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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 039 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 21 octobre 2010

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à la 39e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
    Une chose que je devrais souligner, particulièrement aux visiteurs — je pense que la plupart des membres réguliers s'y sont habitués —, vous constaterez qu'il y a deux horloges qui indiquent des heures différentes. Nous allons utiliser celle-ci, dont l'heure correspond davantage à l'heure de la Colline qui est affichée sur nos BlackBerry. Donc, au cas où vous vous poseriez la question, nous sommes à l'heure.
    L'heure du BlackBerry est la bonne, monsieur le président.
    Des voix: Oh, oh!
    Tout à fait, je suis d'accord, et c'est pourquoi nous l'utilisons. Merci de cette intervention, monsieur Braid.
    J'aimerais maintenant présenter nos témoins d'aujourd'hui. Devant nous, nous avons Richard Elliott, qui est le directeur général du Réseau juridique canadien VIH/sida. Bienvenue, monsieur Elliot.
    Nous avons aussi M. Don Kilby, qui est le président et fondateur de l'Alliance de santé communautaire Canada-Afrique.
    Si j'ai bien compris, vous avez tous les deux une déclaration préliminaire. Est-ce exact?
    Monsieur Elliot, nous allons passer à votre déclaration préliminaire en premier, suivie de celle de M. Kilby, puis nous passerons à nos traditionnelles séries de questions.
    Monsieur Elliot, commencez, je vous prie.
    Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de me fournir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je voudrais aussi remercier le comité d'avoir entrepris l'étude de ce projet de loi, parce que je sais que cela a été quelque peu remis en question.
    J'aimerais attirer votre attention sur la documentation que nous avons fournie. Vous trouverez un exemplaire de notre mémoire. Je pense qu'il vous a déjà été remis. Je vais y revenir au cours de ma déclaration et j'espère que cela va répondre à beaucoup de vos questions auxquelles j'espère répondre au cours des deux prochaines heures.
    À titre de présentation, je suis un avocat qui travaille sur des questions juridiques liées au VIH depuis 18 ans. Au cours des neuf dernières années, j'ai travaillé activement sur les questions de droit international, y compris la loi relative à l'OMC, d'accès aux médicaments, dont des études supérieures sur ce sujet.
    Il s'agit aussi pour moi d'une question de nature personnelle et non seulement intellectuelle. Je suis né en Afrique et j'y ai passé une partie importante de ma vie. J'ai travaillé pendant de nombreuses années en Afrique en partenariat avec des organismes qui luttent contre la crise mondiale du sida.
    L'organisme pour lequel je travaille, le Réseau juridique canadien VIH/sida, s'occupe de cette question depuis maintenant neuf ans, depuis l'époque où les membres de l'Organisation mondiale du commerce ont adopté une déclaration dans laquelle ils reconnaissaient qu'ils devaient faire quelque chose au sujet du fait que les brevets sont un obstacle à l'accès à des médicaments à prix abordables pour les pays en développement, depuis l'époque des discussions qui ont abouti à la rédaction du Régime canadien d'accès aux médicaments — adopté à l'unanimité par le Parlement en 2004 —, depuis l'époque où l'on organisait des consultations internationales avec des spécialistes du monde entier pour discuter d'approvisionnement pharmaceutique et de droit de la propriété intellectuelle, jusqu'à une consultation qui a eu lieu plus tôt cette année dans le cadre du programme des Nations Unies pour le développement. Cette consultation a donné lieu à des analyses qui vous seront fournies à titre de mémoire supplémentaire et qui traitent de la question qui consiste à savoir si les modifications au projet de loi C-393 sont conformes aux obligations du Canada en vertu de son statut de membre de l'Organisation mondiale du commerce.
    Il s'agit d'une question que nous connaissons plutôt bien. En l'occurrence, il n'est peut-être pas surprenant de constater que le mémoire que nous vous avons remis compte quelque 50 pages. Cependant, j'espère qu'il vous sera utile, et j'aimerais particulièrement attirer votre attention sur l'annexe, parce que je pense que ce sera un document qui vous sera particulièrement utile.
    Comme vous le savez après avoir lu le projet de loi C-393, il contient un certain nombre de modifications à deux lois existantes, soit la Loi sur les brevets et la Loi sur les aliments et drogues. Bien entendu, il est difficile d'avoir une bonne idée des effets du projet de loi à moins de tenir compte de tous les changements que le projet de loi apporterait aux dispositions législatives existantes. Pour simplifier les choses, nous l'avons fait pour vous. Dans l'annexe de notre mémoire, vous trouverez les articles pertinents de la Loi sur les brevets qui portent sur la création du Régime canadien d'accès aux médicaments et les dispositions pertinentes de la Loi sur les aliments et drogues. Nous avons souligné dans le texte de loi existant les ajouts et les radiations proposés dans le projet de loi C-393 de sorte qu'on puisse le lire en entier et voir à quoi ressemblerait le texte de loi si on devait y inclure les modifications proposées. Je trouve que c'est beaucoup plus facile de discuter quand on peut réellement voir la question de façon globale plutôt que de façon isolée.
    J'aimerais aborder quatre sujets au cours de ma déclaration préliminaire d'aujourd'hui, si vous me le permettez. J'aimerais vous dire ce que le Régime canadien d'accès aux médicaments — le RCAM — devrait permettre, mais je ne m'y attarderai pas trop, parce que vous le savez déjà. J'aimerais vous dire ce que le RCAM a réellement permis de faire, mais ce ne sera pas trop long, parce que la réponse est «  bien peu de choses ». J'aimerais vous parler des effets du projet de loi C-393 et j'aimerais vous parler de ce qu'il ne permettrait pas, parce que bon nombre de faussetés circulent, dont celles véhiculées par les représentants du gouvernement au cours de votre réunion de jeudi dernier, qui affirmaient toutes sortes de choses sur les effets présumés du projet de loi C-393, ce qui, en fait, est inexact. Si vous le permettez, je vais vous parler de ces quatre points.
    Brièvement, qu'est-ce que le RCAM — le Régime canadien d'accès aux médicaments — devrait permettre? L'objectif fondamental du RCAM — qui s'inspire des discussions au sein de l'Organisation mondiale du commerce qui ont précédé sa création  — est d'aider les pays en développement à recourir de manière efficace aux licences obligatoires. Il s'agit de la terminologie négociée par les membres de l'OMC, dont le Canada. Les pays doivent recourir de manière efficace aux licences obligatoires pour répondre aux problèmes de santé publique en se procurant des médicaments à moindre coût.
    L'objectif, tel que l'ont affirmé les membres de l'OMC, est de promouvoir l'accès aux médicaments pour tous. Cela découle des discussions qui ont eu lieu au sein de l'OMC en 2001, il y a neuf ans, au cours desquelles les membres de l'OMC, y compris le Canada, ont explicitement reconnu que les brevets sont un obstacle — pas le seul, mais il s'agit bien d'un obstacle, important de surcroît — à ce que des médicaments à prix abordables soient fournis aux patients des pays en développement.
(1105)
    Très précisément, une des choses qu'ont reconnues les membres de l'OMC, c'était que lorsque des mesures de protection sont en place dans des pays comme le Canada — qui a la capacité de fabriquer des médicaments génériques et de les fournir aux pays en développement qui n'ont pas cette capacité —, un mécanisme qui permet des exceptions est nécessaire, sans quoi le fabriquant de médicaments génériques qui fabrique et exporte ces médicaments pourrait être poursuivi pour contrefaçon de brevet. Donc, les membres de l'OMC se sont donné comme tâche de mettre au point un mécanisme qui permettrait de contourner cet obstacle. Le résultat fut la décision adoptée en 2003, dont vous avez longuement entendu parler et qui est vraiment l'élément essentiel de la loi de l'OMC liée aux discussions sur le RCAM actuel et des modifications proposées au projet de loi C-393.
    L'objectif du RCAM — offrir un cadre grâce auquel les pays en développement peuvent recourir de manière efficace aux licences obligatoires pour obtenir des médicaments génériques du Canada — vise à exploiter l'influence de la concurrence. Nous devons composer avec un certain modèle de marché et nous exploitons le mécanisme de concurrence du marché de façon à faire baisser le prix des médicaments pour les pays en développement. Tel est l'objectif, et c'est effectivement ce que nous avons pu observer à l'échelle mondiale: lorsque des pays ont été en mesure d'obtenir des médicaments génériques pour le traitement du sida, les prix sont passés de plus de 10 000 $ américains par patient par année à 100 $ par patient par année actuellement, dans le cas de certains programmes. Il s'agit d'une différence considérable et, bien entendu, cela permet de donner aux gens les traitements nécessaires à leur survie.
    Grâce à cette mesure — en quelques années seulement —, dans les pays en développement, quatre millions de personnes atteintes du sida reçoivent maintenant des médicaments salvateurs. Cela a été rendu possible seulement parce que le marché pharmaceutique était en concurrence pour obtenir les contrats pour ces pays, et parce que les médicaments génériques étaient offerts à des prix beaucoup plus bas. Rien de cela n'aurait été possible si les fonds limités de l'aide consacrés à l'achat de médicaments avaient servi à acheter des traitements à 10 000 $ par patient par année plutôt que pour des traitements à 100 $ par patient par année.
    Voilà ce que le RCAM devrait permettre de faire. Deuxièmement, quels sont les résultats du programme?
    Comme vous le savez, le RCAM a été adopté par le Parlement il y a plus de six ans et au cours de cette période, après un travail considérable auprès d'un certain nombre d'ONG, après l'engagement d'un fabricant de médicaments génériques, un seul médicament a été exporté vers un seul pays. C'est extrêmement important pour nous parce que cela démontre que nous sommes capables de faire des choses, que nous pouvons changer le cours des choses. Mais je pense qu'il serait faux de conclure que cela constitue une preuve que le régime d'accès aux médicaments actuel fonctionne. Comme je l'ai dit, ces résultats découlent d'années de travail acharné auprès de diverses ONG. Ces résultats sont en partie attribuables à la chance, à des circonstances qui ne seront pas faciles à reproduire à l'avenir. Le seul fabricant de médicaments génériques qui s'était engagé envers une ONG — Médecins sans frontières — pour essayer de faire fonctionner ce régime a indiqué qu'il ne tentera pas de le refaire parce que jusqu'à maintenant, l'expérience n'a pas été encourageante.
    Cependant, cette même entreprise a aussi indiqué publiquement que si la loi est rationalisée comme le prévoit le projet de loi C-393, la première étape, pour elle, sera de fabriquer une version de ce médicament destinée aux enfants. En ce qui concerne l'accès pour le traitement du sida chez les enfants qui vivent avec le VIH, il y a un retard considérable par rapport au traitement des adultes qui vivent avec le VIH, qui représentent moins de la moitié des personnes reçoivent des traitements actuellement et qui mourront si elles ne le reçoivent pas. C'est pourquoi il est essentiel que nous ayons des formulations pédiatriques pour les médicaments antirétroviraux, parce que si nous n'en avons pas, 80 p. 100 des enfants nés avec le VIH mourront avant l'âge de deux ans.
    En ce moment, il existe des médicaments utilisés pour le traitement des enfants. Dans de nombreux cas, ils ne sont pas particulièrement pratiques. Mettez-vous dans la peau d'une grand-mère qui doit s'occuper de plusieurs orphelins, dont certains sont séropositifs. Avoir à se rendre régulièrement à une clinique — si le médicament est offert à prix abordable — pour obtenir un sirop qu'il faudra ramener à la maison, où on n'a peut-être pas accès à un réfrigérateur, ne facilite pas nécessairement la tâche de fournir un traitement aux enfants.
    Au lieu de cela, si l'on pouvait obtenir un médicament sous forme de comprimé, c'est-à-dire quelque chose de plus facile à transporter et qui n'a pas besoin d'être réfrigéré ou sous forme de comprimé dispersible plus facile à administrer aux nourrissons; on serait vraiment alors en train d'essayer concrètement de donner aux gens des médicaments sous une forme facile à utiliser. C'est quelque chose que nous pouvons faire pour améliorer la loi. Ce serait un premier pas, puis nous pourrions aller de l'avant et offrir davantage de médicaments génériques à prix moins élevé.
    Donc, les résultats concrets du RCAM sont relativement mineurs. Je ne pense pas que l'on puisse dire que le fait d'avoir fourni un médicament à un pays en six ans est un succès, compte tenu des besoins et de ce qui a été promis.
    Quels seraient alors les effets du projet de loi C-393?
(1110)
    Vous aurez entendu et lu dans nos documents que nous avons décrit le coeur du projet de loi C-393 comme quelque chose qui propose la mise en place d'une solution à licence unique.
    En vertu de la loi actuelle, chaque commande de médicament de chaque pays fait l'objet d'une demande distincte pour obtenir un permis d'exportation d'une quantité maximale d'un médicament. La loi exige aussi de connaître d'avance le pays ainsi que la quantité de médicaments à fournir. Jusqu'à maintenant, dans le cadre du RCAM, cette méthode a été la pierre d'achoppement la plus importante, ce qui explique qu'il a fallu deux ans avant que la première licence ne soit délivrée. Je peux vous expliquer pourquoi il en est ainsi.
    Ce que nous proposons dans le projet de loi C-393, que nous appuyons entièrement, est de modifier le processus d'octroi des licences de façon à ce qu'un fabricant de produits génériques reçoive une licence unique qui l'autoriserait à fournir à un pays admissible déjà reconnu par la loi de l'OMC et la loi canadienne une quantité non limitée de ces médicaments, en fonction des demandes présentées de temps à autre par les pays en développement.
    Cela réduira les coûts liés à l'utilisation du régime. Les fabricants de produits génériques seraient par conséquent en meilleure posture, parce qu'ils pourraient présenter des soumissions pour l'approvisionnement simultané de plusieurs pays, sachant qu'ils sont déjà autorisés à le faire. Dans le cadre du processus actuel, ces entreprises doivent déposer des soumissions distinctes pour chaque pays, sans savoir si elles obtiendront la licence d'exportation du médicament, si leur soumission est retenue, parce qu'elles doivent passer par le processus complexe du régime actuel. Le projet de loi C-393 simplifierait et rationaliserait ce processus.
    Monsieur Elliot, vous avez largement dépassé le temps qui vous était alloué. Je vais vous accorder une autre minute pour conclure.
    Merci.
    Je pourrais garder la quatrième partie de ma déclaration — ce que le projet de loi C-393 ne permettra pas de faire — pour la période de questions, parce que je m'attends à ce qu'on me pose un certain nombre de questions sur ce que l'on prétend que le projet de loi C-393 fera, et je serai heureux de rectifier les faits.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Elliot.
    Nous poursuivons maintenant avec M. Kilby. Vous avez dix minutes pour votre déclaration préliminaire, monsieur.
    Merci beaucoup de m'accueillir. Je vais faire une déclaration préliminaire un peu plus brève que mon collègue et je vais m'assurer de respecter le temps qui m'est imparti.
    Je suis un médecin de famille, un médecin de premier recours pour le VIH et, comme vous l'avez entendu, je suis un des fondateurs de l'Alliance de santé communautaire Canada-Afrique, un petit organisme caritatif local fondé sur le bénévolat installé à Ottawa qui travaille avec des partenaires africains pour améliorer la santé dans les villages ruraux africains. Chaque année, environ 150 à 200 Canadiens choisissent notre organisme pour se porter volontaires pour des missions médicales. Ils donnent de leur temps et prennent en charge tous les coûts de la mission, y compris le coût des médicaments que nous fournissons sans frais et celui des fournitures médicales de même que du matériel chirurgical nécessaire pour améliorer les soins en Afrique.
    Nous travaillons sur un modèle fondé sur les déterminants de santé et nous croyons que la santé est liée à l'accès au logement, à l'alimentation, à l'éducation, à l'assainissement, au transport, à la sécurité personnelle et à la liberté. Nous ne concentrons pas nos efforts seulement sur les soins médicaux. Nous appuyons aussi les programmes d'aide aux orphelins et aux enfants vulnérables, nous construisons des installations — y compris le dispensaire flottant fabriqué au Canada —, nous fournissons de l'éclairage produit par l'énergie solaire pour que les élèves puissent étudier, nous creusons des puits, nous appuyons le microfinancement et nous aidons les personnes qui vivent avec le VIH ou qui sont atteintes du sida. Selon les récents rapports sur les organisations caritatives canadiennes, nous réalisons tout cela en utilisant au moins 90 p. 100 des revenus imposables directement dans les pays concernés. Notre organisme est jeune et n'existe que depuis 2002.
    Aujourd'hui, ce dont j'aimerais vous parler, c'est toute cette question de l'accès aux médicaments des pays qui ont des ressources limitées et du rôle que le Canada avait espéré jouer — et qu'il pourrait toujours jouer — pour répondre de manière importante aux besoins continus et en constante augmentation en matière de médicaments essentiels à prix abordable.
    En 2003, j'étais ici pour appuyer le projet de loi pour la création du Régime canadien d'accès aux médicaments. À l'époque, nous croyions que c'était la chose à faire et que c'était un bon pas dans la bonne direction. J'admets aussi qu'à l'époque, en raison de la complexité de la réglementation sur l'octroi d'une licence de production obligatoire, nous avions de sérieux doutes quant à la possibilité qu'un médicament soit exporté du Canada dans le cadre de ce régime. À l'époque, nous n'avons pas critiqué les efforts du Parlement; nous avons plutôt été fiers du fait que le Canada était le premier pays du G8 à modifier ses lois pour mettre en oeuvre la décision de l'Organisation mondiale du commerce de permettre la fabrication et l'exportation, sous licence obligatoire, de versions génériques de médicaments brevetés.
    L'exemple du Canada inciterait d'autres pays à faire de même, pour que les pays en développement puissent avoir accès à un approvisionnement stable de médicaments à prix plus abordable dans le cadre d'un marché plus concurrentiel. Dans le domaine du VIH, l'accès à la trithérapie de médicaments génériques provenant de l'Inde est devenu l'espoir de nombreux pays en matière d'augmentation du nombre de cas de sida traités en Afrique. Donc, en 2003, dans les pays à faible et à moyen revenu, 400 000 personnes recevaient des médicaments antirétroviraux. Avant 2005, il y en avait 1,3 million, et avant la fin de cette année, il y aura 5,2 millions de personnes traitées par trithérapie dans les pays où les ressources sont limitées. Pour la seule année 2009, 1,2 million de nouveaux patients ont commencé une trithérapie antirétrovirale.
    Lors de la Conférence internationale sur le sida à Barcelone, en 2002, on nous a dit que ce ne serait pas possible. Je me rappelle avoir assisté à un exposé présenté par Médecins Sans Frontières, qui s'occupait d'un projet en périphérie du Cap, en Afrique du Sud, et par un groupe de Harvard qui avait un projet en Haïti. Ils avaient présenté des projets-pilotes qui avaient été couronnés de succès. Nous les avons ensuite utilisés comme modèles pour les récréer des milliers de fois en Afrique et dans les Caraïbes.
    Je me rappelle qu'à l'époque, cela avait suscité un débat houleux et de vives critiques de la part du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. On disait à l'époque que les personnes des milieux défavorisés ne se conformeraient pas à leur thérapie à la lettre — du moins pas autant que les personnes d'Amérique du Nord et d'Europe — et que les gouvernements locaux ne pourraient pas mettre en place les infrastructures de même que les chaînes d'approvisionnement et de distribution nécessaires pour permettre d'acheminer les médicaments aux patients, qu'ils n'avaient pas le personnel nécessaire pour traiter tant de gens, que le monde ne pouvait tout simplement pas se le permettre et que le modèle de gestion était imparfait.
(1115)
    Il faut accorder aux dirigeants du G8 le mérite qui leur revient, car grâce à l'insistance de groupes comme Médecins Sans Frontières, entre autres, du fonds international de l'Organisation mondiale de la santé et du programme bilatéral américain intitulé le President's emergency plan for AIDS relief, ils se sont engagés envers l'objectif de trois millions de personnes en traitement avant la fin de 2005.
    Donc, des programmes d'approvisionnement ont été mis en place, des milliers d'assistants en soins de santé ont été formés, des cliniques ont été construites, les programmes d'essais et les stratégies pour la prévention de la transmission mère-enfant ont été étendus, tout comme les programmes qui s'occupaient des répercussions sociales et économiques, dont des millions d'orphelins et d'enfants vulnérables. Actuellement, partout dans le monde, on retrouve des programmes gérés localement et des organismes locaux de services pour les personnes atteintes du sida.
    En somme, ce que nous avons été en mesure de faire, c'est de mettre au point un modèle de soins complet — ce dont beaucoup de personnes doutaient — en quelques années à peine. Ce qui a été accompli est un vrai miracle: 5,2 millions de personnes en traitement avant 2010.
    Le RCAM et d'autres programmes de licence obligatoire auraient aussi dû évoluer pendant ce temps pour assurer un approvisionnement continu en médicaments à prix abordable. Dans tous les autres domaines, outre l'approvisionnement en médicaments, les efforts concertés de la communauté internationale font en sorte que tout ce qui est nécessaire pour acheminer les médicaments aux gens est en place.
    L'ASCCA travaille avec des partenaires au Bénin, au Gabon, en Tanzanie et en Ouganda depuis 2002. Nous concentrons nos efforts sur les personnes qui vivent dans les collectivités rurales éloignées les moins accessibles où il n'y a pas de services pour les personnes qui vivent avec le VIH ou qui sont atteintes du sida. Nous aidons nos partenaires à définir les besoins, à identifier les personnes atteintes au moyen de tests et à mettre en place les infrastructures nécessaires pour traiter ces personnes. Nous réalisons tout cela grâce à des partenariats stratégiques entre pays du Sud, entre pays du Nord, et entre pays des deux hémisphères.
    Dans trois villages éloignés de Tanzanie, nous avons vu nos partenaires faire passer le nombre de personnes atteintes du VIH traitées de zéro à 10 000 en moins de trois ans. Jusqu'à tout récemment, les questions d'approvisionnement en médicaments et d'accès n'étaient pas un problème. Mais cette réussite est maintenant menacée dans d'autres pays, pas seulement en Tanzanie, par les quantités limitées de thérapies à prix abordable.
    Les questions d'approvisionnement n'ont rien à voir avec l'acheminement des médicaments vers les marchés locaux. Le problème est l'approvisionnement en thérapies de première ligne à prix abordable en quantités suffisantes pour traiter tous ceux qui devraient l'être. Aujourd'hui, 5,2 millions de personnes doivent demeurer sous traitement, et près de cinq millions de plus doivent être mises sous traitement.
    Le Régime canadien d'accès aux médicaments devrait devenir une source durable de médicaments à prix abordable, en conformité avec les pratiques d'approvisionnement traditionnelles des pays acheteurs, ce qui leur permettrait de demander des soumissions concurrentielles de façon à s'assurer qu'ils obtiennent les meilleurs prix et que les produits sont livrés à temps.
    Le régime en place ne permet pas d'atteindre l'objectif. Nous avons travaillé avec les fonctionnaires du gouvernement de deux pays et, dans les deux cas, nous avons examiné ensemble les mécanismes d'approvisionnement en place. Et les deux pays trouvaient que ces mécanismes étaient trop lourds, quand ils avaient accès à d'autres marchés, en dépit de leur désir profond d'acheter les médicaments d'un fabricant de produits génériques nord-américain.
    Notre autre problème, c'est qu'aujourd'hui — où l'on constate que des personnes ne répondent pas au traitement en raison d'une intolérance ou d'un problème de toxicité ou parce qu'elles ne respectent pas la posologie — les pays doivent acheter des médicaments plus récents, les thérapies de deuxième ligne, mais celles-ci sont de 10 à 50 fois plus coûteuses que les thérapies de première ligne. Les budgets de santé de ces pays ne peuvent absorber de tels coûts sans limiter de manière importante le nombre de nouveaux patients qui auraient accès aux traitements de première ligne moins coûteux. En conséquence, l'octroi obligatoire de licences est encore plus nécessaire aujourd'hui qu'auparavant. C'est nécessaire pour assurer l'approvisionnement en thérapies de première ligne et en thérapies de deuxième ligne à prix abordable.
    Nous ne devons pas compter sur un régime aussi alourdi par la réglementation. Nous avons besoin d'un régime de licences obligatoires sans limite de temps, sans limite de quantité à acheter, et flexible.
    Donc, l'ASCCA est favorable à la solution à licence unique: une licence obligatoire pour un produit breveté, peu importe la quantité de médicaments commandée ou le nombre de pays acheteurs admissibles. Le faire ne coûtera rien de plus aux contribuables canadiens que les fonds déjà engagés en matière d'aide internationale. Le faire ne réduira en rien les profits des sociétés pharmaceutiques multinationales. En pratique, il n'y a aucun marché pour leurs médicaments brevetés dans les pays en développement; sans marché, rien ne menace leur avenir ni l'avenir de la recherche et du développement dans les pays riches comme le nôtre. En fait, les détenteurs de brevets recevraient des redevances du RCAM pour des marchés qui, autrement, n'existeraient pas.
(1120)
    Cela ne veut pas dire que ces médicaments produits au Canada et destinés aux autres marchés reviendraient au Canada — dans notre contexte de pays riche — pour être vendus sur le marché noir. Nous avons un nombre assez grand de processus en place en ce qui concerne l'étiquetage et les sanctions. En fait, si nous examinons notre marché et celui de nos voisins du Sud, presque toutes les personnes qui vivent avec le VIH ou qui sont atteintes du sida ont accès à des médicaments payés par le privé ou le public. Donc, l'adoption du projet de loi C-393 rendra plus accessibles ces médicaments fort nécessaires et, grâce à la concurrence, plus abordables également.
    Merci.
    Merci, monsieur Kilby.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant avec M. McTeague et le Parti libéral, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici et d'avoir été si rigoureux dans leurs déclarations préliminaires.
    D'entrée de jeu, j'ai une question parce qu'on m'a donné un chiffre et que je ne suis pas certain de son exactitude. Pour ce qui est du taux quotidien de mortalité en Afrique lié au sida, l'un d'entre vous a-t-il un chiffre?
    Le chiffre le plus récent que j'ai vu — et il se peut qu'il remonte à près d'un an — est d'environ 8 000 décès par jour attribuables au sida.
    Le projet de loi dont nous sommes saisis, et vous l'admettez d'emblée, n'est pas la solution miracle parfaite ou une panacée, mais vous avez dit que c'est un pas dans la bonne — et très importante — direction. Vous avez tous les deux proposé la solution à licence unique.
    Je me demande pourquoi, dans tout ceci, nous n'avons pas envisagé de simplifier les liens complexes qui existent entre le détenteur de brevet et ceux qui cherchent à obtenir des produits génériques pour l’Afrique par l’intermédiaire de la licence obligatoire, et pourquoi ce ne serait pas le gouvernement fédéral qui gérerait, négocierait et assurerait la mise en oeuvre d'un processus simplifié pour que nous puissions réellement cibler les pays que nous voulons aider. Nous pourrions choisir un ou deux pays que nous aiderions de façon plus efficace parce que, de toute évidence, nous ne pourrons pas tous les aider. L’un d’entre vous a-t-il envisagé la possibilité que le gouvernement fédéral puisse travailler avec une entreprise détentrice de brevet puis désigner un fabricant de produits génériques, si possible, pour produire les médicaments en vertu d’un régime de licence obligatoire?
(1125)
    En 2003-2004, au cours des discussions entourant la création de ce qui est devenu le RCAM, ce point a été soulevé quelques fois. Les ministères qui participaient aux discussions étaient, semble-t-il, bien peu séduits par l’idée de procéder ainsi, et je présume que cela n’a pas changé, avec raison, peut-être. Je pense que les organismes comme l’ACDI ont certainement un rôle à jouer, dont, manifestement, celui de mobiliser des fonds et d’attirer l’attention des pays en développement sur les diverses solutions qui leur sont offertes en matière d’approvisionnement en médicaments à prix abordable. Mais, fondamentalement, nous parlons d’un mécanisme dont l’objectif est de créer les conditions de marché qui permettront aux entreprises privées — c’est-à-dire les fabricants de produits génériques — de constater que le fait de s’engager dans ce créneau en vaut la peine parce qu'à tout le moins, ils vont récupérer leur investissement et faire un peu de profits, tout en aidant les pays en développement à avoir recours à ce régime.
    L’idée, c’est que c’est par l'intermédiaire du mécanisme, l’acheteur et le producteur établissent des liens. Je ne suis pas certain qu’on améliorerait nécessairement les choses en plongeant le gouvernement au milieu de tout cela alors qu’on pourrait tout simplement faire fonctionner le processus pour les deux parties en cause plutôt que de confier un rôle d’intermédiaire au gouvernement.
    Je suis simplement curieux. En ce qui concerne la simplicité, nous parlons de certains documents juridiques assez complexes. Je fais allusion non seulement à la lourdeur des exigences juridiques et des obstacles qui ont été imposés à un fabricant de produits génériques pour qu'il puisse fournir les produits, comme ce fut le cas d'Apotex, au Rwanda, mais aussi, bien sûr, des problèmes stratégiques liés à l’élimination de multiples obstacles en matière d’accès en Afrique. Les gouvernements sont différents d'un pays à l’autre. La gestion est aussi devenue plus complexe.
    Je me demande, si nous avions un intervenant, un arbitre impartial qui avait un intérêt, tel que le souhaiterait le Parlement... Sur la foi de nos bonnes intentions, nous convenons tous que nous devrions en faire davantage. Le problème, c’est que ce que nous voulions faire n'a pas fonctionné, et nous ne sommes pas certains que le RCAM est la panacée tant recherchée pour surmonter certains des problèmes d’essais et d'erreurs dans lesquels nous nous sommes empêtrés, ce qui nous porte à conclure que si ce n'est pas le Canada, ce sera un autre pays.
    Permettez-moi de parler de quelque chose sous forme d'une question qui s’adresse à vous deux. Ce sera une question importante, et je sais que mes collègues vont se la poser aussi. Il semble y avoir deux grandes préoccupations qui sont liées au libellé actuel du RCAM. Il y en a évidemment d'autres, mais l’une d’entre elles porte sur les obligations et la possibilité de se voir imposer des sanctions commerciales par l'OMC. La deuxième préoccupation porte sur l’envoi précipité en Afrique de médicaments qui peuvent ne pas avoir reçu les autorisations nécessaires au Canada. Pourrais-je avoir vos commentaires sur l'une ou l’autre de ces questions, s'il vous plaît?
    Pour ce qui est de la première question, qui porte sur le respect des obligations de l'OMC, les propositions contenues dans le projet de loi C-393 ont été rédigées avec l'aide de personnes qui connaissent bien la loi de l'OMC et qui en ont très certainement tenu compte.
    Notre mémoire aborde ce sujet de façon très approfondie. Nous y expliquons point par point en quoi les dispositions qui sont au cœur du projet de loi C-393 sont tout à fait conformes à la décision du Conseil général de l'OMC du 30 août 2003 — qui est le document essentiel — et avec le traité qui en découle, l'Accord sur les aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle, l’ADPIC.
    Des experts juridiques internationaux ont été mobilisés pour participer à la rédaction de ce projet de loi. J'ai mentionné plus tôt que nous avons réuni un certain nombre d'experts juridiques plus tôt cette année pour discuter de cette question, dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le développement. Nous avons consacré une journée à l’examen des dispositions du projet de loi C-393 pour savoir si elles sont conformes aux exigences de l'OMC. La réponse était dans l'ensemble « oui ».
    À un ou deux endroits — comme vous le verrez dans le rapport de la réunion qui vous sera remis dès que la traduction sera terminée —, les experts ont dit: « Ceci est conforme à l'OMC. Cependant, vous constaterez qu'il pourrait y avoir une certaine ambiguïté à cet endroit. Voici donc la légère modification que nous vous recommandons d'apporter pour qu'aucun doute quant à la conformité avec les obligations de l'OMC ne subsiste. » C’était l’objectif de la réunion. Nous voulions savoir si le projet de loi était conforme à l'OMC, et si ce n'était pas le cas, nous voulions savoir ce que nous devions faire pour ajuster le tir. La réponse a été que, dans sa forme actuelle, le projet de loi est conforme, mais qu’il y a quelques petites modifications à faire pour le rendre encore meilleur.
    Quand vous l’aurez reçu, je pense qu'il vous sera utile, et nous serions certainement heureux d’en discuter avec vous à ce moment-là.
(1130)
    La partie qui porte sur les médicaments, l'exactitude, la...
    Oui, la deuxième question, oui.
    Je crois qu'on déforme de façon simpliste ce que le projet de loi apporterait sur la question d'assurer la sûreté et la qualité des médicaments. En tant que défenseur des traitements, je vous dirais tout d'abord que je veux que les gens obtiennent des médicaments de qualité. Je ne veux pas qu'ils reçoivent des médicaments qui ne répondent pas aux normes, car cela irait à l'encontre de l'objectif fixé.
    Dans sa présentation actuelle, le projet de loi maintient les évaluations effectuées par Santé Canada sur tout médicament qui est exporté comme une option, une façon de s'assurer que le produit qu'on exporte est de bonne qualité et qu'il est sûr. Toutefois, le projet de loi ajoute d'autres moyens d'atteindre cet objectif, notamment, le programme de préqualification de l'Organisation mondiale de la santé soutenu en partie par Santé Canada, qui fournit une assistance technique. Il a été mis en place par l'OMS expressément pour donner l'assurance aux pays que les fabricants et les produits qu'ils obtiennent répondent aux normes de qualité. C'est sa raison d'être. Beaucoup de pays en développement...
    Je suis désolé, mais le temps passe, et encore une fois, nous l'avons largement dépassé. Monsieur Kilby, voulez-vous intervenir, même si le temps est écoulé?
    Je veux seulement intervenir sur la question de la qualité des médicaments. Comme Richard l'a dit, la bioéquivalence de ces médicaments doit être identique à celle des médicaments qui nous sont offerts au Canada. Ce qui se passe lorsque nous parlons avec nos partenaires en Afrique, maintenant que nous savons que... En termes de qualité, on fait plus confiance aux médicaments qui transitent par ce système qu'aux autres médicaments qui arrivent sur le marché aujourd'hui.
    Merci, Dr Kilby.

[Français]

    C'est maintenant au tour du Bloc québécois. Monsieur Malo, c'est à vous pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour et merci d'être avec nous pour cette première rencontre de témoins, outre les fonctionnaires que nous avons reçus la semaine dernière.
    Docteur Kilby, je comprends de votre témoignage que, jusqu'à présent, il y avait suffisamment de médicaments relatifs au sida disponibles sur le marché africain pour combler les besoins qui avaient été exprimés par vos partenaires sur le terrain auprès des populations affectées. Cependant, vous nous dites que maintenant le problème de l'accès pourrait se poser, puisque l'objectif pour 2010 est de traiter 5,2 millions de patients. C'est ce que je comprends de votre témoignage.
    Lors de notre dernière rencontre, on a fait le constat que l'Inde était, sinon le plus important, un des fournisseurs de médicaments antirétroviraux pour les pays d'Afrique. Est-ce parce que les capacités de production de l'Inde ne sont plus suffisantes pour répondre à la demande que vous croyez que des problèmes pourraient apparaître dans l'immédiat?
    Ce que vous dites est exact. À ce jour, 5,2 millions de personnes ont commencé une thérapie. On envisage de presque doubler ce nombre, pour que les gens soient traités plus tôt. Présentement, on ne traite pas les gens en Afrique de la même manière qu'on le fait ailleurs. En Afrique, on attend que la personne soit vraiment immunocompromise. On comprend aujourd'hui que si on attend trop longtemps, même si on réussit à réduire la charge virale chez cette personne, sa durée de vie ne sera pas la même que si on avait commencé plus tôt. Alors, pour que ce soit équitable, on aimerait bien que les gens des pays en voie de développement aient accès au traitement plus tôt.
    Cela veut dire qu'on devrait presque doubler le nombre de personnes en traitement. Cependant, on commence déjà à constater des problèmes d'accès aux médicaments en Tanzanie et en Ouganda, parce que les fournisseurs ne sont plus capables de fournir la quantité requise en temps opportun, de manière à ce qu'ils arrivent à temps au marché.
(1135)
    Quand vous parlez de doubler ce chiffre, en arrive-t-on à 5,2 millions, ou s'agit-il de 10,4 millions?
    Il y aura 5,2 millions de personnes en traitement à la fin de 2010, et il devrait y en avoir près de 10 millions.
    Selon vous et vos partenaires sur le terrain, cela comblerait-il les besoins actuels pour l'Afrique, par exemple?
    Ça comblerait les besoins actuels. Autrement dit, ça va prendre quelques années avant qu'on en arrive à ce point.
    Cela dit, on a un problème réel aujourd'hui: peut-on continuer à fournir 5,2 millions de personnes? Certains pays ont de la difficulté à acheter les médicaments nécessaires.
    Ces pays vont-ils faire une demande de besoins à l'OMC, comme le Rwanda l'a fait en 2007? Envisagent-ils de faire une telle chose?
    Absolument, ils le font déjà. Pour se procurer leurs médicaments, ils sont en train de passer par les mêmes systèmes auxquels ils ont déjà eu recours.
    Cela dit, on doit ouvrir le terrain pour deux raisons. D'abord, il y aura plus de marchés qui pourront suffire au marché africain. Deuxièmement, en ayant plus de concurrence au sein de ce marché, on va pouvoir réduire encore plus le prix des traitements.
    Je vois que M. Elliott veut intervenir. Je pose ma dernière question et je vous donne la parole.
    Ce que vous nous dites, c'est qu'à l'heure actuelle, les médicaments disponibles sur le marché africain sont encore trop chers.
    Si on veut doubler le nombre de personnes en traitement sans augmenter le coût final — parce que, bien entendu, ces médicaments sont payés en grande partie par le programme du Fonds mondial ou par le PEPFAR —, on doit réduire encore plus le prix des médicaments.
    On veut soigner le double de personnes avec le même budget?
    Oui, sans être obligé de revenir au G8 pour demander encore le double de l'argent.
    Je voudrais simplement ajouter une chose. Il faut se rappeler que les médicaments en provenance des fournisseurs de l'Inde qu'on utilise présentement pour traiter les patients atteints du VIH sont des médicaments génériques. Pour la plupart, ce sont des antirétroviraux de première intention. C'est pour cette raison qu'on a maintenant 5,2 millions de personnes en traitement. La plupart d'entre elles prennent les médicaments génériques en provenance de l'Inde.
    Ce qu'on a constaté au cours des dernières années et jusqu'à maintenant, c'est une augmentation du nombre de personnes qui ont eu besoin de changer leur régime de traitement pour prendre des traitements antirétroviraux de deuxième intention. Selon la loi indienne, ces produits sont maintenant protégés, depuis 2005, par les brevets. Il n'y a donc pas de possibilité d'obtenir ces médicaments dont on a besoin sous forme générique, parce que ce n'est pas possible, selon la loi indienne, d'en produire une version générique. Alors, la crise de l'accès aux médicaments va empirer à l'avenir, puisque, sans concurrence dans ce marché, le coût va augmenter.
    À combien estime-t-on le nombre de patients qui auront besoin de cette deuxième génération de médicaments?
    Ça va évoluer, non?
    Pour ce qui est du marché nord-américain ou européen, à peu près 20 p. 100 des gens sont obligés d'adopter un régime de deuxième intention. Or, il y a un autre problème: dès le départ, on n'aurait jamais dû choisir le régime de première intention qu'on a choisi. C'était bien intentionné, au départ, mais aujourd'hui on réalise la toxicité liée à ce régime. Quand le patient suit ce régime pendant deux ou trois ans, la toxicité est trop importante. À ce moment, on sera obligé d'abandonner la molécule la plus courante aujourd'hui, qui est disponible partout dans le monde, pour quelque chose de plus sécuritaire.
(1140)
    Donc, à terme, l'ensemble des patients qui devront être traités devront l'être avec cette deuxième génération de médicaments. Alors, on parle de plus de 2 millions de personnes, si on calcule 20 p. 100 de 10 millions.
    L'enjeu le plus important se situe véritablement là, n'est-ce pas?
    Exactement.
    Toutefois, ce n'est pas une situation statique. C'est dynamique.
    Oui, bien sûr. Je comprends très bien que même si on traite des gens, la pandémie n'est pas endiguée pour autant.

[Traduction]

    Merci, monsieur Malo. Votre temps est écoulé. Je suis désolé, le temps ne s'arrête pas.
    Monsieur Braid, vous disposez de sept minutes. Allez-y s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Et je remercie nos deux témoins de leur présence ce matin. Cette discussion est très importante, et je suis heureux que vous ameniez votre point de vue et que vous contribuiez à la discussion.
    Je me demande si je peux commencer par vous, monsieur Kilby. Comme nous le savons, le Canada a été le premier pays du G8 à établir un régime comme le RCAM. D'autres pays du G8 ont-ils mis en place un régime semblable?
    Ils ne sont pas allés aussi loin que le Canada, mais je crois que M. Elliott pourrait intervenir à ce sujet.
    Je peux parler de cette question, car je crois qu'elle relève davantage du domaine juridique que du domaine médical. D'autres pays ont adopté une version du RCAM. Ils ont mis en place un régime sous une forme quelconque, qu'il s'agisse de règlements, d'une mesure législative, de directives d'État, ou autre chose, qui met en oeuvre la décision prise par l'OMC en août 2003.
    Aucun de ces régimes n'a fonctionné, car aucun de ces pays ne l'a bien fait. Ils ont également différentes lacunes. Le régime du Canada a ses propres lacunes qu'ont parfois également ceux d'autres pays. Parfois également, les régimes des autres pays ont des lacunes différentes.
    Aucun pays n'a encore fait les choses correctement, mais je crois que le Canada pourrait le faire.
    Pour pousser les choses un peu plus loin, parmi ces autres pays qui ont des régimes semblables au RCAM, certains font-ils partie du G8?
    Oui.
    Lesquels?
    L'Union européenne a adopté un règlement qui est applicable dans tous ses pays membres. Les Pays-Bas ne sont pas membre du G8, mais c'est un pays à revenu élevé. La Suisse en a préparé un. Ensuite, il y a d'autres pays, comme l'Inde et la Corée. Ils ne font pas partie du G8, mais ils ont une capacité de production de génériques importante.
    Mais l'UE est probablement le substitut du G8, si l'on veut.
    Parmi ces pays avancés, qu'ils soient membres du G8 ou non, certains ont-ils fourni aux pays en développement des médicaments contre le VIH/sida dans le cadre d'un régime comme le RCAM?
    Non.
    Donc, seul le Canada l'a fait, même s'il ne l'a fait qu'une seule fois, pour le Rwanda. Aucun autre pays avancé ne l'a fait.
    Docteur Kilby, si je peux examiner cela davantage, vous avez dit qu'aujourd'hui, en 2010, plus de cinq millions d'Africains reçoivent des médicaments contre le VIH/sida. Je crois que vous l'avez dit en comparant les chiffres des années précédentes, ce qui montre un progrès énorme. Il est certain que nous nous en réjouissons tous.
    En ce qui concerne ces 5,2 millions de personnes qui reçoivent des médicaments présentement, pourriez-vous nous dire exactement d'où proviennent ces médicaments? Par quels mécanismes les ont-elles reçus, et quelles sources, quels pays les ont fournis à ces gens?
    La plupart des médicaments en circulation que les gens utilisent viennent de l'Inde. Ce sont les génériques.
    Il y a une coformulation de 3TC, de d4t et de nevirapine qui est très populaire. Cela a été en grande partie négocié par la Fondation Clinton, et le prix également. La fondation a travaillé sans relâche et continue à le faire pour garantir les prix les plus bas possible pour le plus grand nombre de personnes possible. La plupart des pays ont bénéficié de ce type de médiation.
    Toutefois, le virus n'est pas identique partout dans le monde, et il est certain que dans les pays de l'Afrique occidentale, certaines souches du virus ne réagissent pas à cette association à dose fixe. Ces pays sont probablement les plus durement touchés par le coût des médicaments qu'ils doivent acheter à leur population, car ils doivent se tourner vers les thérapies de deuxième ligne, qui coûtent plus cher. Comme Richard l'a dit, le prix du régime passe de 150 $ à 160 $ par année à environ 1 000 $ ou 2 000 $ pour le même budget. Ils ne peuvent traiter qu'une partie des gens qu'ils auraient pu traiter s'ils avaient eu un régime abordable.
(1145)
    Le coût augmente, car nous passons des thérapies de première ligne aux thérapies de deuxième ligne.
    C'est parce que nous passons aux thérapies de deuxième ligne.
    D'accord. Lorsque vous dites que la Fondation Clinton a négocié bon nombre de ces arrangements, qu'entendez-vous exactement par « négocier » Quel rôle a-t-elle joué?
    Elle a fait du tordage de bras, à tout le moins; elle est allée rencontrer le fabricant de produits génériques en Inde et a négocié des marchés pour le produit. Elle fait de la médiation entre les pays qui souhaitent se procurer le produit et l'Inde, qui souhaite l'exporter. Elle a fait de la médiation entre les parties et a négocié au nom des pays pour faire baisser le prix. Le prix initial de cette préparation était nettement plus élevé. Il était d'environ 600 $ par année. Il a maintenant baissé considérablement.
    L'une des préoccupations et l'un des arguments que nous avons entendus, c'est que même si nous rendons le RCAM plus efficace, au bout du compte, les pays en développement veulent acheter leurs médicaments au meilleur prix possible. On dirait que c'est ce qui se passe présentement. La source principale est l'Inde. Je sais que nous en avons déjà parlé, et que M. McTeague a déjà posé la question, mais aidez-nous seulement à comprendre un peu plus. Si, au bout du compte, l'Inde, la Chine, voire les États-Unis, offrent des médicaments génériques moins chers que ceux du Canada, comment pouvons-nous être concurrentiels ou participer à ce processus?
    Merci.
    Je crois qu'il est important de se rappeler que, malgré les lacunes du RCAM, lorsqu'il a été possible de produire un médicament, le prix que le fabricant de produits génériques offrait au Rwanda était concurrentiel. C'était 19,5 ¢ le comprimé, soit le même prix qu'offrent les fabricants de l'Inde. Nous devons nous rappeler que, comme je l'ai déjà dit, bien que l'Inde soit une source extrêmement importante de médicaments génériques — elle agit en tant que pharmacie pour les pauvres —, l'industrie des génériques en Inde n'a pas présentement la capacité de fournir tous les médicaments génériques dont les pays en développement ont besoin. À l'heure actuelle, l'industrie indienne des médicaments génériques subit beaucoup de pression.
    Lorsque j'ai répondu à la question de M. Malo tout à l'heure, j'ai dit qu'en 2005, pour pouvoir devenir membre de l'OMC, l'Inde a modifié sa loi sur les brevets et elle accorde maintenant des brevets sur les produits pharmaceutiques. Donc, ces médicaments antirétroviraux de première ligne et de première génération, qui permettent de traiter 5,2 millions de personnes, sont fournis parce qu'ils sont d'une époque où il n'existait pas de protection conférée par un brevet pour ces médicaments en Inde. La raison pour laquelle le prix des médicaments de deuxième ligne dont nous parlons est élevé, c'est que la plupart ne sont pas disponibles sous forme générique, et que les fabricants indiens ne les produiront pas facilement, car ils ont maintenant la barrière des brevets.
    Ainsi, la situation des concurrents potentiels des génériques canadiens change. Dans certains cas, les génériques canadiens peuvent être concurrentiels. Si nous simplifions le mécanisme et si nous rendions son utilisation moins coûteuse, et si nous les laissions conclure une multitude de contrats avec différents pays en vertu d'une licence unique, on pourrait réaliser des économies d'échelle qui leur permettraient de faire baisser les prix des médicaments encore plus, car ils obtiendraient leurs ingrédients à un meilleur coût. La production leur coûterait moins cher par unité, ce qui les rendrait plus concurrentiels.
    Tous ces facteurs entrent en ligne de compte, et il me semble qu'ils nous amènent dans une direction, celle de simplifier le mécanisme et de faciliter son utilisation, car nous pourrons être concurrentiels.
(1150)
    Monsieur Braid, je suis désolé, mais vous avez encore largement dépassé votre temps. Je tente de me montrer le plus juste possible, de permettre aux gens de répondre et de maintenir un semblant d'ordre pour ce qui du temps accordé.
    Je cède maintenant la parole à M. Masse. Nous allons tenter de nous en tenir à sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos invités de leur présence.
    Nous avons entendu des témoignages plutôt intéressants de la part des ministères l'autre jour. Dans leur exposé et dans un autre document d'information, ils disaient que les propositions contenues dans le projet de loi C-393 entraîneraient des difficultés commerciales et menaceraient les investissements au Canada. Elles entraîneraient une série d'autres problèmes. En même temps, cela ne fonctionnerait pas.
    Cela n'avait aucun sens. Ils affirmaient deux choses.
    Je voulais peut-être obtenir vos commentaires sur l'un des points qu'ils ont soulevé:
    Rien ne prouve que modifier le RCAM amènera un plus grand nombre de pays en développement à utiliser le régime pour importer des médicaments du Canada, et qu'ils cesseront d'acheter des médicaments à faible coût d'autres sources.
    Nous venions justement d'en discuter un peu avec M. Braid. J'aimerais que vous parliez un peu de la situation d'Apotex. Le fait est qu'au Canada, nous avons des fabricants de médicaments génériques qui ont du succès à l'échelle internationale et qui feraient augmenter le nombre d'emplois si la production augmentait. Pouvez-vous intervenir là-dessus, s'il vous plaît?
    Oui, je le peux, et je pense que deux spécialistes ont également présenté un mémoire au comité qui traite de certains de ces points; il s'agit de deux économistes qui ont étudié le secteur pharmaceutique en profondeur.
    L'une des choses qu'il faut dire au sujet de cette idée selon laquelle rien ne prouve que modifier le RCAM changerait les choses, c'est qu'à mon avis, il est assez juste de dire que nous ne le saurons pas tant que nous n'essayerons pas. Si nous n'essayons jamais, il est certain que rien ne changera. Donc, pourquoi ne pas essayer? Qu'avons-nous à perdre? Le pire scénario que nous puissions imaginer, c'est que rien ne change. Ce serait terriblement décevant, mais au moins, nous aurons essayé.
    Le meilleur scénario, ce serait qu'en fait, nos prédictions s'avèrent exactes. En simplifiant le régime, on recommencerait à l'utiliser. Nous avons une entreprise qui est déjà déterminée à l'utiliser pour fabriquer une version pédiatrique d'un médicament. C'est donc un effet positif.
    Il me semble que ce ne soit pas une bonne raison de ne pas tenter le coup. Toutes les raisons d'essayer semblent bonnes. C'est bizarre qu'on dise que cela ne fonctionnera pas, et qu'en quelque sorte, cela risque d'avoir toutes ces conséquences négatives, c'est-à dire d'entraîner des difficultés commerciales et de miner la recherche et le développement.
    Je crois que les spécialistes qui vous ont présenté des mémoires, qui ont étudié le secteur pharmaceutique, ont dit clairement qu'il n'y a vraiment pas de corrélation. Je crois que le Dr Kilby a même mentionné que le fait de faciliter notre tâche, celle de fournir des médicaments génériques aux pays en développement qui ne sont pas des marchés importants pour les fabricants de médicaments de marque au départ, va en quelque sorte influencer leurs décisions d'investir dans la recherche et le développement.
    Ce ne sont pas ces marchés qui motivent leurs décisions en matière de recherche et développement présentement. C'est pourquoi il y a ce qu'on appelle, l'écart 10/90. C'est pourquoi nous avons négligé des maladies dans le monde; il s'agit de gens pauvres qui vivent dans des pays pauvres. Ce ne sont pas eux qui poussent une société pharmaceutique à investir dans la recherche et le développement des médicaments.
    Donc, lorsqu'on dit que faciliter l'accès de ces pays à des génériques à faible coût influencera les décisions en matière de recherche et développement que prennent les fabricants de médicaments de marque... Il n'y a pas vraiment de lien entre les deux. Je crois que toute personne qui examine la situation économique de l'industrie vous le dira.
    Ce qui se produirait, s'il devait y avoir des effets positifs, c'est qu'en fait, nous verrions un certain secteur de l'industrie obtenir des contrats pour fournir des médicaments qui ne sont pas fournis à personne présentement, ce qui, effectivement, susciterait la création d'emplois. Il en résulterait que des redevances seraient versées aux fabricants de médicaments de marque pour ces contrats.
    En fait, il me semble que tout le monde y gagne.
    Docteur Kilby, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je souscris tout à fait aux propos de Richard.
    L'une des autres idées intéressantes qui a été proposée, c'est qu'il y aurait une théorie du complot selon laquelle nous menaçons la transparence, les mécanismes de contrôle et la responsabilisation.
    Vous avez présenté un scénario où un fabricant de génériques agirait illégalement et fournirait des médicaments à des gens d'un autre pays, et où une entreprise pharmaceutique s'y opposerait, et porterait plainte devant l'OMC. Je suppose qu'elle s'opposerait à ce qu'on traite des gens à l'aide de ces médicaments, ce qui constituerait une question de relations publiques intéressante.
    J'ai demandé au ministère de montrer qu'un fabricant de médicaments génériques pourrait essentiellement produire ces médicaments et les remettre sur le marché commercial, en créant un certain type de stratagème.
    Je voudrais que vous nous donniez un aperçu de la façon de procéder: lorsque la distribution a lieu, que met-on en place pour s'assurer que les médicaments sont donnés au personnes visées — les enfants, les hommes et les femmes —, et par quel type de stratagème complexe pourrait-on essentiellement produire ces médicaments et les détourner sur les marchés commerciaux, ce qui, répétons-le, constituerait un scandale de relations publiques assez important pour les fabricants de génériques.
    Ce sont les ministères qui nous ont proposé cette théorie.
(1155)
    Le RCAM comporte un aspect pratique et un aspect juridique. Nous pourrions peut-être les aborder séparément.
    Il est pour moi toujours amusant de discuter de cette question, même avec mes collègues et mes amis de l'industrie pharmaceutique, à savoir qu'un produit générique, fabriqué dans notre pays, étiqueté différemment, qui a l'air différent, qui est en fait totalement différent, avant tout, retournera dans un marché de gens — nous parlons du VIH/sida dans ce cas — qui ont vraiment... Nous n'avons pas de problème d'accessibilité dans notre pays. Nous avons mis en place tout ce qu'il fallait pour faire en sorte que les gens sont couverts par un régime privé ou par un régime public.
    Nous disons donc que ces médicaments se retrouveraient dans nos programmes provinciaux de médicaments et seraient en quelque sorte distribués par nos pharmacies gratuitement, car nos patients ne paient pas. Je ne sais pas par où ils reviendront au Canada. Et c'est la même chose en Europe, où bon nombre de programmes ressemblent à ceux du Canada.
    Mais surtout, il y a la question de l'accessibilité des médicaments contre le VIH/sida aux États-Unis, au sujet de laquelle nous répétons sans cesse qu'il y aurait un grand risque d'abus dans le marché. Lorsque nous parlons de VIH/sida, chaque personne atteinte du virus aux États-Unis a accès à des antirétroviraux gratuitement. Un de mes patients qui vient de déménager cette semaine est tellement heureux, car il va obtenir ses médicaments gratuitement. En tant qu'homme d'affaires ici au Canada, il devait payer 20 p.100 du prix de ses médicaments et sa compagnie d'assurance payait l'autre partie.
    Je crois que prétendre que ces médicaments pourraient revenir sur nos marchés est en quelque sorte une fumisterie. À mon avis, il est fort possible que ces médicaments traversent les frontières entre des pays dont les ressources sont limitées. Je crois que c'est possible, mais pas qu'ils reviennent dans les marchés des pays du Nord.
    Je ne suis pas entièrement d'accord avec le Dr Kilby concernant le tableau peut-être un peu trop idyllique qu'il brosse de l'accès aux médicaments ici, qui serait soi-disant parfait. Aux États-Unis, il y a des obstacles à l'accès, mais pas nécessairement ceux des brevets.
    Je voulais parler en particulier de l'aspect juridique d'empêcher ce type de détournement de se produire. Même si notre mémoire porte en grande partie sur la question du respect des règles de l'OMC, vers la fin, nous traitons de cette idée fausse selon laquelle le projet de loi C-393 va supprimer en quelque sorte toutes les mesures de précaution contre ce type de détournement de médicaments. En fait, il maintient les mesures de précaution qui exigeraient que les caractéristiques des médicaments à exporter comme l'étiquetage, l'emballage, la couleur et la forme soient différentes. Si cet aspect n'est pas clair selon vous dans le projet de loi, alors faisons en sorte qu'il le soit, car nous voulons que ces mesures de précaution soient en place.
    L'autre chose que je veux dire, c'est que dans le cadre du projet de loi C-393, les dispositions de la loi actuelle qui exigent des fabricants de divulguer les quantités de médicaments génériques qu'ils envoient et le nom des pays auxquels ils les envoient sont maintenues. Ces renseignements doivent être divulgués aux détenteurs de brevets; ils doivent être affichés sur un site Web public. Il faut divulguer ces renseignements non seulement pour empêcher le détournement de médicaments, mais également pour pouvoir calculer les redevances qu'il faut payer aux fabricants de médicaments de marque.
    Ainsi, toutes ces mesures constituent des éléments importants du mécanisme, et ils sont maintenus.
    Merci, monsieur Elliott.
    Merci, monsieur Masse.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions, et nous revenons au Parti libéral.
    Monsieur Rota, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence aujourd'hui.
    Si nous pouvons revenir à la question des médicaments de première et de deuxième ligne, nous augmentons en fait les coûts, et ce qui est important entre autres, c'est de limiter les dépenses. Pouvez-vous m'expliquer, car je ne comprends pas très bien, en quoi le système à licence unique aidera un pays en développement?
    Si c'est trop cher à un niveau, même si c'est moins cher que ce que l'on paie dans les pays développés, comment obtenons-nous des médicaments pour les gens qui en ont besoin? Si je ne me trompe pas, vous avez dit qu'il s'agit de 150 $ par rapport à 1 000 $. Soudainement, le coût passe à 1 000 $, ou peut-être 650 $ comme vous l'avez dit. C'est encore plus que ce qu'ils peuvent se permettre.
    Ce qui me préoccupe, et j'essaie de comprendre où sont les avantages, si nous disons d'accord, nous allons permettre les envois, mais ils sont encore trop chers. Ils ne pourront pas être utilisés. Comment pouvons-nous éviter cela? Je ne vois pas très bien l'avantage au bout du compte si c'est encore trop cher.
(1200)
    À l'heure actuelle, pour certaines de ces thérapies de deuxième ligne, beaucoup d'arrangements consistent à les acquérir des marchés du Nord et non des marchés de génériques. Bon nombre d'entre elles sont offertes à prix réduit dans un environnement qui protège le brevet de ce médicament.
    Ce que nous cherchons lorsque nous parlons de rendre possible l'offre de ces médicaments en version générique, ainsi que mélangés et assortis, c'est faciliter la thérapie, car bon nombre de molécules disponibles aujourd'hui ne sont pas co-formulées. Il n'y a pas trois médicaments dans une pilule.
    Lorsqu'on est capable de fabriquer un produit générique, de le rendre accessible, on peut alors prendre un produit d'une entreprise donnée qui est breveté et prendre un produit d'une autre entreprise qui est breveté, et en faire une pilule, qui est alors facile à prendre pour le patient.
    L'autre chose, c'est que maintenant, on est dans un environnement plus concurrentiel, car si l'on répète la formule dans différents marchés où il y a les contrats de licences obligatoires, alors nous pouvons avoir ces composants de thérapies produits de façon générique, qui sont moins chers pour les utilisateurs finaux, pour les acquéreurs.
    L'une de questions que soulèvent très souvent des gens avec qui j'ai discuté et qui connaissent bien le domaine, c'est qu'il est bien de dire que nous allons fournir des médicaments à faible coût, ce qui est important, mais dans certains pays, l'infrastructure n'est pas développée. On en apporte là-bas, ou on le permet, et les choses en restent là. Comment règle-t-on un tel problème?
    Encore une fois, je pense que... Je ne suis pas en train de dire que ce n'est pas difficile, que ce n'est pas plus difficile d'entrer dans un marché qui n'a pas les mêmes processus et les mêmes systèmes que les pays développés, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas un miracle de songer à faire ce que les gens pensent qu'il est impossible de faire. Ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas traiter plus de 400 000 personnes, en raison de toutes ces choses qui n'étaient pas en place. En réalité, nous traitons 5,2 millions de personnes, et nous avons des cliniques partout.
    Si l'on prend l'exemple de la Tanzanie, où il y avait deux sites disponibles, l'un à Dar es Salaam, et l'autre à Moshi, où l'on pouvait suivre un traitement contre le VIH en 2002, on compte maintenant plus de 60 sites en 2010. Nous n'aurions pas pu faire une telle chose dans notre propre pays. En étant capables de fournir les médicaments au gens, d'en faire venir dans le pays et de les transporter dans tous les sites, dont certains sont situés dans des régions rurales éloignées, nous avons pu prouver qu'il est possible de fournir des médicaments aux gens et de les traiter.
    Dans notre pays, nous avons un modèle de soins qui exige qu'un médecin prescrive les ordonnances, mais des algorithmes de traitement ont été conçus pour les pays en développement. Ils permettent à tout fournisseur de soins de santé de suivre de simples algorithmes de traitement pour que nous ayons le personnel nécessaire, qui a été formé au cours des huit dernières années, pour être en mesure de faire cela. Selon moi, ce n'est donc pas un argument.
    Je veux seulement ajouter que si nous avons toute cette infrastructure en place, mais qu'on ne peut pas acheter des médicaments à un prix abordable, qu'est-ce que cela apporte aux patients? En fait, les deux ne sont pas mutuellement exclusifs; ils doivent aller de pair. Donc, il s'agit de régler la question des prix, et ensuite, nous avons besoin d'une mesure complémentaire pour établir une infrastructure où il n'y en a pas. Mais comme le Dr Kilby le disait, on a fait des progrès énormes dans l'établissement d'infrastructure, bien que ce ne soit pas encore suffisant.
    Je suis désolé, monsieur Rota, mais votre temps est écoulé.
    Nous passons à M. Braid. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux seulement continuer à discuter de certains points déjà soulevés.
    Monsieur Elliot, je sais que nous parlons de l'Afrique, mais je veux brièvement revenir sur l'Inde. Vous dites que la loi sur les brevets en Inde évolue. L'Inde a-t-elle un régime similaire au RCAM aujourd'hui, et si ce n'est pas le cas, en aura-t-elle besoin d'un à mesure que sa loi sur les brevets évoluera?
(1205)
    Merci. C'est une excellente question.
    Maintenant que l'Inde délivre des brevets pour les produits pharmaceutiques — ce qui n'était pas le cas avant 2005 — elle a besoin d'un mécanisme comme le RCAM pour produire et exporter des médicaments génériques. En 2005, l'Inde a modifié sa Loi sur les brevets pour délivrer des brevets sur les produits pharmaceutiques et a également ajouté un article, l'article 92A, qui devrait essentiellement être l'équivalent indien du RCAM.
    C'est intéressant, parce que cette disposition n'a pas encore été testée, et elle est la copie conforme du problème du régime canadien. Avec le RCAM, il y a trop de paperasserie. Des restrictions non nécessaires et des processus laborieux viennent, entre autres, gâcher le programme.
    À mon avis, le manque de détails dans la loi indienne explique sa regrettable faiblesse. La loi ne comprend qu'un article sur le sujet qui ne fournit pas les directives opérationnelles requises. Donc, par exemple, la loi canadienne, et il faut bien le reconnaître, définit très clairement les redevances qui devront être versées par les fabricants de médicaments génériques aux fabricants de médicaments de marque brevetés lorsqu'on délivre une licence, et cet aspect est extrêmement important pour les fabricants de médicaments génériques, parce qu'ils ont toujours exigé de connaître le coût final, ce qui est sensé d'un point de vue commercial. Dans le cas de la loi indienne par contre, on ne précise pas les redevances qui doivent être versées. Vous pouvez être certains que la première fois qu'un fabricant essayera de recourir à la loi indienne, les deux parties concernées passeront des mois, des années devant les tribunaux indiens à établir la somme qui devra être versée. Pour cette raison, entre autres, on se questionne énormément à savoir si l'Inde pourra continuer de fournir des médicaments génériques aux pays en voie de développement.
    Donc, oui, l'Inde a une mesure semblable aux termes de sa loi, mais je crois qu'elle a ses faiblesses, tout comme le régime canadien, quoique les faiblesses soient différentes.
    Très bien.
    Passons maintenant à une question sur l'évaluation: au sujet des médicaments contre le VIH/sida qui sont utilisés pour traiter les 5,2 millions de personnes, au moyen de quel mécanisme ces médicaments ont-ils été testés et ont-ils obtenu la confirmation qu'ils étaient suffisamment efficaces et sécuritaires pour la santé? M. Elliott, a-t-on utilisé les mécanismes des pays ou le mécanisme de l'Organisation mondiale de la santé dont vous avez parlé?
    Tout dépend du pays, mais la plupart des médicaments, la plupart des médicaments génériques, par exemple, utilisés pour traiter les gens sont préqualifiés par l'OMS. C'est pour cette raison que cet organisme a mis en place ce programme, et la majorité des pays en voie de développement qui achètent des médicaments exigent que l'OMS les ait préqualifiés.
    Docteur Kilby, j'aimerais passer à un autre sujet si vous me le permettez. Vous avez répondu à une question plus tôt au sujet de la possibilité d'envoyer une grande quantité de médicaments vers un pays en voie de développement et qu'on nous les retourne. Selon vous, il n'y a qu'une très faible chance que cela se produise. Je vous ai cependant entendu évoquer la possibilité ou la crainte que des gens transportent clandestinement les médicaments entre les pays africains, par exemple. Pourriez-vous nous en parler davantage et nous expliquer pourquoi vous vous en inquiétez? En fin de compte, ce mécanisme et ces médicaments visent l'aide humanitaire et non la vente ou d'autres fins. Pourriez-vous nous en parler un peu?
    En réalité, leurs frontières sont beaucoup plus poreuses que les nôtres, et la population les traverse tout le temps.
    Je sais que si nous desservons la population du Bénin, par exemple, des Togolais feront la file. Ils traversent la frontière et viennent chercher des médicaments gratuits, des soins dentaires gratuits et tout ce qu'on peut leur offrir. C'est ce qui se produira, et c'est déjà le cas. Un pays pourrait avoir mis en place un processus d'approvisionnement, et, bien que les médicaments soient techniquement destinés à sa population, des gens se faufilent et obtiennent des médicaments, par exemple, au Kenya et retournent chez eux en Ouganda, où il y a une rareté des produits.
    Donc, s'agit-il plutôt de gens qui se déplacent vers les lieux de distribution des médicaments que de gens qui détournent les produits? Ce serait la crainte.
    Exactement.
    Il ne vous reste pratiquement plus de temps.
    Passons à M. Malo.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Docteur Kilby, tout à l'heure, vous disiez que les fonds disponibles pour l'achat de médicaments dans les zones touchées, donc les pays en voie de développement, proviennent de deux sources. En fait, vous en avez nommées deux, mais peut-être y en a-t-il plus. J'aimerais avoir une vision d'ensemble. Actuellement, combien d'argent y a-t-il sur la table, provenant des différentes sources disponibles, pour acheter des médicaments du type des antirétroviraux pour les pays dans lesquels vous travaillez?
(1210)
    Ce qui s'est produit en Afrique, en particulier, c'est que le continent a été divisé, c'est-à-dire que les pays qui font des dons de façon multilatérale ont pris certains pays ou certaines parties des pays et les Américains ont pris une autre partie des pays. Alors là où on travaille, parfois les programmes sont subventionnés par les Américains et ce sont eux qui achètent les médicaments, parfois les médicaments sont achetés par les programmes gouvernés par ONUSIDA ou par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
    Je ne sais plus à combien de milliards de dollars s'élève maintenant la somme totale. Je pense qu'on est rendu, pour les deux...
    Pour ce qui est du Fonds mondial, c'est environ... Cela dépend des contributions des pays.
    Les sommes ont diminué, cette année. On visait environ 10 milliards de dollars. Pour les Américains, c'est 3 milliards de dollars. Donc, on parle à peu près d'un marché désirable, aujourd'hui, de 13 milliards.
    Ces 13 milliards de dollars servent-ils seulement à acheter des médicaments?
    C'est pour le programme complet de développement d'infrastructures et pour des médicaments. C'est pour l'ensemble des besoins.
    Quelle proportion va à l'achat de médicaments?
    Je ne connais pas la proportion.
    Comme M. Braid le disait tout à l'heure — et M. Masse en a fait état dans sa question —, il y a tout l'aspect de la traçabilité. Et il ne s'agit pas nécessairement de savoir si le médicament va être retourné, mais s'il va être déployé ailleurs dans un but commercial. Il y aurait donc un détournement de médicaments. Lorsque les fonctionnaires ont comparu devant nous la semaine dernière, c'est un des éléments sur lesquels ils ont attiré notre attention en disant que le projet de loi C-393 diminue la traçabilité, ou ne permet pas une certaine traçabilité des médicaments, en vue de s'assurer qu'ils vont véritablement là où ils sont destinés.
    Monsieur Elliott, dans votre présentation, vous défaisiez un certain nombre d'arguments négatifs face au projet de loi C-393 qui nous ont été présentés par les fonctionnaires, la semaine dernière. Les avertissements qu'ils nous ont livrés n'étaient pas fondés, à votre avis. Je vous demanderais peut-être de donner plus de détails à ce sujet. J'aimerais que vous expliquiez pourquoi, selon vous, des fonctionnaires chargés de voir au bon fonctionnement du Régime canadien d'accès aux médicaments, donc chargés de s'assurer que plus de médicaments sont accessibles aux populations vulnérables, voudraient mettre des bâtons dans les roues, en quelque sorte. Pourquoi auraient-ils intérêt à s'opposer à une amélioration du régime visant justement à s'assurer qu'on aide davantage les populations vulnérables?
    Premièrement, le Canada ne fait face à aucun problème qui découlerait d'un régime qui ne fonctionne pas. De fait, si on a un régime qui ne fonctionne pas, il n'y a aucun risque de détournement ou de voir surgir d'autres problèmes. En réalité, si on a un régime qui va mieux fonctionner du point de vue de l'approvisionnement en médicaments, on s'expose à certains risques. Personne ne peut dire qu'on ne s'expose pas à des risques. Les fonctionnaires ont comme fonction de vous faire voir les risques possibles auxquels le Canada serait exposé si jamais il endossait une révision de la loi pour permettre un approvisionnement plus facile en médicaments.
    Je pense qu'ils font bien leur travail. Ils doivent vous indiquer où sont les risques. Or, je ne sais pas si ces craintes vont se réaliser. Cependant, je sais que si les gens de partout dans le monde restaient chez eux à ne rien faire pour ne pas courir de risques, il pourrait y avoir un grand problème. De toute façon, ce n'est pas le but premier du Régime canadien d'accès aux médicaments.
(1215)
    Pourriez-vous préciser votre pensée, s'il vous plaît?

[Traduction]

    Monsieur Malo, votre temps est largement écoulé. J'ai simplement permis au Dr Kilby de compléter sa réponse à votre question.

[Français]

    Je lui demande simplement de préciser sa pensée.

[Traduction]

    Ce sera pour la prochaine fois.
    Merci, monsieur Kilby.
    Monsieur Van Kesteren, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous deux d'être venus témoigner ce matin.
    Monsieur Elliott, je tiens à vous féliciter de votre évidente passion. Vous avez évidemment accompli beaucoup de travail, et je crois que cela doit être très frustrant pour vous de voir tous ces gens mourir. Je voulais le mentionner.
    Avez-vous dit que 8 000 personnes mouraient quotidiennement?
    Oui.
    Mes calculs sont-ils exacts, si j'arrive à 2,5 millions par année?
    Oui. Ce sont les données d'ONUSIDA.
    Est-ce seulement pour l'Afrique ou pour l'ensemble de la planète?
    Pour l'ensemble.
    Partout dans le monde.
    L'Afrique est le continent le plus durement touché. Le gros des décès survient en Afrique, mais les données ne se limitent pas à cette région.
    Mais la majorité des décès sont en Afrique.
    Oui, 90 p. 100.
    J'aimerais parler des autres maladies et je pourrais vous adresser ma question, docteur Kilby.
    Utilise-t-on cette loi, ce mécanisme pour des maladies comme le paludisme? Combien en meurent chaque année? Avez-vous ces chiffres?
    Plus de gens meurent du paludisme en Afrique que du VIH et du sida, si on examine strictement les données. En réalité, le problème du paludisme en Afrique est lié au système immunitaire, parce que si les gens ont un système immunitaire déficient, ils sont plus à risque de contracter le paludisme et d'en mourir. Si le VIH et le sida n'existaient pas, combien mourraient du paludisme aujourd'hui en Afrique? Le nombre de décès serait de loin inférieur à ce qu'il est actuellement. Il en va de même pour la diarrhée et les autres maladies, particulièrement la tuberculose.
    Bien entendu, le programme du Fonds mondial ne se limite pas au VIH et au sida et à l'approvisionnement pour ces infections; il s'occupe également du paludisme et de la tuberculose.
    Je ne dis pas que le sida n'est pas une horrible maladie, mais le paludisme tue plus de gens dans le monde, n'est-ce pas? N'est-ce pas la maladie qui tue le plus de nourrissons?
    Non. C'est probablement la diarrhée, mais le paludisme tue le plus de gens. Encore une fois, cela se trouve dans mon document de sensibilisation sur le VIH. Les gens ne meurent pas du VIH; ils meurent d'une pneumonie. Il en va de même en Afrique. Les Africains ne meurent pas du VIH; les gens qui ont le VIH meurent du paludisme et de la tuberculose, et dans le dernier cas, lorsque les gens ont un système immunitaire déficient, la tuberculose s'active et peut devenir contagieuse pour les autres.
    Je n'essaye pas de minimiser la tragédie qu'est le sida, mais cette loi aide-t-elle ceux qui souffrent? Tout le monde qui meurt n'a pas nécessairement le sida. Je crois que nous avons pratiquement éliminé la polio. Je crois que l'Afghanistan et peut-être un autre pays en Afrique... Toutefois, est-ce que cela aide ou l'utilise-t-on comme un moyen de mettre un terme à cette tragédie et aux autres maladies, dont la diarrhée, comme vous l'avez mentionné?
    Bien sûr, en ce qui concerne le fonds mondial et en ce qui concerne le programme qui profiterait le plus de ce genre de mesure afin d'envoyer des médicaments...
    Cependant, reçoivent-ils les médicaments? Les obtiennent-ils?
    Ils ne le feraient pas seulement pour contrefaire le brevet, passez-moi l'expression, pour le médicament contre le VIH, mais nous nous inquiétons vraiment aussi pour le paludisme, parce que les médicaments qui ne sont pas brevetés sont vraiment de moindre qualité que ceux auxquels nous avons accès partout dans le monde. Le produit breveté que j'utilise pour me protéger lorsque je me rends en Afrique n'est pas disponible pour ces gens à moins d'utiliser ce genre de mesure.
    Pourquoi ne le faisons-nous donc pas? Pourquoi ne pas le faire également pour le paludisme? Pourquoi n'envoyons-nous pas des médicaments génériques aux gens atteints de paludisme?
    On le fait également.
    Est-ce le cas dans tous les pays?
    Monsieur Elliott, je présume que vous voulez dire un commentaire.
    La loi actuelle ne le fait pas, parce que, comme nous le disions, elle n'a été utilisée qu'une seule fois pour un médicament contre le sida pour un seul pays. On ne peut donc pas dire que la loi ne fait rien. Elle pourrait faire quelque chose, parce que, sous sa forme actuelle, elle ne se limite pas aux médicaments contre le sida. Il est très important de le noter, parce que cet aspect était central dans les négociations avec l'OMC qui ont mené au mécanisme qui a ensuite donné naissance au RCAM.
    Il y a eu un vaillant effort de la part des États-Unis et de l'Union européenne pour affirmer que nous allions élaborer un mécanisme qui permettra d'exporter des médicaments génériques dans les pays qui en ont besoin, mais ils ont vraiment demandé que ce soit uniquement contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, et possiblement contre d'autres épidémies.
    Il y a eu une vive opposition, et avec raison, parce qu'on se demandait ce que nous dirions à ces gens: « Désolé, vous ne mourrez pas de la bonne maladie. » Leur dirons-nous, par exemple, que nous avons accès aux médicaments contre le cancer dans les pays riches, mais qu'ils ne recevront que les médicaments contre le sida dans les pays pauvres? C'était tout simplement inacceptable et ce l'est toujours. Donc, en fin de compte, tous les membres de l'OMC ont convenu que ce mécanisme pourrait être utilisé pour traiter tous les problèmes de santé publique.
    On parle particulièrement du VIH, de la tuberculose et du paludisme, parce que ce sont les maladies les plus meurtrières, mais c'est très clairement écrit que cela ne s'y limite pas. Dans le même ordre d'idées, la loi actuelle ne traite pas seulement de ces infections, bien qu'en pratique on ait du mal à s'en servir à d'autres fins, et on propose, pour cette raison, de la modifier pour en faciliter son utilisation dans le cas de médicaments pour traiter les problèmes de santé publique, ce qui rejoint l'objectif de l'OMC.
(1220)
    Merci, monsieur Elliott.
    Merci, monsieur Van Kesteren.
    La parole est maintenant à M. Masse pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    L'un des aspects intéressants à propos du projet de loi... Le ministère est très critique à son endroit. En établissant des normes, la loi pourrait connaître un succès fracassant. J'imagine qu'un tel succès serait de fabriquer différents médicaments en grande quantité qui seraient alors exportés et qui serviraient à traiter les gens et à sauver des vies. C'est une façon intéressante d'analyser la situation. Toutefois, les gens du ministère ont également brossé le tableau de la grande réussite d'Apotex au Rwanda.
    Vous savez, acheminer des médicaments à ces gens, oui, c'est une réussite. Cependant, le processus ne l'était pas. Ils ont vanté l'efficacité du RCAM, mais le RCAM vous demande des efforts avant de pouvoir entamer les démarches du régime. Pourriez-vous nous en parler?
    Ce que je trouve assez incroyable dans l'attitude des gens du ministère, c'est que... Lors d'une séance d'information, j'ai demandé aux représentants, étant donné qu'ils ne croyaient pas que le projet de loi C-393 était bon, s'ils avaient des suggestions pour l'améliorer, mais personne n'en avait. Je trouve cela incroyable, parce que si nous ne modifions pas la loi, personne ne l'utilisera.
    Les gens ont fait des pieds et des mains pour concrétiser le projet d'Apotex au Rwanda... En 2003, lorsque nous l'avons lancé, on nous avait prévenus que cela ne marcherait pas. Cependant, lorsque nous avons posé la dernière pierre, nous avons tous convenu de déposer les armes, de faire une trêve et d'essayer de le réaliser. Maintenant, on se sert de cette grande réussite comme argument pour ne pas modifier le mécanisme.
    Pourriez-vous nous donner un aperçu de la chronologie entourant le projet au Rwanda?
    Oui.
    Leur propre client dit maintenant qu'il ne répétera pas l'expérience.
    Oui, tout à fait.
    Avant que je l'oublie, j'aimerais attirer votre attention sur l'un des documents que nous vous avons remis. Il s'agit d'un mémoire préparé par Médecins Sans Frontières dans lequel l'organisme décrit les évènements entourant sa tentative pour utiliser la loi en collaboration avec Apotex dans le but de livrer un médicament dont l'organisme avait besoin.
     Cette partie de l'histoire que raconte MSF dans son mémoire dresse la chronologie des événements. Toutefois, elle s'arrête au milieu de l'année 2006, parce que MSF a finalement cessé les démarches pour utiliser la loi, après avoir attendu 18 mois qu'un pays se manifeste.
    Lorsque nous entendons les gens marteler qu'il n'a fallu qu'un total de 68 jours pour faire fonctionner cette mesure législative, pour obtenir une licence, ils omettent de parler des mois et des mois et des mois qui se sont écoulés avant qu'un pays se manifeste. Dans son état actuel, la loi exige de connaître le nom du pays en premier avant d'amorcer les démarches pour essayer d'obtenir la licence. Cependant, il manque un bout à l'histoire si on la résume ainsi: «  Oh, maintenant que nous avons trouvé un pays, nous pouvons amorcer le processus pour essayer d'obtenir une licence volontaire d'un fabricant de médicaments brevetés, et si après 30 jours, cela ne fonctionne pas, nous pouvons alors essayer d'obtenir une licence obligatoire pour fournir une quantité fixe de médicaments pendant seulement deux ans. »
    On oublie tous les durs labeurs qui se cachent derrière ce succès, à savoir la raison pour laquelle il a fallu attendre si longtemps avant qu'on réussisse à s'en servir. La loi a créé une sorte d'obstacle qui empêche son utilisation si on ne connaît pas le pays d'avance.
    La solution d'une seule licence que propose le projet de loi C-393 réglerait le problème, parce qu'on n'aurait plus besoin de nommer le pays d'avance pour obtenir une licence. Le fabricant obtient l'autorisation, puis soumissionne pour fournir les pays. S'il offre un produit de qualité à un prix compétitif — il serait plus en mesure d'y arriver si le mécanisme est plus facile d'utilisation —, il peut alors être le fournisseur, parce que sa licence l'autorise à fournir ces produits à ce pays admissible.
    Je vous invite à prendre connaissance de cette histoire et des pierres d'achoppement dans la loi actuelle, qui se sont révélées être exactement ce que nous croyions qu'elles seraient. À mon avis, nous pouvons tirer des leçons de cette aventure afin d'améliorer la loi.
(1225)
    De plus, le projet de loi... J'aimerais en parler brièvement. On a prévenu que cela aurait des conséquences sur la recherche et le développement, à un point tel que les grandes pharmaceutiques retireraient leurs fonds au Canada. Il s'agit en fait d'une supposition du ministère, ce qui s'avère très intéressant. Si les grandes pharmaceutiques... Peu importe qui c'était, il s'agirait d'un problème de relations publiques. Ces pharmaceutiques puniraient en fait un pays qui innove, qui ose essayer quelque chose de différent.
    Toutefois, elles reçoivent en fait des redevances. Elles touchent une part des contrats. Pourriez-vous nous en parler? Leurs travaux de recherche et développement et leur produit ne se retrouveront pas sur Internet. Des dispositions les protègent. Qui plus est, les grandes pharmaceutiques reçoivent des redevances des fabricants de médicaments génériques.
    Elles reçoivent, en plus, des redevances sur des ventes qu'elles ne font pas actuellement, parce que leur stratégie d'établissement des prix dans les pays en voie de développement ne rend pas leurs médicaments abordables pour la grande majorité des gens qui doivent débourser de leurs poches pour se les procurer. Actuellement, il s'agit donc de ventes non concrétisées pour les fabricants de produits brevetés. Si on crée de la concurrence dans ces marchés en permettant aux fabricants de médicaments génériques de sauter dans la mêlée et de jouer du coude pour faire diminuer les prix, les clients feront la file, ce qui occasionnera des ventes à des patients qui ne recevaient pas de médicaments auparavant et des redevances pour les fabricants de produits brevetés sur les contrats, qui doivent être dévoilés en vertu de la loi.
    Le régime de redevances actuellement compris dans la loi tire son origine d'une proposition que nous avons présentée en 2004: plus le pays est pauvre, moins le pays est développé, moins les redevances devraient être élevées. La redevance maximale versée ne devra jamais dépasser 4 p. 100 de la valeur du contrat. Il s'agissait de la norme que nous avions fixée lorsque nous utilisions régulièrement les licences obligatoires au Canada pour fournir le marché canadien. Il n'y a aucune raison pour que les pays les plus pauvres aient à payer une redevance s'approchant de ce que nous devions verser lorsque nous fournissions un pays riche.
    Merci, monsieur Masse.
    Merci.
    Vous avez maintenant la parole, monsieur Lake, pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de leur présence aujourd'hui.
    J'écoutais les commentaires de M. Masse, dont l'accent était mis sur « Rendre le RCAM fonctionnel », qui parlait de ce que les représentants ont et n'ont pas dit avant la dernière séance. J'imagine que je n'ai pas entendu le même discours que lui. J'ai entendu les représentants dire que le problème n'était pas que le RCAM ne fonctionnait pas, mais qu'il s'agissait plutôt du fait que d'autres moyens plus efficaces existent.
    Ça me fait penser à l'invention de l'automobile. Bien entendu, lorsqu'elle a été inventée, les gens ont arrêté de se servir des chevaux et des voitures. Ce n'était pas pour autant qu'ils ne fonctionnaient plus; cela voulait seulement dire que les gens avaient une meilleure option pour se déplacer. En fin de compte, la population a cessé de se servir des chevaux et des voitures.
    Dans ce contexte, je vois que 400 000 personnes ont été traitées en 2003, 1,3 million en 2005 et 5,2 millions l'auront été d'ici la fin de l'année. Nous progressons en grande partie, parce qu'il semble que le fonds mondial sert à acheter des médicaments de l'Inde. Pour une certaine raison, l'Inde vend ses produits moins cher que les autres, y compris le Canada avec son RCAM. À mon avis, le fait que le nombre de personnes traitées augmente en flèche, c'est une bonne nouvelle.
    Voici ma première question: en ce qui concerne l'Inde, si sa loi sur les brevets est entrée en vigueur en 2005 et que la plupart des médicaments qui sont distribués en Afrique proviennent de ce pays, pourquoi le nombre de personnes traitées par ces médicaments a-t-il bondi de 1,3 million à 5,2 millions? J'aimerais que vous commentiez ces chiffres.
    Absolument. Pourrais-je apporter une correction ou une précision?
    Tout à fait.
    Lors de la seule utilisation du RCAM, le fabricant indien de médicaments génériques n'offrait pas le médicament à un prix inférieur. Les prix étaient en fait égaux.
(1230)
    D'accord. Par contre, c'est normalement le cas.
    En effet. Eh bien, le RCAM n'a été utilisé qu'une seule fois, et les prix étaient compétitifs.
    La disponibilité des produits génériques explique en partie l'augmentation du nombre de personnes traitées. Par exemple, l'argent du fonds mondial a permis de repousser les limites, parce que le comprimé coûte 20 ¢ au lieu de 5 $. Voilà pourquoi 5,2 millions de personnes reçoivent des traitements actuellement.
    Toutefois, comme je le disais plus tôt, l'approvisionnement en médicaments génériques indiens est actuellement sérieusement menacé. Le robinet se ferme en raison des modifications à la loi sur les brevets. Ces changements ont eu lieu en 2005. Les médicaments génériques qui étaient déjà produits en 2005 sont devenus des droits acquis. Ils peuvent donc toujours être produits. Actuellement, parce que le nombre de gens qui reçoivent des traitements contre le sida est en pleine expansion, la majorité des personnes infectées utilisent encore des médicaments de première ligne, qui proviennent des fabricants indiens de médicaments génériques.
    Ce que nous commençons à remarquer, comme le Dr Kilby le disait — et nous en verrons de plus en plus —, c'est que ces médicaments de première ligne commencent à ne plus avoir d'effets sur les porteurs, parce que le virus mute et devient résistant. Ces gens devront donc passer aux médicaments de deuxième ligne, et ce sont ces produits qui seront brevetés en Inde maintenant que le pays offre la protection des brevets. L'approvisionnement de ces médicaments sous forme générique en provenance de l'Inde est très loin d'être chose sûre. Nous ne savons pas encore ce qui arrivera.
    D'une manière ou d'une autre. Nous ne le savons pas.
    On l'ignore.
    D'accord.
    Nous savons qu'il sera plus difficile maintenant d'obtenir des produits génériques en provenance de l'Inde. Cela pourrait devenir impossible. Qui sait? Cependant, il ne fait aucun doute qu'une protection des brevets est maintenant en place en Inde et entrera en vigueur.
    Toutefois, d'un autre côté, nous constaterons peut-être — et vous en avez parlé, monsieur Elliott — que ces changements dans l'approche du marché en réponse à la situation indienne pourraient pousser plus de gens à envisager le RCAM comme une avenue possible.
    Je sais que mon temps est compté. J'aimerais aborder une autre question.
    Je suis à la page 47 de votre mémoire, monsieur Elliott. Vous avez fait allusion plus tôt aux modifications de la Loi sur les aliments et drogues. L'autre jour, les représentants nous ont dit s'en inquiéter. Je vous dirai qu'en survolant votre mémoire, j'ai des réserves.
    De la manière dont je le comprends, vous avez barré que « la présente loi s’applique aux drogues et instruments à fabriquer en vue de leur exportation conformément à la décision du Conseil général » et que « les exigences prévues par la présente loi et par ses règlements s’appliquent aux drogues et instruments comme s’ils étaient destinés à être fabriqués et vendus pour consommation au Canada ».
    C'est ce que vous avez rayé.
    Vous le remplacez par: « Il est interdit d’exporter un produit visé au paragraphe (1), à moins que l'une des conditions suivantes ne soit remplie. » Il ne faut satisfaire qu'une seule des conditions qui suivent. Je regarde la liste et je retrouve des conditions auxquelles vous avez fait allusion et qui sont sensées, mais une seule des conditions doit être remplie.
    L'alinéa 38(3)b) dit que « l'autorité de réglementation pharmaceutique du pays vers lequel le produit sera exporté a approuvé par écrit le produit ». Ce qui veut dire, en gros, que si le Rwanda affirme qu'un médicament fonctionne, nous pouvons dès lors automatiquement l'exporter au Rwanda, que le Canada ait approuvé ou non ce médicament.
    L'alinéa 38(3)c) va encore plus loin. Il prévoit que « l'autorité de réglementation pharmaceutique d'un autre pays a approuvé par écrit le produit, et le gouvernement du pays vers lequel le produit sera exporté a indiqué par écrit que cette approbation est satisfaisante ». Donc, selon cet alinéa, si le Rwanda approuve un médicament et que la Tanzanie dit qu'elle est d'accord avec cette décision...
    Vous devez en venir aux faits, monsieur Lake.
    Je sais.
     Cela m’inquiète quand je lis cela. Si l’on affirme que le Canada doit l’approuver, cela change énormément les choses par rapport à ce que nous faisons aujourd’hui. Il faut qu’il soit approuvé comme si quelqu’un était traité au Canada.
    Répondez aussi brièvement que vous le pouvez, monsieur Elliott.
    Je vais faire de mon mieux.
     Permettez-moi d’abord d’attirer votre attention sur le paragraphe 37(1) de la Loi sur les aliments et drogues qui n’est nullement touché par tout cela. Il est déjà entendu que tout médicament fabriqué au Canada à des fins d’exportation n’est pas examiné par Santé Canada; c’est seulement lorsqu’un médicament est produit à des fins d’exportation en vertu du RCAM que son examen par Santé Canada est exigé. Le gouvernement canadien faisait déjà preuve d’insouciance, si vous me permettez l’expression, à l’égard des médicaments exportés. Cependant…
    Vous pourrez apporter des précisions à ce sujet, car c’est au tour de M. Scarpaleggia. Je suis désolé; je dois être juste envers tous les membres. Ensuite, nous reviendrons au Parti conservateur et aux autres.
     Monsieur Scarpaleggia, vous disposez de cinq minutes
    Merci, monsieur le président.
     Je céderai le reste de mon temps de parole à M. Rota. Je remplace quelqu’un ici, alors je n’ai pas suivi le débat. Vous allez devoir me pardonner si mes questions ont déjà été posées ou si elles sont trop simples.
    Vous avez mentionné que l’Inde resserrait son système de protection des brevets. Vous attendez-vous à ce qu’à un moment ou à un autre, la Chine intervienne dans ces marchés?
    Elle pourrait le faire. Elle est l’un des pays qui ont élaboré ce qu’on appelle une « directive d’État » visant à mettre en oeuvre la décision prise par l’OMC en 2003. Cette décision est à l’origine de la loi canadienne. La Chine est l’un des pays qui ont pris cette mesure.
     Elle laisse énormément à désirer, d’autant plus qu’elle limite beaucoup les maladies pour lesquelles des médicaments peuvent être produits. La Chine deviendra-t-elle un important intervenant à cet égard… C’est possible, mais je ne le sais pas.
(1235)
    Vous parliez du cas du Rwanda. Vous avez dit qu’en signalant qu’il avait fallu seulement 68 jours pour régler la question, on passait sous silence les efforts considérables qui avaient précédé ces 68 jours. Vous avez mentionné que la nécessité de désigner au préalable un pays était problématique. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Je ne suis pas certain de comprendre.
    MSF a promis à Apotex que, si elle mettait au point cette drogue, cette dose fixe de trois médicaments combinés dont ses médecins avaient besoin sur le terrain, MSF chercherait à en acheter dans le cadre du RCAM. Aux termes de la loi, pour que MSF puisse se procurer le médicament, il faut qu’un pays avertisse l’OMC qu’il a l’intention d’administrer cette drogue et qu’il indique la quantité dont il pense avoir besoin.
    Monsieur Elliott, pourriez-vous apporter brièvement une précision? On utilise tellement d’acronymes au sein du gouvernement fédéral que je me demande si tous ces gens qui gardent respectueusement le silence s’interrogent sur la signification de l’acronyme MSF.
    Oh, je vous demande pardon. Cela signifie Médecins Sans Frontières.
     Pour qu’Apotex puisse ensuite aller de l’avant et être légalement en mesure de vendre le médicament à MSF, l’entreprise doit rencontrer les fabricants canadiens de médicaments d’origine qui sont titulaires des brevets pour ces trois médicaments et leur dire: « Nous aimerions que vous nous autorisiez volontairement à fournir à tel ou tel pays telle ou telle quantité du médicament en question. » Ils doivent ensuite négocier pendant 30 jours. S’ils sont incapables de s’entendre sur les modalités de la licence volontaire, Apotex peut présenter une demande de licence obligatoire au commissaire aux brevets. Celui-ci lui ordonnera alors de payer les droits de propriété intellectuelle selon le calcul prescrit par la loi en vigueur.
     Toutefois, cette période de 30 jours fait partie du problème parce que, si vous voulez être en mesure d’obtenir une licence obligatoire, vous devez déclencher le compte à rebours de 30 jours. Or, vous ne pouvez pas le faire tant que vous n’avez pas communiqué au fabricant de médicaments d’origine le nom du pays bénéficiaire et la quantité de médicaments. Donc, si vous n’arrivez pas à convaincre le pays de communiquer à l’avance avec l’OMC, vous êtes coincés…
    Donc, vous soutenez qu’il est très difficile de convaincre les gouvernements de certains pays de manifester leur intérêt?
    Dans certains pays, c’est le cas. L’organisation MSF, qui est présente dans divers pays, a essayé pendant 18 mois et a finalement abandonné la partie parce qu’elle n’arrivait pas à convaincre un seul pays de s’adresser à l’OMC.
    Vous nous avez énuméré toutes les raisons pour lesquelles ce projet de loi est en fait dans l’intérêt des fabricants de médicaments d’origine: ils toucheraient des droits de propriété intellectuelle; ils ne cannibaliseraient pas leurs propres marchés, etc. Donc, pourquoi, à votre avis, s’opposent-ils tellement à ce projet de loi? Quelle est leur principale raison? Si c’est en fait une bonne affaire pour eux, qu’elle est la pierre d’achoppement?
    Puis-je être franc?
    Oui, vous êtes ici parce que nous souhaitons que vous nous parliez avec franchise.
     Pour être honnête, c’est, d’une part, une question de cupidité et, d’autre part, une question de programme politique plus vaste. Ce programme que, selon moi, ils affichent clairement depuis des dizaines d’années, consiste à imposer à l’échelle mondiale des règles toujours plus sévères en matière de propriété intellectuelle, parce qu’en tant que monopolistes, c’est dans leur intérêt de le faire. Je veux dire que c’est dans la nature du scorpion de piquer la grenouille qui lui fait traverser la rivière, n’est-ce pas? Ils ont intérêt à protéger autant que possible leur monopole, et c’est pourquoi ils ont chargé l’OMC d’imposer à l’échelle mondiale des normes sophistiquées en matière de propriété intellectuelle.
     L’industrie pharmaceutique et l’industrie du divertissement étaient les principaux adeptes de cette entente. Les documents historiques le montrent très clairement. Je n’invente rien. De plus, elles ne prisent pas les assouplissements que comporte le régime tels que les licences obligatoires. Toute disposition qui permet de déroger aux droits de brevet, même dans un but limité, provoque un haut-le-corps chez les titulaires de brevet. Mais les règles de l’OMC sont très claires à ce sujet. Cela fait partie de l’équilibre qui doit être maintenu entre la protection de la propriété intellectuelle et le droit d’accès.
     Cela ne veut pas dire que cela leur plaît, alors ils protestent — et ont protesté — chaque fois qu’un pays envisage de recourir à une licence obligatoire ou d’en émettre une. Ils opposent une résistance extrêmement farouche qui se traduit par des poursuites, des menaces de sanctions commerciales ou des menaces d’interruption du processus d’homologation des nouveaux médicaments. Cela se répète sans cesse, en Thaïlande, en Afrique du Sud, au Brésil, etc., et, à mon avis, c’est en partie la raison pour laquelle les pays hésitent à se manifester, surtout qu’on leur offre un système boiteux qui ne garantit même pas qu’au bout du compte, ils recevront des médicaments. Pourquoi attireriez-vous l’attention sur vous et risqueriez-vous d’être en butte à ce genre de représailles, alors que vous ne vous attendez pas…
(1240)
     Je ne sais pas s’il reste assez de temps pour que M. Rota prenne la parole.
    Officiellement, il n’en reste plus, mais le Parti conservateur a considérablement dépassé le temps qui lui était imparti.
     Alors, monsieur Rota, avez-vous une brève question à poser à laquelle on peut répondre brièvement?
    Merci, monsieur le président.
     J’espère que ma question sera courte. En fait, elle est étroitement liée à ce dont M. Scarpaleggia parlait.
     De plus, on m’a fait valoir que la mise en oeuvre du RCAM remontait seulement à six ans, et d’aucuns diraient qu’il n’a pas vraiment eu l’occasion d’entrer pleinement en vigueur et qu’il commencera probablement à fonctionner, une fois que des pays comme l’Inde se retireront du marché.
     Grâce aux restrictions que l’OMC a imposées à l’Inde et aux ententes qui ont été négociées, il est probable que l’Inde interrompra ces activités. En réalité, pouvez-vous penser à d’autres pays qui pourraient remplacer l’Inde? Les changements qui ont été apportés préviendront-ils certains des problèmes actuels, comme l’absence de médicaments?
    Je crains qu’après avoir apporté ces changements, rien ne se produise et que les choses continuent comme avant, ce qui, à mon avis, n’est pas le but. Nous voulons que la loi soit mise en oeuvre et que les médicaments deviennent disponibles.
     Tout à fait. D’après notre évaluation et l’évaluation des gens qui ont tenté d’utiliser le système actuel et des experts qui l’ont examiné, si nous apportons ces changements, nous augmenterons énormément la probabilité que le système soit utilisé de nouveau pour fournir des médicaments.
     Après six ans, je ne crois pas que ces changements soient prématurés. Combien de gens doivent mourir prématurément avant que nous admettions que le système ne fonctionne pas? Nous devons accepter le fait qu’en réalité, nous avons livré un médicament à un pays en six ans. Ce n’est pas ce qu’on nous avait promis, et les choses ne sont pas comme elles devraient l’être.
     Cette solution était censée être « expéditive ». C’est le mot que les membres de l’OMC ont employé. C’est ce qu’ils souhaitaient réaliser. Nous n’y sommes pas parvenus, mais nous pourrions réussir.
    Nous passons maintenant à M. Lake qui dispose de cinq minutes.
     J’aimerais, si vous me le permettez, revenir de nouveau sur la dernière série de questions.
     Monsieur Kilby, je veux vous adresser une question semblable à celle que j’ai posée à M. Elliott. Mais je tiens d’abord à orienter la conversation en signalant que votre témoignage et ce que vous avez dit à propos du développement des capacités et des réalisations de votre organisation semblent phénoménaux. Selon les conversations que j’ai eues avec des gens qui se préoccupent vraiment de cette question, cela semble être exactement ce dont nous avons besoin.
     Soyons honnêtes; nous voulons tous la même chose. Nous sommes assis à cette table, nous entendons des témoins parler pour ou contre ce projet de loi et, pourtant, nous voulons tous la même chose. Nous souhaitons tous que les Africains reçoivent davantage d’aide afin de résoudre cet important problème, c’est-à-dire le nombre de gens qui meurent non seulement du SIDA, mais de toutes sortes de maladies qui sont complètement évitables. Il est totalement inadmissible que des gens meurent de la diarrhée. Nous devons prendre des mesures pour régler ces questions.
     Pourriez-vous poursuivre en utilisant ce contexte comme point de départ? Encore une fois, si je fais des observations à propos des chiffres, je dois dire que nous avons fait des progrès considérables en passant de 400 000 en 2003 à 5,2 millions d’ici la fin de 2010.
     Il est évident que nous utilisons d’autres moyens que le RCAM pour réaliser ces progrès. Au cours des témoignages de la séance précédente, nous avons entendu dire que plusieurs approches fonctionnaient et que c’était l’une des raisons pour lesquelles on ne faisait pas appel au RCAM. Ce n’est pas nécessairement que le régime ne fonctionne pas; on ne s’en sert tout simplement pas, parce que d’autres solutions sont disponibles.
     Encore une fois, combien de personnes qui ont besoin de traitements n’en reçoivent pas? Pourriez-vous me le rappeler?
    Le double.
    Le double de 5,2 millions. Êtes-vous en train de dire que le double de gens ne reçoit pas de traitement, ou que le double de gens a besoin d’être traité?
    Le double de gens a besoin d’être traité.
    Donc, nous devons doubler les 5,2 millions.
     Compte tenu de notre élan actuel, il me semble que, si nous continuons dans cette voie, nous atteindrons ce chiffre bientôt. De 2003 à 2005, nous avons triplé le nombre de gens que nous traitions, puis nous l’avons triplé de nouveau de 2005 à 2010.
    Mais, maintenant, nous rencontrons quelques difficultés. L’une d’elles a trait au fait que nous ne finançons plus aujourd’hui le fonds mondial qui nous permet d’accomplir ce travail de la même façon que nous le faisions il y a un an.
     Doubler les soins avec moins d’argent… Premièrement, cela ne se produira pas. La seule façon que les pays, qui contribuent à ces accords multilatéraux au moyen du fonds mondial, pourraient en avoir pour leur argent — parce qu’on leur demandera d’investir de nouveau dans le fonds mondial, surtout qu’un plus grand nombre de gens qui ne seront plus en mesure d’obtenir les médicaments vont claironner qu’ils suivent un traitement… Les coûts que notre gouvernement et d’autres gouvernements du monde entier devront assumer seront encore plus élevés, en particulier si nous sommes disposés à payer les médicaments 10, 20 ou 30 fois plus cher.
     Nous pouvons réfréner les coûts occasionnés par les ressources humaines, l’approvisionnement, le transport et tout le reste. La seule chose que nous n’allons pas pouvoir réfréner, si nous ne trouvons pas un moyen de nous procurer facilement ces médicaments à meilleur prix… Finalement, soit nous abandonnons la partie et nous déclarons que c’est le mieux que les pays du monde puissent faire, soit, surtout si nous avons pris un engagement à l’égard de 5,2 millions… Nous savons déjà qu’au cours des deux prochaines années, 30 p. 100 des gens qui prennent la molécule produite par l’Inde, c’est-à-dire celle que la plupart de ces gens prennent, devront cesser de la prendre en raison de sa toxicité. La douleur qu’ils ressentiront dans leurs jambes et dans leurs mains sera trop vive, sans parler de l’atrophie de leurs tissus adipeux, de l’émaciation de leur visage et de tout le reste; nous allons nous contenter de parler de la douleur.
     Pour cette seule raison, lorsque nous passerons au prochain niveau, aux médicaments de deuxième ligne, si nous ne sommes pas en mesure de les obtenir au même prix que les médicaments de première ligne ou, du moins, à un prix comparable, nous allons devoir renier l’engagement que nous avons pris envers ces 5,2 millions de personnes et leur dire: « Vous savez quoi, vous suiviez une thérapie, mais nous n’avons pas les moyens de traiter simultanément trois millions de personnes dans le monde. Cela coûte simplement trop cher. »
     Le fonds mondial et le PEPFAR — parce que les Américains sont également revenus sur leurs engagements — ne nous permettent simplement pas de payer ces traitements.
(1245)
    Ce qui me tracasse, c’est que, bien que nous désirions la même chose, nous reconnaissons qu’il y a des problèmes. Je pense que nous pourrions probablement avoir une conversation à propos des difficultés dont vous parlez, des questions que nous devons régler, et tomber d’accord sur plusieurs choses. Nous avons entendu les experts de quatre différents ministères — et n’oubliez pas que les experts du gouvernement qui ont comparu devant nous au cours de la séance précédente n’ont pas de parti pris; ces gens étaient les experts en la matière quand les libéraux étaient au pouvoir et ils le sont toujours aujourd’hui sous le gouvernement conservateur —, et ils ont déclaré être catégoriquement opposés au projet de loi. Selon eux, il n’accomplirait pratiquement rien et, pourtant, il aurait d’incalculables conséquences inattendues. En tant que député, cela m’inquiète beaucoup.
     Encore une fois, je reviens à mon sujet, et j’aimerais que vous répondiez, si vous le pouvez, à la question que j’ai posée concernant la santé. N’êtes-vous pas préoccupé par le fait qu’aux termes du projet de loi C-393, les médicaments utilisés dans le cadre du régime seraient approuvés par un pays d’Afrique et que ce processus d’approbation ne serait pas assujetti aux considérations qui s’appliqueraient si ces mêmes médicaments étaient destinés à un Canadien?
    Si vous aimeriez répondre à cette question…
    J’aimerais que M. Kilby réponde à cette question.
    D’accord.
     Monsieur Kilby, vous pourrez en parler dans votre conclusion. Je m’efforce d’achever les interventions afin de vous accorder tous deux deux minutes pour conclure.

[Français]

    Monsieur Cardin, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs.
    Je crois qu'il y a un problème important. Il est question de financement. À ce propos, les 13 milliards de dollars dont vous parliez au début correspondent-ils à la totalité des sommes destinées au sida, ou correspondent-ils à la somme destinée à l'ensemble des maladies, au chapitre de la santé?
    Ils sont destinés au sida, au paludisme et à la tuberculose.
    À combien pouvez-vous estimer la contribution du Canada à cette somme de 13 milliards de dollars?
    Il y a quelques semaines, le premier ministre a annoncé, à l'ONU, le montant de la contribution du Canada. Je ne me souviens pas exactement du chiffre, mais je crois que c'est plus ou moins 5 $ par Canadien et Canadienne. Vous pouvez donc faire le calcul.
    Vous avez oublié d'ajouter « seulement ».
    On parle du RCAM. M. Lake nous disait que le nouveau projet de loi ne servirait à rien. Or, depuis six ans, le RCAM n'a pas, à strictement parler, beaucoup servi. Que représente globalement l'implication d'Apotex dans tout ce qui doit se faire? C'est très peu. On pourrait dire que ce n'est pratiquement rien. Ainsi, comme le disait Dr Kilby tout à l'heure, si on ne fait rien, si on ne prend pas de risques, il risque justement de ne rien arriver et de ne pas y avoir de développement significatif.
    De plus, vous nous avez confirmé que les médicaments brevetés étaient, par opposition aux médicaments génériques, des médicaments de second ordre, et donc moins efficaces la plupart du temps.
(1250)
    Non, je n'ai pas dit ça du tout. Les médicaments de seconde intention sont aussi efficaces, mais plus chers.
    Ah, d'accord. Tout à l'heure, vous parliez de première intention et de seconde intention. Vous disiez que pour améliorer les traitements, il fallait envisager les médicaments de seconde intention. Cependant, je parlais de médicaments génériques par rapport aux médicaments brevetés. Il y a quand même une différence, non?
    Il y en a une dans le coût, mais pas dans l'efficacité, car ils doivent démontrer une bioéquivalence.
    D'accord.
    J'ai rencontré des représentants pharmaceutiques qui me disaient s'impliquer dans plusieurs projets internationaux. Je sais que vous entretenez des rapports avec les industries pharmaceutiques. En ce qui concerne les médicaments brevetés, comment cette industrie pourrait-elle faire en sorte de s'impliquer plus directement? Vous souhaitez que la clientèle passe de 5,2 à 10,4 millions de personnes, cependant, j'imagine qu'il n'y a pas beaucoup de médicaments brevetés qui sont vendus à cette clientèle.
    C'est cela. Je vais vous répondre en anglais, si vous me le permettez.

[Traduction]

     La majorité des 5,2 millions de personnes qui suivent en ce moment un traitement pour le VIH dans des pays en développement prennent des médicaments génériques, parce que c’est ce qui rend le traitement abordable. C’est ainsi que nous avons accompli les progrès auxquels M. Lake faisait allusion.
     Rien n’empêche les fabricants de médicaments d’origine de vendre leurs produits sur ces marchés, et rien dans le RCAM ou le projet de loi C-393 ne leur interdit de le faire. La raison d’être du brevet est qu’il vous donne le droit de vendre le produit. En fait, vous êtes les seuls à pouvoir vendre ce produit, à moins que quelqu’un d’autre obtienne une licence, ce que le RCAM est censé vous aider à accomplir.
     Il s’agit simplement d’ouvrir le marché et d’accroître la concurrence. Lorsque, pour vendre leurs produits dans des pays en développement, les fabricants de médicaments d’origine ont été forcés d’affronter la concurrence, cela a fait baisser le prix des médicaments. Nous devons préserver cette dynamique. C’est la raison d’être d’un programme comme le Régime canadien d'accès aux médicaments.

[Français]

    Selon vous, les compagnies qui vendent les médicaments brevetés pourraient-elles un jour avoir cette ouverture d'esprit par rapport à la coopération internationale et s'ouvrir à ce marché?
    On n'a pas vu ça jusqu'à présent. Il faudrait le leur demander.
    Il n'y a absolument rien qui les en empêche, et chaque compagnie a un programme spécifique pour s'assurer que leurs médicaments se rendent au marché à un prix réduit, donc un prix différent de celui qui existe déjà dans le Nord. De plus, ces compagnies ont en place tous les mêmes moyens de s'assurer que ces médicaments ne reviendront pas dans le Nord: le médicament porte un nom différent, il a une couleur différente et les étiquettes sur les boîtes sont différentes.
    Les compagnies participent déjà à un double régime où le Nord paye plus cher que le Sud. Cependant, la différence entre le prix des médicaments brevetés et le prix des médicaments génériques qui existent aujourd'hui est tellement grande, que ce n'est pas une solution pour la plupart des marchés où les médicaments seront désirés.
    Merci, monsieur Kilby et monsieur Cardin.

[Traduction]

     Nous avons un peu dépassé le temps dont nous disposions, et il nous en reste seulement une très petite partie.
     Messieurs Kilby et Elliott, j’aimerais que vous formuliez vos dernières observations. Vous les devez à M. McTeague qui a décidé de céder son temps de parole pour que vous puissiez conclure.
     Si vous pouviez vous en tenir à deux minutes, Monsieur Elliott, M. Kilby disposerait alors deux minutes pour faire les observations qu’il désire.
     Merci.
     Pour en revenir à la question que quelques personnes ont posée, permettez-moi de me pencher rapidement sur deux sujets.
     Premièrement, j’aimerais aborder la question du détournement des médicaments dont, bien entendu, nous ne voulons pas être témoins. Dr Kilby a fort bien présenté la situation. En l’occurrence, nous devons prendre certains risques. La mesure législative préserve les mesures qui avaient déjà été négociées et mises en place pour réduire au minimum le risque de détournement. N’oublions pas que nous devons éviter que le mieux soit l’ennemi bien en ce moment.
     Nous n’avons pas observé de problèmes notables de détournement, par exemple, des médicaments d’origine que les pays achètent au rabais, parce que les fabricants utilisent le même genre de mécanismes qui permettent ici de distinguer les médicaments génériques. Nous n’avons pas constaté un important problème de détournement.
     Cela ne veut pas dire que cela n’arrivera jamais. Si, à un moment ou à un autre, un envoi de médicaments est détourné, mais que, disons, 99 p. 100 des médicaments arrivent à destination et sauvent des centaines de milliers de vies, je crois que cela aura été un prix acceptable à payer. Mais des mécanismes ont été mis en oeuvre pour éviter que cela se produise. N’exagérons pas le risque couru, et ne l’utilisons pas comme excuse pour éviter de rectifier ce régime et de le rendre gérable.
     Le deuxième point que je voulais aborder a trait à la question que vous avez posée à propos de la modification de la Loi sur les aliments et drogues. On peut dire sans mentir que le processus d’obtention des licences est au coeur du problème qui touche le régime actuel d’accès aux médicaments. Le processus visant à vérifier la qualité et l’innocuité des médicaments est secondaire.
     Si le paragraphe 38(1) proposé dans le projet de loi C-393 vous pose un problème, nous devrions l’examiner. Si vous avez l’impression qu’il ne garantit pas que les médicaments seront examinés adéquatement avant d’être envoyés à ces pays, modifions-le légèrement et faisons en sorte qu’il fonctionne. Mais ne perdons pas de vue notre objectif premier, et n’utilisons pas cela comme excuse pour nous abstenir d’adopter le projet de loi.
     La vérité, c’est que, si vous parlez aux fabricants de médicaments génériques — je crois qu’ils vous le mentionneront la semaine prochaine —, vous constaterez qu’ils ont l’intention de se soumettre de toute manière au processus d’examen de Santé Canada, parce qu’il leur est familier. Donc, comme vous pouvez le voir dans la disposition qui figure à l’alinéa 38(3)(a), tous les règlements prévus à l’article 30 de la partie II de la Loi sur les aliments et drogues, c’est-à-dire l’article qui contient tous les règlements relatifs à la qualité, à l’innocuité et à l’efficacité, s’appliqueront entièrement. Le projet de loi C-393 n’y changera rien.
(1255)
    Merci, monsieur Elliott.
     Nous allons maintenant passer à M. Kilby.
    Je serai très bref.
     Tout d’abord, je tiens à remercier tous les membres de nous avoir écoutés aujourd’hui.
     Comme Richard l’a dit, je pense vraiment qu’il nous faut prendre certains risques pour arriver à nos fins. Le monde a déjà pris des risques en offrant une thérapie à 5,2 millions de personnes, et des gens disposant de ressources limitées ont accompli des choses dont personne ne les aurait crus capables. Je pense qu’au Canada, nous avons la capacité et l’habileté de contribuer considérablement à la résolution de ce qui constitue un problème mondial et d’apporter une solution viable qui nous permettra d’obtenir des traitements à prix abordables pour les gens atteints du VIH, du SIDA et d’autres maladies.
    Messieurs Kilby et Elliott, je vous remercie d’avoir témoigné aujourd’hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
     Chers membres, avant de partir, veuillez vous rappeler que la séance de mardi se déroulera de 8 h 30 à 13 heures et que trois groupes distincts de témoins comparaîtront, car il nous faut entendre des témoins prioritaires. De plus, n’oubliez pas que, jeudi prochain, nous procéderons à l’étude article par article du projet de loi et que vous devez nous faire parvenir dès que possible toute modification que vous envisagez d’apporter.
     Cela étant dit, la séance est levée.
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