:
Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui.
Je voudrais vous présenter mes collègues. Voici Me Stéphane Perreault, qui est responsable des services juridiques à Élections Canada, et M. Rennie Molnar,
[Traduction]
qui est le sous-directeur général des élections, Scrutins.
[Français]
Comme vous le savez, on a beaucoup parlé dans les médias et débattu au cours des dernières semaines des diverses allégations d'actes répréhensibles qui auraient été commis lors de la 41e élection générale. Ces allégations ont surtout porté sur les appels téléphoniques frauduleux ou inappropriés que de nombreux électeurs auraient reçus. Dans ce contexte, certaines inquiétudes ont également été soulevées relativement à l'administration du vote dans certaines circonscriptions. Cela inclut des allégations concernant un nombre anormalement élevé d'inscriptions qui auraient été faites le jour du scrutin, des inscriptions d'électeurs non conformes aux règles et des votes de personnes ne détenant pas la citoyenneté canadienne. Ce sont là des questions très sérieuses qui menacent l'intégrité de notre processus démocratique. Si nous les laissons sans réponse, elles risquent de porter atteinte à un élément essentiel d'une saine démocratie, soit la confiance des électeurs à l'égard du processus électoral.
En tant que directeur général des élections, mon rôle est de m'assurer que tout sera mis en oeuvre pour que ces questions soient traitées efficacement, équitablement et impartialement, et ce, de façon à préserver la confiance et la fierté des Canadiens à l'endroit de leur système électoral. C'est pourquoi j'estime qu'il est important que je sois ici aujourd'hui pour expliquer, non seulement aux parlementaires mais aussi à tous les Canadiens, les principaux aspects de notre processus d'administration et d'enquête.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais d'abord plus particulièrement toucher la question des appels téléphoniques automatisés.
[Traduction]
Les médias ont beaucoup parlé des appels téléphoniques automatisés, c'est-à-dire de ces allégations de coups de fil malveillants à des électeurs lors de la 41e élection générale. Les plaintes déposées portent aussi bien sur des appels enregistrés que sur des appels de vive voix. De nombreuses plaintes font état d'appels dont la source était fausse: soit les appels prétendaient provenir d'Élections Canada, soit ils semblaient faussement provenir d'un parti ou d'un candidat particulier.
Dans certains cas, les plaintes indiquent que des électeurs auraient été faussement avisés d'un changement de dernière minute de l'emplacement de leur bureau de vote; d'autres plaintes font état de harcèlement téléphonique, soit en raison de l'heure tardive ou de la fréquence des appels, soit en raison du ton utilisé.
Je reviendrai plus tard sur la question du changement d'adresse des bureaux de scrutin et de la méthode que nous employons pour en aviser les électeurs. Il suffit pour l'instant de dire que les appels automatisés informant les électeurs d'un changement d'adresse de leur bureau de vote lors de la 41e élection générale ne venaient pas d'Élections Canada. Tout acte délibéré visant à tromper les électeurs et à interférer avec leur droit de vote en vertu de la Constitution et de la Loi électorale est une infraction grave. En plus d'enfreindre les droits fondamentaux des électeurs visés, ces actes minent nos institutions démocratiques et les droits de tous les Canadiens.
Pendant ou immédiatement après l'élection, Élections Canada a reçu environ 70 plaintes relatives à différents types d'appels téléphoniques malveillants, y compris des appels personnifiant des employés d'Élections Canada et envoyant les électeurs au mauvais bureau de vote. Ces plaintes ont été prises très au sérieux par le commissaire aux élections fédérales qui a immédiatement ouvert une enquête.
Des détails importants de cette enquête figuraient dans des documents juridiques qui ont été dévoilés par les médias le 22 février 2012 et depuis cette date. Ces documents montrent que le 5 mai 2011, soit quelques jours à peine après l'élection, un enquêteur principal, à Ottawa, a communiqué avec certains des plaignants qu'il a ensuite rencontrés à Guelph le 19 mai 2011.
La publication récente dans les médias des détails de cette enquête, a non seulement entraîné une couverture prolongée de l'affaire, mais elle a aussi incité un grand nombre de personnes à communiquer avec Élections Canada. Depuis, près de 40 000 personnes ont communiqué avec mon bureau pour exprimer leurs préoccupations. Cela comprend plus de 800 plaintes spécifiques d'appels malveillants ou frauduleux effectués partout au pays.
Nous avons engagé les ressources nécessaires pour traiter ces nombreuses communications et contacté les électeurs qui avaient formulé des plaintes précises. Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration du 15 mars dernier, je remercie les Canadiens pour leur collaboration.
Le Bureau du commissaire continue son enquête et j'ai pleine confiance dans sa capacité de la mener de la manière la plus rigoureuse. D'ici à ce que l'enquête soit terminée et que les faits soient établis, je tiens à dire de nouveau qu'il importe ne pas tirer de conclusions prématurées.
J'entends présenter d'ici un an un rapport au Parlement sur les enjeux législatifs et administratifs liés à la protection de la vie privée et aux communications avec les électeurs, dans le contexte des nouvelles technologies. Ce rapport portera non seulement sur les communications téléphoniques, mais aussi, par exemple, sur les nouveaux défis présentés par l'essor des médias sociaux.
D'ici là, je crois qu'il est important que je partage avec les parlementaires et les Canadiens certains aspects de nos processus administratifs et d'enquête. Cela permettra de clarifier les rôles et responsabilités de mon organisme, ainsi que ceux de tous les intervenants, pour le maintien de la confiance dans le processus électoral.
[Français]
L'administration d'un scrutin est une entreprise d'envergure très complexe. Aux fins de cette comparution, je la diviserai en trois activités principales dont mon organisme est exclusivement responsable.
Premièrement, il s'agit de l'identification et de la localisation des électeurs. Lors de la dernière élection générale, nous comptions près de 24 millions d'électeurs.
Deuxièmement, nous sommes responsables de l'établissement de bureaux de scrutin. Encore une fois, lors de la dernière élection, nous comptions plus de 70 000 bureaux de vote répartis dans plus de 23 000 lieux de scrutin.
Troisièmement, il y a l'administration du vote lui-même. L'identification des électeurs se fait par la tenue du Registre national des électeurs et sa mise à jour durant l'élection. Nous mettons tout en oeuvre pour nous assurer que chaque électeur est correctement inscrit à son adresse de résidence.
La deuxième activité consiste à établir des bureaux de vote et à informer les électeurs de leur emplacement. Ce sont les directeurs du scrutin et leur personnel qui se chargent de cette tâche au niveau local, conformément aux directives fournies par Élections Canada. L'adresse des bureaux de vote est confirmée rapidement après le déclenchement de l'élection, de manière à ce que les électeurs puissent en être informés par le truchement de leur carte d'électeur, qui est envoyée à chacun de ceux qui sont inscrits 24 jours avant le jour du scrutin.
Bien que cela soit rare, il est inévitable que, dans certains cas, l'adresse d'un bureau de vote doive être changée pour différentes raisons. Lors de la dernière élection générale, 473 bureaux de vote, c'est-à-dire moins de 1 p. 100 d'entre eux, ont été déplacés, ce qui a affecté environ 300 000 électeurs. Ce nombre ne représente, encore une fois, qu'à peine 1,3 p. 100 d'entre eux. Les déplacements de bureaux de vote sont parfois attribuables à la rétroaction des électeurs ou des candidats, ou à des imprévus comme une inondation ou une panne d'électricité. Si le changement a lieu pendant la dernière semaine de la campagne, il est trop tard pour faire parvenir une carte d'information révisée aux électeurs. C'est ce qui s'est passé pour 61 bureaux de vote répartis dans 24 circonscriptions lors de la dernière élection générale. Ainsi, 19 000 électeurs, sur un total de 24 millions d'électeurs, ont été touchés.
Nous ne détenons pas les numéros de téléphone des électeurs et nous ne les appelons pas pour les aviser du changement d'adresse de leur bureau de vote. Dans ces situations, nous nous assurons qu'un préposé est présent au bureau de vote fermé pour diriger les électeurs vers le nouveau lieu de vote. La responsabilité de communiquer avec les électeurs au sujet de leur bureau de vote est exclusivement celle d'Élections Canada. Nous possédons les renseignements les plus à jour et les plus fiables sur les électeurs et leurs lieux de vote, et nous sommes responsables de ces données. C'est pourquoi nous demandons expressément aux partis politiques et aux candidats de ne pas communiquer avec les électeurs à ce sujet, mais plutôt de les inviter à contacter Élections Canada afin d'éviter des erreurs et de la confusion.
[Traduction]
La troisième activité du processus électoral relevant d'Élections Canada est l'administration du vote. À cet égard, les médias ont récemment rapporté que des irrégularités se seraient produites dans certaines circonscriptions.
L'administration du vote consiste à appliquer les règles sur l'identification des électeurs, à remettre les bulletins de vote et à dépouiller le scrutin. Élections Canada est responsable de la tenue du vote, mais les candidats jouent eux aussi un rôle important. Entre autres choses, ils nomment des représentants qui, à chaque bureau de vote, observent le vote, contestent au besoin la qualité d'électeur des individus et signalent toute irrégularité.
Comme pour l'emplacement des bureaux de scrutin, il importe que chaque participant joue son rôle. Les représentants des candidats qui ont des doutes raisonnables sur la citoyenneté d'une personne qui se présente pour voter peuvent lui demander de prononcer le serment prescrit. Cependant, ils ne peuvent pas essayer d'empêcher autrement l'électeur de voter, ni interférer avec l'application des règles sur l'identification des électeurs.
Par ailleurs, s'il y a des raisons de croire qu'une personne a voté alors qu'elle n'avait pas qualité d'électeur, cette information doit être communiquée à Élections Canada ou au commissaire aux élections fédérales. Cette plainte doit être faite dans un délai raisonnable et faire état de faits précis.
Je déplore que de vagues allégations d'irrégularités soient parfois lancées plusieurs mois après la fin de l'élection, sans qu'il ne soit fait état d'aucun fait précis. Dans certains cas, des plaintes sont communiquées aux médias sans qu'une information soit envoyée à Élections Canada. De telles allégations sont invérifiables, et ne font que miner la confiance des Canadiens.
Par exemple, les médias ont récemment avancé qu'un grand nombre d'électeurs non admissibles avaient voté dans Scarborough—Rouge River ou qu'il y aurait eu des inscriptions contraires aux règles dans Eglinton—Lawrence pendant l'élection de mai 2011. Or, comme aucune autre information spécifique ne nous a été fournie à ce sujet, il devient pour le moins difficile d'examiner ces cas.
Nous avons néanmoins déterminé que, dans Eglinton—Lawrence, les documents présentés par les médias étaient des formulaires d'inscription au vote local par bulletin spécial, et non pas des formulaires d'inscription pour le jour de l'élection. Par souci de diligence, nous avons examiné la totalité de ces 1 275 formulaires et, sauf pour 3 électeurs inscrits à une adresse commerciale, nous n'avons relevé aucune trace d'irrégularité. Les trois cas posant problème font actuellement l'objet d'un suivi.
J'aimerais maintenant dire quelques mots sur la conduite des enquêtes. Le commissaire aux élections fédérales est chargé par la Loi électorale du Canada d'enquêter sur les infractions électorales et de veiller à l'application des sanctions. C'est moi qui le nomme, mais bien qu'il relève de moi, il exerce, selon la loi, ses pouvoirs en toute indépendance.
Le commissaire est soutenu par une équipe de base de neuf enquêteurs et il est assisté par des avocats et d'autres employés d'Élections Canada. En vertu de la loi, toutes les dépenses engagées par le commissaire pour mener ses enquêtes et remplir ses autres fonctions sont payées à même le Trésor. Au besoin, il peut passer des marchés pour obtenir des ressources additionnelles.
Le Bureau du commissaire reçoit les plaintes du grand public, mais aussi les dossiers que lui renvoie directement Élections Canada. Il examine attentivement et impartialement toutes les plaintes concernant des infractions à la loi, détermine si elles relèvent de sa compétence, et si l'information fournie est suffisante pour justifier la tenue d'une enquête. Quand la plainte est anonyme, ou que les allégations sont trop vagues, le commissaire peut décider de ne pas procéder à une enquête. Si le dossier est clos, le plaignant est avisé de la raison par écrit.
[Français]
Comme tous les organismes d'enquête, le bureau du commissaire traite les plaintes et les renvoie avec la plus grande confidentialité. Il ne divulgue ni la source ni le contenu de l'information qu'il recueille, sauf si cela est nécessaire à l'application de la loi, comme c'est généralement le cas pour les documents soumis aux tribunaux. La confidentialité des enquêtes est essentielle à leur efficacité et à leur impartialité. Elle protège la vie privée des personnes et la présomption d'innocence. Elle prévient l'utilisation à des fins partisanes de renseignements incomplets ou inexacts, qui risquent de miner la confiance dans l'équité du processus électoral.
Après son enquête, le commissaire peut soumettre l'affaire au directeur des poursuites pénales, qui décide alors s'il y a lieu de porter des accusations. Le commissaire peut, au lieu de procéder à des accusations, conclure avec la personne ce que la loi actuelle appelle une transaction, dans laquelle cette personne reconnaît avoir enfreint la loi. Cette transaction, qui peut être accompagnée de conditions que le commissaire juge nécessaires à l'observation de la loi, est publiée dans la Gazette du Canada et sur notre site Web. Enfin, si l'intérêt public ne justifie pas la prise d'une mesure formelle, le commissaire peut simplement envoyer une lettre d'avertissement à l'intéressé.
[Traduction]
À ce sujet, je tiens à signaler que le mécanisme d'application prévu dans la Loi électorale du Canada peut et doit être amélioré. En effet, la loi repose presque exclusivement sur des infractions et des peines qui ne sont pas adaptées aux questions régulatoires. D'un côté, des aspects régulatoires qui pourraient être traités plus efficacement par des mesures et des sanctions administratives sont sujets aux délais et aux coûts propres aux enquêtes et aux poursuites pénales. De l'autre côté, des infractions graves n'encourent que des sanctions disproportionnellement légères, comme des amendes maximales d'à peine 2 000 ou 5 000 $.
J'ai donc l'intention de mener un examen exhaustif des mécanismes d'observation et d'application de la loi et de déposer à ce sujet un rapport au Parlement d'ici la prochaine élection générale, en plus du rapport que je remettrai sur les appels téléphoniques automatisés.
En conclusion, monsieur le président, nous pouvons dire que les Canadiens sont fiers de leur système électoral et qu'ils ont raison de l'être. Les événements récents et leur couverture dans les médias ont cependant ébranlé leur confiance. Comme je l'ai dit plus tôt, la confiance des électeurs dans l'intégrité du processus électoral est essentielle à une saine démocratie.
Élections Canada joue à cet égard un rôle crucial. Lorsque des irrégularités ou des actes répréhensibles sont portés à notre attention, nous avons le devoir d'agir. Nous devons nous pencher avec attention sur les faits, et c'est exactement ce que nous faisons. Par ailleurs, si le régime est inadéquat et s'il doit être révisé, il est de mon devoir d'y apporter des changements ou de recommander des modifications législatives.
La confiance du grand public dans le processus électoral ne peut être préservée que si nous faisons tous notre part — Élections Canada, mais aussi les électeurs, les candidats et leurs partis politiques, et les médias. La qualité de notre démocratie dépend de la vigilance et de la conduite de tous.
Merci, monsieur le président, je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être avec nous aujourd'hui.
Dans votre rapport sur la 41e élection générale, vous déclarez, dès les premières pages, au sujet de l'élection: « ... Je peux affirmer avec assurance qu'elle s'est dans l'ensemble bien déroulée et que les Canadiens ont bénéficié d'un cadre électoral accessible et digne de confiance ».
Aujourd'hui, à la fin de votre exposé, vous avez dit: « La confiance du grand public dans le processus électoral ne peut être préservée que si nous faisons tous notre part — Élections Canada, mais aussi les électeurs, les candidats et les partis [politiques], et les médias. »
Je suis absolument certain que tous ceux qui sont assis à cette table cherchent à protéger l'intégrité de notre système électoral. Je peux aussi dire avec certitude que chaque personne assise à cette table — y compris celles de ce côté-ci — a bon espoir qu'Élections Canada dispose effectivement des ressources nécessaires pour mener cette enquête, et votre commentaire d'aujourd'hui à ce sujet nous a tous rassurés.
Je tiens seulement à rappeler — et je sais que nous le savons tous — que durant la période électorale, tous les candidats font du porte-à-porte: ils frappent aux portes, effectuent des appels téléphoniques et identifient des électeurs. Si le contact a été établi au début de la campagne, il est très possible qu'une personne offre son appui inconditionnel durant les premiers jours. Toutefois, vers la cinquième semaine de la campagne, elle peut avoir changé d'idée, mais elle a été identifiée comme étant l'une de mes partisanes. Je vais communiquer... c'est-à-dire que mon bureau va communiquer avec cette personne le jour de l'élection pour lui demander d'aller voter. Si la personne a changé d'idée, il est possible qu'elle se sente harcelée.
Je pense qu'il est important que la population canadienne comprenne que tous les candidats, ou du moins la plupart, tentent de recruter le plus de partisans possible par le porte-à-porte et les appels téléphoniques, et qu'ils commettront des erreurs — en toute bonne foi — au cours des communications avec les électeurs, qui pourraient se dire, au bout du compte, qu'ils n'appuient même pas le candidat en question, et qu'il s'agit donc de harcèlement.
Je pense que dans l'ensemble, le nombre de plaintes — vous l'avez mentionné encore aujourd'hui — est de 800. Vous avez dit plus tôt qu'il y a 70 000 bureaux de vote. Est-ce exact? Il y a environ 70 000 bureaux de vote...?