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Bonjour, chers membres du comité. Je m'appelle Christian Houle et je suis directeur général de la raffinerie de Montréal-Est.
À mes côtés se trouve M. Oblath, vice-président responsable des activités de fusion, d'acquisition et de cession chez Shell dont celles qui touchent la raffinerie de Montréal-Est. Il est membre de la haute direction de Shell et est présent pour fournir des renseignements et répondre à vos questions au sujet des efforts considérables déployés afin de vendre la raffinerie, et pour donner un aperçu du marché du raffinage dans le monde.
Je fournirai de l'information et tenterai de répondre à vos questions sur nos plans de transformation de la raffinerie en terminal, notamment en ce qui a trait à l'approvisionnement en essence, en carburant diesel et en carburant d'aviation pour combler les besoins de nos clients du Québec, de l'Atlantique et de certaines régions de l'Ontario.
La raffinerie de Shell de Montréal-Est est en service depuis 77 ans — 77 années durant lesquelles Shell et ses employés ont contribué à l'économie et participé à la collectivité de Montréal-Est. Les contribuables, les gouvernements, les employés, les clients, les fournisseurs et Shell en ont tous tiré parti.
Tout d'abord, sachez que l'option retenue n'est pas notre premier choix. Comme mon collègue M. Oblath le montrera, pendant presque une année entière, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour vendre la raffinerie. Nous savons que sa transformation en terminal aura un impact considérable sur un grand nombre de personnes: nos employés, leur famille et ceux qui vivent et travaillent près de la raffinerie et qui tirent un avantage économique de nos activités. Nous comprenons combien cette situation est difficile pour tous et nous regrettons sincèrement d'avoir à prendre cette mesure. La décision n'a pas été facile à prendre, mais il s'agissait malheureusement de la seule option viable, étant donné la conjoncture difficile dans le secteur du raffinage.
Pour ce qui est de l'approvisionnement, nous n'appuyons pas l'hypothèse avancée par certains selon laquelle la transformation de la raffinerie de Montréal-Est en terminal causerait des interruptions dans l'approvisionnement en carburant de nos clients. Shell a l'expérience des transformations de raffineries en terminaux. Au Canada, par exemple, Shell a transformé ses raffineries de Shellburn et de Saint-Boniface en terminaux. Nous avons beaucoup appris de ces processus de transformation et maintenons une forte présence dans ces régions comme important fournisseur de carburant. Nous continuerons d'approvisionner nos clients en produits de qualité de manière fiable.
Nous avons annoncé notre décision en janvier. Depuis ce temps, nous avons collaboré avec les gouvernements fédéral et provincial qui nous ont demandé de retarder le démantèlement de la raffinerie jusqu'au ler juin afin de participer à un comité spécial et d'étudier de possibles offres.
Par ailleurs, je dois faire remarquer qu'en acceptant de participer au comité spécial, nous avons pris du retard dans nos processus d'affaires courants, notamment dans nos démarches auprès des organismes de réglementation visant à obtenir les permis nécessaires pour procéder à la transformation.
Des demandes de permis normales pour la démolition, la construction et l'utilisation de matériel doivent être présentées. Un retard dans l'obtention des permis pourrait causer des interruptions de l'approvisionnement. De plus, pour des raisons de sécurité et afin d'assurer l'intégrité des actifs, il faut que Shell commence bientôt à mettre la raffinerie hors service.
Je cède maintenant la parole à mon collègue, M. Oblath.
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Bonjour, chers membres du comité.
Chez Shell, nous sommes très conscients que notre décision a une incidence sur les employés, leurs familles et d’autres personnes. Nous ferons preuve d’équité à l’égard de nos employés, et nous reconnaissons le professionnalisme qu’ils ont manifesté durant cette période difficile.
J’espère que notre présence ici aujourd’hui vous permettra de mieux comprendre combien Shell a déployé d’efforts pour vendre la raffinerie de Montréal-Est dans un contexte économique difficile, et combien cette transformation en terminal est nécessaire pour approvisionner nos clients.
L’annonce de cette transformation a donné lieu à beaucoup d’articles et de déclarations publiques. Un grand nombre d’entre eux étaient inexacts et non fondés. Il y a trois éléments clés à considérer relativement à la tentative de vente de la raffinerie: la raffinerie a été proposée à un grand nombre d’acheteurs potentiels; d’importantes dépenses en immobilisations sont nécessaires pour continuer à exploiter la raffinerie de manière concurrentielle et sécuritaire; et, malgré une année d’efforts déployés par les nombreuses parties pressenties, beaucoup ont analysé la proposition en profondeur, mais aucune offre ne nous a été faite.
Nous ne sommes pas les premiers à mettre un terme à nos activités à Montréal-Est. En dépit de grands défis, nous avons tenu le coup plus longtemps que d’autres.
Le climat des affaires a considérablement changé, surtout au cours de la dernière décennie avec l’accroissement de la concurrence à l’échelle mondiale. En Amérique du Nord, plusieurs raffineries ont fermé et quelques-unes ont été transformées récemment. Ailleurs dans le monde, de nouvelles raffineries sont construites: elles présentent des avantages dont sont dépourvues les petites raffineries, plus anciennes, comme la nôtre à Montréal. Donc, les marges sont plus faibles et les coûts unitaires sont plus élevés pour les plus petites raffineries.
Shell évalue régulièrement ses raffineries afin de tenir compte des sommes à engager pour assurer la sécurité et la continuité de ses activités. Dans le cas de la raffinerie de Montréal-Est, l’analyse a montré qu’il faudrait investir environ 600 millions de dollars en immobilisations à brève échéance, nonobstant les 400 millions de dollars en dépenses d’immobilisations que nous avons engagés au cours des six dernières années.
Ainsi, en juillet 2009, nous avons communiqué publiquement notre intention de trouver un acheteur pour cet établissement et nous avons discuté avec plus de 25 parties différentes, soit nous les avons pressenties, soit elles nous ont contactés. De ce groupe, 17 ont présenté des demandes sérieuses au sujet de l’établissement et de ses activités; six de ces dernières ont poursuivi avec une diligence raisonnable et ont obtenu de l’information très détaillée sur les installations et leur exploitation. Malheureusement, aucune des parties, après avoir effectué des analyses détaillées, n’a jugé que la raffinerie justifiait un investissement, et le processus n’a donné lieu à aucune offre.
Malheureusement, en janvier 2010, nous avons annoncé notre décision de convertir la raffinerie en terminal. Nous voulions donner à notre personnel un avis raisonnable de cette décision et nous assurer de pouvoir continuer à fournir un approvisionnement en produits pétroliers à nos clients.
Le gouvernement québécois nous a demandé, et nous avons accepté, de reporter nos plans de conversion et de travailler en collaboration avec un comité spécial créé par lui pour rechercher des acheteurs éventuels. Ce comité spécial a, semble-t-il, contacté plus d’une centaine de parties. Par suite de cet effort, cinq de ces parties ont effectué une évaluation plus détaillée de l’établissement, et elles avaient librement accès, pour discussion, au personnel de Shell chargé de la transaction. De toutes ces entreprises, seule Delek US, un opérateur de raffinerie crédible, a présenté une déclaration d’intérêt viable, et nous avions bon espoir, malgré certains écarts importants, de nous entendre avec Delek sur les conditions de vente. Après des négociations constructives menées de bonne foi, Delek s’est malheureusement retirée du processus.
De toute évidence, plusieurs facteurs ont influencé les décisions des nombreuses parties intéressées au cours de la dernière année. Un de ces facteurs était que tout acheteur éventuel devait être capable de financer trois choses: un prix d'achat équitable, le coût du fonds de roulement d’environ 400 à 500 millions de dollars et 600 millions de dollars en dépenses en immobilisations, soit la somme nécessaire à court terme pour soutenir le site, pour continuer de l’exploiter de façon sécuritaire.
Nous sommes conscients que le comité spécial a offert du financement avantageux, des actions du soumissionnaire éventuel et des subventions directes en espèces qui auraient pu être remboursables ou non. Cependant, en dépit des efforts soutenus du comité spécial, du gouvernement du Québec et de nos employés, et en dépit des mesures incitatives et des investissements proposés, aucun des acheteurs éventuels — ils étaient plus d'une centaine — n'a cru qu’exploiter une raffinerie sur le site était viable, à long terme, et aucun d'entre eux ne nous a présenté d'offre.
J'aimerais maintenant redonner la parole à mon collègue, M. Houle.
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Mesdames et messieurs, je voudrais d'abord remercier les membres du comité d'étudier le dossier de la fermeture de la raffinerie de Shell de Montréal-Est.
Depuis plus de 12 ans, je suis président du syndicat des travailleurs de cette raffinerie, soit la section locale 121 du SCEP, affilié à la FTQ. Je suis travailleur dans le secteur du raffinage depuis 33 ans. Si je suis ici, c'est que je considère que la raffinerie de Montréal-Est peut et doit continuer de fonctionner, et qu'elle peut le faire en générant des profits et en desservant le marché québécois comme elle l'a fait depuis 77 ans.
Dès que Shell a annoncé son intention de cesser d'exploiter la raffinerie, il y a maintenant un an, et qu'elle a affirmé privilégier un scénario de vente, le syndicat a pris position en faveur de la vente de la raffinerie et du maintien des emplois.
Je voudrais revenir sur les raisons qui font que cette raffinerie doit continuer de fonctionner.
Premièrement, elle est rentable. Elle a généré des profits tous les ans depuis 18 ans, sauf en 2009, qui a été une mauvaise année pour l'ensemble de l'industrie.
Deuxièmement, elle possède un marché stable auquel elle fournit des produits spécifiques que les autres raffineries ne produisent pas en quantité suffisante, comme du carburant pour les avions.
Troisièmement, elle fournit 800 emplois directs et 3 500 emplois indirects.
Quatrièmement, elle génère des retombées économiques de 240 millions de dollars par année.
Cinquièmement, la raffinerie a été modernisée au fil des ans afin de correspondre aux standards d'entreprise de Shell, qui sont parmi les plus exigeants de l'industrie.
Sixièmement, la fermeture de la raffinerie pourrait provoquer la fermeture de sa voisine Suncor. Cela signifierait la perte des deux tiers de la capacité de raffinage du Québec.
Septièmement, la disparition du raffinage à Montréal-Est entraînerait la fin de la grappe industrielle pétrochimique.
Huitièmement, si la raffinerie de Shell ferme, le Québec perd 25 p. 100 de sa capacité de raffinage. Pire, c'est toute la fourniture de carburant pour le transport aérien, civil et militaire actuellement effectuée par la raffinerie de Montréal-Est qui est en cause, sans parler de la dépendance face à l'importation.
C'est sans compter que tout scénario présenté par la compagnie qui mise sur l'arrivée on time, on spec des produits raffinés de l'étranger par bateau relève de la science-fiction. D'ailleurs, les trois derniers bateaux reçus à Montréal l'ont encore prouvé. Quand les bateaux n'arrivent pas à temps, cela donne des pénuries à la pompe comme celles que le Québec a connues en juin.
Mais si nous sommes ici, c'est parce que malgré le dépôt à Shell d'offres d'achat respectant ces conditions décrites dans son document du 16 février dernier, il n'y a pas eu d'entente, et ce, contrairement aux engagements de vente qu'elle avait pris face aux travailleurs, à la communauté et au gouvernement.
De plus, même si le document de Shell du 16 février précisait les conditions auxquelles elle était prête à vendre, la compagnie ne s'engageait pas à vendre pour autant. C'est pour cela que le comité a obtenu à quatre occasions différentes la confirmation de Shell, par MM. Williams, Oblath, Rathweg et Marion, qu'elle était prête à vendre si les conditions décrites dans son document du 16 février étaient respectées.
Cette confirmation a eu pour effet de changer la nature du contrat entre Shell et le comité, ce qui fait en sorte que si un acheteur est disposé à faire une transaction à ces conditions, Shell a l'obligation de lui vendre la raffinerie. C'est d'ailleurs la nature de cet engagement de Shell que les parlementaires doivent évaluer aujourd'hui.
Quand Shell a amorcé les démarches pour vendre la raffinerie, elle a ouvert la data room virtuelle, qui regroupe les documents financiers sur la raffinerie et les conditions de la vente, seulement en octobre 2009 pour la fermer deux mois plus tard, soit à la fin de décembre 2009. Il s'agit d'une période qu'on peut qualifier d'éclair pour permettre à un processus sérieux de se tenir.
Malgré des rumeurs sur l'intérêt de certaines sociétés à acheter la raffinerie, le 7 janvier 2010, Shell annonçait publiquement son intention de la transformer en terminal.
Le syndicat n'a pu rester les bras croisés face à cette décision qui n'a aucun sens, tant sur le plan économique que pour les 800 familles directement visées et la sécurité énergétique du pays. Nos arguments sont fondés, et de partout les appuis sont venus, nombreux, sincères et non partisans; d'abord, de nos confrères syndicaux, mais aussi de la communauté de l'est de Montréal. D'ailleurs, je voudrais souligner la présence parmi nous aujourd'hui du maire de Montréal-Est, M. Robert Coutu, qui fournit un appui solide depuis le tout début.
Il y a eu une coalition de plus de 80 entreprises et leaders socioéconomiques, puis les appuis de tous les partis politiques, aussi bien municipaux et provinciaux que fédéraux. Il y a eu une motion unanime au conseil de ville de Montréal et des lettres envoyées à Shell par les gouvernements pour obtenir un délai. Shell a alors octroyé un sursis de trois mois, c'est-à-dire jusqu'au 1er juin. Dès le mois de février, nous avons participé à la création du comité de survie présidé par Michael Fortier. Ce comité réunissait des représentants du syndicat, des villes, des gouvernements du Québec et du Canada. En tant que membre de ce comité, j'ai observé que Shell montait la barre toujours plus haut chaque fois qu'on franchissait une étape, d'où ma désagréable impression d'avoir été invité à un dîner de cons.
Tout au long des travaux du comité, Shell a tenu un double discours. D'une part, Steve Rathweg et Christian Houle nous disaient que Shell préférait vendre plutôt que de transformer la raffinerie en terminal. D'autre part, cependant, la direction locale de la raffinerie a tout fait pour tuer l'espoir légitime des travailleurs de voir la raffinerie être vendue. Pratiquement tous les jours pendant les six derniers mois, les superviseurs et les membres de la direction ont répété le même message aux travailleurs: votre comité d'agents RE/MAX ne trouvera pas d'acheteur, c'est impossible. Si Shell n'en a pas trouvé, c'est qu'il n'y en a pas. Par la suite, quand le comité, malgré le délai extrêmement serré, en a trouvé cinq, et que ces entreprises ont été déclarées sérieuses et crédibles par Shell, qui les a autorisées à entrer dans la data room, le message de la direction aux employés a été de dire que ça n'irait pas plus loin, que quand elles allaient voir les chiffres, elles ne feraient pas d'offre.
Quand deux entreprises et pratiquement une troisième ont déposé des offres avant la date butoir fixée au 1er juin, le message de la direction a été de cesser les activités de l'une des unités les plus lucratives de la raffinerie, les huiles lubrifiantes, et de ne plus protéger la chaudière 13, qui avait été fermée le 18 mai dernier. Puis, 72 heures après le dépôt des offres, elle a envoyé un courriel aux employés disant que les deux offres avaient été refusées. Les ministres ont alors demandé des explications à Shell à propos de l'absence de négociation.
On s'est d'abord assuré que Shell désirait toujours vendre, puis des démarches ont été entreprises afin qu'une offre bonifiée respectant ces conditions soit déposée. Malgré cela, le message véhiculé par la direction à l'intérieur de la raffinerie était toujours le même, à savoir que Shell ne vendrait jamais et que la raffinerie valait pour elle plus d'un milliard de dollars, soit cinq à sept fois le montant dont elle avait fait part au comité. Certains superviseurs et membres de la direction ont mis tellement de coeur à livrer ce message qu'une plainte en matière de harcèlement a été déposée par le syndicat.
Depuis que le processus de vente est terminé, les doubles discours se poursuivent. En effet, la direction locale a changé de message et affirme maintenant que le terminal ne sera pas payant, que le terrain et les installations ne sont pas configurés à cet effet et que Shell prévoit que ce terminal se situera dans le quatrième quartile sur le plan des résultats.
En fait, nous considérons que Shell ne voulait pas véritablement vendre la raffinerie, contrairement à ce que pouvait laisser croire ses engagements. En donnant une petite tape dans le dos du comité Fortier, Shell n'a jamais pensé que ce dernier réussirait là où elle n'avait pas réussi. Pire encore, elle s'est probablement dit qu'elle allait rendre la raffinerie si peu attrayante qu'aucune compagnie ne voudrait l'acheter. Prise au jeu d'un acheteur sérieux, elle s'est retrouvée à refuser une offre se situant dans la partie supérieure de la fourchette qu'elle avait elle-même fixée. C'est sans doute pour que personne ne le sache qu'elle s'est acharnée à faire cesser les travaux du comité Fortier.
Grâce au comité parlementaire d'aujourd'hui, la lumière peut maintenant être faite.
Parce que nous croyons toujours que cette raffinerie peut et doit continuer d'être exploitée, que selon nos informations il y a encore une offre correspondant aux attentes de Shell sur la table et que Shell accélérerait le démantèlement des équipements, nous avons obtenu de la Cour supérieure une injonction provisoire et interlocutoire pour empêcher de rendre inutilisables les équipements de la raffinerie. Cette injonction est toujours en vigueur jusqu'au 10 septembre prochain.
Lors de cette procédure, Shell a déposé son plan de conversion en terminal, dans lequel elle affirme demeurer ouverte à toute offre d'achat de ses installations de raffinage de Montréal-Est tout au long du processus de conversion en terminal. Donc, selon le document qu'elle a elle-même déposé auprès du ministère, cela veut dire que, tant que le processus de conversion en terminal n'est pas terminé, Shell est toujours prête à vendre.
Messieurs les députés, il n'est peut-être pas trop tard.
Merci de votre attention.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Oblath, vous venez de Houston. Je suis très heureux de vous voir ici, mais au fond vous avez repris exactement, mot pour mot, la lettre qu'a écrite Lorraine Mitchelmore, présidente de Shell Canada. On aurait pu soit épargner de l'argent pour Shell, quant à venir dire la chose aujourd'hui, ou bien économiser les frais d'un voyage. On n'est pas obligé de répéter la même chose.
Monsieur Houle, vous commencez un peu mal en nous disant que c'est à cause de ce comité qu'on peut remettre en question la sécurité, parce que vous n'avez pas le temps de procéder à la demande de permis pour le démantèlement. Je vous ferais remarquer que, s'il y a une injonction contre le démantèlement, c'est parce que vous-mêmes n'aviez pas les permis pour le faire.
Alors, on ira directement au but. On va se parler des vraies affaires, à savoir si on veut vendre ou pas la raffinerie.
La raison pour laquelle on est obligés de vous convoquer est que, effectivement, on a le pressentiment que quelqu'un nous roule dans la farine. On a le pressentiment que quelqu'un nous ment. On a le pressentiment que beaucoup de gens ont travaillé très fort pour assurer une vente, pour sauver les 800 emplois directs et les 3 500 emplois indirects. Toutefois, pour ce qui est de sauver la sécurité énergétique pas seulement du Québec, mais du Canada au complet, on en parlera aujourd'hui.
Dans un premier temps, je veux remercier mon collègue Dan McTeague parce qu'à l'époque, il a ouvert le bal pour faire une motion. On l'a retirée pour s'assurer de pouvoir effectivement avoir une bonne négociation.
Dans un deuxième temps, je remercie l'ensemble de mes collègues parce qu'aujourd'hui, il n'y a pas de partisanerie: tout le monde est d'accord pour poser les vraies questions afin de savoir comment on peut protéger une industrie et la sécurité énergétique de notre pays. Donc, ce n'est pas seulement une question québécoise; c'est une question qui va toucher l'ensemble du pays.
On se demande deux choses aujourd'hui: si vous voulez vendre et s'il y a un acheteur. Ce n'est pas compliqué.
Alors, d'abord, on veut tout simplement savoir...
[Traduction]
Monsieur Oblath, vous étiez présent lors des dernières négociations avec Delek US, si ce qu'on a dit aux nouvelles n'est pas spéculatif. Est-ce exact? Vous étiez présent à la fin, au cours des discussions qui ont eu lieu avec Delek US pour voir si l'entreprise était un acheteur éventuel?
:
Monsieur le président, j'espère que je n'ai pas perdu de mon temps de parole.
[Traduction]
Nous devons surveiller chaque minute, par ici.
[Français]
Vous dites que vous n'êtes pas ici pour négocier avec nous. Je suis d'accord avec vous. Cependant, on nous dit que vous êtes le vendeur et l'autre est l'acheteur. Des chiffres sont sur la table. Si la compagnie vous demande aujourd'hui quelles sont vos conditions et qu'elle les respecte sur papier, êtes-vous toujours vendeur? Est-ce que ça vous dérange si c'est Delek?
Si le gouvernement du Québec est prêt à accepter cette compagnie dans la province, si la région de l'Atlantique est prête à accepter que Shell laisse aller cette raffinerie, comme elle le souhaite, pourquoi pas? Vous avez été la bienvenue pendant 77 ans, mais, selon M. Rocheleau, comme vous n'avez pas fait d'argent en 2009, vous vous êtes dit que vous feriez mieux de vous en aller. La seule raison, c'est que Shell pourrait faire bien plus d'argent bien plus vite. C'est la vraie raison. Disons les vraies raisons.
Autrement, Shell devrait dire qu'elle a un plan, qu'elle veut vendre la raffinerie et ses stations-service et puis s'en aller. Ainsi, vous diriez merci pour ces 77 ans, mais que vous souhaitez continuer. Ce n'est pas à vous de vous inquiéter par la suite si on a de l'essence ou non. Les gouvernements vont s'en occuper ou s'en inquiéter.
Désirez-vous vraiment vendre, oui ou non? Sinon, ne cherchez-vous pas plutôt à en profiter? Vous avez voulu faire croire à la population que vous étiez à vendre, mais en réalité vous ne l'êtes pas. Vous voulez nous apporter le pétrole d'ailleurs et nous le passer sous le nez. C'est ce que vous voulez faire. N'est-ce pas exact, monsieur Houle?
:
Monsieur le président, on me connaît comme quelqu'un qui dit ce qu'il pense. J'ai vraiment l'impression qu'on se fait fourrer aujourd'hui, et ça n'a pas de bon sens.
On est en train de nous dire qu'on voulait vendre une raffinerie qui, finalement, était tellement désuète qu'elle ne valait pas plus qu'une cour à scrap, mais que vous demandiez de 150 à 200 millions de dollars pour qu'on puisse la vendre. Montréal mérite plus que d'être un parking à gaz. Est-ce que c'est clair? Ça, c'est le point majeur.
Il n'y a pas de raffinerie qui se bâtit ailleurs. Au fond, vous nous dites que vous voulez écouler le stock que vous avez déjà, et on va être à la merci... En plus, ce sont les bateaux qui vont venir. Voulez-vous parler d'environnement? Vous n'êtes même pas capables de respecter l'environnement au Québec, car vous avez reçu 25 infractions depuis quelques années. Et là, vous venez nous dire que ce n'est pas grave parce qu'on va avoir des bateaux qui vont venir et qu'en plus, on va aller s'approvisionner dans le golfe du Mexique. Vous allez travailler avec BP: ça va être beau de voir ça. Depuis ce temps, on n'a plus besoin de faire le vide là-bas; on fait le plein. Vous avez juste à ramasser ce qu'il y a au bord de la plage.
Je trouve cela inacceptable, monsieur le président.
J'espère que vous avez un billet ouvert, parce que je ne pense pas qu'on en ait fini avec Shell aujourd'hui. S'il faut tenir une autre séance de comité, on le fera.
[Traduction]
Monsieur Oblath, je suis très heureux que vous ayez pu être des nôtres aujourd'hui, mais j'aimerais bien que vous nous fournissiez votre liste de conditions, car il y a des choses qui m'échappent. Vous devez investir 600 millions de dollars additionnels, alors même que les infrastructures sont laissées à elles-mêmes et perdent toute leur valeur... mais vous vous prétendez encore intéressés à vendre. Nous verrons ce que le représentant de Delek aura à dire à ce propos tout à l'heure... Seriez-vous disposé à nous soumettre cette liste de conditions de manière à ce que nous puissions voir ce qui s'est produit? C'est l'essentiel en fait. Il ne s'agit pas seulement de savoir ce que Delek a offert. Il faut aussi considérer ce que vous leur avez répondu. Au départ, une fourchette avait été établie pour l'achat de la raffinerie, mais on ne cesse d'ajouter à cette demande. En dernière analyse, nous constatons qu'il s'agit d'un gâchis monumental.
[Français]
Ce n'est pas très enlevant pour les employés, mais ce n'est pas très enlevant non plus pour ce qui est de la sécurité énergétique. On va dépendre des États-Unis et d'ailleurs, sur le plan de l'approvisionnement, pour assurer notre propre sécurité. J'ai hâte de voir, à la station-service Shell au coin de ma rue, le coût de l'essence augmenter de 10 ¢ le litre parce qu'on va dépendre des Américains. Et si un événement se produit, comme une mission humanitaire, une situation de guerre, peu importe, on va dépendre d'un autre pays. Qu'est-ce que la souveraineté d'un pays, selon vous?
Ce n'est pas juste un manque de 25 p. 100 au Québec; ça va être de 13 p. 100 dans l'ensemble de l'Est du Canada.
Je suis outré par ce genre de propos. Ça n'a pas l'air de trop vous déranger, monsieur Houle. En plus, c'est notre faute, parce qu'on vous a convoqués à une séance de notre comité aujourd'hui et vous n'avez pas eu le temps de faire des demandes de permis. Cependant, vous avez eu le temps de faire une demande d'injonction, par exemple, parce que vous vouliez procéder au démantèlement avant d'avoir obtenu les permis.
[Traduction]
Monsieur Oblath, estimez-vous que Delek US est capable d'exploiter la raffinerie de Shell à Montréal-Est?
:
C'est une question de temps et de circonstances. Je n'essaie pas de pinailler mais nous n'avons pas fait d'offre. Nous avons exprimé un certain intérêt à un certain niveau de prix — puisque les avocats avaient un problème avec le mot « offre ». Nous étions prêts à aller jusqu'à ce niveau-là mais on n'en est plus là maintenant.
Vous devez bien comprendre que cette mise à niveau est une question absolument majeure et cruciale. Nous étions confrontés à la fermeture, quoi que nous fassions. L'échéancier que nous avons échangé avec Shell prévoyait le 26 juin que nous aurions signé un accord le 26 juillet, soit 30 jours plus tard. Nous devions avoir recours à deux groupes d'avocats, régler toutes sortes de questions et essayer de comprendre l'entreprise, et tout cela en 30 jours. Il nous est arrivé de travailler sur certains projets 24 heures sur 24 et nous aurions pu le faire à nouveau. Nous en sommes capables. Donc, théoriquement, nous serions d'accord. Nous signerons un contrat dans 30 jours.
L'autre condition était que nous tout serait réglé dans les 60 jours suivant ces 30 jours. C'était un délai extrêmement court pour obtenir toutes les approbations, faire le montage financier et prendre toutes les dispositions nécessaires. Nous avons dit que nous étions prêts à accepter ça et à aller de l'avant sur cette base. Combien de capital nous devrions mettre sur la table, étant donné le risque que l'on prend avec de tels échéanciers, nous devions parler de cela mais, en ce qui concerne notre volonté de passer ce contrat, elle était là.
Le fait que nous puissions respecter ces deux échéanciers n'avait aucune importance. La raffinerie allait fermer parce qu'on ne pouvait pas faire la mise à niveau. Avant ça, nous avons étudié la question avec Shell: nous verserons l'argent de départ, vous la redémarrerez, vous la mettrez en route et nous vous rembourserons. C'était un problème. Je ne conteste pas le fait que c'était un problème, c'est simplement la réalité. Nous avons essayé d'accélérer les choses.
Même si nous avions résolu ça, il est peu probable, à mon humble avis — à mon avis...
Des voix: Oh!
M. Jim Boles: ... qu'on aurait pu faire ça. Il ne restait pas assez de temps pour faire la mise à niveau.
Nous aurions donc eu une raffinerie fermée. Nous n'allions pas payer le prix d'achat pour une raffinerie fermée et nous ne sommes donc jamais arrivés à l'étape où nous aurions pu dire, d'accord, les gars, nous avons une raffinerie fermée... Shell avait une autre utilisation. Ce n'est pas comme si elle était obligée de nous la vendre, n'est-ce pas? Elle a eu d'autres utilisations possibles, à la différence de nombreux vendeurs dont le seul objectif est de vendre à tout prix. Nous ne sommes donc jamais arrivés au point où nous pouvions envisager des scénarios, envisager de mettre à pied des employés, de prendre des dispositions pour les clients et de continuer à dépenser de l'argent et à déployer des efforts pour parvenir à une entente.
Lorsque que les deux parties le veulent vraiment, elles peuvent trouver des solutions, mais, dans ce cas, il y avait un obstacle énorme parce que Shell est une grande entreprise et qu'elle a des plans à suivre. Nous respectons ces plans et elle fait ce qu'elle doit faire pour elle-même, pour ses actionnaires et, comme elle continue de me le dire, l'incertitude au sujet de cet accord est une source de difficulté pour ses employés.
Voilà donc le problème. La mise à niveau est le plus gros problème. Il y a beaucoup d'autres questions en jeu, beaucoup de problèmes à résoudre, mais ce n'est pas insurmontable. Par contre, pour celui-là, il n'y a plus assez de temps. Il n'était plus possible d'obtenir l'équipement, de faire l'ingénierie, de faire tout le nécessaire et, si Delek devait choisir entre racheter une raffinerie fermée ou ouvrir une baraque à frites... nous n'allions pas racheter une raffinerie fermée. Nous n'allions pas payer le prix d'achat d'une raffinerie fermée.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
M. Boles, pour commencer, laissez-moi vous féliciter de votre honnêteté et de votre transparence. C’est pour cela que nous avons tenu la réunion d’aujourd’hui. Je suis ravi de vos réponses. Je sais que vous constituez un élément de la solution. Vous êtes venu, vous avez répondu à nos questions sans tourner autour du pot et nous en sommes très heureux. je pense qu’il est important pour les Canadiens et les Canadiennes de savoir qu’existent une entreprise disposée à constituer une partie de la solution et, en outre, des gens bien, prêts à venir ici répondre sans ambages aux questions. Mes félicitations, donc.
J’espère seulement que les représentants de Shell, qui sont encore dans la salle, prêtent l’oreille à ce nous disons aujourd’hui et à vos réponses, comme quoi il y a un acheteur et un vendeur. J’espère qu’ils le notent bien dans leur calepin.
[Français]
La beauté du Parlement canadien, c'est qu'un comité peut se réunir de nouveau.
[Traduction]
Qui veut peut, on le sait. On peut. Il reste à savoir si on veut vraiment.
[Français]
Monsieur Delage, je sais que vous avez été très patient aujourd'hui. Vous êtes resté passablement en mode d'écoute. Il reste que vous avez été l'expert et le démarcheur financier pendant toute la durée de ce comité. Compte tenu de tout ce qu'on a entendu aujourd'hui, j'aimerais que vous nous expliquiez l'attitude de Shell. On a un pressentiment. Je n'ai aucune raison de douter qu'il y a un acheteur sérieux et que Delek US Holdings ne veut pas faire comme Shell, c'est-à-dire un « parking à gaz » à Montréal. Je pense que cette compagnie veut protéger les employés et travailler en vue de devenir un acteur, un catalyseur pour l'industrie pétrochimique du Québec et du Canada.
Est-ce que Shell voulait vraiment vendre? À la lumière de ce que vous entendez et de ce que vous avez vécu, diriez-vous que les gens de Shell seraient prêts à revenir à table pour discuter? Comment étaient-ils à l'époque?
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Comité, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous dans le cadre de l'étude de la récente décision de Shell Canada de fermer sa raffinerie de Montréal.
Je me nomme Richard Bilodeau, et je suis souscommissaire de la concurrence adjoint par intérim à la Direction générale des affaires civiles du Bureau de la concurrence. Je suis accompagné de Martine Dagenais, sous-commissaire de la concurrence adjointe à la Direction générale des fusions du Bureau de la concurrence. Nous sommes heureux de prêter assistance au Comité dans ses délibérations.
Les membres du Comité ne sont pas sans savoir que le Bureau de la concurrence est un organisme d'application de la loi indépendant qui est dirigé par la commissaire de la concurrence. Le Bureau est responsable d'assurer et de contrôler l'application de la Loi sur la concurrence, qui vise à maintenir et à favoriser la concurrence au Canada afin de remplir certains objectifs, notamment améliorer le rendement et l'adaptabilité de l'économie canadienne ainsi que procurer aux consommateurs des prix concurrentiels et un choix dans les produits.
À quelques exceptions près, la loi s'applique à tous les secteurs de l'économie canadienne, y compris le secteur pétrolier, et elle prévoit des sanctions criminelles et civiles à l'égard de diverses pratiques anticoncurrentielles. Parmi celles-ci figurent par exemple les ententes entre concurrents visant à fixer les prix, l'allocation des marchés ou la limitation de la production, l'abus de position dominante et la participation à des activités liées à de la fausse publicité et à du marketing trompeur.
[Français]
Le Bureau de la concurrence prend très au sérieux ses responsabilités en matière d'application de la loi et est pleinement conscient de l'importance de la promotion de la concurrence au sein du secteur pétrolier.
Les membres du comité se rappellent sans doute que le bureau a annoncé, en juin 2008, des accusations criminelles contre treize individus et onze entreprises ayant comploté pour fixer le prix de l'essence à la pompe à Victoriaville, Thetford Mines, Magog et Sherbrooke, au Québec. Ces accusations, qui ont donné lieu à ce jour à près de 3 millions de dollars d'amendes et à des peines d'emprisonnement totalisant 54 mois, font suite à la plus grande enquête criminelle de l'histoire du Bureau de la concurrence. Au cours de l'enquête, les enquêteurs ont saisi plus de 100 000 documents, effectué 90 perquisitions et intercepté des milliers de conversations téléphoniques.
Tout récemment, soit le 15 juillet dernier, le bureau a annoncé de nouvelles accusations criminelles contre 25 individus et trois entreprises dans cette même affaire de fixation illégale des prix, ce qui porte à 38 individus et à 14 entreprises le total des accusés. La fixation des prix est généralement considérée comme l'une des formes les plus flagrantes de comportement anticoncurrentiel, et nous profitons de toute la latitude que nous procure la Loi sur la concurrence pour continuer à combattre ces activités.
[Traduction]
Les membres du Comité se souviennent sans doute qu'en juillet 2009, le Bureau a effectué un examen approfondi de la fusion entre Suncor et PetroCanada. Au terme de cet examen, le Bureau a conclu une entente avec les parties visant à régler les préoccupations selon lesquelles cette fusion diminuerait sensiblement la concurrence, ce qui selon nous pourrait entraîner une augmentation du prix de l'essence. L'entente exigeait des parties qu'elles se dessaisissent de 104 stations-services du Sud de l'Ontario de même que d'une importante capacité de stockage et de distribution dans la région du Grand Toronto pour une période de 10 ans. Par l'obtention de ces mesures correctives, non seulement le Bureau a préservé la concurrence dans des marchés susceptibles de poser problème, mais il a également facilité l'entrée de concurrents vigoureux.
Dans ce contexte, je vais maintenant aborder le sujet qui occupe le Comité aujourd'hui, c'est-à-dire la fermeture imminente de la raffinerie de Shell Canada à Montréal.
Comme le Bureau l'a affirmé lors d'autres comparutions devant le Comité, sa préoccupation dominante dans tous les cas consiste à déterminer si le comportement reproché contrevient à la Loi sur la concurrence. Le Bureau recueille ses renseignements sur de possibles entraves à la loi au moyen de ses propres activités de surveillance, par l'intermédiaire des plaintes émanant d'acteurs du marché ou encore auprès des entreprises qui coopèrent aux enquêtes du Bureau en échange de l'immunité ou de la clémence. Lorsqu'il estime qu'il y a violation de la loi, le Bureau n'hésite pas à prendre les mesures qui s'imposent.
[Français]
Les entreprises sont libres de déterminer elles-mêmes leur mode d'exploitation, à condition que les comportements adoptés ne contreviennent ni à la Loi sur la concurrence ni à d'autres lois applicables. À cet égard, de façon générale, une société qui décide unilatéralement de mettre fin à l'exploitation d'une usine de production ou d'installation ne suscite aucune préoccupation au regard de la Loi sur la concurrence. À l'heure actuelle, le bureau n'a pas lieu de penser que la fermeture de la raffinerie de Shell à Montréal suscitera des préoccupations au regard de la Loi sur la concurrence.
Par contre, si Shell finit par décider de vendre sa raffinerie, en tout ou en partie, le bureau examinera vraisemblablement la transaction en vertu des dispositions de la loi portant sur les fusions. Un examen de ce genre tient compte de divers facteurs, notamment la part de marché des parties, le degré de concentration économique de l'industrie pertinente, l'efficacité des concurrents restants et les obstacles à l'entrée.
Lorsqu'il estime que la fusion aura vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, le bureau a la possibilité de demander au Tribunal de la concurrence une ordonnance visant à empêcher, dissoudre ou modifier la fusion.
[Traduction]
Les acteurs du secteur pétrolier, et la population canadienne en général, peuvent être assurés que le Bureau prend son travail très au sérieux et qu'il reconnaît l'importance de la concurrence comme moteur de la croissance, de la productivité et de l'innovation dans le secteur pétrolier et dans l'économie canadienne en général.
Sur ce, monsieur le Président, je remercie le Comité de son temps, et c'est avec plaisir que je répondrai aux questions de ses membres.
:
Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs les membres du comité, de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui.
J’ai plusieurs remarques d’ouverture, accompagnées d’une présentation Power Point dont j’évoquerai certaines diapositives au moment voulu.
Je m’appelle Jeff Labonté et je suis directeur général de la Direction des ressources pétrolières au ministère des Ressources naturelles du Canada. Je suis accompagné aujourd’hui de deux de mes collègues: Claude Gauvin et Mike Rau, qui travaillent tous deux dans mon service.
Figurent parmi mes responsabilités le suivi des marchés des hydrocarbures, ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre de politiques touchant les hydrocarbures au Canada. S’y ajoute la surveillance des conseils touchant le pétrole brut, les produits de pétrole raffinés et le gaz naturel au sud du 60e parallèle. Je souhaite aborder aujourd’hui devant le comité plusieurs points précis.
J’ai notamment deux objectifs: premièrement, faire ressortir le rôle de Ressources naturelles Canada pour ce qui a trait au raffinage et à l’approvisionnement des produits pétroliers canadiens; deuxièmement, donner au comité un aperçu de l’évolution de l’industrie du raffinage et de la distribution pétrolière au Canada ces dernières années, ainsi que de ses liens avec les économies régionales et les événements internationaux. Plus précisément, mes remarques porteront sur le rôle de RNCan, la chaîne d’approvisionnement de produits pétroliers, les différences régionales et, enfin, les réalités qui façonnent l’industrie du raffinage au Canada.
En matière de pétrole et de gaz naturel, RNCan joue plusieurs rôles. Premièrement, si une interruption de l’approvisionnement en énergie prenait des proportions nationales, RNCan pourrait intervenir ponctuellement pour veiller à ce que les Canadiens aient accès à l’énergie. Cette intervention aurait lieu dans le contexte d’une politique canadienne en matière d’énergie axée sur le marché, où l’offre et la demande, ainsi que les choix d’investissement du secteur privé, dépendent de la demande et des facteurs économiques fondamentaux.
Deuxièmement, RNCan veille à ce que le Canada honore ses obligations internationales au titre du traité de l’Agence de l’énergie internationale. Si l’AIE décrète qu’existe une situation de crise internationale, le Canada est tenu d’agir pour appuyer le traité.
Troisièmement, RNCan fournit aux consommateurs canadiens des renseignements sur les marchés du pétrole et du gaz naturel au Canada et apporte au gouvernement des conseils et un soutien, pour les politiques ayant trait à ces mêmes marchés.
Au vu de la loi, d’un point de vue de sécurité énergétique, RNCan estime pour le moment que l’éventuelle conversion de la raffinerie de Shell ne constitue pas un danger de disruption à l’échelle nationale. RNCan n’a donc pas de rôle particulier à jouer en ce qui concerne la conversion en question. Laissez-moi toutefois mentionner les deux lois fédérales qui donnent au gouvernement le droit d’intervenir temporairement, si se produisait dans l’approvisionnement en énergie une disruption grave de portée nationale. En vertu de la Loi sur les mesures d’urgence, dans le cas d’une crise nationale, le gouverneur en conseil peut faire une déclaration de sinistre et prendre à ce titre des mesures spéciales temporaires pour assurer la sécurité durant une situation de crise nationale. Citons, parmi les mesures possibles, la cession de biens, y compris celle de produits énergétiques comme le gaz naturel, le pétrole, le pétrole brut et les produits raffinés.
Deuxièmement, il y a la Loi d’urgence sur les approvisionnements d’énergie. Si le gouvernement déclarait une situation de crise nationale et de crise énergétique, l’Office de répartition des approvisionnements d’énergie pourrait entrer en action. Il a la capacité d’allouer temporairement les approvisionnements énergétiques au Canada et, à ce titre, de rediriger le pétrole brut pour veiller à ce que le manque d’approvisionnement et l’accès aux produits pétroliers soient les mêmes pour toutes les raffineries dans différentes régions du pays ou encore puiser dans les stocks pour remédier à des interruptions d’approvisionnement limitées.
Je passe à présent à la diapositive suivante, qui est relativement complexe. Je souhaite souligner plusieurs aspects du marché du raffinage au Canada. Il est important d’insister d’abord sur une réalité qui a sans doute déjà été portée à l’attention du comité: dans le marché des hydrocarbures, les activités d’extraction et de transport du pétrole brut, en amont, s’effectuent indépendamment des activités de raffinage et de distribution, en aval. En d’autres termes, les décisions d’une société œuvrant dans un secteur donné du marché peuvent être indépendantes ou pas des décisions d’une société d’un autre secteur.
En consultant la carte du Canada figurant sur la diapositive six, vous avez un aperçu rapide des orbites ou zones desservies par une raffinerie donnée. La carte indique clairement les 16 grosses raffineries du Canada, situées chacune dans une région. La quasi-totalité de l’approvisionnement pétrolier provient de ces 16 raffineries réparties d’un bout à l’autre du pays. Comme l’indique la carte, tant pour le pétrole brut que pour les produits pétroliers raffinés, le Canada est à la fois un importateur et un exportateur. C’est un élément de l’équation dont il faut tenir compte, en gardant à l’esprit le résultat net: que le Canada exporte plus de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés qu’il n’en consomme.
À cause des facteurs économiques associés au transport, le marché canadien des produits pétroliers varie lui aussi d'une région à l'autre. Passons à la diapositive 7; je vais donner un aperçu de ces variations régionales, d'ouest en est. Les provinces de l'Ouest et les territoires, dont Edmonton est le principal centre d'activité, s'approvisionnent majoritairement à même les raffineries sur leur territoire, qui transforment du pétrole brut canadien majoritairement produit en Alberta et en Saskatchewan. De plus, la région importe une petite partie de ses produits pétroliers raffinés de l'Ouest des États-Unis, ce qui en fait un petit importateur net.
Le Sud et le Nord de l'Ontario comptent principalement sur les raffineries de Sarnia et de Nanticoke, qui transforment surtout du pétrole brut canadien, qui est acheminé de l'Alberta à l'Ontario. Par contre, une partie du pétrole brut et des produits transformés sont importés de Montréal par pipeline. La région est donc à la fois un importateur et un exportateur.
Par ailleurs, les régions de l'Est de l'Ontario et de l'Ouest du Québec acquièrent une partie des produits pétroliers qu'elles utilisent auprès des raffineurs situés en territoire québécois, l'autre partie étant importée de l'étranger. J'insiste sur le fait que les raffineries situées dans cette région transforment majoritairement du pétrole brut importé.
Les Maritimes et le Nord du Québec s'approvisionnent en partie auprès des raffineries situées au Québec, à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse, le reste des produits pétroliers consommés dans cette région étant importés par bateau; c'est-à-dire que des produits dérivés du pétrole sont importés par voie maritime. Là aussi, les raffineurs transforment surtout du pétrole brut importé, sauf pour ce qui est de la production au large de Terre-Neuve-et-Labrador, où l'on approvisionne également les raffineries du Canada atlantique et d'autres marchés internationaux.
Il est très clair qu'au Canada, l'industrie intérieure mène ses activités dans le marché international. Pour réaliser des économies d'échelle, toutes les pétrolières du monde se sont prêtées à un exercice de rationalisation au cours des dernières décennies. Pour ce qui est des produits raffinés, la demande mondiale augmente et elle est poussée à la hausse par les marchés émergents, dont la Chine, l'Inde, le Moyen-Orient et l'Amérique latine font partie, alors qu'au contraire, en Amérique du Nord, la demande de produits pétroliers est demeurée assez stable ou elle a légèrement décliné en raison de la récente récession. On ne s'attend d'ailleurs pas à ce qu'elle augmente pour la peine non plus, lorsqu'on regarde la tendance.
L'existence de raffineries plus grosses et plus efficaces explique en partie cette situation particulière, où les raffineries étrangères qui arrivent sur le marché sont plus efficaces, plus grosses et produisent à des coûts qui permettent difficilement aux raffineries nord-américaines de demeurer concurrentielles.
Nous constatons que cela a eu des répercussions sur les choix qu'on a faits dans les investissements intérieurs. Comme partout ailleurs sur la planète, le secteur nord-américain du raffinage s'est également rationalisé. Au Canada seulement, nous sommes passés de 44 raffineries à la fin des années 1960 à 16 aujourd'hui, ce qui n'a pas empêché la capacité de raffinage totale du Canada de quasiment doubler pendant la même période. La majeure partie de ces mesures de rationalisation ont fait suite au choc pétrolier des années 1970, et aux économies d'échelle de plus en plus grandes dans les pays concurrents. Par exemple, au début des années 1980, Montréal comptait six raffineries. Quatre d'entre elles avaient fermé leurs portes avant le milieu des années 1980. Dans tous les cas, il s'agissait de petites raffineries dont la capacité de production n'atteignait pas le tiers de celle de la raffinerie Ultramar construite près de Québec.
La capacité intérieure est à la hausse tandis que le débit est en baisse. Les impératifs auxquels doit faire face le secteur canadien du raffinage compromettent la rentabilité. De 2000 à 2009, la capacité intérieure de raffinage a augmenté d'environ 2 à 2,1 millions de barils par jour. Or, la production des raffineries a diminué au point que les taux d'utilisation étaient d'environ 80 p. 100 pas plus tard qu'en 2008-2009 et qu'aux deux premiers trimestres de 2010. Je vous signale au passage qu'en règle générale, 95 p. 100 et plus de la capacité totale est considéré comme la pleine capacité et le taux optimal.
Pour bien comprendre à quel point l'équipement de raffinage canadien est sous-utilisé, en 2009, le capital oisif du secteur canadien du raffinage était de près de 300 000 à 400 000 barils de pétrole par jour.
Ces dernières années, les marges de profit des raffineries n'ont pas cessé de décroître. Ces marges correspondent bien sûr à la valeur différentielle entre le prix du pétrole brut et le prix auquel les raffineurs vendent leurs produits sur le marché. Elles doivent couvrir l'ensemble des dépenses. Il faut dire que ces dépenses sont plus ou moins fixes et que la moindre variation des marges se répercute sur la rentabilité des raffineurs des sociétés.
En résumé, j'aimerais revenir sur deux points.
Premièrement, en ce qui concerne la sécurité énergétique, la conversion possible de la raffinerie de Shell de Montréal-Est ne risque pas de perturber l'approvisionnement du pays.
Deuxièmement, la capacité totale des raffineries canadiennes a augmenté depuis quelques décennies, même si elles sont moins nombreuses qu'avant, ce qui va dans le même sens que les exercices de rationalisation et le renforcement de la concurrence qui ont eu lieu ailleurs en Amérique du Nord et sur le reste de la planète.
Merci.
:
Je ne sais pas par où commencer, monsieur le président.
Je remercie les témoins.
Je commence avec vous, monsieur Labonté. J'ai entre les mains un document que vous n'avez pas pris la peine de déposer devant le comité. Je l'avais présenté à l'un des témoins précédents. Il vient de RNCan et concerne l'enquête annuelle que réalise votre secteur du pétrole auprès des raffineurs. C'est sur votre site Web. Voici ce qu'on y dit:
En raison du taux d'utilisation des raffineries de près de 100 p. 100 et de la demande à la hausse pour les produits pétroliers, il est nécessaire d'accroître considérablement la capacité de raffinage au Canada. Sans un investissement dans une nouvelle capacité de raffinage, les interruptions dans l'approvisionnement pourraient devenir plus fréquentes et être de plus en plus difficiles à gérer.
En raison de la forte demande de produits pétroliers dans la région nord-est des États-Unis, les raffineries de la région du Canada atlantique y exportent des volumes considérables de produits pétroliers.
Vous semblez aussi minimiser — je ne sais pas si vous en avez tenu compte ou non mais je pense que c'est assez important pour le comité — que cela a été rédigé pendant la fermeture de la raffinerie Bronte de Petro-Canada. Vous avez également montré dans votre matrice que la raffinerie de Montréal est régionalement intensive et importante. Dans le contexte de l'ensemble du pays, une production de 2 millions de barils par jour représente 6 ou 7 p. 100, n'est-ce pas? Mais, dans le contexte du marché local, ça représente une proportion beaucoup plus élevée, quelque chose comme 12 à 15 p. 100.
Vous n'avez également pas pris le temps d'envisager le fait que North Atlantic Refining ne vend pas du tout d'essence dans l'est du Canada, sauf à ses stations du Labrador et de Terre-Neuve.
Vous n'avez pas mentionné non plus, même si vous le savez, que la majeure partie de la capacité d'Irving, de 300 000 barils par jour, s'en va aux États-Unis, ce qui limite et expose le Canada à une perspective beaucoup plus forte de concurrence ou de produit arrivant d'ailleurs à un prix plus élevé.
Étant donné que vous n'avez pas de rapport hebdomadaire de surveillance de l'industrie pétrolière, vous n'avez aucune idée des stocks d'une semaine à l'autre. Étant donné que RNCan donne une partie de cette information à nos amis américains, au sujet de la situation qui prévaut ici, au Canada, comment pouvez-vous conclure qu'il n'y a aucun problème ici?
Pour reprendre vos termes: « La rationalisation s'est traduite par la réduction du nombre de raffineries et l'augmentation marquée de la capacité nationale — il s'agit d'une tendance internationale qui se poursuivra probablement. »
Il me semble, monsieur, qu'il y a une contradiction entre ce que vous avez écrit dans un texte et ce que vous avez écrit dans l'autre. Est-ce à cause d'un manque de ressources ou simplement d'un manque d'attention?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Bon après-midi et merci.
Nous avons entendu des représentants de Shell — nous avons eu un certain nombre de témoins ce matin — et, en tant qu'entreprise, le but de Shell est de maximiser ses profits. Que ce soit au terminal ou en raffinage, ça n'a pas d'importance. Ça n'a pas non plus d'importance pour nous et nous n'avons aucun jugement à porter à ce sujet. L'entreprise veut donner de bons résultats à ses actionnaires. C'est ça, les affaires, et il n'y a rien de mal à cela. C'est une question de bonne gestion.
En revanche, en qualité d'élus du peuple, nous avons le devoir de veiller à ce que le pays soit correctement approvisionné. Nous devons nous assurer que l'offre est là. À l'heure actuelle, nous parlons de la disparition de 13 p. 100 environ du raffinage de l'Est. C'est parti. Ce n'est pas transféré ailleurs. Bon, en fait, si, c'est transféré ailleurs. Nous dépendons d'un autre pays pour nous approvisionner.
Si l'on examine la production aux États-Unis, elle est relativement bloquée. Le pays est en récession. Nous n'avons pas de problème actuellement — nous pouvons nous approvisionner là-bas — mais ça changera au bout d'un certain temps. Ils vont utiliser tous leurs approvisionnements et c'est ça qui m'inquiète. Lorsque l'économie se rétablira, la demande de pétrole et de produits pétroliers aux États-Unis absorbera toute la production et nous aurons un problème. L'approvisionnement des Canadiens n'est pas garanti. Par contre, si la production se fait sur notre territoire, nous pouvons la contrôler dans une certaine mesure.
Je sais que certains disent que le marché réglera tous les problèmes, que l'offre et la demande feront monter le prix mais, si on ne peut pas obtenir de produit...
Je viens du nord de l'Ontario. Le mazout y est très essentiel. Dans le Nord canadien, le mazout de chauffage est un service essentiel, quelque chose que nous devrions protéger nationalement. Je n'entends pas parler de ça en ce moment.
Peut-être nous adressons-nous aux mauvaises personnes. Je ne suis vraiment pas sûr que nous ayons convoqué les bonnes personnes. Je suppose que c'est le Bureau de la concurrence qui devrait s'occuper de cette affaire.
La question est donc très simple: parlons-nous aux bonnes personnes? Il y a de la concurrence mais c'est plus à un niveau macro. Êtes-vous les bonnes personnes à qui nous devrions parler?
:
J'ai une question à poser, en plus de cela, monsieur le président.
C'est plus une instruction et, peut-être, un conseil à certains des témoins. J'ai cru comprendre que Mme Dagenais et d'autres ont déjà pris leur décision sur la question de savoir si cela pourrait constituer une question méritant d'être examinée plus attentivement par le Bureau de la concurrence.
Je suis cependant un peu préoccupé par les modalités et conditions de transformation de la raffinerie en terminal, puisque cela pourrait avoir pour conséquence d'exclure les acteurs indépendants, pourrait avoir pour conséquence d'interrompre complètement l'approvisionnement en énergie de régions telles que le Nunavut, pourrait avoir une incidence sur les prix des consommateurs, pourrait nous rendre potentiellement plus vulnérables sans le pouvoir concomitant d'enquête ou de supervision au sujet de qui possède les terminaux et les pipelines.
Je suis préoccupé par le fait que les prix soient fixés au même niveau dans les grandes villes du Canada, à 2 p. 100 à 4 p. 100 au-dessus du prix mondial dans la plupart de ces villes pour le prix de l'essence.
Tout cela pour dire que j'aimerais que le Bureau me dise ici et maintenant s'il prendra au sérieux la restriction du marché, le refus de traiter et u les demandes formulées ici, ou si c'est déjà réglé d'avance?
Si c'est réglé d'avance — et n'oubliez pas que je m'intéresse à cela depuis pas mal de temps —, en 1986 le gouvernement conservateur de M. Mulroney avait décidé d'inviter McMillan Binch à reformuler la Loi sur la concurrence. Il s'agissait du McMillan Binch dont le principal client était Imperial Oil. Si tel est le cas...
Veuillez m'excuser, monsieur le président, je veux poser ma question.