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Bonjour, mesdames et messieurs. Il s'agit de la 40
e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Nous étudions le projet de loi C-393, Loi modifiant la Loi sur les brevets.
Je tiens à vous indiquer que les trois réunions d'aujourd'hui seront complexes et dureront chacune une heure et demie. Les témoins, que je présenterai dans un instant, auront cinq minutes pour faire un exposé. Par ailleurs, nous entendrons des témoins par vidéoconférence au cours de deux réunions.
Nous accueillons ici Rachel Kiddell-Monroe, des Universités alliées pour les médicaments essentiels; Amir Attaran, chaire de recherche du Canada en droit, santé de la population et politique du développement mondial, Université d'Ottawa; et Richard Dearden, partenaire chez Gowlings.
Même si rien ne s'affiche à l'écran, nous recevons par vidéoconférence Frederick M. Abbott, du Florida State University College of Law, située à Tallahassee; et Joshua Kimani, du Canadian Medical Institute, au Kenya.
Commençons par les témoins dans la salle. Espérons que le contact sera établi avec ceux qui témoignent par vidéoconférence avant qu'on ne fasse les exposés.
Monsieur Dearden, étant donné que vous êtes arrivé en premier, vous devez être mieux préparé. Vous avez cinq minutes pour présenter un exposé.
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Monsieur le président, messieurs les députés, merci de me donner l'occasion de vous dire pourquoi le projet de loi ne répond pas aux obligations internationales du Canada.
Je suis partenaire chez Gowling Lafleur Henderson. Je pratique le droit du commerce international depuis plus de 30 ans. Vous trouverez une courte biographie à l'onglet 1 du mémoire, qui explique pourquoi le projet de loi viole l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, l'Accord sur les ADPIC, et va à l'encontre de la solution au problème de l'accès aux médicaments, mûrement réfléchie et présentée dans la décision du Conseil général de l'OMC d'août 2003.
Je veux vous parler de deux choses. D'abord, selon l'Accord sur les ADPIC, le régime de licence unique du projet de loi C-393 est interdit. Ensuite, la disposition sur les exceptions limitées, comprises dans l'article 30 de cet accord, ne permet pas au Canada de se décharger de ses responsabilités concernant les licences obligatoires. Le Canada a accepté ses responsabilités en vertu de l'Accord sur les ADPIC et de la décision du Conseil général.
Certains diront que, grâce à la marge de manoeuvre qu'offre l'Accord sur les ADPIC, on peut remplacer le régime canadien d'accès aux médicaments, le RCAM. En 2001, la Déclaration de Doha obligeait les pays membres à maintenir les engagements de l'Accord sur les ADPIC, mais elle reconnaissait que cet accord offrait une certaine souplesse. On donnait plusieurs exemples, dont la licence obligatoire. Cependant, cela ne réglait pas le problème, car à l'époque, l'exigence sur la licence obligatoire concernait surtout l'approvisionnement du marché intérieur.
C'est pourquoi, monsieur le président, messieurs les députés, les ministres de l'OMC ont donné des instructions au Conseil des ADPIC. Ces instructions étant présentées dans le paragraphe 6, on parle du « système du paragraphe 6 ». Je cite:
Nous reconnaissons que les membres de l'OMC ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique pourraient avoir des difficultés à recourir de manière effective aux licences obligatoires dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC. Nous donnons pour instruction au conseil des ADPIC de trouver une solution rapide à ce problème...
La solution rapide, c'est ce qui se trouve dans la décision du Conseil général de 2003.
Donc, le Canada ne peut émettre des licences obligatoires destinées à l'exportation que s'il respecte les conditions de la décision. À mon humble avis, le RCAM satisfait aux conditions, mais pas le projet de loi .
Par ailleurs, j'aimerais vous faire remarquer que mon mémoire ne traite que de l'Accord sur les ADPIC, mais l'ALENA contient à l'article 1709(10) une exigence sur les licences obligatoires presque identique. Également, vous devez savoir que le Canada et les États-Unis ont conclu un protocole d'entente qui suspend l'exigence sur les licences obligatoires de l'article 1709(10)(f) de l'ALENA, identique à l'exigence de l'Accord sur les ADPIC. La suspension s'applique seulement aux termes de la décision du Conseil général de l'OMC.
Sauf votre respect, si on adopte le système du projet de loi , on viole l'article 1709(10) de l'ALENA, qui permet d'exporter n'importe quel médicament dans 140 pays, en quantité et pour une durée illimitées. Le projet de loi C-393 contrevient à la décision du Conseil général et aux exigences de l'ALENA. À mon avis, si le Canada adopte cette mesure législative, il devra s'expliquer devant un groupe spécial de règlement des différends de l'ALENA.
De plus, monsieur le président, je dois parler de l'argument selon lequel la disposition sur les exceptions limitées, qui figure à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, permettrait d'adopter le régime de licence unique du projet de loi . N'oublions pas que les membres de l'OMC ont rejeté l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC comme solution rapide au problème d'accès aux médicaments. Toutefois, même si le Canada pouvait se prévaloir de l'article 30, il devrait démontrer à un groupe spécial de l'OMC que le régime de licence unique est une exception limitée, « qu'il ne porte pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers. »
Le Canada a perdu sa cause devant l'OMC concernant une disposition de la Loi sur les brevets qui permettait aux fabricants génériques d'emmagasiner des médicaments durant les six derniers mois d'un brevet de 20 ans. Le Canada a affirmé que c'était possible en raison des exceptions limitées prévues par l'article 30. Le groupe spécial a rejeté cet argument et dit que six mois, c'est beaucoup de temps dans le commerce, surtout qu'on n'imposait aucune condition concernant le volume de production ou les pays importateurs. Ainsi, au lieu d'être une exception limitée, le projet de loi est une exception illimitée, parce qu'il permet de délivrer une licence obligatoire pour tout médicament, sans égard à la quantité ou à la durée. Il ne tient pas compte de l'intérêt légitime des patients canadiens qui profitent des avantages que procure la protection des brevets pour la recherche et développement de médicaments qui sauvent des vies ou qui améliorent la qualité de vie.
En terminant, monsieur le président, le projet de loi vous demande de faire fi de l'OMC et de renégocier unilatéralement les responsabilités du Canada en matière de licence obligatoire pour créer un système de licence unique. Tout ce qu'il y a de nouveau depuis que le ministère de l'Industrie a présenté son rapport sur l'examen obligatoire du RCAM, c'est que le Canada a accepté le protocole qui modifie l'Accord sur les ADPIC et qui permet d'y inclure la décision du Conseil général. Par conséquent, au lieu de s'éloigner du RCAM, le Canada a renouvelé son engagement envers lui.
Je vous remercie, monsieur le président, messieurs les députés.
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Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à me présenter devant vous ce matin. Je suis très heureuse d'être parmi vous.
Je veux aussi remercier mes étudiants de McGill qui m'ont donné la permission de venir ici aujourd'hui. Un autre professeur me remplace, et je le remercie également.
J'ai travaillé au sein d'organismes dans le domaine de l'aide humanitaire, notamment en Asie et dans le cadre des activités de Médecins Sans Frontières. Les images de l'Afrique reviennent toujours me hanter.
[Traduction]
En 1994, vers la fin du génocide dans le Nord-Ouest du Rwanda, mon équipe a pris la relève pour un projet de l'armée française. Nous avons travaillé dans un excellent hôpital, qui comprenait de bonnes unités de chirurgie et des salles communes pour les patients. Cependant, j'ai demandé pourquoi les portes d'une pièce étaient verrouillées. On m'a dit que je ne pouvais rien faire pour les gens qui étaient là et que je devais simplement me concentrer sur ceux que je pouvais aider. J'ai quand même demandé qu'on me laisse entrer et j'ai vu des gens qui n'avaient pratiquement que la peau sur les os; c'était des gens qui souffraient du VIH et du sida. À l'époque, les patients au Canada, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et dans bien d'autres pays développés recevaient un traitement contre le VIH et le sida, mais ces personnes-là n'y avaient pas accès.
J'ai appelé à nos bureaux pour obtenir des médicaments. On m'a dit que, malheureusement, le traitement coûtait 12 000 $ par année et qu'il n'y avait rien à faire pour les gens qui souffraient d'une maladie chronique. Donc, chaque soir, nous devions nous asseoir et tenir la main de ces personnes. Nous devions les consoler en passant la main dans leurs cheveux, parce que nous étions les derniers avec qui ils avaient un contact. Nous avons regardé ces patients mourir.
Vous devez savoir qu'il s'agit de vies humaines, et il faut informer ceux qui prétendent que le débat ne doit pas être émotif. On parle de gens qui meurent alors que, dans d'autres pays, les patients reçoivent un traitement. La population n'a pas accès à des médicaments essentiels.
Je m'occupe de cette question depuis sept ans, et ce n'est pas ma première comparution ici. J'ai témoigné pour la première fois devant votre comité en 2004. Je vous exhortais alors à modifier le projet de régime canadien d'accès aux médicaments, qui comportait des défauts fondamentaux. Le régime a tout de même été adopté, et Médecins sans frontières a décidé d'en faire l'essai, compte tenu de toute la bonne volonté du gouvernement, du cabinet du premier ministre et de toutes les parties qui ont voté en faveur de la mesure législative.
Donc, nous avons décidé d'essayer le régime. Néanmoins, quatre ans plus tard, nous ne sommes parvenus à autoriser qu'un médicament, et ce, pour un nombre limité de patients dans un seul pays. Durant ce temps, environ 40 millions de personnes sont mortes, parce qu'elles n'avaient pas accès à des médicaments essentiels.
Nous ne disons pas que le Canada peut régler la crise à lui seul, mais qu'il a un rôle à jouer. En effet, en 2003, le Canada a pris un engagement auprès de la communauté internationale d'essayer de tirer profit de la décision du 30 août. Nous devons toujours honorer cet engagement. Nous pouvons et nous devons faire mieux.
Pleins de bonnes intentions et de bonne volonté, mes collègues de Médecins sans frontières, en particulier Cailin Morrison, de même que Richard Elliott, du Réseau juridique canadien VIH/sida, et moi-même avons essayé de faire appliquer le régime. Avec l'aide de nos équipes de Médecins sans frontières, nous avons encouragé les gouvernements de bien des pays à tirer profit de la mesure législative. Lorsque nous avons parlé aux ministres de la Santé, ils nous ont tous dit que c'était merveilleux, qu'il s'agissait d'un autre recours pour fournir enfin des médicaments à la population et qu'il leur fallait utiliser tous les moyens possibles. Nous étions alors optimistes. Cependant, lorsque les ministres de la Santé ont discuté avec leurs homologues des Affaires étrangères ou du Commerce, on a mis un frein à l'idée.
Le problème, c'était entre autres qu'on ne voulait pas faire comme la Thaïlande, qui souhaitait profiter de la souplesse de son régime pour imposer des licences obligatoires sur son marché intérieur, comme l'a dit Richard Dearden. Lorsque la Thaïlande s'est servie d'une licence obligatoire, elle a tout de suite fait l'objet de sanctions. Abbott, une société pharmaceutique, a retiré des médicaments du marché thaïlandais et a menacé d'en retirer d'autres, si la Thaïlande ne changeait pas sa façon de faire. Le gouvernement des États-Unis a mis la Thaïlande sur la liste de surveillance 301, en tant que partenaire à qui on ne doit pas faire confiance concernant la propriété intellectuelle.
Le commissaire européen chargé du commerce, Peter Mandelson, a écrit au gouvernement de la Thaïlande pour le menacer concernant les licences obligatoires et lui dire qu'il devrait négocier plus longtemps avec les sociétés pharmaceutiques. Pourtant, la Thaïlande avait organisé plus de 20 rencontres avec les sociétés pharmaceutiques pour qu'on puisse traiter les Thaïlandais qui souffraient du sida.
Pourquoi le droit ne nous permet-il pas de régler le problème? Comme le témoin à ma droite, certains parleront de déficiences du marché. À mon humble avis, vous n'avez pas à vous préoccuper des déficiences du marché. Ce que vous devez faire, c'est proposer une mesure législative qui a toutes les chances de réussir, comme le projet de loi . Ce sont plutôt les sociétés pharmaceutiques et les fabricants génériques qui doivent s'occuper des marchés.
Je dirais que les autres médicaments ayant une combinaison à dose fixe, qui sont différents de ce que produit Apotex, ne permettraient pas de comparer les prix avec justesse.
Enfin, j'aimerais souligner que bon nombre de mes collègues et moi-même sommes très préoccupés, car certains voudraient rejeter le projet de loi d'initiative parlementaire . Je tiens à dire que ce n'est pas une façon démocratique de s'occuper du projet de loi et que cela minerait le travail extrêmement important que fait votre comité. En tant que nouvelle citoyenne canadienne, depuis mars dernier, j'espère sincèrement que le Canada adoptera ce projet de loi.
Pour terminer, lorsque je suis venue au pays avec ma famille, j'ai promis à des patients, que j'ai traités durant plus de 15 ans en Afrique et en Asie, que je pourrais améliorer la situation en venant ici. Je crois que le Canada est un grand pays et que nous pouvons changer les choses.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président. Bonjour.
[Français]
Je vais m'exprimer en anglais parce que je suis anglophone, mais je serai très heureux de répondre aux questions en français.
[Traduction]
Je suis professeur aux facultés de médecine et de droit de l'Université d'Ottawa, en plus d'y être titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit, santé de la population et politique du développement mondial.
J'ai commencé mes recherches sur l'accès aux médicaments il y a plus de dix ans, alors que je travaillais à Harvard, à Yale et à la Chatham House, à Londres. Je collabore à The Lancet et au Journal de l'Association médicale canadienne, deux publications pour lesquelles je fais ou j'ai fait partie des équipes éditoriales. Également, j'ai eu le grand privilège d'aider tous les acteurs de ce débat. J'ai été consultant pour Médecins sans frontières à une occasion et pour les gouvernements de pays en développement comme le Brésil et le Malawi. J'ai aussi été consultant pour des compagnies pharmaceutiques, comme Novartis, et des organisations internationales, comme l'Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale.
Merci de m'avoir invité à discuter du projet de loi . Je sais clairement que tous les députés, sans exception, ont de bonnes intentions à ce sujet et que vous espérez de tout coeur aider les plus démunis de ce monde. C'est pourquoi j'ai la tâche ingrate de vous dire que le projet de loi ne donnera sans doute aucun résultat pour la santé publique et même qu'il pourrait fort bien causer du tort. Permettez que je m'explique.
Le RCAM, mis en place en 2005, devait permettre aux pays pauvres d'acheter à moindre coût des médicaments génériques fabriqués au Canada. Pour ce faire, le RCAM a autorisé la licence obligatoire, une façon de contourner le brevet. Le Parlement estimait alors que, grâce à la dérogation au brevet en cas de nécessités humanitaires graves comme le sida et la malaria, les pays pauvres demanderaient l'aide du Canada pour obtenir des médicaments.
Toutefois, vous savez que cela n'a pas marché. Tout le monde s'entend pour dire que le RCAM n'a pas donné de grands résultats, car comme l'a dit Rachel, seul le Rwanda a profité du régime pour acheter des médicaments à la compagnie canadienne Apotex. Le porte-parole de l'entreprise, Elie Betito, a même dit au Ottawa Citizen qu'Apotex ne se laisserait pas prendre au jeu une autre fois. Tout le monde est d'accord pour dire que la loi est un échec.
En fait, le régime canadien d'accès aux médicaments a échoué pour des raisons économiques, et non juridiques. Le problème, ce n'est pas la loi sur le RCAM, que modifierait le projet de loi , mais le marché mondial des médicaments que ne pourrait modifier aucun projet de loi imaginable. Rachel a raison à cet égard. Cela me coûte de le dire, mais le Parlement ne peut tout simplement rien faire pour que la loi soit profitable.
Essentiellement, pour que le RCAM permette l'envoi régulier de génériques canadiens dans les pays pauvres, il faut que le prix de ces médicaments soit concurrentiel sur le marché mondial. Si les génériques canadiens coûtent davantage que ceux fabriqués à l'étranger, les pays pauvres vont, à juste titre, acheter les médicaments ailleurs; c'est ainsi que fonctionne le libre-échange.
Malheureusement, les génériques canadiens comptent parmi les plus chers du monde. Permettez-moi de vous communiquer quelques données du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, un organisme du gouvernement du Canada. En 2006, le conseil a constaté qu'aux États-Unis, les génériques coûtent 35 p. 100 de moins qu'au Canada, tandis que c'est 51 p. 100 en Finlande et jusqu'à 77 p. 100 en Nouvelle-Zélande. J'insiste sur le fait que les données n'ont pas été fournies par l'industrie et qu'elles n'ont fait l'objet d'aucun parti pris. Il s'agit de données fiables, produites par un organisme fédéral. On s'aperçoit que les génériques canadiens sont parmi les plus dispendieux au monde et que l'étude les classe comme étant les plus chers. Évidemment, les médicaments au-dessus du prix du marché ne se vendent pas.
Mettez-vous à la place du ministre de la Santé d'un pays africain. À quoi bon utiliser le RCAM pour acheter des génériques au Canada, alors qu'on peut en acheter à moindre coût aux États-Unis, en Europe, en Inde, en Chine, en Nouvelle-Zélande et je ne sais où? C'est pourquoi je suis étonné que certains tiennent tant à ce qu'on fournisse aux plus démunis de ce monde qui souffrent du sida des médicaments canadiens fabriqués pour le RCAM. C'est une question de patriotisme. Je ne dis pas que ces gens ne sont pas bien intentionnés, mais ils sont naïfs.
Le problème, c'est que, si les pays pauvres paient davantage pour des médicaments canadiens, moins de patients peuvent être traités.
Cela dit, on appuie les modifications que le projet de loi C-393 apporterait à la Loi sur les aliments et drogues et on souhaite que les génériques fabriqués pour le RCAM ne soient plus soumis à la réglementation de Santé Canada. Je dois dire qu'honnêtement, cet aspect du projet de loi est terrifiant. Ceux qui, pour économiser des sous, souhaitent la déréglementation de médicaments qui sauvent des vies sont absolument irresponsables et ils font preuve d'un manque d'éthique médicale.
Si vous me permettez, j'aurais besoin d'une minute pour conclure.
Je recommande qu'on rejette le projet de loi et qu'on accepte qu'une trentaine de pays aient adopté des lois semblables à celle du Canada. Les lois comme celle sur le RCAM ne fonctionnent pas.
Cela ne veut pas dire que la Chambre ne doit plus se préoccuper de la santé publique dans les pays pauvres, bien au contraire. Je vous encourage à continuer de vous intéresser à la question, mais il faut faire en sorte que toutes vos bonnes intentions et celles des autres servent à apporter un autre genre de modifications, au lieu de consacrer inutilement de l'énergie au RCAM.
Il faut se rendre compte que l'ACDI est sclérosée et que, dans les pays en développement, le tiers ou la moitié des médicaments contre la malaria, comme ceux que j'ai ici, sont des contrefaçons et qu'ils tuent des enfants. Par ailleurs, cessez d'exporter de l'amiante. Selon moi, c'est de cette manière que les Canadiens peuvent sauver des vies, et non en appuyant le projet de loi .
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Merci, monsieur le président, messieurs les députés.
Je suis Kényan et je vis et travaille au Kenya. Actuellement, je m'occupe des personnes infectées par le VIH.
Le Kenya compte 38,5 millions d'habitants, dont 1,4 million souffrent du VIH ou du sida. Du nombre, nous avons commencé un traitement aux antirétroviraux avec 406 000 patients et, à l'heure actuelle... [Note de la rédaction: inaudible].
Je m'intéresse au projet de loi, car...[Note de la rédaction: difficultés techniques].
En 2001, seulement 1 000 patients étaient traités aux antirétroviraux fabriqués par de grandes compagnies pharmaceutiques, alors que c'était environ 10 000 en 2005, année où nous avons été financés par le Canada et le Plan d'urgence du président des États-Unis pour lutter contre le sida. À ce jour, 406 000 personnes prennent des antirétroviraux génériques.
Sans les génériques, de nombreux Kényans seraient morts.
Je répète que je suis Kényan... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... au Kenya et au Canada. Je suis chef de clinique pour le projet de lutte contre le sida au Kenya, co-dirigé par l'Université de Nairobi et l'Université du Manitoba, à Winnipeg.
Je m'intéresse au projet de loi, parce que je traite des Kényans qui souffrent du VIH et du sida. Le Kenya compte environ 38,5 millions d'habitants, dont 1,4 million sont infectés par le VIH et le sida. À l'heure actuelle, 406 000 personnes prennent des antirétroviraux génériques.
En 2001, seulement 1 000 Kényans avaient accès à des antirétroviraux vendus par de grandes compagnies pharmaceutiques et ils n'étaient que 10 000 en 2005; toutefois, les choses ont changé cette année-là parce que nous avons commencé à bénéficier de génériques fabriqués partout dans le monde, par exemple, au Brésil et en Inde, grâce au PEPFAR, le Plan d'urgence du président des États-Unis pour lutter contre le sida en Afrique. Présentement, 406 000 Kényans profitent d'antirétroviraux contre le VIH et le sida, ce qui n'est pas peu dire. Sans les génériques, la majorité de ces personnes seraient mortes.
En 2010, nous avons changé... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... le programme d'antirétroviraux à 350. Cela a fait passer le nombre de Kényans qui pourraient nécessiter des antirétroviraux à environ 610 000. Nous aurons besoin d'une autre source de financement. Actuellement, environ 65 p. 100 des médicaments sont financés par le PEPFAR, et le reste est financé par d'autres sources, comme les fonds internationaux, les caisses de retraite et les Kényans. Cela dit, il s'agit toujours de génériques.
Je pense qu'étant donné que le Canada et le Kenya ont déjà collaboré, la seule chose que vous pouvez faire, c'est de nous fournir des génériques. Je sais qu'on a dit que les génériques pouvaient être fabriqués n'importe où, mais le Canada pourrait investir là-dedans, car nous prévoyons que davantage de Kényans seront résistants aux antirétroviraux, pour en avoir pris sur une longue période. Ce ne sont pas tous les antirétroviraux qui sont fabriqués sous forme générique.
Je suis heureux d’avoir l’occasion de témoigner devant votre comité au sujet du projet de loi visant à modifier le Régime canadien d'accès aux médicaments.
J’ai témoigné devant ce comité le 10 mars 2004, pendant l’étude de ce qui était alors le projet de loi C-9. Une fois adopté, après avoir été amendé, ce projet de loi a eu pour effet de créer le Régime canadien d'accès aux médicaments. Pendant mon dialogue avec les membres du comité, en 2004, j’avais manifesté mon opposition à quelques dispositions du projet de loi. J’étais d’avis que certaines restrictions et certaines limites nuiraient à l’efficacité de la loi qui était proposée.
Bien que le projet de loi fût amendé avant son adoption, le Canada avait clairement décidé de ne pas tirer pleinement ou efficacement avantage de la latitude que lui accordaient les accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, la déclaration de Doha et l’exemption issue de la décision du 30 août 2003. Il était à prévoir que les limites réduiraient considérablement la capacité du Régime canadien d'accès aux médicaments de lutter contre les problèmes très graves de santé publique dans les pays en voie de développement, puisqu’il serait difficile, voire impossible de rendre effectives les dispositions sur les licences obligatoires. Il n’est donc pas surprenant que le comité veuille revoir le Régime canadien d'accès aux médicaments pour en faire un mécanisme plus efficace et plus utile.
Permettez-moi de vous expliquer un instant pour quelles raisons on peut me considérer comme un expert des lois destinées à mettre en œuvre la décision du 30 août 2003. J’ai publié de nombreux écrits au sujet des accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, au sujet du commerce et des droits de propriété intellectuelle et au sujet de la relation entre les droits de propriété intellectuelle et la santé publique, y compris l’accès aux médicaments. L’Organisation mondiale de la santé, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement et d’autres organisations multilatérales ont recours régulièrement à mes services de conseiller expert en matière de commerce international, de propriété intellectuelle et de santé publique.
J’ai agi comme conseiller juridique pour le groupe de pays en voie de développement ayant formulé la proposition en vue de la déclaration de Doha, en 2001. J’ai œuvré avec ces pays au cours des négociations, jusqu’à l’adoption de cette déclaration. Par la suite, j’ai conseillé, du début à la fin de la démarche, le groupe de pays en voie de développement qui a été principalement à l’origine de la décision du 30 août 2003, à l’Organisation mondiale du commerce. J’ai publié des articles dans l’American Journal of International Law et dans le Journal of International Economic Law, à propos des négociations dans ces dossiers.
J’ai préparé, pour la Banque mondiale, un ensemble de modèles de projet de loi et d'autres documents pour que les pays en voie de développement puissent appliquer la décision du 30 août 2003. Je vous fais remarquer que l’un de mes formulaires a été utilisé par le Rwanda pour faire sa déclaration à l’Organisation mondiale du commerce. Je suis revenu au Canada pour l’examen du Régime canadien d'accès aux médicaments. En tant qu’expert du Programme des Nations Unies pour le développement, j’ai participé aux travaux visant la modification de ce régime.
Enfin, je vous signale, pour que vous soyez au courant, que je conseille présentement le gouvernement de l’Inde dans des consultations pour le règlement d’un différend à l’Organisation mondiale du commerce. L’Inde et le Brésil ont entrepris de consulter l’Union européenne au sujet de la saisie de médicaments génériques en transit dans les aéroports de son territoire. Le Canada participe en tant que tierce partie à ces consultations.
La décision du 30 août 2003 a été critiquée par les ONG qui font la promotion de l'accès aux médicaments, par certains intellectuels, par certains fabricants de médicaments génériques et par certains pays en voie de développement parce qu'elle établit des règles trop lourdes qui nuisent à l'atteinte de l'objectif fondamental de permettre l'exportation de produits pharmaceutiques à bas prix dans les pays en voie de développement. La décision du 30 août 2003 est le résultat d'une longue négociation intensive à laquelle ont participé des acteurs aux perspectives résolument différentes. Elle constitue un compromis entre ces perspectives.
Ni les ONG souhaitant établir un mécanisme des plus faciles à utiliser pour favoriser l'accès aux médicaments, ni l'industrie pharmaceutique d'où proviennent les médicaments ne considèrent la décision du 30 août 2003 comme un moyen idéal d'accès aux médicaments ou de protection de l'industrie. Mais, selon moi, cette décision peut être viable, lorsque vient le temps de la mettre en oeuvre, pourvu qu'on adopte des lois judicieuses et pourvu que les avocats, les spécialistes des achats pharmaceutiques et les autres intervenants fassent leur travail consciencieusement. Néanmoins, pour une raison ou une autre, le Régime canadien d'accès aux médicaments a été conçu de manière à ajouter des obstacles aux dispositions déjà contenues dans la décision du 30 août 2003, ce qui, concrètement, en complique davantage la mise en oeuvre.
Qu'est-ce qui motive l'approche employée dans le projet de loi ?
Le projet de loi C-393 vise à simplifier le Régime canadien d'accès aux médicaments pour tirer profit de la souplesse inhérente à la décision du 30 août 2003. Il prévoit qu'un fabricant de médicaments pourra obtenir, du commissaire aux brevets, une licence unique pour se servir d'une invention pharmaceutique brevetée en vue de produire un médicament et de l'exporter dans des pays en voie de développement ayant déclaré en avoir besoin pour des raisons de santé publique.
Si on a proposé la solution de la licence unique, c'est qu'on voulait résoudre un problème important lié au fonctionnement, en pratique, des achats pharmaceutiques à l'échelle internationale.
De nombreuses autorités chargées des achats pharmaceutiques, ou la plupart d'entre elles, procèdent par des appels d'offres ou des demandes de propositions auxquels l'industrie est invitée à répondre. Ce faisant, les autorités ne font pas toujours jouer la concurrence. Quoi qu'il en soit, il est extrêmement difficile pour un fabricant, par exemple un fournisseur potentiel canadien, de donner une réponse conditionnelle à un appel d'offres, c'est-à-dire de faire une offre qui dépend de l'obtention d'une licence obligatoire, au terme d'une démarche qui peut être longue et qui implique l'ajout du médicament dans une liste tenue par l'état, des négociations avec le ou les détenteurs de brevet pour obtenir une licence volontaire ainsi qu'un délai d'attente de la décision du commissaire aux brevets, qui détermine si la licence devrait être accordée.
L'autorité chargée de la santé publique qui, dans un pays en voie de développement, souhaite acheter un médicament risque, à juste titre, de ne pas vouloir conclure un marché avec un fabricant ou un fournisseur dont l'offre est dépendante d'un pareil ensemble de conditions.
Exiger d'un fabricant canadien qu'il demande obligatoirement une licence pour chaque cas et chaque pays présente des difficultés évidentes. On présume ainsi que le fabricant doit se doter d'une chaîne de production pour remplir les engagements issus d'un unique contrat qui, une fois négocié, doit rester en vigueur pendant la durée de la protection conférée par le brevet. Cependant, la licence, elle, expire après deux ans.
Autrement dit, pour les fabricants de médicaments génériques, c'est une proposition qui n'est pas viable financièrement et qui engloutira presque assurément des ressources humaines et d'autres ressources de l'entreprise. C'est ce que les fabricants vous ont indiqué jusqu'à maintenant et ce qu'ils vous indiqueront encore sans nul doute.
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Le projet de loi vise à aplanir une partie des obstacles qui sont apparus lorsque l’on a essayé d’appliquer la loi.
Premièrement, dans sa forme actuelle, le Régime canadien d'accès aux médicaments exige du pays importateur qu’il déclare son intention à l’OMC, de manière à garantir l’obtention d’une licence obligatoire. C’est un obstacle énorme pour les pays en voie de développement, puisqu’ils s’exposent, comme cela a déjà été le cas, à des représailles de la part du gouvernement des États-Unis, de l’Union européenne et des sociétés pharmaceutiques elles-mêmes. Le projet de loi élimine premièrement cet obstacle.
Deuxièmement, le projet de loi prévoit qu’il n’y aura plus qu’un seul type de licence, ce qui fait disparaître un fardeau énorme. La longue période de négociations pour l’obtention d’une licence volontaire ne sera plus nécessaire. Si un besoin existe, le gouvernement du Canada accordera la licence, tout simplement.
En outre, le projet de loi élimine la limite de validité de deux ans pour une licence obligatoire ainsi que la nécessité de fixer les quantités. C’est absolument primordial puisque le Rwanda, par exemple, avait fait une demande pour un certain nombre de personnes et un certain nombre de médicaments. Lorsqu’il s’est rendu compte qu’il avait en fait besoin d’une plus grande quantité de médicaments, il a dû recommencer sa démarche depuis le début.
Le projet de loi élimine l’obligation d’indiquer précisément qui sont les pays importateurs. Une licence pourra être accordée pour produire des médications à destination de n’importe quel pays figurant sur la liste. Le projet de loi donne ainsi l’assurance que les médicaments seront vendus uniquement aux pays qui sont énumérés dans la liste.
Le projet de loi aurait pour effet de créer un marché. La société Apotex ne veut plus utiliser le Régime canadien d'accès aux médicaments tel qu’il est actuellement. Toutefois, elle serait prête à l’utiliser, une fois modifié par le projet de loi . Elle ajoute même qu’elle produirait une version pédiatrique du médicament Apo-TriAvir pour l’exportation.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous ce matin.
La semaine dernière, dans le cadre de la dernière rencontre de ce comité, nous avons reçu le Dr Kilby. Il nous a informés que d'ici à la fin de cette année, 5,2 millions de patients seraient traités, mais qu'on pouvait déjà voir que l'approvisionnement de l'Inde ne pourrait pas répondre à ces besoins. Il a affirmé que plusieurs de ses patients auraient besoin d'une deuxième génération de médicaments parce que le niveau de toxicité de la première génération était trop élevée. Il nous a dit également qu'au cours des années à venir, il serait prêt à traiter deux fois plus de patients. Il est clair qu'il n'y aura pas suffisamment de médicaments génériques pour toutes ces personnes.
Docteur Attaran, vous avez dit dans votre présentation que ce Parlement n'avait pas le pouvoir de rendre le régime plus efficace, donc de permettre l'acheminement de médicaments vers les pays les plus démunis. On parle ici des pays mentionnés par le Dr Kilby dans sa présentation.
Je me pose simplement la question suivante. Il faut des médicaments pour répondre à la demande. Si nous ne pouvons pas les fournir en raison de leur prix, comment pourront-ils être acheminés dans ces pays? C'est la question fondamentale que les gens se posent. Comment peut-on contribuer davantage à la résolution de ce problème?
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d’être venus aujourd’hui.
Madame Kiddell-Monroe, bien que vous et moi puissions ne pas être d’accord sur certains points, dans le présent dossier, je sais que la question vous passionne. Il est clair que vous en parlez avec une immense passion. Tous ceux qui sont assis à notre table, et même tous ceux qui sont dans la salle, compte tenu de ce qu’a dit M. Garneau, veulent aider les gens qui souffrent en Afrique. Cependant, nous essayons de déterminer aujourd’hui si le projet de loi est une façon de les aider. Y a-t-il d’autres moyens efficaces pour y parvenir, sur lesquels nous devrions nous concentrer?
Je repense au témoignage de M. Kilby devant notre comité, l’autre jour, alors qu’il nous parlait du nombre de personnes recevant les antirétroviraux. En 2003, selon lui, 400 000 personnes recevaient ces médicaments. En 2005, le nombre avait augmenté à 1,5 million. À la fin de 2010, on prévoit que 5,2 millions de personnes seront ainsi traitées. C’est un nombre manifestement important. Je cite d’ailleurs les propos de M. Kilby devant nous, lors de la réunion:
En somme, ce que nous avons été en mesure de faire, c'est de mettre au point un modèle de soins complet — ce dont beaucoup de personnes doutaient — en quelques années à peine. Ce qui a été accompli est un vrai miracle: 5,2 millions de personnes en traitement avant 2010.
Êtes-vous d’accord avec M. Kilby au sujet du progrès accompli?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Attaran, j'ai suivi le présent dossier depuis le début des travaux à ce sujet, y compris lorsque le projet de loi C-56 était à l'étude, et vous ne faites que me persuader de poursuivre mes efforts dans la même veine, avec plus d'énergie que jamais. Selon l'argument que vous venez de nous servir, vous préconisez le recours à des médicaments génériques qui sont de la pure escroquerie plutôt que de traiter les gens avec des médicaments canadiens. C'est ce qui se produirait indéfiniment dans votre scénario.
Vous avez parlé d'un manque d'éthique médicale. Pour ma part, je vois un manque d'éthique... Si vous pensez que le projet de loi n'est pas une bonne solution, proposez-nous-en une qui vous semble prometteuse. J'étais présent, au Parlement, lorsque nous nous sommes tous levés pour affirmer que nous voulions faire quelque chose. Nous voulions que cette loi soit vraiment utile.
Je voudrais utiliser le temps qui m'est accordé pour entendre M. Abbott, qui a oeuvré à l'OMC, qui s'est intéressé aux accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et qui s'est employé à aider divers groupes et diverses organisations.
Monsieur Abbott, nous avons entendu le ministère et les avocats nous dire que, si ce projet de loi était adopté, il violerait à peu près tout ce qui existe en matière de traités internationaux, y compris l'ALENA, et que ce serait un projet de loi inefficace. C'est un scénario intéressant, mais j'aimerais vous entendre nous dire pourquoi, selon vous, le Canada ne violerait aucun accord international en adoptant ce projet de loi ou encore comment nous devons nous y prendre pour que ce ne soit pas le cas.
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Merci beaucoup, monsieur Masse.
Il est assez clair, à la lumière des accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ainsi que de la décision du 30 août 2003, que le Canada a parfaitement le droit d'avoir recours à une solution à licence unique permettant de fournir une quantité substantielle de médicaments sur une certaine période. La décision du 30 août 2003 n'exige aucunement une marche à suivre comme celle qui est prévue dans la loi canadienne. Il s'agit que l'OMC ait déjà été informée, au moment où les médicaments sont fournis, pour que le Canada s'acquitte de toutes ses obligations internationales.
Permettez-moi d'ajouter un autre argument. Aucun pays ne portera plainte contre le Canada devant l'OMC pour avoir fourni des médicaments à bon marché à des gens démunis, dans des pays en voie de développement. Je le répète, aucun pays ne portera plainte contre le Canada pour avoir fourni, à bas prix, des médicaments antirétroviraux à des personnes atteintes du VIH dans des pays en voie de développement.
Même en supposant qu'un pays ayant un déficit de moralité et de sens de l'éthique fasse une chose pareille, le pire qui pourrait arriver au Canada est qu'au bout de trois à cinq ans, il soit tenu de corriger les dispositions jugées non conformes de sa loi, et le projet de loi n'est pas un brouillon approximatif.
Permettez-moi de faire valoir encore un autre argument. Ce qu'affirme M. Attaran me paraît tout à fait étonnant, et je m'étonne également que des parlementaires canadiens lui prêtent une oreille attentive. Essentiellement, il soutient que les sociétés pharmaceutiques canadiennes sont incompétentes et incapables d'affronter la concurrence sur les marchés mondiaux. Et, vu leur incompétence et leur incapacité, nous ne devrions pas les laisser se frotter à des concurrents étrangers. C'est un peu comme dire qu'étant donné que les Canadiens ne sont pas très bons au basket-ball, nous devrions les empêcher de pratiquer ce sport et de prendre part à une ligue de basket-ball.
Apotex vend de grandes quantités de médicaments sur le marché des États-Unis, où la concurrence est très forte. Teva Novopharm figure parmi les fabricants de médicaments génériques les plus importants et les plus concurrentiels au monde. L'idée que l'industrie canadienne serait incapable de concurrencer l'industrie indienne me semble être un argument absolument étonnant, que l'on invoque pour empêcher cette industrie de tenter sa chance au jeu de la concurrence. Pourtant, je représente l'industrie indienne.
De quoi sommes-nous en train de parler? Nous parlons de changer quelques mots sur un morceau de papier, au Canada, pour dire à des entreprises que nous voulons qu'elles puissent affronter la concurrence. Si l'on s'en tient à l'argument de M. Attaran, nous ne devrions pas changer ce qui est écrit sur le morceau de papier. Puisque les sociétés pharmaceutiques canadiennes vendent des médicaments qui coûtent cher, nous devrions les empêcher d'essayer de concurrencer celles des autres pays. Cet argument me paraît tellement absurde que je crois rêver en voyant un groupe de parlementaires l'accepter sans broncher.
Je regrette de devoir employer ce ton, mais c'est un argument absurde.
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Je répondrai à la dernière question en premier.
Les obligations en matière de licence obligatoire sont énoncées à l'article 31 de l'Accord sur l'ADPIC. Les conditions à satisfaire pour qu'un membre comme le Canada accorde des licences obligatoires sont énumérées aux alinéas a) à l). Comme je l'ai indiqué dans mon exposé liminaire, l'une de ces conditions stipule que l'on ne peut accorder une licence obligatoire aux termes de l'Accord sur l'ADPIC que si le produit servira principalement pour l’approvisionnement du marché intérieur, ce qui n'est guère pertinent dans le cas qui nous intéresse, c'est-à-dire l'exportation.
L'OMC a donc dû trouver une solution pour contourner cette obligation, et je crois que c'est là que tout se joue. M. Abbott, qui était présent lors des négociations, sait parfaitement que l'on a entre autres envisagé de recourir à l'article 30, qui porte sur les exceptions limitées. Les membres de l'OMC ont rejeté cette solution, probablement, comme l'indique le rapport sur l'examen législatif de 2007, parce qu'ils considéraient que ce n'était pas la voie à suivre. Ils ont donc dû recourir à une dérogation, que l'on retrouve dans la décision du conseil. Ces obligations incontournables, que l'on trouve notamment à l'article 2, commencent toutes par exiger l'émission d'un avis par le pays importateur, celui qui veut les médicaments. La licence obligatoire doit ensuite comprendre des conditions précisant les montants, les quantités et la durée. Tout est là, c'est obligatoire. Le Canada doit ensuite publier un avis indiquant les produits, les quantités et la durée de la licence, conformément à ses obligations internationales.
Selon moi, ce qu'on est en train de dire ici, c'est que le problème ne vient pas du RCAM, mais des aspects négociés par les intervenants mentionnés par M. Abbott, car ils entrent tous en jeu. Cette décision est la racine du mal. Mais il ne nous appartient pas de résoudre ce problème en mettant en oeuvre une loi que personne n'osera contester, selon ce que M. Abbott a l'audace d'affirmer. C'est son opinion. C'est à Genève que se trouve la solution, qui est en fait en cours d'élaboration. L'OMC examine la question pour déterminer si la décision a l'effet escompté et se réunit demain toute la journée à Genève pour voir ce qu'il en est.
Pourrais-je utiliser votre temps, monsieur Braid, pour parler de la seule et unique fois où ce mécanisme a fonctionné dans le monde, c'est-à-dire quand Apotex a exporté des produits au Rwanda?
J'aimerais que mes propos soient consignés, monsieur le président.
Nous devons être pragmatiques quand aux possibilités et aux limites du RCAM. Pendant que j'étais assis là, il m'est venu une idée un peu bizarre, dont je vais tout de même vous faire part, plus par curiosité intellectuelle que pour autre chose.
D'aucuns pourraient affirmer que le RCAM est le mécanisme le plus efficace du monde et qu'il ne faut pas le modifier, car il a déjà servi une fois, alors que les 30 autres pays n'ont pas encore réussi à utiliser le leur. Je sais que c'est très bizarre de qualifier cette loi d'« efficace », mais on pourrait considérer qu'il vaut mieux ne pas intervenir en se disant qu'il ne faut pas chercher à corriger ce qui n'est pas bancal.
Mais selon moi, les interventions ou les modifications que l'on pourrait apporter à la loi ne la rendront pas plus ou moins efficace, puisque cette efficacité est somme toute minime. Il est donc préférable — et c'est pourquoi je suis heureux que vous m'ayez posé la question — d'envisager d'autres solution pour améliorer la santé dans le monde. C'est complètement insensé que des milliards de personnes soient exposées à des maladies bénignes et que des millions de gens meurent du sida et du paludisme chaque année. C'est totalement inacceptable. Mais si nous voulons intervenir intelligemment au lieu de nous lamenter, nous nous demanderons quelle est notre spécialité. Dans quel domaine excellons-nous? Comment apporter la meilleure aide possible, et ce, en admettant qu'une trentaine d'autres pays ont des lois qui sont, à certains égards, supérieures au RCAM et qui apportent de l'aide dans ce domaine? Voilà, à mon avis, la bonne façon de faire.
Nous pouvons certainement offrir de l'aide dans le domaine du financement et de la formation. Nous sommes l'un des rares pays où il est possible de faire des études universitaires en anglais ou en français. Nous pouvons former des scientifiques, des techniciens et des médecins venant des pays en développement pour qu'ils pratiquent dans le réseau de soins de santé de leur pays. Nous pouvons contribuer à résoudre des problèmes, comme celui des médicaments contrefaits. Et je ferais remarquer à M. Masse qu'il se trompe complètement en pensant que je suis en faveur de ces médicaments, car ce n'est pas le cas. Je les condamne.
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Je ferai des commentaires.
Merci d'être là.
Pour faire suite aux propos de Mme Kiddell-Monroe, je dois dire qu'on a en effet des problèmes. D'abord, des gens meurent. Ensuite, il est question d'argent. De plus, vous l'avez mentionné au début, on est actuellement dans un processus presque antidémocratique, parce qu'on n'est pas assurés du parrainage.
La première étape consisterait tout au moins à renvoyer ce projet de loi à la Chambre pour qu'on puisse se prononcer sur la question. Toutefois, on peut avoir de sérieux doutes, certaines personnes ont d'autres objectifs.
Il y a donc des gens qui meurent. Il est aussi question d'argent. Vous avez parlé du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui est de l'ordre de 13 milliards de dollars par année. Vous dites que le Canada fournit un effort. On nous a dit, la semaine dernière, qu'il contribuait pour 150 ou 160 millions de dollars, dans une proportion d'à peu près 1 p. 100.
Pour les compagnies aussi, c'est une question d'argent, sauf qu'elles oublient souvent que les personnes qui meurent n'achèteront jamais de médicaments au gros prix. C'est évident. Dès lors, pour quelle part les compagnies pharmaceutiques pourraient-elles contribuer? D'une manière ou d'une autre, elles ne leur vendront jamais rien. Par conséquent, aussi bien les leur vendre, quitte à les vendre même un peu à perte.
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Merci de m'en donner la possibilité.
J'aimerais attirer votre attention sur un point que M. Abbott a soulevé. Il a dit que les médicaments exportés doivent respecter des « lignes directrices rigoureuses ». Ce sont ses paroles, et il a raison.
Cependant, des lignes directrices rigoureuses, ce n'est pas la même chose que des lois. Puisque vous avez soulevé ce point par rapport au projet de loi, monsieur Wallace, je vous dirais que la seule façon appropriée de procéder, c'est de préciser dans une loi que Santé Canada doit exercer la même surveillance réglementaire pour les médicaments exportés en vertu du RCAM que pour les médicaments destinés au marché canadien. Des lignes directrices non contraignantes sur le plan juridique ne suffisent pas.
Un problème est survenu en Europe. Je dois faire attention à ce que je dis, car un de mes collègues qui a dénoncé publiquement ce problème s'est fait poursuivre.
Une entreprise européenne installée dans un pays européen fournit à l'Afrique des médicaments contre le paludisme, dont certains sont inférieurs aux normes. Pourquoi? Parce que les lois du pays en question autorisent l'exportation de l'Europe vers l'Afrique de médicaments qui ne respectent pas les normes réglementaires du pays lui-même. Cela se traduit par des patients qui reçoivent un type de traitement qui ne leur convient pas.
Les tactiques utilisées dans cette industrie sont si impitoyables, qu'un autre professeur a été poursuivi simplement parce qu'il a abordé le sujet.
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Mesdames et messieurs, nous allons maintenant reprendre nos travaux. Je vais présenter notre nouveau groupe de témoins.
Nous avons Mme Emilou MacLean, directrice de la campagne d'accès aux médicaments essentiels, aux États-Unis, Médecins sans frontières; M. Grant Perry, vice-président des affaires publiques et des remboursements, GlaxoSmithKline Canada; Mme Elizabeth Rennie et Mme Linda Watson, Comité d'action national de la campagne de grands-mères à grand-mères; M. Bruce Clark, vice-président des affaires réglementaires et médicales, Apotex Inc.; enfin, M. Russell Williams, président, et M. Laurence Dotto, directeur des relations gouvernementales et des affaires extérieures, Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada.
Nous accueillons également, par téléconférence, M. Angus Livingstone, directeur général, Bureau de liaison entre l'université et l'industrie, Université de la Colombie-Britannique.
Qui fera la déclaration d'ouverture pour la campagne de grands-mères à grands-mères?
D'accord, madame Rennie, vous avez cinq minutes.
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Nous sommes très reconnaissants envers M. Sweet, président de ce comité, et les membres du comité d'avoir accepté d'entendre notre témoignage sur ce projet de loi.
Nous représentons des grands-mères et des petites-filles inquiètes de partout au pays. J'ai avec moi des membres de la Colombie-Britannique, du Québec et de la Nouvelle-Écosse.
La campagne de grands-mères à grands-mères réunit 240 groupes — soit 10 000 personnes — d'un océan à l'autre, sans oublier les milliers d'autres personnes participantes. D'ailleurs, un sondage Pollara mené en 2009 révèle que 80 p. 100 des Canadiens appuient ce projet de loi.
Nous sommes inquiètes du sort des grands-mères en Afrique. Pourquoi l'Afrique? Parce que, comme vous le savez, c'est la région du monde la plus touchée par la pandémie de VIH.
Mesdames et messieurs, cette pandémie touche les enfants: 13 millions d'entre eux ont perdu au moins un de leurs parents.
C'est plus que tous les enfants du Canada et de la Norvège réunis.
Cette situation touche les femmes et les enfants, plus particulièrement ceux et celles qui vivent dans des pays en développement. Le sida est la principale cause de décès chez les nourrissons. D'ailleurs, en Afrique du Sud du Sahara, la plupart des enfants séropositifs meurent avant l'âge de deux ans.
Imaginez un instant ce que ce serait d'enterrer vos enfants pour ensuite prendre soins de deux, quatre ou dix orphelins, des enfants et des adolescents très vulnérables. J'ai rencontré des gens dans cette situation en Afrique.
Que serait le Canada s'il perdait toute une génération de travailleurs, d'adultes? On a perdu des parents, des enseignants, des infirmières et des travailleurs qui seraient vivants aujourd'hui s'ils avaient reçu le traitement salutaire qu'ils ne pouvaient pas se payer.
Après avoir souligné les conséquences du VIH-sida sur les femmes, il est essentiel de reconnaître que ce sont les femmes de l'Afrique du Sud du Sahara qui assurent la survie de ce continent, grâce à leurs initiatives positives et leur détermination à cesser la propagation de cette pandémie. Cela ne sera possible que si elles ont un meilleur accès à des médicaments abordables.
Nous avons lu les rapports et les études, rencontré les députés et entendu leurs inquiétudes. Comme Linda l'a souligné, vos collègues vous diront que des milliers de Canadiens nous ont fait part de leur appui.
Il est clair que les Canadiens ne sont pas indifférents à cette situation. Nous croyons que l'accès à des soins de santé devrait être universel.
Les grands-mères du Canada ne sont pas naïves. Nous savons que l'adoption de cette mesure législative sans amendements ne constitue qu'une solution. Ce n'est pas un remède universel, et nous le savons bien. Mais nous nous interrogeons sur la sagesse de rejeter une solution viable pour créer un mécanisme différent.
On a déjà fait valoir que le Canada doit d'abord s'attaquer à la pauvreté. Il n'est pas question ici de choix. Toutes les initiatives entourant la lutte contre la pauvreté sont extrêmement importantes. Elles forment une réponse multidimensionnelle nécessaire pour sauver des vies et des collectivités. Mais un fait demeure: même avec des médicaments en provenance de la Chine et de l'Inde, il y a des endroits où des gens qui disposent d'infrastructures et qui ont accès à de l'eau potable doivent inscrire leur nom sur une liste et attendre que quelqu'un dans leur collectivité meure afin de recevoir un traitement. C'est aujourd'hui que le traitement est important.
Ce débat devrait porter sur les gens, et non sur les brevets ou la propriété intellectuelle. Il ne devrait pas porter sur la protection des brevets au détriment de la vie humaine. Il s'agit ici d'un projet de loi humanitaire. Il concerne des gens comme vous et moi.
En mai, certaines d'entre nous se sont rendues en Afrique et ce qui autrefois était abstrait est devenu réel. Les statistiques ont maintenant un visage, un visage courageux. Nous ne prétendons pas que notre séjour de plus de deux semaines en Afrique a fait de nous des expertes, mais nous n'étions pas là en tant que touristes. Nous nous sommes rendues en Afrique pour écouter et pour apprendre.
Nous avons entendu des histoires déchirantes. Nous avons marché, parlé, mangé et dansé avec des femmes de 13 pays différents, dont le Kenya, le Malawi et le Swaziland. Elles nous ont toutes fait la même demande: « Nous savons quoi faire. Nous savons ce dont nous avons besoin. Aidez-nous. Soyez notre voix au Canada. »
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C'est le plus près que je peux le mettre.
D'entrée de jeu, j'aimerais dire que je ne parle pas au nom de l'Université de la Colombie-Britannique, mais plutôt à titre de membre de la communauté universitaire, et les opinions exprimées n'engagent que moi.
Je suis très fier de dire qu'en 2007, l'Université de la Colombie-Britannique est devenue la première université canadienne à officiellement adopter les principes relatifs à l’accès universel, ce qui, en gros, veut dire que l'Université s'engage à rendre ses technologies disponibles pour les pays en voie de développement lorsqu'elles peuvent être utiles pour améliorer la santé, l'environnement et la sécurité. Cet engagement a été accru en 2009 lorsque nous avons collaboré avec Yale et Harvard à l'élaboration de la déclaration des principes et des stratégies pour une dissémination équitable des technologies médicales.
À ce jour, l'Université de la Colombie-Britannique a inclus un certain nombre de dispositions relatives à l’accès universel à ses accords de licence, notamment des exigences pour l'obtention des licences obligatoires, la distribution de médicaments au prix coûtant et le retour au pays d'origine. L'Université de la Colombie-Britannique et ses hôpitaux affiliés affectent plus de un demi-milliard de dollars à la recherche annuellement, dont environ 60 p. 100 dans les sciences de la vie.
Mon monde s'est radicalement transformé au cours des cinq dernières années, et les licences technologiques sont de plus en plus difficiles en raison des problèmes mondiaux dans les industries de biotechnologie et du capital de risque. Pendant ce temps, le gouvernement nous demande de montrer un rendement des investissements pour les importantes sommes qu'il nous a versées pour nos recherches.
C'est dans ce difficile environnement que je cherche à inclure des dispositions relatives à l’accès universel dans mes accords de licence, et l'idée peut s'avérer très difficile à vendre. La mise au point de médicaments coûte cher et est déjà une entreprise risquée sans qu'on y ajoute des dispositions relatives à l’accès universel qui seront mises en oeuvre seulement après l'approbation du médicament, soit d'ici 10 ou 15 ans, alors que le monde tel qu'on le connaît aujourd'hui aura considérablement changé.
En examinant le projet de loi et en lisant les témoignages précédents, des aspects me sautent aux yeux. Tout le monde trouve louable l'objectif de rendre les médicaments disponibles aux gens dans le besoin partout dans le monde. Bon nombre d'éléments doivent être en place: l'accès à des médicaments à prix modique, l'infrastructure locale, le personnel médical, l'eau, l'hygiène et d'autres déterminants sociaux. Bien que le projet de loi C-393 puisse faciliter l'accès à des médicaments à prix modique, à lui seul, il ne suffira pas à garantir leur accès aux gens dans le besoin. Toutefois, il semble raisonnable d'éliminer les coûts exorbitants pour les pays concernés, et c'est le but du projet de loi C-393.
Étant donné le besoin de préparations pour enfants, de médicaments de deuxième ligne et les modifications aux lois sur les brevets en Inde et en Chine, nous aurons peut-être de plus en plus besoin d'avoir accès aux médicaments brevetés.
Je mets en garde contre la mise en oeuvre et les possibles conséquences non prévues d'un changement qui feraient en sorte qu'on passerait d'une réglementation contraignante et compliquée, selon l'expérience d'Apotex au Rwanda, à la solution d'une licence unique pour tous les pays, comme le propose le projet de loi , qui, selon moi, manque de mécanismes de contrôle.
En particulier, je suis préoccupé par l'absence d'un processus d'approbation pour chaque pays et de date d'expiration pour les licences. Si on ajoute cela au fait que les pays puissent accepter des médicaments qui n'ont pas été approuvés par Santé Canada ou par le programme de préqualification de l'OMS, on pourrait retrouver des médicaments en circulation, dont les profils en matière d'innocuité et d'efficacité seraient inadéquats. L'élimination des exigences en matière de marquage, de couleur et d'étiquetage ouvre la porte aux détournements vers d'autres pays ou vers d'autres classes sociales au sein du pays destinataire.
Quoique le détournement ne soit pas un problème important jusqu'à maintenant, je sais que 95 p. 100 des médicaments essentiels de l'OMS ne sont pas brevetés, et l'envie de les détourner augmentera lorsqu'il faudra combler l'écart des coûts associés aux médicaments brevetés, ce dont traite le projet de loi .
Les représentants d'entreprises dans les pays développés m'ont confié craindre que des effets médicaux indésirables dans les marchés du tiers-monde n'entraînent des conséquences dans les marchés des pays développés. Cela pourrait provoquer l'arrêt réglementaire de la vente de ces médicaments au Canada et une importante diminution des débouchés commerciaux.
En dernier lieu, à mon avis, nous devons tenir compte des possibles conséquences d'un événement majeur entourant le détournement ou les effets médicaux indésirables des médicaments. Selon moi, cela réduirait possiblement les investissements des pharmaceutiques en recherche et développement au Canada. Si cela survenait, nous pourrions avoir du mal à mettre au point des médicaments au Canada, et cela compliquerait certainement ma tâche pour les licences dans le milieu universitaire. Si jamais cela arrivait, les Canadiens pourraient avoir un accès réduit aux médicaments.
La mise au point de produits pharmaceutiques est un commerce mondial, et l'industrie peut éviter des pays qui présentent des risques inacceptables.
En résumé, j'appuie l'examen du RCAM pour en améliorer son efficacité, mais cela doit être fait par l'entremise de mécanismes de contrôle pour nous assurer que l'accès se fait de manière contrôlée et responsable.
Merci.
C'est un plaisir et un honneur pour moi de venir témoigner ici aujourd'hui. Médecins Sans Frontières est un organisme international d'aide humanitaire et médicale actif dans plus de 65 pays, et je suis ici pour faire valoir trois points en me fondant sur l'expérience de MSF.
Premièrement, les médicaments sauvent tout simplement des vies dans les pays pauvres. Cela semble assez évident, mais c'est important de le dire. Deuxièmement, l'accès à des médicaments efficaces et abordables dépend de la concurrence dans le milieu des médicaments génériques. Troisièmement, le Canada peut faire plus que ce qu'il fait actuellement pour appuyer l'accès aux médicaments dans les pays en voie de développement.
Les difficultés d'accès aux médicaments concernent tous les nouveaux médicaments et toutes les maladies, mais on continue de se servir du sida comme porte-étendard pour parler des besoins criants, des possibilités qu'offre la réduction des prix provoquée par la concurrence des médicaments génériques et de la volonté politique, qui est très importante.
MSF a commencé à offrir des traitements contre le sida en 2001. À l'époque, une panoplie de gens ont affirmé que ce n'était pas possible de le faire dans les pays pauvres. Ils disaient que l'infrastructure était insuffisante. Les patients pauvres ne prendraient pas leur traitement régulièrement. Des gens ont même été jusqu'à dire: « Les Africains n'ont même pas de montres. Comment sauront-ils quand prendre leur traitement? » À cette période, seulement 8 000 Africains suivaient une thérapie antirétrovirale.
Bien entendu, maintenant, ces arguments semblent vides de sens. Les cliniques de MSF engagent actuellement des milliers de gens par année, au lieu de quelques dizaines. Nous innovons, en fonction des ressources disponibles. Les traitements faits par le personnel infirmier sont fréquents et efficaces. Les traitements sont radicalement décentralisés et simplifiés: nous sortons des hôpitaux pour nous installer dans des postes de santé, sous les arbres et sur l'accotement des routes. Pour les sceptiques, ça fonctionne. Les 5,2 millions de gens qui suivent le traitement ne seraient pas en vie autrement, comme vous l'avez déjà entendu au cours d'une autre séance. En 2006, une étude publiée dans le JAMA a démontré qu'en moyenne les Africains observent davantage le traitement que les Nord-Américains.
L'augmentation du nombre de personnes traitées au cours de la dernière décennie a uniquement été rendue possible grâce à la concurrence des produits génériques. Cette concurrence a permis aux coûts annuels des médicaments ARV de chuter, passant de plus de 10 000 $ à 67 $ annuellement par patient pour la polythérapie générique la plus abordable aujourd'hui.
En 2002, je travaillais en Afrique du Sud avec MSF, et notre objectif était de traiter 180 personnes dans le cadre d'un projet pilote. La première livraison de médicaments brevetés a coûté plus cher que la voiture qui a servi à les transporter de la pharmacie à la clinique. C'était peut-être correct pour un projet pilote qui servait à démontrer aux sceptiques qu'ils avaient tort, à faire un petit geste pour combler les besoins criants et à faire un appel à l'action, mais MSF ne pourrait pas fournir le traitement contre le sida à 160 000 personnes, comme c'est le cas actuellement, s'il payait le prix exigé par les fabricants de médicaments de marque; le Fonds mondial n'en serait même pas capable. Le gouvernement canadien vient tout juste d'annoncer une contribution de 520 millions de dollars américains sur trois ans à ce fonds. Pardonnez-moi de vous donner les chiffres en devises américaines.
Le PEPFAR, une initiative qui procure énormément de médicaments contre le sida, a également reconnu l'importance de la concurrence des produits génériques dans sa lutte mondiale contre le sida. Au début, le PEPFAR était réticent à l'idée d'utiliser des médicaments génériques, mais une étude nous apprend que 90 p. 100 de ses médicaments contre le sida proviennent actuellement de fabricants génériques.
Le PEPFAR estime avoir économisé 215 millions de dollars américains uniquement en 2008 en achetant des ARV génériques — 215 millions de dollars américains. En une année, les économies ainsi réalisées par le PEPFAR représentent plus que la contribution annuelle du Canada au Fonds mondial. Je ne dis pas cela pour encenser les États-Unis ou dénigrer le Canada, mais simplement pour vous démontrer que la concurrence des médicaments génériques est très importante pour faire diminuer les prix et rendre plus abordable une ressource limitée.
Toutefois, les temps changent. Les énormes diminutions de prix provoquées par la concurrence des médicaments génériques ne s'appliquent pas aux nouveaux produits en raison des exigences en matière de propriété intellectuelle de l'Accord sur les ADPIC. Les médicaments de deuxième ligne contre le sida, les médicaments améliorés de première ligne et les nouveaux médicaments contre toutes les autres maladies sont et seront plus chers, parfois même à un prix prohibitif. Les médicaments ayant une combinaison à dose fixe — les pilules trois en un nécessaires pour une bonne observance du traitement et une augmentation rapide du nombre de patients traités — ne peuvent être fabriqués s'ils ont été brevetés par différentes entreprises.
En chiffre, 10 millions de personnes ont besoin immédiatement de traitement de première ligne contre le sida. Le coût des médicaments est très important pour ces gens. Une bombe à retardement explosera bientôt, pour citer le comité parlementaire sur le sida constitué de membres de tous les partis au Royaume-Uni. De plus en plus, les patients devront prendre de nouveaux médicaments pour assurer leur survie à long terme, mais la différence de prix est énorme entre les médicaments de première ligne les plus abordables, très souvent disponibles sous forme générique, et les médicaments améliorés de première ligne, les médicaments de deuxième ligne et les thérapies de sauvetage, très peu disponibles sous forme générique.
Les traitements de deuxième ligne coûtent sept fois plus cher, et les médicaments pour les thérapies de sauvetage et les traitements de troisième ligne coûtent au moins 23 fois plus cher, du moins là où ils sont disponibles.
De plus en plus, les prix des médicaments limiteront les options des patients et engloutiront les budgets dédiés à la santé s'il n'y a pas de réductions importantes des prix. Le sida est seulement un exemple, et ce n'est pas obligé d'être ainsi. Les licences obligatoires sont un mécanisme qui permet la concurrence des produits génériques malgré les brevets. Les prix ont chuté de moitié en Thaïlande grâce aux licences obligatoires sur l'efavirenz et ont diminué de 77 p. 100 au Brésil, permettant de traiter 20 000 patients additionnels en Thaïlande et d'en traiter trois fois plus qu'avant au Brésil.
Une décision réalisable portant sur le paragraphe 6 est importante pour les pays qui ne possèdent que peu ou pas de capacité de fabrication de médicaments génériques, particulièrement étant donné que même les pays les moins avancés doivent adhérer aux ADPIC et faire respecter les brevets d'ici 2016.
Le premier essai du Canada pour mettre en oeuvre la décision portant sur le paragraphe 6, ou la décision du 30 août, comme on l'appelle souvent, a ajouté des contraintes non nécessaires pour les pays les plus démunis qui doivent avoir recours au système, parce qu'ils ne possèdent pas de capacité de fabrication. Pourquoi le plus pauvre des pays pauvres devrait-il voir son fardeau tripler?
Comme Rachel Kiddell-Monroe vous l'a mentionné ce matin, MSF a essayé d'utiliser le système pendant des années, mais sans succès. Il y avait un urgent besoin, mais le fardeau qui pesait sur ces pays et les fabricants génériques était si important et l'attente si longue que nous nous sommes procuré un médicament générique indien préqualifié par l'OMS, avant que le RCAM devienne efficace.
Il est intéressant de noter que ce n'était pas parce que le Canada ne pouvait pas concurrencer le fabricant indien. Le médicament ayant une combinaison à dose fixe fabriqué par Apotex coûtait 143 $ en devise américaine annuellement par patient, comparativement à 176 $ pour les produits fabriqués par Aurobindo et Cipla en Inde. Le Canada avait des prix concurrentiels, mais se heurtait à certaines entraves, parce que le RCAM prêchait par la lenteur et l'inefficacité.
Si une personne à Ottawa, à Toronto ou à Québec contracte le VIH, elle peut espérer vivre jusqu'à environ 70 ans, selon de récentes études. Toutefois, qu'est-ce qui est disponible aux gens vivant avec le virus du VIH dans les pays en voie de développement? Médecins Sans Frontières presse le Canada de soutenir l'accès le plus facile à des médicaments abordables pour les pays en voie de développement qui n'ont pas la capacité suffisante de fabriquer des médicaments génériques.
Je discute avec les représentants de l'industrie et je peux dire que l'industrie trouvera toujours des excuses. J'espère que ce ne sera pas le cas du gouvernement.
Merci.
Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de me donner l'occasion aujourd'hui de vous parler de l'expérience de GlaxoSmithKline avec le Régime canadien d'accès aux médicaments, le RCAM, et des importantes initiatives, à l’échelle locale et mondiale, de notre entreprise visant l'amélioration de l'accès aux soins de santé dans les pays en voie de développement.
J'aimerais insister sur trois points. En premier lieu, le RCAM fait preuve d'efficacité et d'efficience dans l'atteinte de ses objectifs. En deuxième lieu, la fourniture de médicaments n'est qu'un des éléments essentiels à la résolution des problèmes en matière de soins de santé dans les pays en voie de développement. En troisième lieu, GSK s'est engagée à agir pour aborder ces problèmes par l'entremise de cadres comme le RCAM. Selon l'expérience de GSK, le RCAM est un mécanisme efficace qui permet au Canada de s'acquitter de ses obligations internationales et d'accroître l'accès à des médicaments essentiels pour les pays en voie de développement.
Bien que 32 autres pays membres de l'UE et d'ailleurs ont adopté des lois similaires au RCAM, à ma connaissance, les seuls médicaments qui ont été envoyés l'ont été à partir du Canada. En effet, en septembre 2008, Apotex a expédié de Toronto vers le Rwanda une cargaison d'un médicament à triple combinaison à dose fixe pour traiter le VIH/sida.
D'abord, permettez-moi de féliciter Apotex d'avoir agi pour aborder le problème au Rwanda. La chronologie des événements suivants est importante puisqu'elle révèle que seulement 68 jours se sont écoulés entre le moment où Apotex a formulé sa demande à GSK jusqu'à ce qu'elle soit autorisée à commencer à exporter au Rwanda la zidovudine et la lamivudine. Permettez-moi de vous en exposer les grandes lignes.
Vous vous rappellerez que le projet de loi est entré en vigueur en mai 2005, devenant à ce moment la Loi de l'engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique, maintenant le RCAM. Près d'une année complète s'est écoulée avant qu'Apotex ne fasse des démarches auprès de GSK et de deux autres détenteurs de brevets pour obtenir des licences volontaires. GSK a répondu rapidement, indiquant sa volonté de discuter de l'octroi d'une licence et demandant des précisions sur certaines questions clés portant sur les mesures contre le détournement et la sécurité des patients, des enjeux très importants aux yeux de GSK. À ce moment, Apotex n'a pas donné suite à notre demande de renseignements additionnels. Quatorze mois plus tard, GSK recevait d'Apotex une autre demande de licence volontaire. Dans les 26 jours suivants, GSK a donné son consentement au commissaire aux brevets pour qu'il émette une autorisation en vertu du RCAM. Une autre année s'est écoulée avant l'expédition, de Toronto vers le Rwanda, de la première cargaison d'un médicament à triple combinaison à dose fixe pour traiter le VIH/sida, non pas en raison de la bureaucratie et d'un long processus complexe, mais pour des raisons autres que les formalités administratives et légales et sans que GSK puisse faire quoi que ce soit. Il a fallu plus d'un an à Apotex pour commencer à envoyer au Rwanda son médicament générique.
Notre expérience prouve que le RCAM peut fonctionner et fonctionne lorsqu'il est mis à l'épreuve. En octobre 2009, GSK est même allée plus loin en affirmant qu'elle voulait continuer de travailler de manière constructive pour que les objectifs du Canada soient atteints. Nous ne devons pas perdre de vue les besoins des patients des pays en voie de développement. Bien que le RCAM intègre d'importantes mesures de protection et des exigences de transparence qui contribuent à stimuler les investissements en recherche et développement et à soutenir la mise au point de nouveaux médicaments, nous devons nous abstenir d'avoir recours au RCAM comme outil pour rouvrir le débat sur la propriété intellectuelle au Canada. Malgré que le Canada tire de l'arrière par rapport à d'autres pays lorsqu'il est question de protection de la propriété intellectuelle, la protection assurée par la réglementation en place au Canada représente la clé de la mise au point de nouveaux médicaments pour maîtriser et finalement éradiquer des maladies qui ravagent les pays en voie de développement. Nous ne devons pas relancer un débat sur la propriété intellectuelle qui alimenterait le climat d'instabilité et ferait fuir d'importants investissements dont notre pays a tant besoin.
Cela me mène à notre deuxième point. L'offre de médicaments ne représente qu'un seul des volets essentiels des soins de santé. Comme vous l'ont déjà précisé Mme Downie et d'autres, le simple fait d'offrir des médicaments, qu'ils portent un nom de marque ou qu'ils soient génériques, ne permet en rien de s'attaquer aux problèmes auxquels les pays en voie de développement font face, comme le manque d'hygiène et d'éducation, et les obstacles sociaux. Il existe d'importants problèmes d'infrastructure qui nuisent à l'accès aux travailleurs de la santé, aux réseaux de distribution et aux établissements de soins de santé.
Enfin, la corruption et la criminalité peuvent faire en sorte que les médicaments destinés aux patients soient détournés après leur arrivée dans le pays ou même avant qu'ils ne parviennent aux autorités nationales. Nous devons nous doter d'une approche à large portée, qui va au-delà du RCAM, et c'est là notre troisième point.
GSK a adopté il y a longtemps une approche novatrice, responsable et durable en vue d'améliorer la santé des patients des pays en voie de développement. En partenariat avec des gouvernements, des ONG et le secteur privé, GSK a, entre autres, délibérément concentré ses efforts en recherche et développement sur les maladies présentes dans les pays en voie de développement, notamment le VIH, la tuberculose et la malaria. Nous cherchons à éradiquer de nombreuses maladies, comme la filariose lymphatique qui est l'une des maladies les plus invalidantes au monde, et nous offrons régulièrement nos antirétroviraux et nos vaccins à un prix préférentiel.
Cependant, nos engagements passés ne suffisaient pas. Nous avons cessé de nous répéter que ce n'est pas notre faute s'il n'existe aucune infrastructure pour la prestation de soins de santé et nous nous sommes mis à nous demander ce que nous pourrions faire pour mettre en place cette infrastructure. Conséquemment, nous avons mis sur pied de nombreuses nouvelles initiatives pour continuer d'aborder de front ces problèmes plus généraux et promouvoir concrètement le leadership de GSK. Plus précisément, nous avons récemment commencé à rendre accessible notre propriété intellectuelle sur des maladies tropicales négligées en créant une communauté de brevets et en invitant d'autres intervenants à se joindre à nous.
Nous avons ouvert à d'autres chercheurs les portes de notre centre de recherche consacré aux maladies touchant les pays en développement. Nous avons baissé les prix de nos médicaments brevetés vendus dans les pays les moins développés afin qu'ils n'excèdent pas 25 p. 100 des prix affichés dans les pays développés, et nous avons pris l'engagement de réinvestir 20 p. 100 des profits générés dans ces pays par la vente de nos médicaments dans des projets locaux d'infrastructure destinée à la prestation de soins de santé. Enfin, nous avons multiplié les dons d'albendazole pour traiter les enfants à risque de contracter des vers intestinaux. Le premier rapport de l'Organisation mondiale de la santé sur les maladies tropicales négligées confirment que ces vers sont responsables de plus de troubles de santé parmi les enfants d'âge scolaire que tout autre type d'infection.
Je suis très fier de faire partie de l'accord de partenariat renouvelé entre les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada et Partenaires Canadiens pour la Santé Internationale, lequel partenariat contribuera à accélérer l'envoi de médicaments et d'autres fournitures à des populations dans le besoin dans l'ensemble du monde en développement.
En conclusion, nous avons démontré que le RCAM n'est que l'une des pièces d'un grand casse-tête. Et lorsque mise à l'épreuve, cette pièce a su démontrer son efficacité et son efficience dans l'atteinte de ses objectifs. GSK croit que nos intentions et efforts collectifs seront déployés à meilleur escient s'ils se concentrent sur un enjeu plus général, soit améliorer les soins de santé prodigués dans le monde en développement, en faisant preuve de leadership et d'initiative.
Je vous remercie de votre attention et je suis disposé à répondre à vos questions.
:
Honorables membres du comité, je vous remercie. Nous sommes très heureux d'être parmi vous aujourd'hui. J'espère que nous pourrons faire avancer le débat et que celui-ci sera un facteur de progrès et d'innovation pour ce qui est de l'accès aux médicaments pour les pays en développement.
Je partage les sentiments qui ont été exprimés aujourd'hui, mais je pense qu'à l'égard des solutions, il faut ajouter une nuance, un point de vue pratique.
[Traduction]
Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada appuient les principes du RCAM, mais ce régime n'est qu'un des nombreux partenariats et initiatives dont nous disposons pour combattre les maladies dans le monde en développement. Vous avez entendu parler de certains de ces partenariats aujourd'hui. Vous en avez entendu parler d'autres lors de la comparution des représentants de l'ACDI au début de l'automne.
Il existe de nombreuses initiatives canadiennes pour aider à répondre aux besoins de santé dans les pays en développement. Pour notre part, les entreprises canadiennes membres, qui collaborent avec Partenaires canadiens pour la santé internationale depuis 1990, ont distribué des dons de médicaments d'une valeur de plus de 250 millions de dollars partout dans le monde. À l'échelle mondiale, et je pense que c'est un point très important, l'industrie pharmaceutique innovatrice est le troisième bailleur de fonds en importance pour la recherche et le développement concernant les maladies dans le monde en développement, derrière le gouvernement des États-Unis et la Fondation Bill et Melinda Gates. Il reste encore beaucoup à faire, mais les faits tendent à montrer que ces efforts volontaires portent fruit.
[Français]
À la fin de 2008, plus de 4 millions d'adultes et d'enfants provenant de pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ont bénéficié d'un traitement antirétroviral, soit 10 fois plus qu'il y a tout juste cinq ans.
L'Afrique subsaharienne, où le besoin est le plus criant, a été le plus important bénéficiaire. On a enregistré une amélioration similaire pour ce qui est de l'administration de médicaments à des femmes enceintes en vue d'empêcher la transmission du sida au foetus.
[Traduction]
Le RCAM fonctionne quand les règles sont suivies, mais plusieurs dispositions du projet de loi à l'étude nous préoccupent.
Premièrement, l'obligation actuelle de demander une licence en vertu du RCAM serait révoquée.
Deuxièmement, la notification actuelle des pays en ce qui concerne les limites sur les quantités de produits serait supprimée.
Troisièmement, le projet de loi rendrait la durée des licences indéterminée, même si les circonstances ayant mené à sa délivrance n'existent plus.
Quatrièmement, le projet de loi permettrait que des médicaments canadiens soient exportés vers les pays en développement sans le sceau d'approbation de Santé Canada. Cela créerait une situation où il y a deux poids, deux mesures en ce qui concerne la sûreté des médicaments utilisés au pays et celle des médicaments envoyés à l'étranger à des fins humanitaires.
Enfin, il y a le potentiel de détournement vers d'autres pays. Selon le rapport sur la corruption dans le monde, l'approvisionnement et la distribution de médicaments contrefaits constituent des sources de corruption dans l'approvisionnement de produits pharmaceutiques. L'OMS affirme qu'un médicament sur quatre dans les pays en développement est contrefait. Nous voudrions savoir, en particulier, dans quel but on renouvellerait la possibilité de mettre fin à une licence si un produit destiné à des fins humanitaires était réexporté par le pays auquel il avait été envoyé à l’origine. C’est là une question fondamentale.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est de voir que beaucoup de temps et d'efforts ont été consacrés à ce projet de loi; pourtant, d'après l'énergie collective et l'unanimité que j'observe à l'égard des efforts visant à accroître la contribution du Canada, nous pourrions obtenir de meilleurs résultats si nous mettions davantage l'accent sur certains des programmes d'infrastructure volontaire et les partenariats établis par l'industrie.
[Français]
Sur ce, je vais céder la parole à M. Dotto, de l'organisme Abbott.
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui. Je suis bénévole en Afrique depuis huit ans maintenant grâce à notre organisation caritative familiale qui aide les femmes et les enfants du Malawi. À ce jour, nous avons mené à bien plus de 15 projets locaux de développement durable, majoritairement axés sur la santé.
Lors de ma première visite au Malawi, en 2003, l'accès au dépistage du VIH était extrêmement difficile. Des sociétés comme Abbott fournissaient gratuitement des tests de dépistage, mais leur distribution était toujours problématique.
[Traduction]
Aujourd'hui, fort heureusement, le dépistage est beaucoup plus accessible. Des programmes de traitement du VIH sont en place dans des régions rurales, et la plupart des petits hôpitaux ont maintenant établi des programmes de lutte contre le VIH, dotés de conseillers tant bénévoles que rémunérés, et ces hôpitaux reçoivent des antirétroviraux par l'entremise de plusieurs ONG.
Aujourd'hui, la question de l'approvisionnement en médicaments est essentiellement réglée dans bon nombre de ces pays. Les médicaments génériques contre le VIH commencent à être distribués à partir de l'Inde et de l'Afrique du Sud. Aujourd'hui, les hôpitaux reçoivent des dons de médicaments contre le VIH et de médicaments antipaludéens grâce aux partenariats entre les ONG et les gouvernements.
Selon moi, le plus gros défi auquel font face des pays comme le Malawi, c'est l'absence continue d'une infrastructure de soins de santé. Il y a seulement un médecin pour 50 000 Malawiens et une infirmière pour 20 000 personnes. Aussi bien intentionné qu'il soit, le projet de loi ne règle pas les vrais défis ni les enjeux essentiels comme la pauvreté, l'éducation, la nutrition et l'accès aux soins de santé de base — autant de problèmes auxquels sont confrontés les pays moins développés.
À mon sens, pour que le Canada puisse faire une contribution valable à la lutte contre le VIH/sida en Afrique, on doit envisager de prendre des mesures dans des domaines prioritaires, notamment: accroître le soutien aux conseillers chargés de la prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant, puisque ces conseillers doivent se déplacer de village en village pour donner des conseils et administrer un test de dépistage aux femmes enceintes; accroître le nombre de cliniques de santé mobiles pour permettre les déplacements vers les villages; et établir des fonds de transport — pourquoi pas? — afin de permettre à une mère séropositive de prendre le minibus pour se rendre à une clinique de traitement aux antirétroviraux qui se trouve à deux jours de marche de chez elle.
Il faut de toute urgence créer des programmes de dépistage d'enfants séropositifs pour qu'on puisse leur donner accès à des programmes de traitement. On compte 80 000 enfants séropositifs au Malawi, comparativement à seulement quelques centaines au Canada, alors quoi de plus important que d'essayer de créer un avenir meilleur pour le Malawi?
Voilà en quoi consistent les besoins réels, et il s'agit là de moyens pratiques pour créer une infrastructure de santé plus efficace dans des pays comme le Malawi.
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Merci, monsieur le président.
Je veux commencer par dire à Mme Rennie que son témoignage était très touchant. Ce que je retiens surtout de ses observations, c'est que la seule façon de régler ce problème est d'augmenter l'approvisionnement en médicaments pour les personnes qui en ont besoin.
Au cours de la dernière année, j'ai eu le plaisir d'accueillir dans mon bureau, à deux reprises, des représentantes du groupe Grands-Mères pour l'Afrique. Ayant moi-même eu deux grands-mères, je sais à quel point celles-ci peuvent exercer une grande influence. Je tiens à dire encore une fois que j'appuie totalement l'intention de distribuer ces médicaments aux gens qui en ont besoin.
Comme je suis un ingénieur à l'esprit très cartésien, je fais le constat suivant: certaines personnes disent que le RCAM ne fonctionne pas tel que prévu et que nous avons besoin du projet de loi , alors que d'autres affirment le contraire et estiment qu'au lieu de nous attarder sur cette question, nous devrions plutôt nous pencher sur toutes les autres difficultés, notamment celles liées à l'infrastructure. Je crois que vous partagez probablement cet avis, c'est-à-dire l'idée que nous devrions également régler toutes ces autres questions.
Mais pour essayer de bien saisir cet argument, il m'est très difficile de déterminer qui a raison, parce que les positions sont, à bien des égards, diamétralement opposées. J'aurais bien aimé que les représentants d'Apotex soient ici ce matin. Je trouve très dommage qu'ils soient absents, parce que j'avais quelques questions bien précises à leur poser.
Comme ils ne sont pas ici, je vais m'adresser à M. Perry et M. Williams, et je reviens sur cette question. En vertu des règles du RCAM, il y a eu un cas — le cas du Rwanda — dans lequel Apotex est intervenue. J'aimerais qu'on en reparle, parce que la chronologie des événements ne me paraît pas très claire. Il a fallu apparemment 68 jours aux trois fournisseurs de médicaments brevetés pour accorder une licence volontaire à Apotex. Ensuite, il a fallu un an pour la première livraison de médicaments — supposément on avait autorisé l'envoi de 15 millions de pilules —, puis une autre année pour la deuxième livraison.
J'essaie de comprendre pourquoi il a fallu un an pour acheminer les médicaments là-bas, lorsque le processus semble bien fonctionner pour ce qui est de délivrer la licence volontaire. J'aimerais y voir un peu plus clair et connaître votre interprétation des faits. Je comptais poser cette question aux représentants d'Apotex, mais ils ne sont pas ici. Alors, j'aimerais savoir ce que M. Perry et M. Williams en pensent.
Mesdames Rennie et MacLean, je serai heureux de connaître votre avis aussi.
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Absolument. Selon moi, certains des reproches concernant le RCAM seraient un peu plus crédibles s'il y avait eu un échec au bout de deux ou trois demandes. Au moins, Apotex a fait une première demande, et on doit en prendre bien note. Mais où étaient toutes les autres entreprises?
Je pense que nous observons de plus en plus à l'échelle internationale un mouvement... Voilà pourquoi, à mon avis, le débat sur la licence obligatoire par rapport à la licence volontaire sème la confusion. Partout dans le monde, des mesures sont prises et des partenariats sont établis — y compris avec les fabricants de médicaments génériques, dont nous — et ce, de façon volontaire. C'est très créatif. Cela concerne certains des programmes dont les grands-mères ont parlé. Cela touche aussi l'infrastructure. Il y a donc une bien plus grande part de créativité.
Le débat sur la propriété intellectuelle dans lequel nous nous sommes lancés porte, en réalité, sur des questions humanitaires. Ces efforts volontaires nous permettent de faire preuve de beaucoup plus de créativité, et je pense que les deux entreprises peuvent donner des exemples précis.
Nous nous occupons des investissements dans la recherche et du développement, ainsi que des interventions communautaires dans le monde entier. Parfois, nous menons des activités en partenariat. Pensons à l'exemple canadien de Partenaires canadiens pour la santé internationale. Nous faisons des dons de produits à cet organisme, tout comme les fabricants de médicaments génériques. Il y a donc des activités que nous pouvons entreprendre ensemble, au lieu de nous en tenir au RCAM.
Je ne sais pas si les deux autres témoins aimeraient ajouter des exemples.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais qu'on nous distribue la documentation concernant le témoignage d'Apotex, qui avait été fournie au Sénat dans le cadre de l'étude du projet de loi S-232 — parce que la compagnie avait donné suite à cela. C'est peut-être ce qu'il y a de mieux à faire, parce qu'il s'agit du témoignage officiel et public, selon les mêmes règles que celles de la Chambre des communes.
Madame MacLean, vous m'avez fait sourire quand vous avez évoqué l'exemple de la montre, parce que c'est l'une des choses dont on nous a parlé. J'ai déjà entendu ce type d'arguments condescendants, comme « mais votre intention est bonne » ou « si seulement vous pouviez comprendre un peu mieux les choses... » De tels arguments empêchent les gens de se concentrer sur le vrai problème, à savoir que le Parlement a décidé que le secteur privé avait un rôle à jouer dans cette catastrophe humaine qui sévit dans le monde entier. Nous, en tant que secteur public, pourrions et devrions continuer à nous occuper d'autres choses, comme ce que M. Williams l'a dit. En tant que citoyens du monde, nous pourrions utiliser l'argent du secteur public pour construire cette infrastructure. Mais, de par son intention, le projet de loi reconnaît que les membres du secteur privé pourraient étendre l'utilité de ces incroyables percées, surtout à cause du fait qu'ils bénéficient d'allègements fiscaux généreux pour la recherche et le développement, entre autres. Nous tenons à les remercier pour le travail qu'ils font et, tant que cette information est protégée et respectée, nous pourrions établir un système pour étendre l'usage des brevets dans le monde entier.
Monsieur Perry, nous n'avons eu qu'un seul cas jusqu'à présent avec Apotex. Disons que le projet de loi était adopté et qu'on avait cinq demandes par année. Je parle de façon hypothétique. Cela chasserait-il les investissements de votre compagnie et du Canada parce que l'usage serait étendu?
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Cette réponse vous convient, monsieur Perry?
M. Grant Perry: Oui.
M. Anthony Rota: D'accord.
Je vais passer à quelque chose d’autre, un point qui est souvent soulevé: le fait que l’infrastructure est inexistante. C’est la question de la poule et de l’oeuf: qu’est-ce qui vient en premier?
Monsieur Dotto, vous parliez de l’établissement des hôpitaux dans les régions rurales, et madame MacLean, je suis certain que vous avez beaucoup d’expérience. Mon temps de parole doit tirer à sa fin; je vais donc vous poser la question à tous les deux: d’après votre expérience, comment les hôpitaux se développent-ils et pourquoi cela ne se fait-il pas plus tôt? Est-ce que les médicaments aident ou est-ce qu’ils nuisent?
Je veux dire, lorsqu'il y a quelque chose que nous pouvons utiliser, nous voulons améliorer l’infrastructure. Lorsqu’il n’y a rien, nous nous décourageons et nous laissons tomber. C’est ainsi que j’interpréterais la question, mais j’aimerais savoir ce que vous avez à dire là-dessus. Pouvez-vous m’expliquer d’abord comment on met en place l’infrastructure, puis me dire si le fait d’envoyer plus de médicaments dans un pays aiderait sur ce plan?
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J’ajouterais simplement que la question de l’infrastructure est cruciale. Souvent, l’infrastructure ne changera que si des partenariats ont été établis — avec des gouvernements, des ONG, des entreprises comme Abbott, Glaxo et d’autres.
Dans les pays où l’on commence à apporter des changements importants à l’infrastructure... Prenez le Malawi, par exemple, où, il y a six ans, le taux d’infection au VIH était de 13 à 15 p. 100. Grâce à beaucoup de collaboration et de partenariats, ce taux est tombé à 12 p. 100. Il a diminué de plusieurs points. À mon avis, ce sont donc des partenariats et de la coopération de ce genre qu’il faut pour obtenir de tels résultats.
Pour ce qui est de l’accès aux médicaments, c’était un énorme problème il y six, sept ou huit ans, mais aujourd’hui, de nombreux pays sont passés à autre chose. Ils obtiennent maintenant des médicaments d'autres pays, des médicaments qu'ils n'avaient pas il y a six ans.
Je pense que c’est une autre raison pour laquelle on ne reçoit pas de demandes d’Afrique. Je ne sais pas combien de représentants de la collectivité africaine sont ici aujourd’hui, mais je pense que vous devez vous demander: « Pourquoi ne sont-ils pas ici? Pourquoi ne demandent-ils pas ces médicaments? »
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Je vais présenter quelques observations, puis je vais poser une question à Mme Watson et à Mme Rennie.
J’aimerais commencer en disant qu’il y a beaucoup de grands-mères dans la salle, et, tous dossiers confondus, vous êtes le groupe de témoins le plus passionné ou motivé que j’ai rencontré depuis que je suis député, soit depuis cinq ans.
Je peux vous assurer que la première question que je me suis posée lorsque nous avons été saisis de la mesure législative et que j’en ai discuté avec des fonctionnaires, c’était la suivante: est-il possible de modifier le projet de loi de façon à obtenir des résultats positifs, tout en évitant les conséquences inattendues et négatives dont nous avons parlé? En ce qui concerne le besoin de régler ce problème, nous sommes sur la même longueur d’onde.
Madame Rennie, vous avez dit pendant votre déclaration que nous devons agir. Je crois que nous sommes tous d’accord avec vous là-dessus.
Vous avez aussi mentionné d’autres points. Vous avez dit, notamment, que ce ne sont pas les brevets ou la propriété intellectuelle qui entrent en ligne de compte ici; ce sont les personnes. Je le crois aussi, mais l’une des faiblesses du projet de loi, c’est qu’il porte uniquement sur les brevets, la PI et le Règlement sur les aliments et drogues. C’est à ce chapitre qu’il y aura des conséquences inattendues. En tant que parlementaires, il nous incombe de considérer les répercussions des différentes mesures législatives que nous adoptons.
En outre, vous avez déclaré que le gouvernement canadien doit intervenir. D’autres témoins nous ont dit la même chose au cours de la dernière semaine. Mme MacLean en a aussi parlé lorsqu’elle a mentionné qu’environ 5,2 millions de personnes reçoivent maintenant des traitements. Je pense que vous avez dit qu’au départ, elles étaient 8 000. Selon nos chiffres, elles étaient 400 000 en 2003, et je pense que ce nombre a été multiplié par 12 pour en arriver à 5,2 millions en 2010. Nous semblons donc être en bonne voie d’atteindre la cible de 10 millions.
Je dirais que quelque chose fonctionne. Nous savons que nous gagnons beaucoup de terrain. Nos investissements dans le fonds mondial — 540 millions de dollars sur les trois prochaines années — montrent que le gouvernement canadien fournit une contribution importante. Disons les choses comme elles sont: ce sont les Canadiens qui apportent cette contribution. Nous ne dépensons pas l'argent du gouvernement, nous dépensons celui des contribuables, des Canadiens, et nous avons augmenté la somme versée. Il y a donc certains effets.
Je serai honnête avec vous, madame Watson. Vous avez parlé de ce qui arrivera avec le projet de loi. J'ai voté contre la première fois qu'il a été présenté à la Chambre, pour des raisons que je juge bonnes. Jusqu'à maintenant, je n'ai rien entendu qui me convainc de ne pas voter contre la deuxième fois. Or, je tiens à vous assurer que je veux me concentrer maintenant sur le vrai problème: le fait que des gens en Afrique meurent inutilement faute de solutions très simples. Nous devons trouver des moyens de remédier à cette situation.
Si le projet de loi est rejeté, que pouvons-nous faire pour continuer à gagner du terrain et pour mettre à contribution l'enthousiasme considérable des grands-mères afin de travailler ensemble pour obtenir de vrais résultats? Dans quels autres domaines les grands-mères pourraient-elles travailler ou oeuvrent-elles actuellement?
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Mesdames et messieurs, nous reprenons maintenant notre 40
e séance. J'aimerais simplement dire aux témoins qui se joignent à nous en personne et par vidéoconférence que je vais les présenter dans un moment.
Je voudrais avertir les témoins et les invités que les députés sont ici depuis 8 h 30, et je pense que nombre d'entre eux avaient aussi des réunions avant cela. Donc si vous les voyez se lever pour aller se chercher à manger à l'arrière, s'il vous plaît, n'en soyez pas froissés. C'est que je ne voudrais pas qu'ils s'évanouissent faute de nourriture.
Nous avons devant nous Jim Keon, président de l'Association canadienne du médicament générique, et Jody Cox, directrice des Relations gouvernementales fédérales. Nous accueillons également David Schwartz, président du Comité des brevets en biotechnologie de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada.
Par vidéoconférence... je vois seulement une personne en ce moment, mais elles sont censées être quatre; je vais donc faire les présentations et j'espère que les autres apparaîtront dans un instant. Nous accueillons Paula Akugizibwe, de l'AIDS and Rights Alliance for Southern Africa. Nous avons aussi Andrew Jenner, directeur de la Section de la propriété intellectuelle et du commerce de l'International Federation of Pharmaceutical Manufacturers and Associations. Nous comptons également Frank Plummer, directeur général scientifique, Laboratoire national de la microbiologie, pour l'Agence de la santé publique du Canada. Enfin, nous avons Antony Taubman, directeur de la Division de la propriété intellectuelle de l'Organisation mondiale du commerce.
Celui que nous voyons maintenant est M. Plummer.
Bonjour, monsieur Plummer.
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Encore une fois, bonjour.
Je m'appelle Frank Plummer. Je suis le directeur scientifique du Laboratoire national de microbiologie, à Winnipeg, et le conseiller scientifique principal de l’Agence de la santé publique du Canada. Je suis en outre un professeur distingué de l’Université du Manitoba et un médecin chercheur qui a consacré sa carrière au dossier du VIH et du sida en Afrique. C’est en ces dernières qualités que je comparais devant le comité aujourd’hui.
J’aimerais remercier le comité d’avoir sollicité ma participation et de me donner l’occasion de parler de mon travail de Seattle. J'assiste à une réunion importante du programme « Gates Grand Challenges in Global Health », que je ne pouvais pas manquer.
D'ailleurs, ce serait négligent de ma part de ne pas remercier la Fondation Gates de m’avoir prêté ses installations de vidéoconférence.
Je sais que le comité revoit la loi afin de rendre les médicaments génériques toujours protégés par brevet par des fabricants de médicaments brevetés et fabriqués au Canada plus accessibles et abordables pour les pays en développement. Je sais aussi que les dispositions législatives initiales ciblaient principalement le traitement antirétroviral de l'infection à VIH.
J’aimerais d’abord parler au comité de certains travaux extraordinaires accomplis par le Canada sur le plan de l’épidémie de VIH en Afrique. Pendant 17 ans, j’ai habité à Nairobi, où je dirigeais une initiative de collaboration très reconnue entre l’Université du Manitoba et l’Université de Nairobi. Les travaux de recherche accomplis dans le cadre de ce projet comptent parmi les premiers à avoir reconnu l’étendue du VIH en Afrique de l’Est, ainsi qu'à avoir oeuvré vers la compréhension de l’épidémie et de la façon de prévenir la transmission du VIH.
Comme les membres du comité le savent, en Afrique, le VIH est transmis principalement par des relations hétérosexuelles, ainsi que par la mère à son nouveau-né. Grâce à de la recherche financée en grande partie par le gouvernement du Canada, nous avons appris ce qui suit: le commerce du sexe est l’un des principaux moteurs des épidémies de VIH; des infections ordinaires transmissibles sexuellement, comme la gonorrhée et la chlamydia, favorisent la transmission du VIH; la circoncision diminue la vulnérabilité des hommes au VIH; et l’allaitement naturel est un important facteur de risque de transmission du VIH de la mère à l’enfant.
Chacune de ces découvertes a mené à des interventions efficaces créées par notre groupe et a fini par transformer les politiques mondiales en matière de santé. Elles sont au coeur de la prévention efficace des infections à VIH en Afrique et ailleurs dans le monde. Chaque année, des dizaines de milliers de gens ne contractent pas le VIH grâce aux travaux fondamentaux réalisés par l’Université du Manitoba et l’Université de Nairobi et financés par le gouvernement du Canada.
Cette collaboration de longue date se poursuit, tout comme ma participation au dossier. Nous célébrons cette année le 30e anniversaire de l’initiative. Au cours des dernières années, les travaux de recherche ont été axés sur la compréhension de l’immunité naturelle au VIH. Ces travaux, qui pourraient mener à la création d’un vaccin contre le VIH, sont financés par le gouvernement du Canada et la Bill and Melinda Gates Foundation, ce qui explique pourquoi je suis à Seattle aujourd'hui.
Les travaux sont effectués dans un complexe de laboratoires à la fine pointe de la technologie, qui a été construit et équipé grâce à une subvention du gouvernement du Canada accordée par l’entremise de la Fondation canadienne pour l'innovation. Le Canada a donc grandement contribué à la lutte contre le VIH et le sida en Afrique, et il continue de le faire.
Maintenant, parlons du projet de loi . Je n'ai pas les compétences requises pour me prononcer sur la question de savoir si les dispositions législatives actuelles et les modifications proposées posent problème ou non. Toutefois, je sais qu'on a critiqué l’efficacité du programme actuel et qu’un seul pays l'a utilisé. Or, je doute que la structure du programme canadien soit la raison pour laquelle on n’y a pas recours. À mon avis, le programme original, qui part de bonnes intentions, a probablement été dépassé par les événements. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme; le programme PEPFAR des États-Unis — le President’s Emergency Plan for AIDS Relief —; l’accès à des médicaments antirétroviraux de haute qualité produits par des fabricants de médicaments génériques ailleurs dans le monde; et la chute des prix des médicaments brevetés sont tous des facteurs qui ont contribué au désintérêt à l’égard du programme canadien. La même chose s'est produite avec des programmes semblables partout dans le monde.
Malheureusement, vous n'avez pas pu recevoir le témoignage de mon collègue, Dr Kimani de Nairobi. D'après son expérience, ce n'est pas l'accès aux médicaments antirétroviraux qui pose véritablement problème; c'est la capacité de mener à bien des programmes de traitement de haute qualité avec du personnel qualifié.
Même si j’appuie assurément l’objectif de rendre les médicaments antirétroviraux accessibles aux personnes qui en ont besoin, je tiens à rappeler au comité que les médicaments antirétroviraux actuels ne guérissent pas les gens; ils prolongent la vie de façon considérable. Je suis cependant d’avis que nous ne viendrons pas à bout de la pandémie de VIH en traitant le sida. Le nombre de personnes qui contractent le VIH augmente beaucoup plus rapidement que le nombre de personnes que l’on traite. D’ailleurs, le traitement du sida est bien plus coûteux que la prévention du VIH. Nous savons comment prévenir de nouvelles infections de façon efficace et à bon marché. Selon moi, on a trop peu insisté sur de simples stratégies de prévention qui fonctionnent, et on n’a pas suffisamment investi dans ces stratégies. Il faut en outre axer la recherche sur des technologies visant à prévenir la transmission du VIH, comme un vaccin ou un microbicide.
Pour terminer, j'aimerais vous remercier de m'avoir demandé de venir vous parler aujourd'hui et je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Merci, mesdames et messieurs.
Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de parler du projet de loi .
Je représente l'industrie des produits pharmaceutiques génériques, qui est une partie importante de l'économie canadienne et du système de soins de santé depuis plus de 50 ans. Nous sommes chanceux d'avoir une industrie des produits pharmaceutiques génériques importante et à la fine pointe de la technologie au Canada. Aujourd'hui, elle emploie directement environ 12 000 Canadiens dans des postes hautement spécialisés dans les secteurs de la fabrication et de la recherche et développement.
La plupart des médicaments génériques vendus au Canada sont fabriqués dans des usines de calibre mondial, ici même, au Canada. Le plus important fabricant de médicaments au Canada — tant les produits d'origine que génériques — est le fabricant ontarien Apotex. Le plus important du Québec est Pharmascience, qui fabrique aussi des médicaments génériques.
Notre industrie fournit actuellement les médicaments nécessaires pour six ordonnances sur dix au Canada, et ce chiffre augmente rapidement. On a beaucoup parlé récemment du prix des médicaments génériques au Canada et de la capacité de fournir des médicaments à prix abordable à l'étranger. Traditionnellement, le prix des médicaments génériques au Canada a fortement soutenu l'industrie pharmaceutique. Ce système est en mutation. Les gouvernements provinciaux ont entrepris de le modifier. Au Canada, le prix des médicaments génériques a chuté considérablement au cours de la dernière année, tandis que l'on regarde le financement de l'industrie pharmaceutique d'un autre oeil. Les médicaments génériques ont permis au système de soins de santé canadien d'économiser et ces économies sont plus importantes que jamais auparavant.
De plus, les fabricants canadiens de médicaments génériques soutiennent activement les efforts en matière d'aide humanitaire internationale. Les sociétés membres de l'ACMG figurent parmi les principaux donateurs de Partenaires canadiens pour la santé internationale, un organisme de secours et de développement sans but lucratif qui, avec d'autres partenaires, s'emploie à accroître l'accès aux médicaments et à améliorer la santé dans les pays en développement.
Plus récemment, nos membres ont été aussi très actifs dans l'aide à Haïti; ils ont donné des médicaments dont la valeur s'élève à des millions de dollars à des organismes tels que Vision mondiale, Feed The Children et Partenaires canadiens pour la santé internationale.
Le comité étudie un mécanisme particulier dont l'objectif est de fournir des médicaments pour l'aide humanitaire aux pays en développement, le Régime canadien d'accès aux médicaments. La décision de l'Organisation internationale du commerce, une décision prise par 120 pays qui a mené à la création du RCAM, découle de la reconnaissance à l'échelle mondiale du fait que l'industrie des médicaments d'origine ne comblait pas les besoins des pays en développement à elle seule. En l'absence de concurrence, les fabricants de médicaments d'origine étaient généralement réticents à baisser le prix de leurs médicaments brevetés à un niveau que les pays en développement et les pays les moins développés auraient les moyens de payer. C'est pour cette raison que la communauté internationale s'est réunie et a mis au point ce qu'on appelle l'accord de Doha.
Le RCAM fournit un mécanisme juridique et réglementaire en vertu duquel les fabricants canadiens de médicaments génériques peuvent — à des fins humanitaires — mettre au point, produire et exporter des médicaments protégés par des brevets nationaux dans les pays en développement et les pays les moins développés.
Nous avons entendu parler de certains aspects complexes du régime et nous savons que malgré cela, Apotex a mis au point et produit et exporté au Rwanda deux envois de son médicament contre le sida en combinaison triple, nommé Apo-TriAvir. Malheureusement, l'entreprise a indiqué publiquement qu'elle n'y aurait plus recours à moins que des modifications n'y soient apportées.
Il y a eu beaucoup de discussions ce matin pour savoir si le RCAM fonctionne. La réponse de l'Association canadienne du médicament générique est non. La réponse d'Apotex est non.
Le problème du RCAM, qui le rend pratiquement irréalisable, c'est le mécanisme d'octroi des licences. La décision de l'OMC qui a mené à la création du RCAM impose quatre exigences simples en matière d'octroi de licence au pays exportateur, et celles-ci auraient pu être mises en oeuvre plus facilement par le Canada. Au lieu de cela, le processus d'octroi des licences du RCAM fonctionne à l'envers; il s'agit essentiellement d'un processus qui sert les intérêts des détenteurs des droits de propriété intellectuelle plutôt que ceux des personnes qui ont désespérément besoin d'avoir accès à des médicaments salvateurs au moment où sévit une crise sanitaire.
Comme il est indiqué dans notre mémoire, l'ACMG est favorable aux modifications à la Loi sur les brevets proposées dans le projet de loi . À notre avis, la simplification du processus de demande et d'octroi des licences contenue dans le projet de loi est conforme à l'esprit de la déclaration de Doha et de la décision de l'OMC, tout en permettant au Canada de respecter ses obligations en vertu de l'ADPIC.
Nous ne remettons en question qu'une partie du projet de loi, et c'est lié à la modification proposée à la Loi sur les aliments et drogues qui permettrait que les médicaments soient approuvés à l'étranger, dans le cadre du RCAM. À notre avis, cette mesure n'est pas nécessaire et ne reçoit pas l'appui de notre association. L'industrie des produits pharmaceutiques génériques reste favorable à l'approbation par Santé Canada.
C'est sur ces propos que se termine ma déclaration préliminaire. Je suis certain que vous aurez de nombreuses questions à poser au groupe d'experts. Je serai heureux, avec l'aide de mon collègue, de répondre à toutes vos questions au sujet du Régime canadien d'accès aux médicaments.
Merci.
:
Merci, monsieur. Bonjour.
Je m'appelle David Schwartz. Je suis avocat et agent de brevet. Je suis un associé au sein de la société Smart & Biggar et je comparais ici aujourd'hui au nom de mon association professionnelle, l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, ou IPIC.
[Français]
J'ai le plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui au nom de l'IPIC.
[Traduction]
L'IPIC est l'association professionnelle des agents de brevets, des agents de marques de commerce et des avocats exerçant dans tous les secteurs du droit de la propriété intellectuelle. Je suis le président du comité des brevets en biotechnologie de l'IPIC, et c'est à ce titre que je comparais aujourd'hui. Je travaille exclusivement dans le domaine des brevets depuis 17 ans. J'ai une formation scientifique dans le domaine de la génétique et mon travail consiste à aider les inventeurs à obtenir la protection conférée par un brevet pour leurs inventions auprès du Bureau des brevets du Canada et d'autres pays.
J'espère pouvoir contribuer à la discussion très sérieuse et éclairée que nous avons entendue ce matin.
Il a été reconnu que l'innovation est importante pour le bien-être économique et social du pays. Les lois en matière de brevets sont un élément essentiel pour le domaine de l'innovation de tout pays, et ces lois doivent établir un équilibre délicat entre des politiques dont les objectifs sont différents et doivent se conformer à un certain nombre de traités internationaux.
Les compétences de l'IPIC ont trait au droit de la propriété intellectuelle et non à la fabrication de médicaments ou aux politiques d'aide aux pays en développement. Notre mémoire porte donc sur l'étude de la conformité du projet de loi , dans sa forme actuelle — permettez-moi d'insister là-dessus — à l'Accord sur les ADPIC et sur ses éventuelles répercussions sur le système de brevets au Canada et ailleurs.
L'Accord sur les ADPIC de l'OMC établit des normes minimales en matière de protection des droits de la propriété intellectuelle. Les États membres peuvent donc établir des normes plus sévères que celles contenues dans l'ADPIC, mais ils n'ont pas le droit d'adopter des lois qui fournissent moins de protection que ce qui est prévu dans l'Accord sur les ADPIC.
Permettez-moi d'utiliser une analogie très simple, soit les limites de vitesse dans les zones scolaires. Si une loi provinciale, une loi de l'Ontario disons, exige que la limite de vitesse dans une zone scolaire ne puisse excéder 40 kilomètres à l'heure, la ville d'Ottawa pourrait abaisser la limite de vitesse à 30 ou à 35 kilomètres à l'heure, mais ne pourrait pas l'augmenter à 50 kilomètres à l'heure. Je vais revenir sur ce point à la fin de ma déclaration.
L'article 31 de l'ADPIC permet l'utilisation d'une invention brevetée par quelqu'un d'autre que le détenteur du brevet sans l'autorisation du breveté, dans certaines circonstances. Plus important encore, l'alinéa f) stipule que l'invention peut être utilisée principalement « pour l'approvisionnement du marché intérieur », en l'occurrence le Canada. Il y a aussi des exigences en matière de rémunération du breveté, pour le marché intérieur. Ces exigences posent problème aux pays qui n'ont pas la capacité de produire ni l'expertise technique dans leur propre marché, c'est-à-dire leur propre pays, pour fabriquer et utiliser une invention brevetée, même s'ils y étaient autorisés.
Donc, la décision de 2003 du Conseil général de l'OMC qui entérinait le paragraphe 6 de la déclaration de Doha fournit une solution à ce problème, et je sais que vous en avez déjà entendu parler ce matin. On a inscrit une dérogation aux alinéas f) et h) de l'article 31 pour les produits pharmaceutiques, à certaines conditions et des exigences liées à cette dérogation ont été établies pour l'importation de médicaments brevetés par un pays, habituellement un des pays les moins développés ou en développement. La décision du conseil général est, bien entendu, appliquée au Canada par la création du RCAM, en vertu de la Loi sur les brevets.
J'insiste sur ces deux points parce que la loi canadienne doit donc être en conformité avec deux aspects importants de l'ADPIC. Premièrement, il doit y avoir des obligations liées aux alinéas de l'article 31 qui n'ont pas fait l'objet d'une dérogation. Deuxièmement, la dérogation aux alinéas f) et h) — si on veut en bénéficier — doit être conforme à la décision du conseil général, soit qu'elle doit être utilisée de bonne foi pour protéger la santé du public et non comme un outil qui permet d'atteindre des objectifs de nature industrielle ou commerciale. Cet objectif ne pourrait pas être atteint si des produits fournis en vertu de cette décision étaient détournés des marchés auxquels ils étaient destinés. En conséquence, conformément aux alinéas de la décision du conseil général qui s'y rapportent, toutes les mesures raisonnables possibles doivent être prises pour éviter un tel détournement. Ces principes fondamentaux sont expliqués dans la déclaration du président qui accompagnait la décision du conseil général, et que je suis en train de citer.
Si la loi canadienne n'est pas conforme à l'ADPIC, elle risque d'être contestée en vertu de la procédure de règlement des différends de l'OMC. Il a déjà été nécessaire de modifier la loi canadienne sur les brevets deux fois — en 2001 dans les deux cas — à la suite de la contestation d'autres pays, où l'OMC a déclaré que notre loi n'était pas conforme à l'ADPIC. Dans un des cas, la plainte avait été déposée par l'Union européenne et portait sur nos dispositions sur la constitution de réserves, comme l'a mentionné M. Dearden. L'autre cas, qui est aussi survenu en 2001, où nous avons modifié la loi pour changer la disposition sur la protection des brevets à la suite d'une plainte des États-Unis. Donc, nous avons dû modifier notre loi deux fois récemment en raison de plaintes.
Le fait de pouvoir affirmer sur une tribune internationale que notre Loi sur les brevets n'est pas conforme avec l'ADPIC crée de l'incertitude et pourrait ternir la réputation du Canada en matière de respect des droits de la propriété intellectuelle, ce qui aurait des répercussions néfastes sur les investissements canadiens et étrangers en recherche et développement. En conséquence, à notre avis, il est important que le RCAM soit conforme à l'ADPIC, de façon à ce qu'il ne soit pas l'objet de plaintes comme celles que je viens de décrire.
Entre autres, il faut non seulement veiller à ce que les dispositions immuables de l’article 31 soient appliquées et que les décisions du Conseil général soient observées, mais aussi veiller à ce que les aspects procéduraux de la mesure législative permettent de garantir, de manière appropriée et pratique, que l’intention de l’exonération exposée dans la décision du Conseil général est respectée.
Revenons très brièvement à l’analogie que j’ai établie avec la limite de vitesse. Bien sûr, nous pouvons fixer la limite de vitesse à 35, mais, si nous ne la communiquons pas au public, si nous n’affichons pas des panneaux de signalisation et si nous ne demandons pas à la police de surveiller la vitesse de conduite, la limite est en fait inefficace. Certains aspects du projet de loi nous préoccupent donc de la même manière.
Je conclus en disant que le projet de loi a manifestement provoqué un débat. Nous l’avons appris cette semaine et la semaine dernière, et cela nous a permis de nous sensibiliser à des enjeux très importants. Toutefois, comme vous pourrez le constater dans notre mémoire très détaillé, nous sommes préoccupés par le fait que le projet de loi ne respecte pas les ADPIC et la décision du Conseil général, et nous avons également signalé certaines questions liées aux brevets.
[Français]
Merci de nous avoir invités aujourd'hui.
[Traduction]
Je vous remercie d’avoir invité notre association à comparaître aujourd’hui, et c’est avec plaisir que je répondrai à toutes les questions que vous désirez poser.
Merci.
Premièrement, en ce qui concerne vos observations préliminaires à propos de la catégorie à laquelle nous appartenons, c’est manifestement une question difficile à répondre. Si vous lisez notre mémoire, vous pourrez constater que nous n’adoptons pas une position ferme d’un côté ou de l’autre, mais nous signalons les questions qui pourraient être préoccupantes. Pour être franc, vous avez entendu des gens qui en savent plus sur les ADPIC que je n’en saurai jamais et qui ont envisagé la question selon deux différents points de vue. C’est la nature de vos délibérations, et je présume que, tôt ou tard, le gouvernement fera appel à des ressources — du ministère de la Justice ou du Bureau des brevets — qui seront en mesure d’analyser ces opinions contradictoires et de les classer selon leur mérite.
En ce qui concerne votre question à propos de ce qui pourrait arriver, la réponse est que, bien entendu, nous ignorons quels pourraient être les effets à long terme. Personnellement, je m’inquiéterais surtout… à certains égards, c’est une question de perception. Nous avons accepté de nous conformer à des normes minimales dans le cadre de l’Accord sur les ADPIC et l’ALENA. Souhaitons-nous adopter un projet de loi ou une loi qui pourrait prêter flanc à la critique et faire l’objet d’une autre contestation, réussie ou non? Bien sûr, nous avons entendu dire aujourd’hui que personne ne contesterait cette loi, puis que quiconque la contesterait aurait gain de cause ou, au contraire, qu’il perdrait sa cause. Nous sommes d’avis qu’idéalement, il vaudrait mieux trouver un équilibre afin que cela ne se produise pas.
Personnellement, je ne crois pas qu’il soit très bon pour notre réputation de protecteur de l’innovation que les dispositions de notre Loi sur les brevets aient été invalidées à deux reprises, parce qu’elles allaient à l’encontre de l’Accord sur les ADPIC. C’est la position qu’adopte la communauté internationale, et je suppose que c’est logique. Nous avons convenu de promulguer une loi qui respecte les ADPIC. De quoi aurions-nous l’air si, après avoir été manifestement jugés coupables à deux reprises, nous adoptions une mesure législative qui ne respecte pas nos accords? À mon avis, c’est presque une évidence.
:
Merci, monsieur le président.
Honorables membres, je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant votre comité pendant que vous délibérez sur une question qui revêt une importance fondamentale pour la communauté internationale, à savoir s’assurer que des médicaments vitaux sont à la disposition de ceux qui en ont un urgent besoin.
Je dois dire qu’il est inhabituel qu’un membre du Secrétariat de l’OMC participe à un processus législatif national ou à l’élaboration de politiques nationales, mais je comprends que vous puissiez chercher à obtenir quelques avis techniques de la part du Secrétariat de l’OMC pour faciliter vos délibérations, tout comme le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce l’a fait lorsqu’il étudiait un projet de loi semblable intitulé « S-232 ». Cela a entraîné ma comparution devant le comité en novembre dernier.
J’avais alors fait une longue déclaration qui figure maintenant au compte rendu. Donc, pour ne pas abuser de votre temps aujourd’hui, j’aimerais me référer à cette déclaration et demander que, si possible, le comité prenne note des explications détaillées que j’ai données à propos de mon statut et qui ont été enregistrées à ce moment-là. Cependant, je dois répéter que je ne comparais pas devant vous ni en tant qu’expert indépendant ayant toute latitude de vous communiquer ses opinions personnelles, ni en tant que défenseur d’une position politique ou d’une approche en matière d’interprétation juridique. De même, je ne suis pas ici pour représenter l’Organisation mondiale du Commerce en tant que tel. En revanche, je travaille au Secrétariat de l’OMC, et je peux apporter mon concours à votre comité, mais uniquement sur le plan technique.
Au lieu d’être une voix indépendante, j’occupe un poste qui, en fait, ressemble à celui des membres du personnel qui organisent les audiences de votre comité. Je suis actuellement directeur de la Division de la propriété intellectuelle de l’OMC où je travaille avec un petit groupe de collègues talentueux et dévoués qui sont responsables de l’administration de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, l’Accord sur les ADPIC, conclu sous l’égide de l’OMC. Nous épaulons le Conseil de l’Accord sur les ADPIC, un organisme au sein de l’OMC qui englobe tous nos membres, c’est-à-dire les 153 membres de l’OMC.
En fait, le Conseil de l’Accord sur les ADPIC se réunit à l’heure actuelle et s’apprête à entreprendre son examen annuel du régime relatif au paragraphe 6 que vous étudiez dans le cadre de vos délibérations. Nous gérons également les avis et les procédures officielles qui s’appliquent en vertu de l’Accord sur les ADPIC, et nous offrons une aide technique et de la formation, en particulier aux pays en développement. Encore une fois, cela représente une importante partie de notre travail ayant trait au régime relatif au paragraphe 6 et à la santé publique. Nous accomplissons notre travail en collaboration avec nos partenaires internationaux, dont l’Organisation mondiale de la santé.
En tant que membre du Secrétariat, il y a un certain nombre de services que nous ne pouvons vous offrir. Malheureusement, il se peut que ces services soient justement ceux qui seraient les plus utiles à votre comité. En particulier, je ne peux pas vous donner aucun avis sur l’interprétation de nos textes juridiques — l’Accord sur les ADPIC et la modification qui lui a été apportée — et, encore moins, sur la conformité de toute loi en vigueur au Canada ou de tout projet de loi canadien par rapport aux ADPIC. Je sais que cette position peut sembler équivoque et peu coopérative. J’insiste de manière véhémente sur le fait que ce n’est pas le cas. Au contraire, notre position découle de motifs politiques raisonnables et du consensus auquel nos membres sont parvenus en ce qui concerne le rôle approprié de notre secrétariat.
Toutefois, nous sommes chargés d’aider nos membres à mettre adéquatement en oeuvre les mécanismes liés aux ADPIC et au paragraphe 6, et il nous incombe de leur fournir autant de soutien technique que nous le pouvons. Cependant, l’ensemble de nos membres ne considère pas qu’il serait approprié qu’un secrétariat technique cherche à porter un jugement sur des propositions législatives nationales ou à évaluer si, sur le plan juridique, elles respectent les obligations contractées en vertu de l’Accord sur les ADPIC. C’est vraiment une question que nos membres doivent étudier ensemble, et c’est un processus que je peux décrire davantage si cela peut être utile au comité.
Il existe un processus d’analyse et d’examen des lois nationales. Les lois portant sur la propriété intellectuelle, y compris le Régime canadien d’accès aux médicaments, sont habituellement portées à l’attention de l’organisme officiel que représente le Conseil de l’Accord sur les ADPIC. Le conseil examine alors la mesure législative. Il s’agit d’un processus d’examen par les pairs au cours duquel les autres membres, les autres nations, soulèvent des questions concernant la mesure législative et cherchent à obtenir des précisions à son sujet. Mais même le Conseil de l’Accord sur les ADPIC n’a pas le pouvoir de déterminer si une mesure législative respecte l’accord, même si, en règle générale, les membres ont pour politique d’adopter une position ferme à cet égard afin de veiller à ce que les mesures législatives ne dérogent pas à l’accord.
D’autres processus, comme l’examen des politiques commerciales, analysent également les divers aspects des régimes commerciaux nationaux. En fait, au cours du récent examen des politiques commerciales canadiennes qui a eu lieu en 2007, on a analysé le Régime canadien d’accès aux médicaments ainsi que d’autres facettes des lois et des règlements canadiens.
Toutefois, aucun de ces processus n’entraîne une évaluation officielle du respect des obligations internationales. Si la conformité des lois est préoccupante, c’est à un autre membre de l’OMC que revient la tâche de le signaler. Si le membre est suffisamment préoccupé par cette question pour souhaiter la soulever officiellement, plusieurs voies s’offrent à lui. Il peut déposer une plainte officielle qui peut entraîner des différends et des procédures officielles. Cela peut se solder finalement par la formation d’un groupe d’experts indépendants qui déterminera si la loi respecte les obligations du pays.
Mais le secrétaire n’entreprend pas lui-même ce genre de processus de vérification de la conformité. Cela serait vraiment contraire à notre rôle crucial. Nous n’offrons pas des services aux gens qui nous demandent de les aider à régler des questions de conformité, et nous ne prenons pas l’initiative de le faire.
:
Je vous remercie beaucoup de me permettre de témoigner dans le cadre de cette audience. Je représente la International Federation of Pharmaceutical Manufacturers and Associations qui est établie à Genève. C’est une ONG sans but lucratif qui représente l’industrie axée sur la recherche. Je travaille pour les secteurs de la biotechnologie et des vaccins. Ils comprennent plus de 25 compagnies pharmaceutiques de premier plan et 46 associations nationales et régionales établies partout dans le monde.
Je vais commencer ma déclaration en mettant l’accent sur ce que nous essayons d’accomplir dans le domaine de l’accès aux médicaments. Je pense que c’est un programme dont vous avez sans doute déjà entendu parler, mais il serait vraiment utile que nous puissions nous représenter où la disposition concernant les licences obligatoires s’inscrit dans le cadre de travail élargi.
Pour que nous puissions atteindre notre objectif partagé en matière d’accès aux médicaments, il faut que certains éléments clés soient en place. Nous sommes bien conscients du rôle important que jouent les systèmes de soins de santé dans chaque pays. Lorsque j’étais au service d’un gouvernement, je me penchais fréquemment sur cette question dans le cadre des négociations de l’Union européenne et, au Royaume-Uni, on s’entendait pour le dire.
Un haut responsable de la santé au Botswana a fait un commentaire plutôt dur lorsqu’il a déclaré que, même si l’on fournissait au Botswana tous les médicaments du monde, cela ne changerait rien à la situation. Il s’était rendu compte des lacunes de son pays en matière d’infrastructure — et je sais que nous pourrions trouver de nombreuses observations en ce sens. Par exemple, en 2006, le directeur de la Division du VIH à l’OMS a fait la déclaration publique suivante:
L’Afrique est l’un des endroits les plus durement touchés par l’épidémie du sida… il est très évident que son principal problème n’est pas le prix actuel des médicaments. Le véritable obstacle, c’est la fragilité de ses systèmes de santé. Son infrastructure de santé est délabrée, et elle ne possède aucune chaîne d’approvisionnement.
Lorsque nous parlons de l’accès aux médicaments, il faut vraiment nous assurer qu’une infrastructure de santé et des systèmes de soins de santé efficaces ont été mis sur pied et que les responsables des soins de santé sont en mesure d’administrer ces médicaments de façon adéquate et efficace.
Bien entendu, les médicaments eux-mêmes représentent une pièce importante du puzzle de l’accès. Quelque 95 p. 100 des médicaments qui figurent sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS ne sont pas protégés par des brevets. Cela ne veut pas dire que les autres 5 p. 100 sont sans importance, mais cela met vraiment, si vous le voulez, notre débat en contexte. Nous parlons d’un petit nombre de médicaments. Bien sûr, ce nombre pourrait augmenter avec le temps
J’aimerais maintenant mettre l’accent sur les succès enregistrés au cours des dernières années qui n’ont nullement fait appel aux dispositions relatives aux licences obligatoires. Le nombre de patients traités pour le VIH ou le sida est passé de 500 000 en 2003 à 1,57 million en janvier 2005. Par exemple, la hausse de 3,140 p. 100 a été réalisée sans recourir aux dispositions relatives aux licences obligatoires.
Pour conclure, comme le directeur général de l’OMS l’a indiqué: « Notre succès ne devrait pas se mesurer au nombre de licences obligatoires qui ont été accordées. À notre avis, il devrait être calculé en fonction des médicaments qui sont disponibles sur le terrain. »
Le nombre d’initiatives visant à constituer des fonds mondiaux, comme la Fondation Bill et Melinda Gates, par exemple, s’est grandement accru dernièrement. Cette augmentation du nombre de médicaments disponibles n’a pas été réalisée grâce aux dispositions relatives aux licences obligatoires. Donc, il ne faut pas s’attendre à ce qu’un projet de loi canadien entraîne un accès accru aux médicaments.
Le point de vue de Genève à ce sujet, c’est que le Canada fabrique, bien entendu, des médicaments génériques de haute qualité, mais ceux-ci sont chers. À Genève, on pense que, pour de nombreux pays, le meilleur moyen de se procurer, sous forme générique, les médicaments brevetés dont ils ont besoin consiste à s’adresser à l’Inde ou à d’autres marchés, comme la Chine.
Manifestement, lorsque je négociais les règlements qui permettaient la mise en oeuvre de ces mêmes dispositions dans toute l’Union européenne, il était de notoriété publique qu’on ne ferait pas souvent appel à elles, compte tenu des considérations commerciales et du coût des médicaments en Europe.
Merci beaucoup.
Je suis certaine que tout le monde sait qu’en 2007, le Rwanda a pris la décision historique d’aviser l’OMC qu’il aimerait peut-être importer auprès d’Apotex, une dose fixe des trois médicaments combinés suivants: l’AZT, le 3TC, et le névirapine.
En plus d’être le premier et, en fait, le seul pays à avoir profité de l’octroi possible d’une licence obligatoire, ce qui revêtait une grande importance à l’échelle mondiale, la décision était cruciale sur le plan national, en ce sens qu’elle démontrait, comme il se devait et pour la première fois, l’engagement politique du pays à l’égard de la lutte contre le VIH. Cet événement s’est produit au moment où le Rwanda commençait à appliquer les directives sur le traitement optimal conformément aux derniers développements en matière de pratiques exemplaires internationales; c’est-à-dire que, pour traiter le VIH, il abandonnait les régimes fondés sur le D40 au profit des régimes fondés sur l’AZT et qu’il modifiait le seuil pour l’instauration de thérapies antirétrovirales en le faisant passer de 200 à 315.
Le Rwanda était l’un des premiers pays du continent à adopter ces lignes directrices et, par conséquent, il s’est heurté immédiatement aux importantes conséquences financières qu’elles entraînaient. À l’époque, même en exigeant le meilleur prix plafond non vérifié, le passage du D40 à l’AZT aurait occasionné une hausse des coûts de plus de 30 p. 100, uniquement pour les médicaments.
Bien qu’en 2007, trois compagnies pharmaceutiques indiennes aient fabriqué une combinaison de cette nature, qui figurait déjà sur la liste de l’OMS, une seule d’entre elles avait accepté d’appliquer le prix plafond bas. Par conséquent, Apotex semblait être le seul fournisseur concurrentiel ayant répondu à l’appel d’offres.
Après avoir suivi le processus, largement considéré comme lourd et trop prohibitif pour être envisagé dans l’avenir, la licence a finalement été accordée, ce qui a permis à Apotex de faire une offre à un prix concurrentiel et de remporter l’appel d’offres pour la fabrication des ARV. Cela a stimulé les efforts que le Rwanda déployait pour accélérer le traitement des personnes infectées, à tel point qu’il est maintenant l’un des deux seuls pays du continent à avoir offert à ces citoyens un accès accru au traitement contre le VIH fondé sur les directives de l’OMS.
Je sais que tout le monde connaît probablement tous les détails de cette histoire, mais je vous la raconte une fois de plus pour faire ressortir l’argument central de mon message d’aujourd’hui, à savoir que l’accès à des ARV abordables est souvent l’élément crucial qui favorise ou entrave la réalisation d’ambitions politiques visant à élargir l’accès à des traitements contre le VIH.
L’an dernier, James Orbinski, un universitaire canadien, a écrit dans une publication de la Public Library of Science que, pour bon nombre de gens qui vivent dans des pays en développement et qui gagnent moins de deux dollars américains par jour, l’accès à la technologie relative aux soins de santé est un rêve inaccessible. En outre, si un traitement coûte trop cher, les autres facteurs qui pourraient avoir une incidence sur la disponibilité des médicaments, tels que les systèmes de distribution des médicaments et les politiques nationales sur les médicaments, deviennent discutables. C’est seulement lorsque les médicaments génériques ont fait baisser les coûts d’une thérapie antirétrovirale contre le VIH que le débat politique a cessé de porter sur la possibilité d’offrir une telle thérapie dans des milieux démunis, pour se pencher sur la façon dont on pourrait renforcer l’infrastructure de santé afin de fournir des soins de santé complets aux gens qui vivent dans ces mêmes milieux.
Je pense que cela nous ramène à l’argument que le témoin précédent a fait valoir lorsqu’il a mentionné qu’un responsable des soins de santé du Botswana avait déclaré que, même s’il pouvait acheter tous les meilleurs médicaments du monde, cela ne servirait à rien en l’absence d’une infrastructure de santé. Je crois que cet argument est tout à fait logique, tout comme l’est l’argument inverse, à savoir que, même si l’on possédait la meilleure infrastructure qui soit, elle ne servirait pas à grand-chose si des médicaments abordables n’étaient pas disponibles.
Je crois qu’il faut faire attention de ne pas nous laisser entraîner par ce paradoxe. Bien entendu, nous avons besoin de bons systèmes de santé mais, en même temps, si nous n’avons pas accès à des médicaments abordables — si le pays ne dispose pas de médicaments qui peuvent faire la différence entre la vie et la mort —, cela ébranlera grandement la volonté des politiciens de développer les systèmes pour offrir des services et les empêchera probablement de s’engager à le faire.
Lorsque l’abordabilité est incertaine, les pays sont forcés de faire des compromis qui peuvent nuire énormément à la réussite de leurs programmes. Dernièrement, lorsque le président de la South African national AIDS commission a présenté les nouvelles lignes directrices du pays, il a mentionné qu’il avait fallu trouver un équilibre entre les régimes médicamenteux de haut de gamme, qui sont très coûteux, et d’autres régimes qui le sont moins, mais qui occasionnent un plus grand nombre d’effets secondaires. Je pense que ce dont il faut prendre conscience, c’est que l’abordabilité des médicaments ne nuit pas simplement à la capacité du pays d’accroître ses traitements, elle a également une incidence sur la qualité des traitements que le pays développe.
Par exemple, le D40, qui n’est plus employé dans les protocoles thérapeutiques de nombreux pays développés, continue d’être administré dans bon nombre de pays de l’Afrique subsaharienne pour la simple raison que les coûts qu’occasionnerait le passage à l’AZT sont trop élevés pour de nombreux systèmes de santé. En raison de cela, de nombreux patients… Récemment, une enquête menée en Afrique du Sud a révélé que 21 p. 100 des patients qui prenaient du D40 cessaient de suivre le traitement dans les trois années qui suivaient le début de la thérapie parce que la toxicité du médicament était intolérable. Cependant, les médicaments plus tolérables, comme l’AZT, sont moins abordables. Par conséquent, nous tenons absolument à continuer d’administrer des médicaments qui ne sont pas optimaux.
La même chose se produit lorsqu’on veut augmenter les seuils à partir desquels une thérapie est instaurée: que le traitement soit démarré lorsque le nombre de CD4 s’élève à 200 ou à 315 dépend en grande partie de l’abordabilité des médicaments.
À l’heure actuelle, la situation concernant le financement mondial des programmes de lutte contre le VIH a l’air plutôt critique. Le réapprovisionnement récent du fonds mondial a provoqué une profonde anxiété chez beaucoup de gens, car le montant qui a été engagé suffira à peine à maintenir les programmes de traitement, pour ne rien dire de les développer.
Avant même qu’au cours de l’année dernière, nous soyons témoins de la crise mondiale de financement des programmes de lutte contre le VIH, les pays avaient commencé à remettre en question la viabilité des programmes de traitement, en raison du coût des médicaments.
Il y a deux ans, au Botswana, un pays qui pendant de nombreuses années était l’exemple par excellence de la commercialisation des ARV sur le continent africain, le président a déclaré publiquement que la prise en charge continue de nouveaux patients devait être garantie au-delà de 2016, parce qu’il était possible que le traitement soit durable.
En cette période d’austérité financière, il est vraiment primordial que nous prenions toutes les mesures possibles pour réduire les coûts liés aux programmes de lutte contre le VIH, et le secteur de l’approvisionnement en médicaments nous en donne la meilleure occasion. Bon nombre de pays cherchent maintenant à réduire les coûts des neuf médicaments liés aux thérapies antirétrovirales. Mais, bien que les systèmes de santé puissent être modifiés en réorganisant les tâches et en décentralisant les services pour s’adapter à l’évolution du contexte économique, le besoin simple et concret de s’approvisionner en médicaments pour maintenir les gens dans ces programmes ne changera pas, et il est aussi critique aujourd’hui qu’il l’était il y a cinq ans, lorsque cette mesure législative a été adoptée. Je suppose que la seule différence, c’est que maintenant le rôle du Canada dans le secteur mondial des médicaments génériques est encore plus crucial qu’il l’était en 2004.
En toute honnêteté, nous générons une concurrence accrue qui devrait faire baisser encore plus les prix des médicaments, ce dont nous avons désespérément besoin, compte tenu de la crise de financement que j’ai mentionnée plus tôt et de la menace que fait peser sur nous la possibilité que nous ne puissions plus obtenir les médicaments génériques auprès des fabricants indiens. Cela pourrait arriver si les discussions que l’Inde et l’Union européenne mènent actuellement aboutissent à un accord de libre-échange.
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Merci, monsieur le président.
Et je remercie les témoins de comparaître — y compris ceux qui comparaissent par vidéoconférence.
Il s'agit d'une mesure législative très compliquée. Je sais qu'elle suscite beaucoup d'émotions, ce qui est compréhensible: nous constatons les décès et la dévastation dans le continent africain.
Il est certain que chacun de nous voudrait être efficace, peu importe ce que nous décidons de faire, et cela étant dit, d'après les témoignages des différents groupes à qui nous avons parlé, il est maintenant évident que la situation exige un effort concerté. Un effort mondial est nécessaire. Tout le monde doit participer.
Je veux poser mes questions... et j'en ai quelques-unes à poser, du moins à M. Plummer.
Monsieur, je veux vous demander quelles sont, à votre avis, les meilleures façons d'envoyer des médicaments en Afrique présentement. Pouvez-vous nous dire ce que le gouvernement fait à l'heure actuelle pour maintenir et accroître ses efforts en Afrique?
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Je voudrais seulement dire quelque chose. Je pense que c'est très important.
Il y a une idée fausse ici également — et, monsieur le président, vous et moi en avons parlé à différentes occasions — selon laquelle nous sommes menés par de grandes entreprises et la haute finance. Le gouvernement a adopté des lois intéressantes, comme la Loi fédérale sur la responsabilité, qui limite tous les fonds consacrés à nos campagnes électorales et l'argent que nous recevons en tant que politiciens pour nous faire réélire, à vrai dire. Je le dis, parce que c'est vraiment important. Nous entendrons beaucoup de gens. Aujourd'hui, nous avons accueilli des représentants de l'industrie pharmaceutique et de l'industrie des médicaments génériques, qui sont tous des gens très bien, et qui ont tous de très bons intérêts à coeur, mais au bout du compte, nous voulons faire ce qui est bon pour la société canadienne.
Donc, lorsque nous nous attaquons à une telle mesure législative, nous pouvons le faire avec un cadre ouvert, car nous devons fonctionner sur la base de la primauté du droit, en tant que société, et les gouvernements qui le font continueront à se renforcer, à créer de la richesse, et par la suite, ils pourront aider les moins fortunés. Nous ne devons donc pas oublier tout cela.
Je pourrais peut-être obtenir le point de vue de quelqu'un. Je suppose que la question que je veux poser à mes témoins, c'est la suivante: quelle est la meilleure chose que nous pouvons faire en tant que Canadiens? Sur quel domaine est-il préférable pour nous de mettre l'accent pour remédier le plus possible à cette crise qui continue de s'aggraver en Afrique? Si quelqu'un veut se lancer et donner son opinion, qu'il se sente libre de le faire.
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Oui, je pense que s'il n'est pas obligatoire pour un pays de faire part de son intention de s'approvisionner auprès d'une entreprise canadienne, cela éliminera bien des hésitations, comme je l'ai déjà mentionné.
D'abord, l'appel d'offres est le processus par lequel une entreprise décide auprès de quelle entreprise elle veut s'approvisionner. Il n'est pas vraiment logique, alors, d'exiger d'un pays de manifester un intérêt pour une entreprise précise si aucune autre n'est en mesure de répondre. Je pense donc que si cette exigence ne figure plus dans la loi, les entreprises auront plus de souplesse, comme vous le dites. Elles pourront aussi mieux répondre aux besoins changeants des pays à mesure qu'ils évoluent. De plus, limiter la quantité qu'elles peuvent fournir à un pays donné n'est pas toujours réaliste, par exemple dans le cas où l'épidémie évolue de façon importante pendant la période de validité de la licence.
En ce qui concerne ce que j'appelle une fausse dichotomie, parce que le terme décrit parfaitement la situation, entre les systèmes d'infrastructures et la disponibilité des médicaments, je pense vraiment que les deux ne devraient pas être séparés. Nous avons pu constater, entre autres, que le traitement à l'ARV, surtout en Afrique australe, contribue de façon importante à renforcer le système de santé, à renforcer les infrastructures.
Il est donc évident que si les infrastructures sont inexistantes, les médicaments ne peuvent parvenir au résultat escompté, mais il est certain que sans les médicaments, on ne peut accomplir grand-chose à partir des infrastructures. Pour une personne atteinte du VIH en Afrique australe, avoir accès à des médicaments à un prix abordable représente la différence entre la vie et la mort. Je pense qu'un des facteurs qui découragent un bon nombre de gouvernements d'investir dans les infrastructures est qu'ils ignorent s'ils pourront payer pour les médicaments qui vont de pair avec ces infrastructures au cours des cinq ou dix années suivantes, surtout avec la menace qui pèse sur les médicaments génériques présentement.
J'insiste sur le fait que l'accès à des médicaments à prix abordable est le facteur qui a le plus contribué aux progrès dans la lutte contre le VIH au cours des dernières décennies, et cela doit continuer.
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Je pense que les fabricants de médicaments génériques sont des entreprises. Ils cherchent à développer des produits, habituellement quand les brevets arrivent à expiration. Ils ont un calendrier d'activité à cette fin et, avec ce projet de loi, vous envisageriez de développer un produit ou un marché dans un pays en développement, et non pas dans un marché canadien, dans un marché américain, ou dans un marché européen, à un moment antérieur.
Ce que je dis, c'est qu'ils devraient développer le produit comme Apotex l'a fait, faire les essais, obtenir l'approbation de Santé Canada et, comme l'a dit à quelques reprises l'intervenant d'Afrique du Sud, tout le système fonctionne à l'envers. Ils doivent faire ce travail avant de se rendre dans un pays pour dire qu'ils ont la capacité de fournir le produit. Alors, pour un pays en développement, le fait de venir voir le Canada, ou Apotex, ou Teva, ou n'importe qui d'autre, pour dire qu'il aimerait que ce dernier fasse une soumission pour un produit particulier, c'est un processus qui fonctionne à l'envers, comme je l'ai dit. Il faudrait qu'ils débutent ce processus. Il faudra un certain temps pour développer le produit, pour obtenir son approbation, sans compter pour négocier la licence avec le fabricant du produit d'origine.
Alors, il est très important que les entreprises aient un droit clair en vertu de ce projet de loi, si on veut qu'il soit efficace, de fabriquer un produit qui sera autorisé, et si elles respectent les règles concernant l'endroit où il est expédié, etc., et le détournement, qu'elles pourront continuer de fabriquer le produit. Alors, nous aurons beaucoup plus de chances que des produits soient fabriqués en vertu de notre loi.
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Merci beaucoup de cette question.
Je pense qu'il y a beaucoup de problèmes différents qui sont soulevés dans cette question particulière, mais si vous le permettez, je vais parler d'un certain nombre de préoccupations. Lorsque vous pensez aux besoins des pays en développement en ce qui a trait à l'accès aux médicaments, je ne pense pas que nous soyons ici pour parler principalement de l'accès à des médicaments brevetés. Je pense que si vous regardez la recherche qui est effectuée sur le terrain, l'accès à n'importe quel médicament est un problème dans n'importe quel de ces endroits. J'ai assisté à Genève à un exposé donné par l'Organisation mondiale de la Santé qui soulignait que la pauvreté demeure un problème important. Si vous n'avez pas les moyens d'acheter le moins cher des produits génériques, acheter des médicaments génériques ou brevetés pose, certes, un problème particulier. L'autre problème qui a été soulevé, particulièrement en lien avec ce problème, c'est l'accès à de l'eau propre.
Alors, toutes ces choses influent sur la santé générale et le bien-être général des personnes. La question, comme il en a été question abondamment, c'est que les gouvernements doivent vraiment faire attention lorsqu'ils déterminent combien d'argent ils consacrent à leur budget en matière de la santé. Si les gouvernements ne sont pas prêts à investir des sommes suffisantes pour garantir l'accès aux produits génériques non brevetés les plus simples, alors, ce serait un défi très important pour eux que d'avoir accès à des versions génériques de médicaments brevetés, parce qu'il ne s'agit pas, en général, de médicaments bon marché. Ils coûteraient tout de même quelque chose. Ils sont moins chers, mais il y a tout de même un coût lié à cela.
C'est pourquoi je pense qu'il est important pour nous de penser au débat général sur l'accès aux médicaments plutôt que d'examiner simplement un très petit sous-ensemble des outils disponibles. Il a été démontré dans certains pays que les licences obligatoires sont une solution à court terme. Beaucoup de gens considèrent qu'elles ne sont pas une solution durable au problème d'accès aux médicaments ni au débat sur l'accès aux médicaments. Je pense que j'ai présenté un court énoncé à ce sujet, mais je peux vous donner un peu plus de détails sur l'accroissement rapide de l'effort fait par nos entreprises pour faciliter l'accès aux médicaments. Simplement...
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« Akagizeebway », oui, phonétiquement. C'est assez long.
En réponse à votre question, je pense que nous devons également reconnaître que nous avons fait des progrès incroyables en ce qui concerne l'accès au traitement contre le VIH, mais le nombre de personnes qui ont encore besoin d'accès au traitement dépasse largement celui des personnes qui y ont accès. Alors, si vous regardez le nombre de personnes qui meurent chaque jour des suites du VIH, de la tuberculose et du paludisme, il est ahurissant, mais la situation serait encore bien pire si nous n'avions pas fait tous ces progrès.
Je suis d'accord pour dire que l'accès aux médicaments en général est un défi dans la plupart des pays de la région. Le sous-investissement dans le domaine de la santé est un défi et est vraiment à la base de beaucoup de ces problèmes lorsqu'il s'agit de mettre des médicaments à la disposition des personnes qui en ont le plus besoin. Mais je pense que nous devons reconnaître que cela n'écarte pas la nécessité de s'assurer que les médicaments sont abordables.
Ce que nous avons vu également, avec la crise du financement dont j'ai parlé plus tôt, là où dans le passé, des gens se sont fait offrir la garantie que le gouvernement paierait leur traitement contre le sida, maintenant, à cause des contraintes financières, cette garantie n'existe pas dans de nombreux endroits. Vous trouvez des gens qui doivent payer les ARV de leur poche. Dans ce cas, le prix du médicament sur les rayons des pharmacies est vraiment le facteur déterminant pour décider si quelqu'un aura accès ou non au traitement.
Alors, juste en ce qui concerne... le déploiement du traitement contre le VIH a été un des moyens les plus importants par lequel nous avons renforcé les systèmes de gestion de l'offre dans la région et, de plus, la plate-forme créée par l'activisme en matière de VIH a eu un effet d'entraînement dans tout le système de gestion des médicaments. Nous voyons des poursuites, nous voyons une réorganisation des structures organisationnelles dans des pays comme le Swaziland, cette semaine, par exemple, pour améliorer la circulation des médicaments. Il s'agit d'un résultat direct des activités de défense du traitement contre le VIH. Alors, plutôt que d'essayer de dire que nous pouvons...
Très bien, je m'arrête ici.
Mes collègues sont heureux que mon temps soit limité.
Des voix: Oh, oh!
M. Mike Wallace: Et voilà. Je serai peut-être le dernier à prendre la parole avant que nous passions à l'étude article par article, et je veux remercier mes collègues autour de la table d'avoir traité de cette question. J'étais un des députés du côté gouvernemental qui a voté pour que ce projet de loi soit renvoyé au comité. J'ai laissé savoir très clairement aux gens qui sont venus me voir à mon bureau que le projet de loi serait renvoyé au comité de sorte que nous puissions avoir une discussion sur cette question.
Honnêtement, je ne crois pas qu'il sera adopté dans sa forme actuelle, mais cela ne veut pas dire que ce n'est pas une question que nous devons régler. Je n'ai pas vraiment de question pour M. Schwartz, mais je veux le remercier pour sa description. Elle était très claire. Je pense que nous avons entendu un certain nombre... C'est comme n'importe quoi d'autre dans la loi; c'est pourquoi il y a toujours des avocats des deux côtés de la table.
Il y a un certain risque ici. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec l'approche de M. Masse qui veut que parce qu'il n'y a pas de pénalité, nous pouvons aller de l'avant et faire quelque chose, et corriger le tir plus tard. Je pense que ce serait un mauvais message à envoyer à mes enfants et c'en est un pour le gouvernement du Canada. Alors, je ne souscris pas à cette idée.
J'ai deux questions et peut-être que M. Jenner peut en répondre une. Ce qui me tracasse le plus, c'est que nous avons entendu qu'il existe un certain nombre de ces régimes RCAM partout dans le monde. Il y en a 30 ou 33, et aucun ne semble fonctionner. Puisqu'il représente un organisme international, peut-il nous expliquer pourquoi ils ne fonctionnent pas à l'heure actuelle, ou y a-t-il quelque chose que nous devrions faire du point de vue international que nous ignorons encore pour faire en sorte que ces régimes...?
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Merci beaucoup de la question.
Je pense qu'il y a 54 États-membres de l'OMC qui ont mis en oeuvre le paragraphe 6 de la décision, et 27 d'entre eux sont les pays de l'Union européenne. Je pense qu'il importe de garder à l'esprit le fait que si les pays ne mettent pas en oeuvre des dispositions RCAM, elles ne peuvent pas être utilisées.
Je pense qu'en ce qui concerne les pays qui l'ont fait — je pense que j'ai fait allusion à cela dans le commentaire que j'ai fait il y a un certain temps, et vous pourriez certainement trouver que c'est vrai ici —, le coût des médicaments génériques en provenance des pays développés est nettement plus élevé que le coût des produits génériques provenant d'un endroit comme l'Inde, par exemple. C'est quelque chose dont nous devons être conscients et c'est quelque chose qu'il faut garder à l'esprit. L'idée derrière la décision d'août 2003, c'était que nous allions utiliser un système existant qui est fondé sur les expériences nationales et sur les processus établis qui sont en place, mais que nous allions utiliser ce vieux système d'une façon nouvelle.
Cela comporte d'importants avantages, et pour certains, il peut y avoir certains désavantages perçus, mais c'est essentiellement ce que le système tente de faire: utiliser le vieux système d'une nouvelle manière. En réponse à la question visant à savoir pourquoi nous n'avons pas vu une utilisation massive de ce système, je pense qu'il y a d'autres moyens de réaliser l'accès aux médicaments, mais si vous pensez au temps écoulé depuis que la disposition existe, en réalité, cela ne fait pas tant de temps que cela. Si nous devions faire une forme quelconque d'examen de la législation, l'examen devrait porter sur une longue période de temps et de nombreux cas avant que l'on puisse conclure qu'il y avait un problème.
Maintenant, je pense qu'en ce qui concerne l'Inde, ce pays a mis en oeuvre la protection des produits brevetés en 2005. Avant cela, il n'aurait pas été nécessaire de délivrer des licences obligatoires pour l'exportation. Maintenant, il pourrait y avoir, au cours des années à venir, des situations où l'Inde pourrait tirer avantage de son système au fur et à mesure que ces nouveaux médicaments brevetés suivent, de façon générale, le processus normal et ensuite, les fabricants génériques pourront vouloir les copier après avoir reçu une demande d'un pays.
Je pense que tout examen de n'importe quel processus législatif — par l'Union européenne ou le Canada, par exemple — est beaucoup trop prématuré compte tenu du peu de temps écoulé depuis que ce texte de loi existe. Comme je l'ai dit, il est fondé sur la pratique juridique établie, ce qui explique pourquoi nous avons le nombre de dispositions — il y a l'article 10, si vous voulez voir les règlements de l'UE — qui existent, que les gens vont comprendre et que les gens peuvent utiliser. De notre point de vue, il s'agit d'exigences accessibles; elles ne sont pas trop lourdes. Pour les fabricants génériques qui sont actifs dans ce domaine, je pense que le fait de suivre ce processus n'est pas excessivement lourd, mais je ne sais pas s'il y a beaucoup de données à l'appui de cela.
Merci.