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Merci, monsieur le président.
J'ai le plaisir de comparaître aujourd'hui devant votre comité pour contribuer à l'examen du projet de loi C-21. Je suis accompagné, à mon extrême droite, de Me Sylvain Dubois, qui a été nommé récemment au poste de sous-directeur général des élections, financement politique. Il y a à ma droite immédiate Me Stéphane Perrault, sous-directeur des élections, services juridiques, conformité et enquête, et à ma gauche, M. François Bernier, qui est sous-directeur général des élections, financement politique sortant.
Le projet de loi C-21 vient s'ajouter aux réformes de 2004 et de 2007 sur le financement politique en cherchant à limiter l'influence indue pouvant découler des prêts aux entités politiques. Pour ce faire, il propose trois séries de mesures. Tout d'abord, il prévoit que seuls les particuliers, les institutions financières et les entités politiques qui sont autorisés à faire des cessions de fonds en vertu de la loi peuvent faire des prêts à des entités politiques.
De plus, dans le cas des particuliers, il établit un plafond unique de 1 200 $ pour les contributions, les prêts et les cautionnements. Ensuite, il exige la production de renseignements plus détaillés sur les prêts. Enfin, il impute une responsabilité aux associations de circonscriptions ou, faute d'association, aux partis politiques pour les prêts consentis aux candidats qui sont radiés par le prêteur.
Il exige de l'association ou du parti d'assumer la responsabilité du remboursement de ces prêts comme s'ils s'étaient porté caution. Bien que le principe du projet de loi m'apparaisse louable, je dois dire dès le départ que les mesures proposées soulèvent à mes yeux d'importantes préoccupations.
D'abord, le projet de loi propose un régime excessivement complexe et dont l'application sera très difficile pour les entités politiques et les particuliers qui les soutiennent. Deuxièmement, le régime proposé ne parvient pas à éliminer de manière satisfaisante les échappatoires aux règles du financement politique. Enfin, le projet de loi n'apporte pas de finalité à la gestion financière des entités politiques.
Je voudrais, dans un premier temps, élaborer davantage sur ces trois préoccupations qui sont, en fait, étroitement liées. J'indiquerai par la suite les éléments que devrait contenir, à mon avis, une réforme plus efficace.
Je tiens d'abord à exprimer mes préoccupations à l'égard de la complexité du régime proposé et du fardeau réglementaire élevé qu'il imposerait à tous les intervenants, que ce soit les entités politiques, ceux qui voudront consentir des prêts et apporter des contributions ou même Élections Canada, qui devra administrer le régime.
Cette complexité tient principalement à un aspect du régime proposé, soit le mode de calcul du plafond des prêts individuels, des cautionnements et des contributions. En vertu du projet de loi, le total des prêts, des cautionnements et des contributions d'un particulier ne peut dépasser, à n'importe quel moment au cours de l'année civile, son plafond des contributions. Sont exclus de ce calcul les montants d'un prêt qui ont été remboursés au cours de l'année où le prêt à été consenti et la valeur du cautionnement relatif au prêt que le particulier a cessé de garantir dans l'année où le cautionnement a été donné.
Cela va engendrer beaucoup d'incertitude pour les entités politiques lorsqu'elles devront déterminer si, à un moment donné, le plafond d'un particulier a été atteint. Le montant des prêts et des contributions permis va fluctuer au cours de l'année civile, au fur et à mesure que les montants sont donnés, remboursés ou prêtés. Cela est d'autant plus complexe quand les plafonds visent les contributions et les prêts faits à des familles d'entités au cours d'une année civile, par exemple, les contributions à l'ensemble des candidats, des candidats à l'investiture et des associations enregistrées d'un même parti.
Cette complexité pose problème, tant pour les entités politiques que pour les individus qui souhaitent les appuyer financièrement. Elle risque également de multiplier les situations de non-conformité et d'inciter à la recherche d'échappatoires. Et c'est là ma seconde préoccupation.
[Traduction]
En limitant les prêts de plus de 1 200 $ aux institutions financières, le régime vise à limiter l'influence des individus qui financent par des prêts les entités politiques et à éliminer le recours à des prêts pour contourner les limites aux contributions. Ceci dit, étant donné que le projet de loi ne touche en aucune façon les ventes à crédit, un particulier pourrait échapper aux nouvelles règles sur les prêts en se faisant fournisseur de biens ou de services. Par exemple, ne pouvant désormais prêter 10 000 $ à la campagne, un particulier ou le candidat lui-même pourrait acquérir des biens qu'il revendrait ensuite à crédit à la campagne. Cette transaction ne serait pas régie par les nouvelles restrictions sur les prêts.
Je note également que, contrairement aux dispositions actuelles sur les contributions, rien dans le projet de loi n'interdit de manière explicite l'acheminement d'un prêt par l'entremise d'autres personnes. De plus, pour être efficace, le régime devrait assurer la finalité dans la gestion financière des entités politiques en éliminant la possibilité que des prêts demeurent impayés pendant des périodes prolongées. Or, et c'est là ma troisième préoccupation, le projet de loi ne permet pas d'atteindre cette finalité.
Comme je l'ai déjà noté, le projet de loi propose d'imposer à l'association enregistrée ou, faute d'association, au parti politique du candidat, une responsabilité civile pour le montant impayé du prêt d'un candidat qui aurait été radié par le créancier. Je voudrais saluer au passage ce type de mesure qui fait malheureusement trop défaut dans la loi actuelle, laquelle repose presque entièrement sur des sanctions de type pénal. L'intention est d'assurer la conformité au nouveau délai statutaire de trois ans imposé aux candidats pour l'acquittement des prêts. Cependant, il importe de souligner que les associations de circonscription ou les partis ne pourraient voir leur responsabilité engagée que pour les prêts impayés des candidats, et non des candidats à l'investiture ou à la direction.
De plus, cette responsabilité ne serait engagée que dans le cas de prêts radiés, et non dans tous les cas de défaut de paiement dans le délai statutaire. Il est difficile de prévoir la probabilité que des prêts soient radiés de manière à engager la responsabilité de l'association de circonscription. Pour les 39e et 40e élections générales, on constate, selon les informations rapportées par les candidats au 18e mois, tel que prévu actuellement par la loi, que sur les 2,6 millions de dollars de prêts impayés, aucun n'a fait l'objet d'une radiation par un créancier. Il en est de même pour le 1 million de dollars d'autres créances impayées.
De plus, le régime proposé pour les prêts se grefferait sur le régime actuel pour les créances impayées, qui comporte déjà des failles importantes, que j'avais soulevées dans mon rapport de recommandations de juin 2010. Il s'agit d'un régime qui demeure complexe et lourd, et qui n'assure ni la transparence, ni la finalité.
Les autorisations qui y sont actuellement prévues pour payer au-delà du délai statutaire sont largement inutiles, sinon pour permettre au directeur général des élections d'imposer comme condition l'obligation de faire rapport sur les sources de financement et de pallier ainsi certaines lacunes dans le régime statutaire existant. Actuellement, un candidat ou un candidat à la direction qui paye ses dettes après avoir fait rapport, mais avant l'échéance statutaire, n'est pas tenu de divulguer la source de son financement.
De plus, la disposition actuelle qui prévoit qu'une créance qui demeure en souffrance après 18 mois est réputée être une contribution constitue une source importante de confusion. Adoptée à une époque où la loi ne limitait pas les sources et les montants des contributions, la présomption n'entraîne aucune conséquence civile, administrative ou pénale. Elle n'implique pas, en soi, d'infraction aux règles relatives aux contributions. L'application des règles et des sanctions pénales relatives aux contributions requiert une détermination fondée sur les faits de chaque cas et ne peut simplement découler de l'application mécanique d'une fiction statutaire.
En continuant de soumettre les prêts au régime déficient qui régit des créances impayées, le ne fait que perpétuer ces difficultés.
Même dans le cas, peu probable, où une association de circonscription se verrait imputer la responsabilité d'un prêt radié par le créancier, le régime des créances impayées n'offrirait aucune garantie raisonnable que ces prêts soient remboursés de manière diligente par l'association.
Ces préoccupations m'amènent à suggérer les grandes lignes d'une réforme législative qui serait selon moi plus efficace. En premier lieu une telle réforme doit viser non seulement les prêts, mais aussi l'ensemble des règles sur les créances impayées. Certains éléments clés de réforme se trouvent dans mon rapport de recommandations de juin 2010, tandis que d'autres sont déjà contenus dans le projet de loi . Ils ne peuvent toutefois être adoptés, à la pièce, de manière indépendante.
D'une part, il est nécessaire de simplifier le régime des créances impayées en éliminant les présomptions et les mécanismes d'autorisation actuels. La loi devrait également donner au directeur général des élections le pouvoir d'exiger des documents justificatifs, comme je l'ai recommandé en 2010, et d'interroger les entités qui pourraient détenir de l'information pertinente concernant une transaction. D'autre part, afin d'assurer la finalité, les partis politiques devraient être responsables de repayer toute créance en souffrance, y compris tout prêt non payé après une période de 36 mois. Cette mesure s'inspirerait du projet de loi C-21 tout en s'écartant à plusieurs égards.
D'abord, le parti devrait être responsable des créances impayées de toutes ses entités affiliées, sauf peut-être des candidats à la direction. Ensuite, l'obligation imposée aux partis vaudrait quels que soient les motifs ou les circonstances du défaut de paiement. De plus, les partis devraient disposer d'un délai relativement court (par exemple six mois) pour payer la dette en souffrance, à défaut de quoi la somme serait due au receveur général et pourrait être déduite à même le financement public versé aux partis.
Pour être efficace, une réforme sur les prêts politiques devrait également proposer des règles suffisamment simples pour être comprises et appliquées tant par les entités politiques que par les électeurs qui les soutiennent. À cet égard, il m'apparaît absolument essentiel d'écarter l'idée d'un plafond combiné des prêts et des contributions dont l'application fluctuerait au rythme des remboursements et des contributions. Une solution serait de suivre le modèle de l'Ontario en éliminant les prêts individuels, puisque le bénéfice qu'en retireraient les entités politiques serait, à toutes fins pratiques, disproportionné par rapport au fardeau réglementaire sévère qui leur serait imposé.
Si des prêts individuels doivent être permis, ils devraient être sujets à un plafond distinct de celui pour les contributions et, surtout, s'appliquer à une année civile, indépendamment des montants remboursés en cours d'année. Ce changement pourrait sans doute se faire dans le projet de loi actuel. Cependant, comme je l'ai indiqué précédemment, je crois qu'une révision plus approfondie s'impose et je doute que cela puisse se faire dans le cadre restreint de ce projet de loi.
Merci, monsieur le président. Mes collègues et moi-même sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Mayrand, je suis content de vous revoir. Vous avez soulevé beaucoup de points intéressants aujourd'hui. On dirait presque que nous sommes passés d'un gros bordel à un bourbier, quand on regarde les propositions, l'objectif de ce projet de loi, puis vos contre-propositions.
Je trouve intéressant que le projet de loi ait réussi à se rendre à ce stade avec l'appui des divers partis. J'avais l'impression que nous nous en allions quelque part, mais je me le demande aujourd'hui.
J'aimerais récapituler un peu et revenir aux principes de base. Qu'est-ce que nous voulons accomplir ici? Regardons un peu les titres, ils portent sur les dettes impayées des candidats et les façons de résoudre les problèmes qu'elles posent. À la lecture du projet de loi et à l'écoute de vos observations, il semble que la solution que nous cherchons toucherait une foule de règlements. Je pense que, pour beaucoup de candidats, nouveaux comme anciens, le régime actuel est très lourd, et nous envisageons d'y ajouter de la complexité.
En aparté, je dirais que je suis de moins en moins sûr que les banques sont aptes à assumer le rôle que nous voulons leur faire jouer. Je pense que nous allons devoir poser la question aux représentants des banques plutôt qu'à tous les messieurs ici présents.
Puis-je vous poser une question? La solution que vous proposez semble... Je vais essayer de résumer votre proposition, et vous pourrez me corriger si je me trompe. Vous voulez permettre à Élections Canada de recueillir plus d'informations grâce aux déclarations qui lui sont soumises, interdire les prêts et faire en sorte que les partis politiques assument les obligations des candidats locaux, au moins au niveau local.
Dans ce contexte, j'ai deux questions. Premièrement, quelle solution voyez-vous aux énormes prêts impayés des candidats à la direction?
Je vais commencer par cette question et je vais revenir pour la deuxième.