J'apprécie réellement l'occasion de vous parler par téléconférence. Le Yukon est la circonscription la plus éloignée d'Ottawa et nous apprécions donc grandement de pouvoir nous adresser à vous sans faire le déplacement jusqu'à Ottawa.
Le Parti vert considère qu'il existe un déséquilibre dans la répartition des sièges à la Chambre des communes et souhaite le voir rectifié. Nous espérons que le projet de loi établira une formule qui soit aussi équitable que possible pour tous les Canadiens.
J'admets, tout d'abord, que je viens d'une circonscription qui est très bien représentée à Ottawa. Et il serait difficile pour certaines circonscriptions, pour des raisons géographiques et culturelles, d'avoir une représentation moindre au Parlement. Aussi, la première chose que j'aimerais faire est de reconnaître et d'apprécier que cela soit pris en compte, que ce soit pour des raisons constitutionnelles ou géographiques.
Au-delà, il importe que la redistribution des sièges à la Chambre procède d'une formule qui soit non seulement équitable mais n'accroisse pas excessivement le nombre de sièges à la Chambre. Par exemple, avec le nombre actuel des sièges, si l'on demandait à chaque député de se lever et de ne parler que pendant une minute, cela exigerait cinq heures. Si l'on augmente le nombre de sièges à la Chambre, il n'en résultera pas nécessairement une meilleure représentation des électeurs, dans l'ensemble du Canada. C'est la composition de la Chambre, la distribution des sièges, qui est importante.
À nos yeux, toute nouvelle formule de répartition des sièges doit privilégier l'équité. Nous apprécions les deux propositions avancées par le gouvernement et le Parti libéral du Canada. Nous pensons que certains éléments de chacune sont constructifs. Cependant, elles ne sont pas exemptes de problèmes et nous offrons une proposition de remplacement, qui nous paraît représenter un compromis susceptible de surmonter certains des écarts.
Tout d'abord, nous considérons la taille de la Chambre. Nous réalisons que si l'on va simplement ajouter de nouveaux sièges, il faudra voir quel équilibre en résulte pour comprendre quelle est la répartition. Une autre considération est que ces nouveaux sièges devraient aller aux provinces qui sont les moins représentées en proportion de leur population. Et si l'on va enlever des sièges à certaines, ce devrait être à ces provinces qui ont le plus de représentation par rapport à leur population.
Notre réserve, par exemple, concernant la proposition gouvernementale est que pour le Québec, même si on lui donne trois nouveaux sièges, sa représentation proportionnelle à la Chambre va passer de 24 à 23 p. 100. Et même avec la proposition libérale, qui envisage également une redistribution des sièges, la représentation du Québec passerait de 24 à 23,5 p. 100. Donc, cette distribution est importante.
Si, par exemple, l'on considère la distribution pour la province qui a la moindre représentation proportionnellement à sa population, aujourd'hui, l'Alberta, et sa voisine, la Saskatchewan, qui a la représentation la plus forte — indépendamment de tout enjeu constitutionnel —, l'on constate que l'écart entre la taille moyenne respective des circonscriptions selon la proposition conservatrice est de 31 000, et selon la proposition libérale il est de 30 000. La proposition de compromis que nous soumettons réduit cet écart entre les tailles moyennes des circonscriptions à 22 500 personnes.
Nous pensons qu'il importe de réfléchir à cette distribution. Elle va façonner l'orientation du Canada et déterminer si nous parviendrons à une formule équitable et équilibrée de répartition des sièges.
Enfin, quelle que soit la solution qui sera trouvée, le Parti vert estime que nous sommes dans une période où l'on demande aux Canadiens de se serrer la ceinture et qu'il importe que le Parlement lui-même fasse preuve de modération financière et se comporte de manière responsable. Notre proposition prévoit donc que, quel que soit le nombre de sièges, le total des salaires des élus soit plafonné, de telle façon que cette masse salariale serait distribuée entre tous les sièges, quel qu'en soit le nombre.
Encore une fois, merci beaucoup d'avoir pris le temps de m'écouter à distance. J'apprécie grandement.
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Bonjour. J'apprécie l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui d'exposer la position du Bloc québécois sur le projet de loi , qui propose un changement fondamental de la représentation du Québec à la Chambre des communes.
Le Bloc québécois, à l'instar de l'Assemblée nationale du Québec, s'oppose vigoureusement au projet de loi , car ce que propose ce projet de loi, c'est la marginalisation de la nation québécoise. Le gouvernement fédéral propose unilatéralement une nouvelle formule pour modifier, mais surtout diminuer le pourvoir politique du Québec à la Chambre des communes. Il propose de limiter encore et encore l'influence de la nation québécoise et sa capacité de défendre au Parlement canadien les valeurs et les intérêts qui lui sont propres. C'est aussi un outil de plus pour former un gouvernement majoritaire sans avoir besoin de députés provenant du Québec.
En fait, avec le projet de loi , qu'on peut assimiler à une attaque contre la nation québécoise, les masques tombent. Fini le pseudo-fédéralisme d'ouverture dans lequel les conservateurs se drapaient pour tenter de charmer les électeurs du Québec. Avec le projet de loi C-20, ça devient un fédéralisme de fermeture, un fédéralisme de rupture et un abandon du Québec. On constate que les préceptes ayant mené à la création du Canada, notamment l'union de deux peuples fondateurs, ne signifient plus rien pour les élus actuels. On constate aussi que la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des communes en novembre 2006 est une coquille vide. Presque cinq ans jour pour jour après cette reconnaissance, force est de constater qu'elle ne s'accompagnera jamais de gestes concrets, comme si cette simple reconnaissance avait clos le débat pour de bon.
Le projet de loi dissipe les dernières illusions. Le seul espace que le Québec pourrait occuper au Canada est une place de promesses parmi d'autres dans un pays qui ne lui ressemble pas et qui n'en tient pas compte, dans un pays qui cherche à réduire la voix distincte, qui veut et tente de se construire sans lui. Le Bloc québécois n'est pas le seul à dénoncer le projet. À trois reprises, l'Assemblée nationale du Québec a unanimement dénoncé la volonté du gouvernement fédéral de marginaliser la nation québécoise au sein de la Chambre des communes. C'est donc une dénonciation formulée par tous les élus à l'Assemblée nationale, qu'ils soient fédéralistes ou souverainistes, qu'ils soient de gauche ou de droite. La dernière motion unanime en lice est datée du 12 avril 2010. Elle réaffirme que le Québec, en tant que nation, doit pouvoir bénéficier d'une protection spéciale du poids de sa représentation à la Chambre des communes et demande aux élus de tous les partis politiques siégeant à Ottawa de renoncer à adopter tout projet de loi ayant pour effet de diminuer le poids de la représentation du Québec à la Chambre des communes.
Clairement, cet appel a été délibérément ignoré par une majorité de députés à la Chambre des communes. Les conservateurs se réfugient derrière le paravent de la représentation démocratique équitable pour justifier leur projet de loi. Ils font valoir qu'il est normal que le Québec perde de son influence puisque sa proportion de la population diminue au sein du Canada. Ils font maintenant semblant de faire une fleur au Québec en lui accordant trois députés de plus. Cette fleur cache évidemment le pot, car même avec ces trois députés de plus, le Québec verra son influence diminuée au sein de la Chambre des communes. Pire encore, le Québec ne conserverait même pas une proportion de députés équivalente à son poids démographique.
En fait, les députés conservateurs oublient commodément que le principe de la représentation équitable autorise des exceptions afin de favoriser une représentation véritable des citoyens. Ils oublient commodément aussi que la Constitution canadienne prévoit des mécanismes qui permettent à des minorités d'avoir plus de représentants que leur simple poids démographique. Nous n'avons qu'à penser à l'Île-du-Prince-Édouard, qui dispose de quatre sièges à la Chambre des communes. Soumise à une règle basée uniquement sur la population, elle en aurait vraisemblablement trois de moins. Doit-on pour autant réduire le poids politique de l'Île-du-Prince-Édouard? Nous ne le croyons pas. Le Bloc québécois estime plutôt qu'une telle situation illustre bien qu'une institution démocratique telle la Chambre des communes ne doit pas être uniquement un reflet mécanique et arithmétique de la proportion des populations. D'autres facteurs primordiaux doivent être pris en compte. La reconnaissance de la nation québécoise en est un.
La nation québécoise a une langue, une culture, des valeurs et des intérêts qui lui sont propres. Elle a donc des intérêts distinctifs à faire valoir, des spécificités dont le gouvernement fédéral doit tenir compte. Pour ces raisons, la nation québécoise doit disposer au Parlement fédéral d'un poids politique suffisant. Réduire le poids politique du Québec à la Chambre des communes, c'est aller à l'encontre de ce principe capital; c'est faire la preuve que la nation québécoise n'a plus rien à attendre du Canada.
Merci.
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Je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser à ce comité.
Je m'appelle Chantal Vallerand et je suis directrice nationale par intérim du Nouveau Parti démocratique du Canada.
[Traduction]
En ce qui concerne la représentation à la Chambre des communes, le Nouveau Parti démocratique du Canada adhère au principe de la représentation selon la population d'une manière qui respecte la diversité et les principes fondateurs de notre pays.
En outre, nous considérons que les délibérations sur le projet de loi offrent à tous les Canadiens l'occasion de tenir un débat sur la construction nationale fondée sur l'équité et le respect des communautés d'intérêt. Nous considérons que nos règles de découpage des circonscriptions doivent être équitables et accessibles et respecter l'histoire, la culture et la géographie de notre pays.
Dans une décision majoritaire intéressant les limites électorales provinciales en Saskatchewan, la Cour suprême du Canada a statué que le droit de vote, tel que garanti par l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, ne signifie pas la parité du pouvoir électoral en soi, mais le droit à une représentation effective. Elle a conclu: « Des facteurs tels que les caractéristiques géographiques, l'histoire et les intérêts de la collectivité et la représentation des groupes minoritaires peuvent devoir être pris en considération si l'on veut que nos assemblées législatives représentent effectivement la diversité de notre mosaïque sociale ». La cour a ajouté qu'il ne s'agit pas là d'une liste exhaustive des facteurs, et que cela doit être pris en compte lorsqu'on détermine ce que signifie l'égalité dans le contexte du principe de la représentation proportionnelle.
[Français]
Que les communautés soient reliées par la langue, la culture ou la situation géographique, s'assurer que ces communautés d'intérêts sont unies après la mise en vigueur des changements proposés devrait être un élément central de ce projet de loi. Je veux me concentrer aujourd'hui sur deux aspects de ce projet de loi qui ont soulevé des questions.
Le premier aspect porte sur l'utilisation des projections démographiques de Statistique Canada plutôt que l'utilisation des données du recensement. Est-ce une mesure de calcul précise ou moins précise? S'agit-il d'une tentative pour rendre le recensement lui-même moins nécessaire? Pourquoi éloigner la loi des chiffres dûment comptabilisés par Statistique Canada pour utiliser plutôt des estimations déterminées par diverses formules?
Une deuxième question porte sur les consultations. Il semble que dans ce projet de loi, toutes les échéances et tous les délais contenus dans la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales ont été raccourcis. Qu'il s'agisse du temps accordé pour mettre sur pied une commission ou de la durée nécessaire de l'avis pour organiser des consultations, ce projet de loi raccourcit les délais accordés pour réaliser ces importantes étapes.
Certains des changements prévus sont substantiels. La période nécessaire d'avis pour la tenue d'une consultation avec les parties et les personnes intéressées est réduite de 30 jours. Elle passe en effet de 60 à 30 jours. Toute personne souhaitant assister à des consultations doit soumettre une demande écrite au secrétaire de la commission dans les 23 jours suivant le dernier avis, au lieu de 53 jours. Chaque commission provinciale a seulement 10 mois pour préparer son rapport au directeur général des élections, au lieu de 12 mois.
Si ce gouvernement souhaite sérieusement appliquer un processus ouvert, transparent et engagé, il doit savoir que ces nouvelles directives ne font rien à part limiter la participation du public à ce processus. Ce n'est pas souhaitable pour notre démocratie, particulièrement au moment où la participation et l'engagement des électeurs diminuent. Nous devrions trouver de nouvelles façons d'encourager les citoyens à s'impliquer, et non trouver des façons de les réduire au silence.
Finalement, les membres de l'équipe du NPD sont préoccupés par le fait que ce gouvernement n'a pas mené de consultations auprès des gouvernements provinciaux. Nous croyons que le gouvernement doit consulter les provinces, de même que les Canadiennes et les Canadiens, et leur demander de déterminer quel projet, entre le nôtre et celui des conservateurs, parvient le mieux à atteindre le principe de représentation effective, tout en bâtissant un Canada plus fort et plus uni.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à vous tous de participer, particulièrement ceux qui le font par téléconférence.
Différents témoins lors des dernières séances ont avancé différentes propositions en vue de parvenir à la représentation effective selon la population. Les propositions que nous avons entendues ne font certes pas l'unanimité. Je doute que nous soyons même proches de trouver un consensus. Je ne vais pas me hasarder sur ce terrain tout de suite, mais j'aimerais vous demander à tous votre avis sur les échéances.
J'entends par là, que, quelle que soit la composition finale retenue dans le projet de loi , il y aura des redécoupages de circonscriptions. En soi cela crée toutes sortes de défis pour les partis, car si l'on ajoute de nouveaux sièges, il faudra délimiter ces circonscriptions supplémentaires. Cela soulève des problèmes, notamment le fait que les fonds détenus par une association de circonscription vont maintenant devoir être partagés avec une autre circonscription, car une partie de la première lui est maintenant retranchée. Il faudra former de nouvelles AC, nommer de nouveaux conseils d'administration, lancer des recherches de candidats. J'imagine qu'il arrivera même une ou deux fois qu'un député sortant se retrouve résidant d'une nouvelle circonscription. Qu'advient-il alors? Existera-t-il une règle d'antériorité telle que le député sortant sera considéré comme résidant de l'ancienne circonscription dans laquelle il n'habite plus, ou bien va-t-il devoir se présenter dans la nouvelle circonscription?
Ce sont toutes là des questions auxquelles les différents partis vont devoir répondre. Ce sont eux, bien sûr, qui feront les recommandations finales en vue de régler la logistique du redécoupage des circonscriptions.
Avec tout le travail qui attend les partis, la question que je pose aux représentants de tous les partis présents aujourd'hui est la suivante: Estimez-vous que si le projet de loi C-20 est adopté selon l'échéancier recommandé tant par l'actuel directeur général des élections que par l'ancien, à savoir que le projet de loi soit adopté avant février prochain, vos partis auront suffisamment de temps pour accomplir le travail organisationnel requis?
Nous allons peut-être commencer par Mme Vallerand, et nous demanderons ensuite à nos invités par téléconférence de répondre aussi.
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Merci, monsieur le président.
J'ai bu un peu moins de café ce matin que M. Dion. Néanmoins, je vais reprendre son argumentation car je pense qu'il a raison sur les faits.
Commençons avec la question de la jurisprudence. Et à cet égard, madame Vallerand, je conteste ce que vous dites.
L'article 3 de la Charte des droits, qui était au coeur de l'arrêt Carter, stipule:
Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
La cour a été saisie de la question de savoir si et dans quelle mesure... En fait, je vais citer son arrêt:
On peut résumer en une phrase la question à résoudre en l'espèce: dans quelle mesure, s'il en est, le droit de vote consacré par la Charte permet-il de s'écarter de la règle « une personne, une voix »?
Elle aborde ensuite assez longuement diverses considérations. Elle conclut que la Charte autorise une déviation considérable — plus que je ne trouverais moi-même raisonnable, pour être franc. Mais elle parlait de la taille des circonscriptions électorales provinciales en Saskatchewan.
Si le débat aujourd'hui portait sur la légitimité constitutionnelle de la partie de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales traitant des variations autorisées à l'intérieur de la province de l'Ontario ou du Québec, par opposition à entre l'Ontario et le Québec, cela aurait quelque validité, mais ce n'est pas de la question dont il s'agit. Ce qui nous intéresse, c'est la question couverte par l'article 42 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui stipule:
Toute modification de la Constitution du Canada portant sur les questions suivantes se fait conformément au paragraphe 38(1)...
Et le paragraphe 38(1) exige l'approbation de sept assemblées législatives représentant au moins la moitié de la population canadienne. Parmi ces pouvoirs figure le suivant:
le principe de la représentation proportionnelle des provinces à la Chambre des communes prévu par la Constitution du Canada.
Cela n'a pas fait l'objet d'un examen aussi serré de la part des tribunaux. La question de savoir s'il est licite constitutionnellement, par une modification unilatérale de la Constitution, de geler de manière permanente une représentation disproportionnée... et qui deviendra de plus en plus disproportionnée au fil du temps. C'est bien ce que ferait la proposition du NPD si elle était adoptée: le Québec deviendrait surreprésenté par rapport à l'Ontario, à la Colombie-Britannique et à l'Alberta. Les électeurs de la circonscription que je représente, par exemple, auraient une voix valant moitié moins que celle d'une personne au Québec, et ce poids diminuerait à chaque redistribution.
Je fais valoir que cela serait absolument anticonstitutionnel, en l'absence d'un mode de révision comme celui qui allait être utilisé pour l'Accord de Charlottetown, où il fallait l'approbation d'au moins sept provinces.
Je voudrais juste savoir ce que vous avez à répondre à cela.
:
C'est correct, c'est mon tour. C'est mieux que l'autre fois, quand vous m'avez donné seulement 30 secondes. Je vais essayer d'en profiter.
On aborde l'arrêt Carter de 1991. Il est vrai que cette décision concernait une province, mais elle portait surtout sur la question de la représentation. Il n'y a rien de plus important au Canada que d'être bien représenté au Parlement. En fait, l'article 42 de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule en toutes lettres que la proportionnalité est le premier principe. Cependant, Carter a ajouté pour nous des nuances à cet article. Il a fait valoir le fait que notre charte, dont relève quand même la Loi constitutionnelle de 1982, nous oblige à veiller à ce que la représentation au Canada soit effective et juste.
On a vu qu'au Canada, ce n'est pas seulement le nombre d'électeurs qui compte. On ne peut se fier seulement à ce principe au Canada. Ce n'est pas comme les États-Unis. Ce n'est pas comme dans d'autres pays. Il y a des intérêts partout au Canada qui doivent être représentés au Parlement. Il ne s'agit pas de savoir s'il y aura 100 000 électeurs ou 150 000 électeurs, mais plutôt ce qu'on veut faire valoir au Parlement, ce qui va être représenté. On est vraiment guidés par la Loi constitutionnelle de 1867 et celle de 1982. Il y a des choses qui ont été écrites en toutes lettres. Il y a le seuil sénatorial. Il y a le principe de la représentation qui est clairement établi à l'article 42. Carter nous dit aussi qu'il y a les conditions géographiques et les communautés d'intérêts. Il y a aussi d'autres intérêts qu'on doit reconnaître. Il faut aller beaucoup plus loin.
J'apprécie ce que Mme Barbot nous a proposé. Il est vrai que la nation québécoise doit être représentée de façon particulière au Parlement canadien. On ne peut pas passer outre. Pourquoi avoir adopté en 2006 la motion faisant valoir que le Québec est une nation, si cela ne doit être qu'une abstraction? Il doit y avoir une représentation effective. Je vois mal comment une proposition ayant pour effet d'affaiblir la représentation du Québec peut être suffisamment crédible et respecter ce que le Parlement même a déclaré il y a à peine cinq ans.
Selon moi, il est important que la répartition des sièges se fasse de façon bien réfléchie. La Charte canadienne des droits et libertés exige clairement qu'on suive le processus au complet, ce que Carter a fait valoir. Y a-t-il un besoin de maintenir la répartition telle qu'elle est depuis des décennies au Canada? Faut-il représenter nos communautés culturelles et les nations qui sont présentes au Canada? On doit le faire.
On dit que les propositions qui nous sont présentées sont potentiellement anticonstitutionnelles. Rappelons que l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés stipule clairement qu'on doit faire ce qui est nécessaire dans une société libre et démocratique comme la nôtre. Après avoir vu les propositions de certains autres partis, je pense honnêtement qu'on est en train de faire abstraction totale de notre obligation constitutionnelle. Je ne suis pas du tout d'accord avec mon collègue du Parti libéral qui dit qu'on est en train d'aller de l'avant avec une proposition qui pourrait être anticonstitutionnelle. En fait, ce qui est important, c'est de bien réfléchir. On n'est pas pressés; la prochaine élection aura lieu en 2015.
Notre témoin du Parti vert nous a dit clairement qu'on avait amplement de temps. Quand il y a eu plusieurs élections qui se sont suivies les unes après les autres, on était pressés parce qu'il y avait toujours la possibilité qu'une élection soit déclenchée dans les quelques prochains mois. Or, il n'y aura maintenant pas d'élection avant quatre ans. Si on suit ce que les conservateurs, ou du moins ce que le Parlement a adopté récemment, les dates sont fixées. Nous avons donc le luxe de pouvoir bien réfléchir à notre affaire, et nous ne sommes pas pressés. Nous devons suivre tout le processus tranquillement, et bien réfléchir. C'est ce que Carter nous a proposé. C'est quand même la Cour suprême qui s'est prononcée. Ce n'est pas un deux de pique.
Maintenant, j'aimerais changer de débat. Ma prochaine question s'adresse à Mme Barbot.
Revenons sur votre commentaire sur la représentation de la nation québécoise, qui m'a énormément touché. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la représentation des autres communautés d'intérêts dans tout le Canada. Je pense entre autres aux Franco-Ontariens, dont je fais partie. Je suis natif de l'Ontario, et je crois sincèrement que les Franco-Ontariens ont été maltraités dans l'histoire de la Fédération canadienne. Il faut faire valoir leurs droits. Il faut qu'ils soient bien représentés au Parlement. Il y a aussi les Acadiens. Comme je suis maintenant de la Gaspésie, il me semble clair que les Acadiens...
Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
:
Je vais vous dire d'emblée
[Français]
que je ne fais pas de politique depuis qu'on m'a approché pour participer à la commission de délimitation. Depuis ce temps, j'essaie de lire sur ce qui se passe à l'étranger. J'ai vu ce qui se passait en Australie, parce que notre système est inspiré de ce qui est arrivé là-bas, au départ. Je n'ai pas le choix de suivre l'actualité dans les journaux. Comme ma profession d'avocat me permet d'avoir accès à certains documents, je vais voir ce qui en est.
Je ne parlerai sûrement pas du nombre de sièges ou de la technique, parce que les commissions n'ont jamais eu à se prononcer sur ces questions. C'est une question strictement politique et je ne veux pas m'engager sur ce terrain. Par contre, j'aimerais m'exprimer très correctement relativement au fonctionnement des commissions.
Certaines modifications proposées au projet de loi m'ont agacé. Compte tenu des problèmes que l'on a vécus lors de la dernière commission et qui ont créé tout un brouhaha, je dois vous dire que si on augmente le nombre de députés dans une province comme celle de Québec, on doit tenir compte des limites qui existent quant au nombre de personnes et de comtés. Il y a certaines exceptions, mais cela nous place dans une situation particulière.
Au Québec, c'est la communauté d'intérêts qui a été notre cheval de bataille. Pour contrer à peu près toutes les oppositions, surtout à l'extérieur de Montréal, il a fallu se baser sur les municipalités régionales de comté pour tenter de trouver ces communautés d'intérêts plus facilement. Je me souviens qu'on a même formé un comté particulier regroupant trois MRC de trois régions administratives différentes. À notre grande surprise, les trois présidents des MRC nous ont envoyé une lettre pour nous dire que nous avions enfin compris. Je ne sais pas pourquoi, mais on avait déterminé que puisque la route passait à travers les trois MRC, il y avait là une certaine communauté. Tout le monde était favorable à cela.
Il faut procéder selon les règles. Dans le projet de loi, il est fait mention de délais qui m'ont un peu fait sursauter. J'aimerais d'abord qu'on précise une chose: lorsqu'il est question du président nommé par le juge en chef de la province de Québec, est-il question du juge en chef de la Cour supérieure ou du juge en chef de la Cour d'appel? Le juge en chef de la province de Québec, c'est le juge en chef de la Cour d'appel. Ce n'est pas précisé dans le texte et c'est important. Lors de la dernière commission, trois juges se sont succédé. J'ai rempli mon rôle de président suppléant, jusqu'à ce qu'on trouve un juge à la retraite pour présider la commission.
Par ailleurs, le projet de loi indique qu'un délai de 60 jours est accordé pour présenter un projet aux gens. Au départ, on avait déterminé de présenter un projet un peu rocambolesque, parce que les gens qui sont dans les commissions de délimitation bénéficient uniquement d'une formation de deux jours. On n'a pas accès à des services d'experts, on devient donc expert par la force des choses, ce qui m'a permis de lire et d'apprendre beaucoup de choses fort intéressantes.
On nous demande de faire un projet de carte électorale en 60 jours et d'ajouter des comtés. Comment allez-vous faire? Il faut absolument qu'on puisse aller chercher des notions, rejoindre des communautés.
Je trouve que le délai de 60 jours est un peu court, car il faut que ce soit publié dans la Gazette officielle du Québec, etc. Les gens ont 60 jours pour se présenter devant la commission. En fait, il était question d'un délai de 53 jours pour se présenter à la commission, après la publication d'un avis dans la Gazette officielle du Québec et dans les journaux. On a écrit à tous les maires des municipalités ainsi qu'aux dirigeants des MRC afin d'inviter les gens à venir nous rencontrer.
La commission a reçu 212 mémoires, ce qui est un bon nombre. Je ne sais pas combien de personnes sont venues par la suite. On a tenu des audiences publiques qui ont duré parfois une journée, parfois une demi-journée, parfois deux jours. On a tenu une séance publique à Montréal, et ce sont des gens du Grand Nord qui s'y sont présentés. Cela m'a un peu choqué, car nous, qui n'étions que cinq, aurions pu monter dans le Grand Nord pour les entendre. Ils étaient 22 à être descendus à Montréal.
Nous n'étions pas proportionnellement représentés, parce que nous n'avions pas l'expérience nécessaire. Je savais que deux membres de la commission devaient être nommés par le Président de la Chambre des communes, mais je ne savais pas si cela se faisait par voie de concours ou de demandes de représentation. Je ne connaissais pas du tout le fonctionnement du système. À l'époque, on m'avait approché, et j'avais envoyé une lettre avec mon curriculum vitae.
Le paragraphe 19(5) de la loi tel qu'on le modifierait accorderait 23 jours aux gens pour envoyer leur réponse; l'avis devrait être envoyé dans les 23 jours suivants. C'est un peu court. Des délais de 60 jours, même de 30 jours, me paraissent plus justes. Les fins de semaine ne doivent pas être considérées, et ainsi de suite.
C'est sûr que j'aime beaucoup le fait que vous permettiez à notre commission de renoncer à l'exigence de l'avis. Je peux vous dire que nous avons entendu deux personnes qui se sont présentées à Montréal et qui avaient communiqué avec nous 15 jours ou trois semaines auparavant. Nous avions l'espace nécessaire pour le faire. Cela ne nous a pas empêchés de faire notre travail. Comme on nous l'avait permis, nous avions le droit de le faire et nous l'avons fait.
On dit que le directeur pourrait proroger le délai de six mois. Pourquoi ne pas le fixer à dix mois? Pourquoi ne pas le fixer à un an? Dans un délai d'un an, on va le faire. À mon humble avis, un an pour rédiger le rapport définitif, c'est suffisant.
Les autres délais que vous avez prévus pour répondre à la Chambre des communes sont les mêmes qu'avant. Les députés proposent leurs modifications, et ils les signent. C'est du travail, mais tout dépend du nombre de modifications. Au Québec, on en avait eu 17 ou 18, je ne me souviens pas exactement du nombre. Il a fallu prendre le temps d'étudier chacune d'entre elles, de rendre une décision et d'émettre un rapport définitif sur chacune d'entre elles. Un délai de 30 jours est tout de même suffisant. En effet, toutes les modifications qui nous sont parvenues provenaient de députés, de toute façon. Plusieurs avaient trait à des noms qui n'avaient pas été acceptés. Par la suite, quelque chose d'un peu désagréable est arrivé, quand on a fait un travail de recherche avec le gouvernement. On avait demandé des recherches sur les noms, et ainsi de suite. On est revenus avec trois ou quatre noms qui représentaient les diverses MRC, ce qu'on trouvait totalement illogique. C'était comme si on citait l'annonce complète de Coca-Cola, au lieu de dire simplement « Coca-Cola ». Le projet de loi devrait favoriser les noms qui ne sont pas trop longs, mais qui sont représentatifs du passé.
Au Québec, on a fait les choses différemment. On a donné à deux comtés des noms de peintres, en l'occurrence Marc-Aurèle Fortin et Alfred Pellan. À Laval, où je demeure, on avait Laval-Est, Laval-Ouest, Laval-Nord; c'était Laval-Laval. Il y a maintenant un comté qui s'appelle Laval, et les autres ont chacun leur nom, ce qui est beaucoup plus logique sur le plan de la représentation. À Québec, cela a été un peu la même chose.
Toutefois, je ne peux vous parler de l'aspect politique ou du nombre de députés, etc. La commission est obligée d'observer les normes et les règles écrites dans la loi constituant les commissions de délimitation des circonscriptions électorales. Il y a des règles très précises qui ne nous donnent pas beaucoup de jeu. Il faut changer ces règles pour avoir des comtés plus grands. La plupart des députés qui ont comparu devant la commission sont des députés des villes. Je me souviens entre autres de M. Dion. On avait fait un dégât dans son comté en lui enlevant son aéroport, si je me souviens bien. Cela a été corrigé, évidemment, car les gens s'expriment.
Or, quand les gens viennent s'exprimer sur la grandeur de leur comté, on ne peut répondre à leurs demandes. La représentation électorale est établie selon le nombre d'électeurs, la taille de la population dans une région donnée. Ce n'est pas la responsabilité de la commission d'émettre des commentaires sur les budgets dont disposent les députés d'immenses comtés.
On a quand même essayé de régulariser cette situation de façon un peu plus pratique, mais ça n'a pas été facile. Je peux vous dire qu'ajouter ou enlever des comtés ne sera pas aisé. Je ne connais pas les propositions exactes pour ce qui est du nombre de circonscriptions, mais j'ai pu voir que certains proposaient d'en enlever et d'autres d'en ajouter. Où allez-vous les placer? En plus, la population sera augmentée. Le chiffre de base, qui était de 91 000 électeurs pour notre commission, si je me souviens bien, va augmenter. En effet, la population ayant augmenté, ce nombre va augmenter automatiquement. Par conséquent, les proportions à accepter et à réaliser vont être différentes.
Par ailleurs, il faudrait absolument tenir des concours pour évaluer les compétences. Pour ma part, je me suis tordu pour devenir compétent. Ça n'a pas pris de temps. Je n'avais pas le choix: je n'avais pas de président. J'ai donc fait tout le travail. Vous ne pouvez pas établir cette commission sans prendre au moins un mois pour comprendre tout ce que ça implique, mais d'abord et surtout pour faire l'historique des circonscriptions électorales. Dans le cadre de notre commission, nous avons fait l'historique de chacun des comtés du Québec à partir de la Confédération jusqu'à ce jour. On pouvait voir s'il y avait une division à tel ou tel endroit et pourquoi elle avait été faite. On a vérifié tous les changements qui avaient été faits. Une fois que vous avez fait ça, vous êtes en mesure de répondre aux gens.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Cayer. Je voudrais d'abord vous féliciter. Vous avez soulevé une idée à laquelle j'ai toujours été favorable, à savoir que dans les circonscriptions dont l'étendue géographique est vaste, par exemple dans le Grand Nord québécois, on devrait consacrer plus d'argent aux problèmes de gestion de circonscription. J'appuie donc votre suggestion.
Comme vous le dites, il n'est pas raisonnable de diminuer le poids des votes des résidants de circonscriptions plus urbaines et plus densément peuplées. Ce n'est pas juste. Je pense que vous avez respecté le principe voulant que les circonscriptions créées comptent à peu près la même la population, dans toute la province. Je vois, d'après la liste, que la variance entre la plus grande population et la plus petite est bien en deçà des limites permises par la loi. Seule la circonscription de Haute-Gaspésie—La Mitis—Matane—Matapédia se situe à 20 p. 100 sous la moyenne provinciale. Le quotient, dans ce cas, n'est que de 5 au total, ce qui est moins de 10 p. 100 en deçà du quotient moyen. En revanche, il n'y a pas un seul cas où le pourcentage de population dépasse de 10 p. 100 la moyenne.
Il ne s'agit pas exactement d'une question, mais je voulais vous dire que j'appréciais ce que vous aviez fait. Dans ma propre province, soit en Ontario, on a une variance beaucoup plus grande. Je pense que votre modèle est celui qu'on devait suivre.
Y a-t-il des problèmes particuliers? Le Grand Nord québécois est unique pour ce qui est de son immensité, mais dans un sens, le même problème existe en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario. Y a-t-il des pratiques que les autres commissaires devraient adopter?
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Il y a deux immenses comtés au Québec. Toute la partie qui part de Sept-Îles en allant vers Terre-Neuve constitue un immense comté. Je suis natif de Charlevoix et je connais ce coin depuis fort longtemps. Je peux donc dire qu'à l'époque, les députés s'y rendaient une fois par année, alors qu'aujourd'hui, avec les communications modernes, il y a des personnes ressources un peu partout.
Par contre, le Grand Nord québécois pose beaucoup de difficultés. En effet, les gens sont beaucoup intervenus. Les Autochtones sont présents dans toute cette partie rattachée à la base. Cela n'a pas été facile, mais je pense qu'on a réussi, en respectant les règles de la loi, à faire en sorte que les gens ne se sentent pas exclus, mais bien représentés. Ils avaient fait de bonnes interventions et on a travaillé là-dessus.
Quant à votre remarque à propos du nombre d'électeurs par comté, M. Massicotte, un politologue de Montréal au même titre que l'est M. Dion, par exemple, avait écrit un article dans le journal affirmant que c'était la première fois que les comtés étaient représentés de façon aussi égalitaire. C'est ce qu'on avait essayé de faire et c'est ce que les commissions devraient faire, parce que c'est la base même de la Constitution. On a essayé de faire la même chose. Je pense qu'on a réussi à le faire, et ce, même avec les contraintes.
Les gens des Îles-de-la-Madeleine sont venus nous demander un comté. Si on en donne un aux Îles-de-la-Madeleine, faut-il en donner un aussi à L'Île-d'Orléans? Certaines choses sont possibles, d'autres pas. Il fallait s'en tenir aux normes et on a pris le temps de voir ce qui s'était fait dans le passé. On avait l'habitude de joindre certains endroits ensemble, mais cela n'a pas été fait parce qu'on ne pouvait pas le faire.
On est surpris quand un député du Bloc québécois, qui était à peu près opposé à tout, vous félicite parce que vous avez uni tel comté avec tel autre comté. J'ai tout simplement dit aux gens qui voulaient faire de la politique que nous n'en faisions pas et que nous ne faisions qu'appliquer la loi. On est obligé de l'appliquer, on n'a pas le choix. Si un juge préside la commission, c'est pour qu'il y ait une certaine indépendance. Je dois vous dire que tout le temps que j'ai été là, personne n'a tenté de me demander quoi que ce soit à l'extérieur. De toute façon, j'aurais refusé, efficacement et avec grand plaisir aussi. On avait des mémoires, on les a tous lus. Tout a été fait et tout a été noté.
Je dois ajouter que le directeur général des élections fournit un géographe à chaque commission. C'était la première fois qu'on pouvait, grâce à un logiciel spécial, voir ce qu'on faisait. Ce sera disponible pour la prochaine commission, et il s'agissait d'atouts énormes. Avec les tendances, avec le recensement, on avait tout en main. Aussitôt qu'on avait besoin d'un renseignement, on le demandait. On demandait aux gens qui s'occupent des noms au Canada leur autorisation, parce qu'on ne voulait pas arriver avec des choses incongrues. Je pense que c'est ça, le travail. Il s'agit bel et bien d'une commission indépendante, mais qui se sert des services qui sont offerts.
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Oui. Une fois que les commissions seront formées, le délai va toujours être le même. Il faut quand même prévoir tout le temps nécessaire pour entendre les gens, même si, comme dans bien d'autres situations, on ne sait jamais combien de temps ça va durer. Ça se prépare.
Nous n'entendions pas les gens sans nous préparer d'abord. Chaque fois qu'une audience avait lieu, s'il y avait des mémoires, ceux-ci avaient déjà été lus. Nous étions prêts. Nous avons même rencontré des personnes individuellement, après les audiences, parce que dans certains cas, les gens sont trop mal à l'aise pour dire certaines choses en public. C'est très amusant de rencontrer les gens et de leur donner la parole. Ça nous aide à prendre des décisions. Ce n'est pas une décision facile. Quand vous enlevez quelque chose à quelqu'un, ça le choque. Quand vous lui donnez quelque chose en plus, il arrive aussi que ça le choque. Ça implique des susceptibilités.
Les députés, surtout, ont parfois tendance à penser à leurs intérêts et à leurs électeurs, parce qu'ils sont habitués à la situation actuelle dans une région donnée. Or selon les modifications de population, un député pouvait se retrouver avec une population de 118 000 et celui d'à côté, avec une population de 84 000. Les deux comtés étaient côte à côte, mais ils ne voulaient rien changer. Ce n'est pas facile. Il faut trancher, à un moment donné, mais on ne le fait pas sur des bases politiques.
En effet, je n'ai jamais pris en compte les résultats électoraux. Nous les voyons parce qu'ils sont publiés, mais nous ne pouvons pas vérifier les résultats électoraux de chaque bureau de vote. Nous nous fondions sur les délimitations antérieures pour établir une comparaison avec les mouvements qui avaient eu lieu dans le passé. En tenant compte de la définition des communautés d'intérêts, nous nous sommes dit que si ces gens avaient été ensemble aussi longtemps, ils n'allaient pas nécessairement se sentir mal à l'aise du fait d'être regroupés de nouveau. Nous n'avons pas eu trop de problèmes. Je me suis tout de même fait rabrouer par une députée pour lui avoir enlevé une partie de son comté. Elle m'a dit que je lui avais fait perdre son élection. Je lui ai répondu que ce n'était pas moi, et que les chiffres étaient là pour le prouver. C'était à Ahuntsic, si je me souviens bien.
Dans le comté d'à côté — et je pense que c'était celui de M. Dion —, on débordait à l'autre extrémité. On a essayé de faire quelque chose dans Montréal, mais ce n'était pas tout à fait sensé. On lui a volé son parc régional ou je ne sais trop quoi. Quoi qu'il en soit, là n'était pas la question. Il s'agissait des gens qui vivaient là. Nous avons fait de notre mieux pour être égalitaires. C'est ce que la loi nous demande de faire. Il faut le plus possible s'en tenir au principe d'« une personne, un vote ». Je pense qu'un monsieur nous l'a dit plus tôt.
C'est un travail de moine, mais c'est intéressant. Faites attention, cependant: on se fonde sur le nombre de personnes et non sur le nombre d'électeurs. Si une population compte 25 000 personnes qui n'ont pas 18 ans, et donc qui ne votent pas, ces personnes sont tout de même comptées dans notre calcul.