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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 013 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 20 juin 2006

[Enregistrement électronique]

(1555)

[Traduction]

    Comme nous avons le quorum, je déclare la séance ouverte.
    Nous sommes le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous tenons aujourd'hui une séance d'information sur les armes légères.
    Nous somme heureux d'avoir avec nous aujourd'hui des témoins d'un certain nombre d'organismes. Nous souhaitons la bienvenue à Mme Holguin, l'agente de représentation d'Oxfam Québec. Nous souhaitons également la bienvenue à Mark Fried, coordonnateur de communications et plaidoyer à Oxfam Canada. Représentant Amnistie internationale, nous avons avec nous Hilary Homes, responsable de la campagne Justice internationale, sécurité et droits de la personne. Et finalement, de Project Ploughshares, Ken Epps, associé principal de programme.
    Nombre d'entre vous ont déjà comparu devant un comité, donc ce n'est rien de nouveau pour vous. Nous accordons généralement dix minutes à chacun des témoins, puis passons à une période de questions de cinq minutes.
    Nous avons commencé un peu en retard en raison du vote, nous allons donc tenter de prolonger la séance un peu si possible.
    La parole est à vous, madame Homes — à moins que vous ne vouliez commencer, madame Holguin?
    Bienvenue.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je veux d'abord vous remercier d'offrir la possibilité aux membres de la campagne Contrôlez les armes et à Oxfam-Québec d'exprimer leur opinion au sujet de la prolifération des armes et de ce que le Canada peut faire pour contrer cette problématique, à la veille de la Conférence des Nations Unies chargée d'examiner les progrès accomplis dans l'exécution du Programme d'action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects.
    Nous vous avons distribué de la documentation dans laquelle vous trouverez un rapport sur les munitions publié cette semaine, de même qu'un communiqué de presse sur un sondage que nous avons fait dans six pays sur la prolifération des armes et d'autres informations de base sur la campagne Contrôlez les armes et sur la pétition Un million de visages.
    La conférence d'examen des Nations Unies aura lieu du 26 juin au 7 juillet, à New York. Elle évaluera la mise en oeuvre du Programme d'action sur les armes légères accordé en 2001.
    Oxfam-Québec oeuvre dans des pays souvent frappés par des conflits et la violence armée. Notre travail nous a permis de constater que le commerce des armes est hors de contrôle et que le coût humain est immense. Aujourd'hui, on dénombre l'existence de plus de 600 millions d'armes légères dans le monde. De plus, 14 milliards de balles sont fabriquées chaque année, soit plus de deux balles pour chaque homme, femme ou enfant de la planète. Faute de mesures de contrôle adéquates, ces armes et ces balles aboutissent dans des zones de guerre et entre les mains de contrevenants aux droits de la personne.
    En République démocratique du Congo et en Haïti, des partenaires d'Oxfam-Québec nous apprennent que même si ces pays ne produisent pas d'armes, on en retrouve partout sur le territoire. Dans ces pays, la violence armée a contribué à exacerber la pauvreté, la discrimination, les maladies et la malnutrition, et à limiter l'accès aux services sociaux. On constate que chaque année, des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine consacrent en moyenne 22 milliards de dollars à l'achat d'armes. La moitié de cette somme permettrait à chaque enfant de ces régions d'aller à l'école primaire.
    Dans plusieurs pays, Oxfam a aussi constaté que ce sont les femmes et les filles qui subissent le plus durement les répercussions directes et indirectes de la prolifération des armes. Au Darfour et en République démocratique du Congo, le viol est devenu un arme de guerre. À Port-au-Prince, en Haïti, la plupart des viols commis ont lieu sous la menace d'une arme.
    Notre expérience nous a également appris qu'il est possible de réduire la violence armée au moyen du développement et de l'action humanitaire. Au Darfour, dans plusieurs camps de personnes déplacées, nous distribuons du bois pour éviter que les femmes soient forcées de sortir pour en ramasser au risque de se faire violer. Au Cambodge, Oxfam-Québec fournit une formation professionnelle aux victimes des mines antipersonnel afin de leur permettre de gagner leur vie et de se réintégrer à la communauté. Au Nicaragua, nous avons travaillé à la réintégration des ex-combattants. Au Rwanda, nous avons contribué à la prévention des conflits en assurant un meilleur accès à la terre à la population paysanne.
    À Oxfam, nous croyons que le développement ne peut pas être réalisé dans un environnement rendu peu sûr à cause des conflits, de la violence armée et de la prolifération des armes. C'est pourquoi nous avons lancé en 2003, avec Amnistie Internationale et le Réseau d'action international sur les armes légères, la campagne Contrôlez les armes.
    Cette campagne mondiale a pour but d'exhorter les États à conclure un traité international sur le commerce des armes qui régisse toutes les armes conventionnelles. L'adoption d'un traité fondé sur les principes du droit international permettrait de réduire le coût humain des transferts d'armes irresponsables et empêcherait des marchands d'armes sans scrupules de trouver des failles dans le système.
    Près d'un million de personnes dans le monde ont signé la pétition Un million de visages de la campagne Contrôlez les armes. Ces centaines de milliers de personnes, incluant plus de 10 000 Canadiens dont plusieurs députés du Parlement, demandent aux gouvernements de réaliser de réels progrès à la conférence d'examen afin de lutter contre la prolifération des armes légères, véritable fléau pour l'humanité. La pétition Un million de visages sera présentée le 26 juin prochain au secrétaire général des Nations Unies.
    Lors de cette conférence, OXFAM et la campagne Contrôlez les armes s'attendent à ce que les gouvernements intègrent une perspective de développement sur le contrôle des armes et qu'ils s'entendent sur les nouveaux principaux globaux visant à réglementer à la fois le transfert des armes légères et celui des munitions vers des lieux où ils risquent d'alimenter des conflits et d'entraver le développement.
    Nous exhortons le Canada à faire preuve de leadership lors de la conférence d'examen en s'assurant que les principes globaux sur le transfert des armes fassent l'objet de discussions et qu'ils soient inclus dans le document final de la conférence d'examen.
    Finalement, nous demandons au Canada d'appuyer la négociation d'un traité international sur le commerce des armes pour ainsi faire preuve de son engagement envers la paix, le développement et la sécurité humaine.
    Merci.
(1600)

[Traduction]

    Je vous remercie, madame Holguin.
    Madame Homes.
    Je vais parler un peu plus des répercussions qu'ont les armes légères sur les droits de la personne.
    L'approvisionnement en armes est un problème international qui a des conséquences locales. On trouve des armes légères dans tous les pays du monde. Elles sont utilisées dans tous les conflits armés, et de façon exclusive dans la plupart des cas. Malheureusement, les problèmes découlant du commerce non réglementé d'armes ne se limitent pas aux époques de guerre.
    Nous avons été témoins d'abus généralisés des droits humains qui sont à la fois directement et indirectement attribuables à la prolifération des armes. C'est pourquoi Amnistie internationale s'est jointe à ses partenaires du secteur des ONG pour la campagne Contrôlez les armes, que Lina a décrite.
    Lorsqu'elles sont utilisées conformément aux lois internationales, les armes peuvent être utilisées à des fins légitimes, et nous ne contestons pas cela. Mais trop souvent, des embargos internationaux et régionaux sont violés, ou les contrôles des exportations ne fonctionnent pas, et des armes sont utilisées à mauvais escient.
    Les armes, y compris celles recueillies par l'intermédiaire de programmes de DDR (démobilisation, désarmement et réintégration), circulent d'une région à l'autre selon que les conflits se calment ou éclatent.
    Nous avons constaté que la disponibilité des armes contribue à attiser la violence. De nombreuses armes légères peuvent être utilisées par quiconque a un minimum de formation, y compris des enfants soldats. Le manque de formation contribue à la mauvaise utilisation des armes, y compris un usage excessif de la force.
    Plus les armes sont sophistiquées, plus elles sont létales. Quelques personnes bien armées peuvent maintenant causer la mort, des blessures et la peur à très grande échelle. Il est de plus en plus facile de tuer; on peut y arriver d'une plus longue distance, avec plus d'indifférence et avec moins d'efforts. Ce fait est illustré de façon convaincante dans les conflits armés qui persistent souvent après que le conflit ait officiellement pris fin, lorsque la sécurité est toujours difficile à assurer.
    Les armes demeurent ou tombent entre de mauvaises mains — qu'il s'agisse de criminels, de seigneurs de guerre, de rebelles, d'agences de sécurité privées en pleine expansion ou de dirigeants corrompus au sein des forces de sécurité d'État. Dans ce contexte, il est difficile de convaincre les gens de remettre leurs armes, puisqu'il s'agit pour eux de la seule façon d'assurer leur sécurité.
    La culture de la violence favorise la violence. Ça devient vraiment un cercle vicieux, puisque les gens décident de régler eux-mêmes leurs comptes. Bref, les armes qui se trouvent entre de mauvaises mains ne font rien pour aider la situation des droits de la personne et favoriser le développement. Au lieu de promouvoir le dialogue et la tolérance, elles favorisent les tensions et la poursuite des hostilités.
    Je vais vous faire part de quelques données concernant la violation des droits de la personne.
    On estime que plus d'un demi-million de civils meurent chaque année en raison de la mauvaise utilisation d'armes conventionnelles, ce qui représente une personne chaque minute. Davantage de gens sont tués ou blessés par des armes légères que par des armes lourdes.
    Bien qu'on s'attarde souvent aux décès et aux blessures attribuables aux armes légères, les répercussions en matière de droits de la personne sont en fait d'une beaucoup plus grande portée. Les armes servent à la torture, soit littéralement, soit par la menace de l'utilisation de la force au moyen d'armes légères.
    La violence sexuelle armée est répandue dans les milieux lourdement armés. Les armes peuvent faciliter le viol systématique, comme Lina l'a mentionné dans le contexte du Darfour. C'est un crime de guerre qui est utilisé pour accélérer l'expulsion de groupes nationaux, en dégradant les femmes et en propageant la terreur, la peur et l'humiliation dans la population en général.
    Les personnes qui se retrouvent dans des camps de réfugiés ou dans des camps pour personnes déplacées vivent continuellement dans la peur et la violence armée, parce que de nombreux camps sont de plus en plus militarisés. Ils servent souvent de plaque tournante pour le trafic d'armes ou comme bassin de recrutement pour les forces rebelles ou les forces nationales.
    Les armes légères sont aussi la cause de milliers de disparitions partout dans le monde. Par exemple, dans l'ex-Yougoslavie, plus de 20 000 personnes manquent toujours à l'appel. Dans ce contexte, des armes légères ont été utilisées pour faciliter leur disparition.
    Des militants politiques, des journalistes, des syndicalistes et des manifestants pacifiques sont fréquemment attaqués par des gouvernements ou d'autres forces armées en vue de les priver de leur liberté d'expression et d'association. Par exemple, des élections ont été perturbées par la violence armée au Zimbabwe, au Cachemire et dans plusieurs autres pays.
    Lorsqu'elles se retrouvent entre de mauvaises mains, les armes ont aussi des conséquences pour de nombreux droits sociaux et économiques. Elles empêchent l'accès aux hôpitaux et aux terres fertiles, ce qui a des conséquences pour les moyens de subsistance, l'éducation et les marchés.
    Dans ce contexte, on constate des effets à court terme, comme la malnutrition et un taux plus élevé de mortalité juvénile. À long terme, on constate un plus haut taux d'analphabétisme, ainsi que des risques plus élevés d'épidémie, de pauvreté et de mauvaise gouvernance.
    Enfin, la violence armée ou la menace de violence armée empêche l'aide d'atteindre les gens qui en ont le plus besoin.
    Les parties en conflit peuvent délibérément bloquer l'aide humanitaire et se servir de la nourriture ou des fournitures médicales comme tactique militaire. Parfois, les personnes qui travaillent pour les organismes humanitaires, leurs convois, leurs bureaux et leurs programmes sont expressément ciblés. La situation qui prévaut actuellement au Darfour illustre bien ce phénomène. Évidemment, je pourrais vous dresser une très longue liste.
    Je vais donner la parole à Ken; il vous parlera des solutions que nous proposons.
(1605)
    Je remercie le comité de nous avoir invités à faire une présentation ici cet après-midi.
    Project Ploughshares est un centre de paix oecuménique du Conseil canadien des Églises, qui est basé à Waterloo. Nous tentons de faire adopter des contrôles plus stricts pour le commerce international des armes depuis que notre organisme a été fondé il y a 30 ans. Nous faisons partie des membres fondateurs de la campagne Contrôlez les armes.
    Project Ploughshares publie notamment un rapport annuel sur les conflits armés. La dernière édition de ce rapport fera état en 2005 de 32 conflits armés dans 27 pays dans le monde. Grâce à nos recherches sur les conflits, nous savons que les transferts irresponsables d'armes favorisent les conflits. Ils augmentent l'incidence des conflits, ils prolongent les guerres une fois que celles-ci éclatent, augmentent la létalité et aggravent les coûts humains et environnementaux de la guerre. Tel que noté par ma collègue aujourd'hui, le commerce irresponsable d'armes mine le développement et favorise la violation des droits de la personne dans le monde.
    Malgré les graves répercussions du commerce des armes, surtout le commerce d'armes légères et d'armes de petit calibre, il n'y a pas d'ententes mondiales pour contrôler les transferts d'armes conventionnelles. Comme les gouvernements sont les principaux responsables du commerce des armes, il leur revient donc de s'entendre sur les contrôles appropriés. La campagne Contrôlez les armes demande aux gouvernements, y compris celui du Canada, de prendre des mesures, et ce, à deux niveaux.
    D'abord, à la Conférence d'examen de l'ONU sur les armes légères — dont on a parlé plus tôt — qui s'ouvre à New York le 26 juin, les gouvernements doivent s'entendre sur une série de principes universels pour régir l'autorisation de transferts d'armes légères par chaque État. Ces principes devraient être fondés sur les responsabilités actuelles des États en vertu du droit international humanitaire et des droits de la personne. Ces principes, une fois intégrés au programme d'action de l'ONU sur les armes légères, exigeraient que tous les gouvernements respectent les mêmes normes lorsqu'ils approuvent le transfert d'armes légères.
    Deuxièmement, la campagne exige des gouvernements qu'ils entament des négociations relativement à un traité sur le transfert de toutes les armes conventionnelles, préférablement au moyen d'une résolution de la Première Commission des Nations Unies plus tard cette année. À titre de traité, la convention serait obligatoire en droit pour tous les États. Avec l'aide d'experts juridiques internationaux, la campagne Contrôlez les armes a rédigé une ébauche de traité, que nous appelons « Traité sur le commerce des armes », qui est fondé sur les mêmes principes généraux que nous défendons pour la Conférence d'examen de l'ONU.
    Il convient de signaler que nous considérons ces deux pistes séparées mais complémentaires. On s'attend à ce que la convention sur le commerce de toute arme conventionnelle, obligatoire en droit, comporte la mise sur pied d'un nouveau processus à l'ONU, et un traité sur le commerce des armes pourrait prendre des années à négocier. Entre-temps, nous voulons que les gouvernements prennent des mesures relativement aux transferts d'armes légères et d'armes de petit calibre dans le cadre du processus actuel sur les armes légères — d'où l'attention portée par la campagne Contrôlez les armes à l'égard de l'introduction de principes universels régissant les transferts dans le programme d'action de l'ONU sur les armes légères. De plus, si de tels principes étaient adoptés à la Conférence d'examen qui commence la semaine prochaine, on augmenterait les chances de voir ces mêmes principes adoptés dans le cadre des négociations pour une convention sur les transferts d'armes.
    Les ONG canadiennes qui participent à la campagne Contrôlez les armes demandent au Canada de faire preuve de leadership à ces deux égards. Nous exhortons le Canada à faire pression pour l'adoption de principes de transferts universels à la Conférence d'examen de l'ONU et à coparrainer une résolution de la Première Commission de l'ONU en octobre afin que commencent les négociations en vue de l'adoption d'un traité sur le commerce des armes.
    Nous avons été très heureux d'apprendre que la semaine dernière, le comité permanent a approuvé une motion demandant au gouvernement d'appuyer ces deux initiatives.
    Le Canada est bien placé pour assurer le leadership du contrôle du transfert des armes parce qu'il adhère déjà à plusieurs ententes et conventions multilatérales qui, prises ensemble, font en sorte que le Canada adhère aux principes de base du traité sur le commerce des armes proposé. Parmi ces ententes et conventions, on compte le Code de conduite européen sur le transfert des armes, auquel le Canada a adhéré en principe, et la Convention interaméricaine sur la transparence des transferts internationaux d'armes classiques, qui oblige légalement le Canada à rendre compte de ses exportations et de ses importations d'armes chaque année. Le Canada demanderait donc à d'autres États de prendre des engagements qu'il a déjà pris et d'adopter des normes qu'il respecte déjà.
    Du même coup, pour renforcer un appel à des normes universelles plus strictes pour le transfert d'armes conventionnelles, le Canada doit apporter des améliorations à ses propres contrôles à l'exportation. En effet, bien que les contrôles à l'exportation militaire canadiens soient plus sévères que ceux de nombreux autres pays, ils ne respectent actuellement pas toutes les normes de ses engagements multilatéraux. En particulier, le Canada doit adopter des critères de contrôle à l'exportation d'armes qui reconnaissent et respectent ses responsabilités en vertu du droit international, comme son obligation de prévenir les génocides et les crimes contre l'humanité.
(1610)
    Le Canada pourrait aussi apporter des améliorations importantes concernant la transparence de ses exportations d'armes, y compris un rapport plus détaillé et plus officiel sur l'exportation de matériel militaire. On s'inquiète qu'un pays comme le Canada qui défend le contrôle des armes ait soumis son dernier rapport sur les exportations d'armes en 2002.
    Ce qui importe peut-être le plus, c'est que le Canada corrige les plus importantes lacunes de ses contrôles d'exportation d'armes en exigeant des permis d'exportation et en documentant la vente de matériel militaire aux États-Unis. Les États-Unis sont de loin le plus important marché d'exportation militaire pour le Canada, mais ce fait ne figure actuellement pas dans la documentation officielle sur les ventes d'armes canadiennes.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent, la campagne Contrôlez les armes a réuni des centaines d'organisations de la société civile et un million de personnes partout dans le monde, qui demandent que des mesures soient prises en ce qui a trait au fléau mondial que représente le transfert irresponsable d'armes. Nous croyons qu'il est temps que le Canada travaille avec d'autres gouvernements à cette fin.
    Nous vous remercions.
    Nous vous remercions, monsieur Epps.
    Nous remercions tous nos témoins.
    Nous allons commencer du côté de l'opposition.
    Monsieur Wilfert, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, j'imagine que vous êtes intervenus auprès du gouvernement. Quelle réponse avez-vous obtenue, le cas échéant, relativement à votre proposition?
    Nous sommes en effet intervenus. En particulier, nombre de nos membres et d'autres Canadiens d'un bout à l'autre du pays ont envoyé un courriel en guise de pétition pour demander au gouvernement canadien d'adopter le processus à deux volets dont on vous a parlé plus tôt.
    Aux dernières nouvelles, je crois que plus de trois mille Canadiens avaient signé la pétition et demandé ce genre d'actions. Par ce moyen, nous avons certainement fait connaître le genre de mesures que nous aimerions voir le gouvernement canadien prendre.
    Chacun de nos organismes ou dirigeants d'organismes a écrit directement au premier ministre.
    Et quel genre de réponse avez-vous reçue, le cas échéant, jusqu'à maintenant?
    Jusqu'à maintenant, nous n'avons reçu aucune réponse officielle du gouvernement, bien que nous nous attendions à en recevoir une. Le ministre n'a pas encore eu l'occasion de nous rencontrer. Nous avons demandé une rencontre.
    Monsieur le président, nous savons que lorsque le Canada s'y est mis, il a fait preuve d'un excellent leadership sur la question des mines antipersonnel. La convention d'Ottawa a justement fait cela par le passé, et il semble clair que vous vous attendez au même genre de leadership sur la question du traité international sur le commerce des armes.
    Nous parlons d'armes nucléaires, et nous parlons aussi d'autres types d'armes. Mais je crois que le chiffre que vous avez donné plus tôt, soit 600 millions, ou une pour 10 personnes, est probablement le plus alarmant et mène évidemment au genre d'instabilité dont nous sommes témoins en Afrique occidentale, notamment.
    Pouvez-vous me dire par exemple quels genres de mesures vous aimeriez voir dans le traité? À quel genre de consensus vous attendez-vous, le cas échéant? J'ai rencontré certains représentants par le passé. Êtes-vous en mesure de nous parler d'un consensus international par rapport à ces mesures?
    Jusqu'à maintenant, 45 pays appuient l'idée de négocier un traité sur le commerce des armes. Il y a aussi un certain nombre de pays — je crois qu'ils sont au nombre de 68 — qui ont donné leur aval à l'idée de principes universels sur le transfert. Oui, il y a entente.
    Je crois que vous avez une liste des principes universels dont nous parlons.
(1615)
    Oui, je l'ai vue.
    Comme je l'ai dit, ces principes ont été rédigés avec l'aide d'experts juridiques internationaux qui se sont fondés sur les lois internationales actuelles.
    Il y a un point fondamental que nous voulons faire comprendre concernant ces principes et le traité sur le commerce des armes plus généralement: essentiellement, nous demandons aux États de respecter les engagement actuels en vertu des lois internationales. Nous ne demandons rien de plus. Nous leur demandons de tenir compte de leurs engagements lorsqu'ils prennent des décisions sur l'exportation d'armes.
    De notre point de vue, nous ne demandons rien aux États au-delà de ce à quoi ils se sont déjà engagés. Il s'agit simplement de le signaler et, espérons-le, de reconnaître qu'il s'agit d'un processus important qui doit être entrepris.
    Compte tenu du fait que tous les États agissent dans l'intérêt national et compte tenu du fait que vous leur demandez d'assumer les engagements que nombre d'entre eux ont déjà pris en principe, selon vous, qu'est-ce qui explique ce manquement?
    Je pense que cela pourrait faire l'objet d'une longue discussion. Il y a de nombreux éléments, mais un élément est certainement le fait que les négociations sur le contrôle des armes ont toujours été difficiles pour les États, étant donné que ces négociations sont fondamentales pour ces derniers. Les États se méfient donc d'une certaine façon de tout ce qui est présenté par la société civile lors de ce forum car ils considèrent que cela empiète sur les questions typiques qu'ils négocient eux-mêmes.
    Je pense que les intérêts de l'industrie peuvent également être problématiques. Nous savons que le commerce mondial des armes à l'heure actuelle est en fait à la hausse, selon les derniers résultats publiés par le Stockholm International Peace Research Institute. Il se chiffre actuellement à environ 50 milliards de dollars par an. Donc, une industrie importante et des intérêts économiques considérables sont en jeu.
    Nous savons qu'il y a des intérêts politiques en jeu. Pendant longtemps, particulièrement pendant la guerre froide, les armements étaient considérés comme une façon d'influencer d'autres États. Pendant la guerre froide, naturellement, elles ont été utiles à tout le système des pays satellites, et je pense qu'il en reste encore quelque chose.
    Il y a un certain nombre de différentes possibilités, et je n'en ai mentionné que quelques-unes.
    Monsieur Patry, juste une observation, s'il vous plaît. Vous n'aurez pas le temps de poser une question.
    Je voudrais faire une petite observation, car je lisais que bien que vous ayez visé un million de signatures, vous n'en avez recueilli que 12 000 au Canada, n'est-ce pas?
    Pour ma part, je suis prêt à signer aujourd'hui, et peut-être que tous les membres du comité le seront également. Voilà ce que je voulais dire.
    Merci, monsieur Patry.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Nous l'avons fait. Allez faire prendre votre photo. Il ne fait aucun doute qu'on pourrait faire une campagne d'appui plus large.
    Ma question s'inscrit dans la foulée de la dernière question posée et de la réponse de M. Epps. Il est certain que les États, et particulièrement les plus puissants, considèrent que le transfert d'armes est un élément de leur politique étrangère. C'est évident. Comment vous attaquez-vous au stock absolument faramineux qui existe en ce moment? Je n'ai pas eu le temps de lire toutes les lignes de votre document, mais le stock d'armes actuel constitue un énorme problème, et il faut éviter de l'amplifier. Vous faites des propositions et celles-ci devraient être inscrites dans un traité, mais que doit-on faire des armes qui sont actuellement en circulation?

[Traduction]

    Certainement en ce qui concerne le programme d'action sur les armes légères et de petit calibre en particulier, on accorde une attention particulière à la question de la constitution de réserves et à la nécessité de s'assurer que ces réserves sont bien réglementées et contrôlées et qu'il n'y a pas de fuite du côté illicite du commerce des armes. Un problème auquel je ne pense pas que l'on s'est attaqué et auquel il faut s'attaquer, comme vous l'avez souligné, est celui des armes excédentaires que l'on a eu encore une fois tendance à transférer particulièrement à la fin de la guerre froide. On n'a pas accordé suffisamment d'attention à la destruction de ces armes excédentaires, et à mon avis, il faudrait le faire davantage.
    Par le passé, la tradition voulait, lorsqu'on achetait de nouvelles armes, qu'on les transfère aux anciens systèmes. Je pense que nous devons à un moment donné rompre ce cycle afin que les États en particulier comprennent qu'au cours du processus d'élimination des armes qui sont problématiques, ils doivent les détruire lorsqu'ils ont cessé de les utiliser et ne pas les transférer à d'autres.
(1620)
    Ce que je voudrais ajouter, c'est que nous savons que dans ce contexte et dans plusieurs autres, dans certains pays la capacité d'aide technique pour le faire est vraiment un problème, que ce soit tout simplement d'avoir la capacité de bien administrer les programmes de démobilisation, de désarmement et de réinsertion et de recueillir les armes en premier lieu, et de protéger ces réserves, mais aussi de suivre un processus qui permet vraiment de détruire adéquatement les armes. Certains pays n'ont pas cette capacité. L'une des raisons, voyez-vous, pour lesquelles dans une région comme celle de l'Afrique occidentale, les armes continuent de circuler, c'est que les armes qui sont recueillies ne restent pas toujours là où elles sont censées rester jusqu'à ce qu'elles soient détruites ou qu'on en dispose autrement.

[Français]

    Quand nous parlons de l'importance de faire le lien entre le développement et la question de la prolifération des armes, cela veut dire qu'il faut faire plus d'investissements dans les programmes d'éradication de la pauvreté et tenir compte de la présence d'armes. Quand on parle de développement, il faut tenir compte de cela et appuyer les initiatives au niveau communautaire, au niveau local qui s'attaquent à ces problèmes.
    En Haïti, par exemple, l'un des problèmes majeurs depuis 1994 —  et on ne l'a jamais réglé —, c'est justement qu'il y a toujours de plus en plus armes qui alimentent les conflits et les bandits. Pourtant, on n'a jamais établi de programme sérieux de désarmement. Un programme sérieux pourrait permettre aux gens de gagner leur vie autrement qu'en volant et en se servant de leurs armes.
    On peut penser que cela fait partie de la problématique que vous exposez.

[Traduction]

    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter qu'un élément positif dans tout cela c'est que les pays d'Afrique occidentale ont fait des efforts pour déclarer leur propre moratoire sur la production et l'importation d'armes, d'armes légères et de petit calibre. Ils viennent tout juste de prendre cette mesure permanente, et nous nous en réjouissons. C'est un exemple pour le reste des pays en développement. Je dirais même pour le monde entier.
    Très bien. Merci.
    Monsieur Van Loan.
    Merci beaucoup.
    La position du gouvernement a été remise en question. Pour que ce soit bien clair pour tout le monde, le Bloc a posé des questions à ce sujet à quelques reprises à la Chambre, et nous avons dit très clairement que notre gouvernement était manifestement intéressé à conclure un traité sur les armes légères et de petit calibre, si cela est possible. Le gouvernement tentera d'en arriver à une telle entente en juin lors de l'examen du programme d'action.
    Évidemment, nous considérons que le fait que les armes légères soient faciles à trouver dans les régions où il y a des conflits, les points chauds du globe, constitue un problème important. Tout ce qui peut être fait pour réduire cela est positif. Naturellement, je n'ai pas besoin de vous parler de bon nombre de problèmes sur le plan pratique pour faire signer ce genre de traité à certains pays.
    C'est une chose que de faire signer les bons, mais lorsque les méchants ne veulent pas signer, le commerce illicite continue. Dans ce cas-ci, il n'y a pas seulement le commerce illicite des États, mais il y a aussi de nombreux particuliers qui font du commerce illicite. Le Canada ne peut même pas contrôler le commerce illicite des armes légères au Canada par le crime organisé. Nous entrevoyons donc des problèmes à ce niveau également. Tous ces problèmes sont des problèmes d'ordre pratique.
    J'avais espéré que vous pourriez me donner un peu d'espoir en me disant que grâce au programme d'action de 2001, il sera possible de surmonter ces problèmes ou tout au moins de faire des progrès. Pouvez-vous nous parler des succès de ce programme, de quelle façon ce programme a permis que de bonnes choses se produisent dans le monde?
    Je peux vous donner un exemple très précis, car c'en est un auquel a participé Project Ploughshares. La déclaration de Nairobi et le processus de protocole qui ont émergé essentiellement depuis 2001 ont permis de faire en sorte que les pays d'Afrique orientale et de la Corne de l'Afrique examinent ensemble une approche régionale pour régler le problème des armes légères et de petit calibre. Cela leur a permis de mettre en place certaines normes sur le mouvement des armes dans leur région.
    Ils ont maintenant une série de centres de coordination nationaux au sein de leurs gouvernements, ce qu'ils n'avaient pas avant 2001, où des gens se voient explicitement confier la tâche de surveiller certains aspects des armes légères qui correspondent aux engagements pris aux termes du programme d'action. Il y a également un bureau régional qui communique avec tous ces points de coordination nationaux. Il y a un réseau des sociétés civiles qui suit et surveille comment ces centres de coordination nationaux et le bureau régional fonctionnent, ce qui est également très important, je pense.
    À mon avis, il y a maintenant un certain nombre de groupes qui ont une certaine expérience des questions liées à l'armement, groupes qui n'existaient pas il y a quelques années et qui commencent à travailler avec les gouvernements locaux pour s'attaquer au problème des armes légères. C'est donc là un exemple très précis de progrès accomplis depuis 2001.
(1625)
    Monsieur Obhrai.
    Nonobstant la position du gouvernement, il sera intéressant de voir comment vous pourriez y arriver. Ce qui est préoccupant, ce sont les régimes répressifs et d'autres qui utilisent le contrôle des armes légères pour faire davantage de répression.
    Quelles mesures ont été mises en place afin de s'assurer que le pendule ne repart pas de l'autre côté? C'est très bien de dire que nous aurons une convention des Nations Unies sur les armes légères. Tout le monde est d'accord avec cela. Vous avez souligné, avec raison, tous les dommages que cela fait et les conflits que cela cause. Nous ne voulons pas cependant que le pendule reparte légèrement de l'autre côté; nous ne voulons pas que les régimes oppressifs l'utilisent. Quelles sont les mesures que vous proposez ou que vous pensez que ce groupe peut proposer pour s'assurer que nous avons un bon régime de contrôle des armements, non pas un régime qui puisse être piraté?
    Je me demande si j’ai bien compris votre question. Vous laissez entendre que ceux qui vivent sous un régime répressif devraient obtenir des armes pour se rebeller et se battre contre une révolution violente?
    Non. Je demande… Voyez-vous, toutes choses étant équitables, on peut utiliser exactement ce que vous avez dit, mais ce n’est pas ce que je tente de dire. Ce que je veux savoir, c’est quelles sont les mesures de protection qui ont été prises. Soyons réalistes: nous ne vivons pas dans un monde idéal; nous savons que cela peut être utilisé. Quelles sont les mesures qui ont été prises dans le cadre de cette entente sur le contrôle des armements afin qu’elles ne puissent être utilisées à des fins de répression?
    Ces principes universels permettraient d’établir une norme internationale que les gouvernementaux nationaux seraient tenus de respecter. Ils ne seraient tenus de la respecter que dans la mesure où leurs citoyens, les citoyens de leur propre pays, les en tiendront responsables. Les normes mondiales seront un outil qui permettra au mouvement des sociétés civiles de chaque pays d’insister pour que leurs gouvernements respectent ces ententes. La seule vraie garantie est un mouvement de citoyens forts qui insistent pour qu’il n’y ait plus d’armes, qui insistent pour qu’il y ait un certain contrôle de ces armes. Cela fait partie du travail auquel nous participons, en appuyant les organisations étrangères dans cet effort.
    Merci, monsieur Fried.
    Madame McDonough.
    Merci, monsieur le président. Je sais que nous n’avons pas beaucoup de temps.
    Je voudrais féliciter les trois groupes, Oxfam, Amnistie internationale et Project Ploughshares, pour l’excellent leadership dont ils font preuve pour sensibiliser la population.
    J’aurais quelques petites questions, et je sais que nous devons conclure.
    En ce qui concerne la conférence d’examen des Nations Unies qui aura lieu sous peu, y a-t-il une composante ONG, comme c’est habituellement le cas lors de la plupart des conférences des Nations Unies comme celle-ci, et est-ce que vos quatre organisations seront représentées?
    Ensuite, à la suite de la conférence de 2001, le gouvernement canadien a présenté comme d’habitude son rapport pour donner sa position actuelle. Je sais que je devrais vraiment poser cette question au gouvernement, mais je ne peux le lui demander, alors je vais vous demander si vous avez été consultés à cet égard, ce qui est également une approche assez traditionnelle.
    Corrigez-moi si je me trompe, mais je ne pense pas que le Canada soit un gros fabricant d’armes légères et de petit calibre. Je crois cependant que nous sommes un gros fabricant de balles. Donc je me demandais tout simplement si vous pouviez nous parler de cette question, et nous dire si les munitions font vraiment partie de la discussion au sujet des traités et des contrôles, et s’il y a des choses que le Canada devrait prendre plus au sérieux à cet égard.
    Enfin, je me demande si vous pourriez fournir davantage d’information à notre comité. Vous avez dit brièvement que les exportations canadiennes vers les États-Unis échappent à toute transparence, et cela me préoccupe beaucoup. J’aimerais que vous nous en parliez davantage et que vous nous éclairiez le plus possible à ce sujet.
(1630)
    En ce qui concerne la présence des ONG aux Nations Unies, oui, il y aura une présence énorme des ONG de tous les différents membres du RAIAL et des représentants de nombreuses organisations. Je serai là pour représenter Oxfam Québec et Oxfam Canada. Il y aura de nombreuses ONG d’un peu partout dans le monde et il y aura de nombreuses activités.
    Comme je l’ai dit dans mes observations liminaires, nous allons présenter la pétition Un million de visages. Je n’ai pas le temps de la distribuer, mais voici la partie 10 000 visages du Canada pour Kofi Annan.
    Vous devrez me rappeler certaines des questions, en commençant par les exportations vers les États-Unis. Vous vouliez plus de détails à ce sujet?
    Pourriez-vous nous parler davantage de la transparence et de la divulgation de cette information? Et si vous pouviez avoir davantage d’information, pourriez-vous la faire parvenir à notre comité par écrit?
    Il existe une entente spéciale entre le Canada et les États-Unis pour le commerce militaire. Aucun permis d’exportation n’est donc nécessaire pour le transfert de biens militaires d’un pays à l’autre. Comme le processus actuel de surveillance des exportations d’armements au Canada dépend de la surveillance des permis d’exportation, ce commerce en particulier ne peut être surveillé.
    Project Ploughshares a tenté d’évaluer ce commerce, en se fondant sur d’autres sources, notamment la Corporation commerciale canadienne, qui sert d’intermédiaire pour un grand nombre de contrats pour les échanges de biens militaires entre le Canada et les États-Unis. C’est pour cette raison que nous savons que ces exportations représentent une partie importante du commerce canadien. Selon nos estimations, ces échanges représentent environ le double du volume des échanges vers tous les autres pays combinés, de sorte qu’il s’agit là d’une composante très importante des échanges pour le Canada.
    Pour ce qui est des balles et des munitions, nous aimerions certainement que ces derniers soient visés par un traité sur le commerce des armes, et qu’il y ait également une entente sur les transferts d'armes légères. À l’heure actuelle, cela ne fait pas partie des négociations dans le cadre du processus de l’ONU, mais il y a des gouvernements — et certainement des ONG — qui aimeraient que cela fasse à nouveau partie des négociations et que cette question soit réglée.
    Pour ce qui est de la participation des ONG au rapport du comité national et au compte rendu du Canada au sujet des engagements qui ont été pris en vertu du programme d’action, oui, nous avons participé à ce processus. En fait, nos trois organismes ont été représentés à la réunion du comité national, et nous avons pu participer. Cette tradition est maintenue.
    Mais à ce moment-ci, savez-vous ce que contiendront le rapport et les recommandations du gouvernement canadien, ou est-ce que vous irez à la conférence d’examen pour le savoir?
    C’est une bonne question, mais c’est une question à laquelle je n’ai pas de réponse complète. Nous avons certainement vu l’ébauche de rapport dans le cadre de ce processus, et nous croyons comprendre que des amendements seront apportés à cette ébauche de rapport, quoique ce ne sera pas là des amendements majeurs. Nous n’avons pas en fait vu le document final. Je ne peux que supposer qu’il sera déposé à la conférence d’examen.
(1635)
    Monsieur Goldring.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre exposé.
    Lorsque vous parlez en même temps du Canada, du Guatemala et d’Haïti, et que vous parlez des problèmes concernant les armes -- selon vos statistiques, 68 p. 100 des Canadiens, ou 92 p. 100, pensent qu’il devrait y avoir un meilleur contrôle des armes, même au Canada. Je pense qu’on ne peut pas faire de comparaison entre ces trois pays. Ici au Canada, nous avons des lois très strictes en ce qui concerne les permis d’armes à feu, la formation nécessaire pour tenir une arme à feu, et nous avons des limites car il n’est pas possible d’avoir une arme automatique à moins de détenir un permis spécifique. Lorsque vous dites que six personnes sur dix pensent qu’il est trop facile d’obtenir une arme au Canada, voulez-vous parler de l’obtention d’une arme à feu légale ou illégale?
    Je me ferai un plaisir de répondre à cette question, car c’est un sondage que nous avons demandé. Nous avons fait un sondage d’opinion pour savoir ce que les gens pensaient. Je présume qu’on veut parler de l’obtention légale et illégale, mais les gens estiment qu’il est trop facile d’obtenir une arme. Dans chacun de ces pays, la grande majorité des gens estimaient qu’il était trop facile d’obtenir une arme.
    Je pense que vous savez que nous reconnaissons tout à fait qu’il est nécessaire de réduire le nombre d’armes à feu illégales qui traversent la frontière.
    Par ailleurs, lorsque vous parlez de votre deuxième principe accepté, notamment « l’interdiction de l’utilisation d’armes qui sont de nature à causer un tort superflu ou une souffrance inutile », ou « l’interdiction d’armes qui sont incapables de faire la distinction entre les combattants et les civils », ne s’agit-il pas là de toute forme de fusils, de fusils de chasse, d’armes de poing, de pistolets et est-ce que cela ne se limite pas uniquement aux armes d’assaut de style militaire? Vous parlez en fait d’une quasi-interdiction de toute forme d’arme à feu qui est fabriquée.
    Tout d’abord, nous ne parlons pas d’une interdiction de la fabrication d'armes; nous parlons de la réglementation du transfert d’armes.
    Le transport et l’expédition entre pays.
    Nous disons que pour les armes qui vont à l’encontre du droit humanitaire international, ce qui s’applique plus particulièrement aux situations de conflit, le transfert de ces types d’armes devrait être réglementé dans des situations de conflit.
    Lorsque des sportifs canadiens veulent acheter de nouveaux fusils de chasse, ou des fusils pour chasser le chevreuil — naturellement, ces fusils sont importés d’autres pays — cela ne s’applique pas aux autres pays qui expédient ces armes sportives au Canada?
    Je suis assez certain que tout principe mondial qui serait adopté permettrait aux chasseurs d’obtenir les fusils qu’ils veulent acheter.
    Par ailleurs, Oxfam a participé au cadre de coopération intérimaire en Haïti. Cela s’est fait il y a plusieurs années, en 2004. À l’époque, ce cadre prévoyait le désarmement et qu’environ 25 000 armes seraient recueillies et détruites. Avez-vous une idée du nombre d’armes qui ont en fait été recueillies et détruites? À votre avis, est-ce que des progrès ont été accomplis à cet égard?
    Nous devrons vous obtenir cette information.
    Pouvons-nous supposer qu’il n’y en a pas beaucoup qui ont été recueillies et détruites?
    Le savez-vous?
    Je n’ai pas de réponse à cette question.
    Combien y aurait-il de fusils et d’armes d’assaut en Haïti, selon les estimations? Avez-vous une idée du nombre de fusils et d’armes d’assaut pour d’autres régions du monde?
    Il y en a beaucoup. Je n’ai pas les chiffres devant moi, mais il y a certainement beaucoup d’armes.
    Si on parle du même nombre dont vous avez parlé auparavant, c’est-à-dire une arme pour dix personnes, cela voudrait dire qu’il y en aurait 800 000 là-bas, et si on en enlève 5 000, ce n’est vraiment pas grand-chose, n’est-ce pas?
    Nous avons publié notre rapport en janvier pour Haïti et la présence d’armes là-bas. Malheureusement, je ne me souviens pas du nombre d’armes dont on parle dans ce rapport, mais je peux certainement vous faire parvenir le rapport que nous avons produit au sujet d’Haïti.
    Si le nombre d’armes est aussi élevé, produire un rapport dont l’objectif est d’en éliminer seulement 25 000 ne changerait pas grand-chose à la situation là-bas.
    C’est un défi de commencer à désarmer et à recueillir ces armes, particulièrement dans un contexte comme celui-là, où la capacité est un problème.
    Je rappelle aux gens, dans le contexte de la campagne des mines antipersonnel qu’on a mentionné précédemment, étant donné l’ampleur des mines antipersonnel dans le monde, cela signifiait qu’il faudrait un certain temps avant de pouvoir commencer à les éradiquer. Initialement, des objectifs particuliers ont été établis pour démontrer qu’il y avait une volonté politique pour mettre en place la capacité.
    Je pense que lorsqu’on regarde les choses dans un contexte comme celui d’Haïti, cela ne va pas se faire du jour au lendemain, mais il est important d’avoir ces repères. Nous pouvons dire que des progrès sont finalement accomplis, en ce sens qu’il y a enfin une capacité et une volonté politique. Cela va commencer par une petite quantité d’armes, et cela pose un défi particulièrement important étant donné le contexte national.
(1640)
    Monsieur Fried.
    Je pense qu’il est important de ne pas se laisser impressionner par les chiffres et par la taille du problème. Nous n’allons pas régler ce problème à la conférence des Nations Unies, mais nous avons une occasion unique de faire des progrès, de commencer à établir des normes qui pourront ensuite être respectées. Je pense que cela nous permet de faire un pas dans la bonne direction pour que nous puissions commencer à nous attaquer au problème. C’est un problème énorme, mais nous devons faire des progrès, et nous avons là une occasion unique de le faire.
    Merci.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, je pense qu'on parle d'un problème que le comité examine depuis un certain temps en ce qui concerne Haïti, et on nous a dit que l'un des principaux problèmes qu'ils ont là-bas, c'est un problème d'ordre et d'armes dans des endroits comme Cité Soleil. Selon ce que nous ont dit les policiers, il y a très peu de progrès qui sont accomplis sur le plan du désarmement. C'est pour cette raison qu'il y a un certain sentiment de frustration à cet égard, et il se trouve que vous êtes justement tombés sur ce problème.
    Malheureusement, votre temps est écoulé.
    Madame Guarnieri.
    Merci, monsieur le président.
    Le sénateur Dallaire a écrit que personne ne devrait vivre dans la crainte de la violence armée, et pourtant on trouve facilement des fusils et des armes légères dans tous les pays. Simplement dit, le commerce des armes est hors de contrôle, ce qui alimente les conflits, la pauvreté et les abus des droits de la personne dans le monde entier. Il est d'avis que nous devons faire quelque chose pour aider à changer cela, ce qui souligne certainement certaines des sources de frustration pour le comité. C'est pourquoi le sénateur Dallaire a accordé son appui à Oxfam, à Amnistie et à Ploughshares dans leurs efforts qui sont certainement louables.
    Au Canada, nous avons dépensé près de 1 milliard de dollars pour le contrôle des armes à feu, et pourtant très peu a été dépensé pour contrôler le transfert des armes dans des pays en voie de développement, où des milliers de gens sont tués.
    Vous parlez de normes, de réglementation et de permis d'exportation. À votre avis, quelles mesures spécifiques le Canada devrait-il prendre pour endiguer le transfert des armes et toutes les tragédies qu'elles causent?
    Il y a certains changements précis que nous aimerions voir apportés au contrôle des exportations canadiennes, et j'y ai fait allusion. Je pense que cela serait bon pour le Canada, non seulement pour ce qui est de nous assurer qu'il ne contribue pas au problème, mais pour ce qui est également d'établir une norme pour d'autres pays. Nous aimerions que le Canada fasse cela, comme il l'a fait pour le problème des mines antipersonnel.
    Il y a par ailleurs une large gamme d'éléments du programme d'action des Nations Unies qui pourraient aider à cet égard. Il y a plus particulièrement toute la question de l'aide et de la coopération internationales que bon nombre de pays en voie de développement demandent. Ils disent: « Nous avons un problème. Nous savons que ce problème existe. Nous voulons tenter de mettre fin à la circulation d'armes dans notre région ou dans notre pays, mais nous n'avons tout simplement pas les ressources pour le faire. Nous avons besoin d'aide. »
    Le Canada pourrait donc également contribuer à ce niveau. Il pourrait contribuer directement grâce à ses propres programmes d'aide, mais aussi dans le cadre de programmes multilatéraux et d'institutions comme la Banque mondiale, etc., où il a une certaine influence.
    Nos notes d'information stipulent qu'en mars 2006 vous avez écrit: « sur la scène internationale, le Canada préconise sans relâche et de manière exemplaire... ». Vous poursuivez ensuite en disant: « s'agissant de son propre cas, le Canada a manqué de rigueur... ».
    Où sont nos lacunes, et qu'est-ce que vous aimeriez que nous fassions pour examiner et corriger ces lacunes?
    Je répéterai tout simplement certaines des choses que j'ai dites précédemment. Le Canada doit resserrer le contrôle de ses exportations, et j'ai énuméré dans ce document certaines des régions où cela doit se faire. Le Canada doit cependant également faire preuve de leadership dans ce dossier, car il a une réputation bien méritée sur la scène internationale en ce qui concerne le contrôle des armements. Le traité sur les mines antipersonnel est un exemple du travail exemplaire que le Canada a fait dans ce domaine. Donc, à part le fait que le Canada doive mettre de l'ordre dans ses propres affaires, pour ce qui est de contrôler les exportations, il doit également faire un certain travail en devenant un chef de file international.
(1645)
    Quelqu'un voudrait-il ajouter quelque chose?
    Je répéterai ce que nous avons tous déjà dit, qu'à la prochaine conférence d'examen des Nations Unies le Canada devrait faire preuve de leadership et s'assurer que les principes mondiaux et les transferts sont insérés dans le document final, et que nous aurons enfin une déclaration du Canada sur un traité concernant le commerce des armes.
    Nous croyons comprendre que le Canada l'appuie en principe, mais nous n'avons entendu aucune déclaration de la part du Canada à cet effet. Nous aurons une occasion concrète de le faire aux Nations Unies, mais il y a aussi le G-8 qui s'en vient. Lors du dernier sommet du G-8, à Gleneagle, il a été question d'un traité sur le commerce des armes, alors j'espère qu'en juillet nous aurons de très bonnes nouvelles en ce qui a trait à la prolifération des armements.
    Merci.
    Aux fins du compte rendu, monsieur Epps, vous avez dit que notre comité avait adopté une motion la semaine dernière pour appuyer le contrôle ou même l'interdiction du commerce des armes légères. Vouliez-vous parler de notre comité?
    Oui.
    Je pense que cette motion a été inscrite au Feuilleton mais qu'elle n'a pas été présentée, n'est-ce pas? Oui. Donc, afin de corriger le compte rendu, nous n'avons pas à ce moment-ci adopté de motion.
    Monsieur Fried, vous avez fait allusion à un sondage de l'opinion publique au Canada et à la question qui a été posée. Quelle était cette question? Elle portait sur l'acquisition des armes à feu au Canada.
    Oui. Nous avons fait un sondage d'opinion au cours des derniers mois dans six pays sur l'attitude des gens concernant le contrôle du commerce international des armes légères et de petit calibre. Je vais retrouver la question exacte qui a été posée. Un certain nombre de questions ont été posées. L'une de ces questions était: « Êtes-vous en faveur d'un meilleur contrôle des armes qui entrent au pays? ». Au Canada, 92 p. 100 appuyaient de meilleurs contrôles.
    Une autre question était la suivante: « Est-il trop facile d'obtenir une arme à feu dans un pays? » En moyenne, 62 p. 100 des répondants dans les six pays ont dit qu'ils étaient d'avis qu'il était trop facile d'obtenir une arme.
    Il y avait plusieurs questions.
    Êtes-vous d'avis qu'il est trop facile au Canada d'obtenir légalement une arme à feu?
    Je ne sais vraiment pas. Je n'ai jamais essayé.
    Le Canada est sans doute l'un des pays où il est le plus difficile d'acquérir légalement une arme à feu. Il faut faire l'objet d'une vérification criminelle. Il faut réussir un examen sur la sécurité des armes à feu et recevoir un permis de possession.
    Je me demande donc à quelles fins on poserait de telles questions.
    Apparemment, beaucoup de gens pensent qu'il est trop facile d'obtenir une arme à feu. Ils veulent peut-être parler des armes illicites, car il y a de nombreuses armes illicites en circulation, comme nous le savons.
    Je pense que nous serions tous d'accord pour dire qu'il s'agit des armes illicites, mais le problème c'est que la question ne le précisait pas.
    Madame Holguin.
    Je suis colombienne. Le sondage donne une idée de la façon dont les gens perçoivent la question. Récemment, on a beaucoup entendu parler de Toronto et des armes à feu, de sorte que les gens ont l'impression que les armes à feu sont disponibles, et c'est quelque chose qu'ils craignent.
    Je viens d'un pays où l'on vit constamment dans la crainte des armes à feu. Là-bas, on sait très bien qu'on ne peut pas dire n'importe quoi à un autre automobiliste, car il pourrait vous tuer juste pour cela. Donc, je pense que c'est une question de perception.
    En tant que colombienne et en tant que citoyenne canadienne, je suis très heureuse de vivre ici sans avoir à craindre la présence d'armes à feu.
    Nous vous remercions d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
    Nous allons suspendre la séance, et nous allons demander au prochain groupe de témoins de venir s'installer à la table du comité.
(1649)

(1655)
    Nous reprenons nos travaux.
    Nous accueillons aujourd’hui du Centre d’étude et de coopération internationale, Pierre Racicot, président du conseil d’administration. Nous accueillons également Michel Chaurette, directeur général, et Thérèse Bouchard, directrice, Unité droits, paix et démocratie.
    Vous aurez droit à dix minutes pour votre exposé, mais je voudrais tout d’abord m’assurer que vous pourrez rester au-delà de 17 h 30. Merci beaucoup.
    La parole est à vous. Bienvenue au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Français]

    Merci, monsieur le président, et merci à vous, membres du comité, de nous avoir invités à partager avec vous.
    Tout d'abord, je voudrais dire, au nom des membres du conseil d'administration du Centre d'étude et de coopération internationale, le CECI, que nous appuyons sans aucune réserve les efforts de notre organisation pour aider Haïti dans son développement durable. Le CECI est l'ONG canadienne la plus engagée présentement en Haïti. Du point de vue du conseil d'administration, cette position comporte certains risques, parce qu'il est très difficile de faire du développement durable en Haïti, mais nous l'appuyons sans réserve, et je tenais à le dire aujourd'hui.
    La deuxième chose que je voudrais vous dire — et je vous parle en tant qu'individu — est que dans une vie antérieure, j'ai été vice-président de l'ACDI. Pendant quatre ans, de 1993 à 1997, j'ai été vice-président pour les Amériques. J'ai donc été mêlé personnellement à toute la crise qui a amené le débarquement des Marines américains, le retour d'Aristide, l'élection de Préval et son assermentation. Ce sont tous des événements que j'ai vécus.
    À l'époque, lorsque j'étais responsable de mettre en oeuvre un programme canadien de coopération avec Haïti, le défi était énorme. On ne savait pas vraiment par où prendre cette dynamique. Encore aujourd'hui, maintenant que je me repose un peu de ces choses en tant que président du conseil du CECI, j'ai les mêmes interrogations. Il est extrêmement difficile de faire des projets de développement durable en Haïti. C'est possible de faire de l'aide humanitaire. On est capable d'en faire à peu près n'importe où. Mais faire du développement durable, qui va mener à la transformation de la société haïtienne et de ses valeurs pour en faire une société qui chemine vers un développement durable, est extrêmement difficile.
    Cependant, je ne crois pas que le Canada puisse choisir de ne pas s'engager en Haïti. Nous avons un programme d'aide, et Haïti est le pays le plus pauvre de notre propre hémisphère. Je pense que le Canada à des responsabilités particulières à l'égard d'Haïti et qu'il ne peut pas s'en dégager. Nous sommes donc dans une situation difficile où il faut essayer de trouver une façon d'aider les Haïtiens à se développer de façon durable. Après 30 ans d'expérience à l'ACDI, je crois que la seule façon de le faire est d'être patient, car il n'y a pas de raccourci. Il faudra agir tranquillement auprès des masses populaires pour essayer de les habiliter. En anglais, on dit empower et je trouve que ce mot décrit mieux ma pensée. Par un processus lent de partenariat, on pourra les amener à prendre conscience de leur propre capacité à se prendre en main et à établir tout doucement une vraie démocratie.
     Présentement, à Haïti, on a les mécanismes d'une démocratie. Toutefois, on n'a pas une démocratie réelle dans la mesure où les gens n'ont pas une base suffisante de connaissances et de capacité à se renseigner. Ils ne se sentent pas habilités à voter, à prendre des décisions, à faire ce que nous, de la société civile, faisons en venant vous rencontrer et répondre à vos questions. Cela n'existe pas en Haïti, et c'est une chose que les ONG comme CECI peuvent apporter. C'est pourquoi le conseil d'administration appuie sans aucune réserve les efforts du CECI en Haïti.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, monsieur Racicot.
    Madame Bouchard.

[Français]

    J'arrive d'Haïti, où je donnais de la formation en négociation à des paysans dans une zone particulièrement violente. Je vais en Haïti depuis 1965. C'est donc un pays qui me parle beaucoup et qui me demande très souvent d'avoir le courage de ne pas désespérer. J'aimerais vous parler du contexte politique et de stabilisation, ainsi que des défis du développement.
    En ce qui a trait au contexte politique, j'aimerais d'abord dire qu'il y a actuellement un contentieux ou une certaine ambiguïté concernant les relations du Canada, ou la perception qu'ont les Haïtiens du Canada et la perception qu'ont certains Canadiens d'Haïti.
    Il y a deux éléments. Le Canada a toujours été bien coté en Haïti, mais il y a deux éléments qui sont peut-être de l'ordre de la perception, ou de l'ordre de la prise de positions, qui font que certains pensent que le Canada a joué un rôle dans ce qu'ils appellent le coup d'État qui a chassé Aristide du pouvoir. Donc, pour certains, c'est un coup d'État, et le Canada n'a pas l'habitude d'agir comme cela. Les perceptions sont très importantes en Haïti, et c'est quelque chose qu'on devra gérer.
    L'autre contentieux m'a été lancé en plein visage lorsque j'étais en Haïti, quand on m'a dit que le Canada allait accuser Jacques Édouard Alexis de crimes contre l'humanité. Je crois que le Canada devra clarifier ces éléments-là. En tant que militante des droits de la personne, je trouve qu'il ne faut pas abuser du terme «  crimes contre l'humanité », car c'est un terme très lourd. Oui, il faut pourchasser ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité, mais il faut faire attention à l'usage qu'on fait de termes comme celui-là. Donc, il faudra probablement clarifier cette chose, car il y a des gens qui vont nous le remettre sous le nez dans le cadre de nos relations.
    En tant qu'ONG canadienne, nous avons toujours bénéficié de la bonne image du Canada, mais nous pouvons aussi souffrir des perceptions ambigües que le Canada encourage par ce message. Le Canada doit donc clarifier sa position, et c'est peut-être un défi pour lui.
    Maintenant, le CECI a fait un projet de dialogue politique de deux ans, en 1997 et 1998, avec les chefs des plus importants partis politiques en Haïti. Cela nous a fait connaître assez bien la classe politique haïtienne et les défis qui existent. S'il est possible de souligner quelque chose de positif au sujet des dernières élections, c'est la volonté exprimée d'inclusion des différents partis politiques. Je pense qu'on peut dire qu'il y a là un élément positif sur lequel on peut s'appuyer. Même qu'il y avait une trentaine de candidats à la présidence— il me semble que c'est tout un défi, en Haïti, de trouver 31 candidats qui pourraient jouer le rôle de président—, on peut voir que plusieurs partis politiques se sont fusionnés pour cette élection, ce qui est déjà un pas dans la bonne direction. Maintenant, dans le cabinet, au moins cinq ou six partis politiques sont représentés. C'est une chose que le gouvernement canadien et la coopération canadienne doivent encourager.
    Le Parlement n'a pas de grandes habitudes et de culture politique de fonctionnement. C'est un autre défi, et il nous faudra appuyer les Haïtiens dans leurs efforts pour y faire face. Puisque nous avons appuyé les efforts de démocratisation et puisqu'on revient à la normalité constitutionnelle en Haïti, il est important que nous mettions en oeuvre les moyens nécessaires pour que cela réussisse. En démocratie, cela doit passer entre autres par la compétence des instances élues du Parlement haïtien. Il y a là une invitation à faire un travail de développement.
    J'aimerais aussi parler de ce qui me semble être le plus grand défi, soit la stabilité en Haïti. Le groupe précédent a parlé avec beaucoup de compétence de la sécurité en Haïti, mais je crois que le plus grand obstacle à la sécurité, c'est la pauvreté. C'est pourquoi il faut que les programmes de développement aient, entre autres objectifs, celui de rendre justice aux plus pauvres, qui sont manipulés d'élection en coup d'État, qui sont toujours la cible des beaux parleurs. Il est temps que cela se fasse, car je ne sais pas jusqu'à quand ils demeureront non violents. Il y a une culture de violence en Haïti, et les paysans les plus pauvres la subissent encore. Il est très important, pour la sécurité à long terme du pays, de travailler aux causes de la violence.
(1700)
    Il y a aussi les bandes armées. C'est quelque chose d'assez paradoxal en Haïti. Il y a beaucoup d'armes qui circulent, et c'est devenu, à partir des années 1995, une « belle » industrie. C'est une industrie assez florissante.Quand votre business est de fournir des gardes de sécurité, c'est à votre avantage qu'il y ait de l'insécurité. Cela crée des emplois. Il faut regarder cela aussi. C'est relié à la question de la création d'emplois et du défi de trouver du travail. C'est un emploi intéressant et stable qui donne un certain pouvoir: les gardes de sécurité ont l'uniforme et le fusil. Donc, l'insécurité entraîne la création d'emplois, mais il y a toujours de l'insécurité. Je dirais que même s'il y a beaucoup d'armes qui circulent, il n'y a qu'un petit nombre de personnes qui en possèdent. Il y a beaucoup d'insécurité en Haïti, mais il ne faut pas croire que ce sont la majorité des Haïtiens qui sont source d'insécurité. C'est un petit noyau. On sait où ils sont et on sait quels sont leurs intérêts. C'est le grand paradoxe.
    Dans le cadre de la MINUSTAH, il y a des armés du monde entier qui sont là et qui n'ont pas encore entrepris le désarmement. Qu'est-ce qu'on attend? C'est très important. Pourtant, on sait où sont les bandes. Il y a même des rues d'entrée dans ces quartiers. Je ne dis pas que c'est facile, mais ces gens sont préparés à faire la guerre. Qu'est-ce qu'ils attendent? Quel mandat leur donne-t-on? C'est le grand sujet de discussion entre les policiers, qui sont frustrés. Les policiers internationaux interviennent et la police nationale fait de son mieux. Elle est passée par différentes étapes et elle est bien appuyée par les policiers internationaux. Le Canada a fait un bon travail dans ce sens-là.
    Quel mandat a-t-on donné à la MINUSTAH et qu'est-ce que ces gens attendent pour agir? Le rôle ambigu de la MINUSTAH est une des choses qui discréditent la communauté internationale, dont fait partie le Canada. Les gens se demandent ce qu'ils font.
    On l'a vu ici, lorsqu'un citoyen canadien a été tué et que quelqu'un de la MINUSTAH s'est fait photographier à ses côtés. Cela est source de honte ici, mais imaginez ce que c'est là-bas, dans ce pays, quand les gens voient tous les jours l'impuissance de la MINUSTAH. Je pense qu'il faut se poser des questions. On se le demande et on peut se donner la réponse. La communauté internationale a le devoir d'intervenir pour protéger les populations, et c'est bien que les Nations Unies le fassent, mais on se demande si ce n'est pas devenu une industrie de placement de main-d'oeuvre pour les pays pauvres, qui envoient des soldats. J'ai le regret de dire que ce sont des gens qui, dans leur propre pays, ne sont pas efficaces et qui ont maintenant le mandat de protéger la population haïtienne. Il ne faut pas prendre les Haïtiens pour des moins que rien. Ils méritent, autant que les autres, la sécurité. Il faut leur envoyer des personnes compétentes pour faire le travail. En résumé, la MINUSTAH doit avoir un mandat clair, et le personnel affecté à la tâche doit être compétent. Donc, il y a moyen d'arrêter les bandes armées avec de la volonté politique.
    Une des questions qu'il faut envisager à court terme est celle de l'intégration de la Famille Lavalas dans la politique. On sait qu'Aristide est à l'extérieur et qu'il a encore beaucoup d'argent pour faire marcher bien du monde. Il y a des gens de la Famille Lavalas qui pensent avoir gagné avec le gouvernement actuel. Même l'ancien président Aristide le pense, alors qu'une autre personne, M. Bazin, était censée représenter son parti. Il y a une ambiguïté chez les partisans d'Aristide: ils se demandent si ce gouvernement est le leur ou pas. On le saura lorsque sera prise la décision quant au retour d'Aristide.
(1705)
    C'est quelque chose dont Haïti ne pourra certainement pas décider seul. Ce n'est pas que les Haïtiens ne soient pas capables d'en décider seuls, mais la communauté internationale va certainement s'en mêler.
     Il faut que le Canada réfléchisse bien à la façon d'intégrer l'ensemble des Haïtiens à la vie politique haïtienne sans ramener le chaos. À cet égard, il faut aussi examiner la question de l'impunité. Il est très important que les mesures prises soient justifiées en termes de justice, et non en termes de parti pris. L'impunité règne en Haïti depuis longtemps. Le système de justice est très faible. Il est donc important, pour la sécurité du pays, que les gens sachent que les décisions qui sont prises sont fondées sur le droit.
    Il y a aussi le croupissement en prison d'un ancien premier ministre, M. Neptune, qui y est depuis plus de deux ans, je crois, et qui n'a pas encore été jugé. Il faut y voir. Est-ce qu'il paie pour d'autres? A-t-on vraiment des raisons de le garder en prison? Pour stabiliser le pays, il faut faire justice à la Famille Lavalas et aux personnes qui sont accusées.
    Permettez-moi de revenir sur la question des défis du développement. Quand on parle de développement, on parle de développement social et économique, ce qui est important, mais on oublie la culture. Quand on parle de développement, on pense au changement. Parfois, il faut aussi changer des éléments de la culture. M. Racicot disait qu'il fallait demeurer en Haïti pour le long terme. Je dirais qu'il faut y demeurer pour le très long terme. On pense à renforcer les institutions gouvernementales et les institutions de l'État. C'est important, mais il faut aussi travailler au changement structurel des esprits. J'ose faire une interprétation de certaines composantes culturelles en Haïti. Haïti est fière, avec raison, d'avoir été la première république noire à s'affranchir et le premier pays en Amérique, après les États-Unis, à conquérir son indépendance. Mais la stratégie gagnante s'est mythifiée avec le temps. Ce qui, à un certain moment, était une bonne stratégie est devenu comme un mythe. Cela repose sur ce qu'on appelle le marronage, c'est-à-dire la fuite ou l'esquive. Si on veut bâtir la démocratie en Haïti, il faut la bâtir sur la confiance, sur la confiance de personnes qui se parlent, qui se disent les choses même si elles ne sont pas d'accord. Ce qui a été mythifié, qu'on appelle le marronage, est l'art de l'esquive, et c'est très valorisé en Haïti.
    Imaginez le défi! Si on veut faire un développement durable en Haïti, il faut aussi toucher à certaines structures culturelles, et cela se fera à plus long terme. Je disais qu'une des causes de l'instabilité et de l'insécurité est la pauvreté et qu'il fallait donc travailler au développement. La décentralisation pour le développement local, qui est un élément du plan présenté par le nouveau premier ministre, nous semble une chose intéressante. Une décentralisation a été commencée en Haïti il y a quelques années, mais on n'y a pas affecté les ressources matérielles nécessaires. Il est très important que les gouvernements de proximité puissent avoir les ressources nécessaires pour agir et montrer aux personnes de leurs communautés que des changements peuvent s'opérer.
    Je pense qu'il faut également travailler pour le long terme dans le domaine de l'éducation, tant à la formation des formateurs qu'à l'enseignement à la petite école. On a des projets de cet ordre. Par exemple, on aide les enfants à régler leurs propres conflits dans les écoles; les enfants sont des médiateurs entre eux. On cherche à développer une culture de dialogue, une culture de confiance, une culture d'ouverture, une culture de négociation.
(1710)

[Traduction]

    Madame Bouchard, nous voulons simplement nous assurer qu’il y aura suffisamment de temps pour les questions.
    M. Chaurette a-t-il des observations à faire également? Voulez-vous résumer en une minute?
    Non, je vais laisser M. Chaurette le faire.

[Français]

     Voici le premier constat qu'a fait le CECI. Depuis les années 1970, nous avons été continuellement présents en Haïti et nous avons vu quatre cycles de relations bilatérales entre le Canada et Haïti. Lorsque le gouvernement est élu et légitime, toute l'attention se porte sur la relation avec le gouvernement. Lorsque le pays est en crise, l'attention est portée sur la société civile. Nous nous permettons de dire au gouvernement canadien qu'il doit reconnaître qu'une relation à long terme avec Haïti doit inclure à la fois le gouvernement et la société civile. Il faut cesser de penser que le pays n'est pas en crise parce qu'il a un gouvernement élu. Haïti est un pays en crise, et il le sera pour longtemps, et le fait d'élire un gouvernement n'y changera rien. C'est un premier constat, et j'aimerais qu'on puisse en débattre.
    Deuxièmement, l'espace local est actuellement un espace d'action réel. Malgré les embargos et les crises, le CECI a toujours réussi à agir en Haïti parce qu'il avait décidé d'agir à l'échelle locale. Il est très important de maintenir des interventions qui appuient le développement local. C'est aussi dans cet espace qu'on trouve des lieux d'apprentissage de la démocratie. À court terme, ce n'est pas le Parlement, mais les organisations qui permettent aux gens de développer de l'estime de soi, de la collaboration, des projets communs. Ce sont des organisations qui existent beaucoup actuellement à l'échelle locale. C'est une dimension que nous proposons.
    Troisièmement, il faut miser sur les femmes. Selon notre expérience, nos interventions d'appui aux organisations de femmes ont eu beaucoup plus de succès, même en temps de crise.
    Finalement, il faut qu'il y ait un projet économique; il faut qu'il y ait de l'emploi pour Haïti. Trop d'attention est donnée à la politique et pas suffisamment à l'emploi. Donc, à court terme, appuyons les stratégies du gouvernement, qui veut faire un programme d'apaisement social, un programme d'emploi — la sécurité, on en a parlé —, et mettons en place des mesures d'accompagnement et de protection de l'économie haïtienne.
    Nous travaillons en Artibonite dans le secteur de la culture du riz. Tant et aussi longtemps que les États-Unis feront du dumping de riz subventionné américain, l'apaisement et la paix en Haïti seront impossibles. La transposition du modèle économique international à Haïti va conduire à un échec, à une catastrophe économique. Il faut un dispositif spécial de protection de l'économie haïtienne.
    Merci.
(1715)

[Traduction]

    Merci, monsieur Chaurette.
    Nous allons commencer par le côté de l’opposition.
    Monsieur Patry, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup de votre présence.
    Ma question s'adresse aux trois représentants du CECI. Vous avez reçu de l'aide de Luck Mervil, qui a fait des levées de fonds dans la province de Québec, lors du désastre naturel. Pouvez-vous fournir au président du comité une liste de tous les endroits où vous travaillez en Haïti, dans tous les domaines?
    Vous avez parlé de négociations avec les paysans. Vous avez parlé aussi de formation. Pouvez-vous nous dire dans quels domaines précis vous êtes présents dans toutes les régions d'Haïti? Je ne veux pas le savoir aujourd'hui, parce que cela prendrait trop de temps et que je veux poser des questions.
    Ma deuxième question s'adresse à Mme Bouchard. Vous avez parlé des deux éléments de perception du Canada. Vous avez parlé d'Aristide. Était-ce un coup d'État ou pas? On sait très bien qu'Aristide est bourré d'argent et qu'il entretient, surtout dans la grande région de Montréal, des gens qui prônent son retour en Haïti. Vous avez dit qu'il fallait appuyer le retour en politique de la Famille Lavalas. Ces gens se sont présentés aux élections et seuls quelques députés ont été élus. Ils ne font pas partie du gouvernement parce qu'ils n'ont pas fait élire assez de députés. Vous avez dit qu'il fallait penser au retour. Ne croyez-vous pas que si Aristide revenait en Haïti, à Port-au-Prince, ce serait plutôt le retour au chaos?
    Deuxièmement, concernant le premier ministre Jacques Alexis, vous avez dit qu'il fallait faire attention à l'usage que l'on fait des droits de l'homme. Étant donné la façon dont vous avez énoncé cela, j'ai cru comprendre que vous étiez en désaccord sur la décision du Canada de ne pas lui permettre de venir au Canada non pas en tant que premier ministre, mais en tant que citoyen pour visiter sa famille à Montréal. J'avais l'impression que vous étiez en désaccord sur la décision du gouvernement. Je ne sais pas pourquoi on a refusé qu'il vienne. On l'avait demandé il y a deux ans, et on nous l'a refusé. Êtes-vous au courant de choses que nous, les parlementaires, ne connaissons pas à ce sujet?
(1720)

[Traduction]

    Nous pourrions peut-être laisser nos invités répondre à la question. S’il reste du temps, nous passerons à M. Martin, sinon…

[Français]

    Je tâcherai d'être bref. Le CECI travaille surtout dans les régions de l'Artibonite, des Gonaïves et à Saint-Marc. Ces régions, avec Port-au-Prince et le nord-est près de la République dominicaine, font partie des régions les plus chaudes, politiquement, en Haïti. Nous travaillons aussi à Port-au-Prince.
    Nous oeuvrons surtout dans le cadre de programmes locaux de renforcement liés à l'agriculture avec des groupes de production agricole. D'autre part, nous travaillons aussi sur le plan de la gouvernance locale avec les élus locaux et les diverses structures de gouvernance locale. Cela représente un champ d'activité. Dans le cadre de ce champ d'activité, nous apportons parfois de l'aide humanitaire, s'il y a des crises. Nous faisons des campagnes importantes à ce niveau. À chaque année, nous mobilisons beaucoup de ressources pour Haïti, c'est-à-dire de l'argent et des bénévoles qui travailleront à Haïti. Le travail de ces bénévoles fournit de l'aide non seulement pour le développement local, mais aussi aux institutions haïtiennes. Une des stratégies est d'appuyer les organisations civiles et les institutions décentralisées de l'État dans les régions qui sont extrêmement démunies et très faibles.
    Un autre de nos champs d'activité est le domaine de la démocratie, de la culture, de la paix, de la médiation et de la prévention des conflits. Nous travaillons surtout avec des organisations de défense des droits de la personne. De plus, nous travaillons dans le cadre de structures qui assurent de la formation, comme l'Université Quisqueya.
    Notre troisième champ d'activité est le domaine de la santé. Nous travaillons notamment à la prévention du sida et au renforcement du ministère de la Santé.
    Notre action est assez diversifiée et de grande envergure, puisque nous travaillons grâce à des fonds provenant de différentes sources canadiennes, de la Banque mondiale, de fonds européens et du gouvernement. Notre ONG est très opérationnelle.
    J'aimerais terminer en disant que nous faisons souvent du travail de reconstruction à court terme dans le cadre de ce qu'on appelle le Programme d'Investissements à Haute Intensité de Main-d'Oeuvre, ou HIMO, afin de permettre la création d'emplois à court terme pour la population. Cela nous a permis de faire du travail d'infrastructures rurales et du travail dans le domaine de la construction d'infrastructures sociales.
    L'action du CECI est très symbolique. Le thème de notre rapport annuel cette année était Haïti. Notre parrain et principal témoin de notre travail est un Canado-Haïtien, Luck Mervil. Haïti est extrêmement important pour nous. Le travail que nous y faisons inspire ce que nous faisons ailleurs, et ce que nous faisons ailleurs inspire notre travail en Haïti.
    Nous avons fait, notamment, des expériences de sécurité communautaire en Amérique centrale et nous espérons pouvoir les répéter en Haïti. Il a été prouvé que l'approche militaire de la sécurité est un échec en Haïti. Cela n'a pas marché avec la MINUSTAH et les autres, mais cela marchera peut-être avec les citoyens.

[Traduction]

    Très brièvement.

[Français]

    Je vous remercie de votre question. Cela me donne l'occasion de clarifier ce que j'ai dit. Si j'ai dit qu'il faut s'occuper de la question du retour d'Aristide, ce n'est pas nécessairement pour lui permettre de revenir. En effet, personnellement, je crois que cela créerait du chaos.
    Cependant, il faut faire un procès, il faut clarifier les choses. C'est dans ce sens-là que je parle d'impunité. Il faut savoir pourquoi il a été remercié. Il faut en faire le procès. Ce serait une bonne raison pour qu'il ne rentre pas. Je ne suis pas certaine que beaucoup de gens veulent qu'il revienne, mais ses partisans sont très virulents lorsqu'ils s'expriment.
    C'est en ce sens que je dis qu'il faut y voir. Cela ne veut pas dire qu'il faut le faire revenir. Cependant, il faut y voir et faire cela conformément au droit.
    En ce qui a trait à M. Alexis, moi non plus je ne connais pas les raisons qui seraient... J'ai déjà travaillé avec M. Alexis à deux reprises alors qu'il était professeur à l'Université Quisqueya. Il travaillait avec nous à mettre en place un programme de négociation pour la prévention des conflits. Selon mon expérience, c'était quelqu'un qui cherchait le dialogue et qui cherchait des voies non-violentes de solutions à des problèmes.
    J'aimerais bien qu'on m'explique. Je n'aime pas, en tant que citoyenne canadienne, qu'on me dise qu'on ne peut pas m'en fournir les raisons.

[Traduction]

    Merci, madame Bouchard.
    Je donne la parole à Mme Bourgeois.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs, mesdames, bonjour.
    Je voudrais clarifier des petites choses. Vous avez parlé un peu plus tôt de bandes armées. Vous avez dit que l'industrie de ces gens était florissante.
    Au cours du mois précédent, des témoins nous ont dit qu'ils travaillaient très fort à assurer la sécurité. Ces gens, bien sûr, font partie de la MINUSTAH, ou aident celle-ci. Je ne comprends pas. Avez-vous dit à des gens travaillant pour l'ONU ou d'autres pays que la MINUSTAH était un peu déficiente face aux bandes armées?
     Vous avez demandé ce qu'attendait la MINUSTAH pour réagir. Vous travaillez tout de même pour le Centre d'étude et de coopération internationale, vous n'êtes pas des deux de pique. Avez-vous rencontré des gens pour leur dire que toute l'aide armée qui est fournie pour mettre de l'ordre n'avait aucun résultat, ou presque? Avez-vous fait quelque chose?
(1725)
    J'aimerais faire un commentaire, puisque je suis allé en mission en Haïti. J'ai donc eu l'occasion de discuter avec des policiers québécois qui s'y trouvaient.
    La situation est la suivante: ils sont quotidiennement aux prises avec une situation non pas de maintien, mais de rétablissement de la paix. Ils n'ont qu'une petite veste en kevlar et une arme de poing. Ils ne sont pas armés pour faire face à des bandits qui leur tirent dessus avec des Kalachnikov. Ils doivent donc faire appel à la MINUSTAH quand ils tombent sur un barrage où se trouvent des gens qui ont des armes assez lourdes.
    Un policier m'a parlé de situations où ses compagnons d'armes et lui attendaient de deux à quatre heures, couchés derrière leur camionnette. Il me disait que si les Haïtiens qui tiraient avaient vraiment voulu le descendre, ils auraient pu le faire. Ils avaient simplement décidé que ce n'était pas dans leur intérêt de le tuer à ce moment-là. Il n'empêche qu'il s'est fait canarder pendant trois heures.
    J'ai entendu dire à maintes reprises que la MINUSTAH, une organisation complexe des Nations Unies impliquant plusieurs nationalités, est très lente à réagir, plaçant ainsi les policiers dans un rôle militaire pour lequel ils ne sont ni formés ni équipés.
    N'avez-vous pas l'impression qu'on est dans un cercle vicieux?
    J'ai pris connaissance d'une réflexion portant sur une décennie de partenariats difficiles. J'imagine que mes collègues l'ont aussi fait. Il est question de la coopération canadienne avec Haïti. L'Agence canadienne de développement international a fait cela. Je suis restée abasourdie de constater les « résultats décevants » de l'aide canadienne à Haïti depuis nombre d'années. Ce sont les termes employés ici. On fait le bilan et on dit que, sur 450 projets, il n'y en a pratiquement pas qui ont fonctionné, et ce, pour toutes sortes de raisons.
    Il y a présentement des militaires canadiens en Haïti. Nous faisons partie aussi d'une espèce d'organisation qui devrait assurer ou maintenir la paix, ou l'apporter. Or, vous nous dites qu'il n'y en a pas. Il y a des bandes armées mais aucune sécurité. Ce n'est peut-être pas toute la population, mais il demeure que ce petit noyau fait la pluie et le beau temps.
    Je ne comprends pas que des organisations comme la vôtre ne puissent pas sonner l'alarme auprès de toutes ces belles personnes qu'on a reçues ici et qui sont venues nous parler des efforts énormes déployés, demandant que leur mandat soit renouvelé. Si c'est ainsi, nous ne le renouvellerons pas. Cela coûte de l'argent.
    Permettez-moi de faire quelques commentaires rapides.
    J'étais à Brasilia avec une délégation haïtienne. Nous rencontrions les gens de la direction brésilienne de la MINUSTAH de l'époque. Je vous fais part de deux observations. D'abord, les organisations civiles haïtiennes disaient unanimement qu'elles avaient besoin de cette intervention, mais que la MINUSTAH n'intervenait pas. Nous avions donc fait un travail important de pression pour que la MINUSTAH passe à l'action. Les Brésiliens ont répondu qu'il avaient une vision du rôle de la MINUSTAH selon laquelle il fallait agir sur le plan de la sécurité et du développement en même temps. Malheureusement, la communauté internationale n'a pas respecté ses engagements financiers, notamment sur le plan du développement. Ils affirmaient donc avoir les mains liées. Ils disaient attendre et ne pas vouloir intervenir uniquement sur le plan de la sécurité.
    Je peux témoigner du fait que la communauté internationale qui avait, à Washington, pris l'engagement de réviser ses mécanismes d'aide pour la livrer rapidement à Haïti n'a pas réussi sur le terrain. Les grandes banques internationales, entre autres, n'ont pas réussi à livrer rapidement l'aide à Haïti.
    Le Canada a été le plus efficace, autrement dit le plus rapide, à livrer l'aide.
    C'est une des explications. L'autre est la volonté de faire autrement, mais cela n'a pas fonctionné. On ne voulait pas taper sur les gens, mais les Haïtiens attendent de telles actions. C'est le message qu'on vient transmettre, et ce n'est pas le message de la CECI; c'est celui de la société civile qui dit qu'elle a besoin que ces gestes soient posés.
(1730)
    J'aimerais simplement préciser ceci: quand on critique la MINUSTAH, on sait qu'il s'y trouve plusieurs intervenants, et nous ne pointons pas du doigt les intervenants canadiens. Je pense que cela est très important. Les Canadiens sont des professionnels, tandis que plusieurs ne sont pas préparés pour accomplir cette besogne et n'appartiennent pas vraiment à des corps de métier.
    Je pense donc qu'il faut faire la distinction entre les Canadiens qui viennent vous rapporter ce qu'ils font et l'ensemble du portrait.

[Traduction]

    Merci, madame Bouchard.
    Monsieur Goldring.
    Madame Bouchard, vous dites que la sécurité est l’obstacle principal aux progrès en Haïti. Pendant nos rencontres là-bas, il nous a été confirmé, du fait de l’anarchie qui règne dans la zone de Port-au-Prince, la zone rouge, que nos policiers ont un mandat de conseillers, et non un mandat de maintien de l’ordre.
    Cela dit, si la MINUSTAH est considérée comme étant un problème, est-ce que quelqu’un d’autre ou un autre pouvoir dirige la MINUSTAH? Est-ce qu’ils empêchent la MINUSTAH d’agir ou s'agit-il d'un problème dans la structure de commandement de la mission elle-même?

[Français]

    Je ne suis pas une spécialiste des forces militaires. Comme M. Chaurette l'a dit, je ne crois pas que la MINUSTAH soit voulue par les Haïtiens. Cependant, on veut qu'elle soit efficace.
    Est-ce une question de mandat, d'interprétation du mandat, de volonté politique ou de compétence? Je ne suis pas en mesure de faire toute l'analyse voulue. Cependant, si on considère l'ampleur de ces forces et de l'investissement qu'elles demandent, on peut dire que les résultat auxquels on aurait pu s'attendre n'ont pas été atteints.

[Traduction]

    Ainsi, si l’on examine le rapport d’étape du cadre de coopération intérimaire concernant les plans pour Haïti qui devaient être réalisés au fil des ans et terminés en septembre 2006, quel pourcentage de ces plans a été réalisé? Combien y a-t-il eu d’échecs? Y en a-t-il seulement eus?
    Vous êtes un des membres du groupe qui a organisé tout cela, puisque le nom de votre association se trouve parmi la cinquantaine d'organisations. Avez-vous une idée des raisons pour lesquelles on n'a pas terminé les projets? Est-ce par manque de sécurité ou à cause de l’organisation des différents groupes?
    Je vais passer…
    Je vais répondre à cette question, car j’ai dû évaluer, l’automne dernier, en une autre qualité, certains projets en Haïti.
    La première raison pour laquelle nous constatons un échec partiel, c’est parce que les gens voient un résultat à trop court terme. Essayer d’aider une communauté, de la responsabiliser, ne se fait pas en cinq ans. Si vous poursuivez vos efforts, vous pouvez faire des progrès, mais étant donné la façon dont nous mesurons les résultats dans un cas comme Haïti, selon moi, il est très difficile de voir des résultats positifs à court terme. C’est une difficulté que nous avons toujours eue. Plus le pays est pauvre, plus la crise est complexe, plus ce que je dis est vrai.
    Quand vous parlez de l’amélioration de 20 000 logements, de la remise en état de 43 universités et de 2 700 écoles, quelqu’un a dû compiler ces chiffres. Je suppose qu’il s’agit d’un chiffre fixe, qui a augmenté au fur et à mesure du temps passé. Suggérez-vous que d’autres facteurs sont responsables pour le manque de progrès?
    Étant donné la façon dont vous l'avez formulée, cette question devrait être posée à l'ACDI, parce que nous ne pouvons pas vous répondre.
(1735)
    Le projet que vous avez mentionné à propos d'emplois à temps partiel, que vous avez créé, c'est l'un... Combien d'emplois en termes d'heures-personnes ou de jours-personnes -- je ne sais plus exactement comment on les classifie -- avez-vous pu créer?
    Je ne peux pas y répondre précisément.

[Français]

    Dans le domaine de l'agriculture, 60 projets destinés à Haïti avaient été préparés par le ministère de l'Agriculture aux fins du Cadre de coopération intérimaire. Deux ans plus tard, aucun n'avait pu être mis en oeuvre. On commence maintenant à le faire.
    Cette année, un progrès très important a été accompli à l'égard de ces programmes. Les résultats, en termes de création d'emplois et d'investissement, commencent à se faire sentir. Or, les deux premières années — et c'était la durée prévue du plan —, très peu d'initiatives ont été prises. Les délais sont donc ce qui pose problème.
    Pour que les objectifs visés soient atteints, il est évident que la durée du Cadre de coopération intérimaire devra être prolongée. Je n'ai pas de statistiques détaillées sous la main, mais en me fondant sur l'exemple du ministère de l'Agriculture, je dirais que moins de 10 p. 100 des objectifs ont été atteints.

[Traduction]

    Pendant combien de temps?
    Oui, pendant combien de temps ce plan devrait-il être prolongé? Si vous avez 60 projets pendant deux ans et qu'il n'y a pas de résultat aux efforts consentis, combien de temps attendriez-vous?

[Français]

    Quand les ONG ont analysé le CCI en vue des consultations de Washington il y a deux ans, on a conclu qu'il s'agissait d'un plan de 10 ans ou plus que la communauté internationale et le gouvernement voulaient réaliser en 18 mois. Plus de 18 mois ont été nécessaires uniquement pour mobiliser les ressources.
    Nous sommes d'avis que ce plan, censé être intérimaire, est en fait un plan de développement à long terme. Il faudra au minimum 10 ou 15 ans avant que les résultats se réalisent. C'est, de façon très généralisée, l'impression que partageaient les organismes civils.

[Traduction]

    Alors comment concilier tous ces chiffres? Quelle serait la situation s'il y avait une proposition comparable à celle-ci? Quelqu'un a dû rassemblé ces chiffres quant aux attentes. Il est fait mention ici de 335 000 mois-personnes d'emplois temporaires, et vous nous dites que vous ne pouvez pas nous dire combien d'heures-personnes de travail votre organisation a créées. Pourtant ces rapports semblent basés sur des chiffres très précis, je suppose que quelqu'un avait un plan de la façon dont les choses allaient se dérouler. Qu'est-il arrivé au plan?

[Français]

    Quand on dit ne pas pouvoir préciser le nombre d'heures, c'est qu'on n'a pas ces renseignements sous la main dans l'immédiat. Cela remonte à un certain temps. Il reste qu'on pourra vous les fournir.
     J'aimerais vous donner un exemple. Je ne veux pas faire de généralisation, mais c'est un exemple très éloquent.
    Il y a un mois, lorsque j'étais en Haïti, un pont était en réparation. Une partie du travail avait été fait, mais le processus était interminable. Ce pont enjambait une rivière. Les réparations de la partie gauche étaient terminées, alors que celles de la partie droite ne l'étaient pas. Depuis un certain temps, les autos et les autres véhicules devaient traverser un à la fois. Les paysans étaient si exaspérés par la situation qu'ils ont brisé...

[Traduction]

    Mais cela est relativement normal dans tout projet de construction. Vous êtes allée en Amazonie, vous devriez le savoir.
    Oui, mais les gens en ont détruit la bonne partie. Ce n'est pas la façon normale de faire...
    J'ai une dernière question. D'après vous, quelle est la volonté qui retient la sécurité ou les projets en cours qui, eux-mêmes, pourraient être retenus par des considérations de sécurité?
    Monsieur Goldring, il va falloir accélérer. Vous avez dépassé votre temps.
    Diriez-vous que c'est le gouvernement lui-même ou la MINUSTAH?

[Français]

     La réponse à votre question est d'une très grande complexité.
    En Haïti, commencer à mettre en oeuvre un projet est très long, car l'administration de ce pays n'est guère efficace. Cela fait partie du développement. Lorsqu'après 18 mois, quelque chose semble prêt à démarrer, une nouvelle crise politique survient, et tout s'arrête.
    Pour cette raison, les projets qui ont le plus de chance de durer sont à mon avis ceux qui font appel à la collaboration de la société civile canadienne ou autre et de la société civile haïtienne. De cette façon, il n'est pas nécessaire de passer par toutes les administrations.
    C'est là une réponse simpliste, mais en réalité, quand vous travaillez avec le gouvernement haïtien, c'est très difficile et très long.
(1740)

[Traduction]

    Merci, monsieur Racicot.
    Madame McDonough, allez-y, s'il vous plaît.
    Cela va être très difficile, parce qu'il y a, je pense, beaucoup de questions sans réponse et nous voulons des réponses.
    La première question est une simple question de fait, et peut-être que n'importe lequel d'entre vous pourrait y répondre.
    Une conférence internationale des donateurs devait avoir lieu où, on l'espérait, un engagement sérieux allait être pris par la communauté internationale afin de faire ce dont M. Préval a parlé quand il est venu au Canada récemment.
    Ceux d'entre nous qui sont allés à Haïti lors d'une mission parlementaire ont identifié la même priorité essentielle et la plus pressante, c'est-à-dire une grande activité économique ainsi qu'une action pour que les habitants sentent qu'il existait une possibilité de vraiment les sortir de leur marasme économique et de faire des progrès pour améliorer leurs conditions de vie. Pouvez-vous me dire si cela a eu lieu et quels sont les résultats à ce jour?
    Deuxièmement, madame Bouchard, vous avez parlé de l'importance des perceptions. Je dois dire que ce que j'ai trouvé d'extrêmement difficile à Haïti était justement deux perceptions. La première, je l'appellerais « le syndrome de l'éléphant dans une pièce ». Tout le monde savait qu'il y avait d'énormes problèmes non résolus, dont on ne s'occupait pas, concernant les prisonniers politiques et d'autres détenus qui ne savaient pas pourquoi ils étaient en prison, car aucune accusation n'avait été portée contre eux. Encore une fois, on avait l'impression que ce problème allait se résoudre de lui-même.
    Mais quelques-uns des chefs politiques du parti Lavalas sont encore emprisonnés et M. Neptune, l'ancien premier ministre, également. Il n'y a pas de progrès dans ce dossier, il n'y a pas de processus de vérité et de réconciliation, comme je l'appellerais. Parlez d'un problème de perception.
    Le Canada ferme sa porte au nouveau premier ministre qui vient nous rendre visite. Pourquoi? Est-ce en raison de liens étroits avec le parti Lavalas? Nous n'avons entendu aucune allégation, justifiant cette position du Canada. Nous sommes donc impliqués dans cette affaire.
    Que peut faire le Canada et que doit faire le Canada? Que doit faire le Canada pour résoudre ces problèmes de perception, voire ces problèmes juridiques internationaux? Ils doivent être résolus si nous voulons avoir les mains propres et si nous voulons être considérés comme un intermédiaire honnête et un partenaire véritable d'un nouveau Haïti, avec un nouveau chef, élu avec un mandat très fort.

[Français]

    En ce qui a trait à la première question, à savoir si la communauté internationale a réussi à répondre rapidement à la demande prioritaire voulant que des emplois soient créés et que le pays soit stabilisé, je dirai que mon évaluation est très négative. Il s'agissait de la demande principale du gouvernement haïtien à Washington.
    À mon avis, cela s'explique avant tout par le fait qu'aucune des grandes banques, qu'il s'agisse, à des degrés divers, de l'Europe, du Canada ou des États-Unis, n'a trouvé les mécanismes administratifs appropriés. On traite les demandes d'Haïti comme n'importe quel investissement international, ce qui est très long et souvent mal adapté.
    Je vais vous donner un seul exemple des conséquences que cela entraîne. En Artibonite, nous aidons les associations paysannes à gérer leur eau dans le cadre d'un programme. Alors même que nous travaillons à mobiliser les gens en vue d'améliorer la gestion de l'eau, nous attendons les investissements de la Banque interaméricaine de développement destinés à la réfection des canaux et des systèmes d'irrigation. Tant que ces fonds n'arrivent pas, tout ce que nous faisons sur le plan social est inutile. Pire encore, le fait que les gens n'obtiennent pas ce financement donne lieu à des tensions et à des manifestations de violence.
     Tous ces délais et ces mécanismes ne cadrent pas avec une stratégie d'investissement à court terme. Or, c'est une telle stratégie qu'il faut appliquer en Haïti. Je confirme qu'il est important de le faire. Cela contribuerait à l'apaisement social.
    Le Canada pourrait aider à améliorer la situation en amenant ces banques à développer des mécanismes administratifs adaptés.
     Thérèse pourrait aborder d'autres questions.
(1745)

[Traduction]

    Très brièvement, je vous prie. Nous faisons des tours de cinq minutes.
    Je n’ai pas la réponse.

[Français]

    Pour ce qui est de savoir comment le Canada devrait se comporter pour changer les perceptions, je crois d'abord qu'il ne peut pas agir seul. Il faut que la justice locale intervienne elle aussi. En outre, Haïti doit vraiment régler la question de l'impunité. Enfin, il faut que le Canada explique ses prises de position. S'il n'a pas d'explications à donner concernant M. Alexis, il doit dire clairement qu'une erreur a été commise. Il doit mettre fin à cette histoire et reconnaître ses torts, si torts il y a. Mieux vaut cela que de garder le silence. Si le Canada a des motifs valables, il doit les exprimer et être assez cohérent pour faire appel aux tribunaux, de façon à prouver le fondement de ses accusations. En effet, les crimes contre l'humanité sont quelque chose de très sérieux.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame Bouchard.
    Je vais céder la parole à M. Martin. Le côté ministériel a pris un peu plus de temps la dernière fois.
    Monsieur Martin, une très brève question.
    J’ai une très brève question. Notre comité a entendu que dans un environnement où la corruption et la violence sont endémiques, la situation s’aggrave considérablement et ne s’améliore pas.
    Je sais, madame Bouchard, que vous avez dit qu’il faut entretenir de l’espoir. L’espoir c’est une chose, mais il faut que nous puissions faire évoluer la situation.
    Je dirais que le nœud du problème, l’un des problèmes dont il faut absolument s’occuper, comme on nous l’a dit, c’est la corruption. C’est de cette façon que nous pourrons assurer le développement et la sécurité.
    Quelles sont les mesures particulières que vous pouvez nous suggérer, compte tenu de votre vaste expérience, pour que le Canada puisse remédier au problème de la corruption et s’assurer que l’aide financière que nous accordons aura des répercussions à long terme et nous permettra de constater des améliorations sur le terrain en matière d’éducation, de développement, d’économie et nous permettra d’atteindre les objectifs de développement du millénaire, auxquels nous avons adhéré?
    Je vous remercie, monsieur Martin.
    Un très brève réponse.

[Français]

    La question que vous posez est vaste. J'ai travaillé en Afrique pendant 19 ans. Comme vous pouvez l'imaginer, les problèmes étaient de même nature.
    Les mécanismes auxquels a recours le Canada pour réaliser des projets en Haïti assurent de façon raisonnable que les fonds sont dépensés selon ce qu'a approuvé le Parlement, c'est-à-dire l'aide aux pauvres du tiers monde. Très rarement au cours de l'histoire du Canada et dans le cadre des budgets de l'ACDI des montants importants ont été détournés de leur objectif ou utilisés à des fins de corruption. Il serait assez facile de vérifier ces faits.
    Que nos projets soient à l'abri de la corruption ne change pas grand-chose si la société dans laquelle nous les mettons en oeuvre est complètement dysfonctionnelle en raison de la corruption généralisée. Que peut-on faire pour lutter contre cette corruption? À mon avis, on ne peut que forcer la transparence par des voies démocratiques. Il y a d'autres façons de sensibiliser les gens, mais je crois qu'il faut avant tout éduquer le public et forcer les gens à rendre des comptes.
    En Afrique, j'ai observé des phénomènes très intéressants. À partir du moment où la dictature tombait et qu'un gouvernement plus démocratique prenait le pouvoir, la transparence avait tout à coup comme effet de faire ressortir la vérité.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Racicot.
    Nous avons une très brève question de M. Van Loan après quoi nous ferons une pause. Je tiens à vous rappeler que nous avons à nous occuper de certains travaux du comité.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Le véritable objet de cette étude c’est que notre pays a pris un véritable engagement envers Haïti depuis un certain temps, et nous constatons à chaque fois que le même scénario se répète. Nous investissons beaucoup d’argent dans ce pays, et à un certain moment certains seront amenés à conclure que l’on dépense à tort et à travers à moins que l’on commence à constater d’importantes améliorations.
    À quoi est attribuable l’échec des interventions précédentes du Canada, ou quels sont les problèmes qui nous obligent chaque fois à revenir à la case départ? Pourquoi les initiatives prises par le Canada par le passé se sont-elles soldées par un échec?
    Comme je l’ai dit plus tôt, l’une des raisons, c’est que nous nous attendons à constater des résultats à trop court terme. Parfois, nous ne poursuivons pas nos initiatives à cause d’une crise politique, après quoi nous ne pouvons pas composer avec le nouveau gouvernement ou avec l’absence de gouvernement. Nous nous retirons plus ou moins, puis nous recommençons à nouveau.
    Je pense que nous devrons adopter une position très courageuse et considérer Haïti comme un cas particulier. Ce pays se trouve dans notre arrière-cour, pour ainsi dire. Nous sommes obligés d’aider ce pays à s’en sortir. Nous sommes là pour le long terme, et nous allons travailler en collaboration avec les institutions et avec la société civile pour le long terme et tenir bon. Je considère qu’il s’agit essentiellement de la seule attitude efficace à adopter, à moins que nous décisions d’imposer un blocus autour d’Haïti et de ne plus s’en soucier, ce qui à mon avis n’est pas une véritable solution.
    L’autre raison, c’est que nous devons lui venir en aide. Nous devons trouver un moyen, et je crois que ce moyen, c’est la patience, d’aller là-bas et d’y rester à long terme.
(1750)
    Je vous remercie, monsieur Racicot.
    J’ai une très brève question. De combien de pays s’occupe le Centre d’étude et de coopération internationale et combien d’argent recevez-vous de l’ACDI? Vous avez parlé de la Banque mondiale et d’autres donateurs européens. Quel pourcentage de votre budget total le financement de l’ACDI et d’autres sources gouvernementales représente-t-il?

[Français]

    Nous sommes présents dans 20 pays. Le financement de l'ACDI représente à peu près 55 p. 100 de nos ressources, et nous avons un budget annuel de l'ordre de 32 millions de dollars canadiens.
     Actuellement, le tiers de notre programmation mondiale, en termes de budget, est consacré à Haïti. En Haïti, on a du financement de la Banque mondiale, de la Banque interaméricaine de développement, de fonds européens et de USAID. C'est donc très diversifié.
    Quel est le fil conducteur de tous les bailleurs de fonds pour Haïti, incluant le Canada? C'est qu'ils considèrent le business du développement avec les mêmes outils. On procède par appels d'offres et on met en place toutes sortes de mécanismes, comme si on gérait une situation normale. On ne travaille pas à identifier les acteurs les mieux placés pour agir et faire la différence. C'est une situation que l'on vit dans plusieurs pays. On est actuellement au Népal, au Guatemala et en Bolivie notamment et, en situation de conflit, on observe les mêmes comportements partout. La communauté internationale n'a pas développé un mécanisme adapté aux pays en crise. Le Canada fait cela actuellement en Haïti. On fait des appels d'offres au lieu de se demander qui est le mieux placé pour agir.
    Cela fait partie de la réponse, et cela fait partie de l'inefficacité des mécanismes de coopération avec des pays en crise.

[Traduction]

    Vous travaillez dans 20 pays. En fait, chaque groupe qui comparaît ici est tout simplement exaspéré par la situation qui existe en Haïti et n’est pas sûr de l’efficacité de son travail.
    Quels sont à votre avis les pays modèles? Je sais que la situation varie d’un pays à l’autre, et vous ne pouvez pas dire puisque cette initiative a fonctionné en Bolivie, qu'elle fonctionnera à Haïti. Mais quels sont les pays que le Centre d’étude et de coopération internationale considère comme des modèles de réussite?
    Quel est votre domaine de spécialisation… quels sont les domaines dans lesquels vous travaillez? S’agit-il de l’agriculture, ou…?

[Français]

    D'abord, il faut dire qu'Haïti est le pays le plus difficile où nous travaillons.
     Deuxièmement, l'un des pays en crise où nous avons eu le plus de succès est le Népal. Nous avons réussi à travailler dans des zones contrôlées par les maoïstes. Qu'est-ce qui a fait le succès de notre intervention? Il y a deux choses. La première, ce sont des programmes très axés sur les besoins des gens, voulus par les gens, et donc très participatifs. C'est tout simplement faire du bon développement. Une bonne approche de développement est aussi possible en Haïti.
    J'ai mentionné plus tôt le problème: la structure de l'aide déstabilise les interventions qui ont du succès sur le plan local, parce qu'on les aligne constamment sur des gouvernements qui changent et qui sont en crise. Au Népal, nous avons réussi à fonctionner avec les communautés locales tout en influençant des politiques nationales, malgré les crises gouvernementales. Mais cela exige beaucoup de continuité dans les actions.
    Il faut donc la participation locale et une stratégie, mais avec ce que j'appellerais le  policy feedback. Qu'est-ce qui, à l'échelle locale, a permis d'y arriver? Par exemple, nous avons influencé la politique nationale de crédit pour l'irrigation à partir de cette expérience. Nous avons influencé la Banque asiatique de développement dans son approche pour le Népal parce que cela fonctionnait. Je dirais que le critère de succès au Népal, ce sont les gens, incluant les maoïstes, qui disent que le projet fonctionne bien et donne des résultats, et qui veulent qu'il se poursuive.
    A-t-on permis à la population haïtienne de dire à la communauté internationale que tel projet local est important pour elle et qu'elle veut qu'il se poursuive? Non. On s'adresse toujours à des gouvernements qui ont un tout autre agenda et qui cassent la dynamique locale.
     C'est sans doute le message le plus fort que j'aimerais vous transmettre: le succès du CECI, partout dans le monde, a été attribuable à son arrimage avec les communautés. Sur le long terme, c'est ce qui assure le développement et qui a permis de bâtir des sociétés civiles et des logiques de développement, et de retourner ensuite au gouvernement. Ces populations finissent par avoir des choses à dire à leur gouvernement. Elles ont gagné une capacité d'influence, une capacité de dialogue ainsi que de l'estime. Cela s'est fait par le biais de l'alphabétisation des femmes.
    Je vais vous faire part d'un court témoignage. Au Népal, une femme m'a dit que, depuis qu'elle savait écrire mon nom, elle existait.  C'est de cela qu'on parle. C'est du développement, et non pas de la croissance économique. On parle du développement de la population. Je crois qu'il est possible de se servir de cette recette en Haïti. On arrive à travailler en Haïti, si la communauté internationale le permet.
(1755)

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Chaurette.
    Nous n’allons pas interrompre ni lever la séance; je vais simplement vous demander de bien vouloir vous retirer. Nous avons certaines questions administratives dont doit s’occuper le comité. Nous tenons à vous remercier d’avoir été des nôtres. Tous les témoignages que nous entendons sont très instructifs.
    Je pense qu’il est exaspérant pour tous ceux qui s’intéressent à cette question de constater qu’un pays dont nous voulons promouvoir le développement, et où l’on veut promouvoir la démocratie — tous les aspects du pays — semble simplement ne plus progresser. Donc nous tenons à vous remercier du travail que vous faites et d’avoir comparu devant nous aujourd’hui.
    Chers collègues, ne vous en allez pas. Nous allons passer très brièvement à une motion dont nous sommes saisis.
    Mme Lalonde nous a remis un avis de motion, dans les délais voulus, et comme Mme Lalonde ne sera pas là demain, elle a demandé que cette motion soit présentée aujourd’hui. La motion se lit comme suit:
Que le comité recommande que le gouvernement joigne les rangs des 45 pays qui sont en faveur de la négociation d’un traité international sur le commerce des armes et s’affiche clairement pour l’adoption de principes globaux sur le transfert des armes lors de la prochaine Conférence des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre qui s’ouvrira le 26 juin.

Le comité recommande que le gouvernement conseille aux représentants du Canada à cette même conférence d’insister auprès des autres pays sur l’impact considérable et nuisible qu’a la prolifération des armes légères et de petit calibre sur le développement des pays touchés et sur les droits humains.
    Madame Lalonde, voulez-vous très brièvement nous parler de votre motion?

[Français]

    Merci.
     Il s'agit d'une motion qui est simple et qui n'est pas trop engageante pour le gouvernement. Elle dit ce qu'elle doit dire, me semble-t-il, et ce que sont venus nous dire les gens de la coalition. Ils attendent du Canada qu'il ait une voix forte dans le cadre de la préparation d'un traité sur la non-prolifération des armes légères. Au fond, je n'ai rien d'autre à dire.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame Lalonde.
    Monsieur Obhrai.
    Comme mon collègue Peter Van Loan vient d’aller aux toilettes, je suppose que je prendrai sa place.
(1800)
    Le voilà qui arrive.
    Merci beaucoup, monsieur Obhrai, d’avoir résumé la position de M. Van Loan sur cette question.
    [Rires]
    Le président : Nous vous écoutons, Peter.
    Nous n’avons évidemment pas d’objection à cette motion. Je crois que nous l’avons déjà dit plusieurs fois.
    Simplement à des fins de précision,

[Français]

    Madame Lalonde, j'aimerais qu'on ajoute à la fin du premier paragraphe les mots «  2006 à New York ».

[Traduction]

    Nous ajouterions « 2006 à New York ». C’est simplement pour préciser. Je veux dire si vous lisez la motion dans un an ou deux…

[Français]

    Vous avez tout à fait raison, comme c'est souvent le cas, monsieur Patry.

[Traduction]

    C’est très bien. C’était la seule chose.
    C’est très bien, monsieur le président.
    Très bien. Sommes-nous tous d’accord?
    (La motion est adoptée.)
    Le président : Je vous remercie, madame Lalonde, d’avoir présenté cette motion.
    Je crois comprendre que nous allons entendre la motion de M. Martin demain.
    La séance est levée.