Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci.
L'Association du Barreau canadien vous sait gré de lui donner l'occasion de se prononcer sur ce projet de loi aujourd'hui. C'est un projet de loi qui nous intéresse grandement depuis un certain temps, comme en témoigne la lettre que vous avez devant vous, datée de septembre. Nous sommes heureux que vous ayez commencé à tenir des audiences à ce sujet.
La lettre en question provient de la section du droit de la concurrence de l'Association du Barreau canadien. Cette section comprend quelque 1 500 membres, tous avocats, qui pratiquent dans le domaine du droit de la concurrence et de l'antitrust.
Ils ont examiné le projet de loi dans l'optique d'améliorer la loi et l'administration de la justice.
Je vais inviter Shuli Rodal, vice-présidente du comité de la législation et des politiques de la section du droit de la concurrence, à nous parler des particularités du projet de loi.
Je m'appelle Shuli Rodal. Je suis une associée dans le groupe du droit de la concurrence et de l'antitrust du cabinet Osler, Hoskin & Harcourt à Toronto. Je représente aujourd'hui la section du droit de la concurrence de l'Association du Barreau canadien.
Je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités à témoigner à propos du projet de loi C-452.
La section de l'ABC ne croit pas qu'il soit nécessaire ni approprié de modifier la Loi sur la concurrence pour inclure le pouvoir d’enquêter sur un secteur de l’industrie. Nous croyons qu'il est réellement préférable de continuer à mener des enquêtes ciblées, selon la formule prévue actuellement, lorsqu'un ou plusieurs participants sur le marché ont une conduite qui pourrait être anti-concurrentielle.
La lettre envoyée par la section de l'ABC le 14 septembre 2010 vous explique notre position en détail. Mais pour résumer les difficultés associées à l'utilisation d'un pouvoir d'enquête sur un marché, je vous dirais qu'on peut difficilement imaginer qu'une telle enquête donnerait des résultats positifs.
Premièrement, une enquête pourrait mener à la conclusion que le secteur en question est suffisamment concurrentiel. Si c'était le cas, le commissaire et le Bureau de la concurrence prêteraient le flanc à des critiques légitimes sur le fait qu'on ait utilisé des ressources considérables du bureau et du secteur privé pour l'enquête, et qu'on ait perturbé le déroulement des affaires seulement pour confirmer qu'un marché est bel et bien concurrentiel.
Une deuxième conclusion possible au terme de l'enquête serait que le secteur n'est pas suffisamment concurrentiel, et que ce serait causé, par exemple, par la structure du marché, et non par un comportement contrevenant à la Loi sur la concurrence.
Dans ce cas, le commissaire ne pourrait rien faire — ce qui pourrait être assez frustrant — parce que la Loi sur la concurrence vise à protéger la concurrence grâce à des mesures d'application à l'encontre de comportements risquant d'être anti-concurrentiels.
La simple existence d’une position dominante ou d’une puissance commerciale, si elles ont été obtenues par des moyens légitimes, ne viole pas la loi et ne peut pas donner lieu à des mesures d’application de la part du commissaire. La Loi sur la concurrence ne vise pas à réglementer les marchés ou à conférer au bureau le rôle d’un organisme de réglementation chargé d’assurer activement la concurrence. Le commissaire ne peut pas intervenir s'il n'y a pas de comportements anti-concurrentiels.
La troisième possibilité est qu'on arrive à la conclusion que le secteur n'est pas suffisamment concurrentiel, et que cette situation est attribuable à un comportement qui enfreint la loi. Dans ce cas, le commissaire devrait décider s'il faut prendre des mesures d'application à l'endroit d'une ou de plusieurs personnes d'après l'information recueillie lors de l'enquête sur le marché, même si la réussite de la démarche du bureau pourrait, du point de vue juridique, être considérablement restreinte et peut-être entravée en raison de doutes sur l'application régulière de la loi, qui pourraient légitimement être soulevés à cause de la manière dont la preuve a été recueillie.
Ainsi, on pourrait se poser de sérieuses questions sur le droit de se protéger contre l’auto-incrimination, dans un contexte où on contraint une personne à fournir de l'information pour une enquête sur le marché, et on utilise ensuite cette information contre elle pour des procédures d'exécution.
Pour conclure, la section de l'ABC reste d'avis que l'élargissement du mandat du commissaire pour qu'il puisse faire des enquêtes officielles sur un secteur entraînerait inutilement des coûts considérables pour le milieu des affaires, donnerait lieu à d'importantes préoccupations quant à l'application régulière de la loi, et ne serait pas compatible avec l'approche canadienne de l’application des dispositions législatives sur la concurrence.
Par conséquent, la section de l'ABC recommande de ne pas réintégrer ce pouvoir dans la Loi sur la concurrence.
Merci, monsieur le président. Je suis heureux de venir discuter de ce projet de loi aujourd'hui. Mes commentaires portent généralement sur le principe à la base du projet de loi. Je parlerai aussi un peu de l'importance du genre d'études proposé et de l'intérêt manifesté pour ces études jusqu'à maintenant.
En 2003, le Bureau de la concurrence a publié un document sur les options de réforme. Ce document se rapportait à une motion qui, je crois, avait été présentée par M. McTeague, pour que le Tribunal canadien du commerce extérieur fasse enquête sur l'état de la concurrence et le fonctionnement des marchés. Le document prévoyait ce mode de fonctionnement pour les études de marché, et renvoyait la question au Forum des politiques publiques en vue de consultations publiques. Ces consultations ont eu lieu à l'été 2003, et le Forum des politiques publiques a diffusé un document, un rapport des consultations, d'après lequel les opinions des intervenants étaient divisées sur la question. Certains approuvaient la proposition sur le renvoi de questions concernant le marché, et étaient d'accord avec le principe que les Canadiens devraient pouvoir avoir une vue d'ensemble de l'état de la concurrence et du fonctionnement des marchés dans tout secteur de l'économie. Les opposants ont expliqué leur point de vue par différentes raisons, dont certaines que vous avez déjà entendues: c'est une mesure superflue; le commissaire possède déjà ces pouvoirs; il faut penser aux coûts; quelle sera la procédure?
En 2004, l'OCDE a mené une étude au sujet de la politique canadienne sur la concurrence et a recommandé que nous établissions le pouvoir d'étudier le marché. Le document de l'OCDE disait ceci:
Aucun organisme canadien n'a actuellement le pouvoir particulier d'examiner une industrie dans le seul but de mettre en lumière la dynamique de la concurrence qui y existe. Ce genre d'instrument devrait être disponible pour favoriser l'atteinte des objectifs de la politique de la concurrence. Les études de marché peuvent révéler des types insoupçonnés de comportements du secteur privé ou de réglementation gouvernementale qui nuisent à la concurrence. En outre, les résultats des études peuvent grandement contribuer à la compréhension publique du fonctionnement et des avantages de la concurrence.
À l'époque, l'OCDE avait conclu qu'il serait préférable que ces études soient faites par le Bureau de la concurrence, plutôt que par le Tribunal canadien du commerce extérieur.
Passons maintenant au projet de loi C-19, qui était la première tentative de réforme de la Loi sur la concurrence. Lorsque ce projet de loi a été présenté, le gouvernement l'a modifié en comité de manière à créer le pouvoir de mener des études de marché. Il s'agissait de l'amendement G-2 du projet de loi C-19, proposé par M. Pickard. Selon cet amendement, le commissaire pouvait faire une étude sur l'état de la concurrence dans tout secteur ou sous-secteur de l'économie canadienne.
La commissaire de la concurrence, Mme Sheridan Scott, a comparu devant le comité le 5 et le 27 octobre à propos de cette question. Elle a parlé de ce pouvoir et des précautions qui devraient être prises quant à son exercice. Voici ce qu'elle a dit à propos des avantages que ce pouvoir représenterait pour la commission:
L'introduction du pouvoir d'effectuer des études de marché comporterait un certain nombre d'avantages. Une meilleure compréhension de l'état de la concurrence dans divers secteurs de l'industrie pourrait permettre d'appliquer plus efficacement la Loi sur la concurrence. Elle pourrait également aider à mieux défendre les intérêts en cause. Elle contribuerait à l'élaboration de bonnes politiques pour atteindre nos objectifs économiques, ce qui profiterait à tous les Canadiens. Enfin, elle apporterait une transparence accrue sur le marché, tant pour les entreprises que pour les consommateurs. À notre avis, il serait possible d'introduire un pouvoir de ce genre, comme cela s'est fait ailleurs, dans la mesure où nous accorderions toute l'attention qu'elles méritent aux préoccupations que je viens de vous exposer.
Ces préoccupations se rapportent notamment aux garanties procédurales et à l'assurance que l'objet des études serait légitime en vertu de la loi.
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Par conséquent, bien sûr, le projet de loi est mort au comité lors de la chute du gouvernement.
Nous croyons que cet effort soutient un principe important dans l'économie canadienne, important pour l'état des marchés concurrentiels, et nous pressons le comité de l'examiner attentivement. Nous estimons...
Monsieur Janigan, je suis désolé, mais nous sommes très en retard. Merci. Si vous voulez apporter des précisions sur certains points, vous pourrez le faire pendant la période de questions.
Je rappelle aux membres du comité que nous allons poursuivre pendant une heure et demie, puis que nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi.
Nous accordons maintenant la parole à M. McTeague.
Je remercie les témoins pour leur présence ici aujourd'hui.
Monsieur Janigan, je vous remercie de nous avoir rappelé ce que nous avions presque oublié au fil des ans: la question des études de marché dans cette industrie, et certainement dans d'autres, a évolué.
Madame Rodal, je prends bonne note de votre commentaire. J'ai réfléchi, dans le cadre du travail que j'effectue dans ce dossier depuis plusieurs années, au moment où j'ai commencé, lorsque les premières modifications ont été apportées à la Loi sur la concurrence, et que cela a transformé la Commission sur les pratiques restrictives du commerce, en 1986 et tout cela m'a préoccupé. J'ai été renversé d'apprendre que les avocats de McMillan Binch qui représentaient Imperial Oil ont eu la main haute sur la création ou la rédaction de la nouvelle Loi sur la concurrence, de sorte que les gens ont pu présumer que c'était la première fois qu'un pays acceptait que sa politique en matière de concurrence soit rédigée par ceux qu'elle visait à surveiller. Je crois que nous avons tous eu la même préoccupation au fil des ans; celle que cette loi a été élaborée uniquement par et pour les spécialistes du domaine, et avec leur consentement. Je suis reconnaissant que vous nous fassiez part de votre expertise. Ça m'a pris un certain temps pour être en mesure d'assumer une part de responsabilité et de répondre aux questions.
Mais comme vous portez deux chapeaux, celui d'avocate en exercice et celui de membre du barreau spécialisée en droit de la concurrence, j'aimerais vous demander, est-ce que Osler, Hoskins a des sociétés pétrolières comme clients?
Vous avez raison; je suis ici pour représenter l'Association du Barreau canadien. Je ne peux pas vraiment vous dire qui sont nos clients parce que je témoigne à titre de vice-présidente du Comité de la législation et des politiques de concurrence pour exprimer un point de vue qui a été examiné attentivement par la direction de l'Association du Barreau canadien, au nom de tous les membres de la direction, qui comprend toutes sortes...
Ce qui me préoccupe, c'est qu'au Canada, les avocats de la défense ont tendance à se retrouver du même côté. Les petits joueurs n'ont pas les moyens de payer pour obtenir l'expertise qui leur permettrait de surmonter les difficultés liées à la Loi sur la concurrence. Cela pourrait également être une conclusion à laquelle nous pourrions arriver concernant le projet de loi à l'étude. En fait, cela pourrait nous donner l'occasion de démontrer que contrairement aux États-Unis, où les lois antitrust de Clayton et de Sherman sont en vigueur, où les préjudices sont subis par la personne qui a été lésée, et il n'y a pas de situation similaire ou comparable au Canada. C'est un débat d'une autre époque.
Mais, pour ce qui est de cette question en particulier, vous ne considérez pas ce projet de loi comme inconstitutionnel. Je n'avais pas entendu ce mot. Vous êtes préoccupée par l'application régulière de la loi. Est-ce que la question de la constitutionnalité a quelque chose à voir là-dedans?
Je crois que la constitutionnalité de l'exercice des pouvoirs prévus est une préoccupation, ça dépend de la façon dont ils seront exercés. La commissaire de la concurrence peut entreprendre des enquêtes de façon volontaire, ce qui, selon moi, est un exercice raisonnable du pouvoir proactif de la commissaire pour accroître la concurrence.
Lorsqu'il est question de pouvoirs exécutoires, exigeant la production de documents et la tenue d'enquêtes, qui, au bout du compte, donnent à la commissaire la compétence exclusive de mener ces études, nous nous retrouvons alors dans une situation où les contestations constitutionnelles sont possibles, je crois.
Monsieur Janigan, j'utilise le temps qu'il me reste pour souligner que deux personnes réputées dans le domaine de la concurrence au Canada, deux anciens commissaires, sont d'avis que nous devrions aller dans cette direction. Je fais référence à Konrad von Finckenstein et à Sheridan Scott.
Comme vous l'avez si bien dit, la commissaire de la concurrence actuelle est demeurée silencieuse. Je ne veux pas la dénigrer. Je ne suis pas surpris. Elle a représenté l'industrie du gaz propane devant le tribunal pour défendre les gains en efficience, un projet de loi que j'ai présenté et qui a été adopté par la Chambre, mais qui, bien sûr, a été retenu par le Sénat, qui sert de munitions à mes amis conservateurs ici présents. Ce n'est pas la première fois qu'un projet de loi est tué dans l'oeuf au Sénat.
Monsieur Janigan, selon vous, quel serait le problème à divulguer tous les faits — ce que, selon moi, ce projet de loi vise à faire —, compte tenu du fait que deux anciens commissaires de la concurrence y sont favorables?
Pour commencer, il y a, jusqu'à un certain point, deux façons de voir le rôle du Bureau de la concurrence et du commissaire de la concurrence.
La première est que le commissaire de la concurrence est un policier. Le policier mène une enquête sur l'infraction commise et porte l'affaire devant le tribunal compétent ou devant le Tribunal de la concurrence.
La deuxième est que le commissaire de la concurrence est plus qu'un simple policier; il ou elle défend la concurrence et doit en faire la promotion auprès des différentes industries. La Loi sur la concurrence, par exemple, lui donne le pouvoir de se présenter devant les organismes de réglementation pour les presser d'adopter des mesures favorisant la concurrence. En fait, il ou elle agit, à de nombreux égards, comme un observateur indépendant et un défenseur de la concurrence. C'est de ça dont il est question quand on parle d'études de marché.
J'ai lu la transcription d'un débat qui a eu lieu lors de la session précédente. Je crois qu'il est un peu trompeur de mettre l'accent sur le comportement des cartels, la fixation des prix et d'autres infractions graves. Nous parlons d'études à l'échelle d'une industrie en vue d'examiner l'ensemble des obstacles à la concurrence.
Les plus grands obstacles ne sont pas nécessairement au sein des entreprises. Ils peuvent se situer au sein du gouvernement, des syndicats ou des relations interprovinciales. Il peut y avoir beaucoup de choses qui nuisent à la concurrence.
Quand on veut qu'une étude soit faite, on peut espérer qu'elle soit produite par l'organisme le plus expérimenté dans le domaine, ce qui constitue l'idée sous-jacente aux études de marché. C'est de fournir les outils qui permettent de modifier les politiques ou de mettre en place une réforme, ou d'assurer au public que l'état des marchés concurrentiels est adéquat.
Espérez-vous qu'une étude de marché transparente, juste et rigoureuse sur les principaux secteurs de l'économie, étant donné les intérêts du parrain du projet de loi dans l'essence, expliquera rapidement pourquoi les Canadiens paient un prix uniforme à l'échelle régionale, un prix qui augmente de façon constante, comme le parrain du projet de loi l'a laissé entendre la semaine dernière? Pensez-vous qu'il permettra d'enfin expliquer aux Canadiens... une certaine transparence concernant l'équilibre entre l'offre et la demande au Canada? Évidemment, nous avons tenté, lorsque nous, les libéraux, formions le gouvernement, d'aller de l'avant là-dessus, mais les conservateurs y ont mis fin; c'était la première loi adoptée par leur gouvernement en 2006.
Êtes-vous préoccupé par le peu de transparence dans cette industrie et dans les autres industries?
Je suis désolé, mais je ne crois pas pouvoir discuter directement des problèmes dans ces industries. Je sais que ce genre d'études a donné de bons résultats dans d'autres pays, comme le Royaume-Uni. Lorsque Richard Taylor, le sous-commissaire de la concurrence, a témoigné devant le comité en octobre 2006, il a parlé des études de marché réalisées au Royaume-Uni sur les concessionnaires d'automobiles. Cela a entraîné des changements importants dans l'industrie. Comme il a dit, ces études n'ont pas simplement été déposées sur une tablette pour ramasser la poussière; elles ont donné des résultats concrets.
Mesdames, messieurs, bonjour et bienvenue au comité.
La semaine passée, on recevait M. Richard Bilodeau, sous-commissaire adjoint intérimaire. Il nous disait que le projet de loi C-452 n'était pas nécessaire parce que, en définitive, la commissaire avait tous les pouvoirs. Voici ce qu'il dit dans son document de présentation:
Dans le cas où la commissaire détient des renseignements indiquant qu’une des dispositions de la Loi a été ou est sur le point d’être violée, quelle que soit la source de ces renseignements, l’article 10 de la Loi sur la concurrence donne à la [commissaire] le pouvoir de lancer une enquête lorsqu’elle considère que c’est nécessaire.
Il signifiait qu'on n'avait pas besoin de ça, en définitive, puisque la commissaire pouvait mener les enquêtes qu'elle voulait. Or, selon vos propos, il appert que ce n'est pas le cas.
Je demanderais donc aux deux personnes de me dire si, selon elles, la commissaire a présentement les mêmes pouvoirs pour enquêter.
J'ai lu ou écouté une partie de l'information qui a été présentée devant le comité. Je crois que, jusqu'à un certain point, vos propos sont à contre-courant. Il faisait référence à la capacité d'entreprendre des enquêtes dans les cas d'infractions graves commises par des cartels, comme la fixation des prix et la collusion. Ils ont tous les pouvoirs nécessaires pour faire des demandes de mandats de perquisition, pour faire des interceptions téléphoniques et demander la production de documents. Ils ont tous ces pouvoirs. Cependant, si on leur demande, par exemple, pourquoi le marché du détail canadien est si léthargique sur le plan de la concurrence ou pourquoi il y a une telle concentration dans ce marché, ils n'ont pas le pouvoir de recueillir des données pour étudier le problème, même si ses répercussions peuvent être aussi importantes, sinon plus, pour la population et l'état de la concurrence dans son ensemble que celles des enquêtes individuelles dans les cas d'infractions graves commises par les cartels.
Ainsi, pour ce qui est des questions qui pourraient être abordées dans ce genre d'études, ils n'ont pas les pouvoirs nécessaires pour recueillir des données, sauf sur une base volontaire. C'est certain que la collecte de données sur une base volontaire est une des façons de procéder, mais il s'agit de la planète Terre face aux autorités et, de façon générale, le fait d'avoir le pouvoir d'exiger la production de documents se révèle plutôt utile lorsqu'on tente de faire respecter la loi de façon volontaire.
Si je peux dire, avec respect, je crois que, tout d'abord, il est important de reconnaître que lorsque la commissaire de la concurrence demande de l'information sur une base volontaire, le milieu des affaires fait généralement preuve d'une réelle volonté de collaborer. J'imagine que cela est particulièrement vrai lorsque des problèmes de concurrence nuisent aux représentants de l'industrie qui participent au processus.
Je crois que nous sommes préoccupés par le fait qu'on donne à la commissaire de la concurrence le pouvoir d'exiger qu'on lui fournisse des renseignements et de mener des études sur un marché dans un cadre où il y a obligation de respecter la loi. Cela exige, tout d'abord, que la commissaire de la concurrence entreprenne une enquête extrêmement sérieuse pour établir des conclusions rigoureuses, étant donné qu'il s'agit d'une loi à laquelle il faut se conformer. Les coûts qu'implique l'application ce genre de mesures obligatoires pour le milieu des affaires et le Bureau de la concurrence, selon moi, dépassent les avantages ou les éventuelles petites améliorations qui découleraient d'un processus obligatoire plutôt que volontaire.
Ainsi, je crois que nous devons également nous pencher sur un des principaux arguments en faveur de l'application obligatoire de la loi, qui est que les gens ne respectent pas la loi volontairement parce qu'ils ont quelque chose à cacher. Je crois que c'est là le coeur du problème. Allons-nous faire des allégations à l'aveuglette pour découvrir si certaines personnes ont des comportements criminels alors qu'il n'y a aucune raison de croire que cela est peut-être le cas? Si on a des raisons de croire que certaines personnes ne se comportent pas de façon adéquate dans le marché, la commissaire a déjà le pouvoir, en vertu de l'article 10, d'entreprendre une enquête.
En fin compte, on pourrait faire une analogie. Dans le domaine de la construction, par exemple, on peut exiger une enquête publique ou une enquête policière. Ça peut se ressembler, à la limite.
Prenons un secteur en particulier. Supposons que je suis commissaire et que je vois ce qui se passe dans le secteur de la construction. Je vais tenter de cerner ce qui peut bien en être de la concurrence dans ce secteur, et pas seulement au Québec, car j'ai l'impression que c'est ainsi partout. Même si ça engage des coûts, comme vous le dites, il n'en demeure pas moins que, dans cette situation, certains éléments nous indiquent une potentielle surenchère des prix. En effet, certaines ententes entre différents intervenants pourraient faire augmenter les coûts de 30 p. 100. Cela représente des milliards de dollars. Donc, il serait rentable d'investir quelques millions de dollars pour que la commissaire, qui voudrait en savoir plus long, puisse mener une enquête en vue de connaître l'état exact de la concurrence dans un secteur donné et d'en arriver à une solution.
Donc, monsieur Janigan, en vertu du projet de loi C-452, un commissaire pourrait-il décider d'examiner, de façon efficace, l'état de la concurrence dans le secteur de la construction?
Je crois certainement que si on estime qu'il y a un problème de concurrence ou des préoccupations liées à la concurrence dans le domaine de la construction, le projet de loi permettrait à la commissaire de lancer une enquête appropriée.
Pour ce qui est de l'obligation de fournir des renseignements, lorsque je ne témoigne pas devant les comités parlementaires, je m'occupe habituellement de procédures utiles, dans le cadre desquelles je tente d'obtenir des renseignements de la part de sociétés réglementées. Et je peux vous assurer que sans les pouvoirs de contrainte du tribunal, une quantité considérable d'information n'aurait pu être présentée devant le tribunal afin d'être versée au dossier. Peu importe les intentions, les entreprises n'essayaient pas nécessairement de cacher les choses, mais le tribunal avait besoin de ces renseignements. Cela se produit tout le temps.
Je crois que la commissaire de la concurrence aura le jugement nécessaire pour effectuer des études de marché, le faire de manière judicieuse, et utiliser l'information recueillie pour atteindre les objectifs des études de marché, sans simplement faire des allégations à l'aveuglette.
Merci aux témoins de comparaître à nouveau devant nous.
Il y a quelques années, mon ami et collègue M. McTeague m'a donné une formule que je conserve à la fin de mon livre. Ça me rappelle que je ne l'ai pas encore transférée dans ce livre-ci, mais je la conserve normalement à cet endroit. Cette formule plutôt ingénieuse explique comment est fixé le coût de l'essence; on n'a qu'à entrer les bonnes données pour obtenir le résultat final. Je la conserve à cet endroit parce que je rencontre constamment des gens qui me répètent qu'il existe une conspiration et que le prix de l'essence est le résultat d'une vaste machination ingénieuse orchestrée par les compagnies pétrolières.
Je ne veux pas dénigrer ces propos, parce que si c'était le cas, nous aurions certainement besoin d'agir ainsi. Mais nous avons reçu tant de demandes à ce sujet... J'ai notamment un ami que je rencontre tous les trois mois et qui me répétait sans cesse la même chose. Je prenais le temps de lui expliquer la situation et de le calmer, mais tout était à recommencer trois mois plus tard. J'ai fini par jeter l'éponge, parce que je crois que c'est devenu une légende urbaine. Ça ressemble au cas de J.F.K. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de gens aux États-Unis qui croient que M. Oswald a réellement tiré sur J.F.K.; ils croient que c'est l'arme encore chaude qui l'a fait. Nous revenons donc là-dessus encore et encore.
Je dis cela parce que ce projet de loi porte sur les compagnies pétrolières, et plus précisément sur cette perception que nous avons d'être floués aux pompes. Si ce projet de loi servait à prouver que c'est le cas, je serais le premier à me lever... mais j'ai été témoin d'un si grand nombre de tentatives et nous avons étudié cette question si souvent que je doute que ce soit la solution.
Monsieur Janigan, je pense que nous avons abordé cette question: a-t-on essayé de faire adopter ce projet de loi dans d'autres pays? Y a-t-il d'autres pays qui appliquent ce type de loi?
Oui. En fait, lorsque la commissaire de la concurrence a présenté son appui à l'égard de l'étude de référence sur le marché en 2005, le document d'accompagnement comportait un certain nombre d'exemples en lien avec l'Australie, le Royaume-Uni, la Commission européenne et...
Je dois dire que je ne suis pas ici pour prôner la tenue d'enquêtes sur les compagnies pétrolières. Je comprends votre position à cet égard. Notre organisation n'a pas approfondi cette question, et je ne veux pas décrier les positions à ce sujet, mais je ne l'aborde pas comme une occasion d'effectuer une enquête sur les compagnies pétrolières.
Mais oui, en fait, lorsque le sous-commissaire Taylor s'est présenté devant le comité INDU, il a déclaré ce qui suit:
Oui, je connais bien un certain nombre d'études qui ont été entreprises.
Il y a quelques années, au Royaume-Uni, les voitures coûtaient beaucoup plus cher que sur le continent; on se posait des questions au sujet de cette différence de prix, étant donné qu'il s'agit d'un marché commun. Les autorités responsables ont analysé cette situation. Elles ont effectivement constaté une tendance générale en matière de prix et ont cherché les raisons à l'origine de cette situation; elles ont pensé que cela provenait d'une façon générale d'une faiblesse systémique de la concurrence entre les concessionnaires. Les autorités ont donc pris des mesures pour autoriser les concessionnaires à vendre plusieurs marques de voitures. Grâce à ces mesures, en trois ans, les prix des voitures se sont alignés sur les prix européens.
Elles ont fait à peu près la même chose avec les brasseries et l'intégration verticale grâce à laquelle les brasseries étaient propriétaires de tous les pubs en Angleterre et elles sont intervenues. Là encore, elles ont analysé le problème. Je ne sais pas si cela a fait baisser le prix de la bière. Je peux néanmoins vous dire que ces études ont débouché sur des mesures concrètes. Ces études ne sont pas simplement destinées à accumuler de la poussière sur les étagères.
Je suppose que si cela faisait baisser le prix de la bière, nous pourrions être réélus.
Madame Rodal, nous devons poser la question suivante: pourquoi ou pourquoi pas? Est-ce réellement une mauvaise chose? Quel type d'effet aurait le projet de loi C-452 sur l'industrie, notamment en ce qui concerne les coûts? M. Janigan a pertinemment mentionné que d'autres industries seraient touchées. Quel type d'effet négatif cela aurait-il sur les autres entreprises?
La première chose à dire, c'est que si un pouvoir existe, on doit s'attendre à ce qu'il soit utilisé. L'Association du Barreau canadien et moi-même avons songé aux résultats qu'une enquête pouvait avoir. Nous ne pouvons pas imaginer un résultat qui place la commissaire de la concurrence en meilleure position pour agir que si nous lui permettons de se concentrer sur un marché, d'obtenir de l'information auprès des participants au marché, et, si les circonstances le justifient, de procéder à une enquête ciblée.
Il faut évaluer les coûts en fonction des avantages d'une enquête. Ces coûts seront certes très importants, et certaines ressources devront être réaffectées. Le bureau dispose de ressources limitées — je crois qu'ils seront les premiers à vous le dire —, et la réaffectation de ressources dans le but de réaliser une enquête massive qui devra être exhaustive pour être équitable, pour atteindre un résultat qui ne peut vraiment pas avoir d'effet positif, est un coût qui excède les avantages.
D'un autre côté, permettre à la commissaire de se concentrer sur son rôle de responsable de l'application de la loi, de prendre des mesures là où c'est justifié sur le marché, après avoir bien examiné les protections prévues dans la loi et aviser à l'avance les participants au marché qu'ils feront l'objet d'une enquête, ce qui leur permet de prendre les mesures appropriées pour se protéger, ça en vaut la peine. Emprunter cette voie aurait seulement pour effet d'exercer une pression sur le bureau afin qu'il entreprenne une étude de marché extrêmement dispendieuse sur l'ensemble des participants au marché, qui craindraient alors les conséquences de ne pas se conformer entièrement à une ordonnance du tribunal, ce qui constitue la seule manière de forcer la production de renseignements.
Je peux vous dire que si vous allez dans une entreprise et que vous demandez à des employés qui n'ont pas l'habitude de traiter chaque jour avec des avocats de vous remettre tous les documents qui contiennent le mot X ou Y, ils auront peur des conséquences de ne pas accéder entièrement à votre demande. C'est un fardeau immense pour l'entreprise, qui devra retenir les services d'avocats, en plus de constituer une perte de productivité pour les gens qui cherchent les dossiers. Et pour quoi? Quel sera le résultat? Obtiendra-t-on réellement les bienfaits escomptés? Nous craignons que ce ne soit pas le cas et que les coûts surpassent largement les avantages.
Je vais commencer avec vous, monsieur Janigan. Il y a eu de nombreuses discussions aujourd'hui concernant les études et les enquêtes. J'ai deux ou trois questions à vous poser que je résumerai en une seule. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la réalisation d'études sur la concurrence par rapport à la réalisation d'enquêtes. Y a-t-il une mesure qui a plus de pouvoir que l'autre? Ma lecture du projet de loi m'a donné à penser qu'on essayait de traiter les choses de manière proactive au lieu de réagir. Ce projet de loi fournit-il à la commissaire — je ne poursuivrai pas l'analogie de l'expédition de pêche qui a été utilisée plus tôt — les outils nécessaires pour faire le travail, au lieu d'attendre qu'une situation devienne un problème?
Je crois que oui. Je ne veux pas diminuer l'importance de la réglementation élaborée relativement à cet article, sous le régime de la loi, pour qu'il y ait des protections procédurales, une procédure pour recueillir des preuves, une sorte de transparence, et tout cela sera certainement nécessaire pour que cette disposition fonctionne. Je n'ai pas fait de travaux poussés sur ces dispositions, mais je crois qu'elles sont nécessaires.
Oui, je crois que le projet de loi traduit une approche très proactive à l'égard de la concurrence. Comme je l'ai dit, on peut essentiellement considérer le commissaire de la concurrence comme une police, ou alors comme une instance globalement responsable de la situation de la concurrence au Canada, une instance qui joue un rôle de défense et de promotion, et qui indique les changements qu'il y a lieu d'apporter en ce qui touche les politiques. Je crois que ce rôle est d'une importance considérable.
À mon sens, le premier rôle est important pour ce qui est de la rédaction des lois sur la concurrence, en particulier en ce qui touche les infractions graves en matière de cartel et les choses de ce genre. C'est important, mais d'autres éléments doivent aussi être pris en considération. Je suis passablement convaincu que le commissaire de la concurrence serait capable d'élaborer un protocole adéquat, à la fois en ce qui touche la réglementation et l'application de la loi, qui garantirait que les études seraient entreprises dans l'intérêt supérieur de la concurrence.
Je crois qu'on fait fausse route en essayant d'y voir une nouvelle manière de dénicher des preuves, en vue d'inculper des entreprises. Cela pourrait arriver, mais ce n'est pas l'objectif des études. En effet, leur objectif est d'ouvrir une fenêtre sur l'industrie, afin de révéler les changements qu'il convient d'apporter. Ce ne sont pas nécessairement les entreprises qui seraient visées par ces changements. Il pourrait très bien s'agir du gouvernement, ou d'autres instances. Nous sommes au XXIe siècle. Nous ne pouvons pas adopter une approche selon laquelle le commissaire de la concurrence serait comme un agent de police qui irait démanteler une table de bonneteau au coin d'une rue. Nous n'en sommes plus là. Si nous n'agissons pas adéquatement, c'est l'économie tout entière qui en paiera le prix, et pas seulement certaines entreprises particulières.
Le commissaire a un important rôle à jouer en tant que défenseur de la concurrence, mais je crois qu'il est également important de reconnaître que le Canada a décidé que le Bureau de la concurrence serait avant tout un organisme d'application de la loi. Par exemple, nous aurions pu, à un certain moment, faire en sorte que la législation canadienne en matière de concurrence soit un moyen d'assurer aux consommateurs des prix modiques, mais nous n'avons pas fait ce choix. Nous avons décidé que, sous le régime de la Loi sur la concurrence, il n'y aurait strictement rien de mal à ce que des entreprises dominent le marché grâce à des produits ou à des innovations supérieurs. Et si cela place une entreprise en position d'exiger un prix plus élevé que les prix que l'on observerait autrement, il n'y a rien de mal à cela, pour autant que l'entreprise en question n'abuse pas de sa position de force.
Nous avons décidé que, au Canada, le Bureau de la concurrence et le commissaire de la concurrence protégeraient les consommateurs, les entreprises concurrentes et la concurrence elle-même contre les pratiques commerciales anti-concurrentielles. Nous ne réglementons pas le marché dans le but d'assurer des prix modiques. Ce n'est pas le rôle du Bureau de la concurrence. Lorsque nous considérons le Bureau de la concurrence comme un défenseur de la concurrence, nous devons donc garder à l'esprit que les pouvoirs d'exécution du bureau sont étrangers à ce rôle de défenseur. Les pouvoirs d'exécution du Bureau de la concurrence visent à empêcher les pratiques anti-concurrentielles de se manifester au sein du marché, et à régler les situations où de telles pratiques sont employées.
Dans les changements qui seraient apportés à l'alinéa 10(1)b), on mentionne l'existence de motifs justifiant une enquête sur un secteur de l'industrie dans son ensemble. D'après le libellé de la décision, je ne suis pas certain que cela signifie que le commissaire aurait soudainement des pouvoirs de perquisition généralisés, qui lui permettraient de faire des enquêtes à tout propos. Il faut qu'il y ait des motifs.
Monsieur Janigan, puis madame Rodal — s'il reste du temps, si je peux formuler ma question en peu de mots — est-ce que cela...? Nous avons entendu dire que c'est l'inconvénient qu'il y a, que les enquêtes pourraient fuser de partout. Mais en disant « qu'il existe des motifs », il me semble qu'on établit des paramètres.
C'est également mon avis. Je crois également qu'il serait souhaitable de faire une description plus exhaustive dans le règlement d'application, comme on le fait pour un certain nombre de points, notamment l'abus de position dominante ou les lignes directrices pour l'application de la loi dans les cas de fusionnement. Cet article serait probablement appliqué de la manière qui serait la mieux adaptée qui soit à l'objectif de mettre en place des marchés concurrentiels.
Bien qu'il soit vrai que les pouvoirs d'exécution visent avant tout à assurer la concurrence sur le marché, la détermination des problèmes qui nuisent au marché constitue une autre fonction importante du commissaire de la concurrence. Par exemple, en ce qui touche certains marchés, comme celui des lignes aériennes ou les marchés qui obligent les entreprises concurrentes à faire usage de certaines infrastructures essentielles, le commissaire de la concurrence bénéficierait grandement d'études des marchés en question, qui indiqueraient où se situent les goulots d'étranglement et qui expliqueraient ce qu'il faut faire pour rendre l'industrie concurrentielle et pour promouvoir la concurrence dans son ensemble afin d'offrir de meilleurs prix et de meilleur choix aux Canadiens.
Je tiens d'abord à vous remercier de prendre le temps de comparaître devant nous aujourd'hui, malgré vos horaires chargés, et de prendre part comme vous le faites à un sain débat public sur la politique publique et la législation. Nous vous en sommes reconnaissants.
Je vais d'emblée vous poser trois questions, qui s'adressent avant tout à l'Association du Barreau canadien. Comme vous le savez, je n'ai que cinq minutes, et j'aimerais que vous répondiez à chacune de ces questions pendant le temps qui m'est alloué.
D'abord, dans la lettre qui nous a été envoyée par l'Association du Barreau canadien, vous parlez de la proposition, faite dans le projet de loi C-452, de modifier le paragraphe 10(1) de la Loi sur la concurrence, de façon à charger le commissaire de la concurrence de faire étudier toutes les questions qui, d’après lui, nécessitent une enquête, chaque fois qu’il a des raisons de croire qu’il existe des motifs justifiant une enquête sur un secteur de l’industrie dans son ensemble.
Nous avons reçu la semaine dernière M. Bilodeau, qui est sous-commissaire adjoint intérimaire du Bureau de la concurrence — ça n'est pas mal, comme titre —, et il nous a dit que le commissaire peut maintenant s'appuyer, en vertu de la loi, sur des dispositions nouvelles et de très vaste portée, qui touchent manifestement au coeur de cette question législative. Comme vous l'avez dit il y a quelques instants, si le pouvoir lui a été conféré, on s'attend à ce qu'il soit exercé.
Ma première question porte là-dessus. Si le commissaire dispose en effet de ce pouvoir depuis huit ou neuf mois, en vertu des nouvelles dispositions dont il peut se prévaloir, pourquoi estimez-vous qu'il y a des problèmes de clarté ou d'assurance en ce touche ces pouvoirs? Voilà ma première question.
Ma deuxième question a trait à ce qui se fait ailleurs. Le comité s'est fait dire que certains États, comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou l'Australie, de même que l'Union européenne, ont adopté des dispositions similaires. Au Canada, ces dispositions soulèvent cependant des inquiétudes — que vous avez très clairement exprimées.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi nous craindrions les effets de ces dispositions au Canada, alors que d'autres États, qui sont nos partenaires sur le marché mondial, ont adopté des dispositions identiques à celles qui sont proposées dans ce projet de loi?
Ma troisième question concerne ce que je vais appeler les enquêtes futiles ou contrariantes. Vous dites que les enquêtes pourraient coûter cher. Des mesures sont-elles prévues pour garantir que toutes les enquêtes effectuées seront nécessaires? Si nous allons de l'avant et que nous adoptons ces mesures, en nous appuyant sur le fait que le commissaire peut déjà recourir à de telles dispositions et que d'autres États en ont adoptées, avez-vous des suggestions à faire pour garantir qu'aucune enquête futile ne sera entreprise?
J'aimerais que vous répondiez à ces trois questions. Je vous en serais reconnaissante.
Entendu. Tout d'abord, en ce qui concerne les nouveaux pouvoirs du commissaire, j'ai peut-être mal compris, mais il me semble qu'hier, les représentants du Bureau de la concurrence disaient que les dispositions relatives aux complots étaient plus claires. Tout d'abord, on établit clairement quels gestes constituent une infraction criminelle. Ensuite, on n'exige plus que ces gestes aient des répercussions sur le marché pour accorder un verdict de culpabilité. Ainsi, les ententes illégales sont automatiquement considérées comme anti-concurrentielles et criminelles par nature et dès que les ententes sont conclues, les parties sont coupables, point à la ligne.
À mon avis, ce qu'on voulait dire, c'est qu'il pourrait être plus difficile de régler les problèmes en question, peut-être au sein de l'industrie pétrolière... ou que c'est peut-être pour cette raison qu'on souhaite plus d'enquêtes sur le marché, afin de vérifier s'il existe des ententes illégales pour contrôler les prix. En somme, lorsqu'une telle chose existe, il devient beaucoup plus facile pour le Bureau de la concurrence d'entamer des poursuites relatives à ces infractions parce que les preuves deviennent beaucoup plus faciles à établir.
Deuxièmement, en ce qui concerne les autres gouvernements, il est vrai qu'il arrive que leurs organismes de surveillance ont le pouvoir de réaliser des études de marché. Toutefois, je pense qu'au Canada, nous devons reconnaître qu'en plus de la Loi sur la concurrence, nous avons la Loi sur les enquêtes. De plus, le Tribunal du commerce extérieur peut également ouvrir des enquêtes.
Je pense surtout que nous devons être conscients que le Canada se trouve dans une situation plutôt unique. En adoptant la Loi sur la concurrence, nous avons pris une position très claire en ce qui concerne les droits du commissaire de la concurrence ainsi que son rôle relativement à l'application de la loi.
Notre pays est plutôt unique. Notre territoire est vaste et notre densité de population est faible. C'est pourquoi il n'y a pas autant de concurrence qu'aux États-Unis, par exemple, qui ont une densité beaucoup plus forte. Dans certains cas, nous devons tolérer une plus grande concentration au sein de certaines industries parce que nous ne pouvons pas soutenir autant de concurrents. Je pense donc que nous devons être plus attentifs lorsque vient le temps d'enquêter sur l'établissement des prix ou le nombre de concurrents au sein d'un marché donné.
Madame Rodal, je vais devoir vous demander de répondre à la troisième question lors d'une autre série de questions. Vous vous en êtes bien tirée. C'était très bien.
Nous passons maintenant à M. Lake pour cinq minutes.
Je jette un coup d'oeil à l'article 10 de la version actuelle de la Loi sur la concurrence. Sous le titre « Enquête par le commissionnaire », on peut lire que le commissaire peut ouvrir une enquête pour trois raisons. L'article se lit en ces termes: « Le commissaire fait étudier, dans l'un ou l'autre des cas suivants, toutes questions qui, d'après lui, nécessitent une enquête en vue de déterminer les faits. »
À l'alinéa 10(1)a), on parle d'une « demande faite en vertu de l'article 9 », qui renvoie à n'importe quelle des six personnes résidant au Canada qui ont fait part de leurs inquiétudes.
Ces inquiétudes sont similaires à l'alinéa 10(1)b), où se trouvent les modifications: « chaque fois qu'il a des raisons de croire que (i) soit qu'une personne a contrevenu à une ordonnance rendue en application des articles 32, 33 ou 34, ou des parties VII.1 ou VIII ».
Quand j'examine tout ça, la partie VII.1 traite des pratiques commerciales trompeuses. La partie VIII porte sur les affaires que le tribunal peut examiner et les pratiques restrictives du commerce, telles que le refus de vendre, les ventes liées et autres. Voilà pour le premier sous-alinéa.
Au sous-alinéa 10(1)b)(ii), on peut lire ce qui suit: « soit qu'il existe des motifs justifiant une ordonnance en vertu des parties VII.1 ou VIII ».
Au sous-alinéa 10(1)b)(iii), on peut lire ce qui suit: « soit qu'une infraction visée à la partie VI ou VII a été perpétrée ou est sur le point de l'être ».
Maintenant, cette quatrième disposition s'ajoute. Je la trouve plutôt étrange, très différente des autres. Les autres dispositions renvoient vraisemblablement à quelque chose, à un critère ou une à condition, qui doivent exister pour que le commissaire lance une enquête. Cette disposition se lit ainsi: « (iv) soit qu’il existe des motifs justifiant une enquête sur un secteur de l’industrie dans son ensemble ».
Ce qui me frappe, entre autres, c'est qu'on ne définit pas les motifs en question. Au sous-alinéa 10(1)b)(ii), lorsqu'on dit: « soit qu'il existe des motifs justifiant une ordonnance en vertu des parties VII.1 ou VIII », il existe une définition de ces motifs.
Quels sont les motifs en question? Je ne comprends pas à quels motifs on nous renvoie.
Vous comprendrez que je n'ai pas rédigé le sous-alinéa en question, mais je vais tenter d'expliquer pourquoi les motifs sont aussi vagues.
Je crois que l'article 18 du Règlement concerne cette disposition. Les lignes directrices seraient établies de la même manière que celles sur l'abus de position dominante ou sur les fusions, qui sont prévues par la Loi et qui expliquent les modalités et les circonstances concernant l'exercice des pouvoirs.
Il fournit également quelques procédures appropriées concernant la collecte de l'information et son utilisation lors d'affaires subséquentes. Ces dispositions nécessitent la mise en vigueur d'un règlement exhaustif. On peut présumer, en ce qui concerne cet article, que vous souhaitez qu'on mentionne les lignes directrices si de tels motifs existent.
En effet, on parle des enquêtes qui sont lancées aux termes de l'article 10, mais qui se déroulent, je crois, selon les pouvoirs conférés aux articles 11 à 19.
Selon l'article qui porte sur les règlements, c'est-à-dire l'article 24, « le gouverneur en conseil peut prendre des règlements régissant la pratique et la procédure en ce qui concerne les demandes, les procédures et les ordonnances prévues aux articles 11 à 19 ».
En effet, on voudrait que ces articles soient utilisés pour expliquer comment les pouvoirs d'enquête seront exercés.
M. Thibeault a dit qu'il ne savait pas de quoi il s'agissait. Je suis d'accord avec lui. Je ne sais pas ce que ça veut dire et c'est un problème pour moi.
Mme Coady a parlé de mesures de protection. Existe-t-il de telles mesures de protection contre les enquêtes sans fondement? Il me semble que la loi a été rédigée de manière à prévoir des mesures de protection. Cette disposition les enlève.
Je pense que le problème se situe exactement dans la lecture de la question 10, comme vous l'avez dit. La Loi sur la concurrence prévoit l'exercice des pouvoirs d'application de la loi lorsqu'il existe un motif de croire que le marché subit des gestes anti-concurrentiels.
Si vous examinez toutes les dispositions de la Loi sur la concurrence, vous n'en trouverez aucune qui prévoit qu'une position dominante dans le marché est en soi anti-concurrentielle. Vous ne trouverez rien qui prévoit que le fait de demander des prix plus élevés que ce qui pourrait être considéré comme un prix normal est en soit anti-concurrentiel. Tous les pouvoirs d'application de la loi visent à nous protéger contre des gestes anti-concurrentiels.
Si on ne fait qu'ajouter « des motifs existent », vraisemblablement sans inclure quoi que ce soit qui pourrait soulever des inquiétudes relatives à des gestes anti-concurrentiels, de quoi parle-t-on? On dit que le marché n'est pas aussi concurrentiel qu'on pourrait l'espérer, et cette question ratisse très large. Une fois sur le marché, que fait-on si on se rend compte qu'il y a vraiment un monopole ou que trois grandes entreprises ont du succès alors que les autres sont incapables de percer parce que leurs produits ne sont pas aussi... Que fait-on?
Vous avez dit que l'OCDE recommandait de mettre en place un pouvoir permettant la tenue d'enquêtes de marché. Si j'interprète vos commentaires, c'est donc dire que le Bureau de la concurrence n'a pas actuellement ce pouvoir de mener des enquêtes de marché.
Le projet de loi C-452 contient-il une disposition qui répondrait à la recommandation de l'OCDE, c'est-à-dire qui donnerait à la commissaire le pouvoir de faire des enquêtes de marché?
Oui, je pense qu'il s'agit des pouvoirs qui ont été conférés au commissaire dans le cadre du projet de loi C-452: il permet à ces études de marché d'avoir lieu.
Comme je l'ai dit plus tôt, un des premiers gestes serait bien entendu la rédaction par le commissaire d'un règlement établissant le déroulement de ces études et les pouvoirs qui seraient exercés, ainsi que le moment où ces pouvoirs seraient exercés. C'est une composante importante qui accompagnera la disposition et qui calmera les inquiétudes de l'OCDE, qui craignait de voir le Canada privé du pouvoir d'étudier une industrie dans le seul but de dynamiser la concurrence, ce qu'un pays moderne doit justement être capable de faire.
Si j’interprète bien le projet de loi C-452, il confère ou vise à conférer au commissaire de la concurrence un pouvoir nouveau, celui de lancer une étude de la compétitivité d’une industrie donnée, puis de faire rapport de la dynamique de la concurrence et des moyens qui s’offrent pour en arriver à un résultat plus compétitif. On s’écarte donc des autres types d’enquêtes, qui sont lancées dans le but précis de déterminer si un délit a été commis ou si un comportement donné a été observé sur le marché. Une étude d’un marché peut conclure à une inconduite, mais ce n’est pas son but essentiel, qui est en fait de déterminer la compétitivité du marché et les mesures qui peuvent être prises pour améliorer cette compétitivité, ainsi que de présenter des recommandations pertinentes.
Les gens ne sont peut être pas conscients que la commissaire de la concurrence dispose en réalité d’un pouvoir considérable pour lancer des enquêtes. Elle peut tout d’abord donner suite à une plainte qui est présentée directement, ou encore, si elle ne donne pas suite à une plainte, elle peut se voir essentiellement obligée de procéder à une enquête lorsque six personnes présentent une demande à cet effet. Mais il lui est aussi loisible de lancer sa propre enquête même si aucune plainte n’a été déposée.
D’après ce que j’en sais, près d’un tiers des enquêtes ont été menées à l’initiative directe de la commissaire et du Bureau de la concurrence, parce qu’ils croyaient discerner un élément anti-concurrentiel qui justifiait le lancement d’une enquête. On entend dire que le Bureau de la concurrence devrait avoir un comportement responsable et bien s’acquitter de son mandat, mais il me semble que c’est précisément ce que fait ce Bureau en vertu de la loi actuelle, c’est-à-dire observer de près un marché, puis procéder à une enquête s’il détecte la moindre trace d’un comportement anti-concurrentiel qui poserait un problème selon notre Loi sur la concurrence. Si la commissaire et le Bureau ne perçoivent aucune activité douteuse ou anti-concurrentielle, ils font savoir qu’ils examineront volontairement le marché si quelque chose retient leur attention, qu’ils continueront d'y réfléchir et de surveiller les choses, et qu’ils restent à l’écoute des participants à ce marché.
Selon mon expérience, les gens n’ont aucune réticence à se plaindre s’ils estiment avoir de la difficulté à faire concurrence sur un marché, et une telle justification avant de procéder à une enquête me paraît suffisante. Un pouvoir ouvert de lancer une enquête ne me semble pas ajouter quoi que ce soit et, comme je l’ai déjà dit, je crois que cela se révélerait très peu utile en fin de compte.
Merci, monsieur le président. Vous étiez en train de regarder ailleurs, et j’ai cru un instant que vous m’aviez bien attrapé.
Merci de votre présence parmi nous ce matin.
Je commence par une observation. Vous êtes tous trois avocats, c’est bien cela? Tous membres du Barreau? Les avocats ne sont pas tous d’accord, c’est bien connu, et c’est d’ailleurs ainsi qu’ils gagnent leur vie.
Mon premier point, que je fais valoir chaque fois que j’en ai l’occasion, c’est que nous avons affaire selon moi à un projet de loi qui change essentiellement une seule ligne, un mot. C’est une façon de faire le droit qui ne convient pas au Canada.
Bien entendu, à la lumière des problèmes que vous avez évoqués et de ceux qui ont été mentionnés à la dernière réunion du comité, un réexamen complet de certains aspects de la Loi sur la concurrence... Mon collègue ici présent, M. Lake, vient de signaler que des modifications seraient peut être nécessaires... Ce genre de travail convient si un document juridique pertinent est produit à l’issue d’une vaste consultation, si on examine son caractère légal, son libellé, la concordance entre ses différents articles, et ainsi de suite. À mon avis, ces projets de loi émanant des députés qui comportent des lignes d’un seul mot font problème, et de plus ne sont pas une bonne façon de faire le droit dans notre pays.
C’est le premier des trois points que je veux soulever.
Voici mon deuxième. Monsieur Janigan, je crois vous avoir entendu dire que vous vous fiez au jugement du commissaire. Je ne fais pas erreur?
À notre dernière réunion, les représentants du commissaire qui étaient présents ont déclaré qu’ils n’ont pas besoin de cet article, que c’est un pouvoir qui leur est inutile. Ils détiennent le pouvoir de faire...
Est-ce que vous vous fiez à leur jugement dans ce cas précis?
C’est tout le problème de ce texte de loi. Il a belle allure et nous nous fions au jugement de la commissaire, mais vous avez cité deux anciens commissaires, et il se trouve que l’actuelle commissaire a une opinion différente. Vous vous fiez au jugement des commissaires précédents, mais pas à celui de la titulaire actuelle.
Mon dernier point — vous l’avez déjà largement commenté, madame Rodal — et ma préoccupation véritable, que M. Lake a décrite en des termes mieux choisis que ceux que j’allais employer, concerne le profilage. Dans mon rôle de politicien local, je reçois des appels de gens qui expriment des opinions selon moi peu correctes concernant non seulement l’industrie, mais aussi l’immigration et les groupes culturels, parmi beaucoup d’autres sujets. Ces opinions constituent en fait du profilage.
Il me semble que cette mesure peut avoir pour effet d’autoriser le lancement d’études ouvertes, ce qui mettrait le commissaire dans une position très difficile. Supposons qu’il reçoive des centaines d’appels, de lettres et de courriels d’un groupe de consommateurs, ou supposons encore qu’une industrie qui veut faire concurrence dans le domaine de l’énergie, par exemple, déclare qu’un autre groupe lui paraît anti-concurrentiel et qu’elle veut que la commission enquête sur ce groupe. D’après votre analyse de la question, y a-t-il un danger de profilage, ou d’utilisation par une industrie comme d’un outil pour s’en prendre à d’autres industries?
Il est certain qu’il faut se soucier des pressions qui s’exerceraient sur le bureau pour appliquer ce pouvoir, ainsi que de la provenance de ces pressions.
Vous soulevez un problème qui en appelle un autre. Si la commissaire lançait une enquête de marché, les gens supposeraient tout de suite que quelque chose va mal dans l’industrie en question. Tous les membres de cette industrie non seulement auraient le plaisir de payer pour une enquête qui les cible, mais de plus, ils auraient à vivre dans le soupçon qui pèserait sur l’industrie tout au long de l’enquête, qui prendrait beaucoup de temps.
Nous savons que la commissaire de la concurrence ne supposerait pas que quelque chose cloche, parce que si elle soupçonnait un problème d’anti-concurrence, elle aurait agi en vertu des pouvoirs actuels. Mais je doute que le public puisse faire cette distinction. Il observerait simplement que la commissaire lance une enquête obligatoire sur un secteur donné et conclurait sans attendre que quelque chose ne va pas dans l’industrie en cause. Je crois que ce problème n’est pas à négliger.
Je reviens à ma question précédente, en faisant plus ou moins le lien avec les propos tenus par mon honorable collègue il y a quelques minutes.
Notre discussion portait sur l’existence de motifs, qui pourrait être invoquée comme une force active. Il était question des électeurs dans sa circonscription, et de centaines de gens envoyant des courriels et faisant des appels concernant un problème. Mais le commissaire n’aurait-il pas de bonnes raisons de lancer une enquête si des centaines de personnes exprimaient leur préoccupation?
Quant à l’existence de motifs, je suis sûr qu’aucune enquête ne sera lancée si une seule personne appelle pour se plaindre d’un truc. Mais si on commence à recevoir des centaines d’appels faisant état de problèmes avec ce truc, ne croyez-vous pas que c’est une bonne occasion de lancer une enquête pour assurer l’équité, au lieu de n’y voir qu’un problème d’enquête ouverte?
Je crois que c’est un facteur dont le commissaire peut tenir compte dans sa décision de lancer ou non une étude sur une industrie donnée, mais ce n’est pas le seul. Avant d’en arriver à sa décision, il voudra tout d’abord examiner de plus près la structure de l’industrie et le motif de la plainte, puis déterminer si l’industrie possède la capacité de s’attaquer à l’origine ou à la source du problème.
En deuxième lieu, j’ai relu les observations faites hier par le Bureau de la concurrence, et je ne suis pas certain qu’il voit le recours à une enquête comme une sorte de mécanisme redondant de sécurité contre tout comportement anti-concurrentiel. Il n’a pas dit, que je sache, que le pouvoir de mener une étude de référence du marché ne serait pas utile. De plus, il se préoccupe beaucoup d’éléments comme les ressources et les procédures qui pourraient se révéler nécessaires.
Mais je ne crois pas qu’il soit juste d’y voir une opposition entre les deux commissaires précédents et la commissaire actuelle. Cette opposition est plutôt fonction de la nature du témoignage, qui semblait porter presque exclusivement sur les cartels et les actes criminels, à l’égard desquels le commissaire détient tous les pouvoirs dont il ou elle a besoin.
Quand les gens se plaignent — et ils se plaignent de tout —, le problème est de dégager le fond de la plainte. Si rien dans ce qu’ils disent au Bureau de la concurrence ne donne à penser qu’on est en présence d’un comportement anti-concurrentiel, le commissaire sera sans doute bien avisé de s’abstenir d’agir. Il existe toutes sortes de façons de formuler une plainte, et il se peut que le problème n’ait aucun rapport avec la concurrence. Je crois que nous devons laisser au commissaire le soin de juger si une plainte se rapporte au droit de la concurrence. Nous avons d’ailleurs un peu discuté des questions qui relèvent ou non de ce droit. Si rien dans la plainte ne donne à penser qu'il y ait quoi que ce soit d'anti-concurrentiel sur le marché, il vaut peut-être mieux la renvoyer à d’autres instances.
J’apporte une clarification. M. Thibeault mentionne des centaines d’appels comme un motif possible pour une enquête, mais personne n’aurait besoin de faire un appel en vertu de la loi proposée, ou même de déposer une plainte. Le commissaire décide tout bonnement de lancer une enquête sur un secteur donné, et c’est ce qui se produit. C’est tout le problème de cette loi.
Jamais une telle chose ne serait possible dans un autre domaine du droit. Nous n’autoriserions pas la police à décider qu’un segment de la population est particulièrement porté sur le crime, et qu’elle va donc enquêter sur chaque membre de ce segment. C’est pourtant le résultat de cette loi.
C’est ainsi qu'elle opère à l'égard de la concurrence. La loi permet essentiellement de décider d’enquêter sur tel secteur de l’industrie, pour des motifs que nous ignorons parce qu’ils ne sont pas même énumérés. Il peut s’agir d’un simple soupçon au sein du Bureau de la concurrence, mais nous lui permettons néanmoins d’enquêter sur l’ensemble d’une industrie. À mon avis, c’est tout le problème de ce projet de loi.
N’oublions pas le coût monétaire important pour tous les membres de cette industrie, sans compter qu’ils sont désormais étiquetés — tout comme on étiquetterait un segment de la société qui ferait l’objet d’une enquête parce qu’on le soupçonne par profilage des pires d’activités criminelles. C’est une forme d’étiquetage, phénomène que nous interdisons et qui fait beaucoup de tort à la société. Je crois que c’est ici précisément la même chose.
La question qui se pose est de comprendre la nature du problème que nous tentons de résoudre.
Monsieur , vous pourriez peut-être nous décrire les motifs qui manquent, c’est-à-dire les motifs qui ne sont pas déjà inscrits dans la loi.
Là encore, pour revenir à votre commentaire de tout à l'heure, en toute honnêteté je dirai que la commissaire peut faire la même chose à l'égard des autres infractions, du moment qu'elle a des raisons de croire qu'il y a infraction. Dans ces cas-là, elle n'est pas obligée d'attendre de recevoir une plainte.
S'agissant du problème dont vous avez parlé, je pense que dans une certaine mesure, il est regrettable que ce soit inclus dans cet article qui porte sur toute une gamme d'infractions à la loi.
Cela fait référence à la responsabilité de la commissaire de défendre et de promouvoir la concurrence. Par exemple, la loi autorise expressément la commissaire à faire des démarches auprès des tribunaux et des commissions qui examinent des causes liées à la concurrence. Elle a donc la responsabilité générale d'encourager la concurrence sur les marchés, mais ce n'est pas du tout la même chose que de faire enquête pour déterminer s'il y a eu comportement anti-concurrentiel.
Il y a toutes sortes de facteurs qui peuvent influer sur la concurrence et qui ne répondent pas à la définition de comportement anti-concurrentiel. Il peut y avoir des situations où certains mécanismes de sélection empêchent l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché. Il peut aussi y avoir des problèmes d'approvisionnement qui influent sur...
Si vous dites qu'il faut préférer le terme « étude » à « enquête », je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais si je comprends bien la portée de cet article, il s'agit en fait d'autoriser au Canada le même genre d'études de marché que celles qui se font au Royaume-Uni, aux États-Unis, dans l'Union européenne...
Si je vous comprends bien, vous êtes en train de nous dire depuis le début qu'il est nécessaire de faire des changements, mais que ce n'est manifestement pas la bonne façon de s'y prendre.
Comme je l'ai dit au début, ce n'est pas moi qui suis à l'origine du contenu et du libellé du projet de loi. S'il est adopté, je suppose qu'on pourra régler un grand nombre de ces problèmes par voie de règlements, et je veux parler de la procédure appropriée, de la façon de traiter les dossiers vu la grande différence qui existe entre décider de faire une enquête et répondre à une plainte, ainsi que des situations dans lesquelles, parce qu'on a des motifs de soupçonner un comportement anti-concurrentiel, on voudra faire des études sur une situation particulière.
Je vous remercie de comparaître devant notre comité aujourd'hui.
M. Wallace a fait une remarque intéressante quand il a parlé des gens qui appellent pour réclamer une étude. La loi actuelle stipule, au paragraphe 9.(1), « Six personnes résidant au Canada et âgées de 18 ans au moins peuvent demander au commissaire de procéder à une enquête dans les cas où elles sont d'avis... ». La loi énonce trois grands critères, avec des références. Donc, ça existe déjà. Il n'y a là rien de nouveau. Cet article permet à la commissaire de faire une étude sur l'ensemble d'une industrie. Actuellement, la commissaire a le pouvoir de faire une étude sur une entreprise en particulier, si elle la soupçonne de comportement anti-concurrentiel.
D'un autre côté, lorsque vous faites une étude sur une entreprise au sein d'une industrie, n'avez-vous pas intérêt à élargir cette étude à l'ensemble de l'industrie pour savoir vraiment ce qui s'y passe, les aspects négatifs autant que les aspects positifs? Ensuite, à partir de cette étude générale — qui ne doit pas être nécessairement négative —, s'il y a lieu, on peut envisager une enquête plus approfondie pour fouiller davantage certaines choses. Notre objectif principal est de promouvoir la concurrence. La question ici est de savoir comment s'y prendre.
Certains ont dit qu'ils ne font pas tout à fait confiance à la personne responsable ou au commissaire, quel qu'il soit. J'espère que notre Constitution nous permet de garder un contrôle sur le commissaire à la concurrence. Est-ce bien la réalité? Il y a des limites. Avons-nous peur de notre ombre en essayant de nous protéger contre un « mauvais » commissaire?
Je vais m'adresser d'abord à Mme Rodal, et ensuite à M. Janigan.
Lorsqu'il entreprend une enquête en vertu de l'article 10, le commissaire à la concurrence obtient en fait pas mal d'informations auprès des autres intervenants du marché, et ce, de façon volontaire, même si c'est parfois obligatoire. Le commissaire doit s'assurer qu'il n'entreprend que le strict nécessaire pour s'acquitter de son mandat, car une telle étude représente des coûts réels pour les intervenants du marché qui doivent fournir ces renseignements, alors qu'ils n'ont rien fait de mal ou qu'ils ne sont pas soupçonnés d'avoir un comportement anti-concurrentiel. D'un autre côté, s'il veut faire une enquête appropriée en vertu du libellé actuel de l'article 10, il doit rassembler suffisamment d'informations sur le marché pour bien comprendre le degré de concurrence qui y règne.
Si je vous comprends bien, le commissaire a au départ des soupçons au sujet d'une industrie donnée, et il essaie de rassembler des informations auprès d'autres intervenants de la même industrie. Il cherche donc à faire la preuve que telle ou telle personne est coupable, plutôt que de faire une étude de l'industrie afin de comprendre comment elle fonctionne pour pouvoir ensuite déterminer si la personne ou l'entreprise visée respecte les règlements qui ont été établis ou acceptés.
Je pense que le fait d'entreprendre une étude sur l'ensemble de l'industrie pour voir si quelqu'un fait quelque chose de mal est une façon de procéder qui pose des problèmes. Il y a un problème dès le départ parce qu'on n'a pas clairement identifié la personne ciblée par l'enquête.
Je pense que c'est quelque chose qu'il faudra régler par voie de règlement, et je veux parler de la façon de faire enquête et de rassembler des preuves, de l'utilisation qui sera faite de ces preuves, et, au cas où le Tribunal de la concurrence ou les tribunaux fédéraux décident de donner suite à un comportement anti-concurrentiel, de la procédure qui sera adoptée, à savoir si on aura une procédure tout à fait séparée, notamment au niveau des personnels qui seront appelés à s'occuper de l'affaire. Il y a beaucoup de choses à préciser par voie de règlement. J'ai de bonnes raisons de croire, d'après les témoignages d'anciens commissaires devant votre comité, que c'est tout à fait faisable.
Bien sûr, si l'on s'entend sur la nécessité de faire une étude sur la concurrence dans un secteur industriel donné, si nous estimons que cette étude sera utile à l'industrie, aux consommateurs et aux éventuels intervenants dans ce secteur, qui est le mieux placé pour la faire si ce n'est un bureau de la concurrence?
Me permettez-vous de faire une brève remarque à Mme Rodal?
Je viens d'une région rurale, et je ne suis pas d'accord pour que les frais imposés soient plus élevés dans les régions rurales qu'ailleurs, pour compenser l'immensité de notre territoire. C'est tout ce que je voulais dire. Je m'en tiendrai là.
Lorsque vous vous promenez le long d'un boulevard et que vous constatez que toutes les stations-services de la ville affichent le même prix pour l'essence, cela ne vous étonne-t-il pas?
Actuellement, le Bureau de la concurrence, même s'il reçoit des plaintes vis-à-vis d'une situation semblable, ne bouge pas. Or, le projet de loi C-452 permettrait à la commissaire d'entreprendre des enquêtes quand des situations semblables se présentent.
J'ai cru comprendre que le Bureau de la concurrence possédait tous les pouvoirs. Dans ce cas, le Bureau de la concurrence possède-t-il actuellement tous les pouvoirs pour entreprendre de telles enquêtes? Si oui, est-ce une absence de ressources qui l'empêche de passer à l'action et de mettre sur pied une enquête de marché sur une situation semblable?
Je ne pense pas qu'on puisse reprocher au Bureau de la concurrence de ne pas consacrer suffisamment de ressources à des études sur l'industrie du pétrole et du gaz naturel. Il fait régulièrement des études sur cette industrie, sur une base volontaire. Je suppose que si le Bureau de la concurrence avait le moindre soupçon qu'un comportement anti-concurrentiel est à l'origine des prix de l'essence, il n'hésiterait pas à prendre des mesures, surtout qu'il est aujourd'hui beaucoup plus facile de prouver qu'il y a eu complot criminel. Je suppose qu'il ferait alors immédiatement enquête.
Madame Rodal, vous avez dit que le Bureau de la concurrence est l'organisme d'exécution de la loi. M. Janigan, lui, a dit que son rôle était de promouvoir la concurrence. Je suppose que c'est un peu des deux.
On a toujours comparé le bureau à une sorte de policier en patrouille.Tout le monde sait, et mes collègues conservateurs très certainement, que les agents de police sont bien placés pour savoir ce qui se passe et pour faire des recommandations, car ils observent la situation de près.
Les coûts d'exploitation d'un grand nombre de ces entreprises, qu'elles soient basées en Europe ou aux États-Unis... Ces entreprises sont assujetties à un contrôle beaucoup plus rigoureux, vous le reconnaîtrez, que les entreprises établies au Canada. La vraie question que doivent se poser les députés et les consommateurs est celle-ci: comment se fait-il qu'on n'ait pas une idée plus précise de la situation de l'offre et de la demande au Canada, à n'importe quel moment? Les États-Unis en font l'inventaire chaque semaine. En fait, demain matin à 10 h 30, ils vont annoncer au monde entier quelles sont exactement leurs réserves d'énergie, à une goutte près. Cela a eu des effets très positifs sur la concurrence, surtout sur les marchés des actions et des contrats à terme.
Nous avons également, au Canada, la difficulté d'essayer d'expliquer pourquoi les prix de gros dans les grands centres urbains, dans des circonscriptions comme celles de M. Van Kesteren, de M. Wallace ou de M. Stanton, évoluent toujours en parallèle. Le fait que le Bureau de la concurrence n'ait pas réussi à faire la lumière là-dessus explique l'immense fossé qui sépare les attentes de la population et le statu quo. Je crois que c'est la position que le Barreau canadien a toujours défendue dans le passé.
Êtes-vous prêts à reconnaître, une fois pour toutes, que nous avons besoin de faire une étude équitable, transparente et sans entrave de toute cette industrie? Pour y parvenir, il faut que le Bureau de la concurrence ait le pouvoir de faire ce qu'il fait normalement très bien dans d'autres sphères de compétence, et qu'il puisse dire: « Voici la situation. L'offre est faible et la demande est élevée. Nous sommes dans un secteur où il reste trois acteurs, alors qu'il y en avait auparavant sept ou huit. Nous savons qu'au Canada, les prix de gros de l'essence et de l'énergie sont dominés par un ou deux acteurs qui n'ont pas besoin de se faire concurrence au niveau de la vente en gros. Pourquoi tout le problème de la prévisibilité devient-il si facile à régler à 16 heures la veille du jour où les prix sont fixés? »
Je comprends, monsieur Janigan, que vous préféreriez avoir un libellé différent. Mais pouvez-vous accepter celui-ci?
Je vous conseille de combler par voie de règlement certaines des lacunes qui sont évidentes dans l'amendement. Je pense qu'il est possible de trouver une solution qui répondra à certaines objections valides, tout au moins à certaines préoccupations valides associées à la mise en oeuvre d'une recommandation contenue dans une étude de marché. Je pense donc que les règlements seront un bon moyen d'aborder ces problèmes.
Selon son libellé actuel, la Loi sur la concurrence, en tout cas, pour ce qui est des procédures civiles, prévoit un certain nombre de remèdes en cas de violation de ses dispositions, mais elle ne prévoit jamais de dédommagement de la victime.
J'aimerais savoir, monsieur Janigan — et Mme Rodal pourra peut-être l'expliquer — pourquoi des avocats qui gagnent extrêmement bien leur vie et qui sont des membres éminents du barreau canadien de la concurrence ne voient jamais le point de vue de l'homme de la rue?
À mon avis, si les avocats spécialisés dans la concurrence sont surtout des gens qui s'emploient quasi exclusivement à protéger leurs clients contre les effets possibles de la loi sur la concurrence, c'est parce que, chez nous, cette loi n'est pas utilisée habituellement dans des poursuites privées, contrairement aux États-Unis où de telles poursuites peuvent être intentées en vertu de la loi antitrust. Aux États-Unis, vous avez un barreau de la concurrence pour les plaignants et un barreau de la concurrence pour les défendeurs. Nous n'avons pas vraiment ça chez nous.
C'est donc, à votre avis, ce qui explique les variations de prix qu'on constate à tous les coins de rue aux États-Unis, alors que c'est la situation tout à fait inverse au Canada.
Les autorités américaines ne sont jamais très pressées de faire une enquête sur l'industrie et de demander aux intervenants de leur communiquer les renseignements nécessaires à l'enquête, que ce soit au niveau d'une instance locale... Je suppose que la plupart des entreprises canadiennes qui ont une société mère ou un siège social aux États-Unis aimeraient bien pouvoir faire au Canada ce qu'elles savent être parfaitement illégal ou interdit aux États-Unis.
On peut dire en tout cas que nous n'avons pas réussi à inculquer la même culture de la concurrence qu'aux États-Unis, mais que nous essayons de le faire.
Merci beaucoup, monsieur Janigan, madame Rodal et madame Thomson. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
Vous pouvez partir, maintenant. Encore merci.
Nous allons demander à Mme Einbinder-Miller et à Mme Downie de venir s'asseoir avec nous pour que nous puissions commencer notre examen article par article. Nous allons faire une pause de deux minutes.
Il me vient une idée. À entendre les témoins d'aujourd'hui, il est évident... vu que le seul témoin qui semblait favorable au principe du projet de loi estimait quand même qu'il faudrait le modifier pour qu'il ait du sens.
J'ai l'intention de voter contre le projet de loi car je ne pense pas que ce soit un bon texte. Mais, ne serait-ce qu'en raison des témoignages que nous avons entendus aujourd'hui, les députés de l'opposition voudront peut-être envisager un amendement pour améliorer quelque peu le projet de loi. Par conséquent, il faudrait peut-être envisager de reporter l'examen article par article à la prochaine réunion. Ce n'est qu'une suggestion.
Le libellé du projet de loi n'est peut-être pas parfait, et, dans le pire des cas, il fait peut-être double emploi par rapport aux pouvoirs qui existent déjà... Je pense que nous sommes convaincus, surtout depuis que nous avons entendu le témoignage des deux anciens commissaires, qu'il est nécessaire d'élargir ces pouvoirs. Tôt ou tard, le gouvernement sera bien obligé de déterminer où sont ses priorités pour ce qui est des enquêtes à mener dans des secteurs qui ont une incidence considérable sur les consommateurs.
Je n'ai pas encore eu l'occasion de le dire ici, mais quand on parle des prix de gros de l'essence, il faut savoir que, si on vend chaque année au Canada 75 milliards de litres de diesel et d'essence, à raison de quatre à six cents de trop par litre, cela représente 3,5 milliards de dollars qui sortent directement de la poche des consommateurs. La note est sacrément salée. Que ce soit le résultat d'une hyper concurrence ou non, tout ce que je peux dire c'est qu'il est temps que ça s'arrête.
Je suis convaincu que nous devons adopter ce projet de loi, car il va dans la bonne direction. On pourra le modifier à l'étape du rapport ou en troisième lecture. Les conservateurs ont une majorité au Sénat, ils peuvent y faire ce qu'ils veulent. C'est un message inoffensif mais important que nous envoyons au bureau et aux autres intervenants: le statu quo n'est pas acceptable. À mon avis, il est inacceptable qu'une poignée d'avocats du barreau de la concurrence décident de ce qui est correct et de ce qui n'est pas correct dans cette industrie. Il est temps que ceux qui sont chargés d'encourager la concurrence comprennent bien que, chaque fois que la population le demande, ils doivent, librement et sans risque de conflits d'intérêts, fournir des explications sur ce qui se passe dans l'industrie. Depuis 1986, nous avons une Loi sur la concurrence qui a été rédigée par ceux-là mêmes dont nous voulions surveiller les activités. Il n'est donc pas étonnant que les enquêtes soient inutiles et aboutissent à des résultats prévisibles. Elles ne permettent jamais de déceler ce qui ne va pas.
Monsieur le président, c'est crucial. Le Bureau de la concurrence a comparu devant nous et nous a parlé de l'enquête qu'il a faite sur l'ouragan Katrina. L'impact de cet ouragan sur les automobilistes américains ne dépassait pas deux cents le litre. Or, vous vous souvenez tous qu'en plein coeur de la campagne électorale, pendant la deuxième semaine, on nous a fait subir une augmentation de 13 ¢ le litre, à cause de l'ouragan. La réaction des Canadiens ne s'est pas fait attendre, car l'impact était largement supérieur à ce qu'on aurait pu imaginer à peine quelques années plus tôt. Ça montre que le problème a des racines beaucoup plus profondes.
Il y a deux semaines, le prix de l'essence a augmenté de 4,4 ¢ le litre. Pourtant, quand on prend en considération les forces du marché et la valeur de la devise canadienne par rapport au prix des denrées de base, il n'y aurait jamais dû avoir d'augmentation. Si votre parti, monsieur Lake et les autres, n'est pas prêt à donner tous les pouvoirs nécessaires à la commissaire à la concurrence pour qu'elle puisse faire enquête sur cette industrie, cette situation va continuer de se répéter. Cela fait 16 ou 17 ans que je participe à l'examen de projets de loi visant à permettre, et c'est important, une étude transparente, ouverte et objective de ce qui se passe dans cette industrie. Très franchement, j'estime que la décision prise par le Bureau de la concurrence de s'en tenir à son rôle d'application de la loi nuit à l'intérêt des consommateurs canadiens.
J'estime qu'il est important que nous adoptions ce projet de loi, et que nous le fassions sans tarder.
Je ne m'attendais pas à un discours quand j'ai fait ce commentaire. Je voulais simplement dire que même les personnes qui sont en faveur du projet de loi ont mentionné qu'il n'était pas parfait. Vous avez dit vous-même que ce n'était « pas parfait ». Peut-être que vous voudrez tenir une autre réunion pour l'examiner et envisager un amendement qui rendrait le projet de loi plus « parfait » à votre avis, avant qu'il soit adopté par le comité. C'est la seule suggestion que je voulais faire. Même les promoteurs de la loi reconnaissent qu'il reste du travail à faire pour la mettre au point. Et nous pourrions nous réunir une autre fois pour le faire, c'est tout. Je ne suis pas d'accord lorsque vous dites que dans le pire des cas, ce serait redondant. Je crois que dans le pire des cas, ce serait encore pire que redondant — mais on en reparlera un autre jour.
Le témoin que nous avons entendu aujourd'hui, qui est avocat — ce que nous nous sommes assurés de consigner au compte rendu —, a précisé qu'il reformulerait le libellé actuel du projet de loi. Il était en faveur de l'adoption du projet de loi en principe, mais il a affirmé que le libellé n'était pas au point, à son avis. C'est pour cette raison, je crois, que M. Lake donnait aux membres de l'opposition la possibilité d'examiner le libellé afin de voir si d'autres recommandations pouvaient être formulées sous forme de pièces jointes et de renvois à différents articles des règlements, entre autres. Mais je crois qu'ils ne sont pas intéressés.
L'autre point que j'aimerais préciser, comme l'a fait M. McTeague, c'est que ce n'est pas une motion. C'est une loi. Nous ne devrions pas utiliser la création de lois ou la modification de lois actuelles pour faire passer des messages. Il disait que cela enverrait au commissaire le message que nous ne sommes pas contents que le bureau n'ait pas réussi jusqu'à maintenant à trouver quoi que ce soit dans l'industrie pétrolière et qu'au moyen de ce changement rattaché à un ou deux mots, il pourrait réexamine la situation. Il se pourrait qu'il ne soit pas content encore des résultats, que nous le fassions ou pas.
Mais nous ne devrions pas nous servir de projets de loi émanant des députés pour faire passer des messages. Ce sont des documents juridiques qui modifient les lois actuelles. Il faut utiliser un autre moyen de faire passer les messages.
Tout d'abord, M. Bilodeau, du Bureau de la concurrence, nous a dit que son organisation avait tous les pouvoirs pour enclencher une enquête. Tout à l'heure, M. Janigan a dit que le Bureau de la concurrence n'avait pas tous les pouvoirs nécessaires pour entamer une enquête.
J'ai demandé à M. Janigan si le projet de loi C-452 répondait à une recommandation de l'OCDE, c'est-à-dire s'il procurait au Bureau de la concurrence le pouvoir de mener une enquête de marché. Il a répondu que le projet de loi C-452 répondrait en tous points à la recommandation de l'OCDE.
Personnellement, je considère que le projet de loi améliore la situation et apporte des changements. C'est pourquoi nous devrions procéder comme prévu à l'étude du projet de loi article par article. En réalité, il n'y a qu'un seul article. Ce matin, nous devons nous prononcer pour ou contre le projet de loi. Dans notre cas, nous sommes favorables à ce que le projet de loi C-452 soit adopté sans modification, tel qu'il a été déposé et dans la forme qu'on lui connaît.
... parce qu'on a fait certains commentaires concernant des règlements. Je ne suis pas certain de bien comprendre les rapports entre les règlements et la loi. Ici, on ne renvoie à aucun règlement.
Y a-t-il quelque chose que je n'ai pas compris concernant l'incidence de tout cela? À quoi renverraient les motifs dont nous avons parlé dans le projet de loi? Est-ce que nous en parlerions quelque part dans les règlements...
Peut-être que je pourrai répondre à cela, et mes collègues pourront compléter ma réponse.
Les règlements dont parlait M. Janigan étaient liés à l'article 24 de la Loi sur la concurrence. Cet article confère au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements relativement aux articles 11 à 19 de la Loi sur la concurrence, c'est-à-dire concernant l'émission d'assignations à témoigner conformément à l'article 11, dont vous avez entendu parler, ou l'exécution de mandats de perquisition en vertu de l'article 15. Le projet de loi modifie l'article 10 de la Loi sur la concurrence. Alors je suppose qu'il ne pourrait pas servir à établir des paramètres qui permettent la réalisation d'enquêtes en vertu de cette disposition.
C'est exact. Le Parlement est censé établir les paramètres conférant au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements en vertu d'une disposition particulière. Comme l'a dit ma collègue, l'article 24 confère des pouvoirs rattachés seulement aux articles 11 à 19 de la Loi sur la concurrence, pas à l'article 10.
D'accord. Alors, par rapport au libellé suivant: « soit qu'il existe des motifs justifiant une enquête sur un secteur de l'industrie dans son ensemble », qui détermine les motifs en vertu de ce texte législatif?
Oui. Encore une fois, la loi devrait établir les paramètres donnant un sens à l'expression « qu'il existe des motifs ». Dans le projet de loi actuel, aucun paramètre ne permet de définir le mot « motifs », ni de lui donner un sens.
Juste pour clarifier: on utilise le terme « industrie », mais nous n'avons pas établi de limite définissant cette notion. Essentiellement, cela fournirait au commissaire de la concurrence des motifs valables de lancer une enquête sur n'importe quelle industrie du Canada pour toute raison qu'il juge nécessaire.