PROC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 27 mars 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Il s'agit de notre 29e séance. Félicitations à tous!
Aujourd'hui, nous tenons une séance publique dans la foulée de l'ordre de renvoi du mardi 6 mars sur la question de privilège concernant le député de Provencher. La chance nous sourit puisque ce dernier est parmi nous pour nous aider à tirer les choses au clair.
Monsieur le ministre Toews, nous sommes ravis de votre présence.
Je le répète, il s'agit d'une séance publique. Le ministre comparaîtra pendant la première heure, puis nous entendrons M. Ned Franks au cours de seconde. Dans la mesure du possible, nous prendrons quelques minutes pour nous pencher sur les travaux du comité à la fin de la deuxième heure.
Monsieur Toews, je crois que vous lirez une déclaration préliminaire.
Nous entendrons votre déclaration préliminaire, puis nous vous poserons des questions.
Je vous remercie et vous souhaite la bienvenue parmi nous.
Merci, monsieur le président. Merci, chers collègues.
J'aurais sincèrement souhaité ne pas avoir eu à me présenter devant vous aujourd'hui. Le 29 février, j'ai pris la parole à la Chambre sur une question de privilège afin que la Chambre prenne les mesures nécessaires à la suite de l'intimidation dont j'ai fait l'objet dans l'exercice de mes fonctions de député dûment élu par les citoyens de Provencher. J'ai subi cette intimidation pour la seule raison que j'ai exercé la fonction la plus élémentaire qui soit en tant que parlementaire, c'est-à-dire présenter une mesure législative qui relève de la compétence exclusive du Parlement du Canada.
De tels actes d'intimidation devraient préoccuper sérieusement tous les parlementaires. Nous avons, envers nos électeurs, l'obligation toute spéciale d'agir sans crainte sur les principes pour lesquels nous avons été élus. Voilà pourquoi je suis heureux que votre comité prenne cette situation au sérieux.
Comme vous le savez, le 14 février dernier, j'ai présenté le projet de loi C-30, Loi sur la protection des enfants contre les cyberprédateurs. Dans les jours et les semaines qui ont suivi, j'ai reçu, ainsi que le personnel de mon bureau, beaucoup de communications de la part des Canadiens et des Canadiennes. Comme je l'ai dit à la Chambre, certains appuyaient ce projet de loi, d'autres le critiquaient et, bien entendu, certains faisaient preuve d'humour.
Ce qui est particulièrement inquiétant, ce sont les vidéos sur YouTube qui contiennent diverses allégations non fondées sur ma vie personnelle et des menaces d'aller plus loin si je ne prends pas les mesures nécessaires concernant le projet de loi C-30. De toute évidence, les menaces et les actes contenus dans ces vidéos constituent une tentative, par les créateurs de celles-ci, de m'intimider par rapport aux travaux du Parlement.
« Anonymous », le groupe en ligne qui a affiché ces vidéos, se cache derrière des masques et l'anonymat. En faisant ces menaces, il tente, de toute évidence, d'intimider non seulement moi, mais aussi tous les parlementaires dans l'exercice de nos fonctions en tant que députés dûment et démocratiquement élus.
Je suis prêt à débattre, et nous devons débattre avec force de différents sujets au Parlement, mais ces attaques en ligne lancées contre moi et ma famille ont dépassé les bornes.
Monsieur le président, cette affaire devrait préoccuper tous les parlementaires.
Le 29 février dernier, le leader parlementaire du Parti libéral a précisé que ce sont sans conteste des menaces à mon égard, ajoutant même que « des menaces ont bel et bien été formulées ».
Le leader parlementaire du Parti libéral a également prévenu le Président qu'il ne fallait pas présumer qu'il y a eu, de prime abord, atteinte au privilège, affirmant par contre que ces menaces « ne constituent pas une atteinte au privilège ».
Voici un extrait d'O'Brien et Bosc:
Tout acte tenant du mépris ou constituant une attaque contre les droits, pouvoirs et immunités de la Chambre et de ses députés, soit par une personne ou un organisme de l'extérieur, soit par un de ses députés, est considéré comme une “atteinte aux privilèges”.
Je rappelle au président et à tous les membres du comité que, dans les vidéos publiées, ces menaces visaient tous les parlementaires. Je cite un extrait de ces vidéos:
Que tous les autres parlementaires se le tiennent pour dit: vous auriez tout intérêt à faire attention à ce que vous dites au sujet d'Anonymous. Toute tentative de gagner des points politiques en disant que nous sommes associés à un parti politique en particulier ne sera pas bien reçue. Vos appartenances politiques n'ont strictement rien à voir avec nous.
Je cite un autre passage:
Quant à tous les autres qui appuient le projet de loi C-30, n'allez surtout pas croire que vous êtes intouchables.
Monsieur le président, le leader parlementaire du Parti libéral et tous les Canadiens doivent s'inquiéter de ces menaces posées contre notre démocratie par des tyrans et des brutes en ligne qui veulent intimider les députés dûment élus. C'est sur ce point que je vous invite à vous pencher.
Je tiens à préciser que je ne me laisserai pas intimider par ces brutes qui se cachent derrière des masques et l'anonymat. Notre démocratie exige que les élus soient libres de débattre de tout sujet. Je crois fermement que tous les députés de la Chambre doivent pouvoir servir leurs électeurs, présenter des mesures législatives et débattre de tout sujet sans intimidation, obstruction ou ingérence.
Il n'en demeure pas moins que ces menaces m'ont été adressées parce que j'ai présenté un projet de loi qui a suscité beaucoup de débats publics. Demain, que vous représentiez le gouvernement ou l'opposition, vous pourriez en être la cible. En fait, certains d'entre vous siégeant à ce comité ont présenté des mesures législatives à la Chambre, au nom du gouvernement ou de l'opposition. Des projets de loi d'initiative parlementaire ont déjà donné lieu à des débats énergiques, et des positions très campées ont été prises par les deux côtés de la Chambre.
Il suffit d'examiner le bilan de la 41e législature. Le projet de loi C-377 exigeait la divulgation de renseignements financiers des organisations syndicales. Ce projet a fait l'objet de débats enflammés et de positions très tranchées.
Les projets de loi C-276 et C-279 ont été présentés respectivement par les libéraux et le NPD. Ils visaient à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'y inclure l'identité et l'expression sexuelles. Bien qu'ils n'aient pas été débattus à la Chambre, des projets de loi semblables ont été présentés lors d'autres législatures, et des positions très campées ont été prises à leur égard.
Qu'ils présentent ou non des projets de loi, tous les députés prennent position sur des motions, des mesures législatives et des débats à la Chambre ou en comité. Monsieur le président, c'est exactement ce que nous sommes censés faire. C'est pourquoi nous avons été élus. C'est ce que les Canadiens et les Canadiennes attendent de nous.
Je ne crois pas que les députés devraient être pris en otage, ni avoir peur d'agir selon leur conscience de crainte que ces brutes inconnues les menacent. Les Canadiens et les Canadiennes méritent mieux. Je suis heureux que le Président ait maintenu la décision prise en 1973 par le Président Lamoureux qui a déclaré qu'il n'hésitait pas à réaffirmer que le privilège parlementaire comprend le droit pour un député de s'acquitter de ses fonctions de représentant élu, sans avoir à ne subir aucune menace ou tentative d'intimidation. Le public jugera de ces attaques personnelles déplacées à l'endroit d'un député concernant sa vie privée. Les menaces provenant de brutes sans nom et sans visage qui veulent intimider les instances démocratiques légitimes devraient préoccuper tous les parlementaires et, en fait, tous les élus de notre beau pays.
Monsieur le président, lors de vos délibérations au sein du comité, je vous invite à examiner cette question de privilège comme un sujet qui concerne tous les parlementaires et non seulement moi.
Il me tarde de discuter plus amplement de ce sujet et de répondre aux questions que vous auriez à me poser.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre.
Nous commencerons par M. Lukiwski, qui dispose de sept minutes. Je vous en prie.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, de comparaître devant le comité aujourd'hui.
Dans votre déclaration, vous avez indiqué que ces menaces lancées par le groupe Anonymous devraient préoccuper non seulement les ministres mais également tous les députés. Dans quelques instants, j'aborderai jusqu'à quel point nous devrions nous en préoccuper à titre de parlementaires.
Dans la mesure du possible, il faudrait apporter quelques précisions. C'est surtout pour afficher son opposition au projet de loi C-30 qu'Anonymous a lancé ses menaces par l'intermédiaire de vidéos affichées sur YouTube. Dans ses vidéos, le groupe exige que vous démissionniez et/ou que vous retiriez le projet de loi C-30. Avez-vous l'intention de donner suite à l'une ou l'autre de ces deux exigences?
Je ne démissionnerai certainement pas à cause de telles menaces. Ce serait donner un message épouvantable. Même si je démissionnais pour toute autre raison que celle-ci, il est très important que le député qui est menacé ainsi ne cède pas et fasse savoir clairement que des menaces aussi ignobles et justifiées n'ont pas lieu d'être.
Merci, monsieur le ministre.
Notre comité éprouve de la difficulté notamment à déterminer exactement les mesures à prendre. Dans votre déclaration, vous avez indiqué que le comité devrait se préoccuper des menaces adressées non seulement à vous mais également à tous les parlementaires, et qu'il devrait se pencher sur cette question. Plus particulièrement, il pourrait être extrêmement difficile sinon impossible de déterminer la source de ces vidéos et de ces menaces, justement parce que le groupe s'est appelé Anonymous, ce qui est fort équivoque, n'est-ce pas? De quelle façon recommanderiez-vous que notre comité se penche sur cette question?
Sur quoi devrions-nous insister?
Merci.
Naturellement, il ne m'appartient pas de dicter au comité la façon de mener son étude. Je me bornerai à vous signaler qu'il s'agit d'un problème grave qui exige la tenue d'un examen exhaustif. Dans toute la mesure du possible, le comité devrait chercher à déterminer l'auteur ou les auteurs de ces menaces.
Le comité devrait examiner comment les députés pourraient se prémunir contre ce type de cybermenaces et comment la Chambre des communes pourrait mieux protéger ses députés. J'encouragerais la Chambre des communes à prendre très au sérieux ce genre de menace.
J'ai lu avec intérêt les propos de la greffière, selon qui cette étude est peut-être une « immense perte de temps ». Je la cite. Je ne suis pas du tout d'accord. Ce n'est pas une perte de temps parce que ce problème se répercute sur le processus démocratique. Je ne suis pas du tout d'accord. Le comité ne réussira peut-être pas à déterminer l'auteur ou les auteurs de ces menaces, mais je pense que la Chambre devrait envisager des mesures préventives afin de protéger les députés.
Ce sujet concerne tous les partis et transcende les idéologies. La fin de semaine dernière, une cyberattaque a visé le système de vote électronique permettant d'élire le nouveau chef du NPD. Alors que les Canadiens s'intéressent de plus en plus au cybervote et aux percées de l'Internet, c'est de très mauvais augure que de voir notre démocratie ainsi menacée au moment où l'on met en oeuvre de nouveaux mécanismes pour favoriser la participation au processus démocratique. Tous les Canadiens devraient être préoccupés par les menaces lancées contre notre démocratie. Ces cyberintimidateurs s'attaquent à notre processus démocratique.
Il ne reste plus que quelques minutes. Je voudrais revenir à d'autres préoccupations que vous avez fait valoir dans votre déclaration préliminaire.
J'abonde dans le même sens que le leader parlementaire du Parti libéral, qui estime qu'il s'agit d'une affaire criminelle. Avez-vous porté plainte auprès d'un corps policier, notamment la GRC?
Oui, la GRC a été saisie de l'affaire, mais je préfère ne pas en dire davantage sur ce point. Je sais que vous pourriez convoquer des policiers pour tirer les choses au clair, à condition qu'ils acceptent. C'est ce que vous devriez faire plutôt que de me demander mon opinion sur l'enquête policière. Je voudrais toutefois préciser que, même si je suis ministre de la Sécurité publique et que la GRC relève de moi, je n'ai donné aucune directive ni n'ai participé d'aucune façon à l'enquête.
Vous ne pourrez peut-être pas me donner beaucoup de détails, mais je voudrais que vous me précisiez la mesure dans laquelle vous prenez ces menaces au sérieux. Nous sommes certes au courant des menaces d'Anonymous. J'imagine que ce n'est pas la première fois que vous faites l'objet de menaces. Dans quelle mesure les prenez-vous au sérieux? Dans quelle mesure les parlementaires devraient-ils prendre au sérieux les menaces qui, lancées par Anonymous, un autre pirate informatique ou quiconque d'autre, sont susceptibles de porter préjudice aux fonctions que nous accomplissons?
Je prends ces menaces très au sérieux en raison de leurs répercussions non seulement sur moi, mais également sur ma famille. À mon avis, c'est même le processus parlementaire qui est visé. Internet est un outil fabuleux, ce dont nous convenons tous, mais je trouve fort préoccupant que des criminels puissent s'en servir pour supprimer les libertés qu'il procure.
Merci, monsieur le président. Merci monsieur Toews de votre présence aujourd'hui.
Comme vous le savez, c'est avec l'accord de mon parti que j'ai appuyé votre motion sur l'atteinte au privilège parlementaire. Notre parti n'a pas changé d'avis aujourd'hui. Nous préconisons sans réserve que le Président de la Chambre établisse qu'il s'agit d'une atteinte au privilège prima facie, et il ne fait aucun doute que c'est la position que notre comité adoptera ultérieurement lorsque nous ferons rapport à la Chambre.
Je voudrais cependant contester vos propos sur la position de Mme O'Brien. Elle nous a fait valoir, je pense, que les ressources de la Chambre ne nous permettaient pas d'identifier le coupable. Je tenais à apporter cette précision pour tirer au clair la position qu'elle a adoptée.
Je voudrais vous poser une question sur le rôle que joue la GRC dans cette affaire. Si j'ai bien compris votre réponse à la question de M. Lukiwski, la GRC aurait un rôle à jouer effectivement. Savez-vous si elle a entrepris une enquête?
Très bien. Je voudrais aborder un autre aspect.
D'après son mandat et ses pouvoirs, le comité est certes autorisé à recommander que la Chambre prenne des mesures punitives. C'est donc une solution que nous envisagerons. Cependant, il s'agit peut-être d'une affaire criminelle, comme M. Lukiwski l'a fait remarquer.
Pouvez-vous indiquer au comité le genre d'accusation qui serait portée contre l'auteur de ces menaces? Serait-ce en vertu du Code criminel? D'autres lois ont-elles été enfreintes?
Je vous remercie de vos précisions au sujet de la greffière O'Brien. Les médias ont déformé malheureusement les propos de la greffière selon lesquels notre comité perdrait son temps à examiner cette affaire. Je voulais simplement faire valoir en fait que votre comité n'emploierait peut-être pas à bon escient son temps s'il cherchait à déterminer qui est responsable criminellement de certains gestes commis. Je pense que le comité a mieux à faire.
C'est pourquoi j'ai ajouté qu'il serait utile que le comité examine les répercussions de ce genre d'intimidation sur les députés, compte tenu de l'utilisation accrue de l'Internet et des autres moyens de communication électroniques. Je suis content que vous ayez apporté cette précision. Je pense que, dans leur contexte pertinent, les propos de la greffière...
Il faudrait se rappeler du rôle primordial de votre comité. Il ne faudrait pas que le comité aborde des questions ne relevant pas de ses compétences ou de ses pouvoirs.
Monsieur Comartin, en ce qui concerne les accusations qui pourraient être portées, je peux uniquement reprendre ce qui est connu de tous, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un cas patent d'intimidation à l'aide d'une vidéo sur YouTube. D'après mon expérience de procureur, si l'auteur de tels propos pouvait être identifié, des accusations pourraient être portées contre lui en vertu des dispositions du Code criminel sur l'intimidation ou l'extorsion.
Je pense que des dispositions du Code concernent précisément la situation d'agent public. Est-ce dans cette direction que, d'après vous, s'orienterait la poursuite?
J'hésite un peu à répondre. Je ne tiens pas à être le poursuivant dans cette affaire. À de nombreux titres, je suis un témoin et je laisse cela aux policiers enquêteurs. Sauf votre respect, monsieur Comartin, je pense que ces questions devraient être portées à l'attention de la police. Je pense qu'elle peut vous éclairer dans la mesure...
De toute évidence, je ne sais pas tout de l'enquête, si ce n'est la partie qui m'a directement concerné.
Je pense, monsieur Toews, que, de ce côté-ci, de toute façon, nous achoppons sur la notion de « non bis in idem », c'est-à-dire pas deux fois sur la même chose. Nous ferons se poursuivre l'enquête. Si on finit par trouver un suspect, des accusations seront portées et, s'il y a condamnation, il y aura sanction. En outre, si, entre-temps, on trouve le responsable, le comité pourrait très bien recommander des sanctions dans le cadre du système parlementaire.
Je tenais à préciser, sans vouloir entendre d'autre commentaire à ce sujet, que c'était un peu une difficulté que nous éprouvions.
Merci, monsieur le président.
Merci d'être venu, monsieur le ministre.
Il est très clair qu'on vous a menacé. Les actions commises sont manifestement et totalement inacceptables. Je ne voudrais certainement pas que cela m'arrive.
Quand le Président de la Chambre a rendu sa décision, il a invoqué celle de son prédécesseur Lamoureux, en 1973. À l'époque, nous vivions dans un monde totalement différent. Cela ne discrédite pas la dernière décision — une décision a été rendue, je la respecte — mais c'était effectivement un monde totalement différent. Je ne pense pas que M. Lamoureux aurait pu imaginer notre monde d'aujourd'hui, où, malheureusement, les ministres qui déposent des projets de loi peuvent parfois être critiqués.
D'un point de vue pratique, je continue de me demander ce que le comité fera. Je comprends parfaitement la question de privilège que vous invoquez, j'aurais fait la même chose moi-même, mais je m'interroge sur ce que le comité peut faire, vu que la menace d'Anonymous à votre endroit s'est faite au moyen d'une vidéo sur YouTube, que n'importe qui, sur la planète, est en mesure de produire. En sus de l'enquête policière, qui, à mon avis, est la chose à faire chaque fois que ce genre de situation se présente, qu'espérez-vous, du point de vue pratique, du comité pour que, désormais, ce genre de situation ne se répète pas?
La semaine dernière, nous avons reçu la greffière de la Chambre des communes. Il a été énormément question d'introduction dans les comptes personnels et de choses de ce genre, mais cela n'avait vraiment rien à voir avec la question précise de privilège que vous soulevez, qui se fonde sur une vidéo de YouTube, que n'importe qui peut produire. La réalité, c'est que la chose va se reproduire. D'autres ministres, à différents moments dans l'avenir, seront touchés. Que pouvons-nous faire d'autre que demander l'intervention de la police?
Merci, monsieur Garneau.
Précisons d'abord une chose: je ne m'insurge pas contre la critique contre un ministre. Qu'on choisisse de me critiquer sur le plan professionnel, politique ou, en fait, personnel, c'est tout à fait légitime. Je sais que c'est difficile, même pour les membres, d'accepter que sa vie personnelle devienne une cible légitime. Tel est le monde dans lequel nous vivons, et je n'irai certainement pas jusqu'à dire que certains aspects de ma vie sont en quelque sorte un domaine interdit. Ma vie est un livre ouvert. C'est, d'après moi, le sacrifice que beaucoup d'entre nous faisons quand nous nous lançons dans la vie publique: terminé l'anonymat! Nous devons rendre des comptes pour nos positions publiques et pour nos vies privées. Comprenez-moi bien. Les critiques ne me dérangent pas, je les prends une à la fois. En fin de compte, c'est à mes électeurs que je dois répondre.
Vous avez fait une remarque très pertinente. Vous vous demandiez si le Président de la Chambre Lamoureux aurait pu, en 1973, prévoir dans quel monde nous vivrions aujourd'hui; je pense que la plupart d'entre nous n'auraient même pas pu l'entrevoir en 1999, l'année où j'ai appris à me servir d'un ordinateur. Avant, j'étais un élu au Manitoba, après avoir travaillé quelques années dans le secteur privé. Le monde, en 1999, quand j'ai quitté mes fonctions provinciales, avait changé; j'ai commencé à utiliser l'ordinateur et je me suis rendu compte de toutes les possibilités que cet appareil permettait. Je pense que, à cet égard, ç'a été une véritable bénédiction.
Ce que nous n'avons pas examiné, et je pense que le comité peut sérieusement s'y mettre, c'est la mesure dans laquelle l'ordinateur et Internet influent sur l'intégrité de l'institution qu'est le Parlement. Je pense que nous n'avons pas vraiment examiné la façon dont les députés peuvent se protéger dans ce genre de situations. Nous sommes tous informés au sujet de l'intimidation, du chantage, de l'extorsion et de tous ces crimes, mais l'emploi d'Internet pour la commission de crimes classiques sur de nouvelles tribunes, voilà qui est nouveau pour nous. J'affirme, à l'intention de tous les députés, que nous devons examiner la façon de se protéger contre ces types de menaces et les méthodes par lesquelles la Chambre des communes peut mieux protéger les députés.
Je ne suis pas spécialiste de l'informatique ni d'Internet, mais je suis persuadé que des mesures peuvent être prises, des mesures que je laisse au comité le soin de décider. Je pense que ces mesures peuvent mieux protéger les députés contre les crimes de cette nature.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, d'être ici.
Au sujet de la technologie, si c'est, comme vous l'avez dit, une bénédiction, ce peut être également une malédiction, bien sûr, selon la personne qui s'en sert.
Je tiens à revenir à la pertinence ou à l'aspect pratique d'une enquête pour essayer de trouver les coupables. Est-ce que ce type de criminel cessera un jour d'exister? Est-ce que ce genre de violence sur Internet cessera un jour? Comme les autres groupes de même acabit, ces personnes méchantes sont nombreuses, elles agissent dans l'ombre. Il y en aura toujours.
Vous parlez d'en faire un exemple; je vous appuierais sans réserve, mais l'arrestation et la punition d'un d'entre eux leur font mal ou cela ne lui donne-t-il pas l'aura du martyre? Pensez-vous que ça vaut la peine de les poursuivre ou devrions-nous, au fond, avaler la pilule et essayer de favoriser un dialogue plus honnête, plus franc? Il est humain de vouloir les prendre et les punir, et je ne saurais être plus d'accord, mais, est-ce que nous ne leur accordons pas ainsi davantage une plateforme?
Vous savez, c'est une hydre qui se renouvelle en dépit des efforts pour s'en débarrasser, en raison d'une sorte de loi naturelle.
Je m'inquiète pour les personnes de qualité qui envisagent la politique, un poste d'élu pour faire le bien dans la société, pour le pays. Je pense que si la Chambre lance la serviette parce que, d'après elle, cela se reproduira toujours, les criminels trouveront toujours une manière de récidiver... Si la Chambre n'appuie pas le député en essayant de trouver une façon de neutraliser les répercussions de ce type d'activités criminelles ou de diminuer les occasions de s'y livrer, notre pays y perdra.
Sur la question de l'identité des membres d'Anonymous, je pense que ce groupe n'est pas particulièrement bien organisé. Il n'a pas de structure définie, il accueille qui veut s'y joindre, peu importe la volonté des autres membres. Sous de nombreux rapports, c'est un collectif d'individualistes. Il est presque indispensable de tenir responsables ces individus, par ce type de processus, un processus en comité, ou par le processus pénal.
Les gens comme nous apprennent à se cuirasser contre ces attaques. Ce n'est pas la première ni, probablement, la dernière, mais il faut songer aux jeunes parlementaires ou à ceux qui envisagent de devenir députés. Quel genre de protection offrons-nous aux collègues qui choisissent cette carrière pour servir le public? Sur ce point, la Chambre ne peut pas lancer la serviette et doit s'attaquer au problème, même si, de temps à autre, la difficulté semble insurmontable.
Je suis d'accord.
Pour nous, l'activité de ces individus qui se posent en défenseurs de la démocratie, etc. est criminelle, mais, le 13 mars, ils se seraient vantés d'une cyberattaque contre des serveurs qui leur ont permis d'accéder à 9 600 cartes de crédit non expirées. D'après le rapport en question, pour des gains personnels, ils auraient encouru des faux frais de crédit d'une valeur de 700 000 $. On ne parle plus, maintenant, d'intimidation ni d'intrusion dans la vie privée; il s'agit d'un acte purement criminel. C'est du vol et de la fraude. Ce n'est pas seulement ce dont nous parlions; ils semblent avoir commis des actions bien plus graves.
Je ferais bien attention de ne pas mêler les criminels et les non-criminels. Nous ne pouvons pas nécessairement incriminer tout ce monde par association. Même si quelqu'un parle au nom d'Anonymous, c'est vraiment au nom de qui? Peut-être en son nom à lui ou en celui d'une ou deux personnes, mais non en celui d'autres, qui peuvent se servir d'Internet pour d'autres activités criminelles.
J'espère que le comité pourra examiner comment nous, parlementaires, nous réagissons à ce genre d'intimidation de l'un de nos collègues. Quel genre d'appui pouvons-nous lui offrir pour qu'il continue de s'acquitter de ses responsabilités envers ses électeurs?
Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, merci de votre présence.
Je tiens à poursuivre la série de questions que nous avons commencé à poser la semaine dernière. Je sais que vous avez dit que vous avez suivi l'affaire dans les médias et par le hansard. Permettez-moi donc d'aller directement au but.
La plupart d'entre nous, ici, seraient d'accord pour dire qu'il y a en effet eu atteinte au privilège. Comme vous, la gravité de cette violation nous inquiète. J'ai plus de difficulté en ce qui concerne notre deuxième responsabilités, c'est-à-dire trouver le coupable, puis déterminer les remèdes ou les sanctions à appliquer.
Vous avez laissé entendre que vous vous inquiétiez de la perception qu'on aurait de la Chambre si elle ne cherchait pas à aller au fond des choses. Je ne pense pas que c'est l'impression que personne n'espérerait laisser.
D'autre part, nous faisons face à une certaine réalité. Il est vrai que nous devons nous protéger contre l'intimidation, mais je vous ai entendu dire — vous pourrez me corriger si je me trompe — que nous devons aller jusqu'au bout pour restaurer l'intégrité de nos systèmes, sauf que, de mon point de vue, ce n'était pas du piratage informatique. Il n'y a pas eu d'intrusion dans les ordinateurs de la Colline parlementaire et, jamais, la sécurité de nos BlackBerry ou de nos ordinateurs de bureau n'a été menacée, rien de cela. Il ne s'agit donc pas vraiment de prescrire un remède pour améliorer la sécurité des ordinateurs, ici, sur la Colline.
N'importe qui peut mettre une vidéo sur YouTube à partir de n'importe quel endroit, et cette action diffère tout à fait du piratage informatique. Les actions que nous examinons ainsi trouvent probablement leur remède dans le Code criminel, peut-être dans nos lois sur la diffamation.
Je me demande si vous pouvez nous donner une idée des remèdes auxquels vous songez et à quel moment vous aurez l'impression que la Chambre risque de vous lâcher si elle ne va pas aussi loin que vous pensez qu'elle devrait aller.
À de nombreux égards, je suis un profane. Beaucoup de parlementaires, dans les provinces ou ici, au Parlement, ont été intimidés avant moi, d'une façon ou d'une autre. Cette intimidation peut équivaloir à du chantage ou à de l'extorsion, au sens du Code criminel. La nouveauté de la situation, c'est l'utilisation d'Internet pour intimider des députés de façon anonyme. Peut-on prendre des mesures?
Je ne prétends pas savoir ce que les experts pourront vous dire dans leurs témoignages. Il se peut que, à l'unanimité, ils disent qu'il n'y a pas de solution, sinon d'avaler la pilule et de se faire intimider. J'espère qu'il y en a qui ont réfléchi à ces situations, qui ont des compétences et qui peuvent vous offrir une meilleure solution que de courber l'échine, parce que le monde le voudrait ainsi et que la tâche de député l'exigerait. Je serais désolé de devoir penser que le comité déciderait de simplement baisser les bras devant la complexité de la tâche, parce qu'il ne semble pas y avoir de solution.
Entendons les experts. Je pense que le comité en convoquera et si, à la fin du processus, tous disent qu'il n'y a pas de solution, peut-être aurons-nous la réponse que nous cherchions. Je pense qu'il serait prématuré de ma part de formuler aujourd'hui ce genre de conclusion.
Monsieur le ministre, je considère cela comme la version XXIe siècle de la lettre anonyme. Si, dans les années 1970 ou 1980, vous aviez reçu exactement le même message, mais dans une lettre anonyme, que serait-il arrivé?
Il y aurait certainement eu une enquête criminelle, mais la Chambre aurait probablement pris certaines mesures. La menace s'exprime vraiment de façon nouvelle pour les députés. Comment y réagir? Est-ce acceptable, parce que nous ne possédons pas les moyens technologiques de découvrir les responsables? Sommes-nous condamnés à l'impuissance? Cela sera peut-être la conclusion du comité, mais je ne pense pas que le comité perdra son temps s'il fait une enquête.
Merci. L'un de mes collègues a également des questions à poser.
Rapidement, monsieur le ministre, ce qui m'inquiète dans ce genre de situations, c'est l'effet cumulatif de ce que j'appellerais du harcèlement. Autrement dit, comme nous avons pu le constater auparavant, dès qu'un député ou un ministre commence à faire l'objet de critiques, cela ne semble jamais s'arrêter.
Je ne sais pas si vous voulez répondre à la question que je m'apprête à poser, mais, outre les menaces anonymes qui ont été rendues publiques sur YouTube, estimez-vous en avoir reçu d'autres, crédibles, soit contre votre travail ou votre sécurité physique?
Vous devriez plutôt poser la question à la police. Je ne tiens pas à parler des menaces qui ont été faites. Je peux vous dire qu'elles sont plus générales que celles qui ont été publiées sur YouTube.
Merci, monsieur le ministre, de votre présence.
Je pense que mon collègue Lukiwski a mentionné plus tôt que l'enjeu concerne tous les partis. Pendant la fin de semaine, l'élection du chef du NPD a été visée par une tentative de subvertion, venant d'inconnus. Je préférerais donc qualifier la menace en termes généraux, en disant qu'elle pèse, au fond, sur les libertés de tous les Canadiens plutôt que seulement sur les parlementaires.
Essentiellement, cela devient... Le Parlement est un exemple des représentants choisis par nos électeurs. C'est ce que nous sommes. Je dirais que le groupe dont nous parlons prétend typiquement faire partie de son propre processus démocratique et il prétend l'appuyer, mais, en réalité, il bouleverse le processus plutôt que d'en faire partie.
Je pense que vous l'avez très bien dit. Nous avons vraiment affaire à deux genres d'individus. Certains sont méchants, mais il y a également des membres innocents, si vous me passez l'expression, dont l'affiliation au groupe est innocente. Pour une raison que j'ignore, le fait de s'abriter derrière le nom du groupe les rend plus hardis. J'inviterais les groupes qui veulent faire partie du processus, d'en faire effectivement partie.
J'aimerais connaître votre opinion. Si le groupe Anonymous était ici, que lui diriez-vous?
À part les présenter à un policier, je reviendrais sur toute la question... La liberté d'expression, d'après moi, est l'une des libertés des plus précieuses que nous possédons dans notre pays. Je la défends très énergiquement. C'est pourquoi je ne m'insurge pas contre les allégations au sujet de ma vie privée. Dans l'arène politique, il faut apprendre à s'y faire, que les allégations soient vraies ou non.
Si elles sont fausses et si cela en vaut la peine, on peut, bien sûr, invoquer les articles du Code criminel sur la diffamation et l'intimidation des agents publics, comme M. Comartin l'a mentionné. Je considère ce genre d'activité, l'utilisation de la prétendue liberté d'expression pour la commission d'actes criminels, comme très dangereuse et très regrettable, car il risque d'influer sur l'adoption de lois ou d'amener d'autres restrictions contre la liberté d'expression, ce qui serait à mon avis très inquiétant.
[Français]
Je vous remercie, monsieur Toews, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
Je suis d'accord pour dire que votre privilège a été brimé. Ça ne fait aucun doute. Je crois que tous les membres de ce comité sont également de cet avis. Comme plusieurs députés siégeant à ce comité, j'ai des inquiétudes sur ce que peuvent faire les députés, et le comité pour remédier à cela. Selon moi, les mesures que ce comité devrait envisager ne sont pas évidentes. Quand il s'agit d'une question de privilège, on s'adresse normalement au président de l'assemblée, qui nous oriente à ce sujet.
Dans le cas présent, on veut régler un cas de menace, et je ne sais pas si ce comité est bien placé pour le faire. Assurément, certains projets de loi provoquent un débat. Vous avez mentionné pendant votre première intervention que c'était le cas du projet de loi C-279 sur l'identité et l'expression sexuelles. Or ce projet de loi est censé remédier à un problème de menace. Je ne pense pas que ça ait généré des menaces contre un député. Je ne sais donc pas si c'est vraiment un bon exemple.
Bien sûr, ce n'est pas la première fois qu'un député est menacé. Or, comme ça s'est produit à l'extérieur de ce Parlement et que vous êtes le ministre de la Sécurité publique, il me semble que vous êtes très bien placé pour nous dire quelle solution vous proposez à ce comité.
[Traduction]
Comme je l'ai dit, je ne pense pas qu'on ait examiné la relation qui existe entre les responsabilités et les devoirs d'un député et l'utilisation, sous cette forme, d'Internet ni qu'on en ait discuté. Je pense qu'après avoir rassemblé certains experts pour apporter leur témoignage et en discuter, vous pourrez déterminer les mesures à prendre, le cas échéant. Actuellement, je ne suis pas en mesure de dicter les solutions à appliquer, mais, de manière très générale, peut-on protéger les députés contre ce type de menaces, et la Chambre des communes peut-elle prendre des mesures pour mieux les protéger?
Peut-être pourrions-nous être plus précis sur la nature des menaces en question, parce que, à notre dernière séance, nous avons entendu des spécialistes sur le verrouillage de la technologie et les attaques contre le réseau interne du Parlement. Il a également été question de l'absence de sécurité dans les bureaux des circonscriptions, mais cela est bien sûr très différent de la vidéo mise librement sur YouTube, ce contre quoi le dirigeant principal de l'information ne peut certainement rien.
Peut-être pourriez-vous expliquer les menaces précises que vous voulez que le comité contre et les moyens de les contrer.
La décision du Président de la Chambre se passe d'explications. Il y a eu atteinte aux privilèges d'un député, entrave à l'exercice de ses responsabilités. Est-ce qu'Internet et les moyens électroniques de communication ajoutent une dimension nouvelle au monde que percevait le Président Lamoureux en 1973? Dans quelle mesure Internet a-t-il changé notre relation à nos électeurs et au grand public ainsi que les privilèges dont jouissent les députés? Y a-t-il des mesures possibles même à l'égard d'une publication générale dans Internet, comme vous l'avez proposé? Je ne prétends pas qu'il en existe. Je pense que le comité devrait examiner la question.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, d'être ici.
J'aimerais répondre à une observation de ma consoeur d'en face, selon qui la situation d'aujourd'hui est la version XXIe siècle de ce qu'aurait été une lettre anonyme, il y a 40 ans. Je ne saurais être plus en désaccord. Bien sûr, la lettre anonyme était une menace, mais elle était probablement lue par quelques personnes, tout au plus.
Ici, la menace dont nous parlons a été vue par des millions de Canadiens et, peut-être, par des milliards de personnes sur le globe. Je pense que cette différence énorme se répercute sur les conséquences de la menace à laquelle nous, les parlementaires, sommes exposés.
Vous avez fait remarqué, avec raison, que lorsque nous entamons une carrière politique, nous sommes très conscients des risques d'être critiqués par la suite. Aucun de nous ne s'attend à ne jamais être critiqué pour son travail, et vous avez dit que nous nous constituions une cuirasse pour nous y habituer.
Un autre collègue a laissé entendre que parce que quelque chose est publié sur YouTube, il n'y a vraiment rien qu'on puisse y faire. Je pense que d'accepter de se comporter comme si tout était normal est peut-être une solution trop facile. Si des menaces sont proférées, particulièrement contre le titulaire d'une charge publique, est-il légitime de nous attendre à au moins une enquête criminelle en ce qui concerne le gagne-pain de la personne menacée?
Faire enquête serait non seulement une mesure raisonnable, mais je crois aussi que notre système parlementaire l'exige. Quelles mesures le Parlement ou un comité devrait-il prendre si un député fait l'objet d'intimidation, de coercition ou d'extorsion sur un site Web public en raison des responsabilités qu'il assume ou des mesures qu'il prend à la Chambre des communes? Sans doute que beaucoup d'entre vous en ont déjà entendu parler d'électeurs inquiets de fausses déclarations publiées sur Internet. Comment peut-on s'adresser à YouTube, sinon en demandant à la justice de faire enlever la page incriminante?
Je pense qu'il faut en débattre. Si un geste clairement criminel est commis sur Internet et qu'il a trait aux fonctions d'un élu, est-ce que la Chambre des communes a le devoir d'indiquer à ceux qui publient l'information ou offrent le service que l'information publiée est inappropriée et qu'elle devrait être enlevée? Jusqu'où peut-on aller? Quelles mesures appropriées pourrait-on prendre? Je reste conscient du fait que nous, qui faisons partie de la Chambre des communes, ne devrions pas intervenir dans la liberté d'expression, mais que cette dernière a évidemment des limites légales.
Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir soulevé la question. Vous avez certainement été très exposé. Je pense qu'il est important d'examiner la question, car elle influe sur ceux qui pourraient envisager d'entrer dans la vie publique. Comme vous l'avez souligné à juste titre, tous les gens ici présents sont entrés dans la vie publique pour servir le Canada et en faire un pays meilleur pour nos enfants et nos petits-enfants. Une menace d'intimidation fera certainement hésiter les gens à choisir cette voie.
Je vous en remercie.
[Français]
J'aimerais revenir à votre déclaration d'ouverture. Vous avez alors parlé de l'ouvrage d'O'Brien et Bosc qui explique pourquoi vous considérez que c'est une atteinte à vos privilèges. Dans le même ouvrage, un peu plus loin, dans le chapitre 3 sur les privilèges et l'outrage, O'Brien précise très bien que si le responsable de l'outrage ou d'une atteinte aux privilèges ne peut pas être identifié, l'usage est de simplement déclarer qu'il y a eu bris de privilège, mais que rien de plus ne peut être fait. On démontre qu'il y a eu beaucoup d'atteintes au privilège. On a la liste dans l'ouvrage. On reconnaît qu'il y a eu atteinte au privilège. C'est dommage, c'est désolant, mais en même temps, le comité ou la Chambre ne peuvent rien faire de plus. Y a-t-il eu des poursuites criminelles? Je pense que les seules autorités qui pourraient faire quelque chose sont celles qui peuvent aller remonter, retrouver la trace avec l'aide de YouTube ou quelque chose comme ça.
Concrètement, le comité essaie de savoir ce qu'il peut faire. On ne voit pas ce qui peut être fait ici. Il va y avoir une enquête, c'est une chose, mais ce n'est pas notre rôle de faire une enquête criminelle. Pouvez-vous nous dire où vous voulez qu'on aille avec ça?
[Traduction]
Au risque de me répéter, je ne demande pas au comité de se poser en tribunal qui ordonne une enquête criminelle; je lui demande d'envisager les conséquences de ce type d'activité menée par Internet sur la capacité des députés d'exercer leurs responsabilités. Allons-nous simplement dire que c'est un fait de la vie au XXIe siècle que les députés soient intimidés de façon criminelle et que le Parlement n'a aucun recours et ne peut prendre aucune mesure pour en amoindrir les répercussions?
[Français]
Comme Mme Charlton le disait tout à l'heure, c'est un peu comme si vous aviez reçu une lettre anonyme.
[Traduction]
Merci d'être venu, monsieur le ministre.
Le verdict du Président fait état d'un flagrant mépris des traditions. Je pense que nous sommes tous vulnérables aux attaques dans les médias sociaux et ailleurs. Mais ce qui est encore plus grave, c'est qu'il s'agit d'une attaque contre les privilèges fondamentaux des députés.
Dans cette optique, je me demande si vous n'envisageriez pas non seulement de mettre à jour l'information, etc., mais aussi de vérifier auprès d'autres administrations les pratiques exemplaires retenues à cet égard. Le fait est que la rapidité des changements qui s'opèrent dans les médias sociaux est spectaculaire avec l'arrivée de groupes et d'organisations — ou de groupes désorganisés, comme on voudra les appeler.
Y voyez-vous un rôle que nous pourrions jouer?
Je peux difficilement imaginer que ce qui m'est arrivé et ce qui est arrivé en l'occurrence aux privilèges de tous les députés est unique. Il doit y en avoir des exemples dans d'autres démocraties et je crois qu'il serait utile que le comité prenne au moins contact avec elles pour voir quelles mesures, le cas échéant, elles ont jugé nécessaires de prendre à cet égard.
Merci de nous avoir consacré du temps et aidé dans cette enquête.
Nous allons nous arrêter quelques minutes en attendant les nouveaux témoins.
Nous commençons la deuxième partie de la séance.
Le professeur Franks témoigne aujourd'hui, et ce n'est pas la première fois qu'il le fait.
Monsieur, vos témoignages sont toujours très précieux. Je pense que vous voulez faire un exposé, qui sera suivi, comme d'habitude, de questions des députés.
J'en suis toujours surpris, monsieur, mais c'est pour moi un honneur de témoigner. J'ai préparé quelques remarques dont je ferai la lecture, avec la permission du comité, car j'ai essayé d'être très précis dans mon expression des faits.
Mes observations sur la question de privilège soulevée à la Chambre des communes par l'honorable Vic Toews, ministre de la Sécurité publique, le 27 février 2012, sont celles de quelqu'un qui n'est pas juriste et qui a observé de l'extérieur les événements malheureux qui se sont produits ces dernières semaines à la Chambre des communes. Ces événements sont trop bien connus pour que j'aie à les récapituler.
M. Toews a soulevé trois questions de privilège: la première concerne l'utilisation des ressources de la Chambre pour le compte Twitter vikileaks30, qui aurait servi, selon ses dires, à l'attaquer personnellement, ternissant ainsi sa réputation et faisant obstruction à l'exercice de ses fonctions de député. La deuxième concerne une apparente campagne visant à inonder son bureau d'appels, de courriels et de fax qui, selon lui, l'a empêché, ainsi que son personnel, de servir ses électeurs et a fait en sorte que des électeurs ayant des besoins légitimes n'ont pas pu le joindre en temps opportun. La troisième concerne les vidéos mis sur le site Web YouTube par Anonymous les 18, 22 et 25 février. Ces vidéos contenaient diverses allégations au sujet de la vie privée du ministre ainsi que des menaces ciblées et troublantes.
Sur la première question, le Président a conclu le 6 mars qu'étant donné les excuses sans équivoque présentées par le chef du Parti libéral par intérim, il était prêt à considérer clos ce volet de la question de privilège.
Sur la seconde, le Président a confirmé une décision précédente rendue par le Président Milliken, selon laquelle bien que le député pouvait se plaindre légitimement que le fonctionnement normal de bureaux parlementaires avait été perturbé, les députés touchés et leurs électeurs avaient quand même été en mesure de communiquer par divers moyens et que, en conséquence, il n'avait pas pu conclure qu'il y avait, de prime abord, matière à question de privilège.
Sur la troisième question, que M. Toews considère comme la plus troublante, le Président a conclu que:
… lorsque des députés dûment élus font l'objet de menaces personnelles à cause de leur travail au Parlement — que ce soit pour avoir déposé un projet de loi, fait des déclarations ou s'être prononcés lors d'un vote —, la Chambre doit prendre l'affaire très au sérieux.
Il a conclu que, effectivement, les vidéos en ligne…
… constituaient des menaces directes dirigées contre le ministre en particulier, mais aussi contre l'ensemble des députés. Ces menaces démontrent un mépris flagrant pour nos traditions et se veulent une attaque subversive contre les privilèges les plus fondamentaux de la Chambre.
La Chambre a renvoyé la question pour enquête au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
Mes remarques ne traitent que de quelques-uns des aspects que soulève cette importante question de privilège: premièrement, le contexte et les événements qui ont abouti aux menaces anonymes proférées contre le ministre; deuxièmement, la question du dommage par rapport à l'offense que constitue ce type d'agression verbale; troisièmement, les difficultés particulières auxquelles fait face la Chambre dans la poursuite de cette affaire; et quatrièmement, la punition que la Chambre peut imposer si elle conclut à une atteinte aux privilèges.
Prenons tout d'abord le contexte et les événements. L'affaire a commencé avec la présentation à la Chambre des communes du projet de loi C-30. Lorsqu'il a été présenté et étudié en première lecture, il portait le titre long de Loi édictant la Loi sur les enquêtes visant les communications électroniques criminelles et leur prévention et modifiant le Code criminel et d'autres lois. Son titre abrégé était alors Loi sur la protection des enfants contre les cyberprédateurs.
On a posé à M. Toews la question suivante à la Chambre:
Monsieur le Président, le gouvernement s'apprête à lire les courriels des Canadiens et à suivre leurs déplacements grâce aux signaux de leur téléphone cellulaire, et ce, dans les deux cas, sans mandat.
Comment pourrait-on être sûr qu'ils ne vont pas utiliser des renseignements personnels pour intimider des Canadiens respectueux de la loi…
Question à laquelle le ministre a répondu:
Nous proposons des mesures qui adaptent les lois canadiennes au XXIe siècle et qui fournissent à la police les outils dont elle a besoin.
Il a ajouté que celui qui posait la question…
… a le choix de se joindre à nous ou aux adeptes de pornographie juvénile.
Mme Elizabeth May a déclaré à la Chambre que lorsque le projet de loi a pour la première fois été remis à l'opposition, il portait le titre abrégé de « Loi sur l'accès légal ». Le gouvernement l'avait par la suite modifié pour lui donner le titre plus outrancier de « Loi sur la protection des enfants contre les cyberprédateurs ». Mme May s'était demandé si ce changement pouvait faire l'objet d'un rappel au Règlement et le Président avait statué que non. Un observateur cynique pourrait penser que le gouvernement avait fait ce dernier changement au titre du projet de loi pour que le ministre puisse lancer à celui qui posait la question sa boutade: « … il a le choix de se joindre à nous ou aux adeptes de pornographie juvénile ».
Des députés de l'opposition, la plupart des médias et bien d'autres ont trouvé insultant le commentaire du ministre.
Dans l'intervalle, Vikileaks a publié sur le Web le dossier du tribunal dans l'affaire du divorce de M. Toews. Plusieurs ministres ont alors accusé le NPD d'être l'auteur de cette publication. Par la suite, le chef du Parti libéral par intérim, M. Bob Rae, a informé la Chambre que l'un des employés du parti avait divulgué cette information et qu'il avait été renvoyé.
La question de privilège soulevée par M. Toews ne se rapporte qu'à un élément infime de cette histoire longue et compliquée, à savoir la menace anonyme de lésions corporelles sur un site Web et en marge du Parlement. La question qui fait l'objet de l'enquête a été soumise au Parlement à la suite d'une longue série d'événements provoqués par le commentaire de M. Toews, à savoir qu'on avait le choix de se joindre à eux ou aux adeptes de pornographie juvénile. Elle découlait néanmoins de cette déclaration.
Il convient de noter par ailleurs que cette volumineuse mesure législative comporte des lacunes, qu'elle traite de bien plus de sujets que la simple pornographie juvénile et que son titre original de « Loi sur l'accès légal » reflète plus fidèlement son contenu que le titre de « Loi sur la protection des enfants contre les cyberprédateurs ».
Je vous ferai maintenant quelques commentaires.
Premièrement, l'affirmation du ministre selon laquelle un député a le choix de se joindre au gouvernement ou aux adeptes de pornographie juvénile nie pour le moins le principe parlementaire fondamental, à savoir qu'il incombe à la loyale opposition de Sa Majesté de s'opposer à toutes les propositions du gouvernement plutôt que de les accepter servilement. À mon avis, il s'agissait d'un commentaire inutile, agressif et outrancier.
Deuxièmement, je me demande si cette question concerne un dommage grave et caractérisé ou s'il s'agit de menaces simplement offensantes faites sur Internet. Je veux dire par là que pour qu'une action ou une déclaration constitue une atteinte au privilège, il faut qu'elle s'apparente davantage à un dommage qu'à une simple offense.
Troisièmement, si la Chambre juge qu'il y a eu atteinte au privilège dans cette affaire, quelles sanctions peut-elle imposer? Le Parlement n'a pas pu à ce jour retrouver les auteurs anonymes des documents publiés sur le Web. La Chambre peut-elle déterminer qu'il y a eu atteinte au privilège commise par une ou des personnes inconnues? Et même si les auteurs sont démasqués et reconnus coupables, qu'arrivera-t-il? Elle peut certes faire arrêter des gens trouvés coupables d'outrage au Parlement, mais cela n'arrive que très rarement et le dernier cas remonte très loin.
Quatrièmement, il y a le risque qu'après ces événements, le public respecte moins le Parlement et la politique. Selon un concept qui a fait l'objet d'études administratives, c'est la direction d'une organisation qui donne le ton et crée un milieu de travail conforme ou non à l'éthique. Le ton donné au sommet de la hiérarchie a un effet d'entraînement sur l'ensemble des employés. Si la haute direction défend l'éthique et l'intégrité, les employés emboîteront le pas, mais si elle semble ne pas s'en soucier, ils estimeront que ce n'est pas une priorité. Bref, les employés suivent l'exemple donné par leurs supérieurs.
Par rapport au privilège dont il est ici question, le public est l'équivalent parlementaire des employés. Le ton donné au sommet de la hiérarchie, en l'occurrence par les mots et le comportement des députés, influent sur le respect et la confiance du public dans le Parlement et les parlementaires. À mon avis, et je regrette d'avoir à le dire, le ton donné dans cette affaire n'a pas été tout à fait exemplaire.
Merci.
Monsieur, c'est le deuxième mois de mars consécutif que nous vous avons comme témoin. La dernière fois que vous avez témoigné, le gouvernement est tombé. Espérons que l'issue de votre témoignage d'aujourd'hui sera différente. En tout cas, je ne vous en tiens pas personnellement responsable. En fait, j'ai trouvé très bon le témoignage que vous avez donné cette fois-là sur le coût des projets de loi. Comme vous le savez, j'ai pris ensuite contact avec vous et communiqué votre témoignage à d'autres. J'ai trouvé qu'il s'agissait d'un témoignage très solide qui s'inscrivait franchement dans une série d'audiences historiques et que l'on a donc beaucoup apprécié.
Je voulais en venir à la question de la ligne qui sépare ce qui est offensant de ce qui est menaçant. Cette distinction ne dépend pas à mon avis du type de technologie utilisée. Une fois que nous aurons réglé cette question, nous aurons peut-être le temps de parler un peu de la façon dont la technologie et l'utilisation d'Internet peuvent modifier la nature des choses par rapport à ce qu'elles étaient à l'ère du papier qui a précédé Internet.
S'agissant de la question de savoir ce qui est simplement offensant par rapport à ce qui est menaçant, avez-vous d'autres idées sur les moyens de faire cette démarcation et d'établir le moment où quelque chose devient menaçant?
Je peux le faire, mais il s'agit simplement d'une opinion donnée sur un sujet extrêmement complexe. Je veux dire qu'il y a tout un éventail d'avis en partant de ce qui est manifestement offensant, mais seulement offensant, jusqu'aux gestes qui sont clairement dommageables et qui devraient à mon avis tomber sous le coup de la loi.
Je veux citer ici le très conservateur juge d'Angleterre, Lord Devlin, selon lequel devraient tomber sous le coup de la loi les affaires suscitant des sentiments d'intolérance, d'indignation et de dégoût. En l'occurrence, nous devrions nous demander si les remarques diffusées sur le Web par Anonymous au sujet de l'honorable Vic Toews suscitent en nous, et particulièrement auprès des membres du comité, des sentiments d'intolérance, d'indignation et de dégoût. À mon avis deux de ces sentiments suffiraient à eux seuls.
La question est manifestement très subjective. Nous sommes à l'abri du danger, mais dans une situation où nous devons nous demander s'il faut faire intervenir ou non la loi. Tout ce que je peux dire, c'est que la réponse change selon l'époque. Il revient au comité d'établir si ce type de menace provoque non seulement de l'indignation et du dégoût, mais aussi un danger très réel, et d'agir en conséquence.
C'est ce que j'allais vous demander. J'ai justement pensé à la distinction entre ce qui est offensant et ce qui est menaçant. Ce qui est offensant est dans une certaine mesure subjectif, alors que ce qui est… Ce genre de situation peut aussi donner lieu à un renversement des valeurs; ainsi, la 8e armée se désignait comme celle des Rats du désert et elle en était venue à aimer ces termes qui à l'origine exprimaient du dédain.
Ce qui est offensant peut être dans une certaine mesure subjectif, alors que ce qui est menaçant est censé pouvoir se mesurer objectivement. Je peux menacer quelqu'un de le battre, de le tuer ou de brûler sa maison, et l'on a alors affaire à trois types distincts d'infractions que l'on peut définir objectivement. Je me demande ce que vous en pensez.
Oui, je suis d'accord. Par ailleurs, il y a des parties de la loi qui protègent les gens contre les propos offensants ou potentiellement dommageables, comme la diffamation, la sédition ou l'obscénité, et il y en a d'autres.
Ce que nous avons ici, c'est un acte de discours — eh bien, appeler le Web un « discours » est, je pense, acceptable ici — par lequel on a proféré une menace et fait d'autres observations désobligeantes, d'après ce que je crois comprendre. La question est la menace. J'ai vu des députés faire l'objet de menaces auparavant. Souvent les menaces sont des figures de rhétorique. On ne sait pas ce qui se cache derrière, mais au minimum, c'est quelque chose qui est offensant.
La question dont le comité est saisi, c'est que si c'est plus que cela, s'agit-il d'une atteinte au privilège? Il est clair, dans la doctrine du privilège parlementaire, que les menaces de mort contre un député ou toute menace et tout effort en vue d'intimider un député dans l'accomplissement de ses fonctions constitue une atteinte au privilège parlementaire.
Seule une menace qui ferait en sorte que le député agisse autrement qu'il ne ferait sur la base d'une étude objective des questions aurait, je pense, cet effet. De toute évidence, cela ne comprend pas une menace de ne pas voter pour vous aux prochaines élections, mais cela comprend une menace quelconque qui entraîne un ajustement du processus de pensée normal.
Je suis d'accord, et j'ai soulevé un point ici, que je n'ai pas vraiment aimé soulever, mais qui, je pense, doit l'être, à savoir que l'affirmation initiale, selon laquelle ceux qui ne sont pas pour nous sont effectivement du côté des adeptes de la pornographie juvénile, est certainement inacceptable. Elle a pour effet de catégoriser quiconque a des objections légitimes à l'égard de la loi, qui présentait des lacunes, comme quelqu'un qui approuve la pornographie juvénile. Je ne pense pas que l'affirmation franchisse le seuil de la menace, mais je la trouve offensante.
C'est le point que j'essaie de faire valoir. Nous sommes dans un domaine où l'acte de privilège n'est pas fonction d'une question, n'est pas quelque chose qui existe en soi, mais qui est la conséquence d'autre chose.
Je me suis souvent demandé, en regardant tout cela, si les députés avaient soulevé une question de privilège à l'égard de l'affirmation du ministre selon laquelle ceux qui ne sont pas avec nous sont avec les adeptes de pornographie juvénile, si cela n'aurait pas été perçu comme une question de privilège également. Je trouve certainement cela offensant pour les députés qui ont un désaccord légitime à l'égard de la loi; quant à savoir s'il y a un dommage, je ne peux le dire.
Je crois que votre temps est écoulé. Peut-être pourrez-vous y revenir.
C'est maintenant au tour de M. Comartin
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Franks, d'être ici.
Je dois avouer que votre position n'est pas tout à fait claire pour moi. Si vous pouviez vous mettre à la place du Président, M. Scheer, après avoir entendu les arguments que vous avez entendus de tous les partis de la Chambre, auriez-vous conclu qu'il s'agissait d'une atteinte au privilège dans ce cas?
Oui, je pense que j'aurais dit qu'il s'agissait, à première vue, d'une atteinte au privilège sur laquelle j'aurais demandé au comité de me conseiller. Je trouve cela certainement offensant, mais si j'avais été le Président, j'aurais demandé si nous avons franchi la limite entre offensant et dommageable ici.
Très bien. Concernant le rôle que doit maintenant jouer le comité pour prendre une décision finale sur la question de savoir s'il y a eu atteinte au privilège du député, est-ce que le fait que vous avez des menaces combinées avec — supposons — seulement des propos offensants n'est pas suffisant? C'est très clair: « Vous devez démissionner et retirer cette loi, sinon... » Est-ce que les deux combinés, avec les mesures d'action claires qu'ils exigent de la part du ministre ou du député, ne sont pas suffisants pour rendre une décision finale au sujet de l'atteinte au privilège?
Vous me demandez mon opinion sur quelque chose. Je répète que je ne suis pas avocat. Je ne peux vous donner d'opinion juridique sur la question. Je peux vous donner mon opinion personnelle et subjective.
Ce n'est pas une décision. Nous ne sommes pas dans une cour de justice en ce moment. Nous sommes dans l'arène politique.
Monsieur, vous faites partie de la « Haute cour du Parlement ». Je suis un citoyen et vous êtes un membre de la cour dans ce sens, et vous traitez d'une question de droit.
Je considère cela comme une atteinte au privilège, et c'est une opinion personnelle. Comme je l'ai dit, je n'essaie pas de persuader le comité d'en faire autant.
Très bien.
Vous n'avez pas dit grand-chose à cet égard.
En supposant que nous parvenions à identifier le coupable, le comité a certainement recommandé des mesures punitives ou correctives dans un certain nombre de cas dans le passé. Souvent, lorsque des envois collectifs ont été faits, comme dans le cas de certains dix-pour-cent, de nouveaux envois ont dû être corrigés et tout le reste; alors, nous avons pris des positions et fait des recommandations qui ont été adoptées par la Chambre et acceptées par le coupable.
Dans une situation comme celle-ci, quel rôle avons-nous pour recommander quelles devraient être les sanctions ou les mesures correctives?
Il me semble qu'il s'agit de deux choses différentes. L'une concerne les sanctions que la Chambre elle-même peut imposer. Si la Chambre peut trouver et identifier la personne, elle peut ordonner que cette personne se présente à la barre de la Chambre et trouver cette personne coupable d'outrage au Parlement. Elle peut prononcer une peine d'emprisonnement. La prison, à différentes occasions, a été soit la prison municipale locale soit une chambre d'hôtel. La personne ayant reçu une peine d'emprisonnement peut poursuivre ses activités jusqu'à la fin de la session. L'autre chose que la Chambre peut faire, c'est traduire un député, même un membre du public, devant la barre de la Chambre — avec la permission de la Chambre, parce qu'il y a un étranger — et elle peut réprimander ou censurer cette personne.
Pour un député, vous pouvez aller aussi loin que vous voulez et déclarer son siège vacant, mais la Chambre a un pouvoir différent sur les citoyens, non-membres de la Chambre, qui sont coupables d'une atteinte au privilège.
Compte tenu de la façon dont nous avons abordé cette question historiquement lorsqu'un acte criminel réel a été commis — et je dois dire, monsieur Franks, que je n'en ai pas trouvé — et que des décisions d'atteinte au privilège ou d'outrage au Parlement ont été rendues, que quelqu'un ait été trouvé coupable ou non, devons-nous, que ce soit ici ou en Angleterre, tenir compte des mesures prévues dans le système de justice pénale qui pourraient s'appliquer au coupable?
Non. Le Parlement est libre de faire ce qu'il veut.
Si vous déterminez qu'il y a atteinte au privilège, je crois que la Chambre peut référer la question aux autorités civiles qui peuvent ensuite prendre la relève. Un tribunal qui examinerait l'affaire pourrait prendre en considération les délibérations du Parlement et, dans ce sens, le compte rendu des délibérations du présent comité se retrouverait devant le tribunal. Le compte rendu du présent comité serait certainement accessible pour toute enquête de police.
Je ne suis pas certain si cela répond à votre question, mais je pense que le rôle de cette Chambre dans cette question se termine par un rapport du présent comité et la suite que lui donne la Chambre. Si la Chambre estime qu'il s'agit d'un acte criminel qui devrait être traité comme tel, la question pourrait simplement, comme je l'ai dit, être référée aux autorités civiles.
En supposant que nous n'arrivions pas à identifier le coupable qui a proféré ces menaces avant la fin de nos travaux, serait-il possible, dans le cadre normal du travail du comité, de dire que nous n'avons pas pu identifier la personne, mais que si jamais elle était identifiée, nous aimerions que la question soit référée au système de justice pénale?
Un comité est libre de dire ce qu'il veut dans son rapport, tant et aussi longtemps qu'il respecte le langage parlementaire et la pertinence du sujet. Cela est certainement à la fois respectueux du langage parlementaire et pertinent par rapport au sujet, alors, la réponse est oui.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Franks, d'être ici.
Ai-je raison de dire qu'à votre avis, il n'était pas tout à fait clair si les propos d'Anonymous sur YouTube étaient de nature offensante ou de nature menaçante? Avez-vous spéculé et dit que vous n'étiez pas certain où ils se situaient?
Oui, parce que je n'ai qu'un accès limité à l'information disponible. Je n'ai pas regardé ce qui s'est passé au comité avant mon arrivée. J'ignore quels autres éléments d'information sont disponibles, sauf pour ceux qui sont du domaine public — les journaux, essentiellement — et je trouve que dans la vie civile, les gens font des menaces fréquemment. Les gens peuvent dire, en farce: « Je vais te tuer si tu fais cela », mais nous ne prenons pas cela au sérieux.
Cette situation est différente, parce qu'il s'agit d'une menace à l'endroit d'un député qui fait son travail; la menace est proférée dans un média public, YouTube; et cela pose un problème, que le ministre lui-même a très bien exposé, je pense, au comité. Ce que vous allez faire avec cela, que ce soit le comité parlementaire ou la police… Au minimum, je considère les propos offensants à l'extrême, mais y a-t-il eu un dommage réel? J'hésite à le dire. Je m'excuse de ne pas être plus clair, mais j'hésite.
C'est une chose intéressante. J'aimerais l'explorer un peu plus, parce que je pense qu'il est important d'établir si le ministre a simplement été offensé ou s'il a été menacé. Avez-vous vu la vidéo et lu la transcription?
J'aimerais soulever cette dimension, parce qu'un élément important ici, c'est que parfois lorsque quelque chose est présenté visuellement, cela peut avoir un effet beaucoup plus puissant que quelque chose qui n'apparaît que sur papier, à l'exception des romans de Stephen King qui me font aussi peur, que je les lise ou que je les vois à l'écran.
Dans ce cas particulier, je reçois régulièrement des messages offensants sur Twitter et je les reconnais clairement comme tels. Je reçois occasionnellement des lettres offensantes et je les reconnais comme telles; toutefois, lorsque j'ai regardé cette vidéo, je l'ai trouvée menaçante.
J'ignore si vous avez trouvé le message menaçant lorsque vous l'avez lu, mais je l'ai certainement trouvé menaçant lorsque je l'ai regardé, la raison étant que, premièrement, vous aviez ce personnage masqué qui parlait d'une voix synthétique et qui disait essentiellement des choses qui, à mon avis, étaient clairement d'une nature menaçante. Je pense qu'il s'agit d'un élément important ici. J'en parle parce que je ne suis pas certain que nous voulons que la GRC fasse enquête sur quelque chose qui est simplement offensant, mais nous voulons certainement que la GRC fasse enquête sur quelque chose qui est menaçant.
J'aimerais avoir votre opinion, s'il vous plaît.
Il appartient au comité d'en décider. Comme je l'ai dit, je n'ai pas eu beaucoup le temps pour voir les vidéos et les autres éléments.
Si le comité estime qu'une menace est en cause et que cette menace est sérieuse, plutôt que des propos offensants — et j'espérerais que les deux côtés de la Chambre et les deux côtés du comité seraient d'accord pour le dire —, alors, je pense que vous avez le devoir d'en faire rapport. Ma recommandation serait que la Chambre réfère toute la question aux autorités civiles pour qu'elles puissent prendre la relève.
M. Zimmer est le suivant.
Nous allons essayer de faire un tour et je pense que nous allons terminer.
Je vais essayer de parler plus rapidement cette fois-ci.
Merci d'être venu, monsieur Franks.
Premièrement, lorsque vous comparaissez devant un comité précisément pour traiter de la question de la vidéo, je me demande pourquoi vous ignoriez quel était le message avant de venir. Vous semblez avoir une opinion assez tranchée à l'égard du ministre Toews. Vous semblez penser que ce qu'il a dit était vraiment contrariant et que la réponse qu'il a reçue était en quelque sorte justifiée. À mes yeux, il est frappant que vous n'ayez pas examiné la discussion.
Je peux plaider deux choses ici. L'une, c'est l'ignorance: j'ignorais que la vidéo était disponible. Je ne suis pas très bon avec Internet. C'est une faiblesse de ma part, pour laquelle je tiens à m'excuser.
L'autre raison, c'est que j'ai comparu devant un autre comité parlementaire hier. J'essaie de faire du mieux que je peux lorsque je comparais devant un comité. J'ai mis beaucoup de travail dans mon exposé d'hier; j'ai travaillé sans arrêt pendant plus d'une semaine. J'ai essayé de faire du mieux que je pouvais sur cette question à partir du matériel qui était à ma disposition.
Si c'était à refaire, je regarderais la vidéo, mais pour moi-même, je ne voulais pas vraiment commencer à porter un jugement sur la menace. Ce que j'ai essayé de faire, c'est vous indiquer comment j'aborderais la question plutôt que de vous livrer mes conclusions.
Je n'ai pas beaucoup de temps, mais sur une question aussi importante que celle-là, pour moi, c'est comme si vous aviez dit que la fin justifiait les moyens. Je suppose que j'ai de la difficulté avec l'idée que, dans les médias, vous semblez pardonner le comportement comme s'il s'agissait simplement d'une autre parole offensante.
Je vous inviterais simplement la prochaine fois que vous comparaîtrez devant un comité à comprendre de quoi il retourne.
Je n'ai pas à présenter d'excuses pour cela. J'ai fait du mieux que je pouvais. Je n'ai pas de personnel de recherche à ma disposition et ce que j'ai essayé de faire — et je n'ai pas à m'en excuser —, c'est de ne pas donner une réponse au comité à savoir si je crois ou non qu'il y avait une menace ici.
J'ai essayé de montrer au comité comment j'aborde une question comme celle-là et les éléments que je prends en considération. Je persiste à dire qu'il ne m'appartient pas de vous donner mon opinion quant à savoir s'il s'agit ou non d'une menace, ou s'il s'agit ou non d'une question de privilège. C'est mon travail d'essayer d'en parler en termes d'histoire du gouvernement parlementaire et des règles du Parlement portant sur les éléments que le présent comité doit prendre en considération.
Je vous retournerai la question, puisque, je suppose, vous ne comprenez pas entièrement la menace qui a été proférée, comme en a fait état M. Garneau. Je mettrais cela en perspective. Je pense que tous les Canadiens suivent cette situation. Ils doivent mettre cela dans leur perspective, étant donné que le ministre Toews est un citoyen canadien ordinaire.
Comment un citoyen canadien ordinaire se sentirait-il s'il était menacé — pas seulement s'il faisait l'objet de propos offensants, mais menacé — sans qu'il y ait quoi que ce soit pour contrer cette menace? Comment vous sentiriez-vous, dans votre foyer, si une telle menace avait été proférée à votre endroit? Comment vous sentiriez-vous lorsque vous sortez de la maison le lendemain?
De nombreux citoyens reçoivent souvent des menaces, et ces menaces peuvent être très graves. C’est la réalité. Je crois que c’est répréhensible qu’un élu qui fait ce qu’il croit être son devoir reçoive des menaces à ce sujet.
Je suis heureux que votre comité se penche sur la question. Je ne suis pas certain de répondre à votre question. Par contre, comme je l’ai mentionné, je ne vous dirai pas ce que vous devriez décider dans le cas présent. À mon avis, la menace a été faite à la suite d’un ensemble de gestes et de déclarations, dont certains me déplaisent et je crois l’avoir clairement dit. La menace en tant que telle a été faite en réponse à une série d’éléments.
En tant que comité, vous pouvez décider d’examiner la menace en tant que telle. En tant que citoyen et spécialiste en régime parlementaire, je tiens encore une fois à faire valoir que la menace a été faite en réponse à d’autres déclarations et gestes. Je réaffirme que je considère personnellement offensante, et cela n’engage que ma personne, la déclaration de M. Toews, à savoir que ceux qui ne se rangent pas derrière nous appuient ceux qui s'adonnent à la pornographie juvénile.
Après tout, le travail de l’opposition est de s’opposer. Si le gouvernement, chaque fois qu’un projet de loi est étudié en Chambre, dit que ceux qui s’y opposent soutiennent les bandits de ce monde à l’image de ce qu’a déclaré fermement en Chambre le ministre, je crois que notre démocratie parlementaire se trouve dans un état lamentable.
Sur ce, je dois vous arrêter, parce que le temps est écoulé depuis plus d’une minute.
Monsieur Toone, vous avez quatre minutes, mais j’ai été plutôt généreux avec l’autre côté. Je ferai donc aussi preuve de latitude concernant votre temps de parole.
Merci beaucoup. Merci, monsieur Franks, de vos commentaires. Je vous suis reconnaissant d’être venu aujourd’hui, et je crois que vous nous donnez des renseignements très utiles.
Je ne m’attends pas à ce que vous soyez capable de répondre à toutes les questions posées. Je ne crois pas que ce soit le rôle des témoins. Si nous avions de tels témoins, notre travail serait beaucoup plus simple. Si nous trouvions un tel témoin omniscient, nous devrions le nommer au poste de gouverneur général ou lui donner un autre titre. D’ici à ce que nous le trouvions, merci de vos commentaires.
J’aimerais revenir sur un élément. Vous dites que le Parlement est souverain et peut aller aussi loin qu’il l’entend. À bien des égards, c’est probablement vrai. Par contre, cela me laisse quelque peu perplexe. Notre comité essaye encore de trouver son orientation. Nous essayons encore de trouver ce que nous devrions faire à ce sujet. Certains semblent évoquer l’idée de déclencher une enquête criminelle, et cela m’inquiète un peu. Nous avons déjà une structure parallèle qui offre cette option.
Je ne sais pas si notre comité devrait aller de l’avant avec une telle enquête. Si nous le faisions et que l’enquête arrivait à une certaine conclusion ou opinion — et nous avons entendu le ministre dire que des enquêtes sont en cours —, cela voudrait dire que nous nous retrouverions peut-être aux prises avec un conflit de compétence. Deux institutions distinctes en viendraient à deux conclusions ou recours possibles pour un même dossier. Je me demande dans quelle situation cela nous placerait.
Sommes-nous au-dessus de tous les autres recours possibles au pays? Par exemple, le Parlement a-t-il priorité sur les tribunaux?
Le Parlement est un tribunal. Nous sommes actuellement dans la Haute Cour qu’est le Parlement. J’ai essayé de vous donner une réponse.
En ce qui concerne les sanctions, si vous jugez qu’il y a eu une grave atteinte au privilège parlementaire du député et qu’il faut prendre action, le seul recours possible pour le Parlement, selon ce que j’en comprends — on me corrigera si j’ai tort, mais je crois avoir raison — est de déclarer l’individu, si vous pouvez le déterminer, ou une personne inconnue, si vous ne le pouvez pas, coupable d’atteinte au privilège.
Outre cette mesure, le seul recours de la Chambre est de convoquer la personne jugée coupable à la barre de la Chambre et de l’incarcérer potentiellement jusqu’à la fin de la session. Voilà les sanctions, mais je crois qu’elles n’ont pas été employées au Canada depuis plus d’un siècle.
Donc, votre recours est votre rapport, et la Chambre peut certainement réprimander la personne.
Dans le cas de conventions constitutionnelles qui n’ont pas été utilisées depuis très longtemps, nous avons tendance à présumer qu’elles n’existent plus. Je ne crois pas que nous aimerions nous résoudre à avoir recours à une méthode qui n’a pas été utilisée depuis plus d’un siècle, particulièrement parce qu’un autre processus existe déjà. Je ne vois pas pourquoi nous ne l’utiliserions pas. Je suis encore un peu perplexe.
Si nous incarcérons une personne jusqu’à la fin de la session parlementaire et qu’en même temps le dossier est examiné par la chambre criminelle ou la police, qui a la compétence dans cette situation? Je serais porté à croire que nous laisserions normalement le soin de cet exercice aux professionnels du milieu, mais je crois que notre comité cherche encore son orientation.
Vous ne voulez pas vous retrouver avec deux accusations pour une même infraction. Si vous voulez éviter cela, votre comité peut déterminer qu’une infraction d’ordre civil ou criminel a peut-être été commise et peut recommander à la Chambre de transférer le dossier aux autorités compétentes, soit les autorités policières. Vous pouvez le faire, et je crois que c’est ce qui se passera. Je préférerais que votre comité n’agisse pas comme un tribunal dans le présent dossier, mis à part de remettre vos conclusions sur la question de privilège.
Je ne sais que si c’est la même question, mais je voulais poursuivre la discussion sur la différence entre une infraction et une menace. J’aimerais rappeler certains passages qui ont été publiés sur le Web pour vous aider à comprendre la situation.
Anonymous dit au ministre Toews qu’il ne bluffe pas et qu’il lui donne sept jours pour réfléchir à ses crimes personnels et politiques. Ensuite, Anonymous demande sa démission immédiate et l'abolition complète des projets de loi C-30 et C-11. Anonymous dit tout savoir au sujet du ministre Toews et menace de publier d’autres renseignements au cours de l’opération White North, à moins qu’il ne se plie aux demandes du groupe.
Je reconnais qu’il ne s’agit pas de menaces physiques, mais ces propos m’apparaissent comme des menaces très claires envers notre démocratie. Si une personne ou un groupe peut menacer de bouleverser le programme législatif d’un gouvernement, n’est-ce pas là une menace?
Oui, c’est le cas. D’un autre côté, si on se penchait sur l’histoire du Parlement canadien et des relations entre les députés et la population, je me demande si nous ne trouverions pas que de telles menaces ont été monnaie courante lors d’audiences publiques ou dans les journaux.
Toutefois, les menaces proférées sont extrêmes. Les passages cités ne sont pas que de simples propos offensants; il s’agit de menaces très graves. Par contre, de telles menaces ont toujours existé, et on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un cas unique. Selon moi, ce qui rend ce cas unique, c’est l’anonymat.
Par le passé, nous savions qui était l’auteur des menaces. Si quelqu’un lors d’une rencontre lance une tomate à un député, c’est très clairement une menace, et on connaît le coupable. Cependant, l’anonymat sur le Web ajoute une dimension qui était beaucoup moins problématique par le passé, ce qui soulève des problèmes.
En plus de cet aspect, il faut aussi tenir compte qu’une forte proportion de la population canadienne a accès à un tel moyen de communiquer des menaces. À mon avis, c’est un élément fondamental qu’il ne faut pas oublier.
Par le passé, le pouvoir policier a souvent été utilisé contre la pègre. À de nombreuses reprises, l’État a considéré les citoyens comme des ennemis. C’est beaucoup plus évident dans la jurisprudence continentale que ce l’est dans la tradition britannique. La loi suprême est la sécurité de l’État. C’est un vieux principe de droit — lex ultimus salus populi est.
Qu’il l’admette ou pas, ou que la théorie politique l’admette ou pas, l’État a toujours eu le devoir de veiller à sa survie. En ce sens, une attaque contre un ministre du gouvernement de Sa Majesté est une menace à laquelle l’État, par l’entremise du Parlement, doit répondre. Évidemment, l’un des éléments fondamentaux de notre démocratie est le droit des élus de vaquer à leurs occupations.
La question que je voulais poser est assez fondamentale. En dépit de vos commentaires au sujet des propos du ministre voulant que ceux qui ne se rangent pas derrière nous appuient ceux qui s'adonnent à la pornographie juvénile, je crois que les menaces d’Anonymous n’étaient clairement pas en réaction à cette déclaration. Le groupe réagissait au contenu du projet de loi. Il ne veut pas qu’un gouvernement adopte un projet de loi qui pourrait nuire à son anonymat. Il réagissait au projet de loi C-30. Anonymous n’a jamais fait allusion à la déclaration du ministre Toews voulant que ceux qui ne se rangent pas derrière nous appuient ceux qui s'adonnent à la pornographie juvénile.
Voici donc ma question: Croyez-vous que les menaces étaient plutôt en réaction au projet de loi qu’en réaction aux propos que le ministre peut avoir prononcés de but en blanc?
Je ne crois pas que les membres d’Anonymous auraient pris connaissance du contenu du projet de loi, n’eût été l’attention médiatique en réaction à la déclaration du ministre. J’avoue n’avoir pas lu la mesure législative et n’avoir aucune opinion à ce sujet. J’ai confiance que le Parlement et les tribunaux canadiens fixeront des limites définies concernant ce qui se déroule sur le Web et qu’ils détermineront ce qui est acceptable en vertu de la loi et ce qui ne l’est pas. Ce n’est pas encore le cas. C’est un domaine très récent et très complexe, parce que le Web est à la fois un moyen de communication privé entre des gens et un forum public. Les limites entre ces deux fonctions ne sont parfois pas clairement définies.
J’aurais un dernier commentaire, et nous ne nous lancerons pas dans une longue conversation, parce que vous n’avez pas pris connaissance du contenu du projet de loi...
Le président: C’est tant mieux, parce que nous n’en avions pas le temps.
M. Tom Lukiwski: Anonymous a demandé l’abolition complète des projets de loi C-30 et C-11, ainsi que de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur. Du moins pour moi et mes collègues de ce côté, c’est évident que les menaces visaient les projets de loi et rien d’autre. Voilà le point fondamental que nous devons examiner. Il y a un groupe qui essaye d’empêcher un gouvernement de présenter et d’adopter une mesure législative.
J’ai en fait regardé le projet de loi. J’avoue que je n’en ai pas mémorisé le contenu, mais je m’y suis attardé avec grand intérêt. Je crois qu’il s’agit d’une mesure législative plutôt bonne, mis à part de la disposition concernant le moment où le gouvernement doit présenter une demande aux tribunaux pour obtenir un mandat en vue d’intercepter des communications sur le Web. Il me semble que c’était le problème fondamental, et il est toujours présent dans la mesure législative. Le Parlement devra de nouveau se pencher sur la question.
Je vais laisser un autre comité parlementaire en juger, monsieur.
Merci beaucoup de votre temps. Merci de votre présence et de vos commentaires. C’est encore une fois un plaisir de vous accueillir au comité.
Nous allons suspendre les travaux du comité une minute avant de poursuivre la séance à huis clos pour discuter des travaux du comité.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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