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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 006 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 mars 2010

[Enregistrement électronique]

  (0900)  

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues et témoins.
    Soyez les bienvenus à la sixième séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, en ce 30 mars 2010. Nous sommes réunis, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, pour étudier les règlements canadiens concernant les intérêts étrangers dans le secteur des télécommunications.
    Nous accueillons aujourd'hui trois témoins: M. Morrison, qui représente Friends of Canadian Broadcasting; M. Paradis, du Groupe CIC; ainsi que M. Globerman, de l'Université Western Washington, qui participera à titre personnel. J'aimerais remercier tout particulièrement M. Globerman, qui est avec nous malgré un très court préavis. Nous avons appris hier qu'il était en ville aujourd'hui, par pure coïncidence, pour rencontrer quelqu'un, et il a gracieusement accepté de témoigner devant le comité aujourd'hui.
    Nous commencerons par une déclaration préliminaire de chaque témoin, en commençant par M. Morrison.

[Français]

    Monsieur le président, membres du comité, merci de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.

[Traduction]

    Friends of Canadian Broadcasting agit à titre de chien de garde de la programmation canadienne à la radio, à la télévision et dans les nouveaux médias. Nous avons l'appui de 100 000 Canadiens. La dernière fois que nous avons témoigné devant ce comité, c'était en 2003, alors que se tenaient des audiences sur les restrictions relatives à l'investissement étranger dans les entreprises de télécommunications. Plus ça change...
    Selon l'article 7 de la Loi sur les télécommunications, les télécommunications sont essentielles pour l'identité et la souveraineté canadiennes. La loi établit les objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunications, y compris les objectifs suivants:
favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions; [...]

promouvoir l’accession à la propriété des entreprises canadiennes, et à leur contrôle, par des Canadiens; [...]

stimuler la recherche et le développement au Canada dans le domaine des télécommunications...
    Donc, selon l'article 16 de la loi, les entreprises canadiennes de télécommunications doivent être sous la propriété et le contrôle de Canadiens.
    Nous appuyons ces dispositions de la loi et nous avons constaté que la vaste majorité des Canadiens les appuient également. Par exemple, selon un sondage Harris-Decima commandé par Friends of Canadian Broadcasting, l'ACTRA et le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier en novembre 2007, 61 p. 100 des Canadiens avaient une opinion défavorable envers la propriété étrangère d'entreprises de télécommunications par téléphone. Parmi les inquiétudes relatives à une perte possible de la propriété et du contrôle canadiens d'entreprises canadiennes de télécommunications, on retrouve la perte d'excellents emplois au bénéfice d'autres pays, une protection réduite de la protection de la vie privée des Canadiens par l'entremise d'instruments tels que la United States Patriot Act, la perte de souveraineté en raison de la dépendance envers les voies américaines de transmission de données, la réduction de la robustesse du système en cas d'urgence, ainsi qu'une menace à l'accessibilité aux services pour les Canadiens vivant dans les régions rurales et éloignées.
    La principale préoccupation de notre association concerne toutefois la souveraineté culturelle du Canada. On a assisté à une convergence des médias et des industries des communications au Canada au cours des dernières décennies, et cette convergence s'est accélérée ces dernières années. Pour votre information, nous avons reproduit les données du CRTC sur la structure corporative des plus grandes entreprises médiatiques et de communications du Canada: BCE, Canwest, Cogeco, CTVglobemedia, Quebecor, Rogers, Shaw et Telus.
    Par exemple, prenons Rogers. Sous le holding que nous connaissons sous le nom de Rogers Communications et dont 82 p. 100 des actions avec droit de vote appartiennent à la famille Rogers, les secteurs d'activités de Rogers incluent la câblodistribution, la téléphonie locale et interurbaine, l'accès Internet, les communications sans fil, le baseball et l'édition. L'an dernier, les revenus de cette société ont été de près de 12 milliards de dollars. Même si Rogers est probablement l'entreprise médiatique et de communications la plus intégrée, son cas est loin d'être unique.
    Shaw est actif dans la câblodistribution et dans l'accès Internet et l'entreprise fait son entrée dans les communications sans fil. La famille Shaw possède et contrôle également Corus, un entreprise établie dans la radiodiffusion et les canaux spécialisés. Quebecor contrôle Videotron, TVA et Sun Media, offre un accès à Internet, et compte faire son entrée dans le secteur des communications sans fil. BCE contrôle Bell Canada, Bell Aliant et Bell Télé, et elle a une participation de 15 p. 100 dans Bell Globemedia, qui contrôle la principale chaîne de télévision au pays ainsi que le Globe and Mail.
    Dans ce milieu intégré des communications, si on modifie les exigences relatives à la propriété étrangère dans un secteur, soit les télécommunications, on peut s'attendre à des répercussions dans les autres secteurs. Si BCE était une propriété étrangère, elle ne pourrait pas contrôler Bell Télé. Rogers devrait se départir de Rogers Media et de Rogers Cable, et ainsi de suite. Le fait de se débarrasser d'actifs de diffusion essentiels déstabiliserait le système canadien en réduisant le bassin d'investisseurs et en mettant fin aux synergies entre les composantes. Par exemple, le réseau de câblodistribution de Rogers fournit également les services de téléphonie et d'accès Internet de Rogers.
    Il serait raisonnable de croire que les joueurs touchés demanderaient plutôt des changements aux exigences relatives à la propriété en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, comme ils sont parvenus à le faire lorsqu'on a apporté les derniers changements aux exigences de propriété en télécommunications dans les années 1990.

  (0905)  

    Selon The Montreal Gazette du 23 novembre 1995:
... le gouvernement fédéral assouplit les restrictions relatives à la propriété étrangère des câblodistributeurs et des diffuseurs canadiens... [Le ministre du Patrimoine Michel] Dupuy a déclaré que les modifications mettaient les câblodistributeurs et les diffuseurs sur le même pied que les entreprises de télécommunications.
    En effet, Leonard Asper, de CanWest, a dit ce qui suit à vos prédécesseurs lors des audiences de 2003:
Tout changement dans les règles qui s'appliquent uniquement aux entreprises de télécommunications se traduirait rapidement par des avantages concurrentiels pour les radiodiffuseurs étant donné que les entreprises de télécommunications s'orientent de plus en plus vers les EDR et les entreprises de radiodiffusion.
    EDR signifie entreprise de distribution de radiodiffusion. En ce qui concerne le câble et le satellite, pour moi, ça signifie le CRTC.
    Louis Audet, de Cogeco, a dit ce qui suit au comité:
Nous suggérons que l'équité concurrentielle exige que les câblodistributeurs et les compagnies de téléphone bénéficient du même traitement dans le cadre de la libéralisation des règlements sur la propriété étrangère.
    Le rapport de 2003 du comité de l'industrie a souligné le commentaire de M. Audet dans le passage suivant:
Les percées technologiques et la convergence des technologies, particulièrement au cours de la dernière décennie, ont estompé la distinction qui existait auparavant entre les services offerts par les entreprises de télécommunications et ceux fournis par les entreprises de distribution de radiodiffusion (y compris les entreprises de câblodistribution, les fournisseurs de service de diffusion directe par satellite et les fournisseurs de service de distribution multipoint). Les entreprises de télécommunications et les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) se livrent actuellement une concurrence en visant le même consommateur dans certains marchés (notamment le service Internet haute vitesse). L’intégration verticale et la propriété croisée viennent chambouler davantage le paysage des secteurs des télécommunications et de la distribution de radiodiffusion. De toute évidence, il est de plus en plus difficile de définir une entreprise comme appartenant au secteur des télécommunications ou à celui de la distribution de radiodiffusion, en fonction de son réseau de distribution ou des services qu’elle offre.
    Ce comité a ensuite produit un graphique qui, à mon avis, s'applique toujours, et j'aimerais qu'il soit distribué pour votre information.
    La radiodiffusion au Canada est un bien public essentiel à l'infrastructure de communication des économies locales partout au pays. Elle facilite la participation des citoyens au processus démocratique et contribue à établir une identité distincte dans la partie septentrionale du continent nord-américain. Si on permettait à un tel instrument d'édification de notre pays de se trouver entre des mains étrangères, ce serait la fin de notre souveraineté culturelle.
    Même si aucun Canadien qui a son pays à coeur ne conseillerait délibérément un tel résultat, le fait de jouer avec les règles relatives à la propriété étrangère dans un secteur de l'industrie des médias et des communications mettra les autres secteurs en danger.
    La semaine dernière, vous avez entendu Marta Morgan, d'Industrie Canada, vous dire que l'assouplissement des règles relatives à la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications permettrait au Canada de s'aligner avec les autres pays de l'OCDE. Aucun de ces pays n'est le voisin immédiat des États-Unis et de leur immense influence culturelle et économique.
    En raison de la position unique du Canada, nous vous demandons de vous fonder sur les conseils du rapport Lincoln — du Comité du patrimoine — selon lequel les limites existantes relatives à la propriété étrangère pour les diffuseurs et les entreprises de télécommunications doivent être maintenues aux niveaux actuels.
    Je vous remercie de votre attention.

[Français]

    Merci de nous avoir invités, monsieur le président.

  (0910)  

    Merci, monsieur Morrison.
    Monsieur Paradis, la parole est à vous.

[Traduction]

    Monsieur le président, je vous remercie, ainsi que les membres et le personnel du comité.
    Mon nom est Richard Paradis, et je suis PDG du Groupe CIC, une société d'experts-conseils en communications et en télécommunications établie à Montréal. Nos clients viennent des secteurs de la radiodiffusion, des télécommunications et de la culture. J'enseigne également à l'Université de Montréal et à l'École des hautes études commerciales. Mes cours portent sur les politiques et la gestion des communications, les industries culturelles, l'histoire des médias et les méthodes de recherche en sciences sociales. Au cours de ma carrière, j'ai également travaillé pour Bell Canada, le CRTC et le ministère des Communications, tant à Ottawa qu'à Québec.
    J'aimerais tout d'abord remercier le comité pour la tenue de ces audiences qui nous permettent d'étudier une question fondamentale qui a été au coeur des succès incroyables des Canadiens en matière de communications et de télécommunications au cours des 50 dernières années.
    Au fil du temps, en confiant, au nom du bien commun, la propriété et le soin d'une infrastructure de communications dynamique à des intérêts canadiens, nous sommes devenus un modèle pour de nombreux autres pays qui doivent gérer leur passage d'une infrastructure étatique de télécommunications à un système mixte, soit public et privé.
    Notre approche historique envers la propriété canadienne est directement liée à l'évolution sociale, culturelle et économique de notre pays, et elle ne doit pas être confiée à des intérêts étrangers sans avoir tout d'abord réfléchi longuement sur la manière dont nous sommes arrivés à cette situation, sur ce que nous sommes, et surtout sur la voie à suivre dans l'avenir. Aujourd'hui, les communications sont au coeur d'à peu près toutes nos activités, que ce soit pour vérifier ses courriels et ses appels sur son téléphone cellulaire, pour écouter de la musique sur des téléphones mobiles ou des iPod, ou pour regarder les nouvelles ou nos émissions de télévision préférées sur nos iPhone.
    Pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui? Qu'est-ce qui a changé à un point tel que nous devons même envisager d'ouvrir notre secteur des télécommunications à une plus grande proportion d'intérêts étrangers? N'avons-nous pas été bien servis par le système actuel, qui permet déjà une propriété minoritaire de nos entreprises de télécommunications par des intérêts étrangers?
    Par l'entremise des monopoles des services de télécommunications que nous avons eus au Canada pendant des dizaines d'années, les contribuables canadiens ont permis la mise sur pied des infrastructures de télécommunications dont nous profitons aujourd'hui. Au fond, les entreprises de télécommunications devraient remercier les Canadiens d'avoir favorisé la mise sur pied d'un des meilleurs systèmes au monde.
    Pourquoi envisageons-nous d'ouvrir la porte à une propriété étrangère accrue? Nos entreprises de télécommunications souffrent-elles d'un manque d'investissements? Leurs revenus sont-ils à la baisse, leurs profits sont-ils faibles, s'inquiètent-elles de leur avenir? Toutes les données diffusées récemment concernant nos principales entreprises de télécommunications semblent prouver le contraire.
    En 2008, les revenus de l'industrie canadienne des télécommunications se sont élevés à 40,3 milliards de dollars. En ce qui concerne leurs activités de distribution par fil métallique — vous savez, le fil qui entre dans le mur —, ce qui comprend les activités de télécommunication ainsi que les activités d'EDR liées à la programmation ou non, les compagnies de téléphone établies ont annoncé des excédents bruts d'exploitation de 6,3 milliards de dollars, soit une marge de 29,1 p. 100 avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissements.
    L'excédent brut d'exploitation des fournisseurs de services sans fil est passé de 6,5 milliards de dollars en 2007 à 7,2 milliards en 2008. Sur ce montant, les compagnies de téléphone et les câblodistributeurs établis ont récolté respectivement 4,5 et 2,8 milliards de dollars.
    Parlons un instant du secteur de la câblodistribution. Selon les plus récentes données sur l'industrie publiées par le CRTC, l'industrie canadienne de la câblodistribution a vu ses revenus augmenter de 11,9 p. 100 en 2009, après deux augmentations consécutives de 16 p. 100 en 2007 et en 2008. Les revenus totaux s'élevaient à 11,4 milliards de dollars, et les bénéfices avant intérêts et impôts étaient de 2,3 milliards de dollars, ce qui constitue une augmentation de 200 millions de dollars par rapport à 2008, et la marge s'établissait à 25,1 p. 100. Par exemple, Rogers fait un profit de 100 millions de dollars sur ses activités commerciales chaque mois. J'ai bien dit 100 millions de dollars.
    Comme tout bon observateur peut le remarquer, à l'exception du secteur bancaire, ce secteur est l'un des plus lucratifs au pays, même pendant une récession.

  (0915)  

    Aucune raison, juridique ou autre, ne nous contraint à augmenter les intérêts étrangers dans le secteur des télécommunications canadien. Pourquoi donc nous croyons-nous obligés de le faire?
    À une époque où les télécommunications acquièrent une importance non négligeable pour notre développement économique, puisqu’elles améliorent la communication entre l’ensemble des Canadiens et le monde, pourquoi confier notre industrie à des décideurs et à des intérêts étrangers?
    Depuis des dizaines d’années, notre pays investit dans la création de l’un des secteurs des télécommunications les plus impressionnants du monde. Pourquoi le livrer aujourd’hui à d’autres? À quoi cela rime-t-il, autre qu'à profiter à une poignée de cadres supérieurs en quête d’une riche prime de départ, ou à des avocats et analystes financiers qui ne feront en fin de compte que gonfler la valeur du bien, sans que les consommateurs canadiens en retirent le moindre avantage véritable?
    Les télécommunications sont un élément essentiel de l’avenir de notre pays et de son bien-être économique. Est-ce que vous remettriez une grosse portion de votre richesse personnelle à des gestionnaires étrangers qui n’ont aucune obligation légale envers vous? Eh bien, c’est exactement ce que nous songeons à faire.
    Réfléchissons un peu sur la limite à fixer si nous envisageons de relâcher nos règles de propriété actuelles. Quel sera le chiffre magique? Est-ce que ce sera 49, 66 ou, pourquoi pas, 100 p. 100? Combien de concurrents un petit pays comme le Canada peut-il accueillir? Nos citoyens sont au nombre de près de 40 millions. Plus important encore, comment veillerons-nous à tirer tout le parti de notre secteur des télécommunications si les décisions d’affaires sont prises à Dubaï, à Chicago ou à Beijing, où le facteur décisif est simplement le meilleur rendement du capital investi?
    Le Canada a été le premier pays à lancer un satellite commercial, au début des années 1970. Nous avons été au premier rang lors de la création du téléphone, grâce à Alexander Graham Bell, et aussi l’un des tout premiers pays à se doter d’un réseau de fibres optiques sur l’ensemble de son territoire.
    Il est vrai que les Canadiens payent plus cher certains services de télécommunications, comme le téléphone cellulaire, l’envoi de messages textes, le câble, et bien d'autres, mais ce n'est pas à cause d'un manque de concurrence au Canada. Depuis vingt ans, le gouvernement fédéral introduit de la concurrence dans presque tous les secteurs des communications, par l’entremise des décisions et des politiques du CRTC.
    La concurrence est forte sur le marché canadien actuel. Si les prix ne baissent pas, c’est uniquement parce que l’industrie est trop satisfaite d’elle-même. Ouvrir la porte à des intervenants étrangers n’entraînera pas nécessairement un gros changement.
    Dans la description des secteurs de recherche que le comité doit examiner, j’observe que vous souhaitez étudier aussi les incidences des intérêts étrangers sur la Loi sur la radiocommunication et sur la Loi sur la radiodiffusion. Je compte parmi ceux qui croient fermement, dans le monde actuel marqué par la convergence, que le gouvernement devrait envisager de remanier ces deux lois à la lumière de la convergence qui existe actuellement avec les grandes entreprises. Non seulement elles possèdent une grande part du marché, mais elles sont aussi très intégrées sur le plan vertical et horizontal.
    Rogers, Shaw, Quebecor, Bell, Telus — toutes ces entreprises ont bien des points en commun: elles fournissent des services de communications aux consommateurs canadiens. Elles sont tour à tour des radiodiffuseurs ou des télédiffuseurs, des fournisseurs locaux d’accès Internet ou de services de téléphone, ou encore des fournisseurs de services de téléphonie cellulaire et de programmes audiovisuels. Le contenu va des préférences musicales aux anciennes émissions de télévision favorites, en passant par les marchés financiers actuels, la météo, et l’actualité locale en temps réel.
    Que le comité me permette de lui rappeler quelques paroles décisives prononcées autrefois par plusieurs Canadiens bien en vue: tout est une question de contenu. Je crois sincèrement, en ce qui concerne l’avenir de notre système de diffusion et de télécommunications, que nous sommes à la croisée des chemins. Il appartient à vous et à vos collègues parlementaires de veiller à ce qu’il demeure possible de créer un contenu canadien et, surtout, d’atteindre les consommateurs canadiens de toutes les façons qu’ils le souhaitent.
    La semaine prochaine, vous allez rencontrer des représentants de plusieurs organisations culturelles, dont beaucoup compléteront mes observations d’aujourd’hui, j’en suis sûr. Mais trois semaines plus tard, ce sont les grands exploitants des télécommunications qui vous communiqueront leur vision du monde. Je vous demande simplement de ne pas omettre de leur demander pourquoi il est nécessaire de changer le modèle canadien. Quels avantages réels le consommateur canadien en retirera-t-il au final? Effectivement, une concurrence accrue peut se révéler bénéfique, mais trop de concurrence peut également faire du tort à un secteur industriel donné.
    C'est ainsi que se termine mon exposé. Merci.

  (0920)  

    Merci, monsieur Paradis.
    Nous passons maintenant à M. Globerman.
    Ma présence ici est une coïncidence presque totale, puisqu’elle résulte d’un courriel que j’ai reçu hier en fin d’après-midi alors que j’étais à l’aéroport de Vancouver, sur le point de m'envoler pour Ottawa pour une autre raison que de venir ici. J’ai réussi à mettre un peu d’ordre dans quelques idées, et j’espère qu’elles sont plus ou moins cohérentes. Mais comme elles sont loin d’être aussi bien organisées que les idées des autres témoins, je vous prie d’être indulgents.
    Permettez-moi de vous décrire brièvement mes antécédents.
    Je suis actuellement professeur Kaiser en affaires internationales à la Western Washington University, située à Bellingham, dans l’État de Washington, à une soixantaine de milles de Vancouver, mais j’occupe parallèlement le poste de professeur auxiliaire à la Segal Graduate School of Business, à Vancouver. Ma carrière universitaire s’est déroulée au Canada, tout d’abord à la faculté des études administratives de l’Université York, puis à l’Université de la Colombie-Britannique, et enfin à l’Université Simon Fraser.
    Mes études se sont largement concentrées sur la question des intérêts étrangers, notamment au Canada, et sur les industries des télécommunications et de la radiodiffusion. J’ai beaucoup publié sur tous ces sujets. Je n’ai pas préparé de bibliographie, mais je peux vous dire qu’en 1986 j’ai publié dans Telecommunications Policy un article, axé sur le Canada, traitant des intérêts étrangers et des télécommunications. Je crois donc avoir déjà répondu dans cet article à bon nombre des problèmes dont votre comité va discuter et que les autres témoins ont déjà soulevés aujourd’hui. Tout récemment, j’ai rédigé un rapport assez long sur l’investissement étranger au Canada, pour le Global Competitiveness Committee. Je m’inspirerai aujourd’hui de mes connaissances dans ces domaines pour formuler mes observations.
    Il est clair que le comité examine plusieurs questions fondamentales qui sont également soulevées par les autres témoins. Je commence donc par l’argument principal.
    Pourquoi tolérons-nous les intérêts étrangers? Pourquoi même vouloir de tels intérêts étrangers dans une industrie? Je crois que plus de 30 années de recherches universitaires ont donné une réponse relativement claire: l’investissement étranger améliore l’efficacité de l’économie du pays d'accueil. C’est là une observation empirique d’importance fondamentale. Je le répète: l’investissement étranger, l’investissement à l'intérieur du pays, améliore la productivité de l’économie du pays d'accueil. C’est ce qui ressort de ma propre recherche sur le Canada. Plusieurs de mes articles publiés dans la Revue canadienne d'économique documentent ce fait, et les études dans ce sens se comptent sans exagération par centaines.
    La question est d’expliquer comment l’investissement étranger profite à la productivité de l’économie du pays d'accueil. Cette amélioration emprunte une variété de formes, qui ont été détectées et discutées. C’est la source de la technologie interne, qui se propage dans les entreprises nationales. Ces entreprises nationales tirent ensuite profit de cette technologie qui est introduite dans l’économie du pays d'accueil. Les travailleurs formés dans les entreprises détenues par des étrangers perfectionnent leurs compétences. Ils migrent, mettent sur pied leurs propres entreprises ou travaillent pour le compte de sociétés canadiennes.
    À elle seule, la concurrence — comme vient tout juste de le faire valoir M. Paradis — améliore l’efficacité. Mais où est la limite? Aucune industrie ne sera jamais parfaitement concurrentielle. Par sa définition même, une concurrence parfaite est une concurrence suffisante. Nous ne parviendrons jamais à la perfection dans ce domaine. Il vaut presque toujours mieux en avoir plus que moins. De toute façon, on a observé que l’investissement de l'étranger stimule la concurrence, et une concurrence accrue pousse à l’amélioration de l’efficacité.
    Existe-t-il des raisons de croire que la situation est différente pour l’industrie des télécommunications? Non. On invoque toutes sortes de raisons pour affirmer que l’industrie des télécommunications est unique. Et soit dit en passant, je suis tout à fait d’accord avec les témoins qui disent qu’il est très difficile de distinguer arbitrairement entre les discussions de l’industrie des télécommunications et celles du secteur de la radiodiffusion. Elles se recoupent, elles ont des contacts, mais on peut en dire autant de beaucoup d’industries. J’y reviendrai dans une minute, ce sera l’un de mes derniers points.
    Les autres témoins ont invoqué toutes sortes de raisons qui expliquent pourquoi les télécommunications sont peut-être différentes, pourquoi ce secteur est délicat au point qu'on s'y attarde tout spécialement. Bien sûr, je ne nie pas que les télécommunications soient un secteur important. Elles le sont, c’est indéniable. Elles ont une grande importance. Mais je ne suis pas sûr que ce caractère unique leur permette d’échapper aux principes de base qui veulent qu’un marché ouvert, où circulent librement le capital, la main-d’œuvre et les autres apports de toutes sortes, soit bénéfique pour l’industrie sous l’angle de l’amélioration de l’efficacité, et soit aussi, en dernière analyse, bénéfique pour le consommateur.

  (0925)  

    Regardons de plus près certaines des préoccupations exprimées. On soutient que les Canadiens en milieu rural seront désavantagés, parce que les propriétaires étrangers souhaiteront imposer des prix qui correspondent à la valeur réelle de la prestation de services dans les régions à coût élevé. Eh bien, c’est précisément ce qu’ont fait les sociétés de télécommunications canadiennes. J’ai pris part à la quasi-totalité des audiences sur la déréglementation, depuis celles sur l’interurbain et la CNCP. Toutes les entreprises de télécommunications, à commencer par Bell Canada, ont cherché à imposer des prix qui correspondaient aux coûts. En fin de compte, la subvention a été fixée en fonction de la politique gouvernementale. La politique du CRTC est orientée par le gouvernement, et il faut supposer que cet état de fait sera maintenu.
    On craint de confier à des gestionnaires étrangers une infrastructure d’importance critique, comme les télécommunications, qui servent à la défense et à la sécurité. Ici encore, ce sont des biens sur lesquels le gouvernement du Canada est souverain. À ma connaissance, le sabotage, le terrorisme et l’utilisation impropre de ces installations sont des actes criminels, ou pourraient être rendus tels s’ils ne le sont pas actuellement.
    Il est certain que le profit préoccupe les gestionnaires étrangers et les investisseurs étrangers. C’est tout aussi vrai des gestionnaires canadiens et des investisseurs canadiens. Si je ne m’abuse, le gouvernement du Canada exerce sur une entreprise étrangère exploitée au Canada un pouvoir qui n’est pas moins souverain que celui exercé sur une entreprise détenue par des Canadiens et exploitée au Canada. Je ne connais aucun accord commercial contenant une clause qui invalide ce fait. Toute entreprise est assujettie aux règles souveraines de l’État où elle fait des affaires.
    Le problème du changement technologique est souvent invoqué. D’où proviendra la R-D si des étrangers sont propriétaires de l’industrie? On craint toujours qu’ils ne s’embarrassent pas de R-D. Cela n’est pas toujours le cas. Par le passé, il est vrai que les entreprises de télécommunications détenues par des Canadiens faisaient plus de R-D par dollar de vente que les entreprises étrangères au pays engagées plus ou moins dans la même industrie, mais la situation évolue. En conséquence de la notion de chaînes de valeur mondiales, l’emplacement est un élément très fongible de la stratégie d’une entreprise. Les entreprises implantent les activités là où il est rentable de mener ces activités. Il est fort possible que dire non à des étrangers, leur refuser l’entrée même s’ils veulent apporter ici des installations de R-D, ait en fait pour conséquence de priver notre industrie d'occasions de grandir et de développer la technologie.
    Le fait est que le monde devient de plus en plus intégré. Il devient de plus en plus spécialisé dans la nature de ses activités, dans les lieux d’activité et dans les méthodes d’exécution. Nous pouvons opter de ne pas faire partie des chaînes de valeur mondiales, mais ce choix nous cause du tort. Je ne crois pas que les télécommunications échappent à cette règle: si nous disposons de solides fournisseurs d’équipement, les entreprises appartenant à des étrangers souhaiteront acheter cet équipement au Canada. Elles le devront; dans une industrie concurrentielle, elles ne pourront pas se permettre de ne pas le faire. Il faut acheter les intrants qui garantissent le meilleur rapport qualité-prix.
    Je pourrais continuer, mais je sais qu’il reste peu de temps et que vous souhaitez poser des questions. J’ajouterai seulement que la question de l’identité culturelle, dans le cadre des télécommunications, est plutôt délicate. J'ai beaucoup écrit à ce sujet également. Mon opinion n’a fait plaisir à presque personne dans l’industrie culturelle, mais je ne crois pas avoir changé d’idée sur cette question. Il me semble que bon nombre de mes propos sur les télécommunications s’appliquent tout autant à la culture. Au bout du compte, si les Canadiens recherchent un contenu et que, pour notre part, nous voulons qu’ils regardent un contenu canadien, nous voudrons bien sûr qu’ils utilisent, pour regarder ce contenu, la meilleure technologie qui convient. Pourquoi donc enlever au Canada la possibilité d’importer une meilleure technologie grâce à la propriété étrangère? Notez d’ailleurs que si cette technologie n’est pas réellement meilleure, les entreprises étrangères viendront s’implanter ici, perdront de l’argent et partiront. C’est le marché qui décidera si c’est la meilleure façon de transmettre ces signaux.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Globerman.
    Nous passons maintenant aux questions et aux observations des membres, à commencer par M. Garneau.

  (0930)  

[Français]

    Thank you, Mr. Chair.
    Merci beaucoup à tous de vos témoignages ce matin sur un sujet à la fois important et très complexe.
    En ce qui concerne le Canada et le domaine des télécommunications, plusieurs personnes semblent constater que notre pays prend du retard vis-à-vis de ses concurrents par rapport à des questions d'accès, des questions de coût, de vitesse, de l'accès aux services, par exemple le cellulaire ou l'Internet à large bande dans certains coins du pays et même dans nos grandes villes.
    Certaines personnes avancent l'hypothèse que le problème serait lié à la compétitivité et, par extension, suggèrent que si on veut augmenter la compétitivité, il faut encourager l'investissement étranger. C'est vraiment de cela que nous parlons, dans un certain sens, et bien sûr de la question complexe des liens avec la culture.
    Au sujet de la compétitivité, monsieur Paradis, vous avez mentionné dans votre témoignage qu'à votre avis, il y avait amplement de concurrence au pays, que le problème était plutôt lié, peut-être, à la complaisance des compagnies en place. J'aimerais connaître votre opinion et celle des autres invités en ce qui touche la compétitivité.
     Attirer des investissements de l'étranger va-t-il permettre d'augmenter la compétitivité ou, comme vous le dites, monsieur Paradis, ce n'est pas nécessaire parce qu'il y a déjà amplement de concurrence?
    En fait, je pourrais partager avec le comité certaines informations que j'ai trouvées au Conseil, où une étude a été réalisée l'année dernière au sujet de la différence des coûts pour divers types de services mobiles, Internet haute vitesse et autres, entre différents pays: le Canada, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Australie.
    Il y a toutes sortes d'opinions qui circulent selon lesquelles ça coûte plus cher ici. Cependant, il en coûte plus cher aux États-Unis pour des services équivalents à ceux qu'on peut obtenir ici. Il y a certains secteurs où on paie peut-être plus cher. Beaucoup de pression est exercée pour que le plus de gens possible aient accès à Internet haute vitesse à un taux très abordable.
    À la question de savoir si on est en train de perdre notre place sur le plan du développement des technologies, je répondrai qu'à part le fait qu'il faut attendre un mois environ avant d'avoir accès au iPhone parce que le marché américain est capable de gober tout ce qui a été produit dans les premiers mois, on n'a rien à envier à d'autres pays. Quant à savoir s'il y a suffisamment de concurrence, une des raisons pour lesquelles on est ici, je crois, est Globalive et la décision du CRTC qui a été annulée.
    Il y a de nouveaux joueurs qui s'apprêtent à pénétrer le marché canadien pour nous offrir le sans-fil. Quebecor va démarrer un service qui sera très concurrentiel dans le marché du Québec à partir de juin ou juillet prochain. Globalive va lancer Wind Mobile. On voit déjà que cette compagnie, même si elle est bien financée par des intérêts étrangers, a beaucoup de difficulté à démarrer parce que les joueurs déjà présents, TELUS, Bell et Rogers, possèdent environ 94 p. 100 du marché du sans-fil.
    Alors, même si on laisse entrer une foule de compagnies, cela ne signifie pas qu'elles seront en mesure d'offrir des produits à meilleur prix. N'oubliez pas que toutes celles qui accèdent au marché en ce moment, que ce soit Dave Wireless ou autres — il y a trois ou quatre compagnies qui s'apprêtent à pénétrer le marché —, ont payé environ deux fois et demie ce qu'elles croyaient payer pour les fréquences qu'elles ont achetées. Si vous êtes en affaires et que vous croyiez démarrer une entreprise au coût de 100 millions de dollars mais que, finalement, il vous en coûtera 250 millions, cela change un peu la capacité de s'établir dans le marché avec des tarifs intéressants pour essayer de concurrencer ceux qui y sont déjà, qui ont leur infrastructure.
    Donc, il ne s'agit pas d'un manque de concurrence dans le marché, mais comme je le disais dans mon texte, il y a de grandes entreprises qui sont installées depuis longtemps comme Bell, TELUS qui était à l'origine BC TELECOM. Ces compagnies sont prises dans un lent engrenage sur le plan des changements et de l'ouverture à la concurrence. La concurrence dans le domaine de l'interurbain existe depuis seulement 15 ans. Auparavant, on ne pouvait pas posséder son téléphone à la maison, c'est difficile à croire mais c'est vrai.
    Donc, tranquillement, le marché canadien s'est développé en respectant le fait qu'il a fallu des monopoles initialement pour pouvoir joindre le plus de Canadiens possible. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des Canadiens ont accès à un téléphone chez eux et il y a le fait qu'à présent, avec le sans-fil, il est aussi possible de joindre la plupart des Canadiens. Étant donné les tarifs actuels du sans-fil, le Canada un des pays où il y a le moins de pénétration. La pénétration du sans-fil est encore à peu près à 67 p. 100 chez les Canadiens, comparativement à 80 p. 100 ou 90 p. 100 en Europe.

  (0935)  

[Traduction]

    Je comprends la nécessité d'être rapide ici, donc, si vous me le permettez, je m'exprimerai sous forme de points.
    Tout d'abord, je crois qu'en deux ou trois décennies, nous sommes passés d'une situation de monopoles à des duopoles, puis à une situation qui ressemble plus à un marché. Il y a une évolution.
    Nous sommes un pays qui compte maintenant 34 millions d'habitants, un vaste territoire, plusieurs fuseaux horaires et de grandes étendues de terre qui coûtent plus chères en termes d'infrastructure que ce que les comparaisons avec les pays européens ou les États-Unis ne l'indiquent. En tenant compte de ça, nous avons fait du bon travail. Si vous consultez le rapport de surveillance le plus récent du CRTC, le Rapport de surveillance des communications de 2009, vous y trouverez des comparaisons effectuées à l'échelle internationale qui reflètent mieux notre concurrence et notre abordabilité que ce qu'on trouve dans l'information récente.
    J'aimerais simplement souligner qu'en 2003, lorsque ce comité a étudié pour la dernière fois cette question, le dollar canadien était faible, se situant à environ 70 ¢ et moins. Aujourd'hui, le dollar canadien est évalué à 98 ¢ et on s'attend à ce qu'il dépasse le seuil de la parité. C'est un changement de 50 p. 100 dans la valeur du taux de change avec le dollar américain. L'euro était à 1,6 quelque chose et il est maintenant à 1,35. C'est un changement de 15 p. 100. Ces éléments influent sur les statistiques de telle sorte que notre infrastructure semble être plus dispendieuse, mais cela n'a rien à voir avec les paramètres économiques fondamentaux sous-jacents.
    Il y a également la question des fusions. J'ai remarqué que M. McTeague a soulevé cette question auprès du ministère de l'Industrie jeudi dernier. Il est possible d'agir dans le cas des conséquences involontaires et provoquer une fusion Telus-Bell, par exemple. Que ferez-vous à cet égard?
    À l'heure actuelle, de nombreux facteurs monopolistiques se rapportant aux politiques d'entreprise sont en jeu sur le marché. Nous avons commandé un projet de recherche d'envergure auprès de Pollara il y a de cela un an ou deux qui portaient sur les attitudes des Canadiens à l'égard de l'industrie du câble. On a constaté que la majorité des Canadiens n'avaient pas l'impression d'avoir le choix de leur fournisseur de services de télécommunications parce que les entreprises regroupent en forfaits les services Internet, par câble et téléphoniques afin que les clients les achètent en même temps. La décision de changer ces services est trop importante.
    Voilà les points que je voulais soulever.
    Merci beaucoup, monsieur Morrison.
    Monsieur Cardin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, bonjour et bienvenue au comité.
    Comme l'a dit M. Paradis, nous sommes ici principalement à cause de l'affaire Globalive. Nous sommes ici aussi à cause de l'intention exprimée par le gouvernement, lors du discours du Trône, d'ouvrir le marché des satellites et télécommunications à la propriété étrangère. C'est aussi parce que le gouvernement a inclus dans sa loi de mise en oeuvre du budget cette ouverture pour les télécommunications, en définitive.
    Le gouvernement a donc procédé d'une façon un peu inversée. Il n'a amendé ni la Loi sur les télécommunications ni la Loi sur la radiodiffusion. Le gouvernement a vendu à Globalive des licences d'utilisation du spectre pour la somme de 442 millions de dollars. Cette compagnie a prêté 500 millions de dollars. On peut donc s'attendre à ce que quelqu'un qui avance 500 millions de dollars ait l'intention d'avoir un mot à dire relativement à la situation.
    Le contexte est le suivant. Le CRTC a statué qu'il s'agissait d'une compagnie étrangère, mais le gouvernement a renversé cette décision. Si on avait fait cela dans les règles de l'art et qu'on était passé par le Parlement, en essayant de modifier la loi pour s'ouvrir à la propriété étrangère, ne pensez-vous pas que d'autres compagnies auraient aussi été intéressées à acheter des licences d'utilisation du spectre? Le fait de commencer par vendre et d'être obligé d'adopter un décret pour s'ouvrir aux étrangers n'était pas la solution idéale.
    Voyez-vous une possibilité de mettre un frein à cette ouverture aux investisseurs étrangers? Je parle, bien sûr, pour ceux qui veulent y mettre un frein. Ceux qui ne veulent pas cela peuvent aussi s'exprimer là-dessus.

  (0940)  

    Vous soulevez un certain nombre de questions que vous aurez à régler entre vous.
    Regardons ce qui s'est passé dans le cas de Globalive. Ça revient à ce que j'ai dit. Il y aura toujours des investisseurs étrangers intéressés à investir au Canada. Comme j'ai déjà dit, rien n'empêche, à l'heure actuelle, un investisseur étranger d'investir de l'argent dans Bell Canada, TELUS ou Rogers. Il peut acheter des actions et s'exprimer, quand c'est le temps, lors des assemblées annuelles.
    La véritable question est celle du contrôle. Qui prendra les décisions, et dans l'intérêt de qui? Un peu plus tôt, monsieur a dit que même si des entreprises étrangères étaient propriétaires, elles étaient régies par les lois du Canada. C'est possiblement vrai, mais revenons à l'aspect économique. Quand viendra le temps de prendre des décisions relativement aux marges bénéficiaires, si c'est plus intéressant pour celui qui investit dans Globalive d'investir en France ou en Amérique du Sud, il ne se posera pas beaucoup de questions avant de déplacer son argent.
    Au Canada, on s'est donné un système et on trouve suffisamment de financement. Bell ne se plaint jamais d'avoir de la difficulté à trouver des actionnaires, et TELUS non plus. À l'occasion, ils parlent de se regrouper pour être encore plus forts face à la concurrence mondiale. Il n'empêche que, fondamentalement, le capital est disponible au Canada. En ce qui a trait à la décision relative à Globalive, je crois qu'on aurait dû respecter la décision du CRTC, mais nous ne décidons pas ces choses.
    Vous avez parlé de l'ouverture du marché aux investisseurs étrangers. Ne craignez-vous pas qu'au lieu d'amener plus de concurrence, il y ait beaucoup plus de concentration, puisque les compagnies provenant de l'extérieur devront acheter des licences d'utilisation du spectre ou des compagnies titulaires de licences? Vous avez dit aussi que les dirigeants pourraient faire un peu d'argent. Peut-être potentiellement, mais je crois bien plus qu'il y aurait une plus grande concentration et non pas une plus grande concurrence.

[Traduction]

    Je suis désolé, mais je suis obligé de demander la traduction de ce qui a été dit.
    Je suis désolé, monsieur Globerman, la traduction est offerte aux canaux 1 et 2.
    Je n'ai pas vu ça.

[Français]

    J'ajouterais seulement que chaque fois que quelqu'un rachète des fréquences, il paie un supplément. Chaque fois que ce supplément est payé, le consommateur doit, au bout du compte payer des tarifs pour que cette entreprise puisse générer du profit. Quand le gouvernement a vendu les fréquences évoluées il y a un et demi, il a vraiment ouvert le marché, et même réservé 25 p. 100 des fréquences à de nouveaux joueurs. Il existe, au Canada, des mécanismes pour favoriser la concurrence et l'arrivée de nouveaux joueurs au sein du marché, mais j'ai toujours de la difficulté à comprendre cet empressement à ouvrir la porte.
    Monsieur a dit, un peu plus tôt, qu'il ne fallait pas se préoccuper du contenu canadien véhiculé par ces compagnies. Je réponds que la convergence est réelle. Quand on a un iPhone et qu'on est abonné à Bell ou à d'autres compagnies, on a accès à des émissions de télévision. Jusqu'à quel point sera-t-on en mesure de s'assurer que le contenu canadien sera disponible de cette façon à l'avenir? C'est important.

  (0945)  

    Justement, vu cette évolution rapide de la technologie des téléphones cellulaires, croyez-vous que la décision du CRTC de s'abstenir de réglementer le contenu des appareils de téléphonie est toujours une bonne idée?
    Je pense que quand le CRTC a vu arriver Internet, pour une fois dans l'histoire de notre organisme de réglementation, il ne savait pas quoi faire et craignait même d'y penser.
    Plusieurs gouvernements, dont la France et l'Australie, sont en train d'étudier aujourd'hui dans quelle mesure ils seraient capables d'au moins tirer profit, ou obtenir des avantages pour la communauté, des systèmes Internet qui sont sur leurs territoires. Ce pourrait être, par exemple, une redevance imposée aux utilisateurs d'Internet qui pourrait servir à aider les créateurs canadiens, afin qu'ils puissent développer du contenu pour ces plateformes. Vous entendrez sûrement parler de cela avec l'ADISQ la semaine prochaine.
    Vous pourriez peut-être reformuler votre question, pour monsieur Globerman.
    Trop, c'est souvent comme pas assez. Contrairement à vous, je crois que l'ouverture aux intérêts étrangers susciterait plutôt un réflexe de concentration. Les compagnies étrangères doivent, bien sûr, acheter du spectre ou des entreprises titulaires de spectre, mais ça risque de créer beaucoup plus de concentration que de concurrence, à mon avis.

[Traduction]

    Je crois que la question fondamentale est de savoir à quel moment on peut dire que la concurrence est suffisante. Si nous souhaitons qu'il y ait plus de concurrence, nous devons nous interroger quant à la manière de la gérer. Devons-nous délibérément autoriser un certain pourcentage de droit de propriété d'une manière contrôlée aux différents paliers de l'industrie, ou devons-nous réellement ouvrir le marché à tous les investisseurs qui souhaitent risquer leur argent? S'ils fournissent le produit aux clients, ils réaliseront des profits et réussiront.
    En tant qu'économiste, il est difficile de favoriser une ou l'autre de ces options, à l'exception de celle voulant qu'on permette au marché de déterminer le niveau de concurrence qu'il devrait y avoir, conformément à la Loi sur la concurrence, instaurée pour protéger toutes les industries de l'abus de domination et de monopole. Je ne crois pas qu'il existe un nombre magique. Je ne crois pas que quiconque puisse défendre avec crédibilité un nombre magique à l'égard des droits de propriété étrangers dits « optimaux », que celui-ci soit arbitrairement établi à 49 p. 100 parce qu'il s'agit de la limite avant d'obtenir le contrôle, ou à 23 p. 100 ou 22 p. 100. Je ne crois pas qu'il existe de nombre magique.
    Une chose devrait être très claire, et je crois que je l'ai mentionnée un peu plus tôt. L'industrie des télécommunications est très dynamique. De nouvelles technologies font leur arrivée. Établir des comparaisons entre le rendement du Canada et celui d'autres pays en fonction de modèles terrestres de services de télécommunications est tout à fait hors de propos parce que nous nous défaisons rapidement de ces modèles, et c'est la même chose dans le domaine de la radiodiffusion. Il est tout à fait impossible de prévoir l'avenir, mais nous savons que l'avenir sera très différent du passé.
    Voulons-nous essayer de gérer l'ensemble ce processus de changements technologiques au moyen d'une infrastructure réglementaire où le but premier est d'établir un nombre arbitraire relativement aux droits de propriété étrangers? Voulons-nous plutôt être en mesure de profiter d'une manière significative de toute forme de technologie supérieure qui existe ailleurs? Les droits de propriété étrangers rendent possible cette dernière option, mais il se peut qu'elle se concrétise autrement. Cependant, nous devons rester ouverts à ces possibilités.
    Merci beaucoup, monsieur Globerman et monsieur Cardin.
    Monsieur Lake.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
    Monsieur Morrison, j'aimerais commencer par vous poser une question. À l'heure actuelle, les radiodiffuseurs du Canada exploitent leur entreprise conformément à des règlements de radiodiffusion précis issus de la Loi sur la radiodiffusion. Je me demandais si vous pouviez me dire lesquels de ces règlements sont les plus essentiels, et quelle est leur importance dans l'industrie de la radiodiffusion.

  (0950)  

    Dans le domaine de la télévision, par exemple, un des règlements stipule qu'au cours d'une année de radiodiffusion, 60 p. 100 des programmes diffusés doivent être canadiens. En vertu de la politique que le CRTC a proposé la semaine dernière, ce taux passerait à 55 p. 100. D'autres questions de réglementation ont fait l'objet de discussions au sein de la Commission, et entre la Commission et l'industrie et d'autres groupes d'intérêt, mais la majorité semble en faveur du fait que les télédiffuseurs doivent consacrer une certaine proportion de leurs revenus à la programmation canadienne. Voilà la réponse courte. Il y a également une réponse de 30 minutes, mais j'ai remarqué que le président a déjà repris son crayon.
    Nous avons dit qu'en tant que gouvernement nous n'avons aucunement l'intention de toucher à la Loi sur la radiodiffusion ni d'y apporter les modifications à la concurrence que nous souhaitons voir dans le secteur des télécommunications. Le fait que nous ne toucherons pas à la Loi sur la radiodiffusion apaise-t-il certaines de vos préoccupations concernant certains des points que vous avez soulevés?
    Non. Il est réconfortant de vous entendre dire que le gouvernement n'a aucunement l'intention de toucher à la Loi sur la radiodiffusion. Mais est-ce suffisant? Je ne répéterai pas tout ce que j'ai dit dans mon exposé. En raison de la nature intégrée des industries de radiodiffusion qu'on connaît à l'heure actuelle, des problèmes importants surviendront si vous apportez des modifications aux clauses liées aux droits de propriété étrangers dans l'industrie des télécommunications. Cela aura également des répercussions sur la radiodiffusion.
    Je ne répéterai pas ce que j'ai dit à cet égard dans mon exposé. À mon avis, j'ai soulevé plusieurs points importants.
    Une des choses dont vous avez parlé dans votre exposé, un des résultats qui vous préoccupait au sujet de l'ouverture de cette concurrence, est ce que vous avez appelé, si je ne me trompe pas, l'exportation d'excellents emplois. Avez-vous des préoccupations particulières au sujet de la capacité des entreprises de technologie canadiennes à faire concurrence dans un monde qui est beaucoup plus concurrentiel?
    Je serais mal avisé de dire en présence du député de Kitchener—Waterloo, région dans laquelle la moitié de toutes ces activités se déroulent, que j'ai des préoccupations particulières au sujet de la capacité des entreprises de technologie canadiennes à faire concurrence. Elles font un très bon travail concurrentiel à l'échelle mondiale.
    M. Paradis a dit qu'à l'heure actuelle, on doit reconnaître qu'il existe différentes occasions d'investissements de capitaux étrangers dans le secteur des télécommunications au Canada. La question qui se pose concerne plutôt le contrôle. Si on l'analyse sous cet angle, quand on se trouve dans une situation de contrôle, il est légitime de craindre l'exportation de certains des meilleurs emplois dans d'autres parties du monde, peu importe les commentaires de M. Globerman.
    En fait, puis-je demander à M. Globerman de commenter ce point?
    Sauf tout le respect que je dois à MM. Morrison et Paradis, je dirais que les préoccupations qu'ils ont soulevées étaient des préoccupations centrales dans les années 1970 et 1980, époque à laquelle les multinationales exploitaient des modèles bien différents de ceux que nous exploitons aujourd'hui. J'en ai fait allusion plus tôt.
    La plupart des multinationales que je connais et qui ont fait l'objet d'articles optent pour des chaînes d'approvisionnement mondiales. Des activités très précises et spécialisées sont transférées dans des endroits où elles sont réalisées avec le plus d'efficacité. Ce n'est pas parce qu'une entreprise se trouve dans un pays que tout le travail de haute technologie doit être fait dans ce pays et que tout le reste doit être fait ailleurs. Les entreprises, y compris les entreprises canadiennes, exportent certains emplois à l'étranger et en importent d'autres dans leur propre pays. Des entreprises étrangères déménagent des installations de recherche et de développement au Canada. Microsoft a déménagé une importante installation de recherche et de développement à Vancouver.
    On pourrait continuer et donner des centaines, voire des milliers, d'exemples. Il n'est pas juste de dire que les entreprises mondiales sont désormais exploitées de telle sorte qu'elles auront une approche biaisée quant au fait de faire faire certains travaux de haute technologie dans un pays étranger. Elles le feront si c'est le meilleur endroit pour le faire.
    C'est la difficulté que nous avons au Canada: faire de notre pays le meilleur endroit où exploiter des entreprises de haute technologie.

  (0955)  

    Monsieur Paradis, j'ai également une question pour vous. Pendant que vous parliez plus tôt, je me disais que si certains de mes électeurs — je suis certain qu'il y en a des milliers —, écoutaient votre introduction en direct sur Internet, ils seraient quelque peu fébriles quant au niveau de concurrence de l'industrie canadienne.
    Vous avez parlé d'importants profits réalisés par des entreprises canadiennes, même durant une récession. Je crois que vous avez dit que oui, les Canadiens payent davantage pour leurs services sans fil, par câble, texte, etc., puis vous avez expliqué que c'est parce que l'industrie est complaisante. À mon avis, ce sont d'excellents arguments en faveur d'une plus grande concurrence.
    Croyez-vous que les Canadiens devraient payer davantage pour leurs services sans fil, par câble et texte afin de protéger certains autres secteurs? Est-ce une justification raisonnable? Je crois que dire aux clients de ma région et de l'ensemble du pays qu'ils devraient payer davantage pour leurs services sans fil, par câble et texte serait un argument plutôt difficile à leur présenter.
    Je crois qu'il n'y a probablement rien dans le modèle financier des fournisseurs de services mobiles qui les empêcherait de diminuer les tarifs que les Canadiens paient pour leur service cellulaire. Les entreprises de téléphonie mobile ont trouvé différentes manières de faire de l'argent. Elles font de l'argent avec les messages textes, et une de leur plus grande source de revenu est le téléchargement de sonneries. Pour nous, ça ne signifie pas grand-chose, mais parlez à quiconque de moins de 18 ans et il vous dira qu'il paie 2,95 $ par pièce iTones trois ou quatre fois par semaine, simplement pour changer la sonnerie lorsqu'il reçoit un appel.
    Les entreprises ont de la latitude pour diminuer leurs tarifs. Le problème, c'est qu'aucune d'entre elles ne le fait. Peut-être qu'une nouvelle entreprise sera en mesure de réduire les coûts et d'expliquer plus clairement à un client le produit qu'il achète pour une certaine période de temps. C'est peut-être parce que nos entreprises sont trop confortables, mais je ne crois pas que c'est une raison pour introduire nécessairement de nouveaux joueurs qui peuvent décider de faire la même chose, ou qui seront un peu plus audacieux. Le problème est qu'il faut toujours penser au nombre d'entreprises qu'on peut avoir.
    Rappelez-vous de l'époque où la technologie cellulaire a fait son arrivée au Canada. Environ 30 ou 40 entreprises se sont lancées dans ce secteur d'activité, puis celles qui ont connu le plus de succès ont été achetées par Bell et Rogers. Ça veut dire que nous avons trois ou quatre opérateurs, et que même si nous en introduisons de nouveaux, on finira par constater qu'ils seront éventuellement achetés par les plus importants.
    Est-ce que notre marché peut générer de bonnes marges de profit comme cela a été le cas pour trois ou quatre entreprises? Nous devrions peut-être trouver des façons de mettre de la pression sur les entreprises pour qu'elles diminuent leurs tarifs, mais introduire de nouveaux joueurs n'est pas une solution. Même s'il parle de l'innovation qui découle de l'introduction d'investissements étrangers, on doit se demander qui a mis un terme à notre élan créateur et aux succès que nous avons connus.
    Merci beaucoup, monsieur Paradis.
    Nous entendrons maintenant M. Davies.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Je commencerai par vous, Monsieur Morrison. Je crois que parfois, lorsqu'on aborde des questions compliquées, il est bon de revenir aux principes fondamentaux. J'aimerais d'abord que vous m'expliquiez directement comment vous formuleriez la justification initiale pour introduire des restrictions en matière de droits de propriété étrangers dans le secteur des télécommunications, puis que vous me disiez si, selon vous, cela est toujours pertinent aujourd'hui.
    J'ai fait référence à l'article 7 de la Loi sur les télécommunications, et ensuite à l'article 16. Je pense que les législateurs ont, il y a près de 20 ans — ou 18 ans, peu importe — fait du très bon travail. Ils ont compris que le réseau de télécommunication est un bien public important pour le développement social et économique du pays. Je pense qu'ils ont aussi compris le contexte dans lequel notre pays évolue, c'est-à-dire le fait qu'il partage sa frontière avec le pays le plus important et le plus puissant au monde qu'un Canadien célèbre, comme vous le savez, a déjà décrit comme « notre meilleur ami, que cela nous plaise ou non ».
    Nous sommes donc confrontés à une situation unique avec laquelle nous devons composer, et c'est le principe fondamental de la Loi sur les télécommunications qu'il faudrait rejeter si celle-ci était modifiée pour atteindre les objectifs mentionnés par Son Excellence la Gouverneure générale dans le discours du Trône du mois dernier. D'autres lois visent les mêmes objectifs, dont celle sur la radiodiffusion.

  (1000)  

    Pour faire suite à ce qui vient d'être dit, il est évident que de nombreuses personnes se préoccupent de l'incidence sur le contenu de la programmation qu'aura tôt ou tard la levée des restrictions sur la propriété étrangère des entreprises de télécommunications et par le fait même, on s'inquiète de la réduction du contenu canadien. Je sais que vous partagez probablement cette opinion. J'aimerais savoir si vous pouvez fournir des exemples qui prouvent le lien entre la propriété des signaux et le contenu.
    C'est une bonne question que vous devriez envisager de poser soit dit en passant, aux employés travaillant à la Bibliothèque du Parlement. Ils pourraient faire des recherches pour répondre à cette question.
    De façon générale, je dirais, en réponse à votre commentaire et pour revenir à l'essentiel, qu'il est établi, non seulement au Canada mais aussi dans d'autres pays, que les propriétaires des moyens de communication ont une influence sur leur contenu. Ces deux éléments sont indissociables. Les Canadiens anglais mènent une lutte continuelle en vue de maintenir la proportion du contenu canadien dans leur réseau audiovisuel. Nous avons réussi avec brio à préserver un ratio d'environ un tiers de contenu canadien pour deux tiers de contenu étranger — 99 p. 100 de ce contenu provenant des États-Unis — depuis plusieurs décennies. Un organisme de réglementation, qui fait appel à la réglementation pour faciliter les marchés, se doit d'intervenir continuellement. Nous aussi, monsieur Davies, profitons d'un meilleur accès aux signaux étrangers dans notre pays que, par exemple, nos collègues américains.
    Merci.
    Monsieur Paradis, les concurrents étrangers favoriseront, presque assurément, un marché des télécommunications plus concurrentiel, ce qui aura vraisemblablement une influence positive sur la tarification et les choix, particulièrement dans les marchés où les activités sont divisées principalement entre les grandes entreprises de téléphone et le fournisseur de services de câble titulaire. Si un assouplissement des restrictions sur la propriété étrangère favorise les rachats et les fusions d'entreprises canadiennes existantes, plutôt que l'arrivée de nouveaux concurrents, on peut soutenir qu'il n'y aura aucun changement, simplement de nouveaux propriétaires.
    Un article publié dans le New York Times il y a quelques jours seulement au sujet de la fusion des entreprises de service sans fil partout dans le monde citait les propos du président-directeur général d'Orascom, l'entreprise égyptienne de service sans fil, qui est le principal actionnaire de Globalive, comme suit: « Des fusions importantes auront lieu au cours des prochaines années. Tous les exploitants de petites et moyennes entreprises sont à l'affût des opérations de fusion-acquisition qui leur permettront de se tailler une place de choix dans la nouvelle carte du monde. »
    Selon vous, est-ce que la levée des restrictions sur la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications fera en sorte que les grandes entreprises étrangères de service sans fil achèteront simplement les entreprises canadiennes et que la concurrence plus diversifiée qui est censée se produire ne se concrétisera tout simplement pas? Y a-t-il un risque que cela se produise?
    Oui, ce risque existe. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que l'ouverture du marché pourrait nous placer dans dix ans dans une situation où nos principales entreprises de télécommunication seront détenues en majorité par des étrangers.
    Pour répondre à votre question concernant le lien entre les télécommunications et la radiodiffusion, si nous étions dans le contexte d'il y a 20 ans, et que nous parlions des entreprises de télécommunication, qui n'étaient qu'au début de leurs activités, il aurait été probablement moins difficile de tenir cette discussion. Le problème que nous avons maintenant c'est qu'il n'y a aucune façon de distinguer une entreprise de service de câble d'une entreprise de téléphone puisqu'elles offrent les mêmes services. Il est donc question de contenu canadien et de disponibilité de ce contenu.
    Ainsi, lorsque Telus vous offre, dans l'Ouest du Canada, son service IPTV, par les lignes téléphoniques, pour l'accès à la programmation télévisée, cela revient à dire que c'est une entreprise de télécommunication qui vous offre ce contenu à domicile. Étant donné qu'elle offre ce service, elle a des obligations à respecter, aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, en ce qui concerne le type de contenu canadien qu'elle doit offrir parmi tous les autres choix de programmation que vous avez lorsque vous recevez le service. C'est l'une des situations où la Loi sur la radiodiffusion a une incidence sur une entreprise de télécommunication. C'est aussi la raison pour laquelle il existe un réel problème avec la loi, parce que les entreprises sont devenues deux industries qui offrent les mêmes services, mais qui sont assujetties à des règlements différents.

  (1005)  

    La dernière question s'adresse à M. Globerman.
    Je m'intéresse au lien existant entre la propriété et la recherche et développement. J'ai écouté très attentivement vos commentaires. Vous avez expliqué très concrètement qu'il faut se fonder sur une preuve empirique pour établir une association entre la propriété étrangère et l'efficacité.
    Vous avez indiqué que la prémisse selon laquelle la R-D suit la propriété n'est pas nécessairement vraie. Nous avons tous été témoins de ce qui s'est passé, disons, avec Nortel dans le vaste secteur des technologies. Les divisions de Nortel ont été morcelées et vendues à des entreprises étrangères, et nous avons perdu l'un des principaux bailleurs de fonds du secteur privé pour la recherche et développement au pays. Nous avons été témoins du départ de son centre de recherche et développement. Je me demande simplement s'il existe une preuve empirique du fait que la recherche et développement se déplace généralement à l'endroit où la propriété d'une entité particulière choisit de s'installer. Il semble que cette conséquence soit logique. Existe-t-il une telle preuve?
    L'expérience démontre que la propriété étrangère a une incidence sur la recherche et développement dans le pays d'accueil. Un de mes collègues, M. Don McFetridge de Carleton, a effectué de nombreuses recherches sur le sujet.
    J'ai fait allusion à ses travaux dans ma déclaration préliminaire. Je disais que si tous les autres paramètres demeurent les mêmes — la taille de l'entreprise, l'industrie et le pays — les entreprises de propriété étrangère investissent probablement moins dans la recherche et développement pour chaque dollar de recettes que les entreprises détenues par des Canadiens. Je suppose que si vous comparez AT&T à Bell Canada, Bell investit davantage dans la recherche et développement au Canada pour chaque dollar de recettes que AT&T.
    En tant que consommateur et pays dans son ensemble, nous nous intéressons principalement à l'efficacité. Ce n'est pas simplement une question de rendement de la recherche et développement. C'est ce à quoi je faisais allusion dans ma déclaration préliminaire. Les entreprises de propriété étrangère amènent au pays leurs services de recherche et développement établis à l'étranger, ce qui profite aux fournisseurs, notamment aux fournisseurs de propriété canadienne. Bien qu'elles investissent moins d'argent dans la R-D pour chaque dollar de recettes, cela n'a pas nécessairement d'incidence sur l'efficacité pour chaque dollar de recettes.
    Un autre point sur lequel j'aimerais attirer votre attention — j'ai formulé ce commentaire à la fin de ma déclaration, et je pense qu'il existe de nombreuses preuves empiriques qui le confirment — est le fait que les multinationales décentralisent plus que jamais auparavant leurs services de R-D. Dans certains pays, des multinationales, comme les multinationales suédoises, investissent davantage dans la R-D à l'étranger pour chaque dollar de recettes qu'elles ne le font dans leur pays. Les entreprises tendent à remplacer leurs centres de R-D au profit de ce que l'on appelle les centres d'excellence.
    Si le Canada, qui dispose de centres d'excellence, comme celui sur les logiciels à Toronto... Mon collègue de Simon Fraser, Danny Shapiro, et moi-même avons mené une étude qui a démontré que de nombreuses petites entreprises étrangères spécialisées dans les logiciels investissent davantage dans la R-D à Toronto qu'elles ne le font dans leur pays, parce que Toronto est un vrai centre d'excellence pour le développement de logiciels.
    Ce n'est pas par entêtement que les propriétaires d'entreprises étrangères ont gardé la R-D dans leur pays, ni par patriotisme ou autre raison du genre, car c'était probablement le meilleur endroit pour mener de telles activités jusqu'à aujourd'hui. Maintenant que d'autres endroits deviennent plus attrayants, ces entreprises se montrent très enclines à déménager leurs installations de R-D, du moins une grande partie d'entre elles.
    Merci beaucoup, monsieur Globerman.
    Monsieur Rota.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence ici ce matin.
    On a mentionné que la propriété étrangère augmente ou améliore l'efficacité et la productivité dans le pays hôte, et que l'hypothèse de base veut que la concurrence favorise un meilleur service.
    Nous savons tous que les entreprises sont présentes sur le marché pour réaliser des profits, et certains diront que les entreprises étrangères sont strictement motivées par le profit. Elles déménagent dans les endroits qui lui paraissent lucratifs. Le service à la population n'est pas la première priorité pour une entreprise. Je pense que les parlementaires doivent se pencher sur cette question.
    Je viens du nord de l'Ontario. L'hypothèse est tout à fait logique dans les grandes villes, ainsi que dans les endroits densément peuplés comme Toronto ou Vancouver et toutes les grandes métropoles. Par contre, dans les régions rurales du Canada qui sont moins densément peuplées, dans quelle mesure améliore-t-on les services qui y sont offerts?
    Pourquoi n'encouragerions-nous pas les propriétaires d'entreprises étrangères à s'installer au pays et pourquoi ne nous leur demanderions-nous pas d'offrir des services aux régions rurales du Canada, dont le nord de l'Ontario, mais aussi d'apporter des améliorations à leurs services? Il serait facile de dire que ces entreprises sont en place et que cela n'est pas faisable, tandis que selon la réglementation à laquelle un monopole ou même un duopole est assujetti, ce service doit être offert. Quelles sont les mesures incitatives pour les entreprises étrangères, et quel type de service recevez-vous? Existe-t-il d'autres exemples de région rurale éloignée moins densément peuplée qui reçoit le service et à quel niveau le reçoit-elle?

  (1010)  

    Aimeriez-vous que je...
    Mes questions s'adressent à toutes les personnes présentes.
    D'accord. Je vais tenter de répondre à la première.
    Évidemment, il est très difficile de dire en toute certitude ce qui va se produire si on change les règles du jeu. Il est vrai que dans la mesure où il existe une économie d'échelle, les régions rurales vont devoir payer des coûts plus élevés pour les fournisseurs, qui à leur tour vont vouloir recouvrer ces coûts. Pendant de nombreuses années, cette situation était, comme vous le disiez, un problème au Canada. Un économiste dirait qu'il faut verser une subvention directe aux utilisateurs désavantagés, mais mettons cette question de côté parce qu'il s'agit d'un tout autre débat.
    Dans bien des pays du monde aujourd'hui, particulièrement dans les pays en voie de développement, des régions rurales bénéficient de services de télécommunication de pointe parce que de nouveaux fournisseurs proposent de nouveaux modèles et une nouvelle technologie de communications — réseaux sans fil et réseaux sans fil à courte portée. En fait, pour changer vraiment la situation, je pense que les régions rurales où les coûts sont plus élevés pourraient profiter de l'ouverture du marché aux nouveaux concurrents qui ne sont pas attachés aux anciennes technologies et qui n'utilisent pas les anciennes technologies non adaptées aux régions faiblement peuplées et de petite taille.
    Certaines régions en Afrique et en Asie de très faible densité sont reliées à un réseau sans fil et satellitaire. Ce ne sont pas tous les gens qui sont reliés à ce réseau, mais la situation s'est grandement améliorée par rapport à celle qui prévalait auparavant, c'est-à-dire lorsqu'il y avait un téléphone pour le village et que les coûts d'utilisation étaient très élevés. Selon moi, cette préoccupation justifie la position en faveur de l'ouverture du marché à de nouveaux concurrents, plutôt que celle prônant le statu quo parce que cette ouverture pourrait aggraver la situation.
    Lorsque le CRTC se présentera inévitablement devant vous, vous pourriez inscrire à votre agenda l'idée de le questionner sur — je n'ai probablement pas le bon nom, c'est seulement celui qui me vient à l'esprit — un « fonds national de contribution » qu'il a rendu obligatoire. Les fournisseurs de services de télécommunication qui n'offrent pas de services, par exemple dans une grande partie de votre circonscription, doivent verser une contribution à ce fonds afin que l'argent amassé soit remis aux fournisseurs qui offrent des services. Il y a donc actuellement une politique et une pratique qui découlent des valeurs enchâssées dans la Loi sur les télécommunications et qui semble répondre à la question de l'accès dans les régions rurales.
    La question de la radiodiffusion est aussi très épineuse. Vous êtes probablement au courant que les personnes vivant dans le nord de l'Ontario ont en fait un accès beaucoup plus limité à notre réseau audiovisuel que les personnes vivant dans les Territoires du Nord-Ouest.
    Merci beaucoup, monsieur Rota.
    Je cède maintenant la parole à M. Braid.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'être ici ce matin.
    J'aimerais d'abord m'adresser à M. Globerman, puis à M. Morrison.
    J'ai bien aimé votre exposé, Monsieur Globerman. Tout compte fait, votre témoignage était très cohérent, malgré le fait que vous avez dû le préparer en très peu de temps, donc je vous remercie chaleureusement.
    Si j'ai bien compris, vous dites que le bilan des entreprises canadiennes de télécommunications sur le plan de la recherche et du développement n'est pas aussi reluisant qu'il pourrait l'être. Pourriez-vous expliquer pourquoi?
    Pourriez-vous également donner des exemples de mesures, outre l'ouverture à la propriété étrangère, qui inciteraient les entreprises canadiennes de télécommunications à investir dans la recherche et le développement?

  (1015)  

    Merci pour vos remarques, monsieur Braid.
    Si j'ai dit que le bilan des entreprises canadiennes de télécommunications dans le domaine de la recherche et du développement était insatisfaisant, je me suis peut-être mal exprimé. En fait — je crois que c'est en lien avec des études qui, je le sais, ont été menées dans les années 1980 et 1990 —, la proportion de fonds investis dans la recherche et le développement par rapport aux ventes n'est pas moins élevée chez les entreprises canadiennes de télécommunications que chez les autres entreprises de l'industrie ailleurs dans le monde.
    Ce qui importe, c'est de savoir ce qui incite les entreprises canadiennes à mener des activités de recherche et de développement. Évidemment, s'il s'agit d'une entreprise privée, c'est l'occasion de faire des profits qui est l'incitatif. C'est partiellement lié à la qualité de la main-d'oeuvre et du système fiscal, et au fait de savoir si c'est avantageux ou non. Il y a une foule de facteurs qui favorisent la recherche et le développement ou qui y nuisent.
    Il est difficile de dire avec précision s'il existe quelque chose qui ferait toute la différence au Canada, mais une chose est claire: l'accessibilité aux grands marchés et aux consommateurs est favorable. Je crois que nous n'avons pas parlé de la réciprocité: si les entreprises canadiennes sont en mesure de faire affaire sur d'autres marchés et que nous sommes très protectionnistes, les autres pays pourraient alors faire de même, si bien que les entreprises canadiennes prospères auraient de la difficulté à se tailler une place à l'étranger. Et cela défavoriserait certainement la recherche et le développement en bout de ligne.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Morrison, comme vous le savez, nous nous penchons sur notre industrie des télécommunications et nous envisageons d'ouvrir la porte aux investissements étrangers, s'il y a lieu. Les objectifs stratégiques établis, qui consistent à attirer les investissements étrangers, accroîtront la concurrence, et permettront ainsi d'offrir de meilleurs services aux Canadiens et de baisser les prix. Bon nombre d'entre nous considérons que ces objectifs stratégiques sont importants et louables.
    Pourriez-vous proposer des mesures qui nous permettraient à la fois d'atteindre ces importants objectifs stratégiques et de répondre à certaines des préoccupations que vous avez mises de l'avant?
    Par exemple — j'en reviens à la question posée la semaine dernière par M. McTeague aux représentants de l'industrie —, s'il y avait le risque qu'un gorille de 800 livres soit créé par croisement, le gouvernement pourrait agir par prévention plutôt que devant le fait accompli; il pourrait déterminer la part de marché maximale qu'un fournisseur donné peut posséder — 30, 40, 50 p. 100 ou une autre proportion dans les mêmes eaux — pour aller au-devant de la conséquence non voulue. Voilà une idée possible.
    J'en viens aux entreprises de câblodistribution, au sens où l'entendent vos électeurs — je ne parle pas ici d'entreprises de distribution de radiodiffusion. Il existe une foule de façons de faire. La remarque de M. Paradis au sujet des profits est tout à fait exacte, à la décimale près — il a mentionné que l'industrie de câblodistribution avait fait des profits de 25,1 p. 100 avant intérêts et impôt au cours de l'exercice se terminant le 31 août 2009. Du point de vue des consommateurs, une telle marge de profits semble peut-être excessive. D'après nos recherches, nous avons constaté que plus de la moitié des clients des entreprises de câblodistribution ont l'impression de ne pas avoir de choix. Monsieur Braid, j'habite moi-même dans un immeuble au centre-ville de Toronto; l'orientation de mon appartement ne me permet pas d'avoir recours aux services par satellite et les règles de l'immeuble m'interdisent d'avoir une antenne, ce qui fait que je n'ai d'autre choix que d'être abonné à Rogers.
    Vos électeurs sont sûrement au courant de l'augmentation continuelle des prix. Par le passé, c'était le CRTC qui déterminait le prix des services de base par câble, et les entreprises devaient faire une demande pour augmenter les prix et fournir des justifications. En 2002, on a mis un terme à cette façon de faire. Devinez quoi: depuis 2002, l'indice de prix au consommateur a augmenté de 14  p. 100, et le prix facturé par Rogers pour les services de base par câble à Toronto et à Ottawa, où nous avons mené nos recherches, a augmenté de 85 p. 100. Ce n'est pas vraiment dans l'intérêt des consommateurs. La majorité des gens sont soumis au monopole exercé sur le territoire où ils habitent et les prix ne sont pas réglementés.
    Il y a donc une foule de mesures qui pourraient être prises par le gouvernement pour offrir de meilleurs prix aux gens de ce pays.

  (1020)  

    Merci beaucoup, monsieur Morrison et monsieur Braid.
    Je cède la parole à Mme Lavallée.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Globerman, j'aimerais que vous installiez votre oreillette parce que je vais surtout m'adresser à vous.
    Je veux d'abord préciser que je ne siège pas au Comité permanent de l'industrie, normalement: je siège au Comité permanent du patrimoine canadien. Je suis ici aujourd'hui parce que le monde culturel québécois se sent très menacé par le changement de cap du gouvernement conservateur, qui veut ouvrir les entreprises de télécommunication à la propriété étrangère. Quand je parle du monde culturel, ça ne se limite pas aux radiodiffuseurs. Je veux aussi parler des producteurs, cinéastes, artistes, musiciens et artisans en tout genre. Tout le monde se sent très menacé par cette ouverture.
    Vous l'avez dit vous-même: les télécommunications et la radiodiffusion sont de plus en plus difficiles à séparer. M. Paradis et M. Morrison l'ont affirmé également. Même l'étude de M. Wilson, qui a été publiée il y a deux ans et dans la foulée de laquelle nous nous réunissons aujourd'hui, précise qu'il est de plus en plus difficile de faire la différence entre les télécommunications et la radiodiffusion. À un point tel que nombreux sont ceux qui voudraient voir les deux lois fusionnées. La menace à laquelle font face les entreprises et les produits culturels est tout à fait réelle au Québec et au Canada. Celui-ci a été le premier pays du monde à signer le traité portant sur la diversité culturelle. Dans tous les traités de libre-échange, on fait un genre d'exception assez unique pour la culture. Il faut la protéger et aider nos artistes, sinon nous allons nous laisser envahir par l'empire américain, qui est juste à côté.
    Comme on a pu le constater, celui qui contrôle l'accès contrôle le contenu. Je pense, par exemple, à la magnifique publicité de Bell qui offre aux consommateurs 16 applications, simplement pour un sans-fil. Cette publicité comporte des éléments hautement culturels, très artistiques, dans le sens le plus large du terme. Bell y offre des films de Disney, des informations sur Air Canada ou l'Office national du film. Sur ces 16 applications, au moins 6 ne sont pas canadiennes, et celles qui le sont ne sont pas très québécoises.
    Si on avait voulu que ce soit québécois, on aurait choisi le magazine L'actualité plutôt que la revue Maclean's, la Société Radio-Canada plutôt que CBC Radio, les caisses populaires Desjardins plutôt que la Scotia Bank. Je pense que tous les Québécois sont membres d'une caisse populaire, au Québec. Je ne veux pas tout énumérer, mais j'en reviens au fait que celui qui contrôle l'accès contrôle le contenu.
     Aujourd'hui, les télécommunications jouent sur le terrain de la radiodiffusion. Quand un sans-fil totalement américain arrivera sur le marché canadien, ce sera avec ses produits culturels. C'est tout à fait clair. Ça constituera alors une menace pour les activités culturelles du Canada et du Québec, mais surtout pour la langue française.
    Je sais que vous êtes un éminent universitaire et que vos théories s'appliquent à toutes les manufactures de sacs à main imaginables. Cependant, étant donné la particularité de la radiodiffusion, dans le domaine des télécommunications, je ne crois pas que vos théories s'appliquent au monde des télécommunications et de la radiodiffusion ainsi qu'à la vie culturelle en général.

  (1025)  

[Traduction]

    Monsieur le président, j'espère que vous me laisserez un peu de temps pour répondre.
    Je m'excuse de ne pas être un très bon représentant du multiculturalisme; la preuve, j'ai besoin d'une traduction.
    Laissez-moi vous raconter une histoire intéressante.
    Un instant, monsieur Globerman.
    Je vais demander à la greffière ce qui se passe. Il n'y a pas de traduction, alors attendez un instant qu'on remédie à la situation.
    D'accord. Poursuivez, monsieur Globerman.
    J'habite à Bellingham, à Washington, et ma femme, qui ne m'accompagne malheureusement pas aujourd'hui, est parfaitement bilingue. Elle écoute la radio en français via Comcast, qui est le fournisseur local de services par câble et qui appartient entièrement à des Américains. Elle a accès à au moins trois ou quatre postes privés — je ne parle pas ici de CBC en français — qui diffusent de la musique et des nouvelles en français. Elle les écoute tout le temps. Malheureusement, je n'arrive tout simplement pas à apprendre le français.
    Ce que je veux dire, c'est que le moyen de transmission diffuse le contenu mais ne le détermine pas; ce sont les consommateurs qui déterminent le contenu.
    Il y a beaucoup de Canadiens qui habitent, comme moi, à Whatcom County, qui se trouve tout juste au sud de Vancouver. Je suis certain que Comcast ne considère pas que ces émissions rapportent beaucoup de profits, mais l'entreprise estime qu'il vaut la peine de consacrer une petite partie de la programmation à des émissions en français pour ses abonnés. Cet exemple témoigne du pouvoir du marché et de la possibilité d'offrir des solutions aux consommateurs qui font partie d'une minorité. J'aime beaucoup donner cet exemple.
    Il est vrai que les télécommunications sont uniques en leur genre parce qu'elles diffusent du contenu, que le contenu est porteur de culture et que la culture est diversifiée — les gens sont différents et ils aiment différentes cultures —, ce qui fait que nous ne pouvons pas appliquer les principes économiques aux télécommunications. C'est toute une tâche. Et pourquoi ne pas faire complètement l'inverse? Je crois qu'il s'agit là d'une occasion qui se présente aux nouveaux fournisseurs de trouver de nouvelles avenues où investir leurs capitaux et de répondre ainsi aux besoins des nouveaux consommateurs. C'est là tout le pouvoir du marché.
    Puis-je dire que tous les consommateurs du Canada seraient satisfaits du marché si on n'imposait aucune restriction à la propriété étrangère? Non, je ne peux pas dire cela. Le marché n'est pas parfait. Il existe sûrement des types de besoins culturels auxquels il ne serait aucunement avantageux de répondre.
    Que pouvons-nous faire? Nous pouvons, par exemple, nous montrer loyaux envers la société, accorder de l'importance à cette culture, même si le distributeur le plus efficace n'arriverait pas à en retirer un profit; il faut donc offrir des subventions directes. Il ne faut pas croire que le marché est le méchant dans cette histoire — mettons cartes sur table: nous pouvons régler ce problème en reconnaissant qu'il y a un besoin social, donc offrons des subventions directes.
    Merci beaucoup, monsieur Globerman.
    Merci, madame Lavallée.
    Monsieur Van Kesteren.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être ici ce matin.
    Monsieur Paradis, personne ne vous a encore posé de questions, donc je vais m'adresser à vous. Vous êtes plutôt silencieux dans votre coin.
    Vous avez dit — et je crois que vous en êtes convaincu — qu'une trop forte compétition est néfaste. J'aimerais savoir s'il existe une étude à ce sujet ou sous quel angle vous considérez la question. J'aimerais comprendre. Pourriez-vous nous expliquer?
    Je ne veux pas que vous croyiez que je suis contre la concurrence; je crois qu'elle est très importante et profitable pour le marché. C'est simplement une mise en garde. Le marché canadien est ouvert à la concurrence depuis plus de 20 ans. Pour devenir très compétitifs, il faut plus de temps que nous le voudrions. C'est peut-être attribuable à la grande ouverture de notre marché à la concurrence, à savoir à de nouvelles entreprises qui, même si elles n'offrent pas nécessairement des prix compétitifs, ont su attirer les clients pour devenir ce qu'elles sont aujourd'hui — et faire des profits comme nous en avons parlé ce matin.
    Il faut seulement être prudent lorsqu'on ouvre notre marché à de nouvelles entreprises ou à des entreprises étrangères. Il y a un nombre limite de fréquences accessibles sur le marché. À l'heure actuelle, dans le cas d'un très petit pays, il y a probablement huit ou dix entreprises qui ont accès au spectre des fréquences des services sans fil. La Grande-Bretagne et la France ont voulu avoir davantage d'entreprises et elles ont dû faire marche arrière.
    Au début des années 1980, où les satellites ont connu un grand essor, le gouvernement britannique a décidé d'ouvrir son marché de signaux de satellite disponibles à la concurrence. Il y avait deux entreprises concurrentes et l'économie n'a pas tenu le coup, même s'il s'agissait du marché britannique. Il ne reste donc aujourd'hui qu'une seule entreprise qui offre des services par satellite en Grande-Bretagne.

  (1030)  

    D'accord. Donc, vous vous appuyez sur la situation des autres pays; il y a peut-être d'autres raisons. Mais c'est bien. C'est ce que je voulais entendre.
    J'ai une autre question, mais je dois faire vite parce qu'il nous reste seulement quelques minutes.
    Je partage l'opinion de M. Morrison parce que je vis la même chose dans mon appartement. Le fait d'être obligé de faire affaire avec une entreprise en particulier me met hors de moi. Je veux donc donner l'occasion à M. Globerman de commenter.
    Monsieur, je comprends ce que vous dites. Les augmentations étaient jadis réglementées. Nous avons éliminé cette façon de procéder et, vous avez raison, les prix ont grimpé. Quels seraient les répercussions directes de l'ouverture du marché à de nouveaux concurrents? C'est une autre source d'irritation pour moi.
    Je ne veux pas avoir l'air impertinent, mais je dois le dire parce que c'est un fait; c'est la vérité.
    Vous avez choisi de vivre en appartement. Vous pouvez emménager dans un autre appartement. Vous pourriez dire qu'il s'agit là de propos totalement insensés d'un professeur d'économie, mais en fait, les appartements offrent diverses possibilités, en ce sens que d'un appartement à l'autre, il est possible d'avoir accès à différents types de services de télécommunications, et les choses resteront ainsi. Quand on loue un appartement, l'accessibilité aux services de télécommunications fait partie du contrat.
    J'ai une amie qui habite à Tokyo. Elle a choisi son appartement parce qu'il a des fonctionnalités de télécommunications exceptionnelles. Elle vit dans ce qu'on appelle une maison intelligente qui fait tout: cuisiner les repas, actionner et arrêter la douche, etc. Les prix pourraient monter un jour. Elle en sera peut-être mécontente. Mais elle a la possibilité d'emménager dans un autre appartement. Il reste toujours le problème de la première personne qui prend l'initiative, comme c'est le cas dans notre pays. Notre énorme réseau terrestre est obsolète et nous devrons un jour ou l'autre passer à autre chose. Vous pouvez quitter votre appartement bien avant.
    Finalement, j'aimerais savoir si la géographie du Canada et nos particularités sociales uniques favorisent un niveau d'innovation et de créativité qui pourrait encourager la croissance des entreprises, si nous ouvrons nos portes, comme vous l'avez dit, peut-être à des entreprises qui fonctionnent dans un contexte géographique semblable, avec davantage de succès. Pourrions-nous devenir un environnement réellement favorable à l'innovation?
    Ça ne fait aucun doute.
    J'aimerais faire une dernière remarque. Je ne crois pas que le comité devrait trop s'arrêter au nombre de concurrents. Ce qui importe vraiment, c'est la possibilité d'accéder à un marché, et c'est la menace de la concurrence qui motive réellement les concurrents qui sont déjà sur le marché. Les prises de contrôle permettent parfois de faire bouger les choses. Ce qui compte, c'est que le marché reste ouvert aux nouvelles technologies et aux nouveaux fournisseurs.
    Le monde est grand et les fournisseurs potentiels sont nombreux. Pourquoi voulons-nous nous priver de cette possibilité? Le Canada est un marché très intéressant, en grande partie à cause de son énorme capacité d'innovation. Il y a au pays beaucoup de gens brillants et une main-d'oeuvre très scolarisée. Nous disposons de bonnes règles et de bonnes structures entourant les droits de propriété. Le Canada est un milieu intéressant pour les affaires.
    Merci beaucoup, monsieur Globerman.
    Passons maintenant à M. Davies.

  (1035)  

    Merci.
    Monsieur Globerman, j'aimerais approfondir un peu l'argument de l'efficacité, parce qu'à mes yeux, il y a une distinction entre la diffusion d'un contenu et de la culture, et la promotion de gadgets technologiques. Vous dites que la présence d'intérêts étrangers accroît le rendement dans l'économie hôte. Et si la protection de la culture n'est pas rentable?
    L'exemple qui me vient à l'esprit — ce n'est peut-être pas une bonne comparaison, et dans ce cas pardonnez-moi —, c'est que nous avons une politique de bilinguisme officiel au Canada. Ce n'est probablement pas la politique la plus rentable. Ce serait probablement beaucoup plus rentable d'être unilingue, mais comme pays, nous avons décidé que c'était un aspect important de notre culture et nous sommes prêts à sacrifier une certaine efficience pour mieux exprimer notre identité culturelle particulière.
    Vos propos sont justes, mais n'êtes-vous pas d'accord pour dire que le rendement n'est qu'un des éléments qui entrent en jeu lorsqu'il s'agit de déterminer notre contenu culturel?
    Oui, je suis d'accord, et j'allais dans le même sens tantôt quand j'ai dit que le fait de protéger les zones rurales et de leur donner accès aux technologies ne correspondait peut-être pas aux visées du marché parce que ce n'est pas profitable, et donc nous versons des subventions dans ce domaine parce que nous trouvons que c'est important.
    La culture est importante à nos yeux, c'est certain. La culture des minorités est importante. Mais il faut se demander comment nous voulons l'appuyer.
    Est-ce que nous pensons l'appuyer en décourageant la propriété étrangère? Ce que je disais tout à l'heure, c'est qu'une entreprise canadienne craint autant de fournir des services qui ne seraient pas rentables qu'une entreprise étrangère établie au Canada. C'est au gouvernement qu'il revient de fournir ces services publics et d'appuyer la culture en utilisant le système fiscal, ou en recourant au deuxième choix, soit la réglementation, mais alors cette réglementation s'appliquerait à tout le monde.
    Une entreprise américaine qui ferait affaire au Canada devrait contribuer au fonds de la radiodiffusion du Canada, comme une entreprise canadienne.
    J'ai une question du même genre, pour me faire l'avocat du diable. Vous avez dit que c'était les consommateurs qui décidaient du contenu. Je ne suis pas certain que ce soit tout à fait exact. Je crois que vous venez de dire quelque chose qui concorderait mieux avec ma ligne de pensée, le contenu étant peut-être déterminé par le gouvernement ou les politiques, et pas seulement les consommateurs.
    Je me souviens que pendant une bonne partie du début des années 1970, j'ai assisté au développement du contenu canadien à la télévision. Pour rester poli, je dirai que ce contenu n'était pas toujours du plus haut calibre, mais je comprenais que nous avions pris la décision d'encourager l'industrie naissante de la production de contenu canadien pour accroître l'expertise dans ce domaine.
    Monsieur Paradis, j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Diriez-vous que ce sont les consommateurs qui déterminent le contenu?
    Monsieur Globerman, n'hésitez pas à vous exprimer; je suis aussi intéressé par ce que vous auriez à dire à ce sujet.
    Peut-être que ce tableau n'est pas complet; peut-être que la politique gouvernementale peut contribuer à nous assurer d'un contenu à l'image de notre identité en tant que pays.
    Pour en revenir à ce que Mme Lavallée a dit au sujet des produits annoncés, si vous avez un iPod et que vous cherchez des applications dans le Apple Store, je vais vous dire ce qui en est: si 16 options s'affichent à l'écran, combien y aura-t-il d'applications canadiennes? Rien n'oblige iPod ou le Apple Store à inclure quatre applications canadiennes parmi les 16. La seule façon de créer cette obligation est au moyen de la réglementation. C'est le moyen que nous avons utilisé par le passé.
    Je ne crois pas qu'on puisse comparer les années 1970 à aujourd'hui. Le milieu de la diffusion à large bande permet la diffusion d'à peu près n'importe quoi s'il y a un certain niveau de clientèle, même si le nombre de clients n'est pas si élevé. Nous pourrions en parler des heures et des heures, ce que je ne ferai pas.
    Je suis d'accord avec vous pour dire que la politique gouvernementale peut contribuer au développement des talents, qui deviennent alors en demande, non seulement au Canada, comme vous le savez, mais à l'échelle mondiale. Le Canada compte des artistes incroyablement doués. Ça ne contredit pas ce que je disais, soit que ce sont les consommateurs qui, en bout de ligne, décident de ce que les diffuseurs vont offrir. Mais il est vrai que le gouvernement peut recourir à des mécanismes de subvention bien ciblés pour encourager le développement de certains types de talents qui deviennent ensuite en demande.

  (1040)  

    Merci beaucoup, monsieur Davies, monsieur Globerman et monsieur Paradis.
    C'est maintenant au tour de M. Wallace.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord présenter mes excuses à M. Morrison. Je suis arrivé une ou deux minutes en retard, après le début de la réunion. Je sortais d'une autre réunion. J'essaie d'être ponctuel, mais je ne suis pas toujours capable de...
    Je m'excuse, monsieur Wallace, je ne l'avais pas remarqué.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous deviez être en train de regarder CBC.
    J'ai une question fondamentale à poser. Je dois dire que je trouve la discussion d'aujourd'hui très enrichissante. Les différents points de vue ont été merveilleusement bien présentés; toutefois, je crois que le Canada n'est pas dans un cocon. Il se passe des choses dans le monde, dans toutes les industries, y compris dans l'industrie des télécommunications, en ce qui concerne la concurrence, les regroupements, etc. Ce que je crains, c'est que si nous ne faisons pas le nécessaire pour devenir plus concurrentiels sur la scène internationale du point de vue de l'ouverture aux investissements étrangers, les entreprises qui font affaire ici ne pourront pas survivre à long terme parce qu'elles ne pourront pas attirer les capitaux requis pour être concurrentielles. Comme vous l'avez dit, nous avons un petit marché.
    J'aimerais entendre vos commentaires éclairés sur la question. Croyez-vous qu'à long terme, le fait d'empêcher l'accroissement des intérêts étrangers aurait un effet sur la capacité de survie des entreprises canadiennes existantes? Si vous croyez que ces entreprises pourraient survivre, ce qui est l'opinion de M. Paradis, je crois, comment pouvons-nous encourager les Canadiens à investir dans leurs propres entreprises? Qu'est-ce que nous faisons de mal? Est-ce que les entreprises s'y prennent mal de leur côté? Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire?
    Je viens de Burlington, en Ontario. L'acier était très important dans cette région, et Dofasco et Stelco s'y étaient établies. Je vais prendre la Dofasco comme exemple. Elle appartient maintenant à des intérêts étrangers. C'était une excellente aciérie et c'est toujours une excellente aciérie, mais elle n'a pas agi assez rapidement, des regroupements se sont produits sur la scène internationale, et elle a été engloutie. À mon avis, il aurait fallu qu'elle soit plus proactive. C'est ce qui me préoccupe dans l'industrie des télécommunications.
    J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus. J'invite d'abord M. Paradis à répondre, puis les autres, s'il y a d'autres commentaires.
    D'accord. Brièvement, si vous avez des enfants à la maison, vous savez qu'ils passent environ 50 heures par semaine sur Internet et qu'ils écoutent de la musique environ 40 heures par semaine, et vous vous demandez quand ils étudient ou mangent.
    La réalité est que nous entrons dans une ère où nous consommons tous de plus en plus d'information grâce aux outils de communication. Même si nous vivons un ralentissement économique depuis au moins deux ans, les entreprises canadiennes dont nous avons parlé, qu'il s'agisse de Telus, Bell, Rogers ou Quebecor, ont des marges bénéficiaires de 25 ou 26 p. 100. Elles investissent dans l'infrastructure, mais elles font quand même des profits de 25 p. 100 en pleine période de récession. Au cours de la prochaine année, quand l'économie commencera à reprendre de la vigueur, leur marge bénéficiaire passera probablement à 30 ou 35 p. 100. Ces entreprises n'ont donc aucune difficulté à trouver des capitaux.
    Nous entrons dans une économie qui est basée sur le transfert de l'information et sur le fait que tout le monde veut avoir son propre petit téléphone intelligent. Et dès que les enfants mettent la main sur un téléphone intelligent, vos factures doublent. Cette industrie a donc un brillant avenir devant elle. C'est un de nos secteurs industriels qui aura probablement le meilleur rendement au cours des prochaines années, et aucune de ces entreprises ne se plaint qu'elle ne peut pas trouver de capitaux.
    J'ai distribué, peut-être avant que vous arriviez, des données du CRTC sur la propriété. En haut de la première page se trouvent les données sur la propriété de BCE. Je crois comprendre qu'environ un demi-million de Canadiens sont propriétaires de cette entreprise.
    Mais il me semble qu'il y a antagonisme entre les deux valeurs que vous décrivez. Une de ces valeurs est le profit, l'étendue du profit; l'autre est le prix et la capacité de payer des consommateurs. Ces deux valeurs ne vont pas de pair. Le profit implique des prix plus élevés. Lorsqu'on fait baisser les prix par la concurrence, une concurrence durable espérons-le, on diminue les profits des sociétés établies.

  (1045)  

    Merci beaucoup, monsieur Morrison.
    Merci beaucoup, monsieur Wallace.
    Nous allons finalement entendre M. McTeague.
    Je vous remercie, monsieur le président et les personnes invitées. Je vous remercie de votre présence, monsieur Globerman, et vous, je vous remercie de votre effort.
    Depuis bien avant 1995, j'ai passé beaucoup de temps en tant que député à étudier les changements subtils apportés à la Loi sur la radiodiffusion. Malgré le fait qu'il a été décidé de faire de Globalive un cas isolé, je ne suis pas convaincu que qui que ce soit ici était vraiment intéressé par la question de la propriété étrangère dans le domaine des télécommunications ou avait entendu beaucoup parler d'un besoin en la matière. Je me demande donc s'il s'agit en réalité d'un problème qui cherche une solution, plutôt que l'inverse.
    Il y a quatre ans, le gouvernement a choisi de court-circuiter la concurrence dans l'industrie des télécommunications en prenant une décision d'abstention. Je me demande à quel point cette décision de court-circuiter et de prévenir la concurrence, en particulier dans le secteur du sans-fil, est la raison pour laquelle nous avons cette discussion aujourd'hui. Je vous invite à me faire part de vos observations à ce sujet.
    Ma deuxième question s'adresse à vous, monsieur Globerman. Prenez la loi Hart-Scott-Rodino, qui est très efficace et qui peut être utilisée dans certaines circonstances, qu'il soit question ou non de propriété étrangère ou d'investissement étranger.
    Étant donné que notre Loi sur la concurrence a été rédigée par de très gros acteurs en position dominante au Canada et que les quelques modifications importantes qui y ont été apportées ont été orchestrées par une personne qui avait la responsabilité de créer une fusion dans l'industrie du propane lorsqu'elle travaillait dans le secteur privé, je me demande: Vous sentez-vous à l'aise de dire que notre Loi sur la concurrence est à la hauteur des attentes?
    Et surtout, croyez-vous que le Canada a les moyens, sur le plan réglementaire, d'empêcher la création d'une position dominante, alors qu'il est si facile de s'emparer des actifs au Canada, et d'empêcher ainsi les Canadiens d'avoir accès aux technologies internationales dans le merveilleux monde que vous nous dépeignez?
    J'ai l'impression que je ne peux apporter que des exemples horribles aujourd'hui, car j'ai travaillé pour le Bureau de la concurrence. J'étais un des témoins experts dans l'affaire Supérieur Propane.
    Vous avez donc sans doute entendu parler de mon bâtiment détruit par...
    Oui, je partage vos préoccupations. C'était une mauvaise décision.
    Merci.
    Je pense que la Loi sur la concurrence est une nette amélioration par rapport à l'ancien régime, qui ne prévoyait aucune disposition sur les fusions. Je crois que la véritable question est de savoir si l'industrie des télécommunications — et en fait, comme mon collègue l'a dit, l'industrie de la radiodiffusion — doit être soumise entièrement à la Loi sur la concurrence, de sorte qu'elle ne bénéficie d'aucune exemption réglementaire. Elle serait alors vraiment assujettie aux dispositions de la Loi sur la concurrence relatives aux fusions, ce que je préconise soi-dit en passant.
    Je crois qu'il faut se préoccuper des niveaux de concentration dans cette industrie, comme nous le faisons dans toute autre industrie. C'est pourquoi je disais que le meilleur moyen de combattre la monopolisation est de permettre l'accès à l'industrie.
    Je voudrais dire rapidement quelque chose au sujet de cette question et de la disponibilité des capitaux. Je suis d'accord avec mes collègues. Je ne crois pas que la question est de savoir si le Canada aura assez de capitaux pour favoriser l'essor de cette industrie. À mon avis, la question est de savoir si le Canada offrira un environnement suffisamment attrayant pour que l'industrie y prenne de l'essor. Je pense que la question de la mondialisation est importante parce que c'est en participant à l'économie mondiale que nous allons maintenir notre efficacité et attirer les investisseurs.
    Allez-y, monsieur McTeague.
    Quand je lis les articles au sujet de Goldman Sachs ou AIG, je suis préoccupé par le fait que ces sociétés disposent d'énormes moyens financiers. Elles peuvent intervenir dans une situation donnée, travailler en collaboration, par exemple avec n'importe quel investisseur d'indice, financer un achat exceptionnel d'actifs canadiens et, au bout du compte, proposer de contrôler le contenu de façon indirecte: qui vous embauchez, par exemple, ou ce que vous couvrez si vous êtes propriétaire d'un de ces actifs.
    Je reconnais que le monde entier n'oriente pas ses efforts vers les services téléphoniques mais plutôt vers les services à large bande, et nous ne pouvons pas ignorer la question visant à déterminer ce qui est couvert de ce qui ne l'est pas.
    Je peux très bien constater — comme cela a été démontré à maintes reprises — que des personnes achètent des actifs, fassent baisser les prix en-dessous du coût de revient, empêchent tout nouvel entrant d'accéder au marché, fassent l'acquisition de biens publics qui ont été payés par les Canadiens au fil des ans et finissent par fermer boutique au Canada pour aller s'établir ailleurs dans le monde.
    Il faut évidemment reconnaître que nous sommes 36 millions de personnes. Je veux dire, le marché africain et le marché du Moyen-Orient représentent un nombre beaucoup plus élevé de consommateurs potentiels.
    Alors la question à laquelle je veux vraiment en venir est celle-ci: n'envisagez-vous pas que les consommateurs se retrouvent perdants à la longue, au lieu d'être gagnants?

  (1050)  

    Je reconnais très bien que si la propriété ne faisait l'objet d'aucun contrôle, il se pourrait qu'un ou deux investisseurs étrangers rachètent de grandes entreprises canadiennes, et la concentration dans l'industrie augmenterait alors. La Loi sur la concurrence a justement pour but d'empêcher ce genre de situation.
    Mais permettez-moi de dire en passant que nous faisons beaucoup de choses au Canada qui découragent la venue de nouveaux entrants dans le secteur de la radiodiffusion et qui aggravent ce problème potentiel. Par exemple, lorsque nous attribuons des fréquences, nous nous assurons que les entreprises établies obtiennent leur soi-disant juste part. Mais l'appel d'offres pour l'attribution de fréquences, s'il était vraiment ouvert aux entreprises étrangères, pourrait faire entrer de nouveaux concurrents importants, non pas par le processus d'acquisition, mais en tant que nouvel entrant.
    Nous pouvons faire beaucoup de choses pour rendre ce secteur plus concurrentiel, en plus d'utiliser la Loi sur la concurrence de façon appropriée.
    Merci beaucoup, monsieur McTeague.
    Je tiens à remercier nos trois témoins, M. Globerman, M. Morrison et M. Paradis, d'avoir comparu aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour permettre aux témoins et au public de quitter la salle. Nous allons ensuite nous réunir pour discuter à huis clos de trois points concernant les futurs travaux du comité.
    La séance est suspendue.
    [Les délibérations se poursuivent à huis clos.]
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