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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 juin 2006

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Comme il est 15 h 30, nous allons commencer la séance. Il s'agit de la 8e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous aurons un bref entretien avec Philippe Kirsch, président de la Cour pénale internationale.
    Nous tenons à souhaiter la bienvenue au juge Philippe Kirsch à notre comité. Il parlera de la Cour pénale internationale et fera le point pour nous sur la situation de la cour actuellement.
    Depuis 2002, la campagne en faveur de la CPI et de l'imputabilité que fait le Canada, financée par le programme de la sécurité humaine du ministère des Affaires étrangères, a versé plus de 3 millions de dollars pour appuyer les activités et les projets de promotion de la ratification et de la mise en oeuvre du Statut de Rome. Il contribue aussi au fonctionnement efficace de la CPI et d'autres tribunaux internationaux et mène des activités d'éducation et de rayonnement pour le CPI et d'autres tribunaux.
    En outre, et à la demande du procureur de la CPI, le Canada a versé une contribution volontaire de 500 000 $ pour appuyer l'enquête de la CPI au Darfour. C'était le premier pays à faire une telle contribution.
    Je crois comprendre que vous avez préparé des observations préliminaires pour aujourd'hui. Nous les avons tous reçues à l'avance. Je vous invite à faire votre présentation. À la fin de celle-ci, nous vous poserons des questions.
    Le première tour de questions sera pour cinq minutes. C'est cinq minutes en tout, pour la question et les réponses.
    Monsieur Kirsch, je vous souhaite la bienvenue.
    Merci beaucoup, monsieur le président, pour cette présentation.
    Monsieur le président et membres du comité, je suis très heureux de pouvoir vous parler aujourd'hui de la Cour pénale internationale. Mon exposé s'articulera autour de trois points : pourquoi nous avons besoin de la Cour pénale internationale; les caractéristiques qui permettent à la Cour de répondre à ce besoin; et la situation actuelle de la Cour aujourd'hui et les défis qu'elle doit encore relever pour mener à bien sa mission.
    Commençons par ce pour quoi la Cour est nécessaire. Lorsque des crimes de génocide, et des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre sont commis impunément, ils peuvent avoir de graves conséquences pour les personnes et de graves répercussions sur la stabilité d'un pays et d'une région.
    Comme pour tout autre crime, la responsabilité d'enquêter sur ceux-là crimes et d'en punir les auteurs revient d'abord aux instances nationales. Cependant, en raison de la nature particulière de ces crimes, les systèmes judiciaires nationaux se sont souvent révélés incapables d'en poursuivre les auteurs ou peu disposés à le faire. C'est dans de telles situations que 'intervention de la Cour est nécessaire.
    Par le passé, des tribunaux internationaux ont été créés dans des situations spécifiques où l'instance nationale ne pouvait ou ne voulait pas agir; cela a d'abord été le cas au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à Nuremberg et à Tokyo, et plus récemment en ex-Yougoslavie et au Rwanda, où des tribunaux internationaux spéciaux ont été mis sur pied par le Conseil de sécurité des Nations Unis.
    Ces tribunaux ont été des pionniers et ont démontré qu'une justice pénale internationale était possible en pratique. Cependant, ils ont montré leurs limites. Ils sont temporaires; leur compétence est limitée géographiquement; ils ne peuvent réellement réagir qu'à des événements passés; leur création est tributaire de la volonté politique et de la communauté internationale et peut entraîner des coûts et des délais substantiels.
    Au bout du compte, les États sont parvenus à la conclusion qu'une cour internationale permanente était nécessaire pour traiter efficacement les crimes les plus graves. La Cour pénale internationale est immédiatement disponible; sa compétence est prospective; sa compétence ne se limite pas à des situations prédéterminées; et elle agit dans les limites fixées par le statut s'appliquant à cette compétence.
(1535)

[Français]

    Je voudrais maintenant évoquer les caractéristiques qui permettent à la Cour pénale internationale de répondre aux besoins que j'ai décrits. La compétence de la cour est limitée aux crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale, c'est-à-dire le crime de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre.
    La juridiction de la CPI n'est pas universelle. Elle est délimitée par le statut. La cour peut exercer sa compétence à l'égard des ressortissants d'États qui sont partie aux statuts de la cour ou des crimes commis sur le territoire d'un État partie. On reconnaît là les deux chefs de compétence pénale universellement acceptés.
    La CPI est également compétente à l'égard des situations qui lui sont déférées par le Conseil de sécurité. Agissant en vertu du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies, qui traite du maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil de sécurité peut déférer des situations à la cour, indépendamment de la nationalité de l'accusé ou du lieu de commission des crimes. Le Conseil de sécurité peut également, dans l'intérêt de la paix et de la sécurité internationales, suspendre des enquêtes ou des poursuites pour une période d'un an.
    Il est très important de comprendre, à propos de la Cour pénale internationale, qu'il s'agit d'une juridiction de dernier ressort. Elle fait office de complément à l'égard des juridictions nationales en vertu de ce qu'on appelle le principe de complémentarité. Selon ce principe, il appartient d'abord aux États de poursuivre et de condamner les auteurs des crimes les plus graves. La CPI n'intervient que lorsque les États n'ont pas la volonté ou la capacité de mener véritablement à bien les enquêtes ou les poursuites nécessaires.
    Par ailleurs, les affaires ne sont recevables que si elles sont d'une gravité telle qu'elles justifient l'intervention de la CPI.
    La Cour pénale internationale est une institution indépendante et strictement judiciaire. Elle a été créée en vertu d'un traité négocié à Rome en 1998. C'est le seul tribunal international existant à avoir été créé, non pas par le Conseil de sécurité des Nations Unies ou par d'autres moyens, mais en vertu d'un traité. Les États sont libres d'adhérer ou non au statut, le statut étant le traité. La CPI ne fait pas partie du système des Nations Unies ni, d'ailleurs, de tout autre corps politique. Elle exerce, comme je l'ai dit, une fonction purement judiciaire. Les causes dont elle est investie sont traitées dans un cadre strictement judiciaire, dans le respect du statut ainsi que des règles de procédure et de preuve.
     De nombreuses dispositions du statut préservent l'indépendance de la CPI, de ses juges et du procureur. Les garanties du procès équitable et la protection des droits de l'accusé ont une importance prépondérante devant cette cour. Les instruments applicables, à commencer par le Statut de Rome, intègrent des dispositions fondamentales relatives au procès équitable et aux droits de l'accusé. Celles-ci sont communes aux systèmes juridiques nationaux et internationaux.
    Je voudrais cependant souligner une innovation de la Cour pénale internationale. Il s'agit d'un phénomène unique dans le monde international. Je veux parler ici de la situation des victimes. Sous réserve des droits de l'accusé et des exigences relatives au droit à un procès équitable, le Statut de Rome contient toute une série de dispositions novatrices conférant aux victimes une place importante dans la procédure de la CPI. Les victimes peuvent participer à la procédure, même lorsqu'elles ne sont pas assignées comme témoins. La CPI peut également accorder des réparations aux victimes, notamment sous la forme de restitution, de compensation et de réhabilitation.
    Enfin, dans ce domaine, la nécessité de prendre en compte les intérêts particuliers des victimes de violence contre les femmes et les enfants est également spécifiquement mentionnée dans le statut.

[Traduction]

    Je vais à présent expliquer les caractéristiques qui permettent à la Cour de mener à bien sa mission. Trois États-parties ont fait part à la Cour de situations qui se déroulent sur leur territoire. En outre, le Conseil de sécurité l'a saisie de la situation du Darfour, au Soudan — le Soudan n'est pas un État-partie. Après analyse des renvois pour déterminer les compétences, mais aussi l'admissibilité du dossier, le procureur a entrepris des enquêtes sur trois situations : l'Ouganda, la République démocratique du Congo et le Darfour, au Soudan.
(1540)
    Outre ces renvois formels, le procureur a reçu depuis le 1er juillet 2002 — la date d'entrée en vigueur du Statut — plus de 1 700 communications provenant de sources variées, surtout de personnes et d'organisations non gouvernementales. La plus grande partie de ces communications ont été rejetées parce qu'elles ne relevaient pas manifestement de la compétence de la Cour. Par exemple, elles font état de crimes qui ne sont pas couverts par le statut de la cour ou concernant des états qui ne font pas partie du statut. Sur la base de ces informations, le procureur examine actuellement cinq autres situations, dont je connais pas les détails, parce qu'elles relèvent du domaine du procureur. Mais on sait qu'il surveille ces situations.
    Le 17 mars dernier, une première personne a été remise à la cour. M. Thomas Lubanga Dyilo, un ressortissant de la République démocratique du Congo, est soupçonné d'avoir commis des crimes de guerre, à savoir la conscription et l'enrôlement de force d'enfants de moins de 15 ans et le fait de les avoir fait participer activement aux hostilités. M. Lubanga a été entendu lors d'une audience le 20 mars. L'audience de confirmation des charges est prévue pour septembre. Si les charges sont confirmées, le procès pourra commencer.
    En outre, la cour a délivré cinq mandats d'arrêt pour la situation dans le nord de l'Ouganda et levé les scellés dont ils faisaient l'objet. Ces mandats ont été délivrés à l'encontre de cinq membres de l'Armée de résistance du Seigneur, dont le chef de guerre, Joseph Kony, pour des allégations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, parmi lesquels l'esclavage sexuel, le viol, le fait de diriger intentionnellement une attaque contre la population civile, l'enrôlement d'enfants par la force.
    Comme je l'ai déjà mentionné, la Cour est dotée de caractéristiques nécessaires pour conduire ces premiers procès de façon juste et équitable. Cependant, la Cour ne saurait réussir seule à mettre fin à l'impunité des crimes les plus horribles. Elle n'est en effet qu'un élément d'un système plus vaste de droit et de justice internationale. Pour mener à bien sa mission, la Cour doit avoir le soutien des États, des organisations internationales et de la société civile.
    Parce que la Cour ne peut exercer sa compétence qu'à l'égard des ressortissants d'État-partie ou des crimes commis sur le territoire d'États-partie, il est essentiel d'obtenir la ratification la plus large du Statut pour que la Cour ait une portée véritablement mondiale. Parce que la Cour est complémentaire des instances nationales, les États conservent la compétence première pour enquêter sur les crimes et en juger les auteurs. Dans la situation où la Cour aura vocation à intervenir, elle aura besoin de la coopération des États et ce, à tous les stades de la procédure, de l'exécution des mandats d'arrêt à l'exécution des peines, en passant par la production d'éléments de preuve. À titre d'exemple, dans le soutien des États pour l'arrestation et la remise des personnes, il ne peut y avoir de jugement. Tous les États peuvent aider la cour, non seulement les états où les crimes ont été commis et où se trouvent les personnes recherchées par la Cour, mais également tous les États qui sont en mesure de coopérer avec la Cour.
    Les organisations internationales fournissent aussi un soutien essentiel à la Cour. L'appui des Nations Unies est particulièrement important à cet égard. Les Nations Unies et la Cour collaborent de façon régulière, à la fois dans nos activités sur le terrain et dans nos relations institutionnelles. Notre coopération est régie par une entente signée par le secrétaire général des Nations Unies et moi-même en octobre 2004.
(1545)
    La Cour développe également ses relations avec les organisations régionales. Elle a récemment signé un accord de coopération avec l'Union européenne et est en train de négocier un accord avec l'Union africaine.
    Les organisations non gouvernementales — les ONG —, et la société civile, de manière plus générale, ont également un rôle à jouer vis-à-vis de la Cour. Les ONG ont largement encouragé la ratification du Statut de Rome. Elles ont également assisté les États dans l'élaboration de leur propre législation mettant en oeuvre le Statut de Rome, et mené des activités d'information sur la Cour et de sensibilisation à elle.
    Je souhaiterais également parler du rôle important que jouent les parlementaires pour favoriser le débat sur la Cour au niveau national, et dans beaucoup de cas, au niveau régional. À cet égard, l'action des parlementaires des États parties et des États non-parties a permis de mieux comprendre la Cour et de surmonter les obstacles à la ratification, l'adhésion et la mise en oeuvre du Statut de Rome.
    La création de la cour a été un événement historique. Il a fallu attendre plus d'un demi siècle pour faire une réalité de la Cour pénale internationale. Ce n'était qu'un début. La Cour est désormais une institution à même de punir les auteurs des pires crimes qu'a connu l'humanité. Les criminels potentiels savent dorénavant qu'ils peuvent être amenés à répondre de leurs crimes devant la Cour.
    Pour que la Cour soit tout à fait efficace, nous devons poursuivre nos efforts et nous assurer qu'elle reçoive le soutien dont elle a besoin pour rendre une justice aussi équitable et efficace que possible. Il faut à cet égard souligner que le Canada a énormément soutenu la Cour, à la fois dans son établissement et au cours de ses premières années de fonctionnement. À titre d'exemple, je noterai que le Canada a joué un rôle de chef de file avant et pendant la Conférence de Rome. En juin 2000, le Canada est devenu le premier pays a adopter une loi de mise en oeuvre du Statut de Rome.
    Plus récemment, le Canada a publiquement soutenu le renvoi de la situation du Darfour, au Soudan, par le Conseil de sécurité et a par la suite apporté un soutien financier au bureau du procureur dans le cadre de son enquête au Darfour. Comme vous l'avez vous-même dit, monsieur le président. Vous avez aussi évoqué la campagne en faveur de la CPI et de l'imputabilité, lancée par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et visant à encourager la ratification et la mise en oeuvre du Statut de Rome; promouvoir le fonctionnement efficace à la Cour et favoriser une meilleure compréhension de la Cour. Je tiens à dire que la Cour apprécie beaucoup l'engagement du Canada en sa faveur, et espère pouvoir encore compter sur son soutien.
    Aujourd'hui, la Cour est pleinement opérationnelle mais cela ne signifie pas pour autant qu'elle peut agir seule. Pour mener à bien sa mission, elle a, plus que jamais, besoin du soutien politique, moral et pratique de pays tels que le Canada.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur le juge.
    Je tiens à rappeler aux membres du comité qu'étant donné que nous avons une autre réunion à 16 h 30 pile, nous devons respecter assez rigoureusement notre horaire.
    Nous commencerons du côté de l'opposition. Monsieur Patry, vous avez cinq minutes.
(1550)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Kirsch, vous voir comparaître aujourd'hui devant ce comité est pour moi un grand plaisir. Étant donné le peu de temps alloué à nos questions, je voudrais surtout obtenir des réponses de votre part. J'irai tout de suite au coeur du sujet.
    Avant d'être nommé juge et président de la CPI, vous avez écrit que le principal objectif de cette cour était de remplacer une culture de l'impunité à l'égard de crimes très graves par une culture de l'imputabilité.
    Quelles sont les priorités immédiates de la CPI en vue de mettre fin au principe de l'impunité?
    Jusqu'à maintenant, 139 États ont signé le Statut de Rome. La Russie l'a signé et les États-Unis, qui l'avaient signé en l'an 2000, se sont retirés en 2002. Depuis ce temps, ils cherchent à dissuader certaines nations, à les inviter à se retirer du Statut de Rome. Ils font signer des accords d'immunité bilatéraux en vertu desquels les signataires s'engagent à ce qu'aucun Américain se trouvant sur leur territoire, y compris d'anciens fonctionnaires ou militaires, ne soit remis au tribunal si des poursuites étaient intentées.
    Plus de 90 pays ont signé ces accords bilatéraux. Le fait que plusieurs pays aient signé à la fois le Statut de Rome et les accords d'immunité bilatéraux ne semble-t-il pas incohérent, voire même dichotomique?
    Merci beaucoup.
    En ce qui a trait au remplacement d'une culture d'impunité par une culture d'imputabilité, il s'agit là, évidemment, d'une entreprise à long terme. Il faudra que la cour fasse ses preuves. Elle reconnaît qu'elle est la première responsable de l'établissement de sa crédibilité.
    Les premiers signes sont quand même assez encourageants. Quand j'ai été nommé à la cour, je croyais que la seule façon de développer cette culture d'imputabilité serait via nos jugements et que, par conséquent, cela prendrait plusieurs années. Nous nous apercevons maintenant que l'existence même de la cour est notée dans beaucoup de situations où il y a et où il pourrait y avoir des conflits ou des crimes. On voit donc que l'existence de la cour a commencé à déclencher une culture qui, pour l'instant, devrait au moins être une culture de dissuasion et qui devrait entraîner un jour la création d'une culture d'imputabilité.
    J'aurais dû dire à la fin de mon exposé qu'en ce qui a trait aux accords bilatéraux, je suis dans une position un peu délicate à l'égard de certaines questions puisque je ne suis pas seulement président de la cour, mais également juge à sa Chambre d'appel. Il est possible qu'une des questions d'interprétation, précisément en ce qui concerne peut-être l'existence de ces accords et les obligations des États qui les ont conclus, si ce sont des États parties, viennent à la Chambre d'appel et, donc, je suis contraint de ne pas répondre à cette question.
    Merci.
    Je vais donc passer à une autre question.
    Mme Arbour, qui est maintenant Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies aux droits de l'homme, s'est dite, d'une certaine façon, mécontente de l'inertie quant à la traduction des coupables en justice. Elle aurait déclaré que la lutte contre l'impunité à l'échelle nationale n'a pas progressé d'un pouce. Je crois donc que nous devons faire appel à la CPI pour qu'elle s'acquitte de façon plus vigoureuse et visible de son mandat et des cas que lui confie le Conseil de sécurité.
    Êtes-vous capable d'expliquer pourquoi la CPI n'est pas en mesure de procéder plus rapidement?
    Je pourrais vous répondre que c'est une question qui s'adresse au procureur, mais je vais quand même donner un complément de réponse. Contrairement aux tribunaux ad hoc créés par le Conseil de sécurité, la CPI est dans une situation très différente. Ces tribunaux s'occupaient de crimes qui avaient été commis dans le passé, dans le contexte de conflits qui étaient terminés. La CPI s'occupe de crimes qui continuent à être commis dans le contexte de conflits qui se poursuivent.
    Cela crée, pour la cour, une situation d'extrême vulnérabilité, non seulement pour son personnel, mais aussi pour les victimes et les témoins. Dans le cas du Darfour, par exemple, je sais, parce que cela a été dit publiquement, que le procureur a interviewé beaucoup de victimes et de témoins mais toujours en dehors du territoire du Darfour parce qu'il n'est pas en mesure de garantir la sécurité de toutes ces personnes à l'intérieur même du Darfour. Il s'agit de l'un des obstacles principaux que nous rencontrons. Là encore, nous avons absolument besoin de la coopération des organisations internationales, afin de nous aider à franchir des étapes aussi difficiles.
(1555)
    Merci.
    Madame Lalonde, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur Kirsch. Nous vous avons entendu lors des différentes étapes de la création, puis de la formation de la cour. C'est avec plaisir que nous vous accueillons, alors que la cour est en cours.
    Pouvez-vous nous dire quels sont les principaux obstacles que vous rencontrez à l'heure actuelle et quels sont ceux que vous appréhendez? D'autre part, comment peut-on faire, dans ces conditions, pour vous aider?
    L'environnement qui entoure aujourd'hui la cour s'est quand même amélioré depuis les trois dernières années. C'est quelque chose dont on s'aperçoit: la cour est mieux comprise et, donc, plus appréciée.
    Un des obstacles que nous rencontrons est celui auquel j'ai fait allusion, soit les difficultés sur le terrain. Un des obstacles que nous pourrions rencontrer, c'est un ralentissement prolongé du nombre de ratifications. La cour est limitée à l'État ou au territoire où le crime a été commis ou à la nationalité de l'accusé, ce qui laisse actuellement de grands pans de la mappemonde non couverts par la cour. Par exemple, nous n'avons pas vraiment fait de percées importantes en Asie. Toutefois, il est intéressant de voir que parmi les pays asiatiques qui ont ratifié se trouvent le Cambodge, le Timor oriental et l'Afghanistan, trois pays où il y a eu commission de crimes de masse.
    De même, au Moyen-Orient, nous n'avons pas suffisamment de ratifications.
    Si le Canada peut continuer à faire connaître la cour et à montrer qu'elle est un outil utile pour la communauté internationale, et non pas une menace, c'est certainement une étape obligée pour que la cour achève.
    Je me répète, mais je le dirai quand même, il est absolument essentiel que la cour reçoive un appui actif des États, de façon pratique. Je pense surtout à des arrestations dans les prochaines années. C'est quelque chose d'essentiel et qui dépend de ce que les gouvernements sont prêts à faire.
    Étant le président de la cour depuis trois ans et pour les trois prochaines années, je me sens confiant quant à l'avenir de la cour. Toutefois, il y a certains obstacles à franchir. Je pense que j'ai cité les principaux.
    Malgré la réponse que vous avez donnée, se pourrait-il que les résultats produits par la Cour pénale internationale au Rwanda et dans les Balkans n'aident pas la ratification par d'autres États?
    Je crois que nous avons tiré des leçons de l'expérience des tribunaux ad hoc, en particulier à l'effet qu'il est nécessaire de mener des procédures de façon aussi efficace et rapide que possible, dans la mesure où cela est compatible avec l'administration de la justice telle qu'elle devrait être.
    Le statut lui-même comporte des éléments à cet égard, par exemple la création d'une chambre préliminaire qui vise à évacuer du procès lui-même tout ce qui devrait le précéder. Nous avons développé un règlement de la cour qui essaie d'être aussi efficace que possible. C'est surtout dans ce sens que nous retirons des expériences des tribunaux ad hoc.
    Savoir si cela a une influence sur les ratifications est une question très spéculative à laquelle il très difficile de répondre. Toutefois, nous sommes déterminés à faire tout ce que nous pouvons pour démontrer, dans les prochaines années, que la cour est non seulement une instance judiciaire impartiale et efficace — cela ne m'inquiète pas, car je crois que nous y arriverons —, mais aussi une cour qui fait partie d'un système où tout le monde contribue: les États, les organisations internationales, les ONG. Si on finit par comprendre que la cour fait partie d'un système, elle connaîtra le succès.
(1600)

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons au parti au pouvoir, à M. Obhrai, qui a cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue. Je vous ai déjà rencontré, comme je l'ai dit, et j'ai le privilège de vous rendre visite à votre siège sociale de La Haye, où je vous ai vu en pleine action.
    Bien des gens expriment des questions et des préoccupations relativement à votre Cour. Elle est censée inspirer confiance aux victimes de génocide et à d'autres types de crimes que quelqu'un sera mené en justice. Mais si on regarde autour de nous, ce qu'on se demande, c'est que fait-on des gouvernements eux-mêmes dont les actes sont répréhensibles? Par exemple, nous venons d'entendre que le gouvernement de l'Ouganda pourrait conclure un accord avec l'Armée de résistance du Seigneur pour laisser libre passage à son chef, et pourtant, nous avons un mandat d'arrêt contre lui pour acte criminel. Et puis il y a ce qui se passe au Darfour, et aussi avec le gouvernement du Soudan.
    Mais permettez-moi de vous donner un exemple de quelque chose domaine qui, il me semble, illustrera là où je veux en venir, et c'est le Sri Lanka. Les Tamils Tigers ont très mal agi. Ils ont eu recours à des bombes humaines, à des enfants et tout le reste, et pourtant, le chef des Tamils Tigers n'est pas considéré comme un criminel de guerre. Personne ne l'a jamais dit, en dépit des faits. D'un autre côté, le gouvernement du Sri Lanka lui-même n'a pas un bon dossier au plan du respect des droits de la personne, et c'est d'ailleurs ce qui a été à l'origine de ce conflit. On a cette situation qui est créée au Sri Lanka, qui vient des deux côtés — une armée rebelle qui contrevient de toutes les règles, un gouvernement qui a encore besoin de beaucoup s'améliorer au plan des droits de la personne.
    Bien entendu, l'autre pays qui suit de près, c'est le Myanmar. Au Myanmar, on a un régime militaire, la junte, qui ne respecte pas les droits de la personne et ce genre de choses.
    Tous ces éléments semblent échapper à votre cour, et elle semble ne se concentrer que sur les domaines de grande visibilité politique, ou d'être assez complaisante à l'égard de ce genre de situations, et c'est ce que je voulais dire. C'est l'une des critiques qui est formulée, ici.
    Comment, selon vous, votre Cour pourrait faire face à une situation comme celles que je viens de décrire?
    Merci, monsieur Obhrai.
    Monsieur Kirsch.
    Vous devez comprendre, bien sûr, que je ne peux pas commenter des situations particulières, mais j'aimerais dire deux choses.
    L'une est que les critères qu'a appliqués le procureur pour déterminer si nous devons lancer une enquête, c'est la gravité. Il entreprend une enquête lorsque, par exemple, le nombre de victimes est très élevé et non pas quand il y en a peu, parce que la Cour n'a pas été créée pour composer avec tout, partout, mais plutôt pour faire face aux situations de crimes les plus graves, et probablement dans chaque situation, avec un nombre limité de personnes.
    Il a certainement clairement démontré clairement dans la situation dont vous parlez, qu'il ne ferait aucune différence — si le critère de gravité est établi — entre les tenants d'une partie ou de l'autre. Il l'a établi très clairement.
    En ce qui concerne la deuxième situation dont vous avez parlé, cela me ramène à la ratification. L'Afrique a ratifié largement le statut de la Cour, pour des motifs différents de ceux du Canada et des pays de l'Europe.
    Dans le cas de pays comme le nôtre, les États ont ratifié le statut pour des raisons de valeurs humanitaires et parce qu'ils pensaient que la Cour ferait une contribution à la stabilité régionale — avec la réduction des crimes, le flux de réfugiés, la malnutrition et toutes ces perturbations sont évitées.
    Les États africains ont ratifié le statut parce qu'ils voyaient dans la Cour une protection pour l'avenir contre les crimes dont ils avaient souffert sur leur propre territoire. Ils ont dit très clairement nous savons ce que sont les conséquences de ces crimes; nous voulons une protection juridique.
    Là où je veux en venir, c'est que si les États se sentent vulnérables, pour une raison ou une autre, le meilleur moyen d'obtenir cette protection juridique est de ratifier le statut. La Cour est liée par la loi et ne peut déborder des limites du statut, c'est évident. Elle ne peut s'attaquer à des situations qui se passent dans des États non-parties, à moins que le Conseil de sécurité intervienne.
    La Cour exécute, applique le statut; elle ne peut le réinterpréter à son gré.
(1605)
    Merci, monsieur le juge.
    Nous laissons maintenant la parole au Nouveau Parti Démocratique et à Mme McDonough.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à vous féliciter pour votre oeuvre de pionnier. Votre élection, puis votre réélection par les juges au poste de juge en chef doit avoir été un grand honneur et un tribut à vos compétences. Je pense que les Canadiens doivent en être très fiers.
    Je peux très bien comprendre que vous ne soyez pas en position de parler en détail de dossiers dont traite la Cour, alors dès que vous nous voyez déborder des limites permises, je sais que vous allez nous arrêter.
    J'essaie de comprendre un peu mieux — vous pourriez employer l'exemple du Darfour et du Soudan, je suppose, pour illustrer un pays qui n'est pas signataire du Statut de Rome et qui, par un renvoi du Conseil de sécurité, est amené devant la Cour — comment vous composez avec le fait, comme vous l'avez expliqué dans votre présentation, que la capacité de la Cour de mener à bien sa mission est tributaire de la coopération de l'État-partie. Je me demande si vous parliez un peu plus, aussi, soit encore une fois avec l'exemple du Soudan ou de façon générale, des obstacles que vous rencontrez, et s'il y a des choses que la communauté internationale peut faire, soit par le biais de l'opinion mondiale, des organismes internationaux, ou quoi que ce soit d'autre, pour contribuer à exercer des pressions sur un pays pour qu'il coopère. Ou est-ce que la situation, c'est que s'il ne coopère pas, c'est fini, il n'y a pas grand-chose que les parties engagées puissent y faire?
    Merci beaucoup.
    Vous l'avez deviné justement, je peux répondre à cette question de façon générale, mais pas en détail.
    Il n'y a pas eu, jusqu'à maintenant, de plaintes relativement à la coopération. Le procureur adresse au Conseil de sécurité des Nations Unies ses rapports sur la situation du Darfour — je pense qu'il doit déposer son prochain rapport ce mois-ci. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu d'allégations de non-coopération de la part d'aucun des pays touchés par ces situations.
    Si cela devait arriver, il est évident que les États intéressés auraient des moyens d'exercer des pressions sur d'autres États pour qu'ils coopèrent, mais il y a aussi des mécanismes institutionnels. La Cour peut s'adresser à l'Assemblée des États-parties, en termes généraux, s'ils survient une situation où un État- partie a refusé de coopérer. Alors, l'Assemblée des États-parties peut décider de certaines mesures relativement à la situation.
    Dans le cas d'une situation dont la Cour a été saisie par le Conseil de sécurité, c'est directement au Conseil de sécurité que la Cour adresse sa plainte. Bien entendu, le Conseil de sécurité a bien d'autres moyens plus efficaces de régler des problèmes comme celui-là, que l'Assemblée des États-partis.
    Pourriez-vous expliquer un peu quel genre de mesures institutionnelles peuvent être employées?
    Elles ne sont pas décrites dans le statut. Ce n'est que quand une situation de ce genre survient qu'on avise.
    Je vois. Donc, en fait, vous n'avez pas eu de telle situation jusqu'à maintenant?
    C'est parce qu'il n'y a pas eu de plaintes de non-coopération, alors la question ne s'est pas posée.
    Alors c'est une bonne chose, je suppose?
    C'est une bonne chose.
    Je ne sais pas si vous êtes en mesure de commenter cela, mais ce doit être une source de frustration constante que les États-Unis n'aient pas encore signé. Y a-t-il quelque chose qui peut être fait, du point de vue de la communauté internationale pour les y pousser, ou est-ce qu'encore une fois vous devez en remettre à ceux qui veulent bien signer, et quant à ceux qui refusent de le faire, il n'y a pas grand chose que vous puissiez faire?
(1610)
    Votre question, telle qu'elle est formulée, peut sembler avoir un penchant politique, mais je peux y répondre d'un autre angle.
     Le thème central évoqué au sujet de la Cour, depuis sa création, est la possibilité qu'elle puisse mener des poursuites fondées sur des motifs politiques; c'est un argument qui a constamment été soulevé. Vous devez comprendre qu'en 1998, quand les États ont créé la Cour, ils n'avaient aucune idée de ce avec quoi elle devrait composer — les situations étaient inconnues, les États étaient inconnus. Par conséquent, quand ils ont créé la Cour, les États avaient tout intérêt à s'assurer qu'elle soit dans l'impossibilité d'agir de toute autre façon que de manière purement judiciaire.
    Depuis trois ans que je suis à la Cour, ce que j'ai observé, c'est que cette approche doit avoir été efficace, parce que je n'ai pas entendu en trois ans un seul commentaire de nature politique, de quiconque à la Cour — ni en Chambre, ni dans le bureau du procureur, ni au registre. Tous ces gens ne cherchent qu'à administrer la justice, quand les mécanismes nationaux sont dans l'impossibilité de le faire, dans la pire des situations.
    Alors à mon avis, c'est que c'est à la Cour qu'il incombe de démontrer, par ses actes, qu'elle s'en tient réellement à l'administration strictement judiciaire et limitée de la justice. Je ne crois pas qu'il soit possible d'entretenir indéfiniment des arguments et des opinions erronées qui n'ont jamais été étayés par quoi que ce soit. Donc, il en découle, selon moi, que puisque la Cour démontre au delà de tout doute raisonnable — comme disent les avocats — qu'elle est effectivement une institution purement judiciaire, les avis contraires s'estomperont et l'appui augmentera. Déjà, on peut voir que depuis trois ans... Le climat entourant la Cour est beaucoup plus détendu qu'il y a trois ans.
    Je ne pense pas pouvoir en dire plus sur cette question, mais c'est ce que je peux répondre, de façon générale.
    Merci.
    Nous revenons au parti au pouvoir et à M. Goldring.
    Merci, monsieur Kirsch.
    Étant donné que vous n'avez trouvé aucun mobile politique, depuis deux ou trois ans, maintenant, pour appuyer le refus de participation d'autres pays aux actions de la Cour, est-ce qu'aucun motif n'est apparu pour acquérir l'appui de certains d'entre eux? D'après ce que je comprends, il ne s'agit pas seulement des États-Unis, mais aussi de la Chine, l'Inde et la Russie, et je suis sûr qu'il y en a d'autres.
    Si tel est le cas, que vous n'avez pas vu de mobiles politiques de ne pas adhérer au statut — leur principale raison de ne pas y adhérer — est-ce que certains de ces pays n'en seraient pas graduellement venus à voir la Cour d'un oeil plus favorable, dans cette période?
    Une centaine d'États n'ont pas ratifié le statut. C'est un rythme de ratification exceptionnel, si nous le comparons à d'autres grands traités. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui n'a aucune incidence sur le fonctionnement interne des pays, comme celle que peut en avoir la CPI, a pris quelque 12 ans à entrer en vigueur. Le statut de la CPI a pris cinq ans.
    La CPI est une institution très, très jeune. On ne peut pas penser que ceux qui attendent de voir comment la Cour s'en tire y adhèrent immédiatement. La Cour n'a toujours pas accompli un cycle complet. Nous avons eu des procédures préalables à l'instruction, en Chambre, dont certaines ont fait l'objet d'appels, mais nous n'avons pas encore eu de procès. Un procès ne peut être amorcé qu'après confirmation des charges, si celles-ci sont confirmées en septembre, contre les premiers suspects.
    Alors je pense que ce n'est qu'une question de temps. Comme je l'ai dit, c'est une institution très, très jeune. Aussi, parmi les États dont vous avez parlé, la Russie n'a pas ratifié le statut de la Cour, mais elle a signé le Statut de Rome.
(1615)
    Oui, mais il reste des pays importants — les États-Unis, la Chine et l'Inde, et d'autres encore — dont les populations combinées peuvent atteindre un tiers ou la moitié de la population mondiale.
    Ont-ils d'autres motifs pour ne pas ratifier, à part des mobiles politiques possibles, comme vous venez de le dire?
    S'il y a quelque chose que je ne ferai jamais, ce sera de parler pour le compte des États, mais je pense qu'il va sans dire que si on regarde certaines situations des États qui n'ont pas ratifié le statut, on pourrait voir que leur situation particulière pourrait leur donner des motifs d'y réfléchir un peu plus longuement.
    Nous laissons la parole à M. Wilfert.
    Monsieur le président, merci beaucoup.
    Dans la même veine, puisque les États agissent dans leur intérêt national et puisqu'il y a bien des sceptiques, ou ceux qui ne sont pas convaincus des avantages du statut, un élément qui semble susciter des préoccupations, ce sont les États-Unis et, particulièrement, les accords bilatéraux d'immunité. Ils ont été très actifs. Je pense qu'il y en a déjà une centaine qui ont été signés, qui touchent à la fois les civils et le personnel militaire.
    Tout d'abord, quelle incidence, pensez-vous, les pressions américaines ont-elles eu pour pousser d'autres à adhérer ou non à la Cour?
    Je ne peux pas répondre à cette question. Elle concerne une politique nationale. En ma qualité de membre d'une institution judiciaire, je ne peux pas y répondre.
    Quel signal pourriez-vous suggérer que la Cour pourrait envoyer, au sujet de la possibilité pour les États de...? Nous en avons trois qui ont saisi la Cour de situations particulières. Est-ce que cela ne complique pas la tâche de convaincre d'autres de saisir la Cour de certaines questions, étant donné que ce type d'ententes pourraient potentiellement avoir une incidence négative sur la Cour?
    Je peux commenter l'incidence qu'elles peuvent avoir. La Cour n'est pas une ONG; ce n'est pas un organe politique; elle n'existe pas pour émettre des jugements ou spéculer sur les effets que pourrait avoir une politique nationale. Elle existe pour administrer la justice. Tout ce que nous pouvons faire actuellement, maintenant que avons été saisis de certaines situations et que nous avons assez de dossiers pour pouvoir démontrer que nous administrerons effectivement la justice comme nous devons le faire, nous devons en faire la preuve, et voir ce qui se passera après, en ce qui concerne la ratification.
    Croyez-vous, alors, avoir les outils nécessaires pour administrer la justice et, ainsi, émettre les signaux appropriés à ceux qui pourraient être sceptiques, actuellement?
    Le système a été conçu de telle manière à munir la Cour des outils nécessaires, au plan judiciaire. Le statut de la Cour est beaucoup plus étoffé que celui de tout autre tribunal international, précisément parce que dans le traité qui a mené à sa création, les États voulaient être sûrs qu'elle soit tenue d'agir de façon impeccable.
    Cela fait, les États eux-mêmes ont formulé le Règlement de procédure et de preuve de la Cour, qui partout ailleurs, dans d'autres tribunaux, est l'affaire des juges. Donc en tant qu'institution, je pense que tout a été fait pour créer une institution judiciaire solide. Il y aura une conférence d'examen en 2009, où les États pourront déterminer que ceci ou cela n'a pas été fait parfaitement la première fois et ils pourront y faire des modifications.
    Mais tout le système a aussi été fondé, au-delà de l'élément judiciaire, sur la coopération. La Cour n'a pas d'armée; elle n'a pas de police. Alors même si la Cour peut réussir à administrer la justice, de façon judiciaire, il y aura toujours besoin de cette coopération de l'extérieur pour les arrestations, les capitulations, l'offre de renseignements, de preuves, et d'autres choses du genre.
    En ce qui concerne la capacité des États de saisir la Cour de certaines situations, l'un des enjeux qui sont clairs, c'est qu'il nous faut, en tant que parlementaires — une réponse partielle a été fournie à cette question plus tôt... Nous avons rencontré, par exemple, le Comité permanent des affaires étrangères de la Finlande, ce matin. L'une des choses que nous demandions, c'est comment nous, en tant que parlementaires — et moi aussi, bien sûr, par le biais du gouvernement — pouvons promouvoir la Cour et contribuer à faire en sorte que d'autres suivent l'exemple.
    Je vous ai demandé s'il y a des outils. Vous avez parlé du mandat, du rôle. Y a-t-il autre choses que nous pourrions faire? Évidemment, il y a l'élément financier, mais y a-t-il d'autres moyens pour que nous, en tant que parlementaires, en conjonction avec les gouvernements, puissions contribuer à faire en sorte que les auteurs de crimes contre les droits humains, par exemple, soient amenés devant les tribunaux? Autrement dit... [Note de la rédaction : difficulté technique]... dont elle a besoin.
(1620)
    Vous avez parlé de financement, bien entendu, ce qui est important. Le travail législatif, c'est certain, au Canada, semble avoir été fait dans une large mesure à l'appui de la Cour. Ce que j'ai observé depuis quelques années, c'est que les parlementaires ont un rôle extrêmement important à jouer dans leurs communications avec les parlementaires d'autres pays.
    Je pourrais indiquer très clairement, après la réunion si cela vous intéresse, certains pays qui ont ratifié le statut parce que leurs parlementaires étaient convaincus, après, encore une fois, une période d'hésitation, de réticence, comme vous l'avez dit tout à l'heure, que la Cour était effectivement une bonne institution. Alors en ce sens, les parlementaires, à mon avis, ont un rôle absolument unique. Ils ont des relations uniques, qui peuvent augmenter le niveau de ratification, ce qui effectivement est indispensable pour concrétiser un jour l'universalité.
    Merci, monsieur le juge.
    Nous revenons au parti au pouvoir. Madame Grewal.
    Merci, monsieur le président. et merci monsieur le juge pour votre présentation.
    Eh bien, mes questions visent à faire la lumière sur ce qui me semble être des doutes exprimés quant à la légitimité de la CPI. Tout d'abord, pouvez-vous indiquer certains facteurs qui auraient poussé certains des pays les plus puissants ou les plus peuplés, comme les États-Unis, la Russie, la Chine et l'Inde, à refuser de ratifier le Statut de Rome?
    Deuxièmement, avez-vous pris des mesures, ou existe-t-il des mécanismes, pour tenter d'amener ces pays à signer ou à ratifier le statut?
    Enfin, est-ce que le Canada est clairement un défenseur de la CPI, et assume un rôle de leadership pour essayer de convaincre et de persuader des pays, particulièrement les États-Unis, de ratifier le Statut de Rome?
    J'ai toujours soutenu que la Cour, bien sûr, n'est pas responsable de faire sa propre publicité, et ne devrait pas l'être, parce que si elle l'était, c'est là qu'elle aurait cet angle politique que, selon moi, il est très important qu'elle n'aie jamais.
    La Cour, cependant, est tenue d'expliquer ce qu'elle fait. Nous nous sommes engagés, et je me suis personnellement engagé, sur une base flexible, lors de nombreuses visites à d'autres pays, à expliquer la Cour. J'ai été deux fois en Inde. J'ai été au Pakistan, en Chine, en Russie et dans des pays du Moyen-Orient. Je suis allé dans de nombreux pays, y compris les État-Unis.
    Mais c'est tout ce que la Cour est en mesure de faire, expliquer ce qu'elle fait, et non pas assurer sa propre promotion. Alors c'est, bien entendu, très utile quand des pays comme le Canada continuent d'organiser des conférences, d'expliquer, de donner des indications, par exemple, sur les moyens techniques de ratifier le statut, qui ne sont pas toujours bien compris, mais qui expliquent certainement la Cour afin que toutes ces fausses idées sur elle disparaissent.
    Bien entendu, une grande part de ce processus viendra de la Cour elle-même. La Cour doit démontrer qu'elle est capable et désireuse d'adhérer aux principes qui sur lesquels elle est fondée.
    Monsieur le juge, nous revenons du côté de l'opposition.
    Monsieur Martin, vous avez la parole.
    Monsieur le juge, j'aimerais me faire l'écho de Mme McDonough. Je me rappelle la période antérieure à la CPI, vos efforts acharnés, et vous-même en tant que l'un des principaux catalyseurs de la Cour et du mouvement pour éloigner la communauté internationale d'une culture d'impunité et lui faire adopter une culture d'imputabilité, pour vous paraphraser. Je tiens à vous remercier, en tant que Canadien, pour tout le travail que vous avez fait pour insuffler vie à cette idée et en faire une réalité.
    Mes questions, monsieur le juge, sont dans la même veine de celles qui ont déjà été posées. Il y a deux choses qui m'intéressent vraiment. La première, encore, ce sont les obstacles qui se posent à vous pour poursuivre les personnes et, aussi, ces mesures qu'en tant que nation, nous pouvons mettre en oeuvre pour contribuer à faciliter l'appui à la CPI dans l'exécution de ses fonctions.
    Deuxièmement, nous avons vu, comme vous l'avez dit tout à l'heure, plusieurs personnes, comme les 51 personnes du Soudan qui ont été citées à procès, des gens comme Joseph Kony qui, en tant que chef de l'Armée de résistance du Seigneur, a commis des atrocités dépassant les pires cauchemars qu'on peut avoir. Quels sont les obstacles qui se posent pour trouver ces gens-là et les mener devant la justice?
    Dans vos observations, vous avez parlé de Thomas Lubranga comme étant la première personne, depuis mars cette année, à avoir été arrêté dans un pays et confronté à la Cour. Que vous faut-il, et que peut faire un pays comme le Canada pour aider à consolider la CPI?
(1625)
    De façon générale, l'appui du Canada continuera d'être utile pour la ratification, le soutien financier et d'autres mesures de soutien pour faire que la Cour soit mieux connue, et en termes de pleine collaboration à la demande de la Cour — mais pour l'instant, c'est entre les mains d'un procureur, et non pas des juges.
    Bien entendu, un obstacle d'importance, actuellement, pour traîner les gens en justice, c'est la grande instabilité qui règne dans les régions où nous agissons. Il faut avoir le soutien de tous les États qui peuvent faire une contribution — des renseignements ou toute autre chose. Un pays, par exemple, a offert un avion pour ramener le premier suspect du Congo à la Haye. Il est évident que ce ne sont pas des choses qu'un seul pays peut faire; il faut qu'il y ait un système dans lequel plusieurs pays coopèrent pour appuyer la Cour.
    Encore une fois, je ne suis pas en position de vous donner des détails là-dessus, parce qu'une grande partie de ce travail est actuellement en cours au bureau du procureur, alors que je suis le président et un juge travaillant à autre chose.
    Très rapidement, monsieur Martin.
    Monsieur le juge, si quelqu'un voulait poursuivre un chef d'État, comme, disons, Robert Mugabe du Zimbabwe, pour des crimes contre l'humanité, comment s'y prendrait-il?
    Personne n'a l'immunité devant la Cour; ce qui compte, c'est quand quelqu'un est présumé avoir commis des crimes. Une fois devant la Cour, il est certain que cette personne n'a pas l'immunité, bien que les États ne soient jamais obligés d'enfreindre leurs propres obligations en vertu du droit international en remettant quelqu'un à l'autorité de la Cour. C'est un système qui prescrit le respect de la loi internationale avant que la personne soit menée devant la Cour.
    Dans le cas d'un pays qui n'est pas un État-partie, le seul moyen d'amener une personne en justice est par le biais d'un renvoi du Conseil de sécurité. Il n'y a pas d'autre façon.
     Merci beaucoup, monsieur le juge, d'être ici aujourd'hui. Je suis sais combien il nous a été utile, à ce comité, d'en apprendre un peu plus sur la Cour pénale internationale, son fonctionnement et ses pouvoirs.
    Nous serons heureux de vous accueillir un autre jour. Vous êtes déjà venu auparavant, et nous l'avons apprécié aussi.
    Nous allons suspendre la séance et attendre la ministre de la Coopération internationale.
    Je vous remercie.
(1635)
    Conformément à l'article 108 du Règlement, nous reprenons notre réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international et accueillons l'honorable Josée Verner, la ministre de la Coopération internationale et ministre de la Francophonie et des Langues officielles.
    Mme Verner a travaillé près de 20 ans en communications et dans la fonction publique. Elle a été présidente adjointe de l'Assemblée nationale du Québec. Il y a peu de temps, la ministre Verner a affirmé l'engagement du Canada dans la lutte contre le VIH/sida lors de la rencontre de niveau sur le sida de l'ONU de 2006. En mai, elle a annoncé l'octroi, par notre gouvernement, de 100 millions de dollars pour soulager la famine et d'autres crises humanitaires. Elle a dirigé l'intervention du Canada pour aider les victimes des tremblements de terre en Indonésie. Elle a travaillé avec le Canada et le Nouveau-Brunswick pour aider la Roumanie à accueillir le Sommet de la francophonie. Elle a travaillé pour conclure un partenariat entre le Canada et le Brésil pour la santé des enfants en Haïti, et elle a travaillé avec notre premier ministre dans les dossiers de l'aide humanitaire et du soutien de la paix au Soudan. La ministre Verner a été présidente de la conférence ministérielle de la Francophonie sur la prévention des conflits et la sécurité humaine, un comité où plus 60 pays sont représentés.
    Nous remercions la ministre de comparaître devant notre comité. Elle est accompagnée d'autres personnes qui ont déjà témoigné devant le comité, Mme Laporte et Robert Greenhill. Nous sommes heureux de vous revoir.
    Bienvenue, madame la ministre, au comité. Nous sommes impatients d'entendre votre présentation, et de vous poser des questions.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour.

[Traduction]

    Au cours des prochains mois, ce comité se penchera sur le rôle du Canada lors d'interventions internationales complexes. Je suis heureuse qu'Haïti face partie de votre étude, car le rôle du Canada y est tout particulier. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter comment l'ACDI contribue à répondre aux besoins de la population Haïtienne.
(1640)

[Français]

    Je sais que d'autres avant moi, notamment le ministre MacKay, vous ont entretenus de l'engagement du Canada et des enjeux relatifs à la sécurité. C'est pourquoi je souhaite me concentrer sur les raisons toutes particulières qui font d'Haïti un pays de première importance pour l'ACDI.

[Traduction]

    Haïti est un État fragile. Il s'agit du pays le plus pauvre des Amériques. Le Canada a une vaste expérience en Haïti et s'est acquis, au fil des ans, la confiance et l'amitié des Haïtiens. D'ailleurs, l'importante diaspora haïtienne qui vit au Canada peut servir de relais pour construire ce pays.

[Français]

    Si des actions énergiques à court, moyen et long terme ne sont pas menées conjointement par la communauté internationale et le gouvernement d'Haïti, le pays risque de s'enliser davantage.
    Les indicateurs sont désolants et se comparent à ceux des plus pauvres pays d'Afrique. Sur l'indice de développement humain, Haïti se classe 153e sur une liste de 177 pays. L'espérance de vie est de 52 ans et le taux de mortalité des enfants de cinq ans et moins dépasse les 10 p. 100. Le taux d'alphabétisation des adultes est de 52 p. 100. Le revenu moyen par habitant est de 390 $US par année, soit à peine plus de 1 $ par jour. Imaginez vivre avec seulement 1 $ par jour.
    Le Canada entretient des relations officielles avec Haïti depuis 1968. Cependant, des liens entre les deux pays se sont créés bien avant cela, principalement grâce à la présence de communautés religieuses canadiennes qui ont oeuvré en Haïti dès le début du siècle dernier, jetant les bases du système de santé et d'éducation.
    Le programme de l'ACDI n'a cessé de s'affirmer en Haïti, sauf pour une brève interruption entre 1991 et 1994, pendant la dictature militaire. Entre 2001 et 2004, le manque de volonté politique du gouvernement d'Aristide a mis un frein à notre action auprès des institutions du pays.
    Or, avec l'arrivée du gouvernement de transition en 2004, la coopération canadienne en Haïti a connu un nouvel élan. Au cours des deux dernières années, nous avons déboursé plus de 190 millions de dollars pour la stabilisation et la reconstruction d'Haïti, auxquels s'ajoutent 15 millions de dollars annoncés samedi dernier par mon collègue le ministre MacKay.
    Le gouvernement canadien a mis en oeuvre une approche globale: diplomatie, défense et développement. La sécurité, la réduction de la pauvreté et le développement durable sont étroitement liées et se renforcent mutuellement.
    Notre approche n'est pas seulement pangouvernementale, elle est également pancanadienne. Elle s'appuie sur tout un réseau de partenaires canadiens issus des ministères fédéraux et provinciaux, du secteur privé, des ONG et de la société civile, y compris la diaspora haïtienne. Notre approche repose également sur une concertation internationale étroite énoncée dans le Cadre de coopération intérimaire, auquel je reviendrai dans un instant, et tient compte des priorités énoncées par Haïti.
    Monsieur le président, l'arrivée d'un gouvernement élu nous permet d'être plus optimistes quant à l'avenir d'Haïti. La société haïtienne est en mutation et de multiples agents favorables au développement sont à l'oeuvre. Je vous cite deux exemples forts. La presse et les radios locales apprivoisent la liberté d'expression et profitent d'un accès accru à l'information pour sensibiliser les citoyens à leurs droits et aux actions de leur gouvernement. Le changement se caractérise aussi par l'éclosion d'associations diverses et par l'émergence d'une société civile dynamique, diversifiée, qui prend davantage part au dialogue avec l'État et qui s'engage dans des actions de développement.
    L'ACDI appuie tous les agents du changement responsable, y compris les institutions, les individus et les mouvements et associations, comme le Mouvement des femmes haïtiennes. Notre approche se veut souple et dynamique et vise aussi à favoriser l'émergence d'un consensus national.
    Permettez-moi de revenir sur le Cadre de coopération intérimaire, auquel adhèrent pleinement le gouvernement haïtien et la communauté des bailleurs de fonds.
    Le Canada a assumé un rôle de chef de file dans la planification et la mise en oeuvre du CCI et figure au deuxième rang des bailleurs de fonds bilatéraux, derrière les États-Unis. Notre programmation s'articule autour des quatre grands axes du CCI, soit la gouvernance politique, la gouvernance économique, la relance économique et l'accès aux services de base.
    En matière de gouvernance politique, une attention particulière a été portée au processus électoral pour enraciner la démocratie dans ce pays, ainsi qu'au renforcement du ministère de la Justice et de la Police nationale d'Haïti. D'autres actions ont été menées en faveur des droits de la personne telles que création de cliniques juridiques et la diffusion de l'information sur les droits des citoyens.
    Présentement, nous sommes à mettre sur pied un projet d'appui aux parlementaires qui offrira notamment de la formation en matière de saine gouvernance et de gestion des ressources humaines et matérielles pour un fonctionnement optimal du Parlement haïtien.
    Les actions de l'ACDI à l'égard du deuxième axe, la gouvernance économique, se concentrent sur le développement local. Dans les zones rurales, les comités de développement ont été structurés et des plans de développement communautaire ont été élaborés conjointement avec tous les acteurs locaux pour qu'ils prennent leur développement en main. Dans toutes les activités, l'ACDI encourage la participation des femmes à la vie économique et au processus de prise de décision.
(1645)
    Troisièmement, en ce qui concerne la relance économique, nous appuyons le renforcement du réseau de distribution d'électricité, la création d'emplois et la micro-finance et le développement agricole. Nous travaillons également à la protection et à la réhabilitation de l'environnement. Permettez-moi de vous donner quelques exemples concrets.
    Dans la ville de Jacmel, les citoyens jouissent maintenant d'un service d'électricité régulier et de qualité. Cette réussite est chère aux habitants de la ville qui, à plus de 90 p. 100, paient leurs factures. Du jamais vu! Un réseau dynamique de plus de 60 coopératives d'épargne et de crédit a été mis sur pied; 48 p. 100 des personnes ayant obtenu du financement de ces coopératives sont des femmes. Cinq mille emplois à court terme ont été créés dans des quartiers défavorisés.
    Quatrièmement, l'accès aux services de base, c'est-à-dire l'éducation de base, la santé, la vaccination, la lutte contre le VIH-sida et la nutrition. Nos contributions ont notamment servi à augmenter la fréquentation scolaire et conduit à la vaccination de centaines de milliers d'enfants contre la rougeole, la polio, la diphtérie et la tuberculose.
    Outre des contributions financières en faveur d'Haïti auprès d'institutions financières internationales comme la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement et la Banque de développement des Caraïbes, l'ACDI travaille à renforcer les liens avec les pays d'Amérique latine, l'Organisation des États américains et avec le CARICOM. Nous croyons qu'il est essentiel qu'Haïti redevienne un partenaire actif dans l'hémisphère.

[Traduction]

    Outre les contributions financières en faveur d'Haïti auprès d'institutions financières internationales — la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement et la Banque de développement des Caraïbes — l'ACDI travaille à renforcer les liens avec les pays d'Amérique latine, avec l'Organisation des États américains et avec le CARICOM. Nous croyons qu'il est essentiel qu'Haïti devienne partenaire actif dans l'hémisphère.

[Français]

    Je vous ai dressé un portrait très concret de notre engagement en Haïti, mais notre coopération avec la population haïtienne va bien au-delà de ces éléments tangibles.
    Nous avons acquis une solide crédibilité et disposons d'une influence considérable auprès des dirigeants haïtiens, de la société civile et de la communauté des donateurs. Cela parce que nous avons, à toute heure, joint le geste à la parole. Le Canada a exercé son leadership dans la mobilisation des autres bailleurs, a prêché par l'exemple en étant un des donateurs les plus importants et assure une présence forte sur le terrain.
    Nous avons fourni des conseillers de haut niveau au gouvernement de transition, qui a été en mesure de présenter un bilan, sous forme de livre blanc, au nouveau gouvernement.
     Nous poursuivons dans la même lignée en fournissant un conseiller technique auprès de l'équipe de transition du président Préval, qui en a fait la demande dès son élection.
    Cela dit, j'aimerais souligner que les premières indications sur les priorités du nouveau gouvernement élu sont positives et encourageantes.
    J'aimerais également saluer les efforts de la population haïtienne, qui démontre une saine ouverture, un vif désir de changement et beaucoup de courage.
    Oui, nos interventions en Haïti comportent des risques importants. Oui, nous travaillons dans un environnement très complexe. Oui, les capacités institutionnelles sont très faibles. Toutefois, nous sommes en mesure de changer les choses. Notre travail porte des fruits. Il ouvre des perspectives d'avenir qui auraient été inimaginables il y a à peine quelques années.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, madame la ministre.
    Nous laissons la parole au parti de l'opposition pendant 10 minutes et je crois que son temps d'intervention est partagé leur temps entre M. Patry et M. Martin.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la ministre. Comme vous l'avez mentionné, Haïti vient de vivre des moments très importants de son histoire pourtant plus que centenaire.
     L'élection du président a suscité un taux de participation record pour Haïti et des élections législatives ont eu pour résultat que plusieurs formations politiques ont élu des représentants. J'insiste sur le fait que la formation du président Préval n'a pas la majorité, ni aucune autre formation politique; aucune formation ne possède de majorité aux Chambres.
    Mentionnons en outre l'élection rapide des présidents des deux Chambres, la nomination d'un premier ministre, M. Jacques Edouard Alexis, laquelle a été rapidement ratifiée par les deux Chambres.
    Haïti est devant un nouveau départ. En fin de semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères, qui a fait une très courte visite en Haïti pour rencontrer le président Préval, a dit que le gouvernement canadien investira une somme de 15 millions de dollars dans de petits projets.
    Sans mettre de côté les projets à long terme comme la sécurité et la bonne gouvernance, la santé et l'éducation, pouvez-vous nous éclairer sur la teneur de ces petits projets, car très souvent, les petits projets font une grande différence dans la vie quotidienne des gens, surtout les plus démunis?
    Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez également parlé d'appui aux parlementaires. Le Canada, par l'entremise du Centre parlementaire, tiendra des séminaires d'information pour renforcer les capacités et le rôle des parlementaires haïtiens. Pour travailler efficacement, les parlementaires ont besoin d'outils essentiels, allant de locaux aux nouvelles techniques d'information pour les appuyer dans leur travail.
    Le Sénat haïtien siège dans des locaux qui ont été complètement fournis, équipés et payés par le gouvernement du Québec. La Chambre des représentants n'a même pas de local pour se réunir.
    Seriez-vous d'accord pour que le gouvernement canadien, par l'entremise de l'ACDI, finance d'une façon ou d'une autre des locaux pour que les parlementaires puissent vraiment effectuer leurs travaux de façon décente?
(1650)

[Traduction]

    Merci, monsieur Patry.
    Madame Verner.

[Français]

    Je vous remercie de vos deux questions.
    Je répondrai d'abord à la première. Les 15 millions de dollars annoncés par mon collègue Peter MacKay la fin de semaine dernière seront octroyés à de petits projets. Une mission de programmation doit se rendre là-bas dès la semaine prochaine afin de déterminer les différents projets qui seront financés.
    Sur quoi portait votre deuxième question?
     Il m'apparaît souhaitable, en effet, d'avoir des locaux dignes de ce nom pour y travailler. Puisque votre question est un peu plus technique, je vais demander à l'experte de l'ACDI d'y répondre.
    Merci beaucoup, madame la ministre.
    En effet, les conditions de travail des nouveaux élus sont très difficiles. Dans un premier temps, nous serons tout à fait disposés à analyser dans quelle mesure nous pouvons fournir du matériel pour appuyer ces gens, surtout en termes d'information et d'équipement.
     Un projet d'infrastructure important ne fait pas partie de la planification de l'ACDI à ce stade. L'infrastructure comme telle ne fait pas partie des priorités de l'ACDI, mais nous pouvons certainement, au moyen de matériel d'information, aider les recherchistes à appuyer les députés.
    À la suite de la visite que les fonctionnaires vous rendront la semaine prochaine, probablement à Port-au-Prince, pourriez-vous faire parvenir au comité tous les projets qui seront mis de l'avant? Je pense que ce serait très intéressant.
    Aussi, vous avez dit, dans votre mot d'ouverture, ce qui suit:
Nous avons fourni des conseillers de haut niveau au gouvernement de transition, qui a été en mesure de présenter un bilan, sous forme de livre blanc, au nouveau gouvernement.
    Ce document est-il disponible? Si oui, j'aimerais en obtenir un exemplaire pour le comité.
     Merci.
    Bien sûr.

[Traduction]

    D'accord, monsieur Martin, il vous reste cinq minutes et demie.
    Merci, monsieur Patry.

[Français]

    Bonjour, madame Verner. Merci beaucoup d'être ici.

[Traduction]

    Bienvenue monsieur Greenhill et madame Laporte.
    Vous avez dit, dans vos observations, madame la ministre, que nos efforts portent fruits. Si nous prenons les objectifs du Millénaire pour le développement comme étalon auquel mesurer notre succès ou notre échec, pouvez-vous nous dire où nous en sommes en ce qui concerne l'espérance de vie, la mortalité infantile et l'enseignement primaire? En quoi tous ces éléments ont-ils changé depuis cinq ans en Haïti? Vous pouvez fonder vos observations sur n'importe lesquels des objectifs du Millénaire pour le développement.

[Français]

    Des gestes ont déjà été posés, notamment en ce qui a trait à la vaccination. Lors de la récente rencontre à Brazilia, on a annoncé un million de dollars encore pour un programme de vaccination pour les jeunes enfants.
     Je sais que vous êtes en mesure d'apprécier à leur juste valeur les données suivantes: on a vacciné 850 000 enfants contre la rougeole, 1 150 000 enfants contre la polio, 385 000 enfants contre la diphtérie et la tuberculose et 116 000 femmes contre le tétanos maternel.
    Or, le tout a été fait en une seule année. C'est important de le noter.
     Il y a évidemment l'amélioration du régime alimentaire de 1,8 million de personnes desservies par 150 centres de santé grâce au Programme alimentaire mondial, ou PAM, dont l'ACDI est le principal bailleur de fonds, comme M. Morris le disait la semaine dernière.
(1655)

[Traduction]

    Il s'agit là d'investissements multilatéraux qui permis la vaccination, je suppose, pas nécessairement l'investissement de l'ACDI. Est-ce que c'est là ce que nous faisons par le biais de nos programmes multilatéraux?

[Français]

    Non, c'est notre programme.
    Je vous félicite.

[Traduction]

    En ce qui concerne le VIH-sida en Haïti — et nous connaissons tous la tragédie qui s'y déroule actuellement — avons-nous une idée du nombre de personnes qui ont accès aux rétroviraux grâce à l'investissement de l'ACDI?

[Français]

    Je vous rappellerai que vendredi dernier, j'étais aux Nations Unies dans le cadre d'une importante conférence sur le sida. Bien sûr, c'est une grande préoccupation, et Haïti est touché. En tant que ministre, je suis personnellement préoccupée par la féminisation du phénomène du sida. Je vais demander aux gens de mon ministère s'ils ont le nombre précis de femmes qui ont été vaccinées ou, à tout le moins, traitées contre le sida.
    Avons-nous cette information, madame Laporte?
    Oui.
    On me dit qu'on obtiendra cette information. Il me fera plaisir de vous l'acheminer.

[Traduction]

    Merci, madame la ministre.
    Je terminerai en disant que tout renseignement que peut avoir l'ACDI sur les changements qu'ont favorisé ces investissements, relativement à ces paramètres, en Haïti serait, je pense, utile en fin de compte, pour que nous puissions produire un rapport sommaire efficace.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Martin.
    Madame St-Hilaire, vous avez 10 minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, madame la ministre, d'être ici.
    J'ai écouté attentivement votre allocution. Je sens un certain vent d'espoir pour les gens d'Haïti.
    À la page 5 de votre allocution, il est question de la communauté des bailleurs de fonds dont fait partie le Canada. Il y avait une proposition voulant que les bailleurs de fonds s'engagent pour une période de dix ans. Beaucoup de choses se passent, mais l'important, c'est que les gens en Haïti comprennent qu'il y a de l'espoir et qu'il s'agit d'engagements à long terme et non d'un one-shot deal.
     Quel est votre engagement en ce sens?
    Le 25 juillet prochain, il y aura une conférence des bailleurs de fonds. Compte tenu de la situation et de son évolution, des décisions seront prises à ce sujet. Haïti est un État fragile qu'il faut suivre de façon très pointue. Je crois qu'il y aurait lieu d'attendre la position des donateurs qui se réuniront le 25 juillet.
    Il sera également important de considérer les priorités et les demandes du nouveau gouvernement.
    On dit souvent qu'éduquer un enfant, c'est éduquer une nation. Lorsqu'on parle d'aide internationale, il s'agit d'aide à l'éducation. Vous avez vaguement effleuré le sujet de l'éducation.
    Pourriez-vous nous dire concrètement ce que votre gouvernement avait l'intention de faire par rapport à l'aide directe au chapitre de l'éducation?
    L'éducation fait partie de nos grandes priorités. J'essaie d'avoir des données plus précises. Je crois que vous aimeriez obtenir des chiffres, n'est-ce pas?
    Au cours des deux dernières années, 76 millions de dollars ont été investis dans l'accès aux services de base, dont l'éducation, ce qui a permis le retour à l'école de 75 000 enfants pour l'année 2005-2006 dans des quartiers défavorisés. Pour plus de 40 000 enfants, nous avons amélioré la qualité de l'enseignement, et dans la région de l'Artibonite, nous avons formé 1 000 enseignants dans 133 écoles. Ce sont des chiffres très précis qui ont été répertoriés.
(1700)
    Je vous arrête, puisque nous n'avons pas beaucoup de temps.
    Pourriez-vous nous parler de l'avenir?
    Pour l'avenir, nous avons les mêmes engagements, soit l'éducation, la santé, la bonne gouvernance, la relance économique et tous les thèmes que j'ai mentionnés au début de mon discours.
    Nous avons rencontré M. Préval lors de sa visite récente au Canada. Nous sommes confiants qu'il établira ses besoins en collaboration avec son équipe. Le but, c'est de leur venir en aide et de les accompagner, et non de prendre les décisions pour eux.
    Je vais vous poser une dernière question, car ma collègue en aura certainement d'autres.
    Je sais que la préoccupation cet après-midi, c'est Haïti. Quelle est votre vision personnelle, et en tant que ministre responsable de l'ACDI, du développement et de l'aide internationale? Ce n'est pas toujours clair, lorsqu'on parle de l'ACDI. On comprend son mandat, mais concrètement, on ne sait pas toujours à quoi sert exactement l'argent.
    Sert-il à l'aide humanitaire directe consacrée à la pauvreté, la famine, l'éducation, ou s'il sert également — on entend toutes sortes d'histoires — à la sécurité? Par exemple, en Afghanistan, on demande aux chefs de village de dénoncer des situations.
    Personnellement, croyez-vous que ce soit le rôle de l'ACDI?
    Mon opinion personnelle, puisque vous me la demandez, est que le mandat de l'ACDI est d'abord d'ordre humanitaire. Je pense qu'il est de notre devoir de venir en aide aux populations démunies qui vivent des situations de détresse, mais je pense également qu'il faut aider les pays qui souhaitent se développer. Il faut les accompagner. Il faut s'assurer que les populations elles-mêmes vont choisir de se prendre en main. Si la démocratie s'est installée dans un pays, je pense qu'il faut l'accompagner et conforter les gens dans l'idée que le développement de leur pays passe par la démocratie et la bonne gouvernance.
    Cela dit, je vous rappelle que lors de la lecture du discours du Trône, on a parlé de l'efficacité de l'aide. Je trouve que ce concept est extrêmement important. Je pense que la population canadienne, dans son âme et conscience, est extrêmement généreuse, mais qu'elle veut savoir si l'aide qu'elle fournit donne quelque chose. Elle veut en connaître les résultats. Je suis convaincue qu'il faut faire des pas dans ce domaine également.
    Je voudrais vous poser une dernière question parce que vous m'amenez sur une très belle piste.
     M. Harper demandait, le 17 février 2005, qu'on ait une loi sur l'aide internationale. J'imagine que vous allez débuter ou poursuivre ce projet avec plaisir.
    J'ai demandé aux fonctionnaires de mon ministère d'évaluer toutes les options.
    Madame Lalonde, vous disposez de trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mon intervention va dans le même sens que celle de ma collègue. Je suis allée en Haïti avec le ministre. Je connaissais beaucoup Haïti par les textes et les images, mais là, j'y étais. Je ne sais pas si vous y êtes allée, mais allez-y le plus vite possible, car Haïti est vraiment dans une situation dramatique.
    La semaine dernière, on a beaucoup parlé de sécurité. Je me suis fait confirmer que cette question était encore extrêmement importante. Je me permets de rappeler les objectifs qui sont proposés par le International Crisis Group, un organisme fort réputé. Il a parlé d'un engagement de 10 ans, non seulement sur le plan du développement économique, mais aussi pour des objectifs en matière de sécurité et de justice, notamment celui de mettre fin à l'impunité. Si on ne met pas fin à l'impunité, on ne pourra pas procéder au désarmement et on ne pourra rien faire. En ce qui a trait à la croissance économique, il faut donner la priorité au développement rural, parce qu'il y a beaucoup de personnes sans emploi à la campagne qui pourraient ainsi vivre. On peut redonner un couvert forestier. Il faut travailler à la décentralisation et à la réduction de la pauvreté.
    Que dites-vous de ces objectifs?
(1705)
    Madame la députée, je n'ai pas eu l'occasion d'y aller, mais je dois m'y rendre bientôt. Les circonstances ont fait que je n'ai pas eu la chance d'y aller plus tôt. Toutefois, ma secrétaire parlementaire y est allée.
    Cela dit, nous avons effectivement des objectifs de sécurité. Lors de la Conférence ministérielle de la Francophonie qui s'est tenue à Saint-Boniface, il en a été fait mention. En effet, l'Organisation internationale de la Francophonie est également impliquée. J'ai rencontré mon homologue française, Mme Girardin, à Paris. Cette est très engagée dans la relance d'Haïti et souhaite continuer à l'être.
    D'autre part, je suis d'accord avec vous qu'il faut continuer à investir sur le plan de la sécurité. Tout est à faire en Haïti. Je pense que nous sommes à la croisée des chemins, parce que la population d'Haïti vient de se donner un gouvernement démocratiquement élu. Je pense que cela constitue le point de départ de bien des choses.
    En ce qui a trait à la justice, je peux vous dire que plus de 65 millions de dollars ont été investis dans ce domaine au cours des deux dernières années. Nous nous sommes engagés à continuer à investir en Haïti. Je peux vous dire, à vous et à votre collègue, qu'il y aura une conférence le 25 juillet regroupant des bailleurs de fonds et le nouveau gouvernement. M. Préval a un plan très positif pour son pays. On l'a assuré que nous serions là pour continuer de l'accompagner dans sa démarche.

[Traduction]

    Merci, madame la ministre.
    Monsieur Goldring, vous avez 10 minutes.
    Merci d'être ici aujourd'hui, madame la ministre.
    Comme je reviens moi-même à peine d'Haïti, où j'étais pendant les élections, ce qui m'a le plus frappé, c'est tout le tragique de la situation. C'est de visiter un pays qui semble avoir vécu dans un vide temporel pendant 50 à 60 ans, mais si on regarde derrière cela, on voit ce qui a dû être un pays relativement prospère il y a quelque 60 ans.
    Alors il est certain que je serais d'accord pour dire, à l'examen des dernières 60 ans d'histoire du pays, que l'un des premiers éléments auxquels il faut s'intéresser, c'est la gouvernance, parce qu'il est évident que c'est ce qui a amené le pays à son déclin. J'ai été heureux de voir les progrès réalisés.
    Nous étions là pendant la période électorale. Il y en a eu beaucoup pour dire que un taux de participation de 30 p. 100 aux élections, c'est peu. Je dirais que c'était une bonne participation, si on pense que ce n'était pas les élections présidentielles, mais l'élection de députés. Plus que cela, comme un verre à moitié plein, c'était aussi très positif, parce qu'il y a eu très peu de perturbations. Donc les gens qui ont participé, et M. Kingsley et Élections Canada, méritent des louanges pour cela.
    Vous avez parlé des autres projets d'aide. Je suis heureux que le Canada refasse un examen des projets et engage plus de fonds, parce qu'il y a tellement de besoins criants dans le pays, et c'est plus une question d'essayer de décider où on orientera l'aide fournie.
    Il y a un projet d'aide que nous sommes allés voir sur place, dans la ville de Jacmel. En parlant au maire de cette ville, qui ne se retenait pas de joie parce que ce projet avait tellement aidé sa collectivité depuis 10 ans, mais la plus grande plainte qu'il ait eu à formuler c'est le fait que cela avait attiré trois nouveaux hôtels et entreprises dans la collectivité, mais maintenant, ils allaient être confrontés à d'autres formes d'exigences d'infrastructure pour absorber l'augmentation de la population.
    Ce projet posait une difficulté que j'ai pu observer, et je le vois plus dans la formulation du contrat original et de son suivi. Il a beaucoup été question de ces contrats et de plans exigeant un engagement à long terme. Cette usine électrique existe depuis une dizaine d'années maintenant. L'une des génératrices a dû être complètement arrêtée, elle était démontée et avait grand besoin d'entretien. L'électricité doit être coupée six heures par jour, et la raison donnée à cela est que rien n'avait été prévu pour augmenter le coût de l'électricité de manière à compenser l'augmentation du cours mondial du pétrole. C'est l'une de ces choses fondamentales, dans un contexte commercial, que je ne peux tout simplement pas comprendre que vous ayez manqué quand vous avez formulé un plan pour aider un secteur.
    De toute évidence, la collectivité a très bien réagi, pour acquitter ses comptes, et elle est habituée à la situation. Il est certain que tout le monde paie l'essence au cours mondial pour remplir les réservoirs d'essence des voitures, alors je ne pense pas qu'ils verraient un problème à payer un prix juste pour leur électricité.
    Alors la question que j'ai à poser, madame la ministre, en ce qui concerne ce projet et d'autres que nous examinons, est la suivante : est-ce que vous passez en revue ces projets en essayant de prévoir certaines de ces difficultés futures, afin que chaque projet puisse être plus durable, à long terme? Étant donné que le réseau électrique de Jacmel, manifestement, a transformé cette collectivité, il pourrait y avoir de bonnes raisons de vouloir le reproduire dans d'autres régions.
(1710)
    Madame la ministre.

[Français]

    Je vous remercie de votre question.
    Je suis au courant des problèmes que connaît Haïti; nous avons eu l'occasion d'en discuter. Je crois qu'il est important de noter que personne ne pouvait prévoir la montée du coût du pétrole et l'incidence que ça aurait sur le projet d'électrification de Jacmel.
    Il faut comprendre que pour compenser, il aurait fallu augmenter les montants facturés aux citoyens. Le gouvernement de transition a fait un choix économique, de façon à ne pas créer de tensions pendant la période électorale. Ainsi, pour des raisons de sécurité, il n'a pas voulu augmenter les tarifs en fonction de l'augmentation des coûts du pétrole.
    Il est certain que nous avons tenu des discussions et que nous continuons à faire pression auprès des nouvelles autorités haïtiennes et des autres donateurs afin que la situation soit régularisée et que les tarifs soient ajustés en conséquence.

[Traduction]

    Merci.
    Vous avez parlé, madame la ministre, du taux d'alphabétisation des adultes, qui est de 52 p. 100, et des efforts pour améliorer la gouvernance du pays. Je pense qu'il en a été question pendant la période électorale, et d'après de nombreuses personnes à qui nous avons parlé... Il est réellement nécessaire, dans tout le pays, que les gens comprennent leurs parlementaires et leurs sénateurs — le rôle qu'ils joueraient et leur interaction avec l'administration publique — et que le citoyen moyen puisse accepter le concept de l'élection de ses députés et sénateurs, et être plus enthousiastes à l'égard de ce concept. Peut-être est-ce l'une des raisons pour lesquelles il n'y a eu que 30 p. 100 de participation aux élections.
    Si on injecte encore plus d'argent dans l'amélioration de la gouvernance et pour continuer sur cette voie, l'un des principaux moyens par lequel cela pourrait se faire — encore une fois, à très long terme — c'est, bien sûr, par le biais des écoles. Il est évident que ce serait la meilleure façon de relever le défi de l'alphabétisation.
    Nous avons remarqué, lorsque nous étions là-bas que toutes les écoles, à quelques-unes près, étaient sombres, mornes et ternes, et que les tableaux qui s'y trouvaient étaient tellement usés qu'il était à peine possible d'y faire la moindre marque.
    Est-ce qu'il est envisagé de travailler avec les organismes de coopération internationale, tout d'abord, pour améliorer l'état des classes et, ensuite, pour concevoir un modèle qui serait mis en oeuvre, avec notre méthode de gouvernance par le biais du réseau scolaire, en tant que module d'éducation qui pourrait être enseigné tous les ans, de manière à ce que dans 10 ou 15 ans, le taux d'alphabétisation — le taux de compréhension, du niveau de la gouvernance, à tout le moins — serait nettement plus élevé?
(1715)

[Français]

    J'aimerais aborder rapidement l'organisation et l'observation des élections.
    Nous avons fourni 30 millions de dollars à cet effet. Plus de 100 observateurs canadiens ont participé à ce processus. Nous avons formé des journalistes afin d'améliorer la couverture de presse, et nous allons maintenant fournir de l'aide technique aux nouveaux élus par l'intermédiaire du Centre parlementaire canadien, simplement pour traiter du processus électoral.
     Concernant l'éducation et les investissements dans ce domaine, je vais demander à Mme Laporte de répondre. Elle pourra décrire de façon plus précise la problématique scolaire en Haïti.

[Traduction]

    Merci, madame la ministre.
    Merci, monsieur Goldring.
    Il est clair que l'éducation est l'un des plus grands défis qui se posent en Haïti. Je pense que c'est probablement une situation unique au monde, qui fait que 85 p. 100 du système d'éducation est dans le secteur privé, avec des degrés très inégaux de qualité, on peut bien l'imaginer. L'un des plus grands défis pour Haïti est que l'État regagne le contrôle de la qualité de l'éducation et y joue un rôle normatif et réglementaire.
    Le président Préval, quand il a été élu en février, a tout de suite amorcé un dialogue avec la Banque mondiale pour qu'elle assume un leadership, avec la communauté internationale, pour définir un projet. Il vise particulièrement l'objectif que chaque enfant aille à l'école primaire et reçoive au moins un repas par jour, pour pouvoir apprendre de façon appropriée. Ce sont certainement là des objectifs que nous pouvons vraiment comprendre et appuyer.
    Tant que le plan d'investissement dans le secteur de l'éducation, en tant que tel, ne sera pas concrétisé, pour l'instant, nous poursuivons des projets de développement local dans le système scolaire, et nous sommes présents dans plusieurs régions.
    Lorsque vous avez parlé des 30 p. 100 de participation aux élections législatives... Je pense que cela illustre deux choses. D'abord, dans ce pays, le président est maître de tout, alors une fois qu'il est élu, peu d'intérêt est porté aux députés, avec tout le respect que je dois à mes collègues autour de la table. C'est une chose.
    L'autre chose, c'est que nous devons faire la promotion du concept d'éducation civique. L'ACDI, dans la période qui a précédé les élections, a financé plusieurs ONG locales pour faire exactement cela, faire prendre conscience aux citoyens de leur droit. C'est un droit politique. C'est une question de droit de la personne, qu'ils aillent voter, et les sensibiliser... Nous avons eu recours aux journalistes, pour sensibiliser la population, mais c'est une population très peu alphabétisée, qui ne peut pas se permettre d'acheter le journal. Bien sûr, nous avons beaucoup communiqué par la radio, parce qu'ils écoutent la radio.
    Alors il y a l'aspect d'un plan éducatif qui soit normatif, et dont le gouvernement serait le maître. Nous appuierons ce plan quand il sera tout à fait prêt, et je pense qu'il devrait l'être d'ici environ un an.
    Le deuxième élément, c'est toute la notion d'éducation civique. C'est certainement quelque chose que nous pouvons veiller, dans le dialogue que nous pouvons avoir avec la communauté internationale et le gouvernement, à rendre partie intégrante du système d'éducation.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Laporte et monsieur Goldring.
    Nous laissons à Mme McDonough la dernière question.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être venue devant le comité, madame Verner.
    Vous nous avez rappelé qu'Haïti est en 153e position sur 177 pays dans l'indice de développement humain, et que c'est le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental. Vous avez aussi exprimé des préoccupations sur la hausse alarmante du VIH/sida en Haïti.
    Mes questions découlent de ces deux éléments que vous avez soulevés. Il y en a de nature plus générale, et l'une concerne particulièrement Haïti.
    Vous savez certainement que ce comité a adopté à l'unanimité — et ensuite, le Parlement a adopté à l'unanimité — une motion appelant le gouvernement de l'époque, qui était alors libéral, à accélérer l'application des mesures pour nous acquitter nos obligations d'aide au développement outre-mer, et particulièrement pour se dépêcher d'atteindre le niveau de 0,7 de l'APD.
    De toute évidence, cela aurait une incidence sur le genre d'engagements que nous pouvons prendre à l'égard d'Haïti. Je pourrais ajouter que lorsque M. Greenhill a comparu devant ce comité l'année dernière, il a soutenu que nous devrions accélérer ce programme, et il a ainsi influencé quelque peu la position du comité.
    Ma première question, c'est si nous pouvons compter sur vous pour respecter ce consensus et vous faire la championne de cette position, parce que si le ministre de la Coopération internationale ne le fait pas, je ne vois pas qui d'autre le pourra.
    Deuxièmement, vous savez aussi qu'il y a eu un consensus entre les partis, au sujet de la nécessité d'une loi sur le développement international pour bien clarifier le mandat et faire de la pauvreté l'objectif principal... Là encore, Haïti serait un bénéficiaire de cette démarche. Pouvons-nous compter sur vous pour nous aider à accélérer la réalisation de cet engagement à créer ce genre de loi aussitôt que possible?
    Troisièmement, vous savez que la tuberculose est la principale cause de décès des personnes qui vivent avec le sida. Dans le contexte d'Haïti, je pense ne pas me tromper en disant que le programme d'Haïti pour la tuberculose a été financé à 100 p. 100 par le mécanisme de fonds mondial, dont le Canada est l'un des principaux contributeurs, et il ne fait pas de doute que les programmes sur la tuberculose sont très efficaces par rapport aux coûts et sauvent des vies. Je ne suis pas sûre de l'incidence de la malaria en Haïti. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela — mais on entend exprimer de véritables craintes sur la possibilité que l'ACDI puisse réduire sa participation dans les programmes de lutte contre la tuberculose et la malaria.
    Pourriez-vous éclairer le comité là-dessus, et expliquer pourquoi le Canada devrait aller dans le sens contraire de toute réduction budgétaire à cause de l'efficacité par rapport aux coûts de ces programmes et de l'importance qu'ils ont pour Haïti et d'autres pays?
(1720)
    Merci, madame McDonough.
    Madame la ministre.

[Français]

    Je vous remercie. Il s'agit de trois questions, si j'ai bien compris.
    Pour ce qui est de l'accroissement de l'aide internationale, vous savez sans doute que dans le budget de 2006, nous avons consenti une somme supplémentaire de 320 millions de dollars, dont 250 millions au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme. En tant que formation politique, vous avez dû noter dans notre programme électoral que nous nous étions engagés à augmenter de 425 millions de dollars l'aide internationale sur une période de cinq ans.
    Je tiens à vous rappeler qu'il s'agit d'une question très importante pour moi et pour notre gouvernement. Bien sûr, selon les prévisions budgétaires et les sommes dont nous disposerons au cours des prochaines années, il me sera plus facile de donner des réponses plus précises à ce sujet. Quoi qu'il en soit, nous nous sommes engagés à accroître l'aide internationale.
    La deuxième question portait sur la législation. Comme je l'ai dit plus tôt à Mme St-Hilaire, si mes souvenirs sont exacts, j'ai demandé aux fonctionnaires de mon ministère de considérer toutes les options possibles, notamment pour s'assurer de l'efficacité de l'aide. Nous en avons parlé dans le discours du Trône.
    La troisième question concernait la lutte contre la malaria. On m'informe qu'il existe très peu de malaria en Haïti. Je vous rappelle que nous avons consenti dans le dernier budget 250 millions de dollars, notamment au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
(1725)

[Traduction]

    Et le programme sur la tuberculose, en rapport avec Haïti, et plus précisément...

[Français]

    Votre question portait sur un programme sur la tuberculose, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Oui, d'après ce que j'ai comme renseignement, le programme de lutte contre la tuberculose en Haïti est financé à 100 p. 100 par le mécanisme de fonds mondial, dont le Canada est un des principaux contributeurs. Des signes de réduction éventuelle de ces programmes ont suscité de vives préoccupations, et j'aimerais obtenir l'assurance que ces préoccupations ne sont pas fondées.

[Français]

    Je n'ai pas cette information, madame McDonough. Je peux demander au sous-ministre de vous répondre, mais je n'ai pas d'indications à cet effet.

[Traduction]

    Merci beaucoup, et merci d'avoir souligné l'efficacité du dispositif mondial, que d'ailleurs le Canada a contribué à créer. Il est vrai qu'avec l'appui du Canada depuis cinq ans, l'Organisation mondiale de la Santé estime que le Canada a probablement contribué à sauver plus d'un demi-million de vies par le biais des programmes de lutte contre la tuberculose, au coût de moins de 200 $ par vie sauvée. Donc, c'est l'une des interventions pour la santé les plus efficaces actuellement.
    Comme l'a fait remarquer la ministre, les 250 millions de dollars du fonds mondial aident aussi à financer les médicaments antituberculeux. Nous continuons d'être un participant d'importance, tant au plan financier que par notre leadership, à ce dispositif mondial. Il n'y a eu aucun changement dans cette approche.
    Merci.
    Madame, il vous reste trois minutes de plus, si vous voulez.
    Je suppose que je pourrais revenir, alors, aux chiffres que je vous ai entendu citer, en ce qui concerne les augmentations budgétaires. Bien entendu, vous savez que ce taux d'augmentation ne nous approche pas beaucoup de l'objectif de 0,7 p. 100. L'une des grandes ironies de ce fait est que sous le gouvernement conservateur antérieur, le niveau d'APD était déjà de 0,5 p. 100 et, malheureusement, le gouvernement libéral l'a réduit à 0,23 p. 100.
    La question qui se pose vraiment, c'est s'il y a vraiment détermination de votre part, et de celle du gouvernement — mais surtout de votre part — pour vous faire les champions de cet engagement d'atteindre 0,7 p. 100, qui exigera, sans le moindre doute, une augmentation des fonds d'aide au développement international qui sont libérés.
    Le chiffre que vous avez cité nous amènerait, tout au plus, à 0,43 p. 100, et ce n'est que grâce au montant que le NPD a fait ajouter au budget au tout dernier moment, lors de la dernière législature, que vous avez inclus dans vos chiffres. Avec tout cela, nous n'en sommes qu'à 0,43 p. 100, ce qui signifie que nous sommes encore très loin de nous acquitter de nos obligations et d'atteindre les objectifs de développement du Millénaire. D'après les évaluations de tous les experts, cela dépend de ce que les pays donateurs atteignent 0,7 p. 100.
    Alors la question que je vais poser, c'est encore est-ce que vous y êtes déterminé, et si nous pouvons compter sur vous pour lutter pour cela, puisque le consensus est tellement vaste dans tous les partis, à ce Parlement.

[Français]

    Ma réponse comportera deux volets. Vous savez que notre formation politique s'est engagée à accroître les montants pour l'aide internationale. Toutefois, je pense qu'il faut également travailler très fort sur le plan de l'efficacité de l'aide et sur le plan de la responsabilité. Les populations concernées doivent bénéficier pleinement de l'aide. Nous nous sommes engagés à cela, notamment dans le discours du Trône.
(1730)

[Traduction]

    Merci, madame la ministre.
    Alors pour terminer, dans votre témoignage, aujourd'hui, vous avez parlé de plusieurs choses. Tout d'abord, vous avez dit que vous aviez assigné des conseillers de haut niveau au gouvernement de transition. Je pense que nous connaissons tous l'engagement du Canada là-bas. Mais vous avez aussi dit que les conseillers ont pu remettre au nouveau gouvernement un livre blanc décrivant les progrès réalisés jusqu'à ce jour. Je me demande si le comité peut avoir accès à ce document? C'est ma première question.
    Aussi, dans la même veine, vous dites que vous fournissez un conseiller technique au président d'Haïti. Qui est-ce?

[Français]

    En ce qui concerne le livre blanc, un collègue libéral a posé la question plus tôt, et nous lui avons répondu que nous allions le fournir. Pour ce qui est du conseiller qui travaille auprès de M. Préval, il s'agit d'un consultant, M. Fernand Yvon.

[Traduction]

    Merci, madame la ministre.
    Nous vous remercions de vous être joints au comité aujourd'hui, Nous étions impatients de vous voir, et nous voilà avec deux ministres ici. Nous apprécions que vous soyez venus.
    Nous entendons retentir la sonnerie, alors il est temps d'aller voter. La séance est levée.