:
Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de vous dire premièrement pourquoi je suis ici. Effectivement, j'exerce les fonctions de président de l'Institut de recherche en politiques publiques, mais j'ai passé plus de 30 ans au service du Canada, au cours des mandats de sept premiers ministres. J'ai été greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet de M. Chrétien. Mais n'allez pas croire que je suis partisan, puisque c'est à Brian Mulroney que je dois ma première nomination par décret à un poste de sous-ministre et puisque j'ai terminé ma carrière dans la fonction publique en servant loyalement le premier ministre Harper et le ministre Peter MacKay. Par conséquent, je suis venu témoigner aujourd'hui dans l'esprit non partisan qui caractérise la fonction publique, afin d'aider le comité à concilier les objectifs du gouvernement et ceux de l'opposition, ce qui m'apparaît possible.
J'ai écrit quatre lettres au et au ministre Clement. Je n'ai jamais reçu de réponse du ministre Clement, et le cabinet du premier ministre m'a envoyé un accusé de réception.
[Français]
Par contre, je n'ai jamais reçu de réponse du premier ministre. Même si j'ai indiqué dans ma dernière lettre qu'il s'agissait d'une lettre privée, j'aimerais en faire part au comité parce qu'évidemment, le premier ministre n'a jamais vu la lettre.
[Traduction]
Je voudrais parler de quatre points.
Premièrement, le formulaire long du recensement sert l'intérêt général. C'est un terme technique, mais il convient bien. Les données recueillies au moyen du formulaire long sont utilisées par une vaste gamme de personnes en chair et en os, par exemple dans les banques, les organismes caritatifs et les directions de la santé publique.
Permettez-moi de vous parler d'un cas que je connais bien. Ma femme est présidente de l'Institut canadien des urbanistes. Qu'il s'agisse de planification dans les grandes villes ou les petites municipalités, les urbanistes utilisent ces données tout le temps pour planifier les infrastructures municipales et rurales, les systèmes de transport, le développement, les égouts, et ainsi de suite. Le formulaire long sert l'intérêt général. Il existe dans l'intérêt du public, et les données peuvent être recueillies plus efficacement si c'est l'État qui s'en charge que si chaque groupe fait sa propre collecte de données individuelle.
Deuxièmement, le formulaire long garantit la fiabilité et la solidité des autres enquêtes. Le gouverneur de la Banque du Canada a indiqué clairement qu'il allait devoir évaluer la fiabilité de l'enquête sur la population active si le formulaire long devient facultatif. Soit dit en passant, l'enquête sur la population active est obligatoire, et on s'en sert pour mesurer le taux d'emploi et le taux de chômage. Le formulaire long du recensement est nécessaire pour définir d'autres enquêtes et produire des résultats fiables.
Troisièmement, je vais peut-être vous sembler présomptueux, mais je crois pouvoir dire au comité ce que sont ses objectifs. Je suis désolé si je vous semble présomptueux, mais je pense que vous devriez avoir comme objectifs de voir à ce qu'on produise des données fiables et solides tout en réduisant autant que possible le recours aux mesures coercitives. Je suis d'accord avec le gouvernement pour dire que les moyens de coercition doivent être minimaux. Il faut qu'enquêtes et recensements empiètent aussi peu que possible sur la vie privée des gens. La confidentialité doit être respectée au maximum.
Je voudrais parler d'un autre point également, sur lequel je reviendrai plus tard. Mais, dans ma lettre au , qui fait partie des lettres que j'ai demandé au greffier du comité de distribuer, j'indique les quatre mesures nécessaires pour atteindre ces objectifs: maintenir l'obligation de répondre au questionnaire du recensement; éliminer les peines d'emprisonnement, ce qui me semble faire consensus dans les deux camps; réviser le questionnaire pour éliminer autant que possible les questions indiscrètes; prévoir des peines plus sévères, comme le propose le Conseil national de la statistique, en cas de divulgation de renseignements personnels. Selon moi, quiconque communique des données du recensement sans en avoir le droit devrait se voir infliger une amende sérieuse.
Enfin, je voudrais parler au comité d'un principe important de gestion de haut niveau: garantir l'intégrité de l'organisme qui s'occupe des statistiques. Je pense que, compte tenu de ce qui s'est passé cet été, il y a lieu de se poser de sérieuses questions à ce sujet. Au-delà des délibérations sur le recensement, le comité devrait prendre le temps de se pencher sur les Principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations Unies.
J'ai été surpris de découvrir l'existence de ces principes. C'est Ivan Fellegi, l'ancien statisticien en chef, qui les a portés à mon attention. Cet été, nous avons entendu les gens s'interroger sur la responsabilité des méthodes employées pour recueillir des données. Plusieurs principes de l'ONU concernent l'indépendance des responsables, l'intégrité méthodologique et le rôle du pouvoir politique. Je crois que le comité devrait étudier attentivement ces principes.
Vous pourriez envisager de modifier la Loi sur la statistique pour qu'elle précise que le statisticien en chef, dont le poste est prévu dans la Loi sur la statistique et fait l'objet d'une nomination par le gouverneur en conseil, est l'unique responsable des choix méthodologiques et techniques. Je ne dis pas que cela résoudrait tous les problèmes, mais ce serait un élément de solution. Le a eu raison d'indiquer à votre comité que Statistique Canada relève de lui et que le choix des questions dans le recensement répond souvent à des impératifs politiques. Pourtant, il ne fait aucun doute dans mon esprit que le statisticien en chef devrait être le seul responsable des choix méthodologiques dans l'appareil de l'État. Il devrait avoir l'obligation d'informer publiquement le président d'un comité parlementaire ou une autre personne de son point de vue sur les questions méthodologiques. J'invite le comité à ne pas se laisser entraîner dans les manoeuvres partisanes lorsqu'il est question d'une institution importante pour la gestion des affaires de l'État.
Merci.
Je m'appelle Ian McKinnon et je suis président du Conseil national de la statistique, un groupe de conseillers externes qui proviennent d'un peu partout au Canada et qui sont nommés pour conseiller le statisticien en chef au sujet du système canadien de production de statistiques.
Aujourd'hui, je poursuis les efforts du Conseil national de la statistique pour trouver une solution au différend ayant vu le jour lorsque le gouvernement a annoncé que le questionnaire long du recensement allait être éliminé et remplacé par une enquête à participation facultative auprès des ménages.
Nous croyons que les changements vont affecter l'intégrité et la qualité du système canadien de production de statistiques. Cela dit, le conseil reconnaît que les objections quant aux atteintes possibles à la vie privée et à la confidentialité sont importantes et doivent être prises en compte dans la planification du recensement. Il souhaite donc trouver des solutions qui préserveront la qualité de l'information recueillie grâce au recensement tout en répondant aux objections touchant la façon de recueillir les données.
Je crois que nous pouvons résoudre le problème en écoutant ce qu'en disent les Canadiens. Bien que la décision initiale du gouvernement ait été prise sans consultation, le débat et les discussions depuis l'annonce de cette décision ont été très intéressants, voire même surprenants aux yeux des statisticiens, qui craignent parfois que les gens n'apprécient pas leur travail à sa juste valeur.
De nombreux groupes ont indiqué que le questionnaire long était important pour leurs activités. Le débat public et l'information diffusée par le gouvernement, à la demande du comité permanent, ont éclairci la situation. On constate que, de l'avis de tous les experts, au Canada et à l'étranger, et conformément aux résultats des expériences récentes, aux États-Unis, une enquête à participation volontaire ne peut pas répondre aux besoins fondamentaux du système canadien de production de statistiques.
Quels sont donc les risques? Premièrement, à la suite d'un examen technique en profondeur, on constate que la proposition d'enquête nationale à participation volontaire auprès des ménages est fondamentalement viciée. Les modifications proposées auraient pour effet d'empêcher Statistique Canada de produire de l'information solide et détaillée, à l'échelle des quartiers, des municipalités ou des régions rurales. Une bonne partie du travail d'analyse fait par les municipalités, les services de police, les entreprises privées, les organismes oeuvrant dans le domaine de la santé, les planificateurs du réseau routier et du transport, les conseils scolaires et beaucoup d'autres groupes est effectuée à partir des données concernant de petites sections du territoire, et ces données ne seront plus disponibles.
Nous nous inquiétons, deuxièmement, du risque que l'on perde de l'information de référence indispensable. Avec le questionnaire long obligatoire, Statistique Canada dispose d'un point de repère précis pour déterminer les caractéristiques démographiques des populations difficiles à atteindre ou qui sont moins susceptibles de remplir un questionnaire facultatif. Ainsi, grâce à des stratégies d'échantillonnage et de pondération pour les enquêtes subséquentes à participation volontaire, on est en mesure de compenser les distorsions issues des différences dans les taux de participation et de produire de l'information fiable et solide. L'importance de pouvoir disposer d'une information de référence issue du recensement est évidente lorsqu'on considère certaines populations manifestement difficiles à joindre: les jeunes qui terminent leurs études et entrent sur le marché du travail, à propos desquels il faut recueillir des données pour comprendre l'économie du Canada et étudier les questions d'efficacité; les Autochtones vivant en milieu urbain; les gens les plus riches; les immigrants nouvellement arrivés. La liste est encore longue.
Puisque le débat sur les recensements futurs s'est échauffé, mais n'a pas progressé vers une solution de compromis entre, d'une part, la protection de la vie privée et, d'autre part, la nécessité de maintenir la qualité du système canadien de production de statistiques, le Conseil national de la statistique a quelques recommandations à faire.
Premièrement, dans le cadre d'une consultation formelle qui serait effectuée dès la préparation du recensement de 2016, Statistique Canada devrait examiner chaque question pour veiller à ce qu'elle réponde aux critères les plus rigoureux avant d'être incluse dans le recensement. Chaque question devrait permettre d'obtenir des données dont les utilisateurs ont vraiment besoin et ne devrait pas être incluse si, compte tenu de son utilité, elle empiète trop sur la vie privée des gens.
Le recensement de 2011 doit comprendre un questionnaire obligatoire et équivalent au questionnaire long. C'est le seul moyen de garantir la qualité du système canadien de production de statistiques.
Statistique Canada devrait examiner attentivement le fardeau qu'il impose aux personnes devant remplir le questionnaire, en particulier les agriculteurs, qui doivent répondre aux questions relatives à l'agriculture, dans le recensement, et qui doivent aussi participer à d'autres enquêtes sur l'agriculture faites par Statistique Canada. Il y a déjà un précédent. Un examen semblable a été effectué lorsqu'on s'est intéressé au fardeau imposé aux petites entreprises, il y a 10 ou 15 ans, dans le cadre d'un effort majeur pour réduire ce fardeau.
Enfin, il faudrait profiter de l'occasion pour modifier la Loi sur la statistique de manière à éliminer les peines d'emprisonnement qui y sont prévues et de manière à inclure des dispositions conformes aux Principes fondamentaux de la statistique officielle, qui ont été adoptés par les Nations Unies et auxquels le Canada a officiellement adhéré.
Le Conseil national de la statistique estime que, prises conjointement, ces mesures répondent aux objections valables exprimées par les Canadiens, au sujet du respect de la vie privée, tout en maintenant la collecte des données recueillies au moyen du questionnaire long du recensement, dans l'intérêt des Canadiens.
En outre, le Conseil national de la statistique accueille favorablement la décision du gouvernement de suivre l'une de ses recommandations, c'est-à-dire d'éliminer la menace d'une peine d'emprisonnement pour les personnes qui refusent de participer au recensement. Le conseil est également heureux d'entendre le gouvernement reconnaître implicitement que l'enquête nationale à participation volontaire ne permettra pas la collecte de données solides et précises pour de petites sections de territoire, puisqu'il a décidé d'inclure les questions sur les langues officielles dans le questionnaire court.
Une seule autre question majeure a été soulevée. Une fois les peines d'emprisonnement éliminées, les amendes qui les remplaceront constitueront-elles un fardeau disproportionné ou intolérable pour les Canadiens devant répondre au questionnaire long du recensement ou à son équivalent? Permettez-moi de répondre fermement non à cette question. Un tel inconvénient est nettement contrebalancé par les avantages que tire la société et que nous tirons tous de l'obligation, pour les membres d'un ménage, de consacrer en moyenne 30 minutes à répondre, une fois tous les quarts de siècle, à un questionnaire permettant de recueillir des données qui ne sont communiquées absolument à personne, que ce soit une entreprise ou un organisme.
Pour conclure, nous demandons au gouvernement de poursuivre la consultation et de faire des évaluations techniques, mais de recueillir néanmoins les données issues du questionnaire long en rendant obligatoire la participation à l'enquête nationale auprès des ménages. Les Canadiens ont besoin de ces données et ne méritent rien de moins.
Merci.
:
Bonjour, mesdames et messieurs.
Je représente l'organisme Canada First Community Organization.
Je voudrais vous rappeler, à vous, messieurs, que nous vivons dans un monde en constante évolution. Je suis venu manifester mon appui à l'égard de cette évolution.
Je ne perdrai pas de temps et j'irai droit au but.
Voici les raisons qui m'animent.
Il y a lieu de se demander si le questionnaire long est toujours adéquat. Il a été conçu il y a 39 ans et comporte 40 pages. Certaines personnes finissent peut-être quand même par répondre à toutes les questions. Il peut arriver aussi qu'elles ne veuillent pas fournir certains renseignements à l'État parce qu'elles ont droit à leur vie privée, alors elles répondent n'importe quoi à certaines questions. Comment peut-on vérifier les réponses? C'est difficile.
Je suis en relation étroite avec la population, alors je m'en fais le porte-parole.
On peut se procurer aujourd'hui une abondance de données, et le questionnaire long n'en est pas la seule source. Il est vieux et, selon moi, c'est un moyen inefficace de recueillir de l'information. C'est une perte de temps et d'argent. Je suis désolé de voir qu'on a encore recours à la vieille façon de faire les choses. C'est une méthode inefficace et lente.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples pour que vous voyiez comment il est possible de faire les choses rapidement, plutôt que lentement.
Prenons le cas du prolongement de la ligne de métro longeant l'avenue Sheppard, de la rue Yonge au chemin Don Mills. Il a fallu 10 ans pour terminer cette ligne. Par comparaison, à Hong Kong, on a bâti, au cours des années 1990, l'un des plus grands aéroports au monde, sur deux îles artificielles. Cet aéroport a une capacité de 5 500 passagers par heure et a coûté 35 milliards de dollars canadiens. Comment s'y est-on pris? Il a fallu réaliser en même temps 10 autres projets. Il a fallu construire l'aéroport lui-même, un village pour loger les travailleurs, un chemin de fer, deux autoroutes, un tunnel sous la mer pour les trains et les véhicules routiers ainsi que l'un des plus grands ponts suspendus au monde, plus long que le Golden Gate. Tout cela a été réalisé en huit ans.
Loin de vouloir critiquer le gouvernement, je dis simplement que je voudrais voir les projets se réaliser plus rapidement, avec moins d'études.
Je vous rappelle que nous devons affronter la concurrence internationale. Comme le dit le vieux proverbe chinois, lorsqu'on rame à contre-courant, il faut ramer assez fort pour ne pas reculer. Sinon, on risque de se retrouver loin derrière et de ne plus être capable de rattraper le terrain perdu.
En ayant recours à un questionnaire court, plutôt qu'au questionnaire long, on opte pour la bonne direction. Pourquoi ne pas essayer?
Certains disent que cela va coûter cher. Oui. On se servait de ce formulaire depuis 1971. Puis-je savoir, messieurs, lesquels d'entre vous utilisent encore un ordinateur de 1971 ou une automobile de 1971? Les choses doivent évoluer, et l'évolution doit nous permettre d'être plus concurrentiels sur la scène mondiale.
Permettez-moi de vous citer un extrait d'un article du journal
The Economist:
C'est une tendance universelle, qui a vu le jour, bien entendu, en Scandinavie. Depuis plusieurs dizaines d'années, le Danemark recueille des données sur sa population sans avoir recours à un recensement traditionnel; la Suède, la Norvège la Finlande... entre autres...
L'article se poursuit comme suit:
La Grande-Bretagne a vu l'arrivée de centaines de milliers d'immigrants originaires de pays d'Europe de l'Est nouvellement devenus membres de l'Union européenne. Les administrations locales se plaignent des données périmées, qui ignorent ces nouveaux venus. Conséquence: les écoles sont surpeuplées, les budgets étirés et les logements rares. En même temps, il est devenu plus fastidieux de remplir les formulaires. En effet, ce qui n'était au départ qu'un questionnaire court, dans lequel on demandait aux gens où ils vivaient, s'est transformé en un questionnaire inquisiteur dans lequel on pose toutes sortes de questions, comme sur les toilettes et la propriété des automobiles, la race et la religion.
Et c'est coûteux. Cela revient à environ 36 $ par personne en Amérique, contre 20 ¢ en Finlande.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis James Turk, directeur général de l'Association. Je suis accompagné de Michael Ornstein, une de nos sommités faisant partie du comité consultatif sur la recherche; il est aussi directeur de l'Institut de recherche sociale à l'Université York. Nous représentons 65 000 membres du personnel d'université dans 122 universités et collèges, partout au Canada.
J'aimerais commencer par une question aux membres du comité. Qu'ont toutes ces organisations en commun: le Vancouver Board of Trade; l'Association des infirmières et infirmiers du Canada; l'Institut canadien des urbanistes; le Conseil national des Canadiens chinois; la municipalité d'Halton Hills, d'où vient M. Chong; l'Association canadienne de sciences économiques et des affaires; l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants; la Canada West Foundation; la Co-operative Housing Federation of Canada; la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante; le Congrès du travail du Canada; Alberta Health Services; Centraide Canada; le Congrès juif canadien; l'Association canadienne de santé publique; la Chambre de commerce de Burlington, en Ontario, d'où vient M. Wallace; le Conseil canadien de développement social; l'Association canadienne d'économique; les gouvernements de l'Ontario, du Manitoba, du Québec et de l'Île-du-Prince-Édouard; le gouvernement du Nunavut; l'Association médicale canadienne; la Chambre de commerce de Toronto; l'Association canadienne des sages-femmes; le comté de Simcoe; la Conférence des évêques catholiques du Canada; la Chambre de commerce du Canada; la Société royale du Canada; l'Alliance évangélique du Canada; le Congrès des Ukrainiens Canadiens; les villes d'Edmonton—d'où vient M. Lake—, de Fredericton, d'Ottawa, de Toronto et de Victoria?
Toutes ces entités, à l'instar de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, ont demandé au gouvernement du Canada qu'il rétablisse le questionnaire détaillé à participation obligatoire. La décision d'y mettre fin aura pour conséquence une baisse considérable de la qualité des données économiques et sociales pour les gouvernements, les agences de services sociaux communautaires et les entreprises. Les gouvernements provinciaux utilisent les données du recensement pour mesurer des caractéristiques fondamentales de leurs populations et pour prévoir les infrastructures de transport, les politiques destinées à faire face au vieillissement de la population, ainsi que pour planifier l'enseignement élémentaire, secondaire et postsecondaire, en plus d'une myriade d'autres choses. Les administrations locales et les commissions scolaires utilisent les données du questionnaire détaillé de recensement pour faire des prévisions concernant la demande de services gouvernementaux; avoir une image plus fidèle de la population de façon à savoir où ouvrir des écoles, offrir des services de transport, des services sociaux et communautaires, des garderies ainsi que des programmes linguistiques pour les nouveaux Canadiens. Les agences de services communautaires se servent des données du recensement pour déterminer les besoins de leurs communautés ainsi que pour connaître les particularités sociales et démographiques. Les nouvelles entreprises utilisent les informations contenues dans le formulaire détaillé pour décider où ouvrir un point de vente, en tenant compte de mesures comme les niveaux d'instruction et de revenus ainsi que les professions dans certains secteurs. Les entreprises déjà établies utilisent les données du recensement pour savoir comment cibler leurs campagnes de marketing, où ouvrir des magasins et quels produits offrir.
Le questionnaire détaillé à participation obligatoire sert également de point de référence ou de repère pour d'autres études très importantes, comme l'enquête sur la population active qui permet de mesurer le taux de chômage et d'autres aspects clés de l'emploi utilisés dans les comptes nationaux.
Éliminer le questionnaire détaillé à participation obligatoire nous empêcherait d'évaluer la qualité de l'information venant de Statistique Canada et d'autres enquêtes par sondage et nous priverait de la possibilité de prendre des mesures correctives, ce qui aurait pour effet de miner l'ensemble du système de statistiques sociales et économiques au Canada. Cela inclut les enquêtes standards nécessaires pour comparer le Canada avec d'autres pays membres de l'OCDE.
Le questionnaire détaillé à participation obligatoire est la première source d'information sur l'équité dans la société canadienne, notamment en matière d'éducation, de revenus, d'emploi des Autochtones, de représentation des minorités visibles, des hommes et des femmes et des personnes handicapées.
Le questionnaire détaillé à participation obligatoire a permis aux Canadiens de mieux se connaître en tant que peuple. Le recensement actuel est le dernier d'une série dont le premier remonte à 1871. Il est difficile d'énumérer les innombrables façons dont le recensement est utilisé pour décrire notre nation, tous les changements qu'il a connus; on n'insistera jamais assez sur l'importance de connaître cette histoire.
J'aimerais laisser le reste du temps qui m'est alloué à mon collègue, Michael Ornstein, qui répondra à la question de savoir pourquoi ce serait un problème d'éliminer le questionnaire détaillé à participation obligatoire, même si le formulaire d'enquête à participation volontaire proposé permettra de recueillir des informations auprès d'autant de personnes, sinon plus.
Permettez-moi de commencer par vous parler de ce qui est différent avec le questionnaire détaillé à participation obligatoire.
Tout d'abord, le taux de réponse est très élevé, de sorte que la mesure ne montre aucune déviation systématique des réponses, autant que faire se peut. Et c'est tout aussi important que la taille de l'échantillon.
Ensuite, le questionnaire contient une grande variété de questions. Celles-ci sont importantes en soi, mais aussi en raison de la manière dont elles sont agencées. Des gens ont demandé que le questionnaire soit raccourci, mais cela nuit à la capacité d'examiner toute une série d'éléments différents. Par exemple, vous pouvez vous intéresser aux taux de pauvreté infantile, mais comme statistique globale, c'est beaucoup moins intéressant, d'une certaine manière, que de savoir comment les taux de pauvreté infantile varient dans le pays, selon les groupes ethno-raciaux, les collectivités autochtones, etc.
Par ailleurs, l'échantillonnage du formulaire détaillé est très grand, de sorte que l'on obtient des statistiques exactes de la part de petites communautés dans des zones rurales pour des groupes raciaux précis, etc. Aucune des petites enquêtes réalisées par Statistique Canada ne peut se substituer au recensement pour autant.
J'ajouterais qu'étant donné que les questions se chevauchent beaucoup d'un recensement à l'autre, il est possible de mesurer les changements au fil du temps avec une très grande précision. Souvent, le changement est un indicateur aussi important que le niveau absolu. On parle donc du vieillissement de la main-d'oeuvre, pas de l'âge de la main-d'oeuvre. Ce qui compte, c'est le changement.
Beaucoup de l'information obtenue au moyen du recensement ne se retrouve pas dans d'autres enquêtes, notamment les questions ayant trait à la racialisation et à l'immigration.
Enfin, les questions posées dans le formulaire de recensement sont choisies au terme d'un processus très minutieux. Il s'agit d'une entreprise de grande envergure qui coûte très cher, et on est capable de justifier de façon détaillée chaque question qui y figure.
Alors, pourquoi l'enquête à participation volontaire proposée poserait problème? Parce que l'on craint que le taux de réponse soit de l'ordre de 60 à 75 p. 100 et que les résultats soient altérés par les non-réponses. Cela tient au fait que les personnes qui ne répondent pas au questionnaire sont différentes de celles qui y répondent. Nous savons que le taux de réponse est plus bas chez les jeunes, les personnes mobiles ou les pauvres, etc. Le problème, c'est qu'en renonçant au questionnaire détaillé à participation obligatoire, non seulement on modifie le contenu du sondage, mais en plus, fait inquiétant, les changements d'un recensement à l'autre ne peuvent être perçus à partir du biais dans les non-réponses lorsqu'on passe d'un sondage avec 4 ou 5 p. 100 de non-réponses à une enquête où le taux de non-réponse oscille entre 25 et 30 p. 100.
Merci.
:
Au nom de la nation métisse, je tiens à vous remercier d'avoir invité le Ralliement national des Métis à exprimer son point de vue, ici aujourd'hui, sur cette question capitale.
La nation métisse est représentée au moyen de structures de gouvernance provinciales démocratiquement élues, comme la Métis Nation of Ontario, la Manitoba Métis Federation, la Métis Nation of Saskatchewan, la Métis Nation of Alberta et la Métis Nation of British Columbia. Le Ralliement national des Métis représente la nation métisse à l'échelle nationale et internationale depuis 1983. Si l'on se fonde sur le critère de citoyenneté établi par la nation métisse en 2002, on estime à environ 400 000 le nombre de Métis au Canada, ce qui représente à peu près un tiers de la population autochtone.
Notre critère de citoyenneté repose sur la déclaration volontaire, le caractère ancestral historique de la nation métisse et l'acceptation de la communauté historique de la nation métisse. Dans la décision Powley de 2003, la Cour suprême du Canada, en plus de confirmer les droits autochtones protégés par la Constitution des Métis, a établi les critères d'appartenance à la communauté métisse titulaire de droits, en se fondant sur les liens ancestraux et l'acceptation des communautés métisses historiques.
Depuis la décision Powley, les cinq membres dirigeants du Ralliement national des Métis — c'est-à-dire les organes de gouvernance provinciaux de la nation métisse — ont établi des registres de citoyenneté pour déterminer qui peut voter lors des scrutins provinciaux et bénéficier des programmes et services destinés aux Métis. Ces registres sont en grande partie constitués, mais même lorsqu'ils seront complets, ils ne permettront pas de couvrir l'entièreté de la population métisse sur son territoire historique.
Nous nous fondons sur les chiffres du recensement pour connaître la population totale ainsi que pour avoir des données socio-économiques sur les personnes qui s'identifient comme étant Métisses ou qui ont des ancêtres métis. Les changements proposés au recensement par le gouvernement du Canada auront une incidence majeure sur toutes les données visant les Autochtones, mais plus particulièrement celles concernant les Métis. Le gouvernement fédéral ne possède pas de base de données administratives pour les Métis comme il en a pour les Premières nations grâce au registre d'AINC.
Pourtant, en 2008, il a ratifié le Protocole avec la nation métisse avec le Ralliement national des Métis, protocole qui nous a permis d'entreprendre un certain nombre d'initiatives clés pour améliorer la situation des membres de nos communautés et leur ouvrir de nouvelles perspectives. Grâce à ce protocole, le gouvernement fédéral et le Ralliement national des Métis ont également engagé les cinq gouvernements provinciaux les plus à l'ouest du Canada dans des initiatives conjointes de développement économique, et nous sommes en train de réfléchir à la façon d'appliquer cette approche multilatérale à d'autres secteurs comme ceux de l'éducation et de la santé.
Pour commencer, ce qui est essentiel dans le cadre de ces initiatives, c'est d'élaborer une base de données fiable pour la population métisse. Nous sommes inquiets de la proposition du gouvernement d'éliminer le questionnaire détaillé du recensement et de demander à tous les ménages de remplir le formulaire abrégé, lequel serait complété par une enquête visant un ménage sur trois pour obtenir de l'information recueillie préalablement au moyen du questionnaire détaillé. D'après ce que nous comprenons, l'enquête auprès des ménages revêt un caractère volontaire et, bien sûr, les gens le sauront. Les ménages à faible revenu et peu instruits sont moins enclins à répondre à une enquête sur une base volontaire que les ménages de la classe moyenne, ce qui augmente le risque que des données de cette étude soient faussées.
Étant donné la règle statistique selon laquelle plus la population est petite, plus l'échantillon doit être grand pour obtenir des données fiables, toute mesure ayant pour effet de faire baisser la participation des Métis compromettra la capacité de recueillir des données exactes et fiables, particulièrement si ces données sont ventilées par âge, sexe, niveau de revenu et zone géographique.
Les changements proposés compromettront notre capacité à réaliser des enquêtes après recensement auprès des Premières nations, comme l'enquête auprès des peuples autochtones. Cette enquête, sur laquelle nous nous sommes fondés pour beaucoup de nos données, reposait sur les réponses fournies dans le questionnaire détaillé.
Enfin, les changements rendront certainement plus difficile, voire impossible, la comparaison des données de 2011 avec celles des recensements précédents. De telles comparaisons sont importantes pour établir les taux de croissance ainsi que les tendances démographiques et socio-économiques. Le fait est que nous ne connaîtrons pas l'ampleur réelle de ces changements sur les données concernant les Métis tant que nous ne saurons pas combien auront répondu à l'enquête à participation volontaire. Mais nous croyons que le gouvernement fédéral prend clairement un risque inutile qui menace d'entraver les progrès accomplis pour la population Métis.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Notre pays compte de nombreux partis politiques qui ont des visions différentes de l'orientation que devrait prendre le Canada, et il n'y a rien de mal à cela. Toutefois, je considère essentiel que tous les partis politiques voient comme principe fondamental la nécessité impérieuse de rendre disponibles les données le plus exactes qui soient sur lesquelles fonder leurs décisions et leur vision — et quand je dis « exactes », je veux parler d'informations exactes qui brossent un portrait fidèle de la mosaïque canadienne.
Comme l'ont dit de nombreux intervenants au cours des derniers mois, il s'agit d'une mosaïque. Notre pays se compose de minorités linguistiques et ethniques, de peuples autochtones, de riches et de pauvres. Nous avons une mosaïque très éclectique, et les politiques que nous mettons en oeuvre devraient reposer sur la meilleure information disponible pour refléter adéquatement cette mosaïque.
Qui aurait pensé que le problème du recensement allait surgir à l'été 2011? Mais il m'est apparu évident, ces derniers mois, que tout cela donne lieu à un exercice fort utile.
Le gouvernement a l'obligation d'expliquer plus clairement aux Canadiens pourquoi nous faisons ce recensement, car il me semble que les gens se demandent un peu pourquoi on leur pose ces questions. Je crois que le gouvernement a la responsabilité d'expliquer plus clairement pourquoi nous faisons cet exercice très complexe consistant à poser des questions aux Canadiens et pourquoi c'était un exercice obligatoire. Je ne pense pas que ce soit clair, et je regrette de dire qu'il y a eu pas mal de désinformation dans le processus. C'est la première chose que je tenais à souligner.
Deuxièmement, le gouvernement se doit d'expliquer aux Canadiens tous les efforts déployés pour protéger la confidentialité de l'information, parce que je crois que cela aussi a soulevé des inquiétudes.
Je remercie les témoins venus ce matin d'avoir fait la lumière sur le processus et exprimé leurs opinions personnelles; j'aurais d'ailleurs quelques questions à leur poser.
Je commencerais par M. McKinnon.
Je crois qu'une partie des questions que se posent les Canadiens tient au fait que beaucoup d'entre eux ne mesurent pas nécessairement l'importance pour eux, personnellement, de remplir le formulaire et de répondre aux questions. Qu'est-ce qui va changer dans leur vie? Quelles conséquences cela aura-t-il pour le Canada? Ils ont peut-être le sentiment qu'il s'agit tout simplement d'une série d'informations utilisées par des gens avec qui ils n'ont rien à voir, et que cela n'affectera nullement leur vie.
Je pense que cela fait partie de l'enseignement que nous devons donner aux gens, et j'aimerais avoir votre avis là-dessus.
:
Merci, monsieur Garneau.
L'une des choses les plus importantes que permet d'obtenir le questionnaire détaillé du recensement, ce sont les données concernant les petites régions. C'est bien de parler aux Canadiens de la teneur et de l'importance de l'enquête sur la population active, qui s'intéresse à des questions comme la tenue de notre économie, mais le plus grand impact sur les individus concerne les services qui leur sont directement offerts.
Un peu plus tôt, nous avons entendu des critiques, par exemple, au sujet de la question de savoir où les gens travaillent et à quelle heure ils partent de chez eux. C'est pourtant précisément des questions de ce genre qui peuvent avoir un intérêt au niveau national, mais aussi au niveau local, car elles permettent de savoir où construire des routes et comment planifier le mieux possible le système de transport. Tous les gens que vous avez entendus jusqu'à présent, qui représentent différentes organisations, sont des fournisseurs de services qui apportent des solutions et des réponses locales aux gens.
L'information compilée permet d'améliorer l'efficience et même la reddition de comptes. Je pense que ce sont deux données repères extrêmement importantes pour le grand public canadien, et qu'on devrait les conserver pour guider la politique gouvernementale: premièrement, on complique beaucoup les choses si on se prive des informations précises et détaillées qu'on a; deuxièmement, les solutions de rechange permettant d'obtenir ces données sont habituellement inadéquates et toujours plus chères. Ainsi, lorsqu'on évoque les montants faramineux associés au recensement, on oublie que les solutions de rechange sont bien plus coûteuses.
Prenons, par exemple, l'enquête sur la diversité ethnique, qui a été un élément important permettant d'analyser qui nous sommes et quelques-uns des défis que nous devons relever; le ciblage de cette enquête exige que l'on comprenne bien où se trouvent les Canadiens, de quels types de Canadiens il s'agit, quel rôle ils jouent dans la société et dans l'économie. Par conséquent, la solidité et la fiabilité des données tirées de cette enquête dépendent de la fiabilité des données du recensement que nous utilisons pour établir des comparaisons.
C'est la même chose pour l'enquête sur la population active. L'enquête sur la diversité ethnique risque malheureusement de disparaître, mais celle sur la population active, qui est essentielle pour comprendre comment se comporte l'économie sur une base mensuelle régulière, exige que nous sachions où poser les questions. On fait des échantillonnages et on veut que l'échantillon représente l'ensemble des pans de l'économie et de la société. Ainsi, pour trouver le bon échantillonnage permettant de mesurer la performance de l'économie, il faut prendre le recensement comme base de la fiabilité de l'échantillon.
:
Si vous le permettez, je vais répondre en anglais.
[Traduction]
Je suis toujours frappé par la nécessité d'avoir des politiques fondées sur des données probantes.
[Français]
En tant que président de l'Institut de recherche en politiques publiques, j'aimerais souligner que beaucoup de nos chercheurs fondent leurs recherches sur le recensement et d'autres sondages fondés sur le recensement.
[Traduction]
Si vous pensez que nous devrions avoir des données probantes fondées sur les politiques — c'est-à-dire choisir une politique puis essayer de prouver son contenu —, alors nous n'avons pas besoin de faire de recensement.
Si nous voulons fonder une politique sur des données probantes, sur la nature des défis que doit relever le pays, sur la nature des problèmes liés à la tenue de l'économie, il faut nous intéresser d'abord aux faits.
[Français]
À l'Institut de recherche en politiques publiques, on dit qu'on pose des questions avant de trouver des réponses. J'espère que le gouvernement fait de même.
:
Certainement, monsieur Bouchard. Le problème fondamental s'appelle « la déviation systématique des réponses ». Les personnes qui répondent à des enquêtes à participation volontaire sont, de par leur nature, différentes de celles qui n'y répondent pas. Ces dernières sont souvent plus pressées par le temps. Ce sont des gens qui se sentent parfois marginalisés au sein de la société. S'il existe des barrières linguistiques, ils sont moins portés à répondre.
Ces problèmes peuvent être atténués si on dispose d'un point de repère qui indique qu'il y a tant d'Autochtones, par exemple, dans telle zone urbaine; ou qu'il y a tant de gens unilingues francophones dans tel secteur. À ce moment-là, on peut examiner les sondages à participation volontaire et corriger ou changer les plans d'enquête pour n'oublier personne. Sans ces références, établies au moyen d'un format imposé qui permet de toucher des sujets absolument essentiels en posant des questions simples concernant le revenu, l'ethnicité, la langue, etc., on ne disposera plus de points de repère. Vous pourrez mener une enquête à participation volontaire, mais vous ne pourrez plus l'adapter à une population donnée.
Cela signifie que les résultats de votre recensement seront moins applicables à de petits secteurs, mais, plus important encore, que vous n'aurez plus la capacité de mener de nouvelles enquêtes à participation volontaire, ou des enquêtes comme celle sur la population active, avec l'assurance que vous visez un échantillonnage bien représentatif de Canadiens.
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Merci, monsieur le président, et merci aussi aux témoins d'être ici aujourd'hui.
Après avoir écouté les propos de M. Turk et les questions de M. Garneau, je me demande un peu à quoi tiennent les différences de points de vue sur cette question; j'essaie de comprendre ce qui nous distingue. Je fais remarquer que M. Garneau a été cité hier dans une émission de radio de la station 630 CHED concernant le fait que, selon lui, le gouvernement avait de la difficulté à trouver des groupes pour l'appuyer, à tel point qu'il a dû se résigner à inviter des gens à titre personnel. Je trouve que cela illustre assez bien la différence dans l'approche.
Nous savons bien, de ce côté-ci, que nous représentons des personnes. Je crois que je représente environ 120 000 personnes de ma circonscription, et il est important que leurs voix se fassent entendre. Je ne pense pas que nous ayons touché le fond du baril parce que nous avons invité de simples citoyens. Je crois que ces gens sont probablement les mieux choisis pour donner leur opinion sur des sujets de ce genre. Par conséquent, nous sommes en désaccord sur ce point.
Monsieur Turk, pour ce qui est de la liste des personnes qui se sont exprimées — et elle est assez longue, j'ai d'ailleurs eu du mal à prendre des notes parce que vous parliez rapidement —, je crois que l'une des raisons pour lesquelles vous considérez que le recensement est important tient au fait que les entreprises se servent des données sur les niveaux d'instruction et de revenu des gens pour déterminer où ouvrir leurs commerces. Je suis d'accord que c'est une information précieuse. Dans ma vie antérieure, lorsque je travaillais dans le secteur privé, j'aurais bien aimé disposer de ce genre de renseignements. De ce point de vue, vous et moi sommes d'accord sur la valeur de ce type d'information.
Je crois que la question fondamentale à laquelle nous essayons de répondre ici, c'est de savoir comment le gouvernement recueille l'information. Quant à savoir si nous aimons l'information, je crois que tout le monde autour de cette table dira que oui. Mais comment le gouvernement s'y prend-il pour l'obtenir?
Pour ce qui est de savoir comment nous rassemblons les données afin d'aider les entreprises à décider où s'installer en se fondant sur les niveaux de revenu et d'instruction des gens, je dirais que même s'il s'agit d'informations valables, il est inapproprié qu'un gouvernement menace ses citoyens de leur imposer des amendes ou des peines de prison. Je me concentrerai davantage sur les amendes, parce qu'il semble y avoir un certain consensus au sujet des peines d'emprisonnement; il est inapproprié qu'un gouvernement menace ses citoyens de leur imposer des amendes pour obtenir cette information.
Voyons un peu comment cela se passe. Nous nous adressons à un citoyen pour lui dire que le gouvernement veut obtenir des informations au moyen du recensement, des renseignements sur son niveau d'instruction, ses revenus et le temps qu'il passe avec ses enfants, ainsi que sur le temps qu'il consacre aux tâches ménagères ou au jardinage. Prenons, par exemple, quelqu'un issu d'un des groupes vulnérables dont on parle souvent, parce qu'il est le moins susceptible de remplir le questionnaire de recensement et le plus susceptible d'être frappé d'une amende. Prenons le cas d'une mère monoparentale de trois enfants qui ne veut pas dire au gouvernement combien de temps elle passe avec ses enfants ou elle consacre aux travaux de jardinage. Nous la relançons, et elle nous dit respectueusement qu'elle ne veut pas répondre à ces questions — peu importe la raison. Les agents du recensement sortent alors un formulaire de refus total — je ne sais pas si les citoyens savent de quoi il s'agit — et remplissent une partie du formulaire dans laquelle ils reprennent exactement les termes utilisés par la personne qui a exprimé son refus; ils complètent aussi une autre partie sur la description de cette personne: âge, sexe, taille, poids, autres détails physiques comme poils faciaux, tatouages, lunettes, taches de naissance, vêtements distinctifs, etc.
Ils remplissent ce formulaire de refus total parce que quelqu'un n'a pas voulu leur dire combien de temps il avait passé à faire du jardinage la semaine d'avant. Peut-on accepter que le gouvernement cautionne cela?
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Merci, monsieur Lake, pour vos questions.
Premièrement, selon vos observations préliminaires, nous aimons tous l'information. En fait, je pense que vous devriez faire une nuance: nous aimons tous l'information valide et fiable. La question qui nous occupe est de savoir si l'information qui nous parviendra des enquêtes à participation volontaire, qui vont se substituer au questionnaire détaillé, sera valide et fiable. La réponse est non.
Deuxièmement, sur la question de savoir comment recueillir l'information et s'il faut que ce soit obligatoire pour les citoyens, d'après ce que je comprends, la position du gouvernement est qu'il faut rendre le formulaire abrégé obligatoire, mais pas le questionnaire détaillé. Ainsi, on peut présumer que les choses auxquelles vous vous objectez resteront en place, à la différence près que nous aurons désormais une version plus courte des questions.
De plus, nous demandons aux citoyens de nous communiquer des informations obligatoires sur leurs revenus, lorsqu'ils remplissent leurs déclarations de revenus, et tout manquement est sévèrement puni.
Il se trouve que nous avons une responsabilité collective et individuelle, et pour que les besoins de l'ensemble des citoyens soient comblés, il nous faut avoir un certain niveau d'information valide et fiable, comme mes collègues qui ont témoigné l'ont illustré. Nous pouvons vous donner autant d'exemples que vous voudrez montrant combien il est essentiel pour le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les administrations municipales, les organisations communautaires et les entreprises de disposer de données fiables et valides pour des choses aussi anodines que la planification des trajets d'autobus les mieux adaptés aux besoins de la population, ou encore le choix des communautés qui devraient bénéficier de tels ou tels types de programmes sociaux. En l'absence du questionnaire détaillé, nos gouvernements seront démunis.
La question fondamentale qui se pose est de savoir si nous voulons servir la population de ce pays ou pas. Éliminer le formulaire détaillé, c'est rendre un très mauvais service à chacun de nos concitoyens.
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D'accord, j'aimerais vous faire part de quelques réflexions à ce sujet.
Tout d'abord, le gouvernement a maintenu le questionnaire abrégé à participation obligatoire pour l'ensemble des Canadiens. Je me réjouis que vous l'ayez souligné parce que je pense qu'il y a un certain malentendu à ce sujet. J'ai vu des grands titres dans les journaux qui parlaient de l'élimination du recensement. Ce n'est nullement le cas, et je trouve important que vous l'ayez mentionné.
Bien sûr, le gouvernement a décidé, par souci d'équilibre dans l'information et compte tenu de son rôle dans la collecte des données, que les renseignements permettant de savoir qui vit où, que l'on recueille grâce au formulaire abrégé, ainsi que la répartition par âge de la population, qui est également dans le formulaire abrégé, sont des données importantes à connaître. En fait, j'avancerais que la plupart des exemples cités concernant les autres ordres de gouvernement, ainsi que les organisations qui utilisent les données du recensement pour prendre des décisions, font également référence à des questions qui se trouvent dans le questionnaire abrégé et auxquelles tous les Canadiens devront continuer de répondre obligatoirement.
Si vous me le permettez, j'aimerais m'adresser à M. Lam.
Vous avez parlé un peu de vos préoccupations au sujet de l'exactitude des informations recueillies avec le formulaire détaillé. Lors d'une séance précédente, nous avons reçu Darrell Bricker, et il nous a notamment dit que lorsque vous forcez des gens à répondre à des questions auxquelles ils ne veulent pas répondre, on peut se poser de sérieuses questions quant à la véracité de l'information obtenue. C'est peut-être ce qui s'est produit, par exemple, avec la question sur la religion posée en 2001 et à laquelle 21 000 Canadiens ont répondu qu'ils étaient des chevaliers Jedi et qu'ils appartenaient à l'ordre Jedi. Il faut donc s'interroger sur le type d'information que nous obtenons.
Chose certaine, des personnes auxquelles le Parti libéral ne veut pas parler, mais auxquelles nous parlons, disent la même chose. En fait, plusieurs m'ont avoué: « Vous savez quoi? Je l'ai rempli parce que c'était obligatoire. Je ne voulais pas le faire, mais je me suis senti forcé de fournir des réponses détaillées. »
Peut-être pourriez-vous nous parler un peu, monsieur, des préoccupations que cela suscite chez vous.
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Permettez-moi tout d'abord de parler du fardeau. Puisqu'un cinquième de la population reçoit le questionnaire à participation obligatoire tous les cinq ans, on devrait m'en envoyer un tous les 25 ans.
À vrai dire, chaque ménage ne remplit généralement qu'un formulaire, et une seule personne s'en charge. En moyenne, je remplirais donc peut-être la moitié d'un formulaire tous les 25 ans, et un formulaire de recensement complet chaque 50 ans, ce qui me prendra entre 20 et 30 minutes. Il me semble que toute cette question de fardeau est exagérée de façon phénoménale.
J'ajouterais que ce qui me frappe, c'est qu'on insiste démesurément sur le fardeau et pas assez sur les avantages que la communauté peut en tirer. Tout ce débat tourne autour des coûts. C'est évidemment la raison pour laquelle le gouvernement n'a pas consulté les utilisateurs avant de prendre sa décision. On parle des coûts associés au recensement, mais pas des avantages.
Environ un tiers des Canadiens recevront le nouveau questionnaire à participation volontaire proposé, comparativement à 20 p. 100 actuellement. On parle donc d'une augmentation du fardeau de l'ordre de 30, 40 ou 50 p. 100 environ pour la population.
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J'ajouterai plusieurs choses à ce sujet, mais avant, j'aimerais saluer la démarche suivie aux États-Unis. Ceux qui examinaient la possibilité d'abandonner le recensement à participation obligatoire, ou plutôt une partie du recensement, ont décidé de faire l'essai du formulaire à participation volontaire. Ils ont mené une étude très sérieuse pendant plusieurs années.
Voici leurs conclusions.
La perte des données s'élève à 30 p 100 environ. Certains groupes — les minorités ethniques et raciales, les pauvres et les mieux nantis — seraient vraiment sous-représentés, et il n'y aurait aucun moyen de comparer les résultats.
En deuxième lieu, les coûts grimperaient en flèche, et pour obtenir un taux de réponse supérieur à 70 p.100, ce qui est encore trop bas, il faudrait dépenser des sommes exorbitantes.
La troisième constatation, très intéressante d'ailleurs, était contraire à toute logique. Les chercheurs ont notamment vérifié si la qualité des réponses à chaque question était supérieure dans un questionnaire à participation volontaire, étant donné que les gens pouvaient choisir de ne pas répondre à certaines questions. M. Lake en a d'ailleurs parlé. Les chercheurs ont examiné très attentivement l'analyse des réponses à chaque question, et ce qu'on appelle la « non-réponse à une question ». J'ignore ce qu'ils en pensaient au départ, mais j'ai été surpris qu'ils n'aient relevé aucune différence. C'était contraire à ce qu'on pouvait imaginer. C'est d'ailleurs pourquoi nous menons des études, pour découvrir si ce qui semble évident ou vrai à première vue se révèle faux.
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Les agriculteurs sont faciles à menacer. Même mes voisins m'ont confié avoir été intimidés. Ces gens me font pitié, parce qu'ils travaillent comme des forcenés et se retrouvent soudainement avec ce questionnaire sur les bras.
Il y a tellement de journées chaudes bonnes pour la récolte, en septembre. Mais le gouvernement a choisi cette période pour demander aux agriculteurs de remplir le formulaire. Ces derniers doivent suspendre leurs activités alors qu'ils pourraient être en train de moissonner leurs champs.
Tout dépend du nombre de moissonneuses-batteuses que possède un agriculteur. Monsieur Masse, vous devez savoir que deux machines permettent probablement de récolter deux parcelles de lentilles par jour. Le coût d'une seule journée de production en moins pourrait alors s'élever à 30 000 ou 40 000 $, sinon plus.
En outre, si l'agriculteur a fait appel aux services d'un comptable pendant 10 heures environ, il devra probablement payer 2 000 à 3 000 $ supplémentaires.
C'est vraiment un lourd fardeau. Toute la question est de savoir si c'est justifié.
Monsieur Chartier, j'aimerais vous transmettre les bons voeux de Mme Glover. Cette femme autochtone et métisse membre de notre caucus m'a demandé de vous saluer de sa part. Trois de nos membres sont Métis et trois autres sont Autochtones.
Je dois dire que j'étais heureux de vous rencontrer à Batoche. C'était un grand événement, et j'ai trouvé vos propos intéressants, et même amusants.
Par curiosité, j'aimerais connaître la place qu'occupe la question du recensement dans la liste des priorités de votre association. Vous avez déjà de nombreux problèmes à régler. Est-ce que le recensement fait partie des 10 ou bien des 20 dossiers les plus importants?
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Je vous rappelle que je ne parle que du Ralliement des Métis. Si une question du formulaire détaillé semble importante pour votre organisme, c'est préoccupant. Je pense que vous devriez en parler.
Vous devez comprendre que beaucoup de gens croient que le recensement a été aboli. Une grande confusion s'est installée au sein des associations et dans l'ensemble de la population; on croit même qu'il n'y aura plus jamais de recensement. Eh bien, c'est faux; les citoyens devront encore remplir un formulaire. Les données de base seront encore recueillies. Toutefois, les citoyens ne se retrouveront plus dans une situation semblable à celle de certains agriculteurs, comme M. Henderson, qui a dû remplir un questionnaire de 56 pages pendant la période la plus chargée de l'année.
J'aimerais maintenant m'adresser à Joseph. Je suis allé à Hong Kong, et je comprends ce que vous voulez dire à propos des infrastructures et de la capacité de construction là-bas.
Vous avez parlé d'efficacité et de l'utilisation de technologies qui datent de 1971. Statistique Canada pourrait-il faire quelque chose, à l'heure actuelle, pour faciliter la collecte des données? Plutôt que d'essayer de tout faire d'un coup, ne serait-il pas plus commode et fiable de recueillir les données en plusieurs étapes? Qu'en pensez-vous?
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs, et bienvenue à cette séance du comité.
Il est évident qu'on entend beaucoup parler du recensement au sein de la population. Certains propos incitent des gens à dire que c'est trop cher, trop long et envahissant. Or on constate souvent que sur l'ensemble de la population, très peu de gens remplissent le questionnaire. Les 40 pages sont ce sur quoi les gens se prononcent. Ces 40 pages sont apparemment ce qui irrite certaines personnes. Pourtant, on peut diviser ces 40 pages par deux. En effet, si on parle des questions, on peut les diviser au minimum par deux parce que selon le nombre de personnes, ça prend plus de pages par individu.
On dit que ça coûte trop cher, et ça m'amène à me poser de sérieuses questions. Certaines personnes croient même que l'éducation coûte trop cher, mais l'ignorance coûte bien plus cher. On parle ici d'une source d'information importante. Pour ma part, si j'étais le premier ministre d'un grand pays comme le Québec, par exemple, mon premier réflexe serait de dire que globalement, il n'y a pas tant de questions. Je me dirais même qu'il en manque. Je ne parlerais pas de retirer des questions, mais plutôt d'en ajouter. Il manquerait certains renseignements dans ce formulaire, notamment pour la mise sur pied de projets de société et la formulation des orientations économiques.
Il y a des cas particuliers. Apparemment, les agriculteurs auraient un formulaire de 56 pages à remplir. Évidemment, un agriculteur prospère qui brasse des affaires fait appel à un comptable. Celui-ci pourrait faire deux choses en même temps, dont remplir le formulaire. Je crois qu'on a besoin de cette source d'information. Cette information, bien sûr, doit être confidentielle, mais j'aimerais savoir à ce sujet, messieurs Cappe, McKinnon, Turk et Ornstein, quels renseignements vous seriez gênés de révéler ici. Peut-être votre salaire, mais même ce renseignement, le ministère le connaît.
Je me pose de sérieuses questions. J'aimerais savoir pourquoi, à votre avis, ce débat prend une telle orientation et pourquoi le gouvernement voudrait se priver d'information nécessaire à la mise en oeuvre de politiques qui se tiennent. Quand on met en vigueur des politiques qui ne sont pas fondées sur de l'information pertinente, on finit souvent par dépenser de l'argent inutilement. Plutôt que de s'obstiner et de se disputer pour savoir si on garde ou non le formulaire, on devrait plutôt se pencher sur la façon dont on pourrait davantage tirer parti de ce recensement.
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Merci, monsieur Cardin.
J'aimerais formuler plusieurs observations. Tout d'abord, je suis tout à fait d'accord que les renseignements tirés du recensement permettent d'établir les faits sur lesquels reposent les décisions et les discussions. Les données n'indiquent pas la direction que doit prendre une politique en particulier, mais elles permettent d'analyser l'information et les faits avant de prendre des décisions.
Deuxièmement, malgré tout le respect que je vous dois, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Je crois que le respect de la vie privée des répondants et la protection de la confidentialité de leurs réponses sont d'une importance fondamentale, et ce, même si les questions ne portent pas tellement atteinte à la vie privée ou qu'elles ne sont pas très personnelles. La réputation de Statistique Canada et de l'ISQ, l'Institut de la statistique du Québec, est excellente, à mon avis, et figure parmi les meilleures au monde en matière de protection de la vie privée. Peu importe que je trouve une question personnelle ou que je sois prêt à partager la réponse avec le reste du monde, il est capital de maintenir les normes établies par Statistique Canada.
Ce qui compte vraiment, finalement, c'est d'essayer d'améliorer la situation de tous les citoyens, que ce soit au Québec, dans ma province, en Colombie-Britannique, ou ailleurs au Canada.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos témoins d'être venus aujourd'hui.
J'ai quelques remarques à formuler. C'est la première séance sur le questionnaire détaillé à laquelle j'ai pu assister. Je suis heureux qu'on ait choisi cette date, à trois jours de ce qu'on avait décidé il y a quelques semaines, lors de la réunion de planification.
Je vais vous raconter une histoire vraie. Je connais la personne à qui c'est arrivé et je sais qu'elle me dit la vérité. J'aimerais simplement savoir si vous trouvez que la situation est acceptable.
Cette personne, un sexagénaire, était en train de remplir le questionnaire détaillé. Ses parents sont nés au Canada, tout comme ses grands-parents et quatre de ses arrière-grands-parents. Sur le questionnaire, il a indiqué qu'il était Canadien autochtone — n'en déplaise à nos Canadiens autochtones, c'est ce qu'il a répondu. Un employé de Statistique Canada lui a téléphoné pour connaître son numéro de carte de statut indien.
L'épouse de l'homme a répondu à l'employé que son mari n'était pas un Autochtone et qu'il n'avait pas cette carte. Statistique Canada lui a dit qu'il devait en avoir une, étant donné qu'il avait déclaré être « Canadien autochtone » sur le formulaire détaillé. L'épouse lui a répondu: « Eh bien, nous sommes mariés depuis 40 ans, et je ne crois pas qu'il soit un Canadien autochtone. Je suis tout à fait certaine qu'il n'est pas Autochtone. Vous pouvez téléphoner plus tard et lui demander directement. »
Statistique Canada a téléphoné de nouveau pour discuter avec l'homme. Ce dernier a expliqué à l'employé qu'il avait cru être un Canadien autochtone, mais l'autre lui a rétorqué: « Eh bien, monsieur, savez-vous que vous êtes passible d'une amende de 500 $ ou d'une peine d'emprisonnement pour nous avoir mal renseignés? » Statistique Canada a donc corrigé l'information figurant sur le formulaire détaillé pour que l'homme ne reçoive pas de sanction.
Nous savons tous que personne n'est allé en prison pour si peu. Toutefois, un employé du gouvernement a quand même téléphoné à cet homme parce que la réponse qu'il avait indiquée sur le formulaire détaillé ne lui a pas plu.
Ma première question est la suivante: trouvez-vous qu'il est convenable que le gouvernement, Statistique Canada, ait téléphoné à cet homme et l'ait menacé d'une peine d'emprisonnement ou d'une amende parce que sa réponse ne lui plaisait pas?
Répondez simplement par oui ou par non.
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Je vous remercie pour votre question. C'est exactement ce sur quoi est fondée l'expérience qu'ont menée les États-Unis. Le taux de réponse à un questionnaire obligatoire de recensement s'établit là-bas à un peu plus de 90 p. 100.
Ils ont voulu savoir quel serait le taux de réponse à ce qu'on appelle l'« American community survey », ou l'enquête américaine sur les collectivités, si on précisait que la participation est volontaire tout en l'encourageant fortement, en expliquant pour quelles raisons.
Si on s'abstient de faire des rappels à la population, on constate que l'écart entre les taux de réponse est d'environ 30 p. 100. C'est donc dire que si on présume que la différence dépend uniquement du fait que la participation est obligatoire ou non, on peut affirmer que l'écart se situera au Canada aux alentours de 30 p. 100.
La participation obligatoire au recensement ne signifie pas seulement que le gouvernement tire l'oreille à 30 p. 100 des Canadiens, mais elle indique aussi qu'il se préoccupe de la population et qu'il considère qu'il s'agit d'un acte très important. Je pense donc qu'une partie de ces 30 p. 100 de Canadiens répondent au questionnaire parce que le gouvernement a su les convaincre que c'est important et qu'ils doivent participer.
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Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de reculer un peu. En réalité, c'est le premier ministre et le Cabinet actuel qui ont pour politique d'imposer une amende et même une peine d'emprisonnement aux personnes qui ne répondent pas au questionnaire de recensement. S'ils avaient vraiment voulu autre chose, ils auraient déposé le projet de loi en vue de modifier la loi. Ce sont là les faits.
Il est donc irresponsable à plusieurs égards de la part du gouvernement de menacer les gens d'emprisonnement s'ils ne répondent pas au questionnaire de recensement. Ce qu'il faut absolument savoir — et j'espère que les médias le signaleront à un moment donné — c'est qu'il ne s'agit que d'une politique du gouvernement. Le ministre avait déclaré qu'il modifierait la loi, ce qu'il n'a pas fait, alors qu'il aurait pu le faire n'importe quand au cours des dernières années.
Le projet de loi devra être déposé à la Chambre des communes, qui devra en débattre et le renvoyer au comité. Le comité devra ensuite l'étudier, s'il le veut, et le renvoyer à son tour à la Chambre pour qu'il fasse l'objet d'un vote.
Il est tout à fait honteux de continuer à prétendre que des Canadiens — qu'ils soient des agriculteurs, des nouveaux arrivants ou des personnes qui ne comprennent pas nécessairement le questionnaire — seront mis derrière les barreaux, devront payer une amende et seront harcelés. Cela mine notre institution et notre démocratie, car en réalité, je le répète, le ministre doit modifier la loi, par l'entremise d'une procédure que doit suivre la Chambre des communes, mais il a choisi de ne pas le faire. Le premier ministre a choisi de ne pas le faire et le Cabinet également.
On détourne complètement notre attention de la réalité. Nous allons perdre de précieux renseignements nécessaires pour qu'une société puisse fonctionner et progresser. C'est ce qui est vraiment malheureux et tragique. Non seulement nous ne disposerons plus de données que nous détenons actuellement et qui sont nécessaires pour prendre des décisions importantes en ce qui a trait à l'utilisation des fonds publics, mais nous ne pourrons plus nous appuyer sur les données antérieures pour effectuer des comparaisons nécessaires à la planification que doit faire un pays démocratique.
J'aimerais obtenir des commentaires là-dessus.
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J'aimerais simplement faire un commentaire au sujet de ce qu'a dit M. Masse. Le gouvernement agit comme s'il était l'opposition. Il critique ses propres politiques, qu'il a la possibilité de modifier.
De plus, les députés ministériels ont fait beaucoup de désinformation ce matin. Par exemple, on ne trouve pas les renseignements concernant le statut de Métis dans le questionnaire abrégé.
Monsieur Lake a affirmé que la plupart des exemples donnés aujourd'hui par les divers témoins pour prouver le bien-fondé du questionnaire détaillé proviennent du questionnaire abrégé. C'est tout à fait faux. Le questionnaire abrégé ne contient que huit questions, ou est-ce 10, maintenant?
Une voix: Oui, il en contient 10 avec les questions sur les langues officielles.
M. James L. Turk: Il est très court.
Enfin, en ce qui concerne le fardeau que cela représente, sachez qu'un Canadien sur cinq remplit le questionnaire détaillé, et ce n'est que tous les cinq ans. On le remplit pour l'ensemble du ménage, et il y a en moyenne 2,5 personnes dans un ménage. Cela veut dire que le Canadien moyen peut s'attendre à devoir remplir un questionnaire détaillé une fois tous les 67,5 ans, et cela ne prend que 30 minutes.
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Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie également les témoins de leur présence.
Simplement pour mettre un peu les choses en perspective, je trouve très étonnant qu'en 2010, nous soyons ici à discuter du triomphe de l'ignorance sur la connaissance, mais je suppose que c'est là où nous en sommes. Je me permets de signaler qu'il ne s'agit pas seulement d'une question théorique, abstraite, mais d'une question qui touche des gens réels qui vivent des situations réelles. J'aimerais vous en donner deux exemples, puis demander à M. McKinnon ou à M. Turk s'ils peuvent nous en donner d'autres.
Le premier exemple concerne l'un de mes amis, John Richards, professeur à l'Université Simon Fraser. Depuis environ cinq ans, il étudie les questions autochtones, en particulier l'éducation. Il m'a dit que si le questionnaire détaillé n'existait pas, nous ne connaîtrions même pas le nombre d'Autochtones, sans parler de leur situation sur le plan de la santé et de l'éducation. Étant donné que c'est l'un des groupes les plus pauvres au Canada, je crois que ces renseignements sont importants afin d'élaborer de bonnes politiques. Voilà un cas pratique.
Le deuxième exemple est celui de Markham, ma circonscription, qui est très fortement multiculturelle. Sa population est constituée d'environ 40 p. 100 de Chinois et peut-être de 15 ou 20 p. 100 d'Asiatiques du Sud. Il y a beaucoup de néo-Canadiens. Je crois qu'un recensement volontaire entraînerait une sous-représentation des néo-Canadiens, en partie pour des raisons linguistiques. Ils bénéficieraient donc d'un accès limité aux services, à la formation linguistique dont ils ont besoin à leur arrivée au pays.
Ce sont là deux exemples concrets des conséquences négatives que cela aurait sur des personnes réelles, souvent démunies.
Je vais commencer par M. Turk. Pourriez-vous nous donner d'autres exemples de ce genre? Je crois qu'il est important que nous en parlions concrètement afin que les gens puissent comprendre pourquoi nous discutons aussi longuement de cette question abstraite.
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J'ai seulement deux exemples très brefs.
J'ai mené des recherches pour le Congrès national portugais-canadien et je leur ai parlé du niveau d'instruction des Canadiens d'origine portugaise. Ce sont des gens extraordinaires. D'une certaine façon, ils réussissent très bien et ils ont des revenus relativement élevés. Cependant, comparativement à d'autres groupes européens et, en fait, à tous les groupes ethno-raciaux, leur niveau de scolarisation est très faible. C'est un grand sujet de préoccupation pour la communauté portugaise.
On peut comprendre pourquoi il en est ainsi. Beaucoup d'entre eux travaillent dans l'industrie de la construction. Bon nombre de jeunes garçons ne terminent pas leurs études secondaires. C'est extrêmement inquiétant pour la communauté. Dans cette recherche, il est donc question de la sensibilisation dans les écoles. Bien entendu, la fréquentation universitaire est importante pour ces jeunes, mais ce qui l'est encore plus, c'est l'obtention du diplôme d'études secondaires, en particulier pour les garçons.
Il y a un nombre considérable d'exemples comme celui-là. J'ai effectué des recherches semblables pour des groupes de Canadiens d'origine africaine à Toronto.
Comme dernier exemple, j'ai utilisé le recensement dans le cadre de mon travail auprès du Barreau du Haut-Canada pour examiner la proportion de femmes, de membres des premières nations et de personnes appartenant à des minorités visibles qui exercent le métier d'avocat en Ontario. On peut non seulement examiner les chiffres, parce qu'il y a des statistiques sur le revenu et bien d'autres choses, mais on peut également vérifier les écarts de revenu au fil du temps.
Ce qui caractérise le recensement, c'est qu'il s'agit d'un outil incroyablement polyvalent. On peut l'utiliser de diverses façons qui n'ont jamais été envisagées lorsqu'il a été préparé.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous d'être là.
M. McCallum a posé une question intéressante sur les vraies gens. Je trouve curieux qu'il ne se soit pas adressé aux deux personnes dont il parlait, car elles se trouvent dans la salle. Je vais donc leur permettre de répondre à certaines questions posées par M. McCallum.
Je pense qu'il importe vraiment de répéter que nous parlons de participation volontaire ou obligatoire. Je suis convaincu que, si on donne aux vraies gens la chance de s'exprimer, deux choses vont survenir.
Premièrement, les Canadiens à la fibre patriotique vont se prêter de bon coeur à l'exercice. Si nous disons aux gens que nous avons besoin de ces informations, que nous aimerions vraiment les obtenir et que nous leur demandons de collaborer, je suis convaincu que nous obtiendrons un bon taux de participation que les répondants soient riches, pauvres, marginalisés, instruits, ou non.
Deuxièmement, et je pense que c'est important, je connais mes électeurs, parce que j'organise depuis un certain nombre d'années des rencontres informelles. Nous avons des discussions très intéressantes. Cela a pris du temps, mais nous avons établi un lien de confiance. Je crois que, lorsque nous aurons déterminé la nouvelle formule, les gens vont me demander pourquoi on veut savoir ceci ou cela, pourquoi il faut... C'est une très bonne chose. À mon avis, cela va les interpeller.
Monsieur Henderson, vous avez dit que vous avez dû débourser de l'argent. Étant donné que vous êtes vraiment concerné, je vais vous donner l'occasion ainsi qu'à M. Lam de parler de votre expérience.
Vous avez dû dépenser de l'argent la dernière fois que vous avez rempli le formulaire, et vous étiez très occupé durant cette période. Comment vous sentiriez-vous si vous appreniez que Statistique Canada vendait certains renseignements que vous lui aviez fournis?
[Traduction]
Bienvenue.
Nous reprenons les travaux et nous recevons, à titre personnel, M. Veall, professeur au Département d'économie de l'Université McMaster;
[Français]
M. Beaud, qui est doyen de la Faculté de science politique et de droit à l'Université du Québec à Montréal;
[Traduction]
... et M. Rutherford, communicateur.
Nous accueillons aussi M. Oh, de la Chinese Business Association.
[Français]
Nous recevons également M. Bélisle, de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université.
[Traduction]
Nous recevons également M. Murdoch, du Conseil de planification sociale de Winnipeg; et par vidéoconférence, Mme Vonn, de la British Columbia Civil Liberties Association.
Chaque témoin dispose de cinq minutes pour présenter un exposé. Commençons par M. Veall.
:
Merci de me donner l'occasion de comparaître.
Le 6 juillet, au nom de la direction de l'Association canadienne d'économique, j'ai écrit au ministre Clement pour demander qu'on tienne des consultations sur les changements apportés au recensement et offrir notre aide. Dans cette lettre, j'explique que l'approche volontaire pourrait bien mener à un taux de réponse insuffisant, et je conclus que, si on ne prend pas le temps nécessaire pour procéder à la consultation, on pourrait fort bien réduire la valeur du recensement et qu'il faut donc reporter la mise en oeuvre des changements.
Nous avons également suggéré de supprimer les peines d'emprisonnement, de réduire les amendes et d'effectuer en parallèle un recensement obligatoire et recensement volontaire pour ensuite prendre une décision en connaissance de cause.
Nous avons tenu compte de la question de l'intrusion dans la vie des gens. À titre personnel, j'ajouterais que je comprends qu'on ait des réticences. Tout le problème, c'est le risque qu'on n'ait pas des données de bonne qualité.
Enfin, j'aimerais parler du taux de réponse probable de 80 p. 100 que vous a présenté M. Bricker, le 27 juillet, d'après le sondage qu'il a réalisé.
J'aimerais souligner que ces chiffres sont probablement trop élevés, parce qu'il s'agissait bien sûr d'un sondage volontaire. Les gens qui ne veulent pas répondre au sondage n'ont sans doute pas répondu à celui-là. C'est pourquoi il faut mettre ces chiffres en doute.
On a effectué des recensements d'essai. Les seuls chiffres publiés que je connais sont ceux du recensement d'essai de 2008, dont le taux de réponse était de 46 p. 100. La participation au recensement d'essai est volontaire. Je suis presque sûr que ces chiffres sont trop faibles.
Ce que je veux dire, c'est qu'il est très difficile de savoir quel sera le taux de réponse. Je pense qu'il importe de le préciser.
Merci beaucoup.
:
Je vous remercie de me donner l'occasion d'émettre un certain nombre de commentaires sur la proposition visant à abolir le long formulaire.
Je m'appelle Jean-Pierre Beaud et je suis professeur de science politique, doyen d'une faculté de science politique et de droit ainsi que chercheur dans un centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie. Je vais parler devant vous du long formulaire de recensement en faisant appel à mes connaissances à titre de politologue, mais également de méthodologue, d'historien et de sociologue de la statistique.
Le premier point relève plus particulièrement de mes analyses en tant que politologue. Mon collègue en a parlé brièvement plus tôt, mais tout citoyen, même au Canada, doit au minimum accepter quelques petites contraintes qui nous permettent, comme on le dit en science politique, de vivre ensemble. Nous payons des impôts et nous faisons l'objet de sanctions si nous ne le faisons pas. Nous présentons un passeport quand nous entrons au pays. Nous fournissons des preuves d'identité pour entrer dans certains endroits, comme ici au Parlement. Nous acceptons d'être l'objet d'enquêtes parfois fort indiscrètes pour pouvoir exercer certains métiers ou, au Québec par exemple, louer un logement. Nous devons répondre aux questions du recensement tous les cinq ans. Une fois tous les 25 ans en moyenne, soit au maximum deux ou trois fois pendant notre vie, nous répondons au long questionnaire. C'est très peu, d'autant plus que les informations que nous fournissons restent confidentielles et donnent lieu essentiellement à des agrégations avec d'autres informations. Il faut savoir que sur ce plan, les bureaux de statistique, ici comme ailleurs, ont développé des techniques de protection très raffinées. C'est un problème pour eux, et à mon avis, ils l'ont résolu de façon satisfaisante.
Le deuxième point, que je ne développerai pas longuement, touche une critique assez souvent émise par les partisans de l'abolition du long formulaire obligatoire. Parce qu'ils sont obligés de fournir une réponse et qu'ils n'ont pas nécessairement de réponse claire à fournir, certains Canadiens répondraient un peu n'importe quoi. La fiabilité des données serait problématique, et un échantillon de volontaires cernerait mieux la réalité des phénomènes qu'on veut mesurer. En tant que politologue et méthodologue, je suis d'avis que ça pose un véritable problème. Pour mesurer un phénomène, un bureau de statistiques ne peut pas s'appuyer seulement sur les réponses fermes, non ambiguës, du genre « Oui, j'ai souvent de la difficulté à entendre ». Pis encore, il ne doit pas s'appuyer uniquement sur les réponses de ceux qui veulent s'exprimer parce qu'ils ont un certain intérêt à le faire. Il s'agit généralement de cas impliquant les questionnaires avec échantillons de volontaires.
Je ne développerai pas des analyses bien connues, par exemple les résultats du rapport Kinsey aux États-Unis, une enquête ayant fait appel à des volontaires et qui, selon moi et plusieurs autres, donnait une image déformée de la réalité du comportement sexuel des Américains. Un bureau de statistiques doit aussi recueillir et analyser des réponses moins fermes, plus ambiguës, du genre « Dois-je répondre parfois ou souvent à cette question? ». La réalité d'un phénomène est faite de tout cela, et c'est cela que doit mesurer un appareil statistique.
Dans le cas de ma troisième réflexion, c'est plutôt le méthodologue qui parle. Le gros problème, concernant l'abandon du long formulaire obligatoire, est qu'il conduit au remplacement d'une méthodologie sûre ou presque sûre — y a toujours des problèmes, bien entendu —, soit un échantillon probabiliste avec obligation de répondre, par une méthodologie qui l'est beaucoup moins: un échantillon de volontaires. Cette dernière stratégie d'échantillonnage est souvent considérée comme la pire des stratégies. Elle est utilisée, faute de mieux, notamment dans les enquêtes médicales, et elle comporte de gros problèmes.
L'autre grand problème, qui a déjà été mentionné, touche la rupture de la chaîne historique de données qu'implique un tel abandon. Les études longitudinales que font les bureaux de statistiques, les équipes de recherche, nécessitent une stabilité méthodologique: même question, même mode de collecte. Certes — et le paradoxe est bien connu —, à un certain moment, il faut inévitablement changer soit les questions, parce qu'elles ne sont plus pertinentes, soit les choix de réponses. La structure de la société peut changer suffisamment pour imposer une rupture de la chaîne, mais ce sont alors essentiellement des considérations scientifiques qui prévalent. En dehors de ces périodes, le plus rares possible pour les chercheurs et les décideurs politiques, la stabilité du processus de collecte devrait s'imposer.
Le dernier point que je voudrais soulever touche la réputation de notre organisme de statistiques. Je voyage très souvent à l'étranger. Je fais des travaux dans le cadre desquels une comparaison est établie entre divers bureaux et systèmes de statistiques. Or je peux vous dire que ma meilleure carte de visite, lorsque je vais à l'étranger, consiste à dire que je viens du Canada.
Généralement, les gens font des éloges sur la façon de procéder de Statistique Canada. Lors d'une entrevue, celle qui est devenue la statisticienne en chef du bureau espagnol de la statistique a qualifié Ivan P. Fellegi de génie. C'est peut-être de l'ordre de l'enflure verbale, mais ça relève malgré tout du type de réputation que notre organisme a su se construire au fil des décennies.
Pour avoir étudié cela, je sais que c'est en grande partie dû à des technologies et des techniques d'enquête raffinées. On reconnaît Statistique Canada d'abord pour sa méthodologie. Or, j'ai peur qu'en amenant Statistique Canada à recueillir des données très importantes au moyen d'une technologie fort critiquée, ça rende impossible bien des études longitudinales, que ça fragilise le processus de prise de décisions politiques, mais aussi — et ce serait grave sur une longue période — que ça mette en péril une de nos institutions de prestige, c'est-à-dire Statistique Canada.
Merci.
Je m'appelle Dave Rutherford et j'anime une émission de variétés à Edmonton et à Calgary, en Alberta. Je possède Rutherford Media, qui vend mes émissions aux stations de radio.
Pour commencer, je dirai que je ne sais pas pourquoi je suis ici. Mon exposé pourrait être constitué de réponses aux questions sur les raisons pour lesquelles je suis ici, mais je ne sais pas pourquoi je suis ici.
J'ai des opinions bien tranchées sur le questionnaire détaillé de recensement et le processus. Je dis ce que je pense tous les jours dans mon émission de radio. J'ai interviewé la plupart d'entre vous.
J'ai mes opinions et je pense qu'au Canada, j'ai le droit de les exprimer. Donc, comme je le disais au début, je ne sais pas pourquoi je suis ici.
:
Merci beaucoup de me recevoir pour que je vous donne mon point de vue.
Le recensement est obligatoire dans bien des pays. Je suis convaincu que le gouvernement du Canada a remplacé le recensement obligatoire par l'enquête nationale à participation volontaire parce qu'il est inapproprié de forcer les Canadiens à communiquer des renseignements personnels détaillés. On ne devrait pas menacer les Canadiens d'amendes et de peines d'emprisonnement pour les obliger à répondre à certaines questions sur leur vie privée. Je suis de Singapour, un pays où il faut absolument éviter l'emprisonnement.
De plus, je suis confiant que suffisamment de Canadiens qui ont à coeur d'accomplir leur devoir civique vont remplir et retourner le questionnaire de l'enquête nationale auprès des ménages et que ces informations seront aussi valables et utiles que les données recueillies sous la menace de sanctions. Je crois que le recensement volontaire et les 30 p. 100 de formulaires supplémentaires vont donner des résultats plus précis.
Il faut trouver un meilleur équilibre entre la collecte de données nécessaires et la protection des droits civils des Canadiens. Je comprends que l'information recueillie grâce au formulaire détaillé est précieuse. Toutefois, je pense que le gouvernement ne doit pas indûment menacer les gens d'amendes et de peines d'emprisonnement.
Depuis quatre ans, beaucoup d'aide pour l'établissement des nouvelles communautés d'immigrants a été consentie dans la région du Grand Toronto et ailleurs au Canada. Cela montre que, de temps en temps, le gouvernement prête attention au nombre d'immigrants qui s'installent au pays, à leurs besoins et à leurs priorités. Je pense que c'est essentiel. J'habite au Canada depuis 30 ans, et depuis quatre ans, je n'ai jamais vu autant d'aide fournie aux immigrants.
Donc, en tant qu'entrepreneur, j'ai des opinions bien tranchées sur l'utilisation efficiente des fonds publics et l'intervention excessive du gouvernement dans le quotidien des gens. D'après mon expérience, bien des Chinois ne sont pas conscients de la valeur du recensement. Que le formulaire soit obligatoire ou volontaire, l'information est peut-être imprécise.
J'ai participé à des dizaines et des dizaines d'activités en compagnie de ministres et de députés de tous les partis. Notamment, j'ai accompagné le en Chine. Je constate qu'en dépit de tous ses efforts, le gouvernement n'arrive pas à communiquer parfaitement avec les Chinois. Les différences de langue et de culture sont des facteurs déterminants.
Mon association, ceux qui l'appuient et moi-même voulons offrir notre aide au gouvernement fédéral et faire le pont avec la communauté chinoise du Canada; nous pourrions notamment tenir des séances d'information et faire de la publicité dans les médias ethniques pour qu'on comprenne mieux l'importance du recensement.
Les responsables de Centraide de la région de Peel croient que le recensement de 2006 est déjà dépassé. C'est pourquoi on a tout récemment mené un nouveau recensement, appelé « profil des communautés », qui montre qu'il y a 52 p. 100 ou plus de nouveaux immigrants dans la région de Peel. Vous pouvez donc comprendre qu'il importe vraiment de bien connaître notre communauté.
Grâce à la technologie moderne, toutes sortes d'entreprises et d'organisations réalisent de nombreux sondages différents. C'est très important de montrer que nous avons un bon recensement au Canada, mais l'information n'est peut-être pas à jour.
De nombreuses entreprises effectuent leurs propres recensements, qui devraient tous être communiqués, selon moi.
Merci.
:
Merci. Je m'appelle Denis Bélisle. Je suis professeur au Département des lettres et communications de l'Université de Sherbrooke, mais c'est à titre de vice-président de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université que je comparais devant vous. Je remercie beaucoup le comité d'avoir invité la fédération à cette table.
En tant que porte-parole de plus de 5 000 professeurs et chercheurs universitaires, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université considère malheureux et inopportuns les changements radicaux et injustifiés apportés cet été à la stratégie du recensement canadien. Nous nous opposons à la nouvelle formule proposée. Nous demandons que l'usage du questionnaire long soit maintenu pour le recensement de 2011 et que la nécessité d'y répondre fasse l'objet d'une promotion positive auprès de la population canadienne.
Dans une société comme la nôtre, la protection de la vie privée constitue une valeur fondamentale où la transparence est garante du lien de confiance entre le gouvernement et la population, où la préoccupation concernant les processus de gouvernance est au coeur des débats qui sont en train de façonner le tissu social et où l'équité, la tolérance et la justice sociale ne peuvent être soutenues que par une vision claire, un portrait précis de ce qu'est effectivement, dans les faits, le Canada. Nous considérons qu'il est irresponsable de chercher à neutraliser la seule procédure permettant aux Canadiens de vraiment se connaître eux-mêmes, soit le recensement quinquennal.
Pour le Québec, seulement sur le plan universitaire, il serait extrêmement désolant de voir mis en péril plus de 75 projets de recherche, dont certains sont financés par le gouvernement fédéral. Le tort causé à ces travaux ainsi qu'à tous les regroupements utilisant le recensement ou ses données dérivées engendrera un brouillard dans lequel devra travailler l'ensemble des décideurs, qui, sans l'éclairage de données fiables, pourra commettre des dommages irréparables en entretenant pendant trop longtemps des idées mauvaises comme si elles étaient bonnes.
Pis encore, puisque l'information réservée permet la manipulation, il serait navrant de donner la gouvernance du Canada en pâture à des instances ayant les moyens techniques et financiers de s'approprier elles-mêmes des données pertinentes, de les traiter et de les analyser selon leurs propres moyens, pour ensuite faire commerce de leurs résultats et permettre aux plus offrants de planifier leurs interventions avec des chances accrues de succès. Un gouvernement ne devrait jamais accepter la possibilité qu'une autre entité soit mieux renseignée que lui sur sa propre population, et une population ne devrait jamais accepter que les données la concernant et pour lesquelles elle a payé ne soient pas démocratisées.
Notre recensement, dans le cadre de sa dernière itération en 2006, est l'aboutissement d'un processus qui s'est déroulé pendant des décennies. Ce dernier a été mené par des professionnels accomplis dont la renommée dépasse nos frontières. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, un recensement n'est pas qu'une affaire de questionnaire. Il s'agit d'une procédure complexe où chaque maillon est fragile. La planification de l'échantillon, la formulation des questions, la procédure de cueillette, la saisie de données, le nettoyage de fichiers et le traitement des données n'en sont que les jalons les plus évidents. Chacune des composantes et des étapes du recensement peut introduire de l'erreur, et l'élimination de cette dernière est fondée en grande partie sur l'expérience antérieure que détient, ici dans ce pays, Statistique Canada, une entité dont la crédibilité, la compétence et l'impartialité n'avaient non seulement jamais été mises en doute, mais envers laquelle la population manifestait et manifeste encore, en grande partie grâce à la démission de son ancien directeur Munir Sheikh, confiance et sympathie.
Il est donc de notre avis, à la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, que le recensement doit, bien sûr, faire l'objet d'une approbation politique, mais que le contrôle effectif de toute opération du recensement, dans tous ses détails, y compris et surtout le questionnaire, devrait être redonné sans condition à Statistique Canada afin que les personnes qui en ont la charge puissent mener à bien leurs travaux sans ingérence.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs, les membres du comité.
Tout d'abord, permettez-moi de vous dire que je fais partie du Conseil de planification sociale de Winnipeg, qui coordonne une stratégie nationale sur les données communautaires. C'est un consortium de quelque 16 municipalités et organisations municipales, subventionné par le Conseil canadien de développement social.
Le grand objectif du conseil, c'est d'acheter des données de recensement sur les quartiers, les districts d'aménagement ou d'autres sous-secteurs.
Par mon exposé d'aujourd'hui, je veux vous sensibiliser au fait que les données précieuses du recensement, détaillées au niveau des quartiers, permettent aux habitants des grands centres urbains de se définir sur les plans de la situation économique, de l'origine culturelle, du logement et d'autres caractéristiques démographiques. Ces gens peuvent ainsi s'adresser aux différents ordres de gouvernement et créer des organismes pour répondre aux besoins de leurs communautés respectives.
Ce consortium d'organisations locales a été créé pour obtenir les données de recensement recueillies depuis 1986 sur les 232 quartiers de Winnipeg. La ville de Winnipeg est partenaire du conseil, et sur son site Internet, on peut consulter gratuitement une grande partie des données sur tous les quartiers.
Ce consortium d'organisations communautaires et gouvernementales a recueilli 124 000 $ pour acheter à Statistique Canada les données du formulaire détaillé de 2001 sur les collectivités locales et leurs particularités socio-économiques. Concernant le recensement de 2006, Winnipeg s'est jointe au consortium national pour faire ce qui était probablement le troisième achat en importance de données de recensement précises au Canada.
Je rappelle au comité que, si nous étions aux États-Unis, ce genre de données démographiques seraient probablement plus faciles d'accès pour les citoyens et les organisations, et nous n'aurions rien à débourser pour les obtenir.
Je vais vous donner des exemples d'utilisations communautaires des données de recensement au fil des ans.
D'abord, une communauté francophone de Winnipeg qui voulait étudier la pauvreté chez les enfants de son quartier a constaté qu'il y avait également beaucoup de pauvreté parmi les personnes âgées, mais que personne ne s'en était aperçu jusque-là. Les organisations représentant cette communauté s'occupent de la question avec les gouvernements et les bailleurs de fonds.
Les responsables d'une église anglicane du centre-ville voulaient s'attaquer de manière novatrice à un problème de logement dans leur quartier en rénovant l'église pour y aménager 22 appartements, certains subventionnés et d'autres, loués au prix du marché, ainsi que de l'espace pour poursuivre les activités de leur petite congrégation. Les données de recensement ont aidé à mettre en évidence les besoins des quartiers environnants, dont le besoin de nouveaux logements à loyer modique pour ceux qui vivaient dans des logements délabrés. C'est avec plaisir que je vous annonce qu'on est sur le point de lancer l'initiative.
De plus, dans des initiatives de logements communautaires réalisées dans plusieurs quartiers du nord de la ville au cours de la dernière décennie, on s'est servi de données de recensement cumulées pour montrer à la communauté et aux gouvernements que les ressources consacrées à de nouveaux et d'importants programmes de rénovation de logements avaient eu des effets évidents. Cela a encouragé les gouvernements à continuer de participer à ces initiatives.
Également, l'Institut des services et des politiques de la santé et le Centre canadien de politiques alternatives ont collaboré avec des groupes communautaires pour répondre en priorité aux besoins en santé, en éducation et dans d'autres domaines et déterminer la répartition des ressources dans chaque quartier de Winnipeg. Ils n'auraient pas pu consulter les données nécessaires si les membres du consortium n'avaient pas acheté et fourni les informations du formulaire détaillé.
Enfin, la ville et les groupes communautaires se servent de données de recensement locales pour examiner les projets de fermeture de centres communautaires et de nouvelles constructions et pour prendre des décisions à cet égard. Ces renseignements permettent aux communautés et aux politiciens de discuter de manière plus rationnelle et de se fonder sur les faits lorsqu'il faut prendre des décisions qui concernent la ville.
Enfin, un nombre considérable d'Autochtones, en particulier des jeunes, sont venus vivre en ville ces dernières années. Grâce à l'utilisation pendant un certain temps des données de recensement ventilées par quartiers, les Autochtones, dont les Métis, identifiés dans le formulaire détaillé, les bailleurs de fonds, comme les gouvernements, Centraide et la Fondation de Winnipeg, ont pu déterminer où il fallait allouer les ressources pour gérer le phénomène. La ville et l'Office régional de la santé de Winnipeg ont aussi été des acteurs importants par leur travail sur le terrain.
On pourrait reproduire ces exemples dans d'autres communautés au Canada.
Par ces exemples, je veux vous montrer l'importance qu'ont eue à Winnipeg les données des deux formulaires de recensement, le long et le court. En ayant accès à ce genre d'informations mises à jour régulièrement, les communautés, les gouvernements, les bailleurs de fonds privés, les entreprises, etc. ont pu cerner les problèmes importants pour les citoyens et s'y attaquer, en plus de mesurer les progrès sur un certain nombre de plans.
Je vais laisser à d'autres la tâche de vous montrer que l'abandon du recensement au profit d'une enquête qui n'inclut pas certaines questions du formulaire détaillé comme on le connaît ne marquera pas seulement une rupture avec le passé, mais cela signifiera aussi que les données consultées au fil des ans par les résidents de Winnipeg n'auront plus la même valeur. Au cours des années, ces gens ont rempli les questionnaires de recensement en s'attendant à ce qu'on leur fournisse ces informations pour leur venir en aide à eux, ainsi qu'à leurs communautés. S'il vous plaît, ne leur enlevez pas cela.
Merci.
La British Columbia Civil Liberties Association est la plus ancienne et la plus active association de libertés civiles au Canada. La protection de la vie privée est un aspect essentiel de notre mandat. Nous avons reçu très peu de plaintes à cet égard concernant le formulaire détaillé, et elles portaient surtout sur la participation de Lockheed Martin et les conséquences du Patriot Act des États-Unis au lieu de la nature même du recensement.
À titre d'organisation de libertés civiles, nous sommes bien sûr préoccupés par la sévérité des sanctions qu'on peut imposer aux citoyens qui ne remplissent pas le formulaire de recensement, et nous pourrions mettre en doute la pertinence de certaines questions des recensements précédents. Il va sans dire que l'association prend une position ferme concernant la protection de la vie privée contre les intrusions du gouvernement fédéral, mais l'accent mis sur le recensement nous préoccupe.
D'abord, le recensement ne figure même pas sur la liste des problèmes sérieux et urgents en matière de protection de la vie privée au Canada. Cette liste comprend le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE; la liste des passagers indésirables du Canada; les données sur les passagers aériens transmises aux gouvernements étrangers; les scanners corporels dans les aéroports; la surveillance policière accrue et légale des télécommunications; et les dossiers de santé électroniques centralisés.
Le recensement est certes un point de départ fort improbable pour défendre le droit à la vie privée des citoyens, mais l'enquête volontaire et le recours aux bases de données des secteurs public et privé, qui vont sans doute remplacer le recensement obligatoire, sont une pure catastrophe pour ce droit.
Même si nous ne sommes pas au courant d'une proposition concrète pour remplacer le recensement obligatoire, deux sujets ressortent constamment des discussions. D'abord, il y a l'enquête volontaire, à laquelle on a fait allusion. Ensuite, et cela a moins retenu l'attention, on tire profit des prétendues « données administratives » et des sources d'information qui existent déjà.
À l'heure actuelle, le recensement a l'avantage manifeste d'être absolument transparent concernant les données recueillies, tandis que l'exploration de données et l'intégration des systèmes de données se font sans que les citoyens sachent de quels renseignements il est question. En effet, ces activités se déroulent à l'insu des Canadiens.
L'objectif du gouvernement fédéral d'intégrer les systèmes de données est clair. On exerce des pressions constantes pour améliorer l'interopérabilité des systèmes de données fédéraux et même de ceux de différents gouvernements. On dit que l'interopérabilité des systèmes de données améliore l'efficience, simplifie le travail et profite à la recherche, mais elle facilite la création de facto de dossiers sur les citoyens. Selon nous, c'est le début de la fin en ce qui a trait à la protection de la vie privée.
La propension à intégrer les données présente un grave danger pour la démocratie. Les partisans de la gouvernance par la consultation de bases de données diront que les citoyens sont en faveur de ce principe de fonctionnement, qui simplifie beaucoup les choses. Cependant, l'histoire nous permet de penser qu'ils ont tort.
À la fin des années 1990, le commissaire fédéral à la protection de la vie privée Bruce Phillips a consacré deux ans à enquêter sur le Fichier longitudinal sur la main-d'oeuvre de Développement des ressources humaines Canada, qui rassemblait des renseignements personnels sur pratiquement toutes les personnes au pays et qui était assez complet pour constituer de facto un dossier. Ce fichier contenait des données venant de toutes sortes de sources, comme l'impôt sur le revenu, les prestations fiscales pour enfants, les dossiers d'immigration et de visiteurs, les programmes nationaux de formation, la gestion de l'assurance-emploi, les fichiers principaux d'assurance-sociale, etc. Cette initiative de gouvernement décloisonné a été condamnée par le commissaire, mais ce qui importe tout particulièrement pour la discussion d'aujourd'hui, c'est que les citoyens la désapprouvaient aussi. La grogne populaire a forcé DRHC à démanteler le Fichier longitudinal sur la main-d'oeuvre.
Le Canada et la plupart des provinces cherchent activement à promouvoir la mise en relation des bases de données pour, et je vais employer une expression au goût du jour, tendre à un « gouvernement horizontal. » On porte un coup direct à la protection de la vie privée des Canadiens, qui dépend du cloisonnement administratif pour limiter l'utilisation des renseignements personnels.
Dans son rapport de l'an 2000, le commissaire Phillips énonce que la collecte exhaustive d'informations est appropriée pour Statistique Canada, mais pas le gouvernement en général :
Statistique Canada est le seul organisme qui recueille plein de renseignements sur chacun de nous, mais ne le fait qu'à des fins statistiques, et non pour décider de notre sort. De plus, les données de Statistique Canada sont rigoureusement protégées. Les personnes qui en abusent sont passibles d'une amende et d'une peine d'emprisonnement.
En conclusion, s'il est nécessaire de faire la collecte de renseignements complets au sujet des citoyens — et notre association n'a pas pris position sur cette question générale, si ce n'est de dire que les arguments en faveur d'une telle activité doivent être convaincants et que la protection de la sécurité et de la vie privée des citoyens doit être aussi rigoureuse que possible — nous sommes d'avis que les droits des citoyens seront autrement mieux protégés si de tels renseignements sont recueillis et conservés par Statistique Canada, dont les statistiques sont transparentes et ont été bien protégées jusqu'ici, par rapport à des opérations directes et invisibles de forage de données. La responsabilisation est gravement réduite dès lors que la traçabilité des données personnelles l'emporte sur d'autres méthodes en ce qui concerne notre interaction avec le gouvernement.
De par sa nature, la protection de la vie privée suppose une analyse comparative. Il nous faut savoir quels avantages nous recevons en échange d'une moindre protection et s'il existe d'autres moyens d'atteindre les mêmes objectifs sans que l'atteinte à notre vie privée soit aussi importante.
Donc, à notre avis, il n'est pas possible d'évaluer la proposition d'élimination du long formulaire obligatoire du recensement sans comprendre les conséquences sévères éventuelles des solutions de rechange. En ce qui nous concerne, l'alternative présente un danger beaucoup plus grave pour la protection de la vie privée des citoyens que ce n'est le cas actuellement avec le long formulaire du recensement, et nous exhortons donc le gouvernement à présenter tous les détails de la solution de rechange qu'il propose pour qu'on soit en mesure d'en faire une évaluation juste par rapport au recensement et au droit des Canadiens de protéger leur vie privée.
Voilà qui termine nos remarques liminaires. Je vous remercie.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Je remercie tous nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
[Traduction]
Je voudrais m'appuyer en partie sur les témoignages de M. Murdoch, car il est très important, à mon avis, de disposer d'exemples concrets et réels nous permettant de comprendre pourquoi cette question est importante et pourquoi il ne s'agit pas simplement d'une question obscure qui n'intéresse que les universitaires. Il me semble que M. Murdoch nous a fourni des exemples bien utiles concernant la pauvreté chez les enfants et les personnes âgées, l'habitation, la santé et la situation des Autochtones à Winnipeg.
Pour ma part, je voudrais donner un ou deux autres exemples et demander ensuite à nos témoins, et notamment aux professeurs, s'ils peuvent nous en fournir d'autres qui illustrent l'importance de cette question en termes très concrets pour les citoyens ordinaires.
Mon premier exemple est celui d'un ami à moi qui s'appelle John Richards, professeur à l'Université Simon Fraser, qui fait de la recherche sur l'éducation chez les Autochtones depuis cinq ans. Il m'a dit qu'il ne pourrait rien faire en l'absence des données fournies par le recensement. Il ne serait même pas au courant de l'importance des populations autochtones, et encore moins de leur situation en matière de santé et d'éducation. Voilà donc un premier exemple, et étant donné que les Autochtones sont parmi les Canadiens les plus défavorisés, les politiques gouvernementales dans ce domaine sont bien importantes, à mon avis.
Le deuxième exemple concerne ma circonscription électorale de Markham, à caractère fortement multiculturel — 40 p. 100 de la population est d'origine chinoise, et entre 15 et 20 p. 100, d'origine sud-asiatique — qui compte de nombreux néo-Canadiens qui, ne serait-ce que pour des raisons linguistiques, sont moins susceptibles que d'autres de remplir le formulaire du recensement s'il est facultatif. C'est un aspect important, me semble-t-il, car des questions d'ordre pratique, comme la formation linguistique et d'autres types de services d'accueil à l'intention des néo-Canadiens, sont importantes, et en l'absence du recensement, nous ne posséderons pas les informations requises.
Voilà donc deux exemples qui viennent s'ajouter à la liste de cinq ou six fournie par M. Murdoch, et je me demande si le professeur Veall ou nos autres témoins ont d'autres exemples concrets à nous fournir.
:
Merci pour la question. Je vais m'en tenir à un seul exemple.
Vous vous souviendrez que je parlais tout à l'heure de l'estimation qui a été donnée — qui me semblait un peu élevée — soit un taux de réponse de 80 p. 100. Mais même avec un taux de réponse de 80 p. 100, il sera difficile d'obtenir le degré de détail géographique visé, secteur de recensement par secteur de recensement.
Le journal de ma ville natale, le Hamilton Spectator, a fait effectuer une analyse détaillée, par secteur de recensement, d'un certain nombre de variables. Il y en a énormément, mais je vais en choisir une.
L'une des variables examinée est donc le nombre d'enfants vivant au-dessous du seuil de la pauvreté. Il y a plusieurs secteurs de recensement à Hamilton où le taux de pauvreté chez les enfants dépasse 60 p. 100. Le niveau le plus élevé est de 68 p. 100. Il y a également bon nombre de secteurs de recensement où le taux de pauvreté est de 0 p. 100. Donc, il existe une variation énorme entre les différents secteurs de recensement. Étant donné que la nature des données va changer, deux problèmes en particulier pourraient se poser.
D'abord, si le taux de réponse n'est pas suffisant, nous ne réussirons peut-être pas à rassembler les données nécessaires au niveau des secteurs de recensement. Il est possible que les données ne seront pas suffisamment exactes et que nous ne saurons donc pas dans quelle mesure il aura été possible de réduire le taux élevé de pauvreté chez les enfants dans certains secteurs.
De plus, il sera peut-être impossible d'établir des corrélations avec d'autres variables. Par exemple, nous voudrons peut-être savoir si ces enfants pauvres fréquentent l'école. Or il sera peut-être impossible de le déterminer au niveau local.
Même si ces données sont disponibles, il est évident que des doutes persisteront quant à savoir si le changement observé est lié à la nouvelle méthode de collecte statistique.
Je vous remercie.
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Je peux tenter de répondre à cela. J'en ai parlé plus tôt. En ce qui concerne les enquêtes obligatoires, les taux varient entre 97 p. 100 et 98 p. 100. Je crois qu'une partie de la population réussit toujours à se soustraire à cette obligation. Les taux pour les enquêtes volontaires de Statistique Canada, puisqu'il y en a, bien entendu, sont de l'ordre de 70 p. 100. Par contre, quand il s'agit de choses qui s'en éloignent un peu mais qui relèvent de la même méthodologie, notamment les sondages d'opinion réalisés par des compagnies, on obtient des taux bien inférieurs à 50 p. 100. C'est d'ailleurs un grand problème pour ces maisons de sondage. Il est souvent difficile d'obtenir l'information. Ça pose problème et ça induit des conclusions extrêmement fragiles.
Prenons simplement comme exemple les pourcentages de 98 p. 100 et de 70 p. 100. On voit bien les problèmes que ça pose. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est une banalité dans le domaine de l'analyse des réponses aux questionnaires. Malheureusement, il s'agit de groupes qui ne répondent pas tous dans la même proportion. Les organismes sont alors obligés de faire des réajustements. Ces derniers sont possibles lorsqu'on dispose d'une base solide fournie par le recensement, donc par l'entremise d'un questionnaire obligatoire. Si on brise cela, on rend les réajustements plus difficiles. Les enquêtes faites de façon volontaire deviennent encore plus problématiques. En soi, une proportion de 70 p. 100 ne serait pas grave si elle était représentative de la population globale, ce qui n'est pas le cas. C'est ce qui est extrêmement problématique.
Le pire est que les maisons de sondage elles-mêmes ont de plus en plus de difficulté à obtenir des réponses au moyen d'un système volontaire. Ce n'est pas nécessairement parce que les gens ne veulent pas répondre, mais parce qu'ils sont régulièrement sollicités à cet égard. L'avantage d'un organisme comme Statistique Canada est sa crédibilité. Nous acceptons de répondre à cela parce qu'il s'agit d'un organisme public qui diffuse ses données de façon générale. Je n'accepte pas nécessairement de répondre aux demandes de compagnies qui vont utiliser mes réponses à des fins privées. Je crois que beaucoup de gens réagissent de la même façon.
Pour ce qui est des informations que nous recevrons, je crois que l'enjeu est crucial. Serons-nous en mesure de prendre de bonnes décisions? Serons-nous capables de désigner les poches de pauvreté dans la région de Montréal, par exemple, et de mettre en oeuvre des politiques permettant à ces individus de s'en sortir plutôt que des politiques générales conduisant à un gaspillage d'argent?
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Merci, monsieur le président.
En fait, je voudrais apporter une rectification, car ce qui vient d'être dit n'est pas tout à fait juste. Nous avons toujours le questionnaire abrégé du recensement qui est obligatoire, et qui permettrait de connaître la population exacte de Charlottetown ou de l'Île-du-Prince-Édouard, comme c'est le cas actuellement. Donc, pour que ce soit bien clair, je précise que le questionnaire abrégé du recensement demeure obligatoire.
Deuxièmement, s'agissant d'information, nous en avons beaucoup discuté et je me permets de vous rappeler que nous allons continuer à faire la collecte de données, grâce à la grande expertise du personnel de Statistique Canada, cet organisme étant reconnu comme un chef de file mondial dans la collecte de données. Donc, nous allons continuer à recueillir, à traiter et à fournir de telles informations grâce à cette expertise.
Nous voulons tous réduire la pauvreté au Canada. Je constate que plusieurs personnes ont fait allusion à ce problème. Mais on peut certainement trouver le moyen de réduire la pauvreté sans menacer les pauvres d'amendes et de peines de prison parce qu'ils refusent de dire au gouvernement combien de temps ils passent avec leurs enfants ou combien de travaux ménagers ils ont effectués la semaine dernière. Je suis convaincu qu'on peut trouver un meilleur moyen d'obtenir cette information, vu toute l'expertise que nous possédons dans ce pays.
Monsieur Rutherford, je constate qu'il y a un article sur le site Web de CHED concernant votre présence devant le comité. Selon cet article, Marc Garneau aurait dit ceci:
Le gouvernement a du mal à trouver des groupes qui sont de son avis, si bien qu'il en est réduit à inviter un certain nombre de particuliers.
Voilà que nous en sommes réduits aux raclures…
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… et nous vous avons donc invité, ainsi que M. Oh et quelques autres témoins à nous présenter votre point de vue, étant donné que nous n'avons d'autre choix maintenant que de racler les fonds de tiroir. En ce qui nous concerne, il est important que vous soyez là.
Et, monsieur Oh, je précise que, pour nous, il est important que vous, aussi, soyez là.
M. Bélisle a évoqué les changements radicaux que nous avons apportés au système actuel. Et je voudrais justement parler un peu de la façon d'effectuer le recensement.
Si vous voulez parler de quelque chose de radical, on peut parler du fait que nous frappons à la porte des gens pour leur poser des questions. Nous faisons cela à deux reprises. Donc, le recenseur arrive chez vous, et supposons que vous lui disiez: « Non, je ne veux pas répondre à cette question ». Quelles que soient vos raisons, vous pourriez ne pas avoir envie de dire au gouvernement quelle est votre religion ou encore le nombre de chambres que vous avez chez vous. Après deux essais, le recenseur remplit le formulaire de refus total.
Voilà donc quelque chose qui me semble radical — et je vais vous demander votre avis à ce sujet. Au haut du formulaire de refus total, il est fait mention que les renseignements fournis dans les cases au-dessous peuvent être utilisés lors d'une poursuite et que l'information fournie doit être exhaustive et exacte.
Je vous rappelle que nous ne parlons que du recenseur qui a frappé à votre porte et vous a demandé à deux reprises de répondre à certaines questions et à qui vous avez répondu respectueusement que vous ne souhaitiez pas y répondre. À ce moment-là, le recenseur fournit sur le formulaire la description de la personne qui a refusé: son âge, son sexe, sa taille, son poids et d'autres caractéristiques physiques, comme une barbe ou une moustache, des tatouages, des lunettes, des taches de vin, des vêtements particuliers, etc.
Voilà donc le formulaire que remplit le recenseur, qui le transmet ensuite à son chef d'équipe. Le chef d'équipe se présente chez vous et vous pose les questions de nouveau, et remplit ensuite sa case du formulaire, qui pose exactement la même question. Le document est ensuite transmis à des niveaux hiérarchiques supérieurs, pour suite à donner, je suppose, en ce qui concerne la possibilité de poursuite.
Selon vous, qu'est-ce qui est plus radical: l'idée d'apporter des changements au formulaire, pour que la participation soit facultative, ou l'idée de menacer les pauvres d'amendes et de peines d'emprisonnement parce qu'ils refusent de répondre aux questions du gouvernement?
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Je vais demander une pause commerciale dans une seconde pour que nous ayons justement un peu de temps.
Concernant la possibilité que d'autres commentateurs au Canada soient dans l'un ou l'autre camp et que la majorité d'entre eux, sinon tous, soient favorables à l'idée d'éliminer le long formulaire du recensement, le fait est qu'ils ne sont pas là. Je ne vois pas dans cette salle un groupe représentatif de journalistes. En fait, je devrais être assis derrière nous, et non à cette table. D'après ce que j'ai pu voir, il n'y a pas de groupe représentatif de chroniqueurs du Globe and Mail ou d'autres personnes dans la salle aujourd'hui qui appuient ce mouvement d'opposition à la décision gouvernementale. Où sont-ils? Ils ne sont pas là, et selon moi, c'est assez révélateur.
Quoi qu'il en soit, si je suis là aujourd'hui pour parler de choses dont on discute à mon émission de radio avec les auditeurs qui me parlent, je suis tout à fait d'accord pour le faire. J'espère que je n'ai pas été invité afin de répondre à l'opinion des uns et des autres, car nous avons tous des opinions et c'est notre droit.
J'exprime mon opinion tous les jours à mon émission. Ais-je un parti pris? Oui. Mon opinion est-elle influencée par une certaine optique politique? Oui, et je ne cherche aucunement à le cacher, contrairement à d'autres représentants des médias au Canada — mais ça, c'est une autre histoire et peut-être le sujet d'une autre séance de comité.
Si vous me permettez, j'aimerais dire qu'en tant que commentateur, je trouve que certaines des observations qui ont été faites aujourd'hui sont intéressantes. Mes confrères statisticiens — et ces derniers en savent beaucoup plus que moi, car comme je vous l'ai indiqué au début, je ne suis pas expert — partent du principe, et il existe peut-être certaines statistiques pour étayer cette thèse, que des réponses volontaires sont, pour une raison ou une autre, moins crédibles qu'une réponse non volontaire. C'est, me semble-t-il, la thèse de certains de ces experts.
M. McCallum disait que, si on a un problème de langue, du moment que c'est obligatoire, tout va bien; mais si c'est facultatif, c'est l'inverse, je suppose.
Je suis désolé, mais cette logique m'échappe totalement.
Il y a quelques instants, la dame qui représente l'Association des libertés civiles — je suis désolé mais j'ai oublié son nom — disait que cette question ne semble pas du tout préoccuper leurs membres et que ces derniers sont préoccupés par des questions beaucoup plus graves. Mais la question que je me pose est celle-ci: comment le sait-elle? Je présume qu'elle le sait parce qu'elle sonde les membres elle-même et se renseigne donc sur les préoccupations des membres de l'Association des libertés civiles, n'est-ce pas?
C'est ce que je dois supposer. Mais l'une des questions du recensement n'est pas de savoir si vous vous opposez au recensement.
Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'une bonne partie de ces données peuvent être recueillies à partir d'autres sources. Le monsieur de Winnipeg laissait entendre qu'une église a pris des décisions au sujet de sa petite congrégation en fonction des réponses fournies sur le long formulaire obligatoire du recensement, que seulement 20 p. 100 des Canadiens reçoivent. Combien de membres de cette congrégation ont reçu le long formulaire et ont donc mis le doigt sur un problème particulier? Je ne le sais pas.
S'agissant de pauvreté, un thème qui semble revenir sur le tapis assez souvent, on dit que nous ne saurons pas où se trouvent les pauvres. Si on suppose que ceux qui accepteront de remplir le formulaire facultatif le feront parce qu'ils sont motivés, et s'ils sont plus motivés parce que c'est dans leur intérêt de remplir le formulaire facultatif, on pourrait en conclure que les données ne seront pas exactes, comme semblent le laisser entendre certaines personnes ici présentes; mais n'est-il pas plus logique de penser qu'une personne défavorisée sera désireuse de remplir ce formulaire parce qu'elle sait que sa participation pourrait avoir des conséquences concrètes?
J'essaie simplement de vous faire comprendre qu'on semble avoir perdu de vue des éléments de logique fondamentale dans ce débat.
J'ai une dernière petite observation à faire avant de céder la parole à d'autres.
Le long formulaire du recensement n'a pas été éliminé, malgré tout ce que vous pourrez lire dans les médias. Il existe toujours. En fait, il y en aura davantage. Mais la participation sera facultative, et non obligatoire.
Monsieur Lake, je n'ai sans doute pas répondu à votre question, mais merci de m'avoir donné l'occasion d'intervenir.
À mon avis, on fait la collecte de données depuis de très nombreuses années et, grâce aux technologies modernes, ces données sont donc disponibles. Bon nombre d'entreprises privées font constamment des sondages.
Par exemple, je mentionnais tout à l'heure l'exemple de Centraide dans la région de Peel. La région de Peel, qui fait partie de la région du Grand Toronto, est caractérisée par un afflux de nouveaux résidents. Plus de 52 p. 100 de la population sont de nouveaux immigrants. Et le mouvement des immigrants ne peut être analysé en fonction de statistiques qui remontent à cinq ans. Depuis deux ans, les données recueillies il y a cinq ans ne sont généralement pas exactes et ne sont plus à jour, car les mouvements dans certains secteurs de la région du Grand Toronto sont tout simplement trop importants, en raison de la situation d'emploi et pour d'autres raisons. En conséquence, bon nombre d'entreprises privées font elles-mêmes la représentation cartographique des données.
Il est important de rappeler que bon nombre de pays du monde ont laissé tomber leur formulaire obligatoire. Pourquoi le Canada ne ferait-il pas de même? Pourquoi conserver le même formulaire? En ce qui me concerne, augmenter de 30 p. 100 la participation volontaire est une bonne solution.
Nous parlons tous de droits humains, et nous voulons savoir où habitent les criminels et qui ont un casier judiciaire. Mes voisins en ont-ils? Nous cherchons des renseignements de cette nature. Mais, à mon avis, nous devrions obtenir de tels renseignements sur une base volontaire.
En ce qui concerne les communautés qui demandent du financement, il est certain qu'une bonne partie de l'information qu'obtient le secteur privé émane de la localité et non pas…
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Merci, monsieur le président.
La circonscription de Windsor-Ouest, que je représente, est l'une des plus diversifiées du Canada. Elle se caractérise également par l'un des taux de chômage les plus élevés du Canada, et ce en permanence. C'est également une circonscription qui compte une université et un collège et qui connaît des changements fréquents.
En l'an 2000, elle faisait partie de ce qu'on appelait le « recensement total » et elle représentait l'une des trois circonscriptions électorales du pays à avoir été retenues pour la campagne de recensement porte-à-porte, étant donné que les taux étaient très faibles, malgré la prépondérance de la pauvreté, de problèmes linguistiques et d'autres barrières; il faut comprendre que c'était une destination pour les immigrants, notamment la Vieille ville de Sandwich, qui constitue la plus ancienne colonie européenne à l'ouest de Montréal. Les taux étaient régressivement faibles et nous perdions des crédits potentiels pour les programmes d'établissement et d'autres initiatives, étant donné que les taux étaient si faibles.
Mais cette opération a fini par être éliminée. En raison de préoccupations liées à la protection de la vie privée, le recensement porte-à-porte qui faisait autrefois partie des activités de recensement a été supprimé.
La question que je pose à ceux et celles parmi nos témoins qui souhaitent répondre est celle-ci: étant donné que le recensement en question a déjà été examiné par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et qu'il a suivi le processus habituel au Conseil du Trésor, avez-vous encore des préoccupations concernant d'éventuelles atteintes à la vie privée, malgré le processus qui a déjà été suivi?
Je pose la question à ceux et celles d'entre vous qui souhaitent y répondre.
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Donc, si je ne souhaite pas que mes renseignements personnels finissent entre les mains d'entreprises privées, je peux, conformément à ma philosophie, simplement décider de ne pas les donner à Statistique Canada.
Qu'est-ce qui constitue une atteinte à la vie privée?
Encore une fois, la dame qui représente l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, Mme Vonn, a laissé entendre il y a quelques minutes que la protection de la vie privée est leur plus grande préoccupation, sauf quand il s'agit du recensement. Là aussi, cette logique m'échappe totalement.
Monsieur Masse, je n'ai pas à l'esprit un exemple définitif d'une atteinte à la vie privée d'une personne qui décide de son propre chef de donner ces renseignements personnels à Statistique Canada, mais le fait est que si je ne veux pas qu'une certaine entreprise y ait accès ou si je ne veux pas que ces renseignements soient vendus — je les fournis librement et ensuite ces renseignements sont vendus — je dois dire que, sur le plan philosophique, cela me semble problématique. Si on me les payait, je serais peut-être plus enclin à les fournir volontairement.
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Lorsque le ministre Clement a comparu devant le comité — j'ai revu ses témoignages — il a dit ceci en réponse à une question de M. Garneau:
C'est la décision du gouvernement. Cela ne fait aucun doute. Je n'essaie pas de prétendre autre chose. Nous avons collaboré avec Statistique Canada au fil des mois pour mettre en oeuvre cette décision et assurer la collecte de données utiles et fiables.
L'élément clé de son témoignage est l'affirmation du ministre selon laquelle il collaborait avec Statistique Canada depuis plusieurs mois. Cela veut donc dire que la Chambre des communes siégeait encore à cette époque. Ainsi, la décision et les dispositions administratives nécessaires étaient en train d'être mises en oeuvre avant l'ajournement de la Chambre des communes.
J'aimerais donc que vous me disiez pourquoi, selon vous — ce sont des opinions qui m'intéressent — aucun projet de loi n'a été déposé devant ce comité, même si nous en avions très peu à examiner, en vue de faire éliminer l'amende et les peines prévues relativement au recensement?
Le ministre travaillait activement à l'élimination du long formulaire obligatoire, mais a décidé de conserver le formulaire abrégé, ce que je trouve ironique et intéressant, étant donné que le recensement agricole est maintenu, y compris les amendes et les peines actuellement prévues.
Je sollicite donc l'opinion de nos témoins concernant les raisons pour lesquelles le ministre n'a pas cru bon de déposer un projet de loi devant ce comité en vue de supprimer les peines d'emprisonnement et les amendes qu'on évoque constamment soi-disant parce que nous allons sinon assister à une vague de criminalité provoquée par le recensement et qu'il faut donc régler ce problème?
J'invite un ou l'autre des témoins à nous expliquer pour quelles raisons cela n'a pas été fait.
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Merci, monsieur le président, et merci à nos invités pour leur présence aujourd'hui.
Je désire remercier M. Rutherford de nous avoir rappelé que le long formulaire du recensement continue d'exister. Nous ne pourrons tout simplement plus qualifier cela de recensement, étant donné que la participation n'est pas obligatoire.
L'ancien long formulaire était envoyé à 2,5 millions de personnes; celui-ci sera envoyé à 4,5 millions de personnes. Même si le taux de retour des formulaires est de seulement 70 p. 100, cela représente presque un million de plus de formulaires, soit 3,1 millions de formulaires plutôt que 2,3 millions.
Je voulais juste faire une brève observation au sujet d'un commentaire fait par l'un des témoins du dernier groupe, soit un représentant du Conseil national de la statistique, qui indiquait que si on envoie un formulaire en anglais aux résidents d'une localité francophone, qu'on en envoie 1 500 ou 3 000, le taux de réponse sera très faible. Mais cela me semble évident, car le biais contre les francophones est inhérent aux deux enquêtes. Cela n'a rien à voir avec le nombre de formulaires qui sont envoyés aux répondants. Donc, je trouvais que l'exemple donné par le représentant du Conseil national de la statistique pour étayer son argument était un peu curieux.
J'ai une ou deux questions à poser, et je vais peut-être commencer par M. Murdoch — excusez-moi si c'est toujours vous que je désigne.
Êtes-vous au courant de l'enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes menée par Statistique Canada?
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Merci, monsieur le président; et merci également à nos témoins pour leur présence aujourd'hui.
Je voudrais insister encore une fois — nous le savons tous, mais il convient de le rappeler — sur le fait que le long formulaire n'est pas éliminé. Il sera désormais facultatif.
Il y a un élément intéressant qu'il convient de mentionner, et j'ai fait la même observation lors de la dernière séance. Je représente, me semble-t-il, une circonscription électorale moyenne. Elle englobe des zones urbaines et rurales et la population est composée de professionnels, d'agriculteurs et de Canadiens de toutes sortes de milieux différents. Je dois vous dire, pour avoir sondé mes électeurs à ce sujet, que ces derniers ne sont pas particulièrement sensibles à cette question. Ce n'est pas quelque chose qui les préoccupe beaucoup. C'est l'inverse pour le milieu universitaire, et j'en suis conscient. Je comprends que c'est quelque chose qui vous paraît important, et que c'est pour cela que vous vous intéressez à la question. Mais le Canadien moyen ne comprend vraiment pas pourquoi ce serait un problème. Quand j'en parle aux gens, ils ont l'air un peu perplexe.
À mon avis, il faut surtout permettre aux gens d'avoir voix au chapitre. Je me dis que, si le formulaire devient facultatif, mes électeurs viendront me voir pour me dire: « Dave, pourquoi me pose-t-on cette question? » À ce moment-là, je peux m'adresser au gouvernement pour demander les raisons pour lesquelles on leur pose cette question. S'il y a une bonne raison, je peux ensuite la communiquer à mes électeurs. Donc, cette possibilité existe.
Selon moi, nous ne faisons pas suffisamment confiance aux gens. Dans ce même ordre d'idées, je m'intéresse aux résultats, et je voudrais vraiment faire participer mes électeurs, parce que cette question les touche. Ce sont ces gens-là qui sont touchés. Ce sont eux qui devront remplir ce formulaire. Et ce sont eux qui, au moment de le remplir, seront touchés, soit de façon négative, soit de façon positive. Il y aura nécessairement un lien de cause à effet.
Monsieur Rutherford, que vous disent vos auditeurs? Est-ce que je me trompe? Est-ce une grande préoccupation dans l'Ouest? Que disent les Canadiens ordinaires — pas ceux qui recueillent les données mais ceux qui s'en servent — au sujet de ce long formulaire?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous d'être ici aujourd'hui.
Je vais avancer des idées avec lesquelles vous ne serez pas tous d'accord j'en suis certain.
Nous pouvons prendre des détours et faire des digressions, mais le fond de la question aujourd'hui est de savoir si le long formulaire devrait être rempli sur une base volontaire ou obligatoire, et si l'on devrait imposer une peine à ceux qui ne le remplissent pas, soit une peine de prison ou une amende. La question qu'il faut régler aujourd'hui toutefois, c'est de savoir si le long formulaire devrait être rempli sur une base volontaire ou obligatoire.
On ne parle pas du formulaire abrégé, qui ne changera pas et qui comportera le nombre de questions qui sont nécessaires pour atteindre les résultats voulus.
On peut discuter de bien d'autres questions si on le souhaite. M. Rutherford vient de parler de son coût, et nous pouvons aussi parler de sa forme. Nous avons parlé également un peu de la question de la vie privée et d'autres questions, mais allons maintenant droit au but. Nous voulons savoir si ce sera précis et si le formulaire à remplir sur une base volontaire permettra d'atteindre les mêmes objectifs que celui qui est obligatoire.
M. Rutherford, vous avez demandé plus tôt pourquoi certaines personnes n'étaient pas ici. Je connais des gens formidables qui sont dans leur circonscription en train de participer à des activités bénévoles. Nous sommes au beau milieu de l'été. Demain, je vais participer à un barbecue des pompiers. Ce sont tous des bénévoles et croyez-moi, je leur fais confiance en presque tout.
Monsieur Bélisle, vous avez parlé de fierté envers le Canada, que les gens sont heureux de le faire. Qu'il s'agisse des pompiers bénévoles dont je parlais précédemment, des gens de Centraide, ou encore des entraîneurs de baseball ou de hockey, tous ces gens qui font du bénévolat au Canada sont heureux de le faire parce qu'ils améliorent ainsi leur pays.
Je veux voir l'aspect positif et croire que les gens rempliront le formulaire sur une base volontaire et le retourneront parce que c'est la bonne chose à faire. Vous l'avez dit vous-même que la fierté envers le Canada est une partie importante dans tout cela. Je pense que c'est vrai. Et ce n'est pas le cas uniquement dans ma circonscription. C'est le cas également dans la circonscription dont a parlé M. McCallum, qui compte 52 p. 100 de nouveaux immigrants, etc., et je pense qu'ils sont fiers du Canada. En immigrant au Canada, ils ont préféré ce pays à tous les autres dans le monde.
Monsieur Oh, vous représentez une association d'immigrants, des gens qui ont choisi de venir s'installer au Canada. Je présume que vos membres se joignent à votre association sur une base volontaire. Vous n'imposez pas une amende aux gens qui décident de ne pas en faire partie, n'est-ce pas?
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M. Garneau a rapporté les propos d'un député conservateur qui, selon lui, parlait au nom de tous les membres du parti. Je suppose donc que parlait au nom de tous les membres du Parti libéral lorsqu'il a dit ceci:
Ignatieff, il se disperse un peu parfois... Il dit ceci, il dit cela — il se contredit. Pour moi, ce n'est pas quelqu'un qui... Il a peut-être l'intelligence, mais peut-être pas la sagesse nécessaire.
Monsieur Garneau, je suppose que Justin Trudeau parlait également en votre nom.
Quoi qu'il en soit, je vais passer au sujet qui nous occupe. L'un des aspects dont je veux parler en particulier, c'est la question qui revient continuellement. En réalité, ce que le gouvernement dit, c'est que ce n'est pas une question de statistique. Il ne s'agit pas de savoir si nous aimons obtenir des renseignements. Nous aimons tous obtenir des renseignements et nous voulons tous faire de notre mieux pour régler les problèmes auxquels notre pays fait face. La question à laquelle nous tentons de répondre aujourd'hui est la suivante: le gouvernement devrait-il forcer les gens, sous peine d'amende ou d'emprisonnement, à répondre aux questions de ce qu'on appelait le long formulaire de recensement?
Nous convenons que nous avons un formulaire abrégé obligatoire que la plupart des Canadiens associent à un recensement — dans lequel on leur demande qui ils sont, où ils vivent, etc. Mais en ce qui concerne les questions du long formulaire, des questions portant, par exemple, sur l'heure à laquelle les gens partent travailler ou la quantité de travaux ménagers qu'ils ont faits — et ma question s'adresse à vous, monsieur Murdoch —, est-ce que les gens que vous représentez, des gens venant d'un milieu défavorisé, qui, comme l'a répété à maintes reprises le parti de l'opposition, sont les moins susceptibles de répondre aux questions, ou de nouveaux citoyens canadiens, ou des Autochtones, les gens qui sont les moins susceptibles de répondre aux questions, doivent être forcés d'y répondre sous peine d'emprisonnement ou d'amende? Devrait-on menacer une mère seule ayant trois enfants qui vit au seuil de la pauvreté de payer une amende de 500 $ parce qu'elle ne veut pas révéler la quantité de travaux ménagers qu'elle a fait la semaine précédente?
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Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.
Étant donné que ma famille et moi sommes rentrées de Yellowknife en avion à une heure du matin, vous pouvez profiter du fait que mon cerveau est fatigué aujourd'hui. Mais, c'est très agréable d'être ici.
Pour ceux d'entre vous qui ne le connaissent pas, le CCDS, le Conseil canadien de développement social, est le plus ancien organisme de politique sociale au pays. Il a été créé en 1920 par Charlotte Whitton. Il collabore avec les gouvernements depuis longtemps. Pour vous donner quelques faits saillants, le CCDS a contribué à la conception des programmes d'AE, de prestations d'invalidité et de pensions de la sécurité de la vieillesse — qui sont à la base même de notre infrastructure sociale —, et il a collaboré avec les gouvernements pour les mettre en oeuvre.
L'un des programmes principaux que nous avons aujourd'hui, c'est la stratégie d'accès communautaire aux statistiques sociales. Il s'agit d'un partenariat pancanadien où les membres achètent collectivement pour plus de 900 000 $ de données de recensement et d'autres données de StatCan. Notre consortium est composé de services policiers, de municipalités, de l'organisme Centraide, de ministères de gouvernements provinciaux, d'organismes de services de première ligne, de conseils de planification sociale, et j'en passe. Les partenaires utilisent les données pour s'adapter aux tendances troublantes dans nos collectivités locales. Les renseignements permettent aux collectivités d'axer leurs efforts à l'échelle des quartiers, en faisant une meilleure utilisation de l'argent des contribuables et en ciblant les gens qui sont le plus dans le besoin.
À notre avis, la perte du long formulaire de recensement équivaut à la fermeture du système de navigation canadien. Ceux d'entre vous qui appuyez cette décision devraient vraiment réfléchir très sérieusement aux répercussions qu'elle entraînera. Je vous invite à vous demander si vous êtes prêts à assumer les responsabilités suivantes.
Dans 10 ans, lorsque la maternité de votre hôpital local sera vide et que vos parents ne pourront pas recevoir de soins gériatriques parce que les décideurs n'avaient pas accès à des données de recensement précises qui leur auraient permis de prévoir les services dont votre collectivité avait besoin, qu'allez-vous leur dire? Dans 10 ans, lorsqu'il faudra cinq minutes de plus à la police pour intervenir dans un cambriolage qui a eu lieu dans votre quartier, et que les voleurs s'en tireront parce que le service de police n'avait pas les données du long formulaire de recensement qui lui auraient permis d'affecter le personnel nécessaire, qu'allez-vous dire à vos voisins? Dans 10 ans, lorsqu'il y aura une épidémie d'une nouvelle maladie et que les médecins n'auront pas les données à leur disposition pour planifier l'intervention, allez-vous porter une partie du blâme pour les décès qui en résulteront? Dans 10 ans, lorsqu'une nouvelle école sera vide dans une partie de la ville tandis qu'une autre sera surpeuplée parce que les données de recensement qu'on utilisait pour prévoir l'aménagement et la construction d'écoles n'étaient plus accessibles, qu'allez-vous dire à votre collectivité? Dans 10 ans, lorsqu'il faudra trois minutes supplémentaires aux pompiers pour intervenir dans un incendie qui a eu lieu dans un foyer pour personnes âgées parce qu'ils n'avaient pas les données de recensement qui auraient permis de déterminer le meilleur endroit pour établir une caserne de pompiers, allez-vous consoler les familles des personnes qui n'auront pas survécu? Dans 10 ans, lorsqu'on devra fermer votre église en raison d'une baisse inattendue du nombre de fidèles, tandis qu'une autre congrégation parlant une langue différente remplira un auditorium dans une école, allez-vous prendre la responsabilité? Dans 10 ans, lorsque les gouvernements de tous les paliers gaspilleront l'argent des contribuables pour fournir aux collectivités locales des services moins efficaces qui ciblent moins ces collectivités parce que l'information est moins précise, payerez-vous avec plaisir et sans dire un mot pour le temps et les ressources, puisque vous êtes aussi un contribuable?
Plus de 340 organismes qui servent ou qui représentent les Canadiens ordinaires que vous souhaitez entendre ont dit clairement leur opinion à ce sujet. Ils ont proposé des solutions de rechange judicieuses à l'annulation de cet outil important. Ils ont tenu compte des préoccupations au sujet de la protection des renseignements personnels, de l'atteinte à la vie privée et de la coercition.
La protection des renseignements personnels? StatCan est une forteresse pour ainsi dire impénétrable. Nous devons la naviguer régulièrement.
L'atteinte à la vie privée? Comme on l'a déjà dit, on considère que bien des mesures, des règles et des règlements portent atteinte à la vie privée dans ce pays: les ceintures de sécurité, les arrêts obligatoires et les mesures de sécurité dans les aéroports. Nous savons tous qu'ils sont mis en place pour le bien collectif. On peut dire la même chose à propos du long formulaire de recensement.
Coercition? Nous sommes d'accord avec vous: personne ne devrait être emprisonné pour ne pas avoir rempli le questionnaire. Mais nous savons tous que ce n'est jamais arrivé.
Merci.
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Bonjour. Je représente l'Association francophone pour le savoir, l'Acfas. Cette association est le plus grand regroupement de chercheurs francophones au monde. Elle a été créée en 1923. Elle regroupe des chercheurs de pratiquement toutes les universités francophones dont la langue de recherche est le français. Il s'agit de chercheurs de toutes les disciplines. L'Acfas organise chaque année un congrès qui regroupe toujours environ 6 000 chercheurs provenant de 25 pays. D'ailleurs, il y a deux ans, c'est à l'Université d'Ottawa que le congrès de l'Acfas s'est tenu.
C'est un privilège de pouvoir m'adresser aujourd'hui aux membres du comité. Je dis souvent que si les citoyens avaient plus fréquemment la chance de voir le travail qui se fait en commission parlementaire, dans le cadre des comités, et de venir eux-mêmes y témoigner, ils développeraient une plus grande estime à l'égard des institutions publiques. Je considère toujours que c'est un privilège de participer à des échanges comme ceux qui auront lieu plus tard.
La question qui se pose consiste à savoir s'il faut maintenir ou non le questionnaire long et détaillé utilisé tous les cinq ans par le gouvernement fédéral, soit par Statistique Canada, de manière à obtenir des informations beaucoup plus précises dans le cadre du recensement. La réponse est qu'il faut le maintenir, plus précisément pour cinq raisons qui vont très largement dans le sens de la préoccupation très détaillée de Mme Taillon.
D'abord, sur le plan social, toute collectivité doit être capable de se donner une certaine idée, une certaine image d'elle-même. Pour qu'elles se construisent, les sociétés doivent se connaître elles-mêmes. Il faut savoir qui nous sommes, comment nous évoluons. Ne serait-ce que parce que chaque société doit se connaître elle-même, il faut, sur le plan social, que le questionnaire long soit maintenu. Il nous donne des informations essentielles sur ce que nous devenons.
C'est crucial également sur le plan gouvernemental parce que l'essentiel des politiques publiques est construit ou doit être construit sur des projections à très long terme, compte tenu des coûts et des conséquences des décisions prises par l'État. Par conséquent, il est fondamental que ces données soient disponibles pour plusieurs raisons, principalement parce que lorsqu'il s'agit de justifier une décision, un gouvernement doit pouvoir le faire en se fondant sur des faits. La meilleure façon d'obtenir ces faits, qui sont nécessaires dans le cadre de toute décision politique, est à partir d'une étude certaine dont la méthodologie est connue. Cette étude, c'est le recensement. Pour cette raison, ça se justifie. Ça se justifie pour le gouvernement fédéral et pour les gouvernements provinciaux, mais encore plus pour les gouvernements municipaux, qui n'ont pas les moyens de mener des enquêtes aussi précises, mais qui ont constamment besoin de ces données pour orienter leurs propres décisions en matière de transport, de développement social et d'établissement de services publics.
C'est important sur le plan international. On a pu le constater dans les articles récents de la revue britannique Nature, qui dénonce le débat actuel visant à déterminer s'il est nécessaire de maintenir le long questionnaire du recensement. C'est important à l'échelle internationale parce que sur le plan des données, le Canada est constamment en relation avec l'ensemble des États occidentaux, l'OCDE, l'OMS, etc. Un très grand nombre d'organisations du même genre ont besoin de données tirées de ce recensement. Elles nous permettent d'établir ce qu'on appelle en anglais un bench marking et de nous comparer aux autres États. Pour maintenir sa réputation internationale, le Canada a absolument besoin de maintenir un très haut standard dans le cadre de sa cueillette de données. La meilleure façon d'y arriver est d'assurer l'intégrité du système existant, qui a largement fait ses preuves.
C'est important pour le milieu scientifique que je représente ici. En effet, dans un très grand nombre de secteurs, notamment les sciences sociales et humaines ainsi que les sciences de la santé, particulièrement en matière de santé publique, toutes ces données sont indispensables. C'est à partir des données du recensement que nous démarrons toutes les recherches auxquelles nous travaillons. D'une certaine façon, c'est également la colonne vertébrale de toutes nos autres recherches. Il ne s'agit donc pas d'une étude comme les autres. C'est l'enquête numéro 0. C'est la première, celle dont découlent fondamentalement toutes les autres.
Enfin, on en a besoin pour des raisons économiques. Ça permet d'établir les conditions selon lesquelles une entreprise peut être établie, par exemple dans un secteur ou un autre, et de préciser les caractéristiques de la clientèle ainsi que le lieu privilégié pour développer ses activités, dans le cas d'un commerce ou d'une entreprise. On parle ici de raisons strictement financières et économiques. D'une certaine façon, ce sont également des données fondamentales pour les entreprises.
Pour ces cinq raisons, je pense qu'il faut maintenir le long questionnaire et prendre la peine de le faire remplir dans de bonnes conditions. Je crois que ça a été fait à ce jour, que cet outil nous a beaucoup servi sur le plan collectif et qu'il faut continuer à s'en servir.
Je vous remercie.
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Je m'appelle Simon Zhong et je travaille pour le Toronto Community and Culture Centre. Je suis le directeur général de ce centre.
Notre centre a pour nom officiel le Toronto Mainland Chinese Community Centre. Il a été fondé en 1995 et enregistré comme organisme de bienfaisance en 1998. Depuis 1996, le Toronto Community and Culture Centre offre des services d'établissement, des programmes sociaux ainsi que des programmes de stages pour les jeunes, qui sont sans cesse appuyés par les trois ordres de gouvernement.
Le Toronto Community and Culture Centre offre des services en personne pour les clients qui souhaitent obtenir des renseignements sur l'établissement et des services individuels pour répondre aux demandes de renseignements par téléphone et en groupe. Depuis sa création, il a réussi à mettre sur pied un très grand nombre de programmes pour aider les immigrants à s'établir à Toronto, qu'ils appellent leur nouveau chez-soi, et offre des occasions aux nouveaux arrivants, en particulier les immigrants qui parlent le mandarin, afin qu'ils puissent participer à la société et s'y intégrer ainsi que se porter volontaires lors de la tenue d'événements communautaires. Le centre s'adresse à 250 000 membres de la communauté qui parlent le mandarin dans la région du Grand Toronto.
Le 13 août 2010, nous avons réuni 38 organisations de la communauté chinoise au nom de 100 000 membres de la communauté qui donnent tout leur appui aux changements apportés par le gouvernement fédéral pour passer du questionnaire du recensement détaillé, qui était obligatoire dans le passé, à un questionnaire sur une base volontaire.
En 2006, le questionnaire de recensement détaillé est devenu obligatoire et cela a été adopté comme loi. Les citoyens se voyaient imposés une pénalité ou une peine d'emprisonnement s'ils refusaient de remplir le questionnaire de recensement détaillé obligatoire. Il s'agissait d'une infraction à la Loi sur la protection des renseignements personnels du Canada. La sentence était inutile.
Le ministère fédéral responsable des statistiques peut trouver des statistiques à partir d'autres données, notamment les données sur l'immigration multiculturelle, les données sur la main d'oeuvre, et...
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Merci, monsieur le président.
Je veux tout d'abord dire que, bien que je travaille pour le Times Colonist, je suis venu ici à titre personnel.
Je veux attirer votre attention sur trois questions. Tout d'abord, je veux parler de la vie privée. J'ai entendu des gens dire que puisque Statistique Canada rend nos données anonymes, il n'y a aucune atteinte à la vie privée. On ne pourrait pas moins bien comprendre la question.
La notion de vie privée sur laquelle je veux attirer votre attention correspond aux besoins que nous avons tous de nous sentir en sécurité dans certains volets de notre vie privée, de ne pas révéler certaines parties de nous, d'avoir notre jardin secret — bref, d'avoir droit à la vie privée dans au moins un recoin de notre existence.
Ensuite, au sujet des données obligatoires, j'ai entendu dire que l'importance des intérêts en jeu justifie de recueillir les données par la contrainte. Je ne suis pas de cet avis. J'ai travaillé dans le domaine de la santé pendant quelques années. J'ai été sous-ministre de la santé en Colombie-Britannique et j'ai mis en place la première administration régionale de la santé en Saskatchewan. Nous n'obligeons pas les gens à participer à des essais cliniques, nous n'accédons pas aux dossiers des patients et ne faisons pas de liens entre eux sans leur consentement, et nous ne les menaçons certainement pas de peines d'emprisonnement s'ils ne veulent pas produire leurs rapports médicaux.
Par exemple, il y a quelques années, l'apparition du médicament Herceptin avait suscité beaucoup d'espoir. Ce médicament est utilisé pour traiter le cancer du sein. En laboratoire, on a obtenu des résultats significatifs, mais des effets secondaires troublants ont été observés; entre autres, ce médicament peut nuire au fonctionnement du coeur. On a recruté plus de 5 000 femmes pour la série d'essais cliniques afin de voir si le médicament fonctionnait, et les résultats ont été un triomphe. Pour les personnes atteintes du cancer du sein, l'Herceptin augmente les chances de survie de 25 p. 100. Cela représente 500 vies sauvées chaque année au Canada seulement. Mais bien que les enjeux ne pouvaient pas être plus considérables, personne n'a été forcé de participer. On n'a pas obligé les gens à le faire.
Enfin, en ce qui concerne l'application régulière de la loi, il ne fait aucun doute que si les circonstances l'exigent, le droit au respect de la vie privée sera parfois dénié, mais dans de pareilles situations, nous attendons deux choses: premièrement, il faut que le besoin soit véritablement urgent et qu'il n'y ait pas de solution de rechange; deuxièmement, il faut que l'application régulière de la loi soit apte à protéger les citoyens contre l'utilisation arbitraire de la force. Mais aucune de ces exigences ne s'applique au cas du formulaire détaillé du recensement.
Pour obliger les Canadiens à révéler des détails personnels, Statistique Canada donne la justification suivante:
Les groupes communautaires, les organismes sociaux et les groupes de consommateurs emploient les données afin d'étayer leur position et de faire pression sur les gouvernements en vue d'obtenir des changements sociaux.
Il est difficile de voir là un besoin urgent. Si l'on accepte une justification aussi vague et insuffisante, le droit à la vie privée tient à un fil bien ténu, car nous ne devons pas oublier que les types de renseignements qu'un groupe ou une organisation pourraient trouver utiles sont infinis. Le développement considérable du formulaire détaillé du recensement, malgré son histoire relativement courte, en est la preuve.
Finalement, le processus décisionnel est effrontément arbitraire. Le public n'y prend aucune part significative. Les décisions sont dictées surtout par les besoins des statisticiens et d'autres groupes. Pour concilier les intérêts des chercheurs et les droits fondamentaux de la protection des renseignements personnels, il faut, à tout le moins, exercer une plus grande surveillance.
Je veux affirmer que l'objet du débat entourant le formulaire détaillé du recensement n'est ni la fiabilité des données, ni la fiabilité statistique, ni le nombre de personnes qui se disent favorable à ce formulaire dans les sondages d'opinion. C'est plutôt le droit des Canadiens à protéger leur vie privée, et bien entendu, tous les aspects de la vie privée, qui est en cause. Quiconque se soucie de cette question ne peut être indifférent au cours des événements. Au cours des deux ou trois dernières décennies, on a vu des atteintes à la vie privée que n'auraient pu imaginer les générations précédentes. Avec les fouilles à nu à l'aide de rayons X dans les aéroports de la Colombie-Britannique, et le projet du gouvernement de créer des fichiers électroniques sur chaque citoyen, notre espace « personnel » ne cesse de rétrécir.
Il me semble que la question dont vous êtes saisis est simple: le droit à la vie privée existe-t-il? Si c'est le cas, le long formulaire de recensement abolit ce droit.
Merci.
Pour vous situer, je vais vous parler un peu de mes antécédents. Avant d'arriver au CCDS, j'étais en fait vice-présidente principale à l'Hôpital d'Ottawa, un des plus grands centres universitaires des sciences de la santé au Canada. Donc, je dis souvent que je suis une « administratrice d'hôpital en rétablissement », et je le suis toujours.
Toutefois, en ce qui concerne les déterminants sociaux de la santé, je dirais que les renseignements recueillis grâce au questionnaire détaillé obligatoire servent vraiment, encore une fois, comme je l'ai mentionné, d'outil de navigation. Le questionnaire porte notamment sur les aspects qui influent sur notre santé, comme les revenus, si on est chef d'une famille monoparentale, si on dispose de soutien comme des services de garde pour pouvoir aller travailler. Toutes ces choses doivent être considérées, parce que nous savons tous qu'elles déterminent le chemin que nous emprunterons dans le système de soins de santé.
Cela nous permet aussi de faire des projections. Nous sommes tous au courant du vieillissement de la population canadienne. Il ne suffit pas de le savoir, nous devons également savoir où se trouvent ces gens. Où devons-nous concentrer nos ressources? Ces personnes, habitent-elles en ville ou retournent-elles vivre en campagne? Le long formulaire nous aide à le déterminer. C'est un outil essentiel pour ce travail.
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Ça sert de base pour calibrer presque toutes les recherches menées dans le cadre d'un très grand nombre de sciences sociales, notamment l'analyse économique, la sociologie et la science politique, trois domaines que je connais davantage.
Chaque fois que nous faisons une enquête, nous devons évaluer sa valeur en la comparant aux chiffres que nous donne le recensement. Par exemple, il est possible que dans le cadre d'une enquête les femmes à la maison soient surreprésentées. En effet, lors d'un sondage téléphonique, les personnes qui répondent le plus facilement sont celles qui restent à la maison, et ce sont souvent des femmes. Par conséquent, il y a dans la plupart de nos sondages une surreprésentation du profil « femmes à la maison » et une sous-représentation des jeunes, qu'on ne peut joindre chez eux ni le jour ni le soir ni même très tard le soir.
La seule façon de tenir compte du fait que notre sondage a des défauts est de le reproportionner en nous fondant sur les données du recensement. Nous utilisons ces dernières pour corriger notre échantillon. C'est pourquoi les données du recensement doivent constituer l'enquête la plus sûre. Nous corrigeons toutes nos autres enquêtes à partir de celle-là. Pour la plupart des domaines, notamment les sciences sociales et humaines, il est fondamental de disposer d'une enquête complètement fiable. En effet, toutes les autres comportent des imperfections et pour les corriger, on a clairement besoin des données du recensement. C'est le cas dans le domaine de la recherche.
Si un jour les données du recensement devenaient moins sûres, nous aurions d'énormes difficultés au cours des six années suivant le recensement pour ce qui est de la précision de nos recherches. Pour les sciences sociales et humaines, ce serait un très gros problème.
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Merci. J'ai deux ou trois brèves remarques.
Avec le recensement actuel, nous éprouvons déjà de la difficulté à obtenir des réponses des groupes d'Autochtones. Certains refusent de s'y plier, en partie parce qu'ils n'aiment pas sa nature obligatoire.
Il y a quelques années, les États-Unis ont effectué une enquête à participation volontaire à la demande du Congrès. Ils ont constaté que le taux de réponse avait diminué de 20 p. 100; ils ont donc obtenu moins de réponses qu'auparavant, mais l'échantillon était quand même important.
Un processus à participation volontaire sera assurément plus onéreux, mais permettez-moi d'expliquer ces chiffres.
Il y a environ 14 millions de familles au Canada. Présumons que 10 p. 100 d'entre elles sont pauvres: donc, 1,4 million de familles vivent dans la pauvreté. Aux États-Unis, le taux de réponse des groupes défavorisés était de 20 p. 100. Autrement dit, dans le recensement américain à participation volontaire, 20 p. 100 des Afro-américains pauvres vivant dans les villes ont répondu. Si on obtenait un taux de réponse identique pour les familles défavorisées, nous obtiendrions 280 000 réponses. C'est un énorme échantillon. Nous disposons de la marge de manoeuvre nécessaire pour effectuer un sondage à participation volontaire pour lequel nous savons que nous aurons moins de réponses, mais parce que nous partons d'un imposant échantillon — notre enquête porte sur toute la population — nous obtiendrons tout de même, selon moi, un résultat significatif.
J'ai peut-être mal entendu, mais je crois que M. Noreau a dit que nous ne devrions pas forcer les gens. Si c'est le cas, nous sommes tous d'accord. À ma connaissance, personne ne pense que nous ne devrions pas effectuer la cueillette de ces données. La question est de savoir jusqu'à quel point doit-on forcer la main des gens.
Merci.
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En fin de compte, pour ce qui est des écoles et du vieillissement de la population, je suis d'accord avec vous que nous devons le savoir, mais je tiens à souligner que la date de naissance et l'adresse sont inscrites sur le formulaire abrégé obligatoire que tout le monde doit remplir. Par conséquent, ce questionnaire nous donnera ces renseignements.
En ce qui concerne les fonds pour l'établissement et les autres points au sujet de l'immigration, nous saurons évidemment où sont installés les nouveaux Canadiens par l'entremise des statistiques dont dispose également CIC. Notre gouvernement a bien entendu augmenté de façon importante les fonds pour l'établissement au cours des quatre dernières années, comme l'un des témoins du précédent groupe l'a mentionné.
Votre groupe représente un important nombre de personnes que l'on considère issues de communautés vulnérables, ces mêmes communautés vulnérables dont j'ai entendu les membres de l'opposition dire qu'elles étaient moins susceptibles de répondre à un questionnaire à participation volontaire. Je présume qu'il serait logique de dire qu'elles seraient moins susceptibles également de remplir un questionnaire à participation obligatoire.
Il est moins probable que ces gens répondent à un recensement obligatoire. Il y a moins de chance qu'ils participent à ce genre d'enquêtes. Par conséquent, ils ont plus de chance de se voir menacer d'amendes, d'importantes amendes, en raison de leur refus de répondre à une question.
Donc, encore une fois, prenons l'exemple d'un membre d'une de ces communautés vulnérables, par exemple, un nouvel arrivant — parce que vous venez d'en parler — qui ne souhaite peut-être pas répondre à une question du gouvernement sur les tâches ménagères ou sur le temps qu'il passe avec ses enfants ou sur sa religion ou sur d'autres sujets du genre. Peu importe la raison qui le pousse à refuser de répondre, un recenseur se présentera chez lui deux ou trois fois pour lui demander sa réponse et ce nouveau Canadien lui dit respectueusement qu'il n'est pas à l'aise avec l'idée de répondre à cette question. Croyez-vous que cette personne qui ne souhaite pas répondre à une question sur sa religion — pour donner un exemple concret — devrait payer une amende de 500 $ ou se voir menacer d'une amende de 500 $?
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N'est-ce pas là le vrai problème?
En 2000, j'ai participé à ce qu'on a appelé le « recensement complet ». Je siégeais au conseil multiculturel de Windsor et du comté d'Essex. En ce qui concerne les Canadiens pour qui l'anglais est la langue seconde, nous avons constaté qu'ils souhaitaient en fait participer au recensement et aux autres programmes gouvernementaux, mais qu'ils avaient besoin, comme vous l'avez mentionné, des services d'un interprète pour les aider à remplir les formulaires.
Si la situation actuelle se maintient, 30 p. 100 des membres de votre communauté recevront le questionnaire du recensement. Il ne sera pas obligatoire de le remplir, mais ils le trouveront quand même dans leur boîte aux lettres. Croyez-vous qu'ils sauront vraiment qu'il ne sera plus obligatoire d'y répondre? Participeront-ils? Le jetteront-ils à la poubelle? Selon vous, qu'arrivera-t-il?
Actuellement, plus de gens recevront le recensement, à moins que la situation ne change.
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Merci, monsieur le président.
Madame Taillon, j'ai assurément été ravi de la façon dont vous avez abordé dans votre exposé les coûts et les conséquences de passer à une enquête à participation volontaire. Vous avez parlé de ce qui arriverait dans 10 ans lorsque les gouvernements municipaux, provinciaux ou fédéral et les organismes communautaires ne disposeraient plus des données fiables et de qualité qu'ils recueillaient grâce au questionnaire détaillé obligatoire. Selon moi, c'est important de le répéter: il s'agit de la seule manière d'obtenir ces renseignements précis.
Toutefois, je tiens à être constructif. M. McFarlane a dit accorder une grande valeur à sa vie privée. C'est mon cas également et je suis certain que c'est le vôtre aussi. Cependant, je suis le porte-parole en matière de questions scientifiques de mon parti et je sais que pour bien gouverner et pour établir de bonnes politiques, il me faut les données les plus précises possible.
Je me rends compte également d'un autre aspect que l'on appelle le « bien public ». Le bien public s'avère quelque chose qui vient me chercher et qui, selon moi, vient chercher la majorité des Canadiens. Par conséquent, je suis prêt à dévoiler une partie de moi-même. D'emblée, je ne crois pas être si important, mais je suis prêt à divulguer quelques renseignements personnels.
Comment pouvons-nous faire comprendre ce concept aux Canadiens? À mon avis, c'est le noeud du problème.
Comme bon nombre de témoins l'ont souligné ce matin, on le perçoit comme un coût individuel, au lieu de voir les importants bienfaits que cela apporte à la société. Donc, comment pouvons-nous faire passer ce message?
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Il s'agit d'une excellente question qui, selon moi, se trouve au coeur des préoccupations des Canadiens. La population doit comprendre ce que le recensement apporte concrètement, à quoi il sert.
Encore une fois, je crois que lorsque les gens le reçoivent, ils se disent:« Oh, je serais mieux d'y répondre », mais c'est très important qu'ils comprennent que leurs réponses influent sur les services qu'ils utilisent chaque jour. Donc, à mon avis, nous devrions effectuer un meilleur travail de communication et d'éducation auprès de la population.
Par contre, à l'hôpital, j'agissais, entre autres, à titre d'agente principale de la Protection des renseignements personnels. Nous avons mis en place une rigoureuse politique sur la protection des renseignements personnels pour protéger les renseignements sur la santé, qui sont, comme nous le savons tous, les données les plus personnelles. Je crois que les gens sont prêts à communiquer des renseignements aux organismes publics, et certainement au gouvernement, parce qu'ils ont confiance en leur gouvernement et ils ont confiance que leur gouvernement a pris les moyens nécessaires et qu'il dispose des outils adéquats pour protéger leur vie privée. Ils n'en comprennent pas toutes les subtilités, mais ils savent que dans une certaine mesure ils en retireront des bénéfices.
À l'hôpital, c'est ainsi que nous en parlions aux patients. Nous disposions d'une stratégie de communication complète portant sur l'utilisation de leurs renseignements, sur leur entreposage, sur la garantie que les données seront anonymes et sur les avantages qu'ils pourront en fait en tirer — parce que s'il n'y en avait pas, pourquoi procéderions-nous à cette collecte de données?
Je crois donc que vous avez absolument raison. Il faut améliorer notre stratégie de communication auprès des Canadiens.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être venus en ce bel après-midi nous éclairer de vos connaissances.
Monsieur le président, j'aimerais d'emblée traiter d'un point. M. Masse a demandé au témoin le nombre de membres de sa communauté qui ont réellement reçu des amendes. À mon avis, cela s'avère une question très irréaliste à poser au témoin, parce qu'il est impossible qu'il le sache à moins que la protection de la vie privée à Statistique Canada soit défaillante et qu'on lui aurait en fait dévoilé à tort ces données.
Par contre, ce qui pourrait arriver — et c'est en fait un bon exemple — c'est qu'une personne le lui dise. Par exemple, alors qu'il boit un café avec un voisin, cette personne pourrait lui avouer avoir reçu un appel menaçant. Quelques agriculteurs m'ont affirmé avoir reçu un appel menaçant de la part de Statistique Canada en plein coeur de la saison des récoltes. Ils ont donc obtempéré, mais à reculons.
Essentiellement, le témoin n'a pas d'autres moyens de le savoir. Par conséquent, je ne crois pas que c'était une question appropriée.
Monsieur McFarlane, vous avez entendu beaucoup de propos. Je sais que vous êtes à Victoria et que cela doit être un peu frustrant d'être par vidéoconférence. Vous préféreriez probablement être ici en plein coeur de l'action.
Encore une fois, il s'agit de trouver un juste équilibre entre les raisons qui justifient une peine d'emprisonnement ou une amende et la collecte de données.
Brian, je vais ajouter un chien au scénario de la mère chef de famille monoparentale, parce que je sais que tu y tiens.
Prenons l'exemple d'une mère chef de famille monoparentale qui s'occupe de trois enfants qui vit au seuil de la pauvreté et qui possède un chien — parce que le NPD se soucie des chiens. Lorsqu'on lui demande le nombre de chambres à coucher chez elle, est-il approprié de lui permettre de s'abstenir d'y répondre ou devrait-on lui imposer une amende de 500 $ ou faire planer une peine d'emprisonnement au-dessus de sa tête?
Admettons que le scénario met en scène une personne âgée de 85 ans qui a des troubles auditifs. Est-il juste de le lui demander?
Qu'en pensez-vous?
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Selon moi, le noeud du débat consiste à trouver un équilibre entre l'importance des données et les mesures que nous sommes prêts à prendre pour les obtenir.
Je m'excuse de ne pas être avec vous. Si je pouvais prendre l'avion, je serais ravi d'être là. Dans le débat, j'ai l'impression que lorsque cette question est abordée directement, on remarque que certains l'éludent. Je soupçonne que cela indique qu'ils font la sourde oreille de façon à essayer de continuer la discussion sur l'importance des données et qu'ils sont évidemment mal à l'aise avec l'idée d'aborder le niveau de contrainte nécessaire pour les obtenir.
Par exemple, M. Garneau a dit souhaiter que le gouvernement dispose des renseignements les plus précis possible lorsqu'il prend une décision. Dans le domaine de la santé, les données les plus précises, la crème de la crème, si vous préférez, se trouvent dans les dossiers personnels de santé: le mien, le vôtre, le sien. Étant donné que ces renseignements sont d'une valeur inestimable, sommes-nous en train de suggérer que cela légitime l'État à me contraindre de les lui remettre?
Nous n'agissons pas ainsi dans le domaine de la santé. Nous utilisons un document appelé un « consentement éclairé » dans lequel nous faisons ce dont j'ai énormément entendu parler aujourd'hui. Nous rencontrons les patients et nous leur expliquons son importance. Par exemple, le médecin pourrait s'asseoir avec son patient et lui parler de différents problèmes de santé publique dont nous avons entendu parler: le sida, le SRAS ou les problèmes de santé associés aux gens à faible revenu. À la suite de cette discussion, un très grand nombre de patients consentent à communiquer leurs renseignements. Ce sont nos conclusions. Toutefois, si vous appuyez le baril d'un pistolet sur sa tempe et que vous lui dites que vous les prendrez de gré ou de force, un malaise s'installe et pas seulement dans le domaine de la santé. Selon moi, on se trouve en présence d'un dilemme éthique.
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Encore une fois, vous avez fait un excellent travail pour ce qui est d'éduquer les clients — ou dans ce cas, les patients—, en leur expliquant pourquoi c'était important. Ils vous ont ensuite transmis volontairement les données, pas toujours, comme vous l'avez dit, mais la plupart du temps.
C'est ce que je ne comprends pas, parce que pour qu'il y ait une obligation, il doit y avoir une sanction. Ce sera une amende, une peine d'emprisonnement, peu importe. Il faut un moyen de pression pour forcer les gens à répondre au questionnaire. Si c'est volontaire, c'est volontaire.
Je reviens donc à la question de la collecte des données. Si quelqu'un me menace avec un bâton ou un revolver, je me dirai: « Que puis-je faire ou dire pour me débarrasser de cela le plus rapidement possible? », ce qui dénote la qualité des renseignements que je donnerai. Par contre, si l'information est transmise volontairement, elle sera probablement plus exacte dans bien des cas, parce qu'il n'y a pas de recours à la force.
Personne ne me menace. Je le fais parce que je suis fier d'être Canadien, et je comprends les conséquences de ces données. Je comprends qu'elles auront une incidence sur l'emplacement de mon hôpital. Elles peuvent avoir une incidence sur l'emplacement des écoles, sur la résidence pour personnes âgées qui hébergera mes parents. Si je comprends tout cela, je vais remplir le questionnaire.
La question qui se pose donc à nous est la suivante: devons-nous utiliser la force pour obtenir ces données? Certains disent oui; d'autres disent non.
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Merci, monsieur le président.
Depuis ce matin, les députés conservateurs nous parlent sans arrêt des peines et des amendes, mais ils nous disent en même temps que le formulaire court de recensement est tout de même obligatoire. Il y a donc encore des amendes, mais les citoyens n'iront pas en prison. Je crois que tout le monde est d'accord pour laisser tomber les peines d'emprisonnement. C'est aussi simple que ça. Malgré tout, les conservateurs remettent sans cesse sur le tapis les peines et les amendes. Or, il va automatiquement y avoir des amendes reliées au formulaire que tout le monde va avoir, soit le formulaire court, étant donné qu'il est obligatoire. C'est un très mauvais discours. C'est décevant de voir se répéter depuis ce matin ce que j'appellerais de la malhonnêteté intellectuelle.
Aujourd'hui, un représentant de la communauté chinoise était présent lors de chacune des étapes. Il est évident que tout le monde ne veut pas de formulaire obligatoire et qu'en plus, ces gens ne répondront jamais à celui qui est facultatif. On nous a mentionné plus tôt que dans le cas où la réponse au questionnaire était facultative, il y avait une cassure, un bris de la chaîne historique des données. Le questionnaire facultatif n'est donc pas fiable. Puis, vous nous avez mentionné que les statistiques du recensement nourrissaient les chercheurs dans plusieurs sphères de recherche.
Maintenant, je comprends mieux l'attitude du gouvernement, du Parti conservateur. On se souviendra que les subventions de recherche destinées aux universités, dans le domaine des sciences humaines et sociales, ont subi des réductions importantes, de façon à orienter les fonds vers des recherches et des programmes qui génèrent de l'argent. Vous vous en souvenez très bien. Je crois qu'on fait face à la vraie nature du gouvernement conservateur, qui veut à toute fin pratique renier sa responsabilité sur le plan des sciences humaines, des sciences sociales et même de la pauvreté. C'est aussi clair que ça. Étant donné que vous, les chercheurs, aurez réalisé des recherches à partir de données non fiables, le gouvernement va douter de la fiabilité de ces recherches et va couper vos subventions de recherche. Je pense que c'est devenu clair. Remarquez qu'il pourrait être très pratique, dans l'optique d'une certaine idéologie politique, de nier l'existence de la pauvreté grâce à des statistiques incomplètes, et de justifier du même coup son inaction à cet égard.
Je ne sais pas si vous percevez les choses de cette façon, mais je crois vraiment que quelque chose ne tourne pas rond. Il est faux de dire tout simplement qu'on met les gens en prison. C'est faux. Ça ne s'est jamais produit. En outre, il y a un consensus voulant qu'on retire ces dispositions de la loi. Par contre, il y a des amendes associées au questionnaire court obligatoire, et cela, M. Lake ne l'a jamais dit.
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Je peux peut-être intervenir. Je ne suis pas ici pour faire le procès du gouvernement. Vous avez vos propres débats, et c'est bien, mais pour notre part, nous essayons surtout de voir ce qu'il est possible de faire dans une société donnée pour obtenir de l'information juste sur cette même société. Je crois qu'il y a autour de la table un certain consensus sur cette nécessité. La difficulté est, comme on le sait très bien, que le taux de réponse d'un questionnaire complètement facultatif serait d'environ 30 p. 100 ou 35 p. 100. Par conséquent, la fiabilité du questionnaire, en fait du recensement, deviendrait extrêmement fragile. Or moins les résultats du sondage ou de l'enquête seront fiables, moins les gens voudront y participer.
En fait, à partir du moment où l'on va décider de rendre le questionnaire facultatif, un processus va s'enclencher et faire en sorte que les gens vont de moins en moins vouloir le remplir. Ils vont se demander, étant donné que les données ne seront pas fiables, pourquoi ils devraient se donner la peine de répondre au questionnaire. On crée de cette façon un mouvement de désaffection chez les citoyens. Ce mouvement, il est connu. Il a été étudié en Suède et en Grande-Bretagne. Il s'agit de deux pays où on a modifié les règles du jeu en cours de route. Aujourd'hui, il est très difficile de recréer la crédibilité des recensements britannique et suédois à cause du désintérêt que les citoyens éprouvent maintenant à l'égard du recensement. C'est ce processus qu'il faut éviter.
La question que vous avez posée tout à l'heure est tout à fait opportune. Il est certain que dans une population très restreinte, on peut inciter les gens, de façon personnalisée, à répondre à un questionnaire ou à une enquête. Si je comprends bien, c'est ce qui est arrivé dans votre cas, soit dans le domaine de la santé publique. Par contre, dans le cas d'une population aussi importante que celle du Canada — et ça s'appliquerait aussi à celle du Québec, notamment —, on ne pourrait pas travailler dans la même perspective. On ne pourrait pas appliquer une approche individuelle et inciter personnellement tous les gens à répondre positivement aux questions. Ça nécessite un autre système, un autre encadrement. C'est la raison pour laquelle le système de l'obligation s'est imposé. Avec une perspective qui est positive, on n'a pas les mêmes moyens. Ça ne doit pas être exclu, cependant.
Cela étant dit, je crois que pour les populations vulnérables, les personnes âgées — on parlait plus tôt de la communauté chinoise —, il serait indiqué de réfléchir à des besoins particuliers. Il s'agirait de soutenir ces gens pour qu'ils répondent au formulaire. Il faut qu'il y ait des incitatifs positifs, qu'on offre du soutien aux populations qu'on veut rejoindre mais qui ne sont pas incitées à répondre au questionnaire en temps normal ou qui ne se sentent pas obligées de le faire. On augmenterait alors la qualité de la mesure. Ça ne devrait pas empêcher qu'un cadre général assure que les données du recensement sont claires et, par conséquent, que le questionnaire est obligatoire. Une chose n'exclut pas l'autre.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous d'être venus ici aujourd'hui.
Si certains parmi nous ont l'air un peu fatigués, sachez que nous avons tous fait la même chose que vous et avons pris l'avion très tard ou très tôt, et que nos cerveaux ne fonctionnent peut-être pas aussi bien que celui de certaines autres personnes.
J'aimerais remercier mes collègues d'avoir posé de bonnes questions, parce qu'elles nous éclairent tous.
Comme je l'ai dit précédemment, il s'agit de savoir si ce questionnaire doit être à caractère volontaire ou obligatoire, parce que c'est là la seule question. M. Masse ne cesse de parler du nombre de personnes qui ont été emprisonnées et du nombre de personnes qui ont été mises à l'amende. Eh bien, si personne n'est allé en prison et si personne n'a payé d'amende, alors le questionnaire est déjà volontaire. Alors merci beaucoup.
Vous avez dit que les gens sont bien disposés à transmettre des renseignements au gouvernement. Ils font peut-être davantage confiance à leur gouvernement avec cela, alors ils sont prêts à répondre. M. Cardin et d'autres de mes collègues ont posé des questions et ont fait valoir que l'éducation est peut-être déficiente. Il faut d'autant plus dire aux gens que c'est un exercice très important.
C'est là une autre chose que l'on accomplit avec la réunion du comité et le débat public qui est lancé. Il se trouve que je suis d'accord pour dire qu'on en fait bien peu de cas dans les régions rurales, mais au moins on en parle et, pour moi, cela contribue à la position que je vais prendre. Je crois que le questionnaire peut être à caractère volontaire si nous posons les bonnes questions et que nous aidons les gens à y répondre.
M. Masse a dit qu'il avait participé au recensement complet et que c'était très bien, mais lorsqu'on a touché à certains aspects culturels — et je me suis occupé de certaines choses comme celles-là auparavant —, il a vraiment fallu donner des explications. Il a fallu expliquer pourquoi c'était important. Lorsque nous l'avons fait et avons offert un peu d'aide, tout s'est bien déroulé, au-delà de toute attente.
L'autre chose que nous pouvons dire, c'est que les groupes d'intérêt — je n'aime pas utiliser cette expression, mais les groupes qui peuvent le plus bénéficier des importantes données statistiques qui existent — savent très bien que ces données doivent être recueillies. Je dois vous dire ceci: j'ai bien l'impression que cette éducation a aussi été faite et que, si demain 3 millions de questionnaires à caractère volontaire étaient distribués, un grand nombre de groupes comme le vôtre, et comme celui de M. Zhong également, inciteraient fortement les gens qu'ils représentent à remplir le questionnaire; ils veilleraient à ce qu'ils le fassent et leur offriraient de l'aide à cette fin.
Est-ce que je me trompe? Est-ce faux de dire cela? N'est-ce pas ce qui arriverait?
Madame Taillon.
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Dans le cadre du recensement de 2001 — et tout était obligatoire à cette époque, j'imagine —, 20 000 Canadiens se sont identifiés comme des Jedi dans le formulaire abrégé obligatoire. À la question leur demandant quelle était leur religion, ils ont répondu qu'ils appuyaient la religion Jedi. Autrement dit, ils avaient vu trop de films de la saga de la Guerre des étoiles.
L'idée voulant que l'on peut obtenir une information exacte en imposant une obligation n'a aucun fondement dans la littérature, à ma connaissance. Ce que vous pouvez garantir, c'est d'obtenir une réponse. Vous mettez un revolver sur la tempe de quelqu'un, et cette personne va vous dire quelque chose. C'est pratiquement le même argument que pour la torture par l'eau. Si vous soumettez un nombre suffisant de personnes à cette torture, elles vous diront quelque chose. Or, la question est de savoir si elles vous donnent une information fiable et pertinente et dans quelle mesure vous leur avez fait perdre confiance dans le gouvernement, en particulier si l'information que vous demandez se rapproche de ce qu'elles perçoivent comme étant du domaine privé.
Je ne crois pas que ce soit incohérent d'imposer des amendes, et même des peines d'emprisonnement, lorsque l'information est fondamentale et lorsqu'il est clair pour nous tous qu'il n'y a pas atteinte à la vie privée. Il faut savoir où vivent les gens, quelle langue ils parlent, quelle est leur adresse et combien d'enfants ils ont, et ces renseignements sont du domaine public. Si quelqu'un refuse de donner cette information, je crois qu'il démontre un certain mépris envers la société, qui justifie certaines mesures supplémentaires.
Toutefois, si vous voulez savoir si une personne a une maladie mentale, comment elle élève ses enfants, combien d'argent elle a dans son compte de banque ou quelles seront les prestations de retraite que son emploi lui aura values, et que celui qui pose la question est vraisemblablement un bénévole sorti de nulle part, je crois que bien des gens auront le sentiment qu'on porte atteinte à leur vie privée et qu'ils vont fausser les résultats et contourner la question.
Ce qui fait consensus ici, c'est que cette information, que l'on obtient dans le formulaire détaillé ainsi que dans le formulaire abrégé, est très importante et que, au bout du compte, il faut trouver une façon d'obtenir une information exacte sans brandir une menace qui détruit la relation de confiance entre le gouvernement et les citoyens.
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Oui, et ça va répondre à des questions qui ont été posées.
Je crois qu'il ne faut pas être naïf: les enquêtes issues du cadre ordinaire de la recherche génèrent des taux de réponse qui se situent autour de 30 p. 100. Si vous utilisez des formulaires électroniques, la poste, etc., le taux de réponse pour toutes ces enquêtes est d'environ 30 p. 100. En fait il est généralement inférieur à 30 p. 100.
Si on veut des données précises, il faut qu'un nombre suffisant de répondants soient mis à contribution. Il ne faut pas être naïf. On parle ici de la disponibilité des gens dans le cadre de leur vie quotidienne. Ça n'a rien à voir avec leur patriotisme. Il s'agit des occupations normales à l'intérieur d'une vie normale. Dans le cours d'une vie normale, si on a 36 choses à faire pendant la journée, que celle-là s'ajoute et qu'elle est facultative, il est tout à fait certain que c'est elle qu'on va écarter. Les données ne seront donc plus fiables. C'est une question très simple. Il ne faut pas faire d'angélisme et se dire simplement qu'en donnant des explications aux gens, on va faire en sorte qu'ils soient plus disposés à répondre au questionnaire. Les choses ne fonctionnent pas de cette façon. Par contre, on doit aider les personnes qui ont des difficultés sur le plan de la langue, par exemple les personnes analphabètes. Il doit y avoir une possibilité d'accompagnement pour les gens qui ont de la difficulté à répondre au questionnaire. En revanche, de façon générale, il ne faut pas croire qu'un questionnaire entièrement facultatif générerait un taux de réponse satisfaisant. C'est faux. Le taux de réponse serait d'environ 30 p. 100, et il est clair que nous n'atteindrions pas nos objectifs.
Enfin, ce n'est pas tant le nombre de renseignements que leur précision qui constitue une lacune. Est-ce qu'on perdrait des services? Les mêmes services existeraient peut-être, mais ils ne seraient pas nécessairement adaptés aux besoins. C'est pour que les politiques soient précises qu'on a besoin de données précises. Plus le taux de participation est important, plus les données sont précises. C'est aussi simple que ça. C'est mathématique.
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Il y a un certain nombre de quartiers dans ma communauté où vivent beaucoup de personnes âgées qui disposent de nombreuses salles de bain, mais qui n'utilisent pas le réseau d'aqueduc autant que d'autres secteurs.
Nous parlons d'exactitude. À mon avis, c'était une belle allocution, mais il faut être exact dans ce que nous faisons.
Vous avez soulevé un autre aspect très intéressant, mais vous n'avez pas terminé votre raisonnement et j'aimerais vous entendre à ce sujet.
Vous avez dit à l'un de mes collègues, je crois, que lorsque le questionnaire est envoyé par la poste, vous n'êtes pas absolument certaine, d'après les discussions que vous avez eues cet été, que quand les gens constatent que cet envoi vient du gouvernement du Canada et qu'il leur faudra de 25 à 40 minutes pour remplir le formulaire de 4, 5 ou 40 pages, ou peu importe le nombre, ils comprennent qu'ils s'exposent à des peines s'ils ne le remplissent pas. Ce sont des citoyens et ils comprennent que c'est une responsabilité. Le gouvernement a demandé ce formulaire et ils vont lui donner. Ce formulaire est envoyé à Statistique Canada, et non au Parti conservateur, au Parti libéral ou au NPD. Il est envoyé à Statistique Canada, en qui ils ont confiance.
Les gens avec qui vous vous êtes entretenue ont-ils dit qu'ils savaient qu'il y avait des sanctions rattachées à cela?
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Je ne sens pas le besoin de défendre mes propos par rapport à ceux de la représentante de la B.C. Civil Liberties Association. Je pense que l'on évalue un argument en fonction de ses forces.
Comme M. Noreau l'a dit, un taux de réponse de 30 p. 100 ne serait pas suffisant. Un grand nombre d'études — j'en ai quelques-unes devant moi — indiquent que les taux de réponse se situant aux environs de 20 p. 100 sont parfaitement raisonnables. Le problème ici n'est pas la taille de l'enquête, mais la façon dont elle est effectuée.
Je crois que vous avez raison de dire que l'on doit s'assurer que certains groupes minoritaires répondent à l'enquête. Autrement dit, l'une des difficultés concernant la diminution du taux de réponse, c'est de constater une diminution de la participation de certains groupes connus pour ne pas répondre selon le même taux — les démunis, certains groupes ethniques, les autochtones, bien entendu, et ainsi de suite.
Par conséquent, il est nécessaire de proposer un outil d'enquête particulièrement adapté à ces groupes minoritaires. À ma connaissance, aucune étude ne démontre que la meilleure façon de faire participer les minorités est de les menacer.
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Si vous permettez, je vais continuer avec M. Noreau.
Je reviens à l'exemple que j'ai donné. Je vous lis encore la question:
La semaine dernière, combien d’heures cette personne a-t-elle consacrées aux activités suivantes: [...]
b) à s’occuper de ses enfants ou des enfants des autres, sans paye ou sans salaire?
Par exemple, donner le bain à de jeunes enfants ou jouer avec eux, conduire les enfants à leurs activités sportives ou les aider à faire leurs devoirs, parler avec les adolescents de leurs problèmes, etc. [...]
C'est une question qui a l'air bien. Je pense que la plupart des gens y répondent sans détour. Mais d'autres personnes se disent: « Je n'ai pas envie de fournir cette information à l'État. Je ne crois pas que je devrais. » Alors, le recenseur revient une autre fois, puisque la personne a refusé la première fois et que le manuel demande aux recenseurs d'essayer deux fois. Si la personne refuse encore une fois de répondre, le recenseur doit remplir un formulaire attestant que la personne a bel et bien refusé de répondre, formulaire que j'ai décrit tout à l'heure.
Je ne sais pas si vous m'avez entendu lire ce qui est inscrit au début du formulaire à remplir lorsqu'une personne refuse totalement de répondre au questionnaire. Le ton contraste avec la nature plutôt légère et superficielle de la question. Il est indiqué que les renseignements inscrits par le recenseur, dans ce formulaire, peuvent être utilisés dans une poursuite judiciaire et que, par conséquent, ils doivent être exacts et complets.
Alors, le même recenseur qui, plus tôt, essayait de convaincre la personne de s'acquitter de son devoir de citoyen en répondant à la question, et qui s'est vu signifier respectueusement un refus par cette personne, se met à remplir la section prévue pour décrire la personne: âge, sexe, grandeur, poids et autres détails physiques comme la pilosité du visage, les tatouages, les lunettes, les taches de naissance, et les vêtements particuliers.
Cela vous paraît-il raisonnable? À mes yeux, c'est plutôt excessif. Est-il raisonnable de traiter ainsi une personne qui ne veut tout simplement pas dire à l'État combien de temps elle passe à discuter avec les adolescents de sa famille des problèmes qu'ils peuvent avoir?
J'imagine que ça leur fait un problème de plus pour leurs discussions familiales.
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La question montre que plusieurs problèmes sont liés a la discussion qu'on tient présentement. En définitive, on veut déterminer si le recensement doit donner une mesure précise de la réalité de la population canadienne et comment y arriver. C'est la question qui est posée.
Si on aborde les questions incluses dans le recensement, on parle alors de contenu. Est-ce qu'il faudrait poser cette question ou en poser une autre? Selon moi, il faut constamment poser cette question. Est-ce de cette donnée-ci ou plutôt d'une autre donnée dont on a besoin? Dans ce cas, on traite du contenu des questions. Or je ne suis pas certain que ce soit ce qui est en jeu, ici. Je crois que la question en jeu consiste à savoir comment nous pourrons obtenir une mesure précise de la réalité de notre société. C'est ça, la question. Pour ce qui est de la question secondaire, il s'agit de savoir de quelle façon on pourra y arriver, que ce soit en obligeant les gens à remplir le formulaire long ou en rendant le questionnaire facultatif. En matière de pratique générale de la recherche, on sait très bien que s'il est facultatif, le taux de réponse dans certaines couches de la population ne sera pas suffisant pour savoir quelle est la réalité de ces sous-populations. Il s'agit justement des plus vulnérables. Leur réalité devrait être connue par le gouvernement.
Il faut donc toujours revenir aux objectifs. Autrement, on pourrait reprendre le questionnaire long et se demander, pour chacune des questions, si elle devrait être posée. Je suis tout à fait certain que Statistique Canada fait ce travail et qu'il ne le fait pas seul. Je suis convaincu qu'il réunit des experts, dans un ensemble de domaines, de façon à déterminer quelles questions il est vraiment nécessaire de poser. Si vous considérez que certaines questions pourraient être modifiées ou que d'autres variables sont nécessaires, je crois que le signaler à Statistique Canada relève de vos fonctions, en tant que gouvernement. En revanche, ça n'a rien à voir avec le fait que la mesure doit être précise et qu'il n'y a pas 36 façons d'y arriver.
Il y a une autre question, et elle est d'ordre méthodologique...
Excusez-moi. Vous êtes ici chez vous.
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C'est redirigé. J'ai une observation à faire plutôt qu'une question à poser.
Nous ne sommes pas en présence d'une épidémie de crimes non signalés. Le pays n'est pas secoué par une vague de crimes commis lors recensement. En fait, le ministre aurait pu apporter les modifications nécessaires il y a longtemps, et tout le monde s'entend effectivement pour dire qu'il n'est pas nécessaire de prévoir des peines d'emprisonnement. Le coeur de la question se trouve dans la politique actuelle du premier ministre, du Cabinet et de l'administration fédérale. Cette politique existe aujourd'hui même. Nous ne pouvons pas faire semblant qu'elle n'existe pas. Des modifications auraient pu être apportées avant que ne commence le présent débat.
Dans le témoignage dont j'ai parlé tout à l'heure, le ministre a dit bien franchement qu'il travaillait sur ce dossier depuis des mois, avec les fonctionnaires. Alors, je crois que c'est important.
Je ne voudrais pas que les Canadiens s'imaginent que toutes sortes de problèmes existent au sujet du recensement et de la communication de l'information.
Alors, je vais terminer en vous disant que le présent débat dure depuis assez longtemps. Je crois qu'il importe de souligner encore une fois que c'est le gouvernement lui-même qui établit cette politique au sujet des amendes et des autres sanctions. Le gouvernement ne nous a présenté aucun projet de loi pour éliminer les sanctions. À moins que nous puissions nous entendre pour définir la partie facultative et la partie obligatoire, l'éventuel projet de loi devra être adopté avant que le questionnaire du recensement ne soit envoyé. Il sera intéressant de voir si le gouvernement a l'intention d'agir avant d'imprimer les questionnaires du recensement.
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Merci, monsieur le président.
J'écoute ce qui se dit, et il y a des choses qui me dérangent un peu.
En ce qui concerne les critiques de M. Lake, au sujet des questions qui devraient être obligatoires ou non, dans le questionnaire détaillé, comme les questions sur le nombre d'heures passées, au cours des derniers jours ou de la dernière semaine, à aider des membres de la famille, enfants ou parents, je dois dire que l'utilité de ces questions me semble évidente pour les autorités publiques, qu'il s'agisse de l'État fédéral, des provinces ou même des municipalités. L'information ainsi recueillie est nécessaire pour définir judicieusement les politiques publiques.
D'ailleurs, le Cabinet est d'accord sur ce constat puisqu'il a conservé ces questions dans le questionnaire détaillé qui sera envoyé et auquel les gens pourront répondre s'ils le souhaitent.
Il y a deux ou trois autres questions sur lesquelles nous sommes passés trop rapidement. L'une d'entre elles est la qualité et l'exactitude de l'information. Selon les témoignages que nous avons entendus, il est clair que les données recueillies au moyen d'une enquête à participation volontaire ne peuvent pas être aussi exactes que celles que l'on recueille au moyen du recensement. Or, si l'on s'appuie sur de l'information moins exacte pour définir les politiques publiques, on doit s'attendre à ce que ces politiques soient moins pertinentes, moins bien adaptées et moins efficaces. Qu'on préfère de l'information moins exacte me paraît stupéfiant.
Nous avons entendu toutes sortes d'arguments au cours du présent débat, et le gouvernement devrait se féliciter. Il a réussi à faire l'unanimité, je crois. Tous les partis conviennent qu'il faut éliminer la menace d'une peine d'emprisonnement. Personne n'a jamais été mis en prison, et nous n'avons pas l'intention d'avoir recours à une telle sanction. Alors, débarrassons-nous-en. Ce sera une amélioration des politiques publiques, dans l'intérêt général.
C'est la raison qui nous a été donnée à l'origine par le gouvernement lorsqu'il a dit vouloir se débarrasser du questionnaire détaillé obligatoire. Le gouvernement a déclaré que l'idée de menacer les gens d'une peine d'emprisonnement lui répugnait. Nous sommes tous d'accord pour faire disparaître cette peine.
Cependant, un désaccord fondamental nous sépare quant à la nature de l'information pouvant être recueillie avec un questionnaire facultatif. Les experts que nous avons entendus aujourd'hui et dans les réunions précédentes conviennent que la marge d'erreur sera plus grande si nous optons pour cette méthode de collecte d'information. Je me souviens très clairement d'avoir entendu à ce sujet le point de vue de Don Drummond, qui fait partie du comité consultatif de Statistique Canada et qui y a été nommé par le gouvernement. Il nous a dit que, s'il fallait faire ce choix, nous en aurions pour 20 ans à reconstituer les données repères que tout le monde utilise, que ce soit Statistique Canada ou quelqu'un d'autre parmi la multitude de groupes d'intérêt du secteur privé et du secteur public qui effectuent des enquêtes.
Bref, voilà la nature de la bête que nous sommes en train de considérer. Je suis renversé de voir que le gouvernement ne semble pas disposé à voir le consensus qui se dessine parmi les témoins entendus par notre comité. Ces témoins, qui représentent tous les ordres de gouvernement et toute la sphère des spécialistes de la question, viennent de nous dire qu'une erreur a été commise et que, si nous voulons bien la corriger, ils sont prêts à nous aider.