Je vais d'abord présenter mes collègues. Lyne Robinson-Dalpé est responsable de Conseils et conformité. Eppo Maertens est directeur, Rapports et enquêtes. Nancy Bélanger est avocate générale.
[Français]
Monsieur le président, je tiens tout d'abord à remercier le comité de m'avoir invitée à témoigner devant lui, aujourd'hui.
Je constate que, depuis mon dernier témoignage, en octobre 2010, plusieurs nouveaux membres se sont joints au comité. Je suis confiante dans la bonne poursuite de notre travail ensemble.
Je suis ravie de pouvoir apporter ma contribution à l'examen quinquennal du Code régissant les conflits d’intérêts des députés. Il s'agit d'une excellente occasion d'en évaluer l'efficacité et de l'améliorer.
[Traduction]
J'ai collaboré dans le passé avec le comité afin de proposer certaines modifications, et j'ai été heureuse de constater que plusieurs de celles que j'avais proposées aux dispositions concernant les cadeaux ont été adoptées par la Chambre des communes en juin 2009.
En mars et octobre 2010, j'ai également proposé au comité des modifications ayant trait principalement aux dispositions relatives à la divulgation et au processus d'enquête, en y proposant une ébauche du libellé. Afin d'adopter une approche exhaustive, j'ai intégré ces propositions à mon mémoire.
À la demande du président, j'ai présenté au comité un mémoire que je soumets à votre réflexion, dans lequel je recommande plusieurs modifications au code. Ces propositions visent à renforcer et à clarifier les dispositions du code. Je prévois afficher mon mémoire sur le site Web du commissariat demain. Aujourd'hui, je vous expliquerai pourquoi je formule certaines recommandations, qui sont le fruit de mon expérience sur le plan de l'application du code depuis 2007, et j'en soulignerai plusieurs en particulier.
Je formule plusieurs recommandations en ce qui a trait à l'application du code. J'ai constaté, par exemple, que le code n'impose pas de délai aux députés pour compléter le processus de mise en conformité initiale ou leurs examens annuels, ce qui entraîne parfois des retards de plusieurs mois. Je propose donc que le code soit modifié de manière à prévoir un délai de 120 jours pour compléter le processus de conformité initiale et un délai de 30 jours pour terminer le processus d'examen annuel, tout en laissant au commissaire le pouvoir discrétionnaire d'accorder une prorogation de délai, selon les circonstances.
Ce faisant, on soulignera qu'il est important pour les députés d'être en conformité avec le code dans les délais voulus. De plus, le fait d'inclure une obligation pour chaque nouveau député de rencontrer un représentant du commissariat dans le même délai de 120 jours nous aidera à nous assurer que les députés comprennent bien comment le code s'applique à leur situation personnelle.
Je demande aussi le pouvoir de publier des lignes directrices et des formulaires relatifs au code sans devoir obtenir l'approbation préalable de la Chambre des communes. Ces outils peuvent aider les députés à mieux comprendre leurs obligations en vertu du code, ainsi que faciliter et accélérer les processus administratifs. Cette exigence d'approbation, énoncée à l'article 30, a d'ailleurs entraîné des retards considérables par le passé et, selon moi, elle limite l'indépendance du commissariat. C'est pourquoi je recommande que cette exigence soit supprimée.
Plusieurs autres modifications proposées visent à encourager le respect et l'application des dispositions du code et à les appliquer. Pour veiller à ce que tous les députés s'acquittent de leurs obligations en matière de déclaration, et ce, dans les délais prescrits, je recommande de modifier le code de manière à conférer au commissaire le pouvoir d'imposer une pénalité d'au plus 500 $ pour manquement aux délais de déclaration, comme le prévoit la Loi sur les conflits d'intérêts, et de publier les avis de pénalités correspondants.
J'invite le comité à examiner si le fait d'imposer des sanctions en cas de contraventions aux règles de fond renforcerait cet aspect du code. Selon moi, cette solution transparente et efficace pourrait même remplacer une enquête lorsque les faits ne sont pas contestés. Je propose en outre d'ajouter de nouvelles mesures de conformité en vertu du code. Dans des rapports précédents, j'ai déjà suggéré qu'on interdise aux députés de solliciter personnellement des fonds si l'exercice d'une telle activité les place en situation de conflits d'intérêts. Je pense aussi qu'il faudrait élargir les obligations de divulgation et de récusation de façon à leur interdire de favoriser les intérêts personnels d'un parent ou d'un ami.
Par ailleurs, il faudrait selon moi inclure des critères d'admissibilité applicables aux déplacements parrainés, comme c'est le cas pour les autres cadeaux et avantages. On éviterait ainsi qu'un député accepte un déplacement qui peut raisonnablement donner à penser qu'il a été offert pour l'influencer.
Dans mes recommandations au comité, je propose par ailleurs des modifications aux dispositions relatives à la divulgation et à la déclaration de cadeaux. Malgré les nombreux efforts déployés par le commissariat pour faire connaître aux députés les dispositions sur les cadeaux, j'ai constaté que celles-ci sont encore mal comprises et que les députés ne déclarent pas systématiquement les cadeaux qu'ils reçoivent. Nombre de députés croient à tort qu'un cadeau est automatiquement acceptable si sa valeur n'excède pas 500 $. En fait, la valeur du cadeau ne constitue pas un facteur d'acceptabilité, il ne s'agit que d'un seuil pour la déclaration publique.
J'en suis venue à la conclusion que la meilleure façon de régir l'acceptation des cadeaux et d'autres avantages serait d'abaisser substantiellement le seuil de déclaration publique, puisque les cadeaux et avantages se trouvant sous ce seuil ne pourraient pas être raisonnablement perçus comme étant offerts pour influencer un député. Ainsi, presque tous les cadeaux seraient divulgués au commissariat et rendus publics. Je recommande qu'on fixe le seuil à 30 $. Ainsi, tous les cadeaux de 30 $ ou plus ou ceux d'une même provenance ayant une valeur totale ou supérieure à 30 $ reçus sur une période de 12 mois seraient déclarés au commissariat et, s'ils sont jugés acceptables, seraient rendus publics. C'est ce que je propose d'ajouter.
Je suis consciente que l'écart entre l'actuel seuil de 500 $ et celui de 30 $ que je propose est grand. Je crois que cette modification ferait en sorte que les députés accorderaient plus d'attention à l'acceptabilité des cadeaux qu'ils reçoivent. Cette modification assurerait la transparence et permettrait par le fait même au commissariat d'aider les députés à se conformer à ces dispositions du code. On supposerait qu'un cadeau de moins de 30 $ ne serait pas raisonnablement perçu comme étant offert pour influencer un député. Les cadeaux symboliques de moins de 30 $ ne seraient donc pas assujettis aux critères d'acceptabilité.
Les invitations constituent une forme de cadeaux particulièrement problématique. Il peut s'agir de réunions, de réceptions et de séances d'information où l'on sert à boire ou à manger. La majorité des députés semblent croire que ces cadeaux ne sont pas visés par le code ou pourraient, dans tous les cas, relever de la catégorie des marques d'accueil. Ce n'est pas mon interprétation du code. Je demanderais aux députés de se questionner s'ils souhaitent modifier les règles régissant les invitations aux activités où des repas ou des rafraîchissements sont servis.
[Français]
D'autres recommandations ont pour but d'améliorer les dispositions du code portant sur les enquêtes. Ces modifications visent plusieurs objectifs.
Premièrement, elles me permettraient d'expliquer publiquement les raisons qui me motivent à ne pas mener d'enquête après un examen préliminaire, si la question est déjà du domaine public et si j'estime que c'est dans l'intérêt public.
Deuxièmement, elles exigeraient que les députés qui font une demande d'enquête s'abstiennent de faire des commentaires publics tant que je n'aurai pas confirmé réception de leur demande et avisé le député qui en fait l'objet.
Troisièmement, elles me permettraient d'obtenir les renseignements dont j'ai besoin pour exercer mes fonctions relatives à la conformité et aux enquêtes, en me conférant le pouvoir formel de contraindre les témoins à comparaître et d'exiger la production des documents. Elles me donneraient, en outre, un accès direct aux documents requis de la Chambre des communes.
[Traduction]
Et enfin, j'aimerais que soient modifiées les différentes exigences en matière de procédure en vertu de la loi et du code de manière à me permettre explicitement de produire un seul rapport lorsque j'enquête sur une même affaire en vertu des deux régimes.
Plusieurs autres recommandations que j'ai présentées dans mon mémoire portent sur l'harmonisation de la Loi sur les conflits d'intérêts et du code pour assurer l'uniformité de leur formulation et de leur processus. Le fait que les dispositions des deux régimes se ressemblent sans toutefois être identiques peut porter à confusion, surtout dans le cas de députés qui sont aussi ministres ou secrétaires parlementaires, puisqu'ils sont assujettis aux deux régimes. Je recommande donc que le Parlement examine des façons d'harmoniser ces deux régimes, le cas échéant.
Mes dernières recommandations portent sur la réglementation des intérêts politiques et des comportements partisans.
La conduite politique des politiciens dépasse nettement la portée du code et de la loi. Néanmoins, j'estime qu'il est nécessaire de régler la confusion qui résulte de l'absence de règles claires régissant les aspects éthiques des comportements partisans des politiciens. Je propose que la Chambre des communes envisage de mettre en oeuvre un code distinct pour couvrir la conduite politique des députés et de leur personnel.
Comme je l'ai souligné plus tôt, les modifications que je propose sont fondées sur mon expérience des cinq dernières années. J'ai tenté de soulever et d'aborder les principales difficultés qui m'ont posé des défis dans l'application du Code régissant les conflits d'intérêts des députés.
[Français]
Les réflexions que j'ai livrées aujourd'hui visent essentiellement à souligner certaines des recommandations que j'ai proposées dans mon mémoire.
Ce document explique davantage mes propositions. Si nécessaire, je fournirai avec plaisir au comité une ébauche du libellé pour l'un ou l'autre des aspects que j'ai soulevés là où je ne l'ai pas déjà fait.
Selon moi, si ces modifications sont adoptées, elles permettront à la fois de renforcer le code ainsi que de préserver et d'accroître la confiance du public dans l'intégrité des députés.
[Traduction]
Monsieur le président, j'espère qu'après cette étude, le comité conseillera à la Chambre des communes d'adopter ces recommandations.
Je serai heureuse maintenant de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à Mme Dawson et à son équipe d'être présents aujourd'hui. Merci pour le travail que vous faites pour nous et les efforts que vous déployez pour sensibiliser les députés au code et à ses complexités.
Vous constaterez que la majeure partie de votre rapport fait l'unanimité, à quelques exceptions près.
J'aimerais vous poser des questions au sujet de la recommandation 9. Le fait que je passe directement à celle-là pourrait vous laisser croire que les précédentes ne m'inquiètent pas outre mesure, quoique certains de mes collègues puissent avoir une opinion différente. Mais auparavant, j'aimerais lire une partie du préambule de cette recommandation, car il est important que vous compreniez ma position avant que je vous pose ma question.
Dans votre rapport, vous écrivez ceci:
Le Code permet qu’une personne, une organisation ou un pays finance un déplacement pour qu’un député assiste à une conférence en particulier, fasse la promotion d’une entreprise ou d’un intérêt régional, ou encore visite une région. Ces déplacements parrainés sont expressément exclus des critères d’acceptabilité visés par les dispositions sur les cadeaux. On se trouve ici confronté à un important paradoxe : alors qu’un modeste cadeau offert par une organisation qui cherche à influencer un député ne serait pas acceptable, un voyage dans un pays étranger parrainé par la même organisation serait permis, incontestablement et sans examen rigoureux.
C'est la dernière partie de ce paragraphe avec laquelle je suis en désaccord. À mon avis, ces déplacements font l'objet d'un examen, puisque selon les règles actuelles, tout député qui voyage à l'étranger dans l'exercise de ses fonctions doit présenter, à son retour, un rapport dans un délai prescrit. Dans ce contexte, ce genre de déplacement est clairement soumis à un examen public.
Dans le dernier paragraphe de ce préambule, vous écrivez:
Ajouter des critères d’acceptabilité permettrait de faire taire les inquiétudes quant à savoir si un déplacement parrainé a été offert pour influencer le député dans l’exercice de ses fonctions. Même si un déplacement est jugé acceptable en fonction des nouveaux critères, il est important de continuer la pratique actuelle qui exige que les députés le déclarent publiquement et fournissent les pièces justificatives.
Je suis tout à faire d'accord.
Ce qui m'inquiète de cette recommandation, c'est que ce qui constitue un déplacement à l'étranger semble être très subjectif. J'aimerais savoir quels critères d'acceptabilité vous prévoyez adopter en plus de l'actuelle déclaration publique qui permet à la population d'analyser les déplacements à l'étranger des députés et la raison de ces voyages.
J'aimerais entendre vos réponses à ces premières questions.
Vous avez dit, de bonne foi, que vous êtes disposée à nous proposer de tels critères. Je vais peut-être un peu trop vite, mais je veux que mes inquiétudes face à cette question soient claires, car le libellé me semble très subjectif et il pourrait être difficile de bien saisir le sens de cette recommandation.
:
Je sais que mon collègue, M. Kerr, prendra la parole lors de la deuxième série de questions, alors j'aimerais revenir brièvement sur le point qu'a soulevé Harold concernant le caractère subjectif de certaines de vos recommandations. Dans bien des cas, selon moi, c'est la définition le problème.
Je ne suis pas d'accord avec quelques-unes de vos recommandations, et je vais vous donner deux exemples.
À la recommandation 6, vous écrivez:
Que le Code soit modifié de manière à interdire aux députés de solliciter personnellement des fonds si l’exercice d’une telle activité peut susciter des inquiétudes relatives au favoritisme d’intérêts personnels.
Est-ce que cela empêcherait les députés de participer à des campagnes de financement pour des oeuvres de charité, comme des téléthons? Jusqu'où peut-on aller?
Je vous donne un autre exemple. Celui-ci concerne le terme « ami », dans la recommandation 7. Celle-ci propose:
Que le champ d’application des articles 8, 9 et 10 du Code soit élargi pour qu’il soit désormais interdit aux députés de favoriser les intérêts personnels d’un parent ou d’un ami.
Il est facile de définir le terme « parent », mais comment définir le terme « ami »? Comment établir la différence entre un ami et une connaissance?
Le terme « ami » revient dans la recommandation 8 où il est question de l'interdiction, pour un député, de prendre part, entre autres, à une discussion ou un débat dans lequel un de ses amis a un intérêt personnel.
C'est pratiquement impossible à appliquer. Quelle est la différence entre un ami et une connaissance — ou une personne rencontrée dans le cadre d'une réception?
M. Harold Albrecht: Mes amis du NPD, par exemple.
M. Tom Lukiwski: Comment allez-vous faire pour appliquer cette recommandation alors que c'est presque impossible?