoi AT&T ignorerait les économies qu'elle réaliserait en supprimant des emplois au Canada?
Michel, c'est à vous.
:
Je vais continuer en français.
[Français]
Le Canada est une anomalie aux yeux des économistes. Ils n'aiment pas les territoires vastes et peu peuplés. Ils croient que les gens qui habitent à l'extérieur des grands centres devraient payer pour ce privilège et que les politiques à l'appui des régions rurales du Canada sont incongrues. Nous ne sommes pas d'accord avec eux, pas plus que les Canadiens et les Canadiennes qui ont la grande chance d'habiter nommément à Erin, Nipissing ou Chicoutimi.
Toutefois, soyons clairs. Encourager la propriété étrangère de nos entreprises de télécommunications étalera ces questions difficiles au grand jour et montera les habitants des régions rurales contre les citadins et vice-versa. Il va sans dire qu'il est plus facile de desservir des pays très peuplés tels la Corée ou le Japon, mais la Chambre des communes s'est toujours fait un point d'honneur de veiller à ce que les Canadiens et les Canadiennes, où qu'ils soient, puissent obtenir les services de communications dont ils ont besoin, et ce, malgré les cinq fuseaux horaires.
Que dire du spectre en télécommunications? Les licences détenues par les entreprises de télécommunications et de radiodiffusion sont une autorisation temporaire d'utiliser ce spectre qui appartient au public canadien. Cependant, l'an dernier, la Cour suprême du Canada a édicté que les réalités commerciales faisaient des licences un type de propriété sujet à une saisie advenant une faillite. Si nous permettons aux étrangers de s'approprier les entreprises de télécommunications canadiennes, en sommes-nous, par inadvertance, à leur concéder la propriété du spectre canadien? Nous ne prétendons pas connaître la réponse à cette question pointue qu'il faudra certes régler avant d'autoriser la propriété étrangère.
Enfin, vous avez certainement entendu qu'il ne sera pas évident, voire impossible, de démêler l'écheveau des filières des télécommunications et de la radiodiffusion. La domination étrangère dans notre système de communications, de radiodiffusion et des télécommunications ne manquera pas de menacer la souveraineté intérieure et culturelle du Canada, ainsi que la sécurité nationale. Nous représentons des milliers de gens du milieu des nouvelles et de l'information. Aussi, sommes-nous particulièrement préoccupés par les conséquences éventuelles sur le contenu des médias d'information au Canada. La propriété étrangère influera sur le style et le fond des informations ainsi que sur la programmation.
Par exemple, l'an dernier, le CRTC a demandé à la Cour d'appel fédérale de déterminer si les fournisseurs de services Internet sont des radiodiffuseurs ou des fournisseurs de services de télécommunications. Nous attendons toujours sa décision. Bien qu'il soit interdit, aux termes de l'article 36 de la Loi sur les télécommunications, aux entreprises de télécommunications de régir le contenu des télécommunications qu'elles acheminent, le CRTC permet aux fournisseurs de services Internet d'en contrôler le contenu dans des conditions précises. Les fournisseurs américains de services sans fil sont déjà à censurer les messages textuels pour des raisons politiques ou commerciales. Doit-on soupeser le droit constitutionnel à la liberté d'expression et à la réduction des tarifs des téléphones cellulaires? De toute manière, saurons-nous s'il y a censure du contenu?
En guise de conclusion, permettez-nous de réitérer nos propos d'introduction: le SCEP est tout à fait en faveur d'un système de communications robuste, sain et novateur. Nous vous soumettons que ce comité doit, avant de recommander la mise sous contrôle étrangère de ces systèmes, retenir les preuves irréfutables qui expliquent pourquoi les tarifs de télécommunications sont restés élevés malgré la déréglementation et la concurrence accrue, et partant, que la propriété étrangère entraînera une baisse de ces tarifs. Deuxièmement, il faut faire la preuve que la cession, par les entreprises canadiennes, à des intérêts étrangers de notre système de télécommunications va dans le sens des intérêts socioéconomiques des Canadiens et Canadiennes. À notre avis, ces preuves n'existent pas.
Nous sommes d'accord avec d'autres témoins pour dire que le Canada a de nouvelles lois relatives aux communications afin de fusionner les lois sur les télécommunications, les radiocommunications et la radiodiffusion et, notamment, de contraindre l'organisme de réglementation fédéral à travailler dans l'intérêt du public.
Par conséquent, avant que le gouvernement ne change les niveaux d'investissements étrangers dans ce secteur complexe, il devrait d'abord créer un ministère des communications chargé de lui fournir des données fiables et des analyses incontestables ainsi que de mener des recherches impartiales pour répondre aux questions que nous avons soulevées.
Dans l'avenir, le Canada aurait besoin de lois solides pour protéger les intérêts du pays et de ses citoyens, et non seulement les intérêts de quelques grandes multinationales et de leurs actionnaires. Les Canadiens et Canadiennes qui ont conçu et financé notre infrastructure des communications nous ont légué un système de communications qui a fait l'envie du monde entier pendant des décennies. Les Canadiens et Canadiennes possèdent toujours les talents et les connaissances voulus pour améliorer le système actuel de communications. Nos facultés de génie, de techniques et de commerce sont inégalées. Au Parlement maintenant de s'assurer que les entreprises canadiennes font appel à ces talents, à ces connaissances et à ces études pour améliorer leur performance et notre système de communications.
Nous avions d'autres informations à vous donner, mais nous avons limité notre présentation à cinq ou sept minutes. On nous a dit ce matin que nous disposions de dix minutes. Alors, nous nous excusons. Nous aurons d'autres exemples concrets à donner ultérieurement aux membres du comité.
Je vous remercie.
:
Bonjour, monsieur le président, membres du comité.
Mon nom est Alain Pineau, et je suis le directeur général de la Conférence canadienne des arts. À mes côtés, il y a M. Garry Neil, président de Neil Craig Associates, notre conseiller en matière de propriété étrangère. La CCA est le plus ancien et le plus vaste organisme parapublic du secteur des arts, de la culture et du patrimoine au Canada. Elle a pour mandat de contribuer à un débat informé sur toute politique ou réglementation relevant du palier fédéral qui touche à ce vaste secteur d'une façon ou d'une autre.
Nous vous remercions de nous donner l'occasion d'intervenir dans l'étude que vous faites des règlements concernant les intérêts étrangers dans les télécommunications. Il s'agit là d'une question d'importance primordiale pour la culture canadienne en général, bien au-delà des enjeux spécifiques du secteur de l'audiovisuel. À cause de la convergence des technologies et de la concentration de la propriété, le secteur canadien des télécommunications et celui de la radiodiffusion sont en fait les deux faces d'une même réalité. Télécommunication, distributeurs par câble et satellite, diffuseurs traditionnels sont de plus en plus la propriété des mêmes groupes d'intérêt qui se font concurrence sur les mêmes terrains, dont celui d'offrir l'accès à des contenus culturels, et de plus en plus d'ailleurs.
[Traduction]
C'est pourquoi nous croyons qu'il est pratiquement impossible de modifier les règles de propriété étrangère dans le domaine des télécommunications et de protéger la radiodiffusion des conséquences de cette mesure. Permettre le contrôle par des intérêts étrangers des satellites et des télécommunications n'a qu'un effet: entraîner une réaction en chaîne et faire en sorte que des intérêts étrangers deviennent propriétaires des radiodiffuseurs et des entreprises de câblodistribution.
Certaines grandes entreprises canadiennes oeuvrent dans ces domaines, et elles appliqueraient une pression énorme sur les décideurs pour rendre les règles du jeu plus équitables, comme nous le savons, avec leurs concurrents et leur permettre d'obtenir des investissements étrangers aux mêmes conditions. Comment serait-il possible de refuser à un protagoniste l'accès à des investissements étrangers qui sont accordés à son principal concurrent? Nous savons ce qui s'est passé avec Globalive. Où pouvons-nous séparer les intérêts embrouillés de BCE, de Rogers, de CTVglobemedia, de Telus, de Shaw ou, en particulier, de Quebecor?
Ça fait longtemps qu'on reconnaît au pays que les forces du marché à elles seules ne suffisent pas à donner accès à suffisamment de choix de haute qualité aux Canadiens dans tous les médias et que nous devons avoir des politiques et des règlements publics afin d'atteindre ces objectifs. Pour que le Canada soit propriétaire de ses industries culturelles et exerce un contrôle efficace sur elles, il doit comprendre qu'il est beaucoup plus facile de régir des entreprises appartenant à des intérêts canadiens que des entreprises étrangères — bien qu'on ne soit pas champion dans le domaine.
L'absence de réglementation appropriée dans l'industrie du cinéma illustre le mieux les incidences de la propriété et du contrôle par des étrangers de l'industrie culturelle. Puisque la politique sur la distribution cinématographique ne permet pas d'établir de distinction claire entre les droits de distribution du marché canadien et ceux du marché nord-américain pour la plupart des grands distributeurs, les distributeurs étrangers ont la mainmise sur la plus grande partie des activités de distribution au Canada. Les films étrangers — c'est-à-dire les films américains — occupent plus de 98 p. 100 du temps d'écran sur le marché du Canada anglais. La situation est un peu moins pire dans les cinémas du Québec, pour des raisons évidentes.
C'est un exemple éloquent d'une industrie culturelle contrôlée par des intérêts étrangers qui exclut impunément du marché les biens et services culturels canadiens, dans un contexte politique faible ou inefficace. Les produits culturels ne sont pas des produits comme les autres, comme nous l'avons déjà dit. Ce fait a été reconnu par le gouvernement du Canada lorsqu'il a demandé et obtenu la clause d'exemption culturelle dans l'ALENA. Le fait que les produits culturels jouent un rôle important dans la définition de l'identité canadienne explique également pourquoi le Canada reste un promoteur clé de la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Depuis quelques décennies, le principe directeur de la politique culturelle canadienne est que le fait que le Canada soit propriétaire de ses industries culturelles et en assure un contrôle efficace lui permet d'offrir plus de produits canadiens à ses citoyens. Les Canadiens sont mieux positionnés que les étrangers pour raconter leurs histoires et présenter leur vision du monde en fonction de leurs valeurs. Les statistiques appuient cette idée. On doit aux entreprises appartenant à des intérêts canadiens la production extrêmement importante des créateurs artisans canadiens, même si elles ne possèdent qu'une petite part du marché national.
Il vaut la peine de noter que le Canada interdit actuellement les investissements étrangers dans les services de radiodiffusion et de télécommunications canadiens. Il empêche simplement les ressortissants étrangers de contrôler les services. Il n'y a également aucune preuve à l'effet que le manque d'investissements étrangers puisse nuire à l'une de ces industries.
Garry, c'est à vous.
D'autres ont expliqué les liens qui existent entre les entreprises de câblodistribution et de télécommunications du Canada. Tous les gros joueurs offrent maintenant des services de téléphonie résidentielle et cellulaire, de radio, de télévision et Internet. Chez les radiodiffuseurs et les entreprises de câblodistribution du Canada, tous les gros joueurs ont des services qui produisent, acquièrent et programment des films et des émissions de télévision.
Nous n'avons pas le temps d'étudier en détail les incidences commerciales à l'échelle internationale de l'ouverture de nos règles en matière de droits de propriété étrangers. Cependant, nous sommes très préoccupés par les incidences de l'ALENA — en dépit de la prétendue exemption culturelle —, plus particulièrement du chapitre 11, qui donne aux investisseurs étrangers le droit de poursuivre le gouvernement du Canada et de demander une compensation pour les actions du gouvernement. Cela concerne les organismes de réglementation comme le CRTC qui, selon les investisseurs, viole les droits qui leurs sont consentis en vertu de l'ALENA.
Alors, par quoi sommes-nous préoccupés?
Premièrement, en ce qui a trait à l'ALENA en général, précisons que la portée de la prétendue exemption culturelle se limite aux industries culturelles qui existaient déjà au moment de sa création. Il est important de mentionner que le secteur des nouveaux médias, comme la télévision interactive et les jeux informatisés, n'était pas inclus.
Deuxièmement, les droits figurant au chapitre 11 pourraient s'appliquer de deux façons. Si les règles liées aux télécommunications étaient modifiées, une entreprise étrangère qui a décidé d'investir dans une entreprise canadienne de radiodiffusion ou de câblodistribution pourrait conclure un marché qui refléterait les nouvelles règles de télécommunications. Si le CRTC l'empêchait de s'exécuter, elle pourrait contester le chapitre 11 en invoquant le fait qu'elle a été traitée injustement par rapport à un concurrent direct qui oeuvre sur le même marché.
Si les entreprises étrangères avaient la permission d'entrer, ou de forcer leur entrée, dans le système de radiodiffusion du Canada, les règles et les règlements actuels en matière de production et de distribution du contenu canadien pourraient être viables pourvu que l'entreprise étrangère arrive sur le marché une fois ces règles en vigueur. Mais si le CRTC ou le gouvernement voulait mettre ces règles à jour pour tenir compte d'un nouvel environnement, l'entreprise étrangère qui oeuvre au Canada pourrait avoir une cause d'action en vertu du chapitre 11.
La Conférence canadienne des arts continue de croire que certaines exigences réglementaires devraient s'appliquer à toutes les plates-formes en ce qui concerne la production et la diffusion des programmes canadiens. Si une politique de ce genre était adoptée, elle pourrait ne pas être viable pour les entreprises appartenant à des intérêts étrangers.
Bien sûr, d'autres raisons justifient le maintien des restrictions actuelles en matière de propriété. Je laisserai le soin à d'autres de parler des menaces à la souveraineté du Canada et vous ferai simplement remarquer que la plupart de nos principaux partenaires commerciaux, y compris l'Union européenne et les États-Unis, imposent également des restrictions relativement aux droits de propriété étrangers, en particulier dans le domaine de la radiodiffusion. Ce secteur est considéré comme étant d'intérêt national vital. Si on assujettit l'infrastructure des communications canadienne aux droits de propriété étrangers et au contrôle par des intérêts étrangers, on court le risque que ces derniers nous dictent comment utiliser cette infrastructure. Ce point a été présenté clairement en plusieurs occasions au cours du siècle dernier.
Alain, c'est votre tour.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord tous vous remercier d'être venus exprimer votre opinion sur ce sujet extrêmement important. Votre avis nous importe beaucoup et je veux vous rassurer que, pour mon parti, la souveraineté culturelle de notre pays n'est pas négociable. Il est absolument essentiel que nous protégions notre culture ici, au Canada. Je suis très content que le projet de loi portant sur la radiodiffusion ne soit pas sur la table aujourd'hui ou au cours des mois à venir.
[Traduction]
J'ai une question qui s'adresse à vous tous. Ces derniers temps, il y a une hypothèse très répandue voulant que les Canadiens n'aient pas un accès suffisant — et je parle ici surtout des nouveaux médias, par opposition aux médias traditionnels — et qu'ils n'aient pas suffisamment accès à l'information qu'ils veulent obtenir. Ils ne peuvent pas l'obtenir au prix qu'ils voudraient payer. Ils n'ont pas assez de choix à leur goût. Ils n'ont pas non plus la vitesse de connexion désirée sur Internet.
Vient ensuite la théorie selon laquelle on peut résoudre le problème parce qu'il est dû à un manque de concurrence. Logiquement, l'argument qui suit dans ce raisonnement est que l'on peut augmenter la concurrence en augmentant les investissements étrangers; nous devrions donc envisager de faire plus de place aux intérêts étrangers pour aller chercher ce capital extérieur.
Bien entendu, toute la question est devenue d'actualité à cause de la récente affaire de Globalive. Le gouvernement a décidé de renverser la décision du CRTC et a jugé que Globalive satisfaisait aux exigences canadiennes, décision qui, à mon avis, a pour ainsi dire changé unilatéralement les règles sur les intérêts étrangers. Il ne fait aucun doute que le gouvernement veut examiner la question des investissements étrangers. Le discours du Trône ne comportait pas d'ambiguïté à ce sujet.
Que pensez-vous de l'hypothèse que je vous ai soumise, à savoir que les Canadiens veulent davantage, qu'ils croient que la concurrence serait bénéfique et que cette même concurrence nécessite des intérêts étrangers? Voyez-vous un problème avec cette solution?
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
:
Je viens moi-même de chez Bell. Il y a plusieurs hypothèses dans ce que vous avez dit, mais chose certaine, le SCEP s'oppose depuis plus de 35 ans à la levée des restrictions en matière de politique étrangère. On parle ici de Vidéotron, Bell et Telus, mais Bell et Vidéotron sont ceux que je connais le plus pour ce qui est de la modernisation de leur réseau et de l'accès à Internet à très haute vitesse, notamment. Ces compagnies ciblent toujours les grands centres.
Vous demandez si la concurrence serait plus profitable pour les Canadiens et Canadiennes. Ce serait peut-être le cas dans de grands centres comme Montréal, Toronto et Vancouver. Les abonnés seraient mieux desservis. Par contre, dans les couronnes adjacentes à ces grands centres ou un peu plus loin, dans les zones rurales, on se bat depuis des années pour obtenir l'universalité et l'accessibilité au même prix. Il en coûte beaucoup plus cher de desservir les secteurs ruraux parce que l'installation des réseaux dans ces régions est extrêmement dispendieuse.
Je pense que tous les intervenants ici n'ont pas de difficulté avec la concurrence canadienne telle qu'elle est présentement. Comme vous l'avez mentionné, le gouvernement a décidé de renverser la décision du CRTC, que nous croyions appropriée. C'est ce qui nous fait peur. L'entrée de Globalive en tant que joueur sur le marché du cellulaire ouvre tout grand la porte. Comme on l'a dit dans les médias:
[...] le gouvernement vient de permettre à la propriété étrangère d’entrer au Canada au-delà de ce que prévoit la loi. Toute société étrangère qui se trouve un « front » peut maintenant entrer au pays en répliquant le modèle.
On parle ici du modèle de Globalive. Cette compagnie est quand même un petit joueur en matière de communications, mais si la restriction sur la propriété étrangère était levée et que des compagnies comme AT&T, Verizon, Deutsche Telekom ou Nippon Telegraph and Telephone décidaient par le fait même de venir au Canada, elles pourraient acheter d'un seul coup Bell, Telus et Vidéotron. Par qui la clientèle canadienne serait-elle alors servie? Qu'adviendrait-il des emplois au Canada dans ce domaine? Bien sûr, le service direct à la clientèle demeurerait ici. On ne pourrait pas envoyer des techniciens et leur camion en Inde ou au Japon. Par contre, tous les emplois administratifs seraient transférés ailleurs.
Voici le meilleur exemple que je puisse vous donner. Comme je l'ai dit plus tôt à M. le président, nous représentions les employés de la compagnie Teleglobe, qui a été achetée par Tata Communications, une compagnie indienne. Or 80 p. 100 des emplois des membres que nous représentions ont été transférés en Inde. Il est clair que si on permet aux compagnies étrangères d'investir ce marché, ça va non seulement constituer une menace pour tout ce que nous avons mentionné dans notre présentation, mais ça va aussi faire en sorte que les emplois soient transférés ailleurs. C'est ce qui nous inquiète.
:
Monsieur Garneau, je voudrais répondre à votre question sur l'hypothèse. Je ne sais pas si c'est ce que veulent les Canadiens, mais je peux vous dire que j'ai trouvé ceci sur la page du
Citizen aujourd'hui — c'est une annonce du nouveau service WIND. Ça se vend très bien auprès de la population canadienne qui trouve, qu'en effet, les télécommunications leur coûtent trop cher.
Ainsi, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans le système. Cela dit, ce n'est pas la solution, à notre avis. C'est autre chose. La concurrence, c'est un élément du problème. La réglementation, c'est l'autre.
Les lois du marché ne répondent pas souvent aux attentes quant au bien commun, malgré ce qu'on en pense. Le bien individuel, oui, mais le bien commun, non. Une nation se définit selon les biens communs qu'elle poursuit généralement par réglementation. C'est ce que le Canada a fait. De plus, ce que M. Ouimet a dit plus tôt est épouvantable, parce qu'on était des leaders mondiaux en télécommunications. Quand j'étais petit gars, c'était un de nos fleurons, ainsi que la vente du fer de l'Ungava. Le fer de l'Ungava, je ne sais pas où il est rendu, mais je sais où vont nos cerveaux, où va notre créativité, c'est à l'étranger, non pas ici. On regarde la société du savoir, de la créativité et on vend nos entreprises créatives. Je ne comprends pas. C'est pour ça que je vous dis qu'il ne faudrait pas que le satellite soit le premier doigt dans le dike.
:
Merci, monsieur le président.
Mesdames, messieurs, bonjour. Nous sommes ici à la suite de la décision du gouvernement de renverser la décision du CRTC pour permettre à Globalive, c'est-à-dire à des intérêts étrangers, de s'installer. Les syndicats ont dit à l'époque: « En termes clairs, cette décision est illégale et constitue un affront à la démocratie canadienne. »
En effet, aucune loi n'a été changée, mais on n'a pas tenu compte d'une décision du CRTC ni de la volonté du Parlement et des parlementaires. En plus, dans le discours du Trône, on le disait clairement: on veut des intérêts étrangers dans les télécommunications. La mise en oeuvre du budget fait des modifications à la loi et permet aux compagnies étrangères d'acquérir les satellites. Donc, contrairement à ce que disait M. Garneau, plus tôt, il est clair que le gouvernement a l'intention, en pratique, de vendre à des intérêts étrangers le contenu en même temps que les équipements.
De quelle façon la propriété étrangère pourrait-elle mettre en danger la souveraineté sous toutes ses formes, y compris culturelle, ainsi que la sécurité? Le gouvernement dit clairement que c'est pour la concurrence et pour créer plus d'innovations. Croyez-vous qu'il serait possible d'avoir, dans le contexte actuel, une saine concurrence et, si oui, comment? De quelle façon peut-on poursuivre, maintenir et même augmenter l'innovation avec des intérêts strictement canadiens, et permettre en plus l'accès à l'ensemble de la population régionale?
:
Tout d'abord, j'aimerais dire à M. Garneau que si les questions de coût, de vitesse, de choix, d'information, etc., le turlupinent, il n'a qu'à regarder les annonces ou à lire les comptes rendus des assemblées générales de toutes les grandes entreprises pour constater qu'elles ont déjà répondu à ces questions de base. Regardez les annonces: on y offre la vitesse, le choix, et j'en passe. Je crois donc que les entreprises qui, à votre avis, pourraient profiter des intérêts étrangers auraient cette réponse à faire aux actionnaires et aux consommateurs: elles suffisent à la demande pour l'instant.
Quant aux préoccupations sur le mélange qui pourrait résulter de la propriété étrangère, tout particulièrement dans le secteur de la radiodiffusion, je n'embarquerai pas dans le fouillis que sont les télécommunications et la radiodiffusion. Je crois que la situation parle d'elle-même. Ici aussi, les annonces sont la meilleure façon de voir où Internet, la télévision et les télécommunications se croisent et se chevauchent. C'est là qu'on le voit.
Permettez-moi de vous donner un exemple qui illustre cette préoccupation. Disons que Fox News décidait d'acheter CTV ou avait assez de poids, grâce à ses investissements, pour prendre des décisions ou en favoriser certaines. Pourquoi Fox News ne demanderait-il pas s'il est vraiment nécessaire d'avoir un correspondant canadien et un correspondant américain à Jérusalem? Pourquoi ne demanderait-il pas s'il n'est pas suffisant de n'avoir qu'un seul correspondant là-bas? Et ne nous leurrons pas, ce correspondant unique serait Américain. Pourquoi a-t-on besoin d'autant de correspondants et de journalistes sur la Colline? Pourquoi avons-nous... Les nouvelles canadiennes prendraient une orientation bien déterminée, une véritable polarisation, ce qui n'est pas le cas au Canada à l'heure actuelle alors que c'est une réalité aux États-Unis.
Plus important encore est le fait que nous avons des points de vue bien distincts sur nos politiques nationales et nos politiques internationales, ce dont nous pouvons être très fiers à certains égards. C'est ce qui nous donne une stature importante dans le monde. Si on commence à laisser les intérêts étrangers dicter la forme que prendront nos émissions, nous nous retrouverons dans un sale pétrin.
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Je veux présenter trois points rapides. Le premier concerne les satellites et la propriété étrangère des satellites.
Permettez-moi de poser l’hypothèse suivante. Supposons que General Electric, qui est très engagée dans l’industrie du satellite partout au monde, fasse l’acquisition de Télésat ou d’une société de communications par satellite canadienne. L’un de mes arguments est que, dans un tel cas, elle pourrait avoir le droit — en vertu du chapitre 11 de l’ALENA — de contester les règles du gouvernement et du CRTC qui lui interdisent d’accorder la préférence à NBC Universal, parce que NBC est détenue par General Electric, et peut-être même d’accorder la préférence à Comcast, qui va bientôt sans doute devenir elle aussi la propriété de General Electric. Le chevauchement avec les autres est donc évident même dans le domaine du satellite, comme nous l’avons déjà dit.
En deuxième lieu, je ne comprends pas qu’on puisse dire que nous n’autorisons pas les investissements étrangers dans nos télécommunications. Orascom détient 65 p. 100 de l’avoir de Wind Mobile et a fourni la totalité de son financement par emprunt. Le CRTC a donné son accord, mais a ajouté que Orascom ne pouvait pas la contrôler en fait — comme elle le fait en réalité au moyen de son droit de veto et de ses droits de liquidité, qui lui permettent d’en contrôler fondamentalement l’orientation. Mais 65 p. 100 de participation et 100 p. 100 du financement par emprunt, cela ressemble fort à la propriété étrangère. S’il s’agit vraiment d’investissement et de concurrence, pourquoi en faut-il plus encore? C’est ce que j’essaie de faire valoir.
En troisième lieu — comme vous l’avez indiqué dans les excellentes questions que vous avez posées tous les deux et comme Maureen l’a dit plus tôt — c’est une question d’une grande complexité quand on commence à approfondir les choses et à étudier les questions de choix offert aux consommateurs et du prix que nous payons. Je déteste le coût élevé de mon BlackBerry, et mes collègues européens m’ont appris combien j’économiserais si mon fournisseur était européen. Mais dans tout cela, il ne faut pas perdre de vue la question fondamentale du contenu canadien, de la souveraineté canadienne et du droit de notre peuple de déterminer la nature du contenu culturel diffusé sur nos ondes.
Merci.
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Je voudrais répondre à la question de M. Cardin concernant les effets possibles sur notre souveraineté culturelle.
Pour mentionner brièvement ce qui semble être le thème de beaucoup des intervenants, la question est l’intégration de ces entreprises, qui est quelque chose de nouveau, et qui a beaucoup évolué depuis trois ans. Nous sommes sur le point d’assister à l’achat par Shaw Communications de Canwest, entreprise privée conventionnelle qui détient en fait la majorité de nos canaux spécialisés. Ce sera une incursion importante dans notre industrie.
Ce qu’il faut savoir au sujet de la radiodiffusion... et je sais que personne ici ne veut parler de radiodiffusion. J’aimerais parfois éviter le sujet moi aussi. C’est un peu le problème criant que personne ne veut regarder en face. Mais il faudra bien l’aborder, parce qu’il existe et qu’il est un aspect de cette situation. La radiodiffusion est une industrie difficile. J’ai peine à l’admettre, parce que je ne veux pas lui donner des armes, mais c’est une industrie difficile. Les marges de profit sont variables. Il faut acheter un contenu très coûteux sans savoir comment son marché l’accueillera. Les risques sont réels. Qui sait quelles émissions réussiront et quelles échoueront? Il faut quand même les réaliser, faire toute la R-D, assumer tous ces coûts.
La petitesse de notre marché pose des problèmes de recouvrement des coûts. Mais la difficulté ici est qu’il est impossible de s’en tenir uniquement aux télécommunications, parce que tout est intégré. Et la radiodiffusion est une industrie où les marges de profit sont minces. Vous devrez examiner tout cela et vous demander s’il est possible de garder toutes ces choses séparées. La radiodiffusion, c’est notre souveraineté culturelle, nos propres récits. C’est là que nous parlons de nous-mêmes, que nous apprenons au sujet de notre histoire et de nos valeurs, de nos communautés. C’est là où se trouve l’essentiel. Et c’est ce qui se trouve menacé si on accroît l'ouverture.
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Merci, monsieur le président.
Je crois que je vais commencer par mentionner un point de convergence entre nous.
Monsieur Pineau, il me semble vous avoir entendu admettre que la concurrence n’est qu’un morceau du casse-tête et que le règlement en est un autre. Je pense que, de notre côté, bien des gens seraient d’accord avec vous sur ce point. Je crois vraiment que nous devons trouver un équilibre, et c’est la méthode que le gouvernement a adoptée.
Il est certain que toute entreprise qui fonctionne au Canada doit le faire en vertu des lois canadiennes, il ne faut pas l’oublier. Dans notre pays, les lois sont sous notre contrôle, et toute entreprise étrangère qui fait affaire au Canada doit respecter les lois du pays dans tous les domaines, y compris la radiodiffusion.
J'ai entendu une foule d’arguments. Toutes sortes d’idées ont été lancées, dont l’une a retenu mon attention: la question du spectre. Pour éviter tout malentendu, précisons que nous accordons une licence pour l'utilisation du spectre et que c’est cette licence, et non le spectre lui-même, qui est le bien dans les affaires de faillite. L’utilisation du spectre doit obéir à la Loi sur la radiodiffusion et aux autres lois. Si un propriétaire étranger fait faillite, les ventes de spectre demeurent assujetties à la Loi sur Investissement Canada, aux processus d’examen des avantages nets sous l’angle de la sécurité nationale, et à tout ce genre de choses. J’apporte donc une clarification.
Je veux revenir à une question, liée à l’investissement étranger, dont M. Murdoch a parlé, je crois.
Vous avez dit que les consommateurs pourraient à un certain moment tirer parti de la nouvelle R-D réalisée par une entreprise étrangère au Canada, mais que ce seraient ces entreprises étrangères, et non les Canadiens, qui détiendraient les droits de brevet sur cette technologie.
Diriez-vous que le contraire est tout aussi vrai? Si une entreprise canadienne fonctionne dans un autre pays, les entreprises canadiennes pourraient-elles en tirer parti ? Oui ou non?
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Je suis conscient que nous investissons davantage qu’ils n’investissent ici. Je le sais bien. Mais je me permets d’observer que nous discutons de certaines industries à caractère essentiel, j’y reviendrai plus tard. Ces industries sont très particulières; il ne s’agit pas d’entreprises d’ameublement. Elles sont essentielles à notre identité nationale, à notre stratégie nationale, à notre sécurité. La nature même de ces entreprises est donc différente. Nous voulons les protéger peut-être plus que toute autre.
Le deuxième point est qu’effectivement les Canadiens pourraient tirer profit d’un brevet pris en Californie. Ce qui nous inquiète, dans cette industrie particulière, c’est qu’il existe parmi les propriétaires de brevets une sorte de caprice, si l’on veut, qui leur permet de décider à leur guise de vous laisser tirer profit ou non du brevet. Et il est évident que dans cette industrie, qui est absolument essentielle et qui a certainement connu une croissance sans égale depuis 10 ou 20 ans, cela pourrait devenir une question de sécurité nationale.
Ce que nous craignons, c’est que quelqu’un dise que oui, nous avons bien inventé cette chose à Orillia, mais tant pis, nous allons la garder au Wisconsin.
Les détenteurs de brevets ont donc le pouvoir de prendre cette décision — comme nous l’aurions nous aussi, vous avez parfaitement raison — mais vu le caractère essentiel de ces industries, nous estimons qu’elles doivent être tenues à l’écart de tels caprices.
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Mais je crois que le point essentiel est que les Canadiens en tireraient profit. J'ai l’impression qu'on sous-estime véritablement les entreprises canadiennes, leurs compétences, leur capacité de faire concurrence, et ça m’ennuie.
L’une des choses que nous avons entendues tout au long de ce ralentissement mondial, c’est que, parmi les pays développés, le Canada en sortira globalement en meilleure posture concurrentielle qu’au début. Quasiment tous les commentateurs le disent. La raison en est notre ouverture au commerce, notre ouverture à l’environnement mondial dans tous les domaines. Je crois que les télécommunications ne font pas exception.
Je vous assure que j’entends bien toutes vos préoccupations au sujet de la radiodiffusion. Toute entreprise qui fonctionne au Canada est assujettie aux lois canadiennes, qui sont sous notre contrôle. Mais nous ne pouvons pas flouer nos consommateurs — et il se trouve que les règles actuelles flouent ces consommateurs.
Il a été question de technologie dans les régions rurales. L’un des avantages de l’ouverture au commerce et à l’investissement, de ce partage international des connaissances, c’est qu’ils apportent de nouvelles technologies. La réponse aux problèmes d’accès rural à la radiodiffusion et à tout le reste réside en fait dans la technologie. Nos régions rurales seront mieux servies à mesure que nous améliorons l’accès à cette technologie.
Ici encore, je vous prie de ne pas remettre sur le tapis la question de la culture et de la radiodiffusion. Nous pouvons les protéger au moyen de nos lois actuelles...
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Attendez une minute, Alain.
Tout d’abord, nous ne sommes pas certains, au fait, que.... et vous avez raison, les commentateurs sont unanimes — notre pays, le ciel soit loué, sortira de cette récession en excellente position. J’ignore si c'est à cause de l’investissement étranger. Pour ma part, je crois que c’est parce que notre système bancaire est très bien réglementé et, l’on peut dire, plutôt conventionnel. C’est la réglementation qui a protégé notre monde financier.
Passons maintenant de la réglementation, et de ses avantages potentiels pour l’économie, aux télécommunications, où nous observons des marges de profit de 51 p. 100 dans la câblodistribution, des fortunes qui se bâtissent et des tarifs aux consommateurs entièrement déréglementés.
C’est la réglementation qui viendra à notre aide, et non l’investissement étranger.
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Comme vous appuyez le budget présenté par les conservateurs, il est facile de se méprendre...
Que vous l'appuyiez ou non, je ne sais pas; ça dépend.
Quoi qu'il en soit, fait intéressant dont on entend parler ici aujourd'hui, les Canadiens sont censés se réjouir des réductions d'impôts records accordées aux entreprises canadiennes. Le gouvernement est d'avis que nous devrions permettre l'ouverture à la propriété étrangère et que c'est acceptable. Et en cas de contestation, on fait valoir que les entreprises canadiennes investissent à l'étranger.
Donc nous sommes censés nous réjouir du fait que les entreprises canadiennes investissent outre mer et sur les marchés étrangers alors qu'elles ne le font pas pour les entreprises canadiennes et les emplois au pays. Ces investissements ne sont pas profitables à ma circonscription de Windsor-Ouest, où le taux de chômage officiel est de 15 p. 100, et qu'au total, il s'élève probablement à environ 25 p. 100. Nous sommes censés applaudir la position du gouvernement, qui estime qu'il est génial que les entreprises canadiennes investissent en Asie, en Europe et ailleurs — par exemple dans le Sud-Est et même au Michigan —, mais pas en Ontario et dans les environs.
Il y a un point sur lequel j'aimerais beaucoup entendre vos commentaires. À l'heure actuelle, les investissements faits à l'étranger ne sont soumis à aucune contrainte; le but est de détenir un bloc d'actions dominant. Je partage l'avis de certaines personnes avec qui nous avons discuté ici de la question du contenu. J'aimerais toutefois que nous parlions plus en détail de l'interdépendance d'Internet, de la télévision et même des ondes dans l'industrie. Nous avons vu apparaître une convergence, comme c'est le cas dans d'autres domaines. Prenons l'exemple du secteur du pétrole et du gaz naturel. La collusion n'est pas nécessaire parce qu'il n'y a pas de concurrence, étant donné l'interdépendance des échelons de l'industrie. Et c'est une source de préoccupations pour moi.
M. Wallace a dit tout à l'heure à la blague qu'il serait bien de réduire le nombre de reporters sur la Colline. Mais en même temps, nous...
Une voix: Bravo!
Des voix: Oh, oh!
M. Brian Masse: C'était une blague. Je ne dis pas ça pour critiquer M. Wallace, mais ce que je veux dire, c'est que les versions des faits et les intérêts seraient moins diversifiés et que la même chose se reproduirait. En tant que parlementaires, nous passons tous en revue les coups à notre actif. Si on se laisse emporter par une certaine chaîne, cette chaîne prend beaucoup d'ampleur, mais selon moi, il y aurait moins de discussions au sujet du contenu canadien parce que nous faisons tous partie de la même chaîne alimentaire.
J'aimerais donc que vous me parliez de cette interdépendance et des préoccupations qu'elle suscite parce que je crois que c'est important. Et j'aimerais qu'on aborde la question du contenu canadien.
Je m'appelle Solange Drouin. Je suis vice-présidente aux affaires publiques et directrice générale de l'ADISQ.
D'abord, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter et réfléchir avec vous sur l'importante question que vous avez entrepris d'étudier dans le cadre de votre mandat actuel.
Je vous le dis d'emblée, l'ADISQ est d'avis que la propriété étrangère est une pièce charnière du contexte relatif au développement de la chanson québécoise et canadienne. J'ajouterai peut-être quelques mots sur l'organisme que je représente.
L'ADISQ est une association professionnelle qui regroupe les producteurs de disques, de spectacles et de vidéos qui développent surtout la carrière des artistes canadiens de langue française, au Québec et à l'extérieur du Québec. Depuis plus de 30 ans, l'ADISQ remplit son mandat de mise en oeuvre d'un contexte législatif, réglementaire et financier qui favorise le développement de notre chanson. Nous ne tenons pas à la mesure de la propriété canadienne seulement par pure idéologie. Nous y tenons parce qu'elle a fait ses preuves depuis plus de 40 ans, je le rappelle. Les gens qui ont adopté ces mesures ont été très visionnaires et, dans le contexte actuel, j'espère vous convaincre qu'ils le sont encore.
Cette mesure de la propriété canadienne a été bonne pour les artistes, pour les entreprises et pour le Canada. Aujourd'hui, le secteur de la musique canadienne est performant et des entreprises sont prospères. Nous en sommes bien heureux. J'aimerais illustrer comment, dans notre secteur, nous entrevoyons le rôle qu'a joué la propriété canadienne. Les producteurs indépendants québécois, que je représente aujourd'hui, sont responsables de plus de 95 p. 100 de la sortie d'albums d'artistes de la chanson québécoise. Lorsque vient le temps d'acheter un disque, les québécois choisissent, plus de quatre fois sur dix, un disque d'un artiste québécois plutôt qu'un disque d'un artiste international. C'est un très beau succès que plusieurs marchés nous envient.
Toutefois, ce succès n'est pas le fruit d'une génération spontanée. Il a été rendu possible, bien sûr, par le talent des artistes, le dynamisme des entrepreneurs, mais aussi par un ensemble de mesures gouvernementales qui ont été établies durablement, qui ont produit leurs effets et qui les produisent toujours. En analysant l'ensemble des mesures gouvernementales, on comprend très bien pourquoi le Canada et le Québec ont été des champions de la mise en place de la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Sur le plan national, on croyait aux effets durables des politiques culturelles en place. Comme je le disais, une des pièces de résistance de notre succès a été, dans notre secteur, l'imposition de quotas par le CRTC aux stations de radio de langue française. Il s'agit d'un quota de 65 p. 100 de musique vocale de langue française, vous le savez, je l'espère.
Cette fenêtre nous assure un accès au public canadien, et permet aussi aux artistes de la chanson d'atteindre leur public. En effet, il ne faut pas dissocier l'acte de création de sa distribution. Pour nourrir la création, il faut se préoccuper du succès de la distribution de cette création; l'un ne va pas sans l'autre. Cette exigence de 65 p. 100 de musique vocale de langue française et de 35 p. 100 de contenu canadien, comme vous le savez aussi, a été rendue possible par le fait que le gouvernement pouvait exercer un contrôle sur des entreprises canadiennes. Évidemment, dans les faits, ça fait une différence, et aujourd'hui, les résultats dont je vous parlais sont possibles.
Dans le secteur de la musique, on a malheureusement eu un exemple éloquent de ce qui pourrait arriver aux exigences de contenu si la condition de propriété canadienne n'était pas présente. On a vécu cette expérience très récemment. En 2005, les entreprises XM Radio et Sirius Radio ont fait une demande au CRTC pour obtenir une licence d'exploitation de service sonore payant. Ces deux entreprises proposaient d'utiliser un satellite étranger pour diffuser leurs produits au Canada. Comme ce n'était pas permis, le CRTC a dû évaluer la possibilité d'utiliser un satellite étranger pour offrir un service de programmation. Le gouvernement a fait une entorse à son principe d'utilisation des satellites canadiens pour ce service. Qu'est-il arrivé? XM Radio et Sirius Radio ont malheureusement convaincu le CRTC qu'étant donné le manque de capacité du satellite étranger qui diffusait leurs produits aux États-Unis, le CRTC ne pouvait pas exiger qu'il y ait les niveaux de contenu francophones et canadiens qu'il aurait souhaité. Par conséquent, la décision qui a été rendue accordait des pourcentages de contenu francophone ridicules. Je répète ce que je disais à l'époque. Il ne s'agit que de 10 p. 100 de contenu francophone, alors que pour les stations de radio, par exemple, c'est 65 p. 100. Quand le CRTC a analysé ce genre de service il y a très longtemps en 1995 ou 1996, 25 p. 100 des canaux devaient être francophones.
À cause du manque d'espace sur un satellite qu'on ne contrôle pas, notre service canadien a l'air de ce qu'il a l'air. Il y a donc des contenus francophones ridicules et des contenus canadiens qui ne sont pas mieux.
Pour nous, c'est vraiment une illustration importante très pratique de ce que pourrait faire l'absence d'un contrôle canadien sur des services de programmation même avec une loi sur la radiodiffusion. Le principe de propriété, qu'on a fréquemment décrié dans le cadre de cette décision et pour lequel on n'a pas été entendus, nous dit qu'il faut vraiment contrôler l'ensemble de la chaîne des canaux de distribution pour vraiment arriver à nos fins et mettre en oeuvre notre politique.
Aujourd'hui, on le sait — et je serai très ouverte pour en discuter avec vous —, les canaux de distribution dont on parle se sont multipliés et se sont diversifiés. Le secteur de la musique — j'aimerais en parler, si vous m'en donnez l'occasion lors de la période des questions —, de la radio et des télécommunications vivent de grands bouleversements. Les TELCO sont maintenant des utilisateurs — on l'a dit, je n'insisterai pas là-dessus —, et les entreprises de distribution offrent des services de télécommunications, et ce n'est pas fini.
On tient des groupes d'étude comme le vôtre ou des commissions et on produit des rapports depuis plus de 15 ans. On ne vient pas de commencer à parler de convergence. J'étais là il y a 15 ans et on parlait de convergence au CRTC. J'étais à l'ADISQ, mais on en discutait au CRTC. La situation ne fait que s'accélérer à l'heure actuelle. Je suis un peu étonnée d'entendre aujourd'hui des gens qui nient cette convergence quand on en parle. C'est dans vos documents de groupes de travail et de groupes d'étude. Je suis un peu étonnée que cette convergence ne soit pas un état de fait pour tout le monde.
Dans sa sagesse, le gouvernement du Canada avait pris le soin d'élaborer des lois sur les télécommunications et la radiodiffusion en énonçant des politiques directrices dans chacun des secteurs. Celles-ci visaient évidemment la propriété étrangère, la souveraineté nationale et le contenu. La première étape selon moi, avant de faire ce que vous êtes en train de faire aujourd'hui qui est d'évaluer un aspect de cette politique, serait de revoir l'ensemble de ces politiques pour se demander si elles tiennent toujours la route, si elles sont désuètes aujourd'hui alors qu'elles ont été implantées, comme je le disais, il y a plus de 40 ans. Selon nous, la première vraie question serait de revoir l'ensemble de la politique et, par la suite, on pourrait peut-être voir si la propriété est le bon moyen. Vous arrivez avec un moyen avant d'avoir analysé si on doit changer quelque chose. Dans le cas des politiques de télécommunications et de la radiodiffusion, il n'y a rien à retirer. Elles ont été bien pensées. Vraiment, il y avait au sein du gouvernement des gens plus intelligents que nous il y a 30 et 40 ans.
Alors que la convergence devrait, à notre avis, faire en sorte que ces politiques directrices se cumulent dans le cas des entreprises qui cumulent des fonctions, certains prétendent que la convergence devrait faire disparaître les politiques. Selon eux, plus une entreprise assume des fonctions différentes, moins elle a d'obligations envers la société canadienne. C'est assez surprenant d'entendre cela. Avec respect, nous vous affirmons que c'est tout à fait le contraire qui devrait se produire.
En conclusion — je sais que j'ai probablement presque terminé —, j'aimerais revenir sur un élément et l'objectif qui ont été repris ici. Il s'agit de poursuivre sur le fait que les consommateurs ont droit à de meilleurs services et aux prix le plus bas possible. C'est un objectif fort louable, comme le disait précédemment Maureen Parker.
J'aurais six pistes de réflexion pour vous, et voici la première. Selon moi, ce n'est pas une idéologie qu'on doit poursuivre aveuglément, en ce sens qu'elle ne doit pas être la seule qui commande nos analyses de dossiers. En effet, si on donnait aux consommateurs ce qu'ils veulent, ce serait 0 $ pour le meilleur des services. Comme le disait un ami français récemment, pour mon steak frites, je veux payer 0 $. Et c'est ce que veulent les consommateurs. Cela ne peut pas être la seule.
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Deuxièmement, avant de conclure que le Canada est mal servi, je vous invite à relire le Rapport de surveillance des communications du CRTC, de 2008, qui ne porte plus dans son titre les noms de « télécommunications et radiodiffusion » depuis 2008, mais « communications ». Cela doit vouloir dire quelque chose. Dans ce rapport, on constate que le Canada sous certains aspects n'est pas le premier de classe, mais que sous les autres, il se présente très bien. Donc, avant de conclure que le Canada est vraiment très mauvais en matière de télécommunications, je vous invite à faire de grandes nuances.
Troisièmement, en matière de télécommunications, les règles du jeu ont changé. C'est vrai qu'on est parti d'un monopole, mais maintenant, vous le savez, il y a eu un encan des fréquences: de nouveaux joueurs vont apparaître sur le marché — ils apparaissent déjà, qu'on les conteste ou non. Ça va changer le paysage. Il faudrait peut-être attendre de voir comment les choses vont changer avant de changer autre chose.
Quatrièmement, j'aimerais aborder la question des pourcentages des capitaux étrangers. Lorsqu'on vous écoutera de Montréal, quand les gens des télécommunications vont se présenter devant vous, je serais très heureuse d'entendre plusieurs questions de votre part sur le pourcentage de capitaux étrangers qu'ils ont déjà dans leur entreprise. Je vous parie qu'ils n'ont pas encore fait le plein des capitaux étrangers ainsi que le prévoient les mesures du CRTC, ainsi qu'on leur permet, soit les 20 p. 100 et 33 p. 100 des holdings. Posez-leur, s'il vous plaît, cette question parce que nous ne pouvons pas avoir ces réponses. Faites en sorte qu'ils vous répondent.
Finalement, quant au fait de devoir diminuer les prix pour les consommateurs, je vous demande de regarder du côté des marges bénéficiaires de ces entreprises. En 2008, ces marges atteignaient 46 p. 100 pour leurs opérations de téléphonie sans fil.
D'abord, ils demandent des capitaux étrangers. Pourtant, j'imagine qu'avec 46 p. 100 de profits, ils doivent avoir un peu d'argent en banque et peut-être de l'argent pour investir. Alors, ont-ils réellement besoin de capitaux étrangers?
Ensuite, pourquoi n'y a-t-il pas un retour aux consommateurs si ces marges bénéficiaires sont si élevées? Je ne suis pas habituée dans mon milieu de vivre avec des entreprises qui ont 46 p. 100 de marges bénéficiaires, parce que cela n'existe pas.
Finalement, pour les nouveaux entrants, cela signifie sûrement que pour des entreprises canadiennes qui n'y ont pas encore pensé, il y a beaucoup d'argent à faire dans ce secteur et ce serait bien d'y investir.
Bonjour à vous, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Ferne Downey, actrice et présidente nationale d'ACTRA. Stephen Waddell, notre directeur général national, m'accompagne aujourd'hui.
Je tiens à vous remercier de nous recevoir aujourd'hui et de nous donner l'occasion de parler au nom des 21 000 artisans du cinéma, de la télévision, du son, de la radio et des médias numériques qui habitent et travaillent aux quatre coins de notre pays.
Les artisans professionnels du Canada considèrent qu'il est essentiel que ce soient des Canadiens qui possèdent nos industries culturelles pour que nous soyons autonomes non seulement sur le plan culturel, mais aussi sur le plan économique.
Nous croyons ici que c'est une erreur de croire que l'assouplissement des règles applicables à la propriété étrangère dans le domaine des communications n'aura pas de répercussions néfastes sur la culture canadienne.
Comme il y a de plus en plus de fusions d'entreprises et que la technologie évolue rapidement, le monde de la diffusion et des télécommunications converge à grande vitesse. Quand on parle d'interdépendance à tous les échelons, on fait allusion aux entreprises de téléphonie qui possèdent des intérêts dans le domaine de la câblodistribution, de la diffusion et des signaux par satellite, et des entreprises de câblodistribution qui possèdent des intérêts dans le domaine des télécommunications, des satellites et de la diffusion. De plus, le contenu est présenté aux Canadiens via tous ces moyens de diffusion. Les entreprises de télécommunications et les fournisseurs de services Internet deviennent réellement des diffuseurs. On ne peut plus les dissocier.
Si les intérêts que possèdent Rogers, Telus et Bell dans les télécommunications sont vendus à des investisseurs étrangers, non seulement nous n'aurons plus la main mise sur nos industries de télécommunications et de satellites, mais nous serons aussi à deux doigts de céder entièrement le contrôle sur notre industrie de diffusion et nos médias. Selon moi, ce serait une catastrophe.
Les entreprises canadiennes de diffusion sont un bien public. Leurs activités sont essentielles au bon fonctionnement de notre démocratie et au maintien de notre identité culturelle, qui est unique au monde. Le contenu diffusé façonne nos opinions, notre perspective sur notre communauté, notre nation, notre monde et notre identité à chacun. Nos médias sont trop influents, trop précieux et trop intimement liés à notre identité pour que nous les laissions aux mains d'investisseurs étrangers.
La culture américaine exerce déjà une très grande influence sur nous. Nous avons peine à convaincre les grands cinémas à diffuser nos films et nous devons sans cesse nous battre pour que les diffuseurs privés canadiens présentent nos émissions aux heures de grande écoute. Notre culture ne peut pas survivre, et encore moins prospérer, si l'horaire de la programmation présentée aux heures de grande écoute est déterminé par des cadres de la NBC Universal du travail à Los Angeles.
Pour pouvoir dire que nous avons une saine démocratie, il faut que la programmation soit variée et que les opinions exprimées dans les journaux soient diverses. Et c'est impossible si toutes nos salles de presse se trouvent à New York, à Washington et à Chicago. Comment saurons-nous alors ce qui se passe dans nos collectivités? Comment ferez-vous, vous qui avez été élus, pour communiquer avec vos électeurs et en apprendre à leur sujet?
Nous estimons que les Canadiens méritent d'être entendus, et faire connaître et saluer ce qu'ils ont à dire. Il ne faut pas ouvrir la porte à la propriété étrangère ni forcer ces voix à se taire.
Je vais maintenant demander à Stephen Waddell de parler plus en détail des répercussions néfastes de l'ouverture de l'industrie des télécommunications à la propriété étrangère.
Le désir de renforcer nos entreprises de télécommunications et de radiodiffusion, d'en faire des acteurs sur la scène mondiale, d'être en mesure d'attirer les meilleures idées, de promouvoir l'innovation et d'accroître la richesse du pays, ça, je le comprends bien. Mais je ne suis pas d'accord pour dire que l'ouverture de notre marché aux capitaux étrangers est la seule façon, ou la meilleure façon, d'y parvenir.
Je ne crois pas non plus que notre quête du plus haut sommet doit se faire à n'importe quel prix. Nous avons vu ce qui est arrivé à d'autres entreprises qui avaient été achetées par des entreprises étrangères. Celles-ci s'implantent ici pendant un moment, profitent de certains allègements fiscaux, puis ferment leur usine et déménagent le matériel outre-mer, acculent les Canadiens au chômage et emportent dans leurs bagages les compétences et les connaissances de nos gens.
En 2008, les revenus de l'industrie des communications correspondaient à près de 4,5 p. 100 du produit national brut du Canada. Les revenus de radiodiffusion équivalaient à environ le quart de ce pourcentage, tandis que ceux des télécommunications correspondaient à environ les trois quarts de ce chiffre. Ces entreprises sont tout simplement trop précieuses pour l'économie pour qu'on les abandonne entre les mains de conglomérats étrangers.
Et les Canadiens partagent cet avis. Nous avons effectué un sondage, en collaboration avec le SCEP et Friends of Canadian Broadcasting, qui a démontré que 66 p. 100 des Canadiens estiment que la radiodiffusion et les communications sont des éléments trop importants pour notre sécurité nationale et notre souveraineté culturelle pour permettre à des sociétés étrangères de prendre le contrôle d'entreprises canadiennes dans ce secteur.
Ces industries sont l'avenir de notre économie axée sur le savoir. Si nous n'avons ni contrôle ni voix au chapitre, nous perdrons la maîtrise non seulement de notre culture mais d'un immense pan de notre économie.
Le Canada n'est pas le seul pays qui veut éviter que ses industries passent à des mains étrangères. Près de la moitié des pays de l'OCDE ont adopté des mesures restrictives concernant la propriété des entreprises de télécommunications et de radiodiffusion, y compris les États-Unis. Bien sûr, les entreprises américaines se promènent partout dans le monde pour mettre la main sur les industries des autres, mais ils s'assurent de mettre les leurs à l'abri.
L'Espagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Corée et même le Japon se sont donnés des mesures restrictives. Oui, certains pays ont des restrictions plus libérales que celles du Canada, mais aucun d'entre eux n'est situé à distance de radiodiffusion du plus gros exportateur de biens culturels en langue anglaise dans le monde. Cette position unique nous rend vulnérables. C'est pourquoi nous devons faire preuve de vigilance.
Certains avancent que la propriété étrangère est l'occasion rêvée qui permettrait d'accorder aux consommateurs canadiens un répit en ce qui a trait à leurs factures de téléphone mobile et de câble. Il n'y a aucun doute que les Canadiens se font arnaquer par les entreprises de câblodiffusion et de télécommunications. Le problème, ici, n'est pas l'absence de propriété étrangère; c'est l'absence de réglementation. Cependant, on n'a pas réussi à prouver que la propriété étrangère permettrait de réduire les factures de câblodistribution ou de téléphone sans fil et d'obtenir des prix plus abordables, mais on dispose de chiffres démontrant que la réglementation le permet.
De plus, le gouvernement n'avait pas à faire entrer en douce Wind Mobile uniquement pour stimuler la concurrence. Il y a ici un certain nombre d'entreprises canadiennes qui ont accès au marché. Public Mobile vient tout juste d'ouvrir ses portes et Craig Wireless, Mobilicity et Vidéotron ne sont pas loin derrière. Pourquoi n'appuierions-nous plutôt nos propres entreprises pour pouvoir garder et l'argent et les innovations dans notre pays?
Nous croyons qu'ultimement l'identité et la culture canadiennes pourront être minées par une décision du gouvernement fédéral d'accorder un permis à Globalive, une entreprise détenue et contrôlée par des Égyptiens, qui leur permet d'exploiter un service sans fil au Canada. La décision concernant Globalive ne cadre pas avec les exigences de la Loi sur les télécommunications, y compris l'exigence selon laquelle toutes les sociétés de communications doivent effectivement appartenir à des Canadiens et être contrôlées par eux.
Tant la loi portant sur les communications que celle portant sur la radiodiffusion sont très précises à ce sujet, et je cite: « Est admise à opérer comme entreprise de télécommunications l'entreprise canadienne qui est une personne morale constituée ou prorogée sous le régime des lois fédérales ou provinciales et est la propriété de Canadiens et sous contrôle canadien. » En outre, la Loi sur la radiodiffusion ajoute: « Le système canadien de radiodiffusion doit être, effectivement, la propriété des Canadiens et sous leur contrôle. »
Tout cela pour dire que les Canadiens doivent contrôler nos entreprises de télécommunications et de radiodiffusion. Les limites actuellement en vigueur concernant la propriété étrangère doivent être maintenues pour veiller à ce que nos industries de radiodiffusion et de télécommunications soient contrôlées par les Canadiens pour la population canadienne.
Merci. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. J'aimerais faire quelques commentaires sur ce qu'a dit Mme Drouin. C'était très intéressant. Des changements ont eu lieu il y a 30 ou 40 ans. Quand j'étais jeune, on entendait des chansons françaises, de la France. Or le quota et les changements apportés ont permis à des chansons québécoises et canadiennes de prendre leur place. C'est donc dire que le gouvernement joue un rôle en matière de culture canadienne.
[Traduction]
Je vais simplement poursuivre sur le sujet des liens étroits et de la convergence des télécommunications par satellite et de la radiodiffusion et sur l'état de ce rapprochement. Mme Drouin nous a donné l'exemple des entreprises XStream et Sirius qui, une fois entrées dans le portrait, ont évincé des entreprises canadiennes. C'est l'une de mes préoccupations, plus particulièrement dans le domaine des communications par satellite, parce qu'il semble que ce soit le premier aspect sur lequel les gens se penchent et dont ils veulent se débarrasser parce qu'il s'agit d'une industrie internationale. Nous n'avons pas à nous en inquiéter.
Nous avons assisté à l'introduction de la télévision à haute définition, qui utilise une largeur de bande beaucoup plus importante. Maintenant, c'est la télévision en trois dimensions qui se pointe à l'horizon et je crois qu'elle prendra deux fois et demi plus de largeur de bande. Nous assistons donc à un besoin encore plus grand de largeur de bande et ce besoin s'accroît de façon exponentielle. Avant que nous en ayons connaissance, nous regarderons tous et toutes la télévision en trois dimensions.
C'est tout cela qui m'inquiète. Comme dans le cas de XStream et de Sirius, alors que nous avons besoin de plus de largeur de bande et d'espace de bande, qui s'en chargera et où trouverons-nous cet espace si les entreprises de communication par satellite n'appartiennent pas aux Canadiens ou ne sont pas réglementés par des lois canadiennes?
Voici donc ma question: alors que notre besoin en largeur de bande augmente, à votre avis, quelles seront les répercussions de cette situation sur la culture canadienne et sur vous dans votre travail?
:
J'aimerais revenir sur votre premier point.
Les politiques culturelles, tant canadiennes que québécoises, ont en effet contribué au développement de la culture québécoise. Je peux en témoigner dans le cas de la chanson plus que pour tout autre domaine. Dans ce métier, j'entends encore souvent des choses qui m'étonnent, par exemple que ce succès, au Québec, est dû au fait qu'on parle français et qu'il s'agit de chanson francophone. Il faut très mal connaître le milieu de la chanson pour dire une telle chose. S'il y a un secteur culturel où la pénétration des autres cultures est facile, c'est bien celui de la chanson. Si les gens aiment la chanson francophone québécoise, ce n'est pas parce qu'ils parlent français: c'est parce que la chanson est bonne, qu'il y a eu du soutien financier, de la réglementation. Les gens ont découvert la chanson, l'ont aimée et l'appuient maintenant. Pour moi, c'est très important.
J'ai aussi entendu dire que, comme ça allait bien maintenant, il n'était plus nécessaire d'appliquer des règles. Ça me fait penser à une situation que j'ai vécue récemment. Quelqu'un que j'adore m'a dit qu'il prenait des comprimés à cause d'un problème d'hypertension, mais qu'il pourrait cesser de les prendre vu que sa tension artérielle s'était stabilisée. Que va-t-il arriver s'il cesse de les prendre? L'hypertension va recommencer. Je sais que c'est banal et que mon exemple semble stupide, mais ça correspond exactement à ce qui se passe, selon moi. Ce n'est pas parce que ça va bien qu'on doit maintenant tout ouvrir. C'est parce qu'on a cela que les choses vont bien. Il faut surtout maintenir les politiques en vigueur pour que ça continue à bien aller. Il ne faut pas s'imaginer, au Québec ou au Canada, que nous pouvons retirer toutes les règles, que notre culture est solide et que les Américains ne tenteront plus d'investir notre marché parce que ça ne les intéressera plus. Ça les intéresse depuis toujours. C'est encore le cas aujourd'hui. Si nous leur laissons ne serait-ce que la plus petite des occasions, ils vont revenir en force sur notre marché.
Par ailleurs, vous avez parlé des fameux satellites. C'est un domaine que je ne connaissais pas, mais j'ai fait des recherches. Nous avons dû organiser un cours accéléré sur le sujet. J'imagine que M. Garneau en connaît plus que nous sur la question. Il pourra me corriger si mes propos sont erronés. Un satellite est une entreprise de télécommunications et non une autre bibite. Si vous ouvrez la porte à la propriété étrangère des satellites, vous allez l'ouvrir aux entreprises de télécommunications. Il n'y a pas de dispositions particulières pour les satellites dans la Loi sur les télécommunications: il y a une règle sur la propriété pour l'ensemble des entreprises de télécommunications, et elle s'applique aussi aux satellites.
Je suis juriste de formation, et lorsque j'ai entendu dire, dans le cadre du budget, qu'on allait commencer par les satellites, je me suis vraiment demandé comment ça pourrait se faire. Un satellite est une entreprise de télécommunications. En modifiant la propriété des satellites, on va ouvrir la porte bien davantage. Si ce n'est pas le cas, j'aimerais savoir comment vous comptez procéder. Les juristes seront peut-être plus créatifs. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que le 3D va vraiment demander beaucoup plus d'espace vu que les films et la chanson, notamment, passent de plus en plus par ces satellites. Au fait, on a déjà appelé ces derniers des étoiles de la mort, il y a très longtemps. C'est vrai, vous pourrez le vérifier.
BCE vient de vendre Télésat pour 3,25 milliards de dollars à la compagnie Loral et à une autre organisation. Ils ont 13 satellites. Il s'agit d'une entreprise canadienne qui est devenue le quatrième fournisseur de satellites au monde en ordre d'importance. Les gens de BCE ont dit à quel point ils avaient fait un bon coup en vendant Télésat et les acheteurs ont dit à quel point cet achat était pour eux une bonne affaire. Si on a payé ce prix-là, c'est sûrement parce qu'on veut développer ce domaine. Je crois au développement des satellites canadiens.
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D'abord, je veux vous dire que je siège habituellement au Comité permanent du patrimoine canadien. Je suis porte-parole du Bloc québécois en matière de patrimoine. C'est étrange pour moi de siéger ici, au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
Cependant, il faut comprendre que le monde culturel québécois est très inquiet en ce qui concerne la propriété étrangère dans le monde des télécommunications. En fait, toutes les personnes du domaine culturel à qui j'ai parlé au Québec me disent que les télécommunications et la radiodiffusion, c'est pareil. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Plusieurs demandent même que soient fusionnées les deux lois, celle sur les télécommunications et celle sur la radiodiffusion, car on ne peut plus faire la différence.
Même M. Wilson, celui qui a fait le rapport qui nous amène ici aujourd'hui et qui l'a déposé il y a deux ans, disait déjà qu'il était très difficile de faire la différence. Malgré tout, il recommande d'ouvrir juste les télécommunications et non pas la radiodiffusion. Les représentants du ministère de l'Industrie viennent ici nous dire qu'ils vont s'occuper juste des télécommunications et non pas de la radiodiffusion. C'est impossible. En tout cas, je ne comprends pas cela.
Notre collègue, M. Garneau, pour qui j'ai beaucoup de respect — je le trouve intelligent, souvent brillant —, a dit qu'il était content qu'on s'occupe seulement des télécommunications.
J'ai une foule d'exemples. L'exemple que je présente à tout le monde, habituellement, c'est celui qui concerne le sans-fil. C'est considéré comme une entreprise de télécommunications, selon le gouvernement du Canada. Pourtant, on voit qu'ils font des choix culturels importants. Ils influencent les consommateurs dans leur choix culturel. En effet, en offrant 16 applications dont à peu près la moitié sont américaines... Cet exemple concerne le Canada anglais, mais je me dis que si on vendait ces applications au Québec, il n'y aurait pas de Scotiabank, mais j'imagine qu'il y aurait le Mouvement Desjardins, il n'y aurait pas le magazine MacLean's, mais il y aurait L'actualité ou Le Journal de Montréal, peu importe. Ils font des choix culturels qui influencent culturellement les consommateurs.
Avez-vous fait le même constat? Et de quelle façon pouvez-vous donner des exemples dans vos milieux, et en témoigner, pour convaincre les autres personnes autour de la table qui ne sont pas encore convaincus?
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J'ai parlé des succès dans le monde de la musique, tout à l'heure, mais c'est très difficile, présentement. Le secteur de la musique, au Canada, a vu ses ventes diminuer de plus de 30 p. 100 à cause, entre autres, du téléchargement illégal, qui transite par Internet. Depuis quatre ans, les artistes québécois ont maintenu leur part de 40 p. 100 des ventes, mais le total a diminué de 25 p. 100, à cause du téléchargement illégal, entre autres, qui est effectué en partie par cellulaire.
Il est absurde de dire qu'il n'y a pas d'impact pour nous. Le milieu est en crise, notamment à cause du développement des technologies. Les gouvernements ont mis en place d'autres mesures financières pour nous aider, mais c'est clair pour nous. Lorsque le CRTC a posé sa question sur sa politique des nouveaux médias, on lui a demandé d'essayer de voir comment on pouvait — sans copier ce qui se fait dans la radiodiffusion traditionnelle — intégrer certains aspects de la réglementation qui a produit de très bons effets. On pense à la réglementation des quotas, des ordres de priorité de distribution.
Comment pouvait-on appliquer cela au réseau Internet? J'espère que vous êtes convaincus que le réseau Internet est de plus en plus malléable et contrôlable. Je ne donnerai pas d'exemples, qui pourraient me suivre longtemps, de certains pays qui forcent des géants à se plier à leurs politiques. Toutefois, il est clair que ce n'est jamais un problème de manque de contrôle de la technologie, c'est un manque de volonté politique qui fait qu'on décide de ne pas toucher à Internet.
On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de lien. Il y a, au contraire, un lien très direct dans notre secteur. À l'ADISQ, on fait aussi une vigie, tous les jours, de tous les services qui naissent et qui meurent, sur Internet, en utilisant cette nouvelle voie. Des centaines de services meurent. Des services gratuits, légaux, avec publicité, par abonnement, avec téléchargement, etc. meurent chaque semaine, et je n'exagère même pas. Ce n'est pas la voie de l'avenir. Dans notre secteur, c'est une réalité, et cela depuis près de 10 ans.
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Non, mais si j'ai bien compris, la motion qui a donné lieu à cette étude englobait la Loi sur la radiodiffusion.
Quoi qu'il en soit, monsieur Wallace, pour en revenir à votre question, oui, l'article 7 de la Loi sur les télécommunications précise le caractère essentiel des télécommunications pour l'identité et la souveraineté canadiennes; d'ailleurs, la politique canadienne de télécommunications vise à favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions.
Selon ma façon d'interpréter, cela inclut la culture, comme l'a, en fait, affirmé Mme Flora MacDonald, ministre conservateur, lorsqu'elle a présenté cette loi en 1987. Selon elle, les restrictions étaient nécessaires pour assurer la souveraineté nationale vis-à-vis de ce secteur essentiel de l'économie canadienne, ainsi que pour des raisons de sécurité nationale et de mieux-être économique, social et culturel.
Le gouvernement conservateur, au pouvoir à ce moment-là, comprenait bien la situation et je souhaiterais qu'il continue à la comprendre.
Merci.
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Je reviens à vous parce que j'ai une question qui porte sur l'un des six points que vous avez avancés.
Mme Solange Drouin: Aucun problème.
M. Mike Wallace: Alors, ce que vous dites, et corrigez-moi si je me trompe... Il n'y a aucun doute de ce côté-ci, et cela à la lumière du discours du Trône, que nous envisageons d'étudier des possibilités de changements concernant les investissements étrangers. De qui se moque-t-on ici? Le fait est que les demandes viennent de l'autre côté, du côté des radiodiffuseurs, et qu'on ne peut procéder dans le contexte de la réglementation.
Juste parce que je le connais mieux, je parlerai du secteur bancaire, qui est cité comme un exemple de succès. Le secteur des banques aimerait prendre part aux activités d'assurance et, effectivement, ils sont déjà dans ce domaine, mais ils ne peuvent mener d'activités d'assurance à partir de leurs succursales en raison des lois et des règlements en vigueur.
Alors, êtes-vous en train de me dire que nous ne pouvons, en tant que gouvernement, nous donner des règlements efficaces pour veiller à ce que le contenu canadien soit protégé dans le contexte de la radiodiffusion même si nous avons devant nous l'exemple d'autres secteurs où le gouvernement a été en mesure d'intervenir dans ce sens?
Je vais répondre à cette question même si elle ne m'était pas adressée. Vous devez reconnaître que les télécommunications peuvent également être considérées comme des activités de diffusion parce qu'elles le sont. C'est ce que nous disons. On peut avoir un vrai système de télécommunications, mais on peut aussi en permettre un hybride.
Mais tout d'abord, vous devrez reconnaître que la question se trouve actuellement devant la cour fédérale. Comme l'a mentionné notre ami du syndicat, nous croyons que les télécommunications peuvent également offrir un système de diffusion.
Je réponds maintenant à votre deuxième élément.
[Français]
Il est clair qu'en faisant entrer de nouveaux joueurs dans le système, il se peut que les marges bénéficiaires diminuent. En même temps, je vous avoue que, selon moi, des marges bénéficiaires de 46 p. 100 démontrent qu'il manque peut-être de concurrence et que des marges bénéficiaires plus basses peuvent être tout à fait correctes et viables même pour une entreprise en bourse. Je sais bien que les actionnaires demandent le maximum de rendement à une entreprise, mais si c'est la volonté du Canada d'avoir plus de joueurs, il se peut que ces compagnies, qui ont fait beaucoup d'argent par le passé et qui continuent d'en faire, soient obligées de partager un peu le marché.
[Traduction]
Je répondrais: « Et puis? » Les consommateurs en profiteraient.
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Merci, monsieur le président.
J'ai toujours aimé suivre mes amis fanatiques du libre marché là-bas.
C'est intéressant parce que la présente discussion est importante. Nous devons étudier la réalité plutôt que de vains efforts visant à clamer qu'il y a un système sur lequel on peut se baser et dans lequel il n'y a aucune intervention. En réalité, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont des ententes. Je vis près de la frontière canado-américaine et le FCC, de concert avec ce gouvernement, empêche une radio universitaire locale de diffuser dans la région de Detroit. C'est une réalité.
Deuxièmement, je dois vous dire que je suis partisan des Blue Jays. J'aime beaucoup Detroit, mais je ne peux écouter les Blue Jays que sur un très faible signal parce que les ligues majeures de baseball ont une entente. Lorsque j'ai mis sur pied mon programme d'équipes sportives pour les jeunes à Windsor, j'ai tenté d'obtenir la participation des Raptors, mais parce que nous étions sur le territoire des Pistons de Detroit, ils n'ont pas pu venir.
Nous avons déjà ces ententes commerciales qui restreignent l'accessibilité au contenu canadien. Lorsque nous avons des cérémonies, par exemple pour les anciens combattants, c'est le Star-Spangled Banner qu'on joue. Nous sommes très fiers d'avoir ce lien avec les États-Unis, mais nous sommes également extrêmement fiers d'être Canadiens. Nous n'avons pas peur de montrer ce lien culturel, mais ce que nous pouvons avoir à titre de consommateurs est bel et bien restreint actuellement par des accords.
J'aimerais qu'on m'explique, dans le cas où on assouplirait encore les règles, si nous perdrons encore plus de possibilités d'obtenir du contenu canadien dans des endroits comme les collectivités situées près des frontières.