CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 4 avril 2005
· | 1310 |
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)) |
M. Gerry Clément (sous-ministre adjoint, Immigration et du multicultralisme, Asemblée législative du Manitoba) |
· | 1315 |
· | 1320 |
Le président |
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC) |
M. Gerry Clement |
Mme Ximena Munoz (directrice, Programme d'intégration, Asemblée législative du Manitoba) |
· | 1325 |
Le président |
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ) |
M. Gerry Clement |
M. Roger Clavet |
M. Gerry Clement |
· | 1330 |
M. Roger Clavet |
M. Gerry Clement |
Mme Ximena Munoz |
Le président |
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD) |
Mme Ximena Munoz |
· | 1335 |
Le président |
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.) |
· | 1340 |
M. Gerry Clement |
Le président |
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC) |
Mme Ximena Munoz |
Le président |
L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.) |
M. Gerry Clement |
· | 1345 |
Le président |
Le président |
M. David Matas (avocat spécialiste en immigration, à titre personnel) |
· | 1355 |
Le président |
M. Kenneth Zaifman (président, Avocat d'immigration, Zaifman Associates) |
¸ | 1400 |
Le président |
M. Thomas R. Denton (à titre personnel) |
¸ | 1405 |
¸ | 1410 |
Le président |
Mme Baerbel Langner-Pennell (président (section Manitoba), Section du droit de la citoyenneté et de l'immigration, Zaifman Associates, Association du Barreau canadien) |
Le président |
Mme Baerbel Langner-Pennell |
Le président |
Mme Baerbel Langner-Pennell |
¸ | 1415 |
Le président |
M. Inky Mark |
M. David Matas |
¸ | 1420 |
Le président |
M. Kenneth Zaifman |
Le président |
M. Roger Clavet |
Mme Baerbel Langner-Pennell |
¸ | 1425 |
M. Kenneth Zaifman |
M. Roger Clavet |
M. Thomas R. Denton |
Le président |
M. Bill Siksay |
¸ | 1430 |
M. Thomas R. Denton |
M. Bill Siksay |
M. Thomas R. Denton |
Le président |
L'hon. David Anderson |
M. Kenneth Zaifman |
L'hon. David Anderson |
M. Kenneth Zaifman |
L'hon. David Anderson |
¸ | 1435 |
M. Thomas R. Denton |
L'hon. David Anderson |
M. David Matas |
M. Kenneth Zaifman |
Le président |
M. Kenneth Zaifman |
¸ | 1440 |
Le président |
L'hon. David Anderson |
Le président |
Mme Nina Grewal |
M. Kenneth Zaifman |
Mme Nina Grewal |
M. Kenneth Zaifman |
Mme Nina Grewal |
M. Kenneth Zaifman |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Mme Baerbel Langner-Pennell |
¸ | 1445 |
M. Lui Temelkovski |
M. Kenneth Zaifman |
Le président |
M. David Matas |
Le président |
M. David Matas |
Le président |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
M. Joseph Zihalirwa (First Presbyterian Church Mission) |
¸ | 1455 |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Mme Mira Thow (membre, Conseil d'administration, Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs) |
¹ | 1500 |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
M. John Peters (coordinateur, Services de Parrainage, Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba (Place de Bienvenue)) |
¹ | 1505 |
M. Hai Tonthat (conseiller, Services de Parrainage, Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba (Place de Bienvenue)) |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Mme Leslie Wilder (présidente, Sous-comité de l'immigration, Jewish Federation of Winnipeg/Combined Jewish Appeal) |
¹ | 1510 |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Mme Faye Rosenberg-Cohen (directrice de la planification, Jewish Federation of Winnipeg/Combined Jewish Appeal) |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Révérand Jack Duckworth (First Presbyterian Church Mission) |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Le rév. Jack Duckworth |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Mme Nina Grewal |
Mme Mira Thow |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
M. Joseph Zihalirwa |
¹ | 1515 |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
M. Roger Clavet |
M. Hai Tonthat |
M. Roger Clavet |
M. Joseph Zihalirwa |
M. Roger Clavet |
M. Joseph Zihalirwa |
¹ | 1520 |
M. Roger Clavet |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
M. Bill Siksay |
M. Joseph Zihalirwa |
M. Hai Tonthat |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
M. Bill Siksay |
M. John Peters |
¹ | 1525 |
Mme Leslie Wilder |
Mme Faye Rosenberg-Cohen |
¹ | 1530 |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
L'hon. David Anderson |
M. Joseph Zihalirwa |
L'hon. David Anderson |
M. Joseph Zihalirwa |
L'hon. David Anderson |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
M. Lui Temelkovski |
M. John Peters |
¹ | 1535 |
M. Lui Temelkovski |
M. John Peters |
M. Lui Temelkovski |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Le président |
Dr Vedanand (professeur, Gestion transculturelle, Université du Manitoba, à titre personnel) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
Dr Vedanand |
Le président |
M. Ed Wiebe (coordinateur, Programmes de réfugiés, Comité central mennonite du Canada) |
¹ | 1555 |
Mme Elaine Harder (coordinatrice, Programmes de réfugiés, Comité central mennonite du Canada) |
M. Ed Wiebe |
Mme Elaine Harder |
º | 1600 |
M. Ed Wiebe |
Le président |
Mme Margaret von Lau (directrice générale, Centre des familles victimes de la guerre) |
M. Selamawi Ezuz (coordonnateur, Programme d'orientation, Centre des familles victimes de la guerre) |
º | 1605 |
º | 1610 |
Le président |
M. Inky Mark |
Dr Vedanand |
º | 1615 |
Le président |
M. Roger Clavet |
M. Ed Wiebe |
Mme Elaine Harder |
M. Roger Clavet |
Mme Elaine Harder |
M. Roger Clavet |
Mme Elaine Harder |
M. Roger Clavet |
M. Selamawi Ezuz |
º | 1620 |
M. Roger Clavet |
M. Selamawi Ezuz |
Le président |
M. Bill Siksay |
Mme Margaret von Lau |
M. Ed Wiebe |
º | 1625 |
M. Bill Siksay |
Mme Elaine Harder |
M. Bill Siksay |
Mme Elaine Harder |
Le président |
L'hon. David Anderson |
M. Selamawi Ezuz |
º | 1630 |
L'hon. David Anderson |
M. Selamawi Ezuz |
L'hon. David Anderson |
Le président |
Mme Nina Grewal |
Le président |
M. Selamawi Ezuz |
º | 1635 |
Le président |
M. Selamawi Ezuz |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Mme Margaret von Lau |
º | 1640 |
Dr Vedanand |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 4 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
· (1310)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): Je vais ouvrir la séance et nous entendrons Gerry Clement, sous-ministre adjoint de l'Immigration et du Multiculturalisme, ainsi que Mme Munoz.
Gerry nous a dit qu'il avait entendu parler de notre programme de voyages et qu'à son avis nous ne sommes pas un comité « permanent », mais « itinérant ».
Des voix: Oh, oh!
Le président: Merci beaucoup pour cette observation.
Faites-nous un exposé de 10 minutes, après quoi nous vous poserons des questions. Nous vous ferons part de tous les commentaires que nous aurons entendus, d'un bout à l'autre du pays, au cours de ces audiences. De toute évidence, la reconnaissance des titres de compétences est un dossier très frustrant pour beaucoup de gens et que notre comité voudrait certainement aider à résoudre, avec votre aide et celle de tous nos homologues provinciaux.
Merci d'être venus.
M. Gerry Clément (sous-ministre adjoint, Immigration et du multicultralisme, Asemblée législative du Manitoba): Merci beaucoup, monsieur Telegdi, et merci à tous les membres du comité de nous avoir invités à énoncer certains éléments de la stratégie de reconnaissance des compétences du Manitoba. Quand je parle de stratégie, je veux parler d'un processus que nous avons lancé il y a quelques années et qui a exigé beaucoup de détermination de la part du gouvernement provincial, du personnel et, bien entendu, de tous nos partenaires.
Vendredi dernier, je vous ai envoyé par courriel la copie de certains de nos documents d'information. Je vous demande de m'excuser de ne pas vous les avoir envoyés plus tôt. Je me suis absenté de mon bureau pendant deux semaines pour profiter un peu du soleil de Cuba. Vous les trouverez à votre retour et nous en avons apporté des exemplaires ici.
Je vais commencer par un texte préparé, après quoi nous serons certainement prêts à répondre à vos questions. Mme Ximena Munoz sera là également pour m'aider.
Au cours de ces deux dernières années, le Manitoba a fait preuve de l'initiative, de la créativité, de l'innovation et de la compassion nécessaires pour accomplir beaucoup de travail dans le domaine de la reconnaissance des compétences. C'est grâce à l'appui et à la participation des parties prenantes que nous avons au Manitoba un cadre de reconnaissance des compétences et que des mesures concrètes sont en cours. La reconnaissance des compétences demeure une priorité pour le gouvernement du Manitoba. Nous sommes déterminés à diriger une stratégie efficace qui permettra de surmonter les obstacles qui existent dans nos systèmes et de respecter nos priorités en matière d'immigration et d'établissement.
Notre stratégie se fonde sur la contribution active de ceux qui évaluent les compétences et réglementent les professions, de ceux qui embauchent de nouveaux arrivants et qui fournissent une aide à la formation, à l'éducation et à l'établissement, ainsi que celle des organismes de financement. Enfin, la reconnaissance des compétences est une responsabilité partagée. Les difficultés auxquelles sont confrontés les nouveaux arrivants pour faire reconnaître leurs compétences et obtenir un emploi sont complexes et systémiques.
Nous avons coordonné une approche systémique pour nous attaquer à ces problèmes et faciliter des changements significatifs, à grande échelle et à long terme. En plus de notre rôle au niveau provincial sur le plan du leadership et du développement, nous comptons élargir notre leadership en formant des groupes sectoriels auxquels participeront des organismes de réglementation, des établissements d'enseignement, des employeurs et des syndicats. Ces groupes seront établis pour soutenir l'innovation dans certains métiers, pour partager les pratiques exemplaires et pour servir de guides.
Afin de guider la mise en place de nouvelles approches, nous menons également des consultations intensives pour établir des normes d'évaluation. Grâce à ces normes, les nouveaux arrivants seront évalués en fonction de leurs compétences, de leurs connaissances et de leur expérience, de façon équitable et efficace. La reconnaissance des compétences ne sera pas un exercice futile. Elle visera à abaisser les nombreuses barrières auxquels les immigrants se trouvent confrontés pour entrer et progresser sur le marché du travail. Nous devons également consolider les compétences et les connaissances requises pour aider ceux qui appliqueront les nouveaux processus d'évaluation.
Un des principaux obstacles est l'accès au soutien financier nécessaire pour permettre aux immigrants de participer aux programmes de formation qui visent à combler les lacunes dans leur expérience ou leur formation et à leur donner accès à un emploi. Nous avons davantage de travail à faire avec nos partenaires pour augmenter l'accès des immigrants à ces possibilités d'emploi.
Il faut également faire plus accroître l'accès à l'emploi. Il y a trop d'obstacles lorsqu'on exige des immigrants qualifiés une expérience canadienne pour qu'ils puissent obtenir un emploi. En même temps, ces immigrants auront davantage la possibilité d'observer et d'évaluer leurs propres compétences et expérience en milieu de travail. À l'heure actuelle, les immigrants ne sont pas admissibles aux programmes en vigueur et il faut en créer de nouveaux.
Nous reconnaissons que les employeurs doivent participer aux discussions sur la reconnaissance des compétences pour qu'ils puissent remédier efficacement à la pénurie de main-d'oeuvre. À Steinbeck, au Manitoba, nous travaillons en collaboration étroite avec le secteur du camionnage pour établir ses besoins en ressources humaines et évaluer les immigrants qualifiés qui se trouvent au Canada ou à l'extérieur du pays. Nos travaillons également en collaboration à la mise au point de programmes de formation pour combler les lacunes afin que les immigrants puissent occuper le plus rapidement possible les emplois disponibles. Grâce à ces initiatives, nous constatons qu'il reste encore beaucoup à faire pour obtenir la participation des employeurs.
· (1315)
D'autres projets locaux vous donneront une bonne idée de la stratégie manitobaine, des projets comme le Programme de qualification des ingénieurs formés à l'étranger, le Programme de transition culturelle pour les pharmaciens et les Cours de langue de niveau avancé, ainsi que le Programme d'obtention du permis d'exercice de la médecine pour les médecins diplômés à l'étranger. Ce sont là des exemples de la coopération nécessaire pour apporter des changements systémiques réels. Et ces changements s'imposent.
Le Manitoba a reconnu que l'immigration est un moyen extrêmement positif de soutenir la croissance démographique et la croissance de la population active, de remédier aux pénuries de main-d'oeuvre, de diversifier nos collectivités et de renforcer notre patrimoine culturel. Reconnaissant que la croissance future nette de la main-d'oeuvre et de la population seront attribuables à l'immigration, le Manitoba déploie des efforts concertés pour accueillir la part qui lui revient des immigrants qui viennent au Canada et pour faire en sorte que les nouveaux arrivants participent pleinement à l'économie de notre province.
Nous réalisons des progrès mesurables pour accueillir chaque année 10 000 nouveaux arrivants d'ici 2006, conformément à notre objectif. En 1999, il n'y a pas si longtemps, 3 700 immigrants sont venus s'établir au Manitoba. L'année dernière, avec 7414 nouveaux arrivants, nous avons atteint le niveau le plus élevé pour notre province depuis 10 ans. Cette augmentation remarquable de plus de 14 p. 100, qui a porté le nombre d'immigrants à deux fois plus qu'en 2000, a été enregistrée alors que la plupart des provinces ont diminué leur part de l'immigration canadienne.
Nous devons attirer davantage de nouveaux arrivants au Manitoba, mais il est essentiel qu'ils restent chez nous. Nous sommes déterminés à accueillir et établir les nouveaux Manitobains rapidement et efficacement, tout en les aidant à trouver des emplois qui feront appel à leurs compétences, leur formation et leur expérience, à trouver des écoles pour leurs enfants et à se loger dans des quartiers où ils se sentiront en sécurité. Je suis sûr que notre province est en bonne voie de parvenir à un juste équilibre entre la demande de main-d'oeuvre et l'offre de travailleurs bien formés.
Les politiques efficaces de recrutement d'immigrants qualifiés complètent les initiatives locales. L'aide à l'établissement, l'enseignement aux adultes de l'anglais comme langue seconde et la reconnaissance des compétences jouent un rôle de premier plan dans notre stratégie d'immigration et de rétention. Une solide stratégie de reconnaissance des compétences et des systèmes visant à soutenir la reconnaissance et l'accès aux professions consolideront nos efforts visant à attirer et à retenir les nouveaux arrivants. La mise en place d'un meilleur système d'évaluation, de reconnaissance et d'emploi pour les nouveaux immigrants est la responsabilité de tous ceux qui bénéficieront de la venue des gens qui choisiront le Manitoba grâce à nos efforts. Les nouveaux arrivants représentent un incroyable réservoir de connaissances, de compétences et d'aptitudes qui ne nous ont rien coûté. Ils arrivent en s'attendant à ce que nous mettions ces caractéristiques à profit et à ce qu'ils puissent apporter leur contribution à leur nouveau pays grâce à un emploi. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que leurs talents ne soient pas gaspillés et à ce qu'ils bénéficient de la qualité de vie à laquelle les Manitobains s'attendent pour eux-mêmes et leurs enfants.
Il reste encore beaucoup à faire pour y parvenir et cela exigera notre participation à tous. Dans le cadre de l'Accord Canada-Manitoba en matière d'immigration, nous investissons actuellement 8 millions de dollars pour soutenir les services d'établissement et de formation linguistique dans l'ensemble de la province afin de répondre aux besoins créés par la croissance de l'immigration. Avec les 500 000 $ supplémentaires que nous avons récemment obtenus dans le cadre de l'Initiative des cours de langue de niveau avancé du gouvernement fédéral, nous allons élargir notre programme de cours avancés d'anglais langue seconde et d'intégration des nouveaux arrivants dans le marché du travail. Nous nous efforçons d'investir de façon équitable dans un programme d'établissement et de reconnaissance des compétences qui soutiendra adéquatement les objectifs d'immigration du Manitoba et renforcera la capacité des initiatives et des services locaux.
Le gouvernement provincial a également mis un processus en place pour examiner ses résultats dans ce domaine. Nous établissons des recommandations en vue d'une action interministérielle qui améliorera la reconnaissance des compétences. Afin de démontrer notre engagement envers la reconnaissance des compétences, nous croyons essentiel de donner l'exemple. Nous n'épargnons aucun effort pour réunir les ressources nécessaires pour faire progresser l'initiative de reconnaissance des compétences, y compris en travaillant avec nos partenaires fédéraux. Nous allons continuer à collaborer avec Citoyenneté et Immigration Canada, ainsi que Ressources humaines et Développement des compétences Canada, afin de soutenir et de développer un nouveau modèle manitobain qui fera participer les intervenants locaux et répondra aux besoins locaux. Nos solutions pourront donner naissance à un modèle canadien plus vaste lorsque nous nous serons assurés de leur pleine efficacité dans notre province.
D'après ce que disent nos collègues des autres provinces, le Manitoba a fait beaucoup de chemin et fait preuve d'un véritable leadership. Je suis certain que nous continuerons à travailler avec nos collègues et à collaborer avec les provinces voisines pour continuer ce leadership.
Merci beaucoup de votre attention.
· (1320)
Le président: Merci beaucoup.
Ma difficulté va être de donner la parole à tous ceux qui désirent poser des questions. Comme c'est la province de M. Mark, il est normal qu'il pose les premières questions.
Monsieur Mark.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC): Merci, monsieur le président.
Bienvenue au comité.
Vous avez certainement raison de dire que les immigrants qualifiés que nous recevons ne nous coûtent rien et qu'ils représentent un investissement important dans l'avenir de notre province. Il ne fait aucun doute que le programme de désignation par les provinces a été une réussite au Manitoba. En tant que Manitobains, nous savons que l'immigration est, en fait, notre source de croissance démographique.
Ma question est la suivante. Étant donné que, comme vous l'avez décrit, nous essayons d'améliorer les choses, mais qu'il y a quand même une pénurie d'infirmières et de médecins alors que les diplômés étrangers ont toujours de la difficulté à faire reconnaître leurs compétences, quel est selon vous le principal obstacle? Est-ce que ce sont les ordres professionnels qui ferment les portes? Est-ce la langue? Quels sont les obstacles à votre avis?
M. Gerry Clement: Je pourrais peut-être commencer et Ximena pourra continuer.
Depuis très longtemps, tous ceux qui ont cherché à résoudre ce problème ont essayé de l'attribuer à une cause en particulier. Nous pourrions alors désigner les coupables, apporter les changements voulus et tout irait bien. Mais nous avons très rapidement constaté que les ordres professionnels étaient prêts à changer leurs méthodes—ce qui ne se fait pas rapidement—mais qu'ils avaient besoin pour cela de la collaboration des établissements d'enseignement.
Les établissements d'enseignement devaient assouplir leurs processus étant donné que leur financement se fonde sur un programme bien défini pour l'enseignement de certains cours. Comment enseignez-vous à un médecin les méthodes canadiennes pendant que vous formez de nouveaux étudiants? Il n'est pas toujours possible de concilier les deux.
Enfin, comment amener les employeurs à reconnaître que, même si vous n'êtes pas diplômé de l'Université du Manitoba, si vous êtes diplômé de l'université du monde et que vous possédez des compétences et une formation, l'endroit où vous avez obtenu votre diplôme n'est pas aussi important que ce que vous savez faire, et que ce sont vos compétences qu'il faudrait évaluer?
Nous avons travaillé très fort pour créer, tout d'abord, une stratégie qui amènera tout le monde à collaborer. Nous avons organisé deux sommets qui ont réuni toutes les parties prenantes et ont débouché sur un consensus important. La prochaine étape consiste à trouver les programmes qui permettront de faire la transition et de faire le lien. Les immigrants arrivent avec les mêmes besoins que n'importe qui. Il faut qu'ils puissent faire vivre leur famille et qu'ils cherchent un emploi. Bien souvent, si nous leur disons qu'ils doivent suivre un programme de transition, le problème est qu'ils ont besoin de ressources pour suivre les cours tout en faisant vivre leur famille.
À mon avis, la principale difficulté est de trouver les ressources nécessaires pour cette transition qui facilitera réellement les choses étant donné que tous les autres partenaires sont prêts à faire leur part.
Mme Ximena Munoz (directrice, Programme d'intégration, Asemblée législative du Manitoba): Permettez-moi d'ajouter quelque chose à ce qu'a dit Gerry.
C'est un sujet sur lequel je travaille depuis de nombreuses années et j'ai parlé à un grand nombre des parties prenantes. Mon impression est que nous avons encore une façon plutôt dépassée d'évaluer ce que les gens savent et peuvent faire. Nous devons suivre notre temps et comprendre que le Canada n'est pas le seul pays sachant former les meilleurs médecins mais un des nombreux pays qui forment des professionnels de la santé. À mon avis, beaucoup trop d'immigrants sont encore évalués sur des choses qui n'ont aucun rapport avec la profession et l'activité qu'ils désirent exercer.
Comme l'a dit Gerry, nous constatons que, de plus en plus, les organismes de réglementation, et particulièrement les employeurs, sont prêts à procéder différemment. Ils ne savent pas comment faire, si bien que la solution la plus facile est d'examiner les documents que les gens leur apportent. Nous voulons changer cette attitude au Manitoba en disant qu'au lieu d'examiner des documents, c'est en fonction de ce qu'elle peut faire et de ses connaissances qu'il faut évaluer une personne.
D'autre part, une fois que les gens sont évalués et ont satisfait à la plupart des normes, mais pas à toutes, il s'agit de voir où ils peuvent s'adresser pour combler leurs lacunes. Encore une fois, nous constatons que les établissements postsecondaires ont un programme d'études très rigide qui peut durer quatre ans ou trois ans. Ils ne sont pas nécessairement prêts à laisser quelqu'un suivre seulement un cours ou deux et à reconnaître ses compétences.
Il reste donc beaucoup à faire au niveau de la formation visant à combler les lacunes. Comment les immigrants vont-ils obtenir les connaissances qui leur manquent pour satisfaire aux normes canadiennes? Un autre élément important est le soutien financier dont les immigrants ont besoin pour franchir ces étapes.
· (1325)
Le président: Merci.
Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Clément. Que fait le Manitoba pour accueillir les nouveaux arrivants, surtout francophones—le volet francophone m'intéresse particulièrement—, et les encadrer? Quand on établit tous ces objectifs d'augmentation des nombres, tient-on compte de la réalité? J'ai vécu ici cinq ans et je sais qu'il y a eu quelques difficultés à un certain moment. Je ne sais pas où on en est dans l'inclusion et l'intégration des immigrants francophones, mais qu'est-ce que le Manitoba peut faire concrètement pour améliorer l'encadrement des nouveaux arrivants francophones?
M. Gerry Clement: Premièrement, le Manitoba est très fier de l'histoire de ses programmes d'intégration. Comme les membres du comité le savent peut-être, le Manitoba a signé en 1998 une entente par laquelle il assumait la responsabilité de tous les programmes d'intégration. Naturellement, le financement vient du fédéral, auquel la province ajoute un montant. Nous avons une gamme de programmes pour encadrer les nouveaux arrivants non seulement à Winnipeg, mais dans toutes les régions du Manitoba où un certain nombre d'immigrants s'établissent. Il y en a plusieurs dans le sud de la province.
Nous essayons d'améliorer les programmes de formation linguistique et d'aide à l'intégration sur le marché du travail afin que nous puissions réagir très vite. C'est un domaine qui exige que nous ayons recours au partenariat. Nous voulons nous assurer que les employeurs qui disent qu'il y a des pénuries dans certains secteurs de l'économie manitobaine aient accès aux gens et que les gens puissent identifier ces employeurs pour trouver de l'emploi. C'est un travail constant. Nous devons constamment revoir ce que nous faisons afin d'être plus efficaces, parce que les ressources sont insuffisantes. Nous étions très heureux, récemment, quand on a annoncé dans le Budget des dépenses que, pour la première fois depuis six ans, le montant affecté aux programmes serait augmenté.
M. Roger Clavet: J'aimerais poser une question supplémentaire concernant non pas le volet francophone mais l'immigration en général au Manitoba. Vous dites qu'il y a plusieurs immigrants non admissibles à quelques programmes. Avez-vous des exemples précis de certains programmes auxquels les immigrants n'ont pas accès au Manitoba?
M. Gerry Clement: Les programmes de formation qui existent actuellement et qui sont en grande partie financés par le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences et d'autres ministères exigent que la personne soit bénéficiaire de l'aide sociale ou prestataire d'assurance-emploi. Comme un immigrant ne veut pas vivre de l'aide sociale— c'est très rare, au Manitoba, qu'on voie des gens qui en sont là—, la plupart tombent entre les deux. La personne doit soit trouver un emploi pour le perdre aussitôt qu'elle devient admissible à l'assurance-emploi, et à ce moment-là il y a des programmes de formation, soit vivre de l'aide sociale. La plupart des gens ont deux emplois. Ils trouvent un emploi pour survivre et essaient de trouver un emploi correspondant à leur formation, ce qui est difficile. Même si vous êtes ingénieur de formation, quand vous avez commencé à travailler comme menuisier, les employeurs vous disent que vous êtes menuisier et non ingénieur. Il faut essayer de trouver des programmes qui puissent vraiment aider ces gens et qui soient plus ouverts que les programmes accessibles seulement aux bénéficiaires de l'assurance-emploi ou de l'aide sociale. C'est un investissement qu'on pourrait faire pour les immigrants. Je pense que la nouvelle programmation qui s'annonce pourra peut-être apporter des solutions.
· (1330)
M. Roger Clavet: L'objectif de 10 000 immigrants en 2006 est-il réaliste? Compte tenu de ce que vous vivez au Manitoba, est-il réaliste de penser qu'on va augmenter le nombre à ce rythme? Je vous parlais de l'objectif pour 2006. Le Manitoba est-il capable d'accueillir autant de nouveaux arrivants à long terme?
M. Gerry Clement: Nous sommes capables d'accueillir 10 000 immigrants par année, hommes, femmes et enfants. Nous avons aussi des outils de recrutement et d'analyse du dossier pour nous assurer que des gens viennent ici.
Nous devons certainement nous pencher sur la question de l'accueil, puisque la programmation pour 10 000 personnes ne peut pas être la même que pour 3 000 personnes. Nous avons augmenté chaque année les ressources selon le nombre de personnes. Notre programmation doit être souple pour répondre aux problèmes de Steinbeck et Winkler aussi bien qu'à ceux de Brandon et Winnipeg, qui sont de plus grands centres.
Nous voulons accueillir des personnes de tous les volets de l'immigration: la réunification de la famille, les réfugiés et l'immigration économique. Nous ne voulons pas recevoir seulement des personnes du volet économique. Nous voulons aussi accueillir des réfugiés et appuyer le recrutement... [Inaudible]
[Traduction]
Ximena, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Ximena Munoz: Je voudrais citer un exemple de programme auquel les immigrants ne sont pas admissibles. Nous en avons actuellement un exemple concret.
À l'Université du Manitoba, il y a un programme spécial pour les ingénieurs. Il s'agit de huit mois de cours de haut niveau et de quatre mois de stage en milieu de travail. Les personnes qui suivent ce programme doivent trouver des moyens de subsister pendant les huit mois. Le stage de quatre mois est rémunéré. Ces personnes ne sont pas admissibles, par exemple, au Programme canadien de prêts aux étudiants étant donné qu'il est réservé à ceux qui reprennent leurs études. Les immigrants qui suivent seulement le programme de huit mois à la Faculté de génie ne sont pas jugés admissibles.
Il y a de nombreux exemples de ce genre auxquels les immigrants se trouvent régulièrement confrontés. C'est le genre de choses auquel nous devons remédier afin de permettre aux immigrants de suivre une formation de transition, parce qu'ils n'obtiennent pas ce type d'aide.
Le président: Merci.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie pour votre exposé de ce matin. C'est très intéressant.
Si Hedy Fry était là, comme elle est la responsable, au niveau fédéral, de la reconnaissance des compétences internationales, elle nous aurait sans doute rappelé qu'il s'agit d'une question complexe et qu'il y a 14 ministères fédéraux, plus des gouvernements provinciaux, des ministères provinciaux, des associations professionnelles et des ordres professionnels ainsi que des établissements d'enseignement qui ont un rôle à jouer. Je me demande si vous pourriez m'aider à comprendre un peu mieux le partage des compétences entre les provinces et le gouvernement fédéral.
Ma question vient en partie du sentiment de frustration que semblent éprouver certaines personnes qui travaillent directement auprès des nouveaux arrivants et ceux qui se battent pour faire reconnaître leurs titres de compétence. Ils ont l'impression qu'on en parle énormément, mais qu'il n'y a pas encore beaucoup d'exemples concrets de façons de résoudre le problème et de permettre aux gens de travailler dans leur domaine.
Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus sur les autorités provinciales, par exemple, si les organismes de réglementation professionnelle sont réglementés au niveau provincial, s'ils sont créés par une loi provinciale et ce genre de choses.
Mme Ximena Munoz: Nous constatons que les organismes autoréglementés sont ceux qui représentent les principaux obstacles pour les immigrants et il y en a environ 32 au Manitoba. Ce sont, dans tous les cas, des associations professionnelles autoréglementées par leurs membres. Il y a quelques professions qui sont réglementées de la même manière, mais par le gouvernement et le gouvernement provincial. Les enseignants en sont un exemple.
En général, nous constatons—et je suis très franche avec vous—qu'un grand nombre de ces organismes déterminent qui peut accéder ou non à la profession en tenant compte de leurs propres intérêts. Néanmoins, après avoir travaillé avec eux pendant deux ans, je ne pense pas que ces gens-là soient aussi mauvais qu'on a bien voulu le dire. Un grand nombre d'entre eux souhaiteraient mettre en place des systèmes différents. Ils ne savent tout simplement pas quelle est la solution. Ce sont sans doute des experts en tant qu'architectes ou infirmières, mais pas nécessairement des experts en établissement et ils ne savent donc pas quel serait un meilleur système.
Ils sont régis par le gouvernement. Ils sont réglementés par le gouvernement, mais en général, pour ce qui est d'établir les normes de la profession, c'est eux qui en décident entièrement. Ces organismes ont généralement fait valoir qu'ils ne pouvaient pas abaisser leurs normes pour laisser entrer des immigrants.
Nous leur avons parlé non pas des normes de pratique, mais plutôt des normes d'évaluation. Il ne s'agit pas de changer les normes auxquelles un médecin doit satisfaire, mais plutôt la façon dont on évalue un candidat pour voir s'il satisfait aux normes requises pour être médecin. C'est un des domaines dans lesquels nous espérons poursuivre nos efforts, et les organismes professionnels sont tout à fait disposés à travailler sur ce plan-là.
Même quand les organismes de réglementation sont d'accord, une de nos principales difficultés est que, si nous mettons sur pied un projet pilote pour expérimenter une nouvelle approche, il est relativement facile d'obtenir de l'argent pour ce projet pilote, mais très difficile d'en obtenir pour des programmes durables qui s'adresseront à plus de gens. C'est ce qu'un grand nombre des organismes qui aident les immigrants trouvent très décourageant, car nos projets pilotes peuvent s'adresser à 10 ou 15 personnes alors qu'il y en a beaucoup plus qui attendent. Nous avons beaucoup de difficulté à obtenir un financement permanent et cela nous ramène à la question de la répartition des pouvoirs.
Pour le moment, c'est RHDCC qui gère le dossier de la reconnaissance des titres de compétence étrangers et des fonds sont disponibles. Mais le ministère nous a dit très clairement qu'il ne paierait pas pour la formation, car c'est du ressort des provinces. En ce qui concerne le programme pour les ingénieurs à l'Université du Manitoba, par exemple, le principal poste de dépense est le salaire des nouveaux professeurs dont on a besoin pour le programme. Il s'agit de voir qui va payer ces salaires. C'est là que la question des champs de compétence entre en jeu.
L'idéal, selon moi, serait que des fonds soient mis à la disposition des provinces et qu'il y ait un guichet unique, si vous voulez, pour tous ceux qui évaluent les immigrants, que ce soit un organisme de réglementation professionnelle ou un établissement d'enseignement. C'est là qu'on pourra demander de l'aide pour modifier la façon de procéder aux évaluations et pour les faire de façon plus équitable et plus rapide.
Nous devons également travailler beaucoup plus auprès des employeurs. C'est exactement la même chose. Les employeurs demandent comment ils peuvent savoir si une personne possède les compétences voulues. Le plus facile est de se contenter d'examiner son CV, qui n'est pas nécessairement très révélateur. Et si le CV indique clairement que la personne en question n'a aucune expérience de travail au Canada, neuf fois sur 10, l'employeur le rejettera pour cette simple raison. Les immigrants demandent comment ils peuvent obtenir cette expérience canadienne. Ils demandent toujours aux employeurs et à tout le monde de leur donner la chance de montrer ce qu'ils peuvent faire.
· (1335)
Il y a aussi d'autres problèmes comme celui des syndicats. Les immigrants sont très surpris de voir que les syndicats, qu'ils considèrent comme leurs alliés naturels, ont en réalité beaucoup d'objections à permettre aux immigrants de faire du travail bénévole, par exemple, pour montrer à l'employeur ce qu'ils peuvent faire. De nombreux employeurs n'ont pas cette possibilité parce qu'ils auraient des problèmes avec les syndicats.
Voilà ma réponse.
Le président: Merci beaucoup.
J'ai un problème. Trois personnes veulent poser des questions, si bien que les questions et les réponses vont devoir être rapides.
M. Temelkovski est le suivant et ce sera ensuite Nina, puis David.
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être venus nous faire un exposé.
Ma question est très directe : le Manitoba est-il prêt à envisager de reconnaître les titres de compétence étrangers?
· (1340)
M. Gerry Clement: Je ne pense pas qu'il revienne au Manitoba de dire oui ou non. Si vous prenez les organismes de réglementation professionnelle qui existent au Canada, chacun d'eux est compétent dans sa province. Si vous cherchiez à leur faire accepter à tous ce genre de chose, vous causeriez sans doute une petite révolte. Quand les médecins, les avocats, les ingénieurs, les architectes et les comptables se réunissent pour s'opposer à quelque chose, il est très difficile d'aller de l'avant.
Je crois que nous obtiendrions davantage de collaboration si nous pouvions mettre en place des pratiques exemplaires. Si ces pratiques existent au Manitoba, si l'effectif de ces organismes augmente, de même que la qualité des personnes autorisées à exercer leur profession, nous en bénéficierons tous. Par contre, si nous essayons d'imposer quoi que ce soit à ces organismes, nous allons nous heurter à une vive résistance. Nous perdrons du temps alors que nous n'avons pas de temps à perdre. Je pense que nous devons trouver des moyens de collaborer et d'obtenir des résultats.
Le président: Merci.
Madame Grewal.
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC): Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus. Vous nous avez certainement appris beaucoup de choses.
Comme je l'ai également demandé aux témoins précédents, quels sont les principaux obstacles qui empêchent de reconnaître les titres de compétence étrangers, en quelques mots?
Mme Ximena Munoz: La difficulté, pour ces organismes, c'est de savoir ce que ces titres de compétence signifient. Que signifie ce que cette personne a étudié? Que signifie un diplôme de médecin des Philippines? Que signifie un diplôme d'ingénieur du Guatemala? Les gens ici ne savent pas ce que cela veut dire et essaient donc de l'établir en envoyant ces personnes dans des centres d'évaluation. Dans ces centres, on examine une base de données où figurent les programmes des universités de divers pays. Cela leur donne une certaine idée, mais sans leur indiquer nécessairement ce que l'intéressé peut faire.
Il y a donc de nombreux immigrants qui ont de jolis documents établis par les services d'évaluation, mais les employeurs ne savent pas ce qu'ils veulent dire et ne veulent pas les accepter. Les organismes de réglementation professionnelle disent qu'ils ne savent pas non plus ce qu'ils signifient et refusent de les accepter.
Le principal défi auquel nous sommes tous confrontés est comment savoir ce que cette personne a à offrir? Nous disons que la solution réside dans une évaluation des compétences. Établissez ce que cette personne sait et peut faire, et non pas si elle a fréquenté une bonne université ou suivi un bon programme d'études. Cela exige des ressources et des connaissances.
Le président: Merci.
Monsieur Anderson.
L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.): Merci.
Merci d'être venus. Je suis assez découragé, car mon père a dû se requalifier pour exercer la médecine au Canada. Cela lui a pris deux ans et c'était il y a plus de 50 ans. Vous m'avez dit exactement la même chose que ce qu'il m'a dit. Il s'est écoulé un demi-siècle, mais rien ne semble s'être amélioré.
C'est donc décourageant. Notre comité de parlementaires fédéraux est conscient de l'urgence de régler la question des titres de compétence, mais l'immigration est une responsabilité partagée. Elle relève aussi bien des provinces que du gouvernement fédéral. C'est vrai seulement pour deux domaines, l'agriculture et l'immigration. De plus, les provinces ont beaucoup plus de responsabilités que nous sur le plan de l'éducation, de la formation et de délivrance des permis. Par exemple, tous les organismes professionnels que vous avez cités opèrent en vertu d'un permis ou d'une autorisation provinciale.
Par conséquent, croit-on aussi urgent au niveau provincial, au Manitoba, de s'attaquer à ce problème, peut-être en secouant les puces aux organismes de réglementation professionnelle et en comblant certaines des lacunes dont vous avez parlé et qui sont surtout dues à la répartition des responsabilités étant donné que le fédéral ne peut pas faire grand-chose au niveau de la main-d'oeuvre ou de la formation? La province désire-t-elle vraiment résoudre ce problème ou du moins le réduire à des proportions plus satisfaisantes?
M. Gerry Clement: Absolument, monsieur Anderson. Une fois que notre document sera distribué, vous constaterez sans doute que notre cadre stratégique commence très clairement au niveau du gouvernement et que le gouvernement assume cette responsabilité. Il est certainement difficile de mettre d'accord tous les partenaires. Nous avons constaté de nombreux progrès dans le domaine de la santé, du génie, dans les professions du plus grand nombre de gens qui sont venus s'établir au Manitoba.
Les ministères de la province ont essayé de réunir les ressources que nous avions pour préparer un plan d'action—dont il est également question dans ce document—qui énonce clairement les mesures à prendre. Oui, nous avons besoin de la collaboration des organismes de réglementation professionnelle. Nous avons également besoin de la collaboration des universités. Et enfin, il nous faut la collaboration des employeurs qui ouvriront leurs portes. La province est un des acteurs, mais pas le seul.
Comme l'a dit le premier ministre de l'Ontario, si nous énonçons toutes les conditions et que nous continuons à nous heurter à une résistance, nous devrons peut-être recourir aux moyens que les gouvernements peuvent prendre pour forcer les gens à négocier.
Pour le moment, nous avons constaté beaucoup de collaboration. Nous attendons de la part de nos homologues fédéraux un financement suffisamment souple pour nous permettre d'offrir le genre de programmes de formation et de transition professionnelle nécessaires. Je crois qu'il y a de bons modèles que nous pouvons utiliser. Et j'espère qu'avec la nouvelle annonce faite par le ministre de RHDCC, nous disposerons également de ces ressources au Manitoba pour appliquer les pratiques exemplaires ici aussi.
· (1345)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Anderson, vous avez parlé de votre père et je dois dire que la même chose est arrivée à mon propre père lorsqu'il est arrivé à Vancouver. Pendant cinq ans, personne n'a voulu reconnaître ses diplômes, si bien qu'il a dû déménager à Toronto, où il a obtenu un poste d'urbaniste à la Ville de Toronto.
C'est certainement un domaine pour lequel nous comptons beaucoup sur la collaboration des provinces, et je crois que nous devons vraiment trouver une solution. Pour prendre un exemple, dans ma circonscription, il nous manque une cinquantaine de médecins. C'est la même situation dans tout le pays alors qu'en réalité plus de 50 médecins ont réussi les examens de l'Association médicale internationale. C'est une tragédie non seulement pour les médecins qui ne peuvent pas exercer leur profession dans notre pays, mais aussi pour tous les patients qui ne peuvent pas trouver un médecin de famille. Nous devons améliorer cette situation.
Merci beaucoup. Nous apprécions vraiment votre participation.
· (1348)
· (1352)
Le président: Monsieur Matas, la parole est à vous.
M. David Matas (avocat spécialiste en immigration, à titre personnel): Je vous remercie de m'entendre deux fois dans la même journée. Cet après-midi, je parle en mon propre nom et non pas au nom d'un organisme.
J'ai seulement un argument à présenter. C'est aujourd'hui la Journée des droits des réfugiés. Je voudrais vous parler d'un problème technique concernant la réunification des familles et les réfugiés.
L'ancienne loi a causé un dilemme pour le gouvernement. Lorsqu'un immigrant avait omis de déclarer une personne à charge qui ne l'accompagnait pas et demandait ensuite à la parrainer, le ministère de l'Immigration n'avait qu'un choix limité : ou bien il pouvait révoquer la résidence permanente du parrain à cause de cette omission ou bien il pouvait permettre au parrain de rester au Canada. Dans bien des cas, le répondant ayant déjà des liens très solides avec le Canada, le ministère renonçait à demander son renvoi. Cependant, dans ce genre de situation, le répondant était autorisé à faire venir la personne à charge non déclarée au Canada. Le ministère se trouvait coincé dans une situation qu'il avait essayé d'éviter, car pour des raisons humanitaires, il devait laisser entrer au Canada une personne interdite de territoire. Bien entendu, les personnes à charge en question ne sont pas toujours interdites de territoire, mais elles le sont parfois et, une fois que le répondant est bien établi au Canada, le ministère se trouve souvent forcé de réunir les membres de la famille pour des raisons humanitaires.
La nouvelle loi visait à éviter ce genre de situation. Au lieu que ce soit le ministère qui ait à choisir entre le renvoi d'un répondant bien établi au Canada et l'admission d'une personne à charge interdite de territoire, c'est au répondant de faire ce choix. le répondant peut choisir d'être réuni à l'étranger avec la personne à charge dont il n'a pas révélé l'existence. Mais si le répondant choisit de ne pas déclarer cette personne pour pouvoir rester au Canada, la non-divulgation équivaut, en fait,à une rupture. La personne à charge non déclarée ne fait plus partie de la catégorie du regroupement familial. Tel est l'effet de la nouvelle loi.
Le ministère aurait toujours le pouvoir discrétionnaire d'admettre ces personnes, mais ce serait au répondant et à la personne à charge non déclarée de justifier l'admission de cette dernière en faisant une demande distincte. La réglementation mise en place avec la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés exclut de la catégorie du regroupement familial tout membre de la famille qui n'a pas été déclaré quand le répondant est arrivé au Canada.
L'Association du Barreau canadien a préparé un mémoire, que vous entendrez plus tard, disant qu'il faudrait accorder un droit d'appel. Je suis certainement de cet avis. Mais telle n'est pas la question dont je veux parler ici.
Le règlement d'application vise les cas où une personne à charge n'a pas été déclarée comme elle aurait dû l'être, où il y a eu une présentation erronée des faits parce que l'admissibilité de la personne en question aurait soulevé des questions. Le ministère s'est rendu compte, une fois le Règlement adopté, qu'il pouvait s'appliquer également aux réfugiés, ce qui n'était pas son intention. Le gouvernement a cherché à éviter ce problème en modifiant le Règlement après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi…et je cite alors ce changement.
Le Règlement actuel, tel que modifié, pose encore des problèmes pour les réfugiés et leurs familles. Il vise les personnes non déclarées, même s'il n'était pas nécessaire qu'ils fassent l'objet d'un contrôle préalable au moment de l'admission des réfugiés. C'est ce qu'a déclaré la Cour fédérale dans l'affaire où j'ai agi comme avocat. Même si les personnes à charge qui n'accompagnaient pas les réfugiés avaient été déclarées, elles n'auraient pas fait l'objet d'un contrôle préalable. Même si ce contrôle avait eu lieu et si ces personnes avaient été déclarées interdites de territoire, elles auraient quand même été admises au Canada.
Les membres de la famille des réfugiés non déclarés n'avaient pas, et n'ont toujours pas, à satisfaire aux exigences de la loi et du Règlement. Pour cette raison, le fait qu'ils n'aient pas été déclarés ne peut pas, du point de vue juridique, empêcher la révision de leur interdiction de territoire. Non seulement le ministère a pour habitude de ne pas soumettre ces personnes à un contrôle, mais du point de vue juridique, le contrôle visant à déterminer l'admissibilité de ces personnes n'a pas d'effet sur l'admissibilité des réfugiés.
Les réfugiés sont souvent séparés des membres de leur famille. Ils ne savent pas toujours si les membres de leur famille dont ils sont séparés sont morts ou vivants. Comme le contrôle préalable des personnes à charge qui n'accompagnaient pas les réfugiés aurait constitué une exigence excessive, il n'a pas été imposé. D'autre part, les membres de la famille non déclarés se trouvent normalement dans le pays d'origine de l'immigrant. Une personne qui n'a pas besoin d'une protection a toujours la possibilité de quitter le Canada pour rejoindre sa famille dans son pays d'origine. Les réfugiés rétablis au Canada n'ont pas ce choix. Leur retour dans leur pays d'origine signifierait un retour vers la crainte des persécutions et les exposerait à un danger. La réunification des familles doit avoir lieu au Canada ou pas du tout.
· (1355)
Les membres de la famille non déclarés peuvent également se trouver dans le pays où le réfugié s'est rétabli. Dans ce cas, la plupart du temps, il n'est même plus envisageable que la famille se réunisse dans le pays où elle se trouvait avant de venir au Canada étant donné qu'une fois rétabli au Canada, le réfugié n'a pas nécessairement le droit de retourner dans le pays où il avait trouvé temporairement refuge.
Néanmoins, si les membres de la famille du réfugié n'ont pas été déclarés, ce qui a empêché l'agent d'immigration de déterminer qu'il n'a pas à les soumettre à un contrôle, ces personnes cessent de faire partie de la catégorie du regroupement familial et ne peuvent pas être parrainées. Il n'est pas logique de pénaliser les réfugiés et leurs familles sous prétexte qu'ils ont fait une présentation erronée des faits.
Le règlement qui a été modifié nécessite de nouveaux changements. Le simple amendement que je propose consiste à remplacer la phrase « parce qu'un agent a décidé que le contrôle n'était pas exigé par la loi » par les simples mots « parce que le contrôle n'était pas exigé par la loi ».
C'est tout ce que j'avais à proposer.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Zaifman.
M. Kenneth Zaifman (président, Avocat d'immigration, Zaifman Associates): Je voudrais vous raconter une histoire qui ressemble peut-être à celles que vos électeurs vous ont racontées. Voici.
J'ai parrainé ma famille en 2003. Il s'agissait de mes parents. En 2006, j'ai reçu une lettre du centre de traitement des demandes de Mississauga disant que je n'avais plus le droit de parrainer mes parents et que mon dossier serait envoyé à Delhi où il serait rejeté. Je devrais ensuite attendre une année de plus pour pouvoir m'adresser à la Commission d'appel, après quoi mon appel serait probablement entendu six mois plus tard et j'obtiendrais sans doute gain de cause.
Je voudrais maintenant apporter quelques précisions à cette histoire. Quand cette personne a parrainé ses parents—et c'est une histoire vraie, un dossier sur lequel nous sommes intervenus—elle satisfaisait aux exigences financières. C'était le cas en 2003, en 2004 et encore en 2005, jusqu'au 1er février de cette année. C'est en mars 2005 que la personne en question s'est vu opposer un refus ou plutôt, a reçu un avis disant qu'elle ne répondait pas aux exigences financières, et cela parce qu'il manquait moins de 100 $.
Quelle est la règle? On pourrait croire qu'il suffit de retourner au centre de traitement de Mississauga pour demander une révision du dossier. Le bureau a répondu qu'il n'est pas autorisé à le réexaminer; la seule chose qui puisse être réexaminée c'est que la personne ne satisfait plus aux exigences. Autrement dit, c'est une révision à la baisse.
D'autre part, le requérant, le répondant, ne devrait pas avoir à attendre un an et demi de plus, mais ce n'est pas ce que prévoit la loi. En plus de toutes sortes d'autres problèmes, nous créons une situation où, sans que cela ne soit de la faute du répondant, il a dû attendre trois ans après le premier examen de sa demande de parrainage.
Je sais que le comité a entendu et entendra des arguments d'ordre politique qui sont importants, mais c'est là un aspect plus important à certains égards. Comme vous le savez, il s'agit d'une situation réelle que personne ne semble capable de régler. Nous nous trouvons devant un retard de trois ans et une différence de moins de 100 $. Quelle est la solution? Vous devez faire votre demande, la demande doit être refusée et vous devez faire appel.
Je voudrais prendre un peu de recul, car je sais que votre comité a entendu de nombreuses instances. J'ai eu la chance d'en examiner quelques-unes. Je sais que M. Anderson a siégé à la Commission d'appel, que Mme Grewal a parrainé un projet de loi d'initiative parlementaire et j'ai été frappé par ce que M. Temelkovski a dit au ministre au sujet de certains régimes d'assurance.
Nous avons le même régime de parrainage depuis 20 ans. Qu'est-ce qu'un engagement de parrainage? Le répondant garantit que si les membres de sa famille viennent au Canada et ont besoin de l'assistance sociale, ils en assumeront la responsabilité financière. Il y a donc au ministère toute une organisation qui a pour rôle d'évaluer les moyens financiers, d'établir ce qui constitue un revenu et ce qui n'en est pas un. En cas de défaut de paiement, c'est la province qui doit se charger du recouvrement. J'ai fait valoir, pendant de nombreuses années, qu'il ne devrait pas être plus difficile de parrainer un parent que d'obtenir une hypothèque sur une maison, et que les mêmes règles devraient s'appliquer.
¸ (1400)
Nous évaluons les revenus du répondant, mais pas son actif. Il est très simple d'évaluer les risques et voilà pourquoi vos propos m'ont frappé. Quel est le risque de défaut de paiement? Une institution financière, une compagnie d'assurance ou une coopérative de crédit pourrait être prête à assurer le risque en cas de défaut de paiement d'un répondant et si l'assuré devient un assisté social, la province recevra un chèque. En fait, ce sera une assurance pour laquelle l'assuré paiera une prime. L'assurance paiera. Le requérant aura une prime à payer et il n'y aura aucune différence par rapport aux relations financières habituelles.
Tout cela devrait être fait en dehors du contexte de l'immigration.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Denton, je suis désolé d'avoir sauté votre tour.
M. Thomas R. Denton (à titre personnel): Merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître.
Je suis venu ici, il y a trois ans, pour vous parler des activités du Groupe de travail national sur la stratégie des petits centres qui vise à amener les immigrants à s'établir dans les petites villes du pays et à y rester. J'ai le plaisir de mentionner très brièvement aujourd'hui que les travaux de ce groupe national ont permis de produire un document que je peux seulement vous montrer, mais pas vous remettre étant donné qu'on est en train de le traduire en français à Ottawa. Nous pourrons le publier uniquement quand la version française sera prête et mise en forme avec les mêmes couleurs et la même couverture. Je le mentionne seulement pour vous avertir que ce document sera sans doute publié d'ici six semaines.
Je voudrais vous parler aujourd'hui de la réunification des familles. Je le fais en mon propre nom étant donné que je fais partie de divers organismes. J'ai pensé qu'il fallait mieux ne pas les compromettre en disant des choses sur lesquelles ils ne seraient pas toujours nécessairement d'accord.
Dans mon mémoire, que vous pouvez obtenir en français et en anglais, je mentionne que vous vous trouvez au coeur du mouvement du parrainage privé au Canada.
Je dois dire que la traduction française n'est pas aussi bonne que je l'aurais souhaité. Elle a été faite par mon ami Martin Mulimbwa, qui vient du Congo et même si c'est un homme très instruit et très talentueux, il ne connaît pas parfaitement les expressions canadiennes et le jargon bureaucratique que nous utilisons ici.
Vous êtes donc au coeur du parrainage privé. L'organisation de parrainage des réfugiés du Manitoba que je copréside représente environ la moitié de tous les gens qui attendent, à l'étranger, de pouvoir entrer au Canada. La moitié de la file d'attente se trouve à Winnipeg et comme la file totale comprend plus de 13 000 personnes, nous en avons 6 000 ou 7 000 ici. C'est un véritable problème pour nous. Je classe tout cela dans la réunification des familles parce qu'au moins 95 p. 100 de ces cas sont ce que nous appelons des cas déguisés de réunification des familles. Le parrainage des réfugiés est la seule solution pratique pour faire venir des gens au Canada et c'est donc la solution utilisée.
La question de la réunification des familles intéresse non seulement l'organisation de parrainage des réfugiés du Manitoba, mais également le Conseil canadien pour les réfugiés, à tel point qu'il s'agira du thème principal des consultations que nous tiendrons à Fredericton, au début de juin. Il s'agit d'une question d'une importance énorme et je suis certain que vous êtes au courant de la longueur de la file d'attente à l'étranger. Comme vous en avez sans doute beaucoup entendu parler, je n'insisterai pas là-dessus.
Je voudrais passer rapidement à certaines solutions, que je vous suggère respectueusement.
Dans mon mémoire, je parle de trois plafonds de verre. Le problème est que le Canada a une porte d'entrée trop petite pour un pays où près d'une personne sur cinq est née à l'étranger. À l'exception de l'Australie, qui a le même pourcentage de citoyens nés à l'étranger, aucun autre pays développé ne compte autant de gens qui ont des liens étroits à l'étranger. Il est donc peu étonnant que la demande soit aussi importante à l'égard de la réunification des familles. Ces demandes sont faites directement, dans le cadre du regroupement familial et, de façon moins directe, dans le cadre du système de réfugiés, qu'ils soient parrainés ou demandeurs d'asile, et même de l'immigration économique ou du programme des candidats d'une province. Tant que l'objectif d'immigration annuel du Canada sera de l'ordre de 235 000, le problème continuera et des gens mécontents assiégeront vos bureaux de circonscription et inspireront les avocats de l'immigration. Il ne suffira pas d'apporter des changements ici et là pour remédier au fait qu'outre-mer, la file d'attente comprend 750 000 personnes, 120 000 rien que dans la catégorie du regroupement familial alors que la capacité de traitement à l'étranger n'est que de 185 000 dossiers par année. Voilà où nous en sommes maintenant ; 185 000 dossiers par année.
¸ (1405)
Le Canada devrait adopter immédiatement l'objectif de 1 p. 100 et faire venir chaque année 320 000 immigrants en dotant ses postes outre-mer en conséquence. Il ne faudrait pas s'arrêter là. Nous devrions nous diriger vers ce chiffre de 400 000 par année, un chiffre que nous avons atteint pour la dernière fois en 1913 et que les démographes considèrent, depuis 1997, comme le chiffre nécessaire pour maintenir la taille de notre population à long terme.
Vous connaissez tous certainement les réalités démographiques, la baisse de population qui attend notre pays et je n'ai pas besoin de m'étendre sur ce sujet. Selon les démographes, nous allons plafonner à 37 ou 38 millions d'habitants. Je m'inquiète de voir qu'aux États-Unis la croissance démographique sera de 100 millions de gens au cours de la même période.
L'autre plafond de verre que je mentionnerais brièvement est le partage 60-40. Comme vous le savez certainement, l'immigration économique représente 60 p. 100 et l'immigration humanitaire, 40 p. 100. Dans mon mémoire, je vous suggère d'envisager la possibilité de changer cette répartition à 50-50, ou même temporairement à 40-60 afin d'alléger les pressions sur le regroupement familial. Je sais que le chiffre de 60-40 n'a rien de scientifique. C'est ce que la sous-ministre a fait valoir lorsqu'elle a pris la parole ici, à Winnipeg, il n'y a pas très longtemps. Elle a reconnu que ce chiffre ne reposait pas sur des bases scientifiques. Je crois que cela allégerait énormément les pressions sur vos bureaux de circonscription.
¸ (1410)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Denton.
Nous dépassons un peu le temps prévu.
Le témoin suivant est Mme Langner-Pennell, pour cinq minutes.
Mme Baerbel Langner-Pennell (président (section Manitoba), Section du droit de la citoyenneté et de l'immigration, Zaifman Associates, Association du Barreau canadien): Merci. Je voudrais remercier le comité de nous avoir permis de comparaître cet après-midi.
Comme vous pouvez le voir dans le mémoire que je vous ai remis cet après-midi, il y a plusieurs questions que la Section nationale de la citoyenneté et du droit de l'immigration de l'Association du Barreau canadien souhaite porter à votre attention. Je ne sais pas si ce mémoire vous a été distribué par vos adjoints.
Le président: L'avons-nous reçu? Va-t-il être distribué?
Une voix: Seulement s'il est bilingue.
Mme Baerbel Langner-Pennell: Il est bilingue, en effet.
Le président: Nous allons le faire distribuer très rapidement.
Nous allons continuer.
Mme Baerbel Langner-Pennell: Notre mémoire contient un certain nombre d'éléments que je n'ai pas l'intention de répéter tous étant donné que mes collègues, Michael Greene et Gordon Maynard, comparaîtront devant le comité à Calgary, le 6 avril. Je vais seulement en aborder deux qui se retrouvent aux pages 3 et 5 de notre mémoire. Cela concerne la disparité entre les délais de traitement des demandes présentées par des époux et des conjoints de fait dans les bureaux des visas et le traitement des demandes présentées au Canada par des parents et grands-parents pour des motifs d'ordre humanitaire.
À cet égard, je voudrais commencer par la page 5 de notre mémoire qui concerne les disparités à l'égard du délai de traitement des demandes des époux et des conjoints de fait.
En 2002, le CIC s'est engagé publiquement à adopter une norme de service de six mois pour le traitement des demandes de parrainage d'époux, de conjoints de fait, de partenaires conjugaux et d'enfants à charge dans le cadre du regroupement familial. Le ministère espérait qu'une fois le nouveau processus entièrement mis en place, d'ici un an, le délai de traitement serait réduit à six mois dans 80 p. 100 des cas, ce qui permettrait de réunir rapidement les familles.
Les faits démontrent que la norme de six mois désirée n'a pas été atteinte. Nous tenions seulement à le signaler au comité afin de voir s'il n'est pas possible de prendre des mesures pour remédier aux disparités dans les délais de traitement.
Les données statistiques relatives à l'année 2004—plus d'un an depuis la mise en place de la nouvelle trousse qui permet de subir l'examen médical dès le départ—montrent qu'à New Delhi, 80 p. 100 des demandes sont traitées dans un délai de trois mois et de quatre mois à Beijing tandis qu'il faut 30 mois à Accra, 26 mois à Abidjan, 22 mois à Bogota et 20 mois à Buffalo. Bien entendu, notre mémoire cite ces statistiques pour la totalité des bureaux des visas. Si vous prenez l'ensemble de ces statistiques, vous remarquerez que le délai de traitement de six mois n'est pas respecté partout.
Il est utile de mentionner que les disparités dans les délais de traitement des demandes ne semblent pas reliées à des questions d'intégrité du programme, étant donné que deux des bureaux les plus occupés où des documents faux ou peu fiables sont présentés, ceux de New Delhi et de Beijing, peuvent traiter des demandes d'époux dans un délai de trois à quatre mois.
Il est également important, lorsqu'on examine les statistiques concernant le traitement des demandes dans le site Web du ministère, de savoir qu'il faut ajouter un mois de plus à ces délais pour le traitement des demandes de parrainage au CTD de Mississauga.
Nous recommandons que CIC se penche sur les disparités dans les délais de traitement des bureaux des visas et prenne des mesures pour uniformiser le délai de traitement des demandes des conjoints ou conjoints de fait dans tous les bureaux des visas. Quand nos clients se présentent à notre bureau, il est difficile de leur expliquer pourquoi il faut, par exemple, 30 mois à Accra, comme je l'ai indiqué.
Une autre chose à ne pas oublier en ce qui concerne les délais de traitement c'est qu'actuellement l'examen médical a lieu au départ et qu'en général il est seulement valide pour un an. Pour cette raison, nous recommandons que ce genre de demandes soient traitées en moins d'un an afin que le requérant n'ait pas à subir un autre examen médical.
Je voudrais maintenant passer très brièvement à la page 3 de notre mémoire, qui concerne le traitement des demandes présentées au Canada par des parents et grands-parents pour des motifs d'ordre humanitaire. À cet égard, je voudrais vous parler d'un cas que nous avons eu récemment.
Il s'agit d'une veuve âgée, de New Delhi, qui n'avait qu'un enfant et un petit-enfant au Canada et aucune famille proche en Inde. La demande qu'elle a présentée au Canada pour des raisons humanitaires a été rejetée sous prétexte qu'en partant elle ne subirait pas de difficultés excessives malgré ses liens étroits avec son fils, ici au Canada, même si elle l'avait vu grandir son petit-fils depuis la naissance jusqu'à l'âge de deux ou trois ans et l'avait même gardé, malgré tous ces facteurs et les délais de traitement actuels des demandes de parrainage parental présentées à l'extérieur du pays.
À cet égard, nous estimons que le chapitre IP 5, le chapitre concernant le traitement des demandes présentées au Canada qui est censé guider les agents d'immigration, est très rigoureux. Il est interprété de façon très rigoureuse, comme nous le constatons aujourd'hui, en ce sens que la demande présentée par les parents pour des raisons humanitaires n'est pas approuvée de façon systématique, même si leur seul enfant se trouve au Canada.
¸ (1415)
Nous recommandons qu'il soit tenu compte des longs délais de traitement des demandes de parrainage parental présentées à l'étranger pour évaluer les demandes de parrainage présentées au Canada. On ne peut pas se contenter de dire que le parent peut rentrer chez lui et faire sa demande à partir de l'étranger s'il doit attendre 10 ou 20 ans pour pouvoir revenir, compte tenu des délais de traitement actuels.
De plus, il faudrait réviser le chapitre IP 5 afin qu'il reflète une définition plus large des raisons humanitaires en adoptant, par exemple, le critère de la personne raisonnable découlant de l'affaire Chirwa. Dans cette décision qui date de 1970, on décrit ce critère comme les faits établis par la preuve, de nature à inciter tout homme raisonnable d'une société civilisée à soulager les malheurs d'une autre personne. Si ce critère était appliqué, la demande dont j'ai parlé tout à l'heure aurait, selon moi, été approuvée.
Pour conclure, nous demandons que l'on songe à modifier le chapitre IP 5, au moins dans les cas où tous les enfants du demandeur se trouvent au Canada pour que ces demandes soient approuvées et enfin, qu'on envisage la possibilité d'instituer une catégorie de parents au Canada.
Voilà ce que j'avais à vous dire.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Comme tout le monde va vouloir poser une question, procédons rapidement.
Monsieur Mark.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Encore une fois, bienvenue au comité.
La réunification des familles est certainement un sujet qui me tient à coeur. Sans la réunification des familles, je ne serais pas là aujourd'hui. Dieu merci, les portes se sont ouvertes au début des années 50. Je regrette malheureusement que mon père ait dû attendre 25 ans pour pouvoir être réuni avec sa femme, et cela uniquement à cause de l'histoire de notre pays.
Je vais poser deux questions et ensuite vous pourrez répondre. La première s'adresse à David et l'autre à Kenneth.
Premièrement, arrive-t-il souvent qu'un immigrant omette de déclarer des personnes à charge et que craint le gouvernement si ce renseignement n'est pas divulgué?
Ma question pour Kenneth concerne le cautionnement. Pourquoi pensez-vous que le gouvernement hésite à suite cette voie et quels sont les pays qui l'ont adoptée?
M. David Matas: En fait, cette question contraste avec celle que j'ai posée ce matin. On renvoie constamment des gens parce qu'ils ont omis de déclarer des personnes à charge, alors que c'est la seule chose qu'on puisse leur reprocher, tandis qu'on ne fait rien contre ceux qui ont commis des crimes de guerre. C'est une situation dont je me suis déjà plaint.
Cela fait partie du problème que David Anderson a soulevé plus tôt, à savoir que les choses se compliquent avec le temps. Les gens qui omettent de déclarer une personne à charge se font prendre dès le début et se font renvoyer tandis que les criminels de guerre se font prendre plus tard, si bien qu'il est plus difficile de s'en débarrasser.
En réalité, il arrive souvent que les gens ne déclarent pas des personnes à charge parce qu'ils ne connaissent pas le système et pensent que ce renseignement pourrait leur faire du tort alors que c'est l'inverse, ou même par simple ignorance. Vous pouvez être pénalisé pour une non-divulgation innocente comme je l'ai constaté en exerçant ma profession. Bien entendu, un homme pourrait être le père d'un enfant illégitime et ne même pas connaître l'existence de cet enfant jusqu'à son arrivée au Canada. C'est toutefois considéré comme une non-divulgation et, pour cette raison, l'enfant est interdit de territoire. Des gens peuvent se rendre coupables d'une non-divulgation en toute innocence, parce qu'ils ignorent les faits ou parce qu'ils pensent erronément qu'ils seront désavantagés.
Il peut aussi arriver parfois que la situation des gens change alors qu'ils ont déjà entamé un processus extrêmement long. Ils peuvent se marier ou avoir un enfant trois ans plus tard et ne veulent pas tout recommencer à zéro. Ils pensent qu'ils pourront régler cette question une fois qu'ils seront arrivés ici, mais ils s'aperçoivent alors que ce n'est pas possible. C'est un sérieux problème.
La réaction du gouvernement est extrêmement draconienne et il faudrait l'assouplir. Comme je l'ai dit, dans le cas des réfugiés, même si les personnes à charge avaient été déclarées, elles n'auraient pas fait l'objet d'un contrôle. Aucune loi n'empêche les réfugiés de venir, même s'ils ont des personnes à charge interdites de territoire qui ne les accompagnent pas.
Les règles sont draconiennes, non seulement en ce qui concerne la non-divulgation, mais également la présentation erronée des faits et il faudrait assouplir le système. Le Barreau suggère d'accorder un droit d'appel, ce que j'approuve. J'estime également que cette loi ne devrait même pas exister.
¸ (1420)
Le président: Merci.
Monsieur Zaifman.
M. Kenneth Zaifman: Je serai bref.
À mon avis, les droits s'assortissent de responsabilités. Si un citoyen canadien et un résident permanent a le droit de parrainer quelqu'un, cela lui confère des responsabilités. S'il veut faire venir quelqu'un avec un visa de visiteur, cela lui confère également certaines responsabilités. Nous avons trop insisté sur les moyens à prendre pour faire assumer ces responsabilités.
En ce qui concerne le parrainage, nous imposons des conditions financières. Vous devez avoir un certain revenu pour pouvoir parrainer quelqu'un, mais en fait, l'évaluation est rétrospective. Si vous avez aujourd'hui un revenu suffisant pour parrainer votre famille, mais si vous connaissez des difficultés, quelqu'un doit faire respecter cet engagement. À mon avis, c'est un point de vue largement périmé. Je pense qu'il faudrait envisager une sorte d'assurance, qui serait établie au moment de la demande de parrainage, pour couvrir le parrainage en cas de difficultés financières. Comme je l'ai dit, cela me paraît faisable. Tous les jours, des gens demandent toutes sortes de prêts hypothécaires ou autres prêts. Cette formule permettrait un coparrainage. Je crois qu'il faudrait laisser de côté l'aspect coercitif de l'immigration.
Cela m'amène à demander pourquoi le gouvernement a peur du cautionnement, par exemple? Il dit que cela crée un système à deux vitesses, mais il y a déjà un système à deux vitesses en ce sens que si vous vous situez, comme je vous l'ai dit, 100 $ en dessous du seuil de faible revenu, vous n'avez pas le droit de parrainer quelqu'un. Et nous avons créé ce système à deux vitesses. Je préférerais l'éliminer entièrement et le remplacer par un système auquel les gens sont beaucoup plus habitués dans leur vie de tous les jours.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci, monsieur le président. J'aimerais poser une question à la représentante de l'Association du Barreau canadien, que je félicite pour sa présentation en français et en anglais des documents.
Vous avez parlé des faux espoirs qu'entretient Citoyenneté et Immigration Canada en ce qui concerne le parrainage parental, le parrainage des familles. On a entendu le témoignage de M. Zaifman, qui parlait d'un délai de trois ans et de 100 $. On s'aperçoit, et vous le mentionnez, que le Canada ne joue pas franc jeu. Pensez-vous que c'est une question d'honnêteté et de franchise? Vous semblez dire que, si le gouvernement canadien a l'intention d'abandonner le parrainage, il ne doit pas le cacher, parce qu'il y a des coûts humains et des déceptions humaines au terme de cela. J'aimerais avoir les commentaires de la représentante de l'Association du Barreau canadien et de M. Zaifman à ce sujet. Y a-t-il une volonté cachée d'abandonner le parrainage familial ou parental?
[Traduction]
Mme Baerbel Langner-Pennell: Vous avez soulevé une question intéressante. C'est le genre de situation dans laquelle se trouvent nos clients qui viennent nous voir dans l'espoir de parrainer leurs parents. Nous devons leur dire que, dans le contexte actuel, cela ne se fera sans doute pas très rapidement, mais qu'ils ont intérêt à faire quand même une demande pour se trouver au moins dans la file d'attente. Toutefois, quand on voit les délais de traitement actuels, en réalité, la plupart de ces parents auront le temps de mourir. Frank Perriccioli, du Centre de traitement de Mississauga, m'a dit ce matin que, pour le moment, il y avait 110 000 demandes dans le système pour des parents ou des grands-parents et que l'objectif pour cette année était de 6 000. Si vous faites un calcul, cela donne 18 ans d'attente.
Par conséquent, si le gouvernement cherche vraiment à ne pas encourager le parrainage des parents, il devrait au moins l'avouer honnêtement et ne pas accepter que les demandeurs paient des frais d'administration.
¸ (1425)
M. Kenneth Zaifman: Vous avez soulevé la question quant à savoir si c'est une intention cachée ou non? Je ne pense pas du tout qu'elle soit cachée. C'est tout simplement que le ministère n'en parle pas, ce qui n'est pas la même chose. Je n'accuse pas le ministère de l'Immigration de favoriser cela. Mais il faut examiner les choses de façon réaliste et dans une optique globale. J'irais jusqu'à dire que la responsabilité incombe en partie aux parlementaires qui approuvent chaque année les objectifs d'immigration. Peut-être qu'avec ce climat politique différent, quand le ministre annoncera son objectif de 235 000, les membres du comité diront qu'ils ne sont pas d'accord, qu'ils veulent 1 p. 100 ou 1,5 p. 100 et qu'ils souhaitent commencer à faire venir davantage d'immigrants.
C'est donc une chose à laquelle nous devons tous collaborer. Le gouvernement a-t-il des intentions cachées? Je pense que nous avons un système qui est en perte de vitesse et que Mme Langner a raison de dire qu'un grand nombre de parents ne seront peut-être plus vivants lorsqu'ils obtiendront leur visa pour venir au Canada.
M. Roger Clavet: Me permettez-vous de poser une brève question? Elle s'adresse à M. Denton.
[Français]
Monsieur Denton, vous avez parlé d'un protocole d'entente signé en octobre 2002 entre le gouvernement fédéral, le Manitoba et la Ville de Winnipeg. Vous dites qu'il n'a pas été respecté. Qu'est-il arrivé? Est-ce vraiment une accusation sérieuse?
[Traduction]
M. Thomas R. Denton: Je ne suis pas entré dans les détails à ce sujet, mais cela figure dans mon mémoire. Nous avons un protocole d'entente conclu entre la Ville de Winnipeg, la Province du Manitoba et le gouvernement fédéral qui s'inspire du programme de parrainage des réfugiés. Il se fonde sur le programme de parrainage des réfugiés, mais l'initiative que les trois niveaux de gouvernement ont prise n'a eu aucun résultat jusqu'ici parce que la capacité de traitement à l'étranger n'a pas été augmentée. L'année dernière, 3 114 réfugiés sont arrivés, ce qui représente une diminution.
La Ville de Winnipeg a investi beaucoup d'argent dans un programme de garantie pour une « réunification des familles déguisée », comme je l'appelle, pour les réfugiés qui sont parrainés ici par des membres de leur famille de façon à accroître la population de la ville de Winnipeg. C'est pourquoi je dis que cela n'a donné aucun résultat en ce qui concerne la capacité de traitement du gouvernement fédéral. J'estime donc que cet accord n'a pas été respecté.
Le président: Merci.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie pour vos exposés. Vous avez sans doute entendu diverses personnes autour de cette table soulever toutes ces questions, ou du moins la plupart d'entre elles, à plusieurs reprises au cours du dernier mois.
Monsieur Denton, je voudrais vous poser une question sur le programme de parrainage privé. J'ai soulevé la question à la Chambre en demandant au ministre quelles étaient les intentions du gouvernement à l'égard de ce programme. J'ai l'impression que nous lui devons largement la bonne réputation dont nous jouissons dans le monde et une bonne partie de l'admiration que les autres pays ont pour le Canada. Le programme de parrainage privé était considéré comme un modèle très efficace, un excellent modèle de rétablissement des réfugiés.
Je m'inquiète de voir que nous avons cet énorme arriéré, que nous n'arrivons pas à traiter ces demandes. Nous avons entendu dire que de nombreux répondants trouvent cette situation très décourageante et que cela les amène parfois à renoncer. Vous avez demandé pourquoi, dans ces circonstances, nous continuons à recevoir des demandes de parrainage. Pourriez-vous nous parler un peu plus de ce qu'en pensent les personnes qui font ce parrainage. Cela se répercute-t-il sur le programme dans d'autres domaines? Le Manitoba semble très engagé dans ce programme. Peut-être pourriez-vous nous dire également qu'elle en est la raison. Pourquoi tient-on tellement à ce programme dans la province?
¸ (1430)
M. Thomas R. Denton: Je crois qu'il y a de nombreuses raisons historiques à cela. Nous sommes bien organisés pour faire ce parrainage, et cela depuis des années. La communauté manitobaine est très active et unit ses efforts par l'entremise du programme de parrainage des réfugiés du Manitoba.
Je pense que nous sommes d'un naturel optimisme. Nous continuons de parrainer des gens parce que nous y croyons, parce que nous espérons que les choses finiront par débloquer, que le gouvernement se rendra compte qu'il s'agit d'un programme souhaitable, qui ne lui coûte rien et qui contribue largement à désengorger le système. Comme je le dit dans mon mémoire, au moins 95 p. 100 de nos parrainages sont, en réalité, des cas de réunification des familles et si nous avions un taux de succès plus important, cela soulagerait énormément d'inquiétudes. Nous continuons à exercer des pressions, en notre propre nom ou par l'entremise du Conseil canadien pour les réfugiés, par tous les moyens possibles, pour améliorer un peu la situation.
M. Bill Siksay: Comme vous dites qu'il s'agit, en fait, d'un programme de réunification des familles et compte tenu de ces chiffres, est-ce la meilleure façon de réunir les familles? Y aurait-il un meilleur moyen de le faire que le programme de parrainage privé?
M. Thomas R. Denton: Nous avons souvent pensé que si les règles concernant le regroupement familial étaient un peu plus souples, peut-être comme elles étaient dans les années 80, cela pourrait faciliter un peu le programme de parrainage privé, en effet.
Le président: Merci.
Monsieur Anderson.
L'hon. David Anderson: Monsieur Zaifman, j'ai bien compris votre plaidoyer en faveur d'un système différent s'inspirant de certains modèles commerciaux comme les prêts hypothécaires. Mais vous avez parlé de cette famille qui se situait à 100 $ en dessous du seuil de faible revenu. Vous-même ou la famille en question avez-vous la possibilité de faire appel au pouvoir discrétionnaire du ministre? Si c'est le cas, l'avez-vous fait?
M. Kenneth Zaifman: La réponse est non. Étant donné la façon dont le système fonctionne, quand la demande est envoyée à Mississauga, elle n'est pas rejetée. Elle est alors transmise au bureau des visas qui se charge de l'évaluer. Le bureau des visas peut alors rejeter la demande, ce qu'il fera probablement, et c'est alors à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié que l'on peut faire appel.
Il est possible de demander au ministre d'intervenir à ce stade-là, mais un ministre peut difficilement intervenir avant qu'une décision finale n'ait été rendue. Il hésitera beaucoup à le faire. En pratique, le bureau du ministre n'interviendra probablement pas dans ce genre de cas étant donné qu'il existe une possibilité d'appel, même si c'est assez arbitraire et très long. Mais je ne peux pas parler…chaque ministre a une façon différente de voir les choses.
L'hon. David Anderson: Par conséquent, vous ne vous attendez pas à ce qu'un appel soit accueilli, dans ce genre de cas, sans qu'il ne soit nécessaire d'entreprendre de longues démarches devant la Commission.
M. Kenneth Zaifman: L'appel ne sera sans doute pas accueilli, car en pratique, un avocat ne devrait pas avoir à intervenir dans ce genre de cas.
Nous ne savons pas trop ce que nous devons dire au requérant. Bien souvent, ces personnes se retrouvent dans votre bureau. C'est vous qui pouvez en appeler au ministre pour l'amener à réexaminer la décision. J'estime que le système devrait fonctionner de façon plus efficace.
L'hon. David Anderson: Mais c'est la raison pour laquelle j'ai posé la question. Nous voyons des cas de ce genre et il semble que nos bureaux transmettent un bon nombre d'appels au ministre.
En ce qui concerne les objectifs et les chiffres, les commentaires concernant l'augmentation du nombre d'immigrants me paraissent assez contradictoires. Les chiffres à viser ne me semblent pas reliés à des valeurs justifiables. Sont-ils reliés à la performance économique? Je ne pense pas que ce soit nécessairement le plus important. Sont-ils reliés à la somme totale de bonheur de la population canadienne? Sont-ils reliés aux problèmes à l'étranger, au malheur ou aux difficultés qui règnent là-bas?
Pour ce qui est de porter la proportion à 1 p. 100, pourquoi 1 p. 100? Pourquoi n'est-ce pas 5 p. 100 ou 0,5 p. 100? Je ne vois pas pourquoi vous insistez sur des chiffres, des milliers ou des centaines de milliers ou encore des pourcentages. Je crois que nous devrions résoudre le problème au lieu de dire qu'il faut changer le pourcentage.
¸ (1435)
M. Thomas R. Denton: Je lève mon verre à cela. À mon avis, le problème vient de ce que la politique d'immigration canadienne ne tient pas compte du contexte. Je veux dire par là que nous n'avons aucune idée de ce que devrait être notre population ou de ce que sera notre croissance démographique. Si nous décidions que nous voulons avoir 50 millions d'habitants d'ici 2050, nous pourrions, à partir de là, voir combien d'immigrants il faudra accueillir en 2006 pour arriver à ce chiffre.
L'hon. David Anderson: N'est-ce pas répéter le problème que je viens de décrire? Vous vous basez maintenant sur le chiffre à atteindre dans un certain nombre d'années. Je ne vois pas quel est le rapport avec le nombre d'habitants qui convient pour le Canada.
Je vois que vous demandez des chiffres et que vous me répondez en citant d'autres chiffres. Pourquoi ces chiffres? Pourquoi ne pas essayer de régler le problème à l'étranger ou le problème des familles? Il faut essayer de régler l'aspect humain plutôt que l'aspect numérique.
M. David Matas: Il y a deux questions qui se posent. La première c'est l'écart entre les promesses du programme et ses résultats. Cela n'a rien à voir avec les chiffres. C'est un problème quel que soit le niveau des chiffres, mais c'est actuellement un véritable problème. Le programme nous promet certaines choses, mais ne nous les donne pas en ce qui concerne le parrainage parental ou le parrainage des réfugiés. Il faudrait que les promesses du programme correspondent mieux à ses résultats.
Mais il y a aussi une question de chiffres en rapport avec la démographie et l'économie. C'est un problème différent.
Par le passé, le gouvernement jouait avec les règles pour que les chiffres prévus correspondent aux résultats qu'il pouvait atteindre. Il s'arrangeait donc pour que sa politique corresponde aux chiffres réels, ce qui marchait bien étant donné que vous n'aviez pas ces longues files d'attente. Il ne fait plus ce genre d'ajustement. On constate donc un écart entre le programme et les chiffres, ce qui engendre toute cette exaspération. Le programme semble excellent et nous sommes peut-être plus satisfaits de la politique actuelle que de celles du passé, mais les résultats engendrent beaucoup plus de mécontentement.
À mon avis, nous devons de nouveau faire en sorte que le programme corresponde aux résultats. Nous ne pourrons certainement pas atteindre les résultats visés avec le programme que nous avons actuellement. Il y a deux façons différentes de résoudre le problème. L'une consiste à réduire le programme, ce qui empêchera de parrainer des parents et des réfugiés, etc. L'autre consiste à augmenter les chiffres de façon à ce que le programme corresponde aux résultats obtenus.
Selon moi, il vaudrait mieux augmenter les chiffres que de supprimer le programme, car je crois au parrainage des parents et des réfugiés. Comme on l'a dit, le parrainage des réfugiés a valu au Canada de jouir d'une bonne réputation dans le monde, mais il n'est plus assez efficace. Nous devrons faire correspondre les chiffres aux programmes.
Par-dessus le marché, sur le plan démographique, il y a la baisse de natalité qui est une raison de plus d'augmenter les chiffres au lieu de réduire les programmes. Cette raison supplémentaire ne va pas à l'encontre des autres justifications; c'est seulement une raison de plus.
M. Kenneth Zaifman: Me permettez-vous de répondre brièvement…?
Le président: Très très rapidement.
M. Kenneth Zaifman: Cela soulève une question fondamentale, ce que j'appelle la question de l'équilibre de l'immigration. Ce n'a rien à voir avec les chiffres et la capacité de traitement des demandes, mais plutôt ce que j'ai dit tout à l'heure, soit la responsabilité. Pourquoi les collectivités, les entreprises, les employeurs et les familles ne pourraient-ils pas assumer la responsabilité de faire venir davantage d'immigrants, quelle que soit la catégorie dans laquelle ils entrent?
Compte tenu de cette responsabilité, les chiffres ne sont pas aussi pertinents, mais c'est aussi une question d'établissement ou d'intégration. Nous pouvons absorber davantage d'immigrants si les gens sont prêts à assumer la responsabilité de les intégrer. Il ne s'agit plus alors de voir quels seront les chiffres, mais plutôt qui assumera la responsabilité du rétablissement des immigrants. Si les collectivités et les particuliers assument cette responsabilité, nous pourrons éliminer une bonne partie de l'arriéré.
¸ (1440)
Le président: Merci beaucoup.
L'hon. David Anderson: J'ai aimé cette réponse concernant les chiffres.
Le président: En fait, dans le Livre rouge de 1993, nous avions promis 1 p. 100. C'est une des politiques d'où provient ce chiffre. Notre ministre du Travail, l'ancien président de ce comité, dit maintenant qu'il faudrait se fixer un objectif de 500 000.
Madame Grewal.
Mme Nina Grewal: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir et de nous avoir fait vos exposés.
Par le passé, la réunification des familles prenait environ 24 mois, mais maintenant c'est à peu près 58 mois, soit deux fois plus de temps. Pourquoi, à votre avis, est-ce plus long qu'avant? Avons-nous besoin de plus de personnel ou faut-il réviser entièrement le système? Quelle est la raison de cet arriéré?
N'importe lequel d'entre vous peut répondre à cette question.
M. Kenneth Zaifman: Je répondrais qu'il est toujours utile d'avoir des effectifs plus importants, mais qu'à certains endroits ce n'est pas vraiment une question de personnel.
Les bureaux des visas peuvent émettre davantage de visas. Dans bien des cas, au cours du dernier trimestre de chaque année, ces bureaux cessent de traiter les dossiers parce qu'ils ont atteint leurs objectifs. Vous en avez peut-être déjà entendu parler, ou peut-être que non. Certains bureaux des visas atteignent leur quota au cours des six premiers mois de l'année et consacrent les six derniers mois à gérer leurs dossiers.
La capacité de traitement est suffisante. Ce sont les objectifs fixés qui limitent le nombre de demandes qui peuvent être traitées. Si les agents de visas étaient libres de traiter autant de demandes qu'ils peuvent physiquement le faire sans être pénalisés, ils en traiteraient sans doute plus et plus rapidement.
Mme Nina Grewal: Je parle seulement du regroupement familial.
M. Kenneth Zaifman: Pour n'importe quelle catégorie.
C'est bien simple, il s'agit d'établir si vous êtes ou non des parents. Il y a des moyens de le vérifier. S'agit-il ou non de personnes à charge? Dans la majorité des cas, ce n'est pas bien compliqué.
Comme je l'ai dit, dans la majorité des cas, la décision n'est pas si difficile à prendre, car il suffit d'examiner les documents fournis. Sont-ils satisfaisants? Si vous n'êtes pas convaincu des liens de parenté, il suffit de demander des preuves complémentaires pour pouvoir régler le dossier. Cela peut se faire très rapidement.
Mme Nina Grewal: Oui, mais avant cela prenait 24 mois, et maintenant c'est le double.
M. Kenneth Zaifman: Le bureau des visas de Manille a lancé un projet pilote il y a quelques années. Si vous arriviez au bureau le matin avec une demande entièrement remplie qui était évaluée le matin même, un agent vous rencontrait l'après-midi et votre demande pouvait être approuvée le même jour. Il est possible d'approuver une demande aussi rapidement si elle est bien préparée, si tous les renseignements sont là. La décision n'est pas bien difficile à prendre dans la majorité des cas.
Le président: Merci.
Monsieur Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, monsieur le président, et je remercie les témoins.
Nous avons déjà discuté d'un certain nombre de questions. Je voudrais faire suite à ce qu'a dit David et à ce que les témoins nous ont déclaré au sujet des chiffres. Madame Langner-Pennell, vous avez mentionné qu'il faudrait une vingtaine d'années pour faire venir ses parents. Je pense qu'il ne faudrait pas exagérer; c'est peut-être vrai pour les 5 000 derniers parents, mais il y en a aussi beaucoup, les premiers 5 000, qui n'attendent pas plus d'un an. On peut jouer avec les chiffres.
Voici ma question : si les grands-parents étaient inclus dans le parrainage familial, pourraient-ils venir ici plus rapidement?
Mme Baerbel Langner-Pennell: Les grands-parents en font partie; ils peuvent déjà être parrainés. Cela vaut pour les parents et les grands-parents.
Voilà pourquoi il serait intéressant d'avoir une rétroaction de tous les bureaux des visas, car j'ai toujours ce chiffre de 6 000. J'ai appris ce matin que c'est l'objectif que nous visons pour les parents et grands-parents en 2005, pour les demandes présentées tant au Canada qu'à l'étranger.
En réalité, il y a des dossiers qui attendent au centre de traitement de Mississauga parce que les bureaux des visas ne sont pas prêts à les recevoir. J'ai l'impression que le retard… Il y a un long délai d'attente à Mississauga pour le moment, et il semble que ce soit en partie parce que les bureaux des visas n'acceptent pas les demandes, comme l'a dit M. Zaifman. Le problème est dû à ces objectifs, ces chiffres et ces pourcentages qui limitent à 6 000 le nombre de demandes qui seront traitées à l'échelle mondiale.
Pour ce qui est du personnel disponible, nous n'avons pas ces chiffres. Nous allons devoir compter sur vous pour qu'on en discute davantage.
Mais que se passe-t-il dans ces bureaux des visas? Pourraient-ils traiter plus que 6 000 demandes en tout? Nous pensons qu'ils pourraient peut-être le faire, mais nous ne savons pas quelles sont les ressources disponibles et s'ils pourraient traiter un plus grand nombre de demandes.
¸ (1445)
M. Lui Temelkovski: Monsieur Zaifman, vous avez mentionné que les particuliers, les entreprises et les collectivités pouvaient parrainer des gens en en assumant la responsabilité financière afin de ne pas imposer de fardeau supplémentaire au gouvernement fédéral. Comment cela fonctionnerait-il dans le cas des personnes âgées et du système de santé étant donné que le vieillissement de la population pose un problème de plus en plus important au Canada?
M. Kenneth Zaifman: J'ai fait valoir que, lorsqu'une collectivité parraine quelqu'un, ce n'est pas au sens traditionnel du terme, comme pour le parrainage familial. J'ai abordé le concept de responsabilité.
Même quand vous prenez le pire des cas, lorsque les deux parents arrivent, que la famille a des difficultés financières et doit recourir à l'aide sociale, c'est une chose qui peut être quantifiée dans chaque province. Nous savons qu'au bout de trois ans, les chiffres sont connus.
Si les gens veulent coparrainer quelqu'un, s'ils veulent assumer la responsabilité d'une personne âgée ou qui a des problèmes de santé, ils devraient en avoir la possibilité. Beaucoup de gens sont prêts à le faire. Ils sont prêts à dire : Je vais assumer la responsabilité de mes parents et les prendre à ma charge; avec mes frères et soeurs, je serai responsable d'un groupe de gens plus important; nous sommes prêts à assurer leur intégration et leur établissement et si ces personnes n'arrivent pas à s'établir, nous en assumerons collectivement la responsabilité financière. Cela me paraît équitable.
Le président: Merci beaucoup.
M. David Matas: Je voudrais ajouter quelque chose à cette réponse, si vous le permettez.
Le président: Très rapidement, monsieur Matas.
M. David Matas: Oui.
C'est un véritable problème. Je vais probablement déposer un mémoire supplémentaire au sujet des frais médicaux des parents. Personnellement, j'estime qu'il faudrait permettre aux gens de payer s'ils sont prêts à le faire et s'ils en ont les moyens. Mais pour le moment, ils n'ont pas la possibilité de payer, même s'ils le désirent et il n'y a pas non plus de possibilité de renonciation. Cela a des répercussions sur l'unité familiale.
Comme je l'ai dit, c'est une question distincte que je n'ai pas soulevée dans mon mémoire. Je vais déposer un mémoire à ce sujet.
Le président: Merci beaucoup.
Je voudrais vous remercier de nous avoir rappelé que c'est la Journée de droits des réfugiés. En tant que réfugié, je l'apprécie vraiment, car cela m'était sorti de l'esprit.
Comme vous le savez, le comité examine toutes sortes de façons de réviser le système de façon à le rendre plus efficace et mieux adapté aux besoins.
Monsieur Zaifman, je vous ai entendu dire que le dépôt d'une caution pour l'obtention d'un visa serait sans doute une bonne chose. C'est un peu comme ce que font les tribunaux en exigeant une caution pour assurer le bon fonctionnement du système.
Quoi qu'il en soit, j'espère que vous suivrez nos délibérations à la Chambre. Nous comptons sur les suggestions que vous pourrez nous faire sur plusieurs questions que notre comité examine. Je dois dire que nous nous trouvons dans une situation très particulière, en ce sens que le gouvernement doit davantage écouter le Parlement que s'il était majoritaire.
Merci beaucoup.
¸ (1449)
¸ (1451)
Le vice-président (M. Inky Mark): Nous allons reprendre.
Au nom du comité, je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous allons vous accorder cinq minutes chacun pour faire un exposé, après quoi nous vous poserons des questions.
D'après l'ordre du jour, le premier témoin sera Joseph Zihalirwa.
[Français]
M. Joseph Zihalirwa (First Presbyterian Church Mission): Je m'appelle Joseph Zihalirwa. Au nom de la Première Église presbytérienne de Winnipeg, je vais faire une présentation sur la réunification des familles.
Honorables parlementaires, distingués invités, mesdames, messieurs, merci infiniment de me donner l'occasion de parler au comité. Je représente ici la Première Église presbytérienne de Winnipeg, avec la permission du conseil d'administration. Je suis accompagné du révérend Jack Duckworth, notre ministre du culte.
La Première Église presbytérienne parraine des réfugiés par l'intermédiaire de l'Église presbytérienne du Canada depuis 15 ans. Au cours de cette période, 300 réfugiés ont été parrainés dans le cadre du Programme de parrainage privé des réfugiés. Beaucoup d'entre eux sont maintenant établis au Canada. Nous avons 48 réfugiés qui attendent toujours le traitement outre-mer de leur dossier. Nous nous attendons à recevoir quelques nouvelles demandes de parrainage cette année.
Presque tous les réfugiés que nous avons aidés et ceux que nous aiderons cette année font partie du groupe des gens qui ont une certaine relation avec une ou plusieurs personnes vivant déjà à Winnipeg qui nous ont demandé de parrainer leurs parents et leurs amis. Que les liens de famille soient rapprochés ou éloignés, c'est une réunification importante pour le peuple d'ici et pour les réfugiés d'outre-mer. On peut donc dire que le processus visant à faire venir des réfugiés à Winnipeg est fait dans le cadre de la réunification des familles.
Très peu des réfugiés que nous avons parrainés fréquentent avec nous la Première Église. Ils sont d'une autre foi. La majorité d'entre eux sont des musulmans. Cela n'a jamais fait la moindre différence pour la Première Église, parce que nous voyons les parrainages de réfugiés comme des témoignages de notre foi. Cependant, certains de nos membres viennent d'Afrique. Le comité sera peut-être étonné d'apprendre qu'il y a beaucoup de presbytériens en Afrique et que plusieurs d'entre eux vivent dans les pays francophones. Il y a des membres de notre Église du Burundi, du Rwanda, du Soudan, d'Afrique du Sud. Pour ma part, je viens du Congo. Certains sont venus au Canada en tant que réfugiés parrainés par le gouvernement, d'autres ont bénéficié d'un parrainage privé.
Nous nous inquiétons de la longueur du processus dans le cas des gens à l'étranger. Nos derniers parrainages ont débuté en 2001, il y a quatre ans, et nous attendons toujours la moitié de ces gens. La plupart sont des Africains.
Ce sont autant de réunifications retardées de familles séparées. Le problème est particulièrement immédiat pour deux hommes de notre congrégation. Presque chaque dimanche, pendant le service du culte, notre ministre, le révérend Jack, prie pour qu'ils puissent retrouver leur famille, pour que les formalités administratives puissent être expédiées rapidement, pour que la bureaucratie bouge. Il n'est pas facile d'expliquer à une assemblée connaissant peu le processus d'immigration et ses problèmes pourquoi ces familles ne sont pas ensemble et pourquoi elles souffrent des conséquences de cette séparation.
Le cas d'Abdullah Ajack illustre bien le problème du one-year window. Il est venu au Canada le 29 mai 2002. C'est un réfugié du Soudan commandité par le gouvernement du Canada et la Première Église. Pendant sa première année ici, il a demandé à faire venir son épouse et son fils dans le cadre dudit programme. Ils sont à Khartoum. Il ne les a pas vus pendant plus de huit années, puisqu'il a été forcé d'aller en Éthiopie. Il n'y a aucun problème dans ce cas, du moins aucun dont nous nous rendions compte. C'est juste le processus qui est lent. Sa famille n'est toujours pas ici.
Le second problème me concerne: c'est moi.
¸ (1455)
Je suis arrivé au Canada, à Winnipeg, en tant que demandeur d'asile en janvier 2002. Je suis la seule personne réclamant l'asile qui prie avec les fidèles de la Première Église. J'ai attendu 19 mois pour que ma demande soit entendue, et cela a été une réussite. C'était en octobre 2003. J'ai immédiatement demandé la résidence permanente avec l'aide de l'Église, en précisant sur ma demande que j'avais une épouse et cinq enfants. J'ai fait cela en novembre 2003. Je n'ai toujours pas obtenu ma résidence permanente, et mon épouse et mes enfants ne sont toujours pas avec moi. Depuis que je suis parti du Congo, mon épouse est devenue la cible de la persécution à ma place. Elle a été forcée de se sauver avec les enfants. Le plus âgé a 13 ans en ce moment, et le plus jeune en a 4. Elle est d'abord allée au Burundi, puis en Ouganda. Ils vivent dans une pièce, dans un endroit non fiable de Kampala. Je les soutiens en travaillant en tant qu'opérateur d'élévateur à fourche, dans une usine de meubles et sur une chaîne de production de pièces de véhicules. Je travaille au moins 72 heures chaque semaine.
[Traduction]
Le vice-président (M. Inky Mark): Excusez-moi. Je regrette, mais je vais devoir vous interrompre. Vous avez eu environ sept minutes et nous devons maintenant passer à l'organisme suivant.
Nous allons maintenant entendre Mme Mira Thow des Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs.
Mme Mira Thow (membre, Conseil d'administration, Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs): Merci.
Je comparais de nouveau au nom des Services d'aide aux immigrants juifs. J'ai certaines choses que je tiens à vous dire.
Je suis d'accord avec le groupe de témoins précédent en ce qui concerne l'augmentation des objectifs et l'amélioration des résultats. Je ne répéterai pas les mêmes arguments, mais je voudrais suggérer deux solutions qui pourraient être adoptées provisoirement pour aider à réduire l'arriéré sur le plan du parrainage parental.
Il faudrait d'abord permettre aux parents de venir au Canada comme visiteurs. Pour le moment, de nombreuses familles voudraient parrainer leurs parents simplement pour leur permettre de venir ici temporairement. Elles ne veulent pas qu'ils restent de façon permanente. Les parents ne veulent pas rester ici en permanence, mais ces familles sont obligées de parrainer leurs parents parce qu'elles n'ont pas d'autres solutions. En général, les agents des visas n'accordent pas de visas de visiteurs en pareil cas. C'est compréhensible. Les agents des visas craignent souvent que ces personnes restent et n'aient pas d'assurance médicale ou que les liens avec la famille soient rompus et que ces personnes rejoignent les rangs des assistés sociaux.
Je crois qu'il y aurait une solution. De nombreuses familles ont des parents qui seraient prêts à subir un examen médical avant d'obtenir leur visa de visiteur. Ce n'est pas un gros inconvénient et elles seraient même prêtes à s'engager à faire vivre leurs parents pendant qu'ils sont au Canada. C'est une chose qu'il faudrait envisager. Cela éliminerait de l'arriéré tout un groupe de parents qui veulent seulement rester ici pendant une brève période.
Une autre solution consisterait à permettre aux parents qui se trouveraient au Canada avec un visa de visiteur de faire une demande de parrainage à partir du Canada. Nous pourrions veiller à ce que le délai de traitement de ces demandes soit le même que pour les demandes de parrainage présentées à l'étranger afin que les personnes qui se trouvent ici ne soient pas avantagées par rapport aux autres. Elles seront autorisées à rester au pays avec un visa de visiteur de longue durée si elles ont souscrit une assurance-santé, si elles ont subi un examen médical avant de venir, si elles sont couvertes par leur assurance-santé pendant leur séjour ici et si leur famille s'engage à assurer leur subsistance.
De cette façon, vous pourriez remédier aux problèmes auxquels de nombreux députés se trouvent confrontés lorsque les familles vont les voir parce qu'elles n'ont pas été autorisées à faire venir des parents.
Je crois que le comité devrait envisager ces deux solutions.
¹ (1500)
Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.
Le témoin suivant représente le Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba, qui dispose de cinq minutes.
M. John Peters (coordinateur, Services de Parrainage, Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba (Place de Bienvenue)): Merci.
C'est pour nous un privilège que de comparaître devant le comité. Hai Tonthat et moi-même travaillons au Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba, une organisation qui offre des services de parrainage ici, à Winnipeg.
Hai se spécialise dans l'information et l'assistance aux réfugiés qui veulent faire une demande pour que les membres de leur famille les rejoignent ici, au Manitoba. Il travaille surtout dans le cadre du délai prescrit d'un an, de même que du programme de parrainage pour la catégorie du regroupement familial.
Je gère des services de parrainage, ce qui comprend un programme communautaire de parrainage familial des réfugiés et j'administre aussi le programme de parrainage de notre conseil. C'est un fonds de subvention qui a été constitué avec une mise de fonds initiale de 175 000 $ de la Province du Manitoba et un fonds d'assurance de 250 000 $ constitué par la Ville de Winnipeg.
Nous voulons protéger les réfugiés et leur offrir une solution durable. Par ordre de priorité, les trois principaux objectifs de notre organisme consistent à secourir le plus grand nombre possible de réfugiés grâce au parrainage et à d'autres solutions, à réunir le maximum de réfugiés et autres immigrants avec leur famille et leurs amis qui se trouvent déjà ici au Manitoba, et à augmenter le plus possible la population de Winnipeg et de la province.
Chaque année, nous aidons environ 180 nouveaux réfugiés à faire venir leur famille au Manitoba. Sur trois des quatre dernières années, les réfugiés qui sont arrivés au Manitoba dans le cadre d'un parrainage privé ont été plus nombreux que les réfugiés parrainés par le gouvernement. Nous pensons que nous sommes les chefs de file du Canada à cet égard. En 2004, plus de 600 réfugiés sont arrivés au Manitoba grâce au parrainage privé. Un grand nombre d'entre eux ont rejoint des parents et des amis qui se trouvaient déjà ici.
En ce qui concerne les longs délais d'attente, les longs délais de traitement des demandes à l'étranger représentent le principal obstacle à la réalisation de nos objectifs de parrainage. Chaque année, CIC totalise le nombre de demandes de parrainage entrant dans la catégorie du regroupement familial et le nombre de réfugiés parrainés qui restent dans la file d'attente. Au début de l'année, le nombre de demandes de parrainage privé de réfugiés a dépassé 13 000, comme on vous l'a déjà dit, je crois.
Chaque année, dans nos rapport annuels au ministère, en tant que titulaires d'ententes de parrainage—et nous sommes 94 pour l'ensemble du pays—nous estimons le nombre de demandes de parrainage que nous nous attendons à soumettre au cours de l'année à venir. Les statistiques de CIC ne semblent pas correspondre aux objectifs annuels établis par le gouvernement et, à notre connaissance, les prévisions que nous fournissons ne servent pas à planifier les objectifs fixés pour les bureaux des visas.
Nous appuyons le rapport préparé par le Conseil canadien pour les réfugiés au sujet de la lenteur du traitement des demandes. Ce rapport s'intitulait Y a-t-il un moyen plus rapide? Parrainage privé de réfugié : Retards de traitement des demandes à l'étranger. Nous appuyons également le document du CCR sur les retards dans la réunification des familles intitulé Plus qu'un cauchemar.
Merci.
¹ (1505)
M. Hai Tonthat (conseiller, Services de Parrainage, Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba (Place de Bienvenue)): Je ne vais pas vous lire tout mon mémoire, mais j'insisterais sur certains points et particulièrement sur le délai prescrit d'un an.
Ce programme vise à aider les réfugiés à faire venir les membres de leur famille le plus tôt possible, mais en réalité il leur crée davantage de difficultés. Certains d'entre eux ne peuvent pas bénéficier d'une procédure d'appel officielle. Cela permet donc aux agents d'immigration de prendre des décisions qui ne se fondent pas sur des principes raisonnables.
Je vais vous raconter une histoire. Une de mes clientes est originaire de l'Éthiopie. Elle s'appelle Jaye. Son mari et elle appartiennent au groupe ethnique Oromo. Ils ont fui leur pays. Comme elle a déclaré son mari lorsqu'elle est arrivée au Canada, elle a droit au délai prescrit d'un an. Néanmoins, la demande de son mari a été rejetée pour deux raisons.
Premièrement, il n'y a pas de preuve que leur relation a continué. Ils ne peuvent pas produire de lettres ou d'appels téléphoniques. Il est rare que les réfugiés puissent faire des appels interurbains et souvent leurs lettres sont volées par les postiers de leur pays. Ils ne peuvent pas produire leur certificat de mariage à cause de la façon dont ils ont fui l'Éthiopie.
Deuxièmement, l'agente d'immigration croit que son mari soutient le Front de libération Oromo, une organisation que le gouvernement canadien considère comme un groupe terroriste. L'agente s'est basée sur la déclaration de la femme selon laquelle son mari partage l'idéologie de ce groupe, et le fait qu'il a été emprisonné pendant huit ans. L'agente d'immigration n'a pas prêté attention au fait que le gouvernement éthiopien n'est pas connu pour respecter les droits de la personne, que le mari n'a peut-être pas eu un procès équitable et elle n'a pas non plus essayé de contacter le gouvernement éthiopien pour obtenir la preuve.
Par conséquent, nous voudrions recommander que tous les agents d'immigration obtiennent des renseignements adéquats sur la vie des réfugiés. Ils devraient recevoir une formation en procédure juridique, et surtout sur la façon d'évaluer la preuve. Il devrait y avoir, dans chaque bureau à l'étranger, des avocats de l'immigration pour conseiller les agents d'immigration afin que chaque réfugié soit traité équitablement.
Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.
Le témoin suivant représente la Jewish Federation of Winnipeg.
Mme Leslie Wilder (présidente, Sous-comité de l'immigration, Jewish Federation of Winnipeg/Combined Jewish Appeal): Nous parlons au nom de notre programme Grow Winnipeg, qui est un partenariat avec le gouvernement provincial.
Au cours des cinq dernières années, nous avons reçu et accueilli plus de 1 400 nouveaux arrivants au sein de notre communauté, à Winnipeg. Nous avons eu des cas très réussis de rétablissement et d'intégration. Les personnes qui se consacrent à cette tâche sont des professionnels, ainsi que de nombreux bénévoles.
Nous constatons maintenant que les nouveaux arrivants, qui viennent d'une culture où les membres de la famille se prêtent mutuellement assistance, n'arrivent pas à améliorer leur situation professionnelle. S'il y a deux parents, l'un d'eux doit rester à la maison avec les enfants. Ils ont des parents qui souhaitent venir et qui ont fait une demande. Mais il y a les longs délais d'attente dont on vous a parlé tout l'après-midi. Nous n'allons pas revenir là-dessus.
Si les nouveaux arrivants pouvaient faire venir leurs parents, leur intégration dans l'économie serait beaucoup mieux réussie. Ils pourraient contribuer à l'économie en améliorant leur connaissance de la langue et leur compréhension de la culture canadienne des affaires. Ils pourraient contribuer à la prospérité économique dont le Canada a besoin et à lui donner un nouvel élan de créativité.
Nous parlons surtout dans notre mémoire de l'investissement dans la famille qui se traduira par un investissement dans l'économie si l'on modifie et améliore le processus de réunification en suivant certaines des suggestions que nos collègues de ce groupe-ci et du groupe précédent ont formulées.
¹ (1510)
Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.
Pendant le temps qui nous reste, le pasteur Duckworth voudra peut-être dire quelques mots.
Allez-y.
Mme Faye Rosenberg-Cohen (directrice de la planification, Jewish Federation of Winnipeg/Combined Jewish Appeal): Si vous le permettez, je voudrais ajouter une chose.
Ce matin, Bob Silver vous a parlé d'investir dans les familles. C'est un autre exemple de façon dont nous pouvons investir, et cela à moindre frais, en traitant simplement les demandes plus rapidement, des demandes qui autrement attendraient pendant des années, afin que toute la famille en tire des avantages économiques sous la forme d'un soutien et d'une meilleure santé. Nous avons parlé des gens qui doivent étudier pour se requalifier, mais il faut reconnaître également que les parents peuvent contribuer à la stabilité familiale pendant que leurs enfants essaient de retomber sur leurs pieds et de se rétablir au niveau où ils étaient avant de déménager au Canada.
Le vice-président (M. Inky Mark): Pasteur, je voudrais d'abord savoir à quel groupe vous appartenez? Les presbytériens?
Révérand Jack Duckworth (First Presbyterian Church Mission): Oui.
Le vice-président (M. Inky Mark): Très bien. Vous avez trois minutes.
Le rév. Jack Duckworth: Merveilleux.
Je voudrais revenir un peu sur l'histoire de Joseph et présenter le visage humain de la réunification des familles. Si vous lisez son mémoire, il est évident que Joseph s'inquiète pour sa famille parce qu'il souhaite la retrouver, mais aussi pour des raisons de santé et d'éducation. Sa famille se trouve privée de certains soins de santé et d'un certain niveau d'éducation dans le pays où elle se trouve. En tant qu'Église et organisme qui soutient Joseph et prie pour lui, nous souhaitons que sa famille puisse le rejoindre ici au Canada afin qu'ils puissent être ensemble.
Ce délai me paraît extrêmement long, d'autant plus que toutes les ressources sont disponibles grâce au parrainage privé pour que les choses aillent plus vite. Joseph est certainement un homme plein de ressources.
J'avoue que je connais mal la bureaucratie, comme ce mémoire en témoigne. Je prie pour vous régulièrement. Mais je voudrais simplement souligner que ce problème a un visage humain et que nous devons nous en occuper.
Merci.
Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.
Je vous remercie tous pour vos exposés. Nous allons maintenant commencer un tour de questions de sept minutes.
Nina.
Mme Nina Grewal: Merci, monsieur le vice-président.
Je vous remercie tous pour vos exposés et pour avoir pris le temps de venir.
Après avoir entendu toutes ces histoires tristes, je voudrais savoir comment nous pouvons rendre le système plus clair, plus transparent, plus efficace et plus redevable, applicable et équitable pour nous tous? Que peut-on faire pour traiter plus vite les demandes de regroupement familial, sans retards et pour réduire ces arriérés?
Mme Mira Thow: Comme je l'ai dit dans le cadre de la table ronde précédente, ce n'est pas une question de ressources. Il y a des agents qui sont capables de traiter ces demandes, mais ils n'ont pas les chiffres ou les quotas voulus. On leur dit qu'ils ont atteint l'objectif de 235 000 et qu'ils doivent s'arrêter là, si bien que les répondants et leurs parents doivent attendre que l'objectif soit augmenté.
Comme l'a souligné M. Telegdi, le Livre rouge promettait un objectif de 1 p. 100. Il n'a pas été atteint. Cela aurait porté les chiffres à environ 320 000. Les ministres précédents ont tous dit que ce devrait être l'objectif minimum. Cela remédierait dans une large mesure à la situation, tout comme le fait de permettre aux parents de venir avec un visa de visiteur de longue durée afin qu'ils puissent être ici pendant le traitement de leur demande, en exigeant qu'ils aient une assurance médicale afin de remédier aux inquiétudes des agents d'immigration.
Le vice-président (M. Inky Mark): Monsieur Zihalirwa, vous pouvez dire quelque chose.
[Français]
M. Joseph Zihalirwa: D'après ce que j'ai constaté, les services de la réunification familiale sont jumelés à tous les services destinés aux réfugiés. C'est ce qui explique que le processus soit si long. Si on mettait à la disposition de la réunification familiale un service séparé, le traitement des dossiers pourrait être plus rapide. C'est ma première suggestion.
Je vais maintenant parler principalement de mon cas. Je travaille au minimum 72 heures par semaine, parfois 80, ce qui totalise environ 160 heures par deux semaines. Or, au point de vue fiscal, bien que je sois marié et que j'aie des enfants à ma charge, on traite mon cas comme si j'étais célibataire. Je vous demande de vérifier dans quelle mesure il serait possible de voir à cette situation. C'est ma seconde suggestion.
¹ (1515)
[Traduction]
Le vice-président (M. Inky Mark): Roger.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci beaucoup, monsieur le président. J'aurais quelques questions. Il y a tellement d'invités qu'on passerait la journée à poser des questions et on n'aurait pas toutes les réponses. Je vais m'en tenir à quelques-unes.
D'abord, monsieur Tonthat, vous avez donné tout à l'heure l'exemple de cette famille du nord de l'Irak qui est arrivée dans un aéroport canadien. La femme était enceinte d'un deuxième enfant quand l'entrevue a été faite. Quand elle est arrivée, elle avait déjà l'enfant et on a demandé des tests d'ADN. J'imagine que cette situation vous apparaît renversante comme elle me l'apparaît à moi, tout comme le fait que les tests d'ADN aient été aux frais de la famille. Trouvez-vous que c'est un exemple extrême? C'était dans quel aéroport au Canada? Pouvez-vous donner un peu plus de détails sur cette situation?
[Traduction]
M. Hai Tonthat: Quand la famille a subi l'entrevue, la femme était enceinte. Lorsqu'elle est allée à l'aéroport, on a dû lui dire qu'elle devait faire sa demande sans quoi sa famille resterait en arrière. Ils n'avaient pas le choix. Ils sont venus ici et ont fait une demande en vertu du délai prescrit d'un an.
Mais le problème est que l'immigration leur a demandé un test d'ADN, ce qui a retardé tout le processus. Comme vous le savez, si un enfant ne vit pas avec ses parents pendant les années cruciales de son développement et de sa croissance, il lui est difficile, par la suite, d'établir un lien avec ses parents. CBC a interviewé la famille et cette émission a été diffusée sur la chaîne nationale.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci.
J'aurais une question à poser sur le parrainage par des communautés religieuses; cette question m'a déjà été posée par des représentants au Québec, mais elle se pose sans doute également au Manitoba. Quand une communauté religieuse parraine un réfugié, pose-t-elle des conditions de confession religieuse, de pratique religieuse au nouvel immigrant ou au nouveau réfugié? Par exemple, une religion ou une Église demande-t-elle à un réfugié d'observer ses règlements?
M. Joseph Zihalirwa: Je peux répondre à cette question. Quand nous parrainons des réfugiés, nous ne tenons pas compte de la religion. Aider est inné. On ne peut pas poser de conditions à quelqu'un en danger. Nous parrainons des musulmans; ils ne sont pas de notre religion et viennent nous trouver, et nous les aidons à quitter et à fuir l'obstacle. Quand on sauve la vie des gens, on ne tient pas compte des religions. C'est la foi chrétienne qui nous envoie sauver ces gens.
M. Roger Clavet: En terminant, je poserai encore une question à M. Zihalirwa. Vous avez mentionné que vous travailliez 80 heures par semaine, parfois plus. C'est très difficile. Vous demandez aux parlementaires et au Parlement la même compassion que celle dont l'Église qui vous accueille fait preuve. Vous demandez qu'on réduise vos impôts, et qu'on ne considère pas vos revenus comme ceux d'un célibataire, puisque vous avez une famille aussi. C'est cette compassion que vous demandez au Parlement d'avoir pour vous et les autres dans votre situation?
M. Joseph Zihalirwa: Je vous donne mon exemple parce que je suis ici, mais il y a une multitude de gens qui souffrent comme moi. Il s'agit de voir dans quelle mesure vous pouvez alléger le fardeau des gens mariés qui ont des enfants à l'extérieur. Nous envoyons des subsides pour eux. La question est de voir dans quelle mesure on peut alléger leur fardeau fiscal.
¹ (1520)
M. Roger Clavet: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.
Bill.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur Mark.
Merci à tous pour vos exposés.
M. Denton a mentionné tout à l'heure l'importante contribution du Manitoba au programme de parrainage privé et je crois que nous en constatons la raison étant donné la contribution que vos organismes et congrégations ont apportée à ce programme. C'est vraiment spectaculaire.
J'ai une question à vous poser.
Malheureusement, monsieur Zihalirwa, quand vous êtes arrivé à la partie très personnelle de votre déclaration, nous avons manqué de temps, ce qui est pénible quand on raconte sa propre histoire et ce genre de détails. C'est le genre d'histoire que nous connaissons tous autour de cette table. Nous en avons entendu différentes versions, dans nos bureaux, de la bouche de différentes personnes au cours de nombreuses années, et il est toujours difficile d'entendre parler des difficultés des réfugiés qui viennent au Canada.
Vous avez commencé à parler du coût des retards. Nous sommes tous conscients des coûts personnels, mais vous avez également mentionné les conséquences pour la santé de votre famille, l'éducation de vos enfants, ce qui rendra plus coûteuse leur intégration dans la société canadienne lorsqu'ils finiront par arriver ici.
Je me demande si vous-même, et d'autres personnes parmi vous, pourraient nous parler un peu plus du coût de ces retards.
[Français]
M. Joseph Zihalirwa: Si j'ai bien compris votre question, ma famille ne posera pas de problèmes de santé ici. Elle est maintenant en Ouganda, dans un pays étranger. Je sais que les membres de ma famille n'arriveront pas ici malades, d'autant plus qu'il y a un service qui se charge de la santé des gens avant qu'ils ne viennent ici. On leur fait passer des examens médicaux, on vérifie s'ils ont la malaria ou une autre maladie et on leur donne les soins appropriés avant qu'ils ne viennent ici. À ce moment-là, ils ne poseront pas de problèmes de santé ici, au Canada. Ils auront déjà été soignés là où ils sont maintenant. Il n'y aura pas de problème.
[Traduction]
M. Hai Tonthat: Je voudrais vous raconter deux histoires.
Un de mes clients a eu les mêmes difficultés. Il est venu me dire : « Pourriez-vous contacter l'Immigration de ma part pour demander de biffer le nom d'un de mes enfants? Il vient de mourir de la malaria ».
Mon autre client est également venu ici. Je l'ai aidé à faire une demande dans le délai prescrit d'un an. Il vient d'apprendre que, pendant qu'il attendait dans le camp de réfugiés, sa femme est morte de la tuberculose. Sa famille ne l'en a pas informé, car elle ne voulait pas qu'il le sache. C'est un coût humain.
À part cela, cette personne peut présenter des symptômes psychosomatiques comme la dépression, des ulcères, etc., et se prendre d'une véritable aversion pour le système d'immigration canadien.
Par conséquent, quand mes clients ont su que j'allais venir ici aujourd'hui, je peux vous dire qu'ils étaient très contents. Ils m'ont demandé de vous remercier de leur part pour le travail que vous accomplissez, car c'est la seule chance qu'ils aient de faire connaître leurs difficultés. Ils espèrent que leurs problèmes seront résolus de façon satisfaisante.
Le vice-président (M. Inky Mark): Bill, avez-vous d'autres questions?
M. Bill Siksay: Je crois que M. Peters veut répondre.
M. John Peters: Très bien, si je peux ajouter quelques mots, il y a également des exemples de mariages qui n'ont pas survécu à cette épreuve, à ces longs délais. C'est dû, en partie, à une perte de confiance entre les conjoints. Il est difficile de comprendre et d'imaginer pourquoi le conjoint qui est au Canada ne peut rien faire pour accélérer les choses. Dans certaines cultures, le divorce est beaucoup plus traumatique que dans la nôtre, et si cela fait suite au traumatisme engendré par les événements qui ont fait de vous un réfugié, cela peut être vraiment dévastateur.
Nous devrions peut-être examiner les normes de service à l'étranger. Le bureau local de CIC nous a montré les normes de service qu'il désire respecter, mais il ne semble pas qu'à l'étranger nous ayons les moyens d'offrir ce niveau de service. Une solution serait peut-être d'avoir un délai de traitement de six à 12 mois. Même ce délai semble long pour quelqu'un qui attend dans un camp de réfugiés, ce serait quand même une façon de remédier à la situation.
¹ (1525)
Mme Leslie Wilder: Un des membres de la table ronde a mentionné combien il est important que l'enfant établisse rapidement des liens avec ses parents. Il est également important qu'il ait des liens avec sa famille élargie et ses grands-parents. Il faut aussi que les enfants qui sont ici n'aient pas à s'inquiéter de ce qu'il advient de leurs parents dans des pays aux prises avec des difficultés économiques et où les services de santé se sont énormément détériorés depuis la chute du bloc soviétique. Lorsqu'ils sont âgés, ils ne sont plus aussi productifs. Nous en revenons à l'investissement dans la famille, car ce sont des familles fortes qui créent une communauté forte et un pays fort. Nous avons pu constater les effets de ce genre de situation sur les enfants qui sont ici au cours de ces dernières années.
Notre programme de counseling au Jewish Child and Family Service connaît une croissance exponentielle pour ce qui est de l'aspect culturel du counseling, grâce à nos conseillers multilingues qui conseillent non seulement les membres de la communauté juive, mais également les réfugiés des communautés du monde entier qui sont à Winnipeg. Nous n'arrivons pas à faire face à la demande compte tenu de tout le stress qu'éprouvent les gens séparés des êtres qui leur sont chers, sans savoir quand ils seront enfin réunis.
Mme Faye Rosenberg-Cohen: Je voudrais vous raconter une histoire.
Imaginez un couple qui est ici depuis plusieurs années et exerce des emplois raisonnablement acceptables. Au bout de deux ans, ils décident d'avoir un enfant. Le mari a entrepris un programme de réaccréditation et de requalification de 10 ans pour pouvoir reprendre sa profession au même niveau, comme nous en avons parlé ce matin. Ils ont un enfant. Les parents viennent les visiter, ce dont tout le monde se réjouit. Ils décident de venir vivre ici pour aider leurs enfants. Les frères et soeurs se débrouillent bien ailleurs qu'à Winnipeg et les parents veulent venir vivre ici, avec le couple. La femme tombe enceinte d'un deuxième enfant.
Les époux font une demande de regroupement familial pour que leurs parents puissent venir. On leur dit que les grands-parents du bébé sont maintenant sur une longue liste d'attente et qu'il s'écoulera au moins deux ans avant que le dossier ne soit examiné pour la première fois. C'est court par rapport à ce qui se passe dans les bureaux des visas de certaines ambassades, comme nous l'avons entendu dire.
Vous pouvez imaginer la situation si cela durait cinq ou six ans et non pas deux ans. Cette femme pensait que ses parents pourraient venir l'aider à prendre soin des enfants. Ses parents ne sont plus capables de travailler dans leur propre pays et ils ont moins de ressources et de productivité qu'ils n'en avaient sept ou 10 ans plus tôt. Cette femme se trouve maintenant coincée à la maison avec deux enfants sans pouvoir suivre des cours de recyclage dans son propre domaine. Elle n'a pas accès à tous les programmes de soutien dont elle pourrait se prévaloir autrement.
Dans les pires cas, la famille se trouve plongée dans la pauvreté. Un des conjoints travaille fort pour nourrir sa famille tandis que l'autre n'a jamais la possibilité de se recycler. Le couple a accepté de se contenter d'un statut professionnel inférieur. Ils étaient prêts à le faire pour pouvoir vivre ici. Sa situation pourrait s'améliorer si quelqu'un pouvait s'occuper de son dossier au bureau des visas.
¹ (1530)
Le vice-président (M. Inky Mark): David, avez-vous une question?
L'hon. David Anderson: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie pour vos exposés.
Je crois que, dans une certaine mesure, nous prêchons à des convertis. Nous avons tous fait l'expérience des nombreux problèmes que vous avez mentionnés dans nos circonscriptions et, dans certains cas, dans nos propres familles.
Je crois que le dernier paragraphe du mémoire de la Jewish Federation of Winnipeg résume bien l'importance de la réunification des familles.
Cela dit, le cas qui m'a certainement le plus frappé est celui de Joseph. Il ne s'agit pas des grands-parents, mais de sa femme et de ses enfants. Je crois qu'ils étaient âgés de 13 à 4 ans lorsqu'ils sont allés à Kampala ou que c'est leur âge actuel. Je n'en suis pas certain. Le plus vieux a maintenant 13 ans?
[Français]
M. Joseph Zihalirwa: Ils ont fui le pays en 2002. Le premier a 13 ans et le dernier, 4 ans.
L'hon. David Anderson: Voilà un cas où les parents sont dans deux pays différents, bien loin l'un de l'autre; les enfants ne reçoivent pas l'appui de leur père. C'est le plus troublant. Cela a pris trois ans.
M. Joseph Zihalirwa: En fait, ça fait bientôt quatre ans que je suis séparé de mes cinq enfants. Ma femme est avec eux, et ils vivent tous ensemble dans une chambre. D'ailleurs, le dernier ne me reconnaîtra plus, parce que quand je l'ai laissé, il avait un an. C'était un bébé. Quand je lui téléphone, il demande où est le papa qui est en train de parler au téléphone. Il ne peut plus me reconnaître. C'est pourquoi je vous demande, je vous prie de voir quelles mesures pourraient être prises pour que je retrouve les membres de ma famille ici, au Canada, et que je vive avec eux, comme tous les Canadiens.
L'hon. David Anderson: Ce que vous avez dit est à la fois très troublant et très clair. Je vous remercie d'avoir partagé avec nous votre histoire et celle de votre famille.
[Traduction]
En fait, les grands-parents sont extrêmement importants, mais quand on voit que des parents sont séparés délibérément pendant ces années les plus importantes du développement… Monsieur le président, je crois que nous allons devoir essayer d'obtenir des chiffres quant au nombre total de personnes qui se trouvent dans la situation de Joseph pour voir si cela ne devrait pas être la première priorité. La réunification des familles est certainement importante, quels que soient les membres de la famille.
La séparation des conjoints et des jeunes enfants d'un parent pendant aussi longtemps est tout à fait inacceptable.
Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.
Lui, vous avez cinq minutes.
M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais poser une question à John. Je m'intéresse davantage à la question du cautionnement. Vous avez parlé, je crois, de 250 000 $. Comment cela fonctionne-t-il et quels en sont les avantages et les inconvénients?
M. John Peters: Si le délai de traitement était plus court, nous pourrions déjà vous dire quels sont les résultats de ce programme. Nous n'en sommes pas encore là, mais le programme d'assurance de Winnipeg fonctionne de la façon suivante. Un organisme communautaire, par exemple l'Église orthodoxe éthiopienne ou le groupe abyssin pourrait venir nous dire qu'un de ses membres a un parent qui est un réfugié et qu'il voudrait le faire venir. Les parents et amis qui se trouvent ici sont prêts à faire vivre cette personne pendant sa première année au Canada dans le cadre du parrainage des réfugiés. Il se peut toutefois que les choses tournent mal. Comme il y a un risque, c'est le programme d'assurance qui couvre ce risque. C'est une garantie au cas où toutes les autres sources de soutien seraient insuffisantes. Nous pourrions alors recourir au programme d'assurance de Winnipeg.
Nous nous occupons du parrainage des réfugiés depuis un certain nombre d'années et nous avons constaté que le pourcentage de cas où les choses tournent mal, parce que quelqu'un a perdu son emploi ou pour une autre raison, est de moins de 1 p. 100. Mais même en pareil cas, il est très important pour les parents, les groupes communautaires et nous-mêmes, en tant qu'organisme sans but lucratif, d'avoir une assurance. Nous sommes donc très contents que la Ville de Winnipeg ait constitué ce fonds, et cela montre qu'elle appuie cet élément de la réunification des familles et du parrainage des réfugiés.
¹ (1535)
M. Lui Temelkovski: Est-ce géré par la Ville ou est-ce une compagnie privée? Je sais que le siège social de la compagnie d'assurance-vie Great-West se trouve ici. Ce fonds appartient-il à une compagnie?
M. John Peters: Non, il nous a été confié en tant qu'organisme sans but lucratif et c'est nous qui l'administrons. En fait, le Manitoba Refugee Sponsors Group est un groupe non constitué en société qui se réunit très régulièrement et qui a beaucoup d'appuis dans la communauté. Il a nommé un comité qui examinera tout cas qui pourrait se présenter à l'avenir.
M. Lui Temelkovski: Merci.
Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup. Merci à tous les membres de cette table ronde.
Trop souvent, nous considérons l'immigration comme une simple question de chiffres et vous nous avez rappelé la nécessité de mettre un visage sur l'immigration et certainement sur la réunification des familles.
Même dans mon propre cas, je n'ai jamais vraiment connu mon père avant l'âge de six ans, et cela a énormément influencé mes relations avec mon père qui est maintenant décédé.
Alors merci d'être venus ici aujourd'hui.
Très bien, nous allons nous arrêter ici.
¹ (1536)
¹ (1544)
Le président: Reprenons la séance.
Monsieur Vedanand, vous avez cinq minutes. Veuillez commencer s'il vous plaît.
Dr Vedanand (professeur, Gestion transculturelle, Université du Manitoba, à titre personnel): Bon après-midi, encore une fois. Nous mettrons l'accent sur la réunification des familles et d'autres questions concernant les familles.
Quand on se penche sur la question de la réunification des familles, le plus important est sans doute d'examiner certaines questions conceptuelles qui ont été soulevées ailleurs, en Europe ainsi qu'au Canada. Par exemple, qu'est-ce que l'inclusion? C'est une question très importante lorsqu'on construit une société unique et inclusive. En même temps, l'exclusion suscite un nombre beaucoup plus important d'études sérieuses. La London School of Economics… [Inaudible]… qui a été soutenue par le gouvernement britannique. L'UCLA s'est également penchée sur la question. Nous constatons que même si nous parlons de construire une société inclusive, nous n'avons pas vraiment examiné ce qui engendre l'exclusion et ce que cela signifie.
La London School of Economics a fait une étude sur toute cette question. Cela comprend un certain nombre de choses. Il y est dit que l'exclusion est en fait, une composante de la pauvreté et qu'un grand nombre de ces éléments sont reliés à ces problèmes.
Quand vous parlez de réunification, vous pensez naturellement à l'immigrant qui arrive. Peu de temps après, les membres de la famille qui n'ont pas été autorisés à l'accompagner veulent venir à leur tour. Des coûts se sont ajoutés entre-temps et c'est également un important problème. La question est de savoir si les immigrants seront seulement les élites et les privilégiés?
Qui sont les pauvres? Aux États-Unis, nous savons ce qu'il en est. La plupart des immigrants mexicains, par exemple, se retrouvent pris dans le piège de la pauvreté aux États-Unis. Il y a un coût humain.
Sur la côte Ouest, il y a maintenant beaucoup de gens qui se sont établis avec beaucoup de succès. Par contre, les Latino-Américains ont un taux très élevé de décrocheurs et de pauvres.
Quand vous faites le même genre d'analyse comparative au Canada, vous pouvez voir que la plupart des communautés nationales fortes, les communautés migrantes, sont venues s'installer au Canada dans trois pôles d'attraction : Toronto, Montréal et Vancouver. Elles s'installent toutes au même endroit parce que les possibilités sont censées y être meilleures. Quant à savoir si les possibilités sont là ou non, c'est une autre question. La plupart des immigrants pauvres se retrouvent aux mêmes endroits.
Selon une étude récente de statistique Canada… [Inaudible]… il y a une majorité de minorités visibles, ce qui représente une nouvelle tendance. Cette nouvelle tendance nous a également conduit à réfléchir à la question. Ce changement se produit-il volontairement? Est-il soutenu par de grandes politiques, de nouvelles stratégies?
Tout cela m'amène à dire que le sort de l'immigrant est physiquement relié au sort et à la destinée des villes. Les villes subissent des transformations comme la grande ville de Detroit dont la population est tombée d'un million d'habitants à 900 000 à peine. La plupart de ces gens ont déménagé.
¹ (1545)
Je voudrais aborder rapidement un thème cher à un des décideurs de Metropolis, Howard Duncan, qui en est le directeur général. En ce qui concerne l'intégration, par exemple, et sa signification précise, l'intégration n'est pas un service ou un programme gouvernemental. Les auteurs de cette déclaration ne l'ont pas faite en tant que membres du gouvernement, même s'ils ont été les principaux décideurs du projet Metropolis.
L'ingénierie sociale n'est pas un domaine dans lequel les gouvernements—du moins les gouvernements démocratiques—se sont montrés particulièrement efficaces par le passé... [Inaudible]... et les objectifs sociaux officiels. La création de villes socialement intégrées peut être largement facilitée par des politiques et des programmes, mais elle ne peut pas être faite unilatéralement. Elle ne peut pas être livrée dans une enveloppe ou annoncée à une cérémonie d'inauguration.
Selon les études, ce sont là les véritables défis à relever. Nous devons établir ce qui va se passer. Nous l'ignorons. Voilà pourquoi certains penseurs vont se pencher sur la question. Ils ont commencé à étudier un modèle d'intégration.
Très bien. Il y a la séclusion et l'occlusion puis l'inclusion et la subclusion—je ne pense pas que cela pourrait être pire. Comme cela pourrait-il être pire? Les travailleurs migrants sont forcés de commencer au bas de l'échelle. Ceux qui font partie de l'élite et des privilégiés, disons, se trouvent dans les catégories d'inclusion. Il y a quelques catégories de séclusion, c'est-à-dire les gens qui vivent dans des ghettos, par exemple.
Je pense que je vais m'arrêter là.
¹ (1550)
Le président: D'accord, pouvez-vous vous arrêter là?
Dr Vedanand: Très bien. Il faut relever le défi de la réunion des familles dans le contexte de ce qui est possible. Ces gens arrivent dans un pays d'abondance. Vont-ils réussir? Dans la négative, quelle sera leur principale difficulté?
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Ed Wiebe, du Comité central mennonite.
Nous essayons de nous limiter à cinq minutes afin que tout le monde puisse se faire entendre, après quoi nous pourrons vous poser des questions. Nous acceptons les mémoires écrits.
Monsieur Wiebe.
M. Ed Wiebe (coordinateur, Programmes de réfugiés, Comité central mennonite du Canada): Merci.
Tout d'abord, nous tenons à vous remercier d'être venus à Winnipeg nous écouter. Vous avez déjà entendu beaucoup de choses aujourd'hui. Nous allons sans doute y revenir, mais nous pouvons peut-être apporter des nuances légèrement différentes pour souligner ce que nous voulons vous faire comprendre.
Je m'appelle Ed Wiebe. Je suis le coordonnateur national des programmes de réfugiés du Comité central mennonite. Notre siège social se trouve à Winnipeg et c'est pourquoi nous témoignons ici. Je suis accompagné d'Elaine Harder, de notre programme de Saskatchewan. Elle est également la coprésidente du Comité ONG-gouvernement sur le parrainage privé des réfugiés. Mukai Muza, la coordonnatrice provinciale du programme des réfugiés, est aussi présente dans la salle.
Le Comité central mennonite du Canada a été un des premiers organismes signataires d’une « entente-cadre », comme on les appelait à l’époque. Organisme international de secours et de développement présent dans plus de 50 pays à travers le monde, le Comité central mennonite a toujours considéré le bien-être et la protection des réfugiés comme un aspect important de son travail, en raison des expériences vécues par bon nombre des membres de nos communautés, qui ont eux aussi été déracinés. Il y a aussi les gens plus jeunes qui ont eu vent d’histoires semblables vécues par leur famille immédiate. Ils savent bien ce que cela veut dire.
Le parrainage continue à susciter beaucoup de bonne volonté dans nos collectivités où plus de 5 000 familles ont été accueillies au cours des 25 dernières années, mais il y a eu aussi, récemment, beaucoup de découragement et de désenchantement pour diverses raisons. Nous allons en examiner rapidement les principales. Nous soulignerons également certaines autres choses que nous ne mentionnons pas dans notre mémoire, mais dont nous avons entendu parler ici aujourd'hui. Ensuite, nous formulerons quelques recommandations que vous pourrez examiner.
Tout d'abord, comme on l'a dit, le traitement des demandes de parrainage privé est très lent. Le traitement est lent pour plusieurs programmes d'immigration, mais nous nous préoccupons ici du parrainage privé. Le temps de traitement de ces dossiers a augmenté continuellement et il arrive souvent maintenant qu’on ne jette même pas un premier coup d’oeil à ces dossiers au cours de la première année. La majorité des réfugiés ne sont pas admis au pays avant au moins 24 mois.
C'est tout à fait inadmissible dans le cas d’un programme destiné à assurer la protection des réfugiés, où le temps représente un facteur déterminant. Les revendicateurs du statut de réfugié doivent attendre patiemment dans des conditions précaires, pendant que leurs parrains s’inquiètent de leur sort. Certains de ceux-ci finissent même par hésiter à présenter de nouvelles demandes de parrainage, n’ayant toujours pas reçu de réponse à des demandes présentées des années auparavant. Certains dossiers exigeant des immobilisations pouvant atteindre 30 000 $, les parrains offrent généreusement d’étendre l’aide du Canada à l’étranger.
Le manque de ressources outre-mer, qui ralentit le processus de traitement, représente également une source de préoccupation. Il y a eu, je pense, des commentaires légèrement différents au sujet de certains des autres programmes. Le ministère affirme souvent à qui veut l’entendre que les ressources ne sont pas un problème, mais à la lumière des délais de traitement toujours aussi longs des demandes de parrainage par le secteur privé à l’étranger, il faut conclure que l’absence de ressources est bel et bien un problème.
En outre, il arrive que les missions à l’étranger réaffectent certaines ressources pendant l’année afin d’atteindre d’autres objectifs en matière d’immigration, prolongeant du coup le traitement des demandes de parrainage par le secteur privé. On se plaint souvent de recevoir un trop grand nombre de demandes de parrainage. Nous répondons à cela que l’on pourrait régulariser le flot de ces demandes en accélérant le processus de décision. Si les dossiers étaient reçus et traités plus rapidement, les parrains s’emploieraient à accomplir le travail qu’ils se sont engagés à faire. Au lieu de limiter les dégâts dans la communauté, ils devraient être occupés à installer les nouveaux arrivants.
En fait, Elaine a dû quitter la salle tout à l'heure pour régler un problème de ce genre en Saskatchewan.
Si les demandes étaient rejetées pour des raisons valides, alors on pourrait mettre à jour et adapter le processus d’évaluation des cas du SEP en fonction des données et des faits nouveaux. Les critiques adressées par CIC à l’endroit des SEP, qui lui soumettraient, paraît-il, beaucoup de cas mal préparés, sont souvent injustes. Il peut survenir bien des choses pendant la période excessivement longue entre la présentation de la demande de parrainage et la décision rendue par CIC, et il devient difficile de se rappeler et de déterminer la source exacte des problèmes.
¹ (1555)
La définition restreinte de la famille et l’absence d’un mécanisme tel que la catégorie des parents aidés (PA) représentent deux causes de stress inutiles pour les familles qui attendent d’être réunies. Elles exercent également une pression exagérée sur le processus de parrainage par le secteur privé, étant donné que les diverses parties intéressées poussent les groupes de parrainage à recourir à ce moyen et que les agents de traitement des cas ne disposent d’aucune autre option viable pour réunir les familles.
Un de nos coordonnateurs va vous donner un exemple.
Mme Elaine Harder (coordinatrice, Programmes de réfugiés, Comité central mennonite du Canada): Je travaille avec une famille afghane dont tous les membres avaient réussi à s’enfuir au Pakistan, mis à part le fils aîné kidnappé par les Talibans. Juste avant son départ pour le Canada, la famille, qui s’était fait délivrer tous les visas nécessaires dans le cadre du programme de réfugiés parrainés par le gouvernement, a appris que le fils en question avait été retrouvé et qu’il serait transféré de l’Afghanistan au Pakistan. Sauf que la famille devait partir. On imagine son tourment.
La demande de parrainage présentée dans le délai prescrit d’un an a été rejetée parce que le fils était d’âge adulte. Le seul moyen qu’il nous reste de le réunir à sa famille est de présenter une demande de parrainage par le secteur privé.
M. Ed Wiebe: Non seulement la définition de la famille est-elle trop restreinte, mais il devient de plus en plus difficile et coûteux pour les demandeurs de prouver qu’ils sont de la famille. Les tests d’empreintes génétiques sont presque devenus pratique courante. Il est temps d’envisager sérieusement le rétablissement de la catégorie des parents aidés, dans le but de réunir les familles, ce qui constitue un des objectifs énoncés dans Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
En ce qui concerne l'aide sociale, que les réfugiés aient été parrainés par le secteur public ou par le gouvernement ou qu’ils aient débarqués ici par leurs propres moyens, il faut trouver le moyen de faire en sorte que l’aide sociale ne constitue pas un obstacle à la réunification. Non seulement la famille d’accueil au Canada doit-elle acquitter des frais pour faire venir un de ses membres de l’étranger, encore faut-il qu’au moment de la demande de parrainage et dans les trois années qui suivent elle ne soit pas bénéficiaire de l’aide sociale.
Voici un autre exemple pratique.
Mme Elaine Harder: Nous travaillons avec une femme séparée de son époux et de ses deux enfants par la guerre en Somalie. Comme si cette épreuve n’était pas assez terrible, elle a donné naissance à un autre enfant à la suite d’un viol. Sensible au drame vécu par cette femme, le gouvernement canadien l’a admise, elle et son fils de 4 ans, au Canada dans le cadre du programme RPG.
Cette réfugiée a très peu d’instruction et ne parle ni l’anglais ni le français. Un jour, elle a retrouvé son mari et ses jeunes enfants, qui vivent maintenant en Éthiopie. Pour les faire venir au Canada, elle devra se priver de l’aide sociale maintenant et pendant les trois prochaines années, acquitter des frais s’élevant à près de 1 000 $, trouver un emploi pour subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant et payer des frais de garderie. Devant l’impossibilité de recourir au programme de parrainage d’un membre de la famille, le parrainage par le secteur privé semble constituer sa seule et unique solution.
º (1600)
M. Ed Wiebe: Voilà ce qui arrive quand on impose de telles restrictions à des familles déchirées, surtout des familles monoparentales qui ont déjà le coeur brisé par la perte d’un ou de plusieurs êtres chers. Connaissant le sort tragique de nombreux réfugiés, on comprend que l’on veuille faire appel au secteur privé pour parrainer des membres de la famille. Malheureusement, on déroge ainsi à l’objectif premier du programme de parrainage par le secteur privé, c’est-à-dire la protection des réfugiés, un objectif auquel nous souscrivons entièrement, tout en s’exposant à des accusations injustifiées d’emploi abusif du programme.
Nous croyons que les bureaux locaux de CIC continuent de jouer un rôle important dans le programme de parrainage privé. Il a été question que le processus de demande de parrainage privé soit transféré aux CTD, les centres de traitement des demandes. Nous avons de sérieuses réserves à ce sujet, pour les raisons que nous avons déjà énoncées.
Enfin, je voudrais parler du soutien que le ministère doit continuer d'apporter au programme. Le Comité ONG-gouvernement joue un rôle très utile que nous décrivons dans notre mémoire. Le programme de formation au parrainage des réfugiés qui en a résulté est également utile en ce qui concerne l'évaluation des cas et diverses questions de formation. Nous appuyons entièrement la continuation du financement de cette initiative et de son soutien.
Pour conclure, nous avons toujours à coeur la protection et la réinstallation des réfugiés. La séparation de la famille soulève des questions diverses et difficiles intéressant denombreux programmes d’immigration. Nous vous remercions de vous attaquer àces questions comme vous le faites maintenant dans les diverses régions du pays. Nos voeux vous accompagnent et vous entendrez encore parler de nous.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Wiebe. Nous remercions également le Comité central mennonite, car il a joué un rôle très actif dans le parrainage des réfugiés. Comme c'est aujourd'hui la Journée des droits de réfugiés, votre contribution me paraît tout à fait appropriée.
Je me souviens que c'est le Comité central mennonite, à ce que m'a dit Frank Epp, du Conrad Grebel University College, qui a commencé les premiers parrainages des Vietnamiens. Cela remonte à de nombreuses années.
Merci.
Madame von Lau.
Mme Margaret von Lau (directrice générale, Centre des familles victimes de la guerre): Merci pour votre invitation.
Le Centre des familles victimes de la guerre est un organisme de bienfaisance sans but lucratif. Au cours du dernier exercice financier, nous sommes venus en aide à 1 200 personnes, adultes et enfants, venant des pays touchés par la guerre. Notre principal objectif est de soutenir et de favoriser l'intégration dans la société canadienne des réfugiés des pays touchés par la guerre. Nos principaux programmes sont des programmes de counseling, de thérapie de groupe, d'évaluation psychosociale, de jeux thérapeutiques pour les enfants, des programmes pour la famille et l'enseignement de l'anglais langue seconde pour les femmes victimes de la guerre.
Quatre-vingt-dix pour cent de nos clients présentent le syndrome de stress post-traumatique.
M. Selamawi Ezuz (coordonnateur, Programme d'orientation, Centre des familles victimes de la guerre): Je vais parler de l'impact psychosocial de la séparation des familles sur les réfugiés.
Lorsqu’un réfugié s’établit au Canada, il est soulagé de savoir que sa situation pénible est sur le point de prendre fin et il nourrit l’espoir de pouvoir commencer une nouvelle vie au Canada et de retrouver bientôt les membres de sa famille qu’il a laissés derrière, dans un camp de réfugiés ou dans un autre pays d’accueil.
Quand un réfugié quitte son pays, non seulement abandonne-t-il tout ce qu’il possède pour fuir et sauver sa vie, mais il voit souvent les membres de sa famille se disperser dans toutes les directions; certains les retrouvent dans des camps de réfugiés, mais d’autres n’ont pas cette chance et perdent leurs parents, leurs conjoints ou leurs frères et soeurs et forment de nouvelles familles dans les camps avec d’autres membres de leur famille étendue. Il peut s’écouler beaucoup de temps avant que les membres d’une famille se retrouvent et que se reforme le noyau familial d’origine. Parfois, cela n’arrive jamais, parce que la plupart des membres de la famille nucléaire ont été tués et que les deux ou trois membres survivants se sont joints à d’autres familles.
Il importe beaucoup de connaître et de comprendre la dynamique complexe entre les familles de réfugiés; autrement dit, le stress émotionnel qui découle de leur réinstallation à l’étranger est tout sauf égal, car l’expérience de chaque réfugié ou famille de réfugiés est unique.
À titre d'exemple, Mme JJ est une réfugiée libérienne de 28 ans. Mère célibataire d’un fils de trois ans, elle est arrivée à Winnipeg il y a six mois. Elle joue aussi le rôle de mère d’une nouvelle unité familiale de cinq personnes constituée dans le camp de réfugiés du Ghana où elle a séjourné. Lorsque l’armée rebelle a attaqué son village, Mme JJ a réussi à s’échapper avec son fils, alors bébé. Sa soeur de seize ans a également eu la chance de s’échapper avec ses deux petites nièces, qu’elle gardait au moment de l’attaque. Les cinq se sont retrouvés au Ghana et ont créé une nouvelle unité familiale. Mme JJ ignore où se trouve le reste de sa famille.
C’est une jeune femme surprenante : forte et souple de caractère, elle fait confiance à la vie. Elle a réussi à garder sa nouvelle unité familiale unie et pleine d’amour en dépit des responsabilités écrasantes qu’elle doit assumer en tant que chef de famille.
Mme JJ dit que parmi les nombreux facteurs de stress psychosocial avec lesquels elle doit composer chaque jour, le pire est le fait d’être séparée de sa famille. Voici le résumé de ce qu’elle nous a dit : « Mon fils commence à me demander ce qui est arrivé à son père … mes nièces pleurent beaucoup quand j’essaie de leur expliquer ce qui est arrivé à leur famille… Je ne sais pas que leur répondre, mais nous prions beaucoup ensemble…nous espérons qu’un jour, nous serons tous de nouveau réunis ».
Comme Mme JJ, beaucoup d’autres réfugiés et familles de réfugiés disent que le fait d’être séparés des leurs est une cause importante de stress.
Quelques universitaires étudient les effets néfastes de ce facteur sur les réfugiés. Rousseau C. Mekki-Berrada, de l’Université McGill, a fait une excellente étude analytique sur le traumatisme et le fait d’être séparé pendant longtemps des autres membres de leurs familles chez les réfugiés de Montréal. Son éloquent rapport de recherche a été publié dans Psychiatry: Interpersonal and Biological Processes. Printemps 2001; volume 64, pages 40 à 59, Université McGill. Voici un extrait de cette analyse :
La vaste majorité des réfugiés ont été traumatisés et séparés de leurs familles en exil pendant longtemps, mais on sait peu de choses des interactions qu’il y a entre ces deux expériences. L’analyse qualitative et quantitative des données recueillies auprès de 113 réfugiés d’Amérique latine et d’Afrique porte à croire que le traumatisme et la séparation sont d’importants facteurs de trouble émotif et confirme que la famille a pour effet de calmer les émotions et de fixer l’identité. |
De toute évidence, ce sont les jeunes enfants qui souffrent le plus du fait d’être séparés de leurs familles. Le ministère de l’Immigration du Canada en est conscient et a établi à l’intention des réfugiés un programme de réunion des familles appelé « Délai prescrit d’un an ». En vertu de ce programme, les familles de réfugiés ont un an pour se retrouver. C’est un programme louable qui a été conçu pour accélérer la réunification des familles et atténuer les répercussions psychosociales de leur éclatement, mais dans la plupart des cas, le processus est beaucoup plus long qu’il ne devrait.
º (1605)
Dans certains cas, il ne s’enclenche que si la famille se prête à une analyse génétique, une étape qui peut à elle seule le prolonger d’un an, alors qu’il est déjà trop long, et qui coûte cher à la famille.
Que se passerait-il si le profil génétique d’un enfant ne correspondait pas à celui du parent qui le parraine? Cela ne pourrait qu’entraîner un plus grand désarroi pour sa famille déjà dévastée. Au cours du processus, un des deux parents—celui qui parraine les membres de sa famille ici ou celui qui est resté dans le camp de réfugiés—peut décéder et lorsque cela se produit, cela complique encore plus le processus et les enfants restent orphelins pendant longtemps.
Voici un cas vécu : Il y a environ trois ans, à Winnipeg, une réfugiée soudanaise mère célibataire de cinq enfants est morte de causes naturelles. Ses enfants ont parrainé leur père, mais il leur a fallu beaucoup de temps pour le faire venir du Soudan. Dans l’intervalle, le fils aîné de vingt ans a assumé la responsabilité de faire office de père pour ses quatre jeunes frères et soeurs. Cette famille a très longtemps vécu une situation difficile, parce que seule sa réunion rapide avec le père aurait pu résoudre le problème.
Pour conclure, l’éloignement de leur famille nuit beaucoup à l’adaptation des réfugiés, surtout celle des familles avec enfants qui ont été désintégrées. Investir davantage dans la réunion rapide des familles serait très propice au bien-être psychosocial des réfugiés et de leurs collectivités.
Merci.
º (1610)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à un tour de questions et nous essaierons de donner la parole à tout le monde.
Monsieur Mark.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus. Ma première question s'adresse au professeur Vedanand.
Vous avez parlé des immigrants qui aboutissent dans les trois plus grandes villes du pays. Je sais que cette question préoccupe le comité depuis probablement quatre ans. Les statistiques montrent que, d'ici deux ans, la plupart des immigrants se retrouveront dans les trois grandes villes du Canada. C'est sans doute parce que leur groupe social s'y trouve. Ils connaissent la langue et la culture. Et comme vous le savez, la plupart des emplois sont également dans les grands centres urbains.
Comment notre pays devrait-il s'attaquer à ce problème, si toutefois c'est un problème?
Dr Vedanand: Pour répondre à cette question, permettez-moi de la reformuler.
J'ai déjà mentionné ailleurs ce que l'on appelle la seconde génération. Les enfants des immigrants sont plus pauvres que leurs parents. Il y a eu une étude statistique à ce sujet, à laquelle je n'ai pas participé, mais qui était très intéressante. Ce phénomène existe non seulement ici, mais même aux États-Unis et peut-être aussi dans certains pays d'Europe. Certaines personnes estiment que cela pourrait devenir un phénomène universel, sans avoir vraiment pu établir pourquoi. C'est la première constatation.
Deuxièmement, si vous prenez les données agrégées de Statistique Canada, les petites études ethnographiques, les gens qui sont vraiment pauvres sont inclus dans ces données et c'est pourquoi nous avons obtenu une série de données à ce sujet. Nous avons constaté que les enfants âgés de 0 à 5 ans qui immigrent au Canada avec leurs parents, par rapport à ceux qui sont âgés en moyenne de 13 à 15 ans ou plus, deviennent les gens les plus vulnérables. Le groupe d'âges de 13 à 15 ans représente une catégorie qui a été très bien validée. Et ce problème…on se demande vraiment pourquoi c'est arrivé.
Deuxièmement, si nous examinons la pauvreté, il y a aussi dans les grandes villes comme Toronto, Vancouver et Montréal, d'importants foyers de pauvreté chez les immigrants. Vous pouvez avoir des micro-données pour certaines des personnes qui exploitent une épicerie ou une petite entreprise prospère. Elles paient leurs impôts, etc. Cependant, les données cachées sont toujours là : il y a un tas de gens qui sont toujours à la recherche d'un emploi. Ils n'ont pas d'emploi. Ils ont des emplois très mal rémunérés. Ils sont sous-employés ou ne travaillent pas à plein temps.
Par conséquent, si nous parlons d'intégration, la base de données du modèle d'intégration montre seulement une chose : si vous avez des gains, vous êtes intégré. Si vous avez un diplôme d'ingénieur, un doctorat ou un autre diplôme et que vous continuez à exercer un emploi très mal rémunéré… Il y a des gens qui nettoient les planchers pour pouvoir se nourrir ou qui travaillent dans une épicerie.
Le problème se situe au niveau de l'équivalence de leurs capacités et de leurs titres de compétences. Il ne sont pas inclus immédiatement dans le profil des macro-données. Voilà pourquoi aux États-Unis, par exemple, on s'est vraiment penché sur l'étude des enfants. L'héritage culturel et l'ethnicité ont été examinés et c'est pourquoi ils sont mentionnés. Des données très intéressantes ont été obtenues pour les groupes inter-ethniques et intra-ethniques. Comment se fait-il que les Asiatiques forment un ghetto sur la côte Ouest, mais que les Vietnamiens réussissent très bien dans la même région? Également... [Inaudible]… se sont bien intégrés en Californie et des groupes d'immigrants de Chine et de l'Inde ont très bien réussi. Mais il y a beaucoup de gens qui viennent des mêmes régions qui occupent des emplois très mal rémunérés, qui sont en chômage ou sous-employés.
Voilà les questions auxquelles j'aimerais que le comité s'attaque un peu plus sérieusement.
º (1615)
Le président: Très bien; merci.
Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci.
Ma question s'adresse au Comité central mennonite du Canada. Je voudrais profiter de l'occasion pour souligner le fait que vous avez... [Difficultés techniques] ...une distinction pour votre travail en matière de parrainage de réfugiés. Je me rappelle qu'il y a moins de deux ans, on a reconnu ce travail à l'Hôpital général Saint-Boniface.
Or, parmi vos recommandations, la huitième est particulièrement intéressante pour ce qui est du financement de la formation sur le parrainage privé. Est-ce que ce financement est suffisant? D'où vient-il?
[Traduction]
M. Ed Wiebe: Comme nous avons la chance d'avoir ici un des coprésidents de ce comité, je vais laisser Elaine vous répondre.
Mme Elaine Harder: Le financement provient du budget de Citoyenneté et Immigration Canada et de SGS.
À propos du programme de formation, avez-vous demandé si c'était suffisant?
M. Roger Clavet: C'est ce que je demande.
Mme Elaine Harder: Chaque année, nous nous battons pour essayer d'obtenir un montant d'argent suffisant pour pouvoir offrir le genre de formation dont on a désespérément besoin un peu partout dans le pays. Avec tous les problèmes qui se posent sur le plan de l'admissibilité, il est important que nous puissions fournir à ceux qui parrainent des réfugiés des renseignements à ce sujet, y compris d'autres renseignements importants, sur les changements dans la situation du pays, toutes sortes de solutions pour la protection des réfugiés, et il faut également que les organismes de parrainage puissent échanger des renseignements avec Citoyenneté et Immigration Canada.
Voilà tout un commentaire pour répondre que non, ce n'est pas suffisant.
Pour cette année, nous disposons de 150 000 $, ce qui peut sembler beaucoup, mais pour 94 signataires d'ententes de parrainage, ce n'est pas suffisant—et nous travaillons avec un personnel très limité.
M. Roger Clavet: Cela veut dire que malgré le succès du Comité central mennonite, vous avez encore du mal à obtenir du gouvernement de l'argent pour la formation?
Mme Elaine Harder: C'est exact.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci. Ma prochaine question concernera les propositions présentées par Mme von Lau et M. Ezuz.
Vous notiez, madame von Lau, que 90 p. 100 de vos clients vivaient un traumatisme. Il y a une étude de l'Université McGill qui établit, sans l'ombre d'un doute, un lien entre le traumatisme et la séparation de la famille. Est-ce que vous constatez des changements notables quand les familles sont réunies, quand elles voient finalement un peu de lumière au bout du tunnel? Quand des membres d'une même famille sont réunis, voyez-vous une différence dans l'apparition des symptômes de traumatisme?
[Traduction]
M. Selamawi Ezuz: Nous constatons d'importantes améliorations sur le plan du bien-être social lorsque les familles sont réunies. Cela crée un environnement sain et renforce également le sentiment d'appartenance à une communauté et le sens de la famille.
Je peux vous raconter mon histoire personnelle. Ma soeur arrive demain de l'Ouganda avec ses trois enfants et son mari. Je l'ai parrainée il y a quelques années et cela me réjouit beaucoup. Je peux donc vous parler du sentiment de bonheur et d'euphorie que j'éprouve. C'est extraordinaire. Cela joue un grand rôle et vous pouvez extrapoler mon expérience ou mes sentiments personnels aux autres communautés. Cela joue un rôle important dans le processus d'adaptation et de développement.
º (1620)
[Français]
M. Roger Clavet: Vous dites aussi qu'il est très important de comprendre la dynamique changeante des familles de réfugiés. Quand une famille est réfugiée à l'extérieur de son pays d'origine, il se passe des choses. Cela évolue.
Il faudrait que le législateur tienne compte de la dynamique familiale des réfugiés, parce qu'elle évolue avec le temps. Ce qui était vrai il y a deux ans ne l'est plus aujourd'hui. Il faut tenir compte de la dynamique. Vous proposez donc qu'on tienne compte du changement de la situation familiale.
[Traduction]
M. Selamawi Ezuz: Malheureusement, la dynamique familiale peut changer pour le meilleur ou pour le pire.
J'ai dit tout à l'heure que la dynamique des familles ou des communautés de réfugiés était très particulière. Les réfugiés peuvent constituer une nouvelle famille dans le camp de réfugiés, car souvent, ils ont perdu leur famille initiale, et cela devient la famille dont ils sont le père, la mère, le frère ou la soeur. Lorsqu'ils immigrent au Canada pour commencer une nouvelle vie, cela leur offre la possibilité de renouer avec les racines qu'ils ont perdues, avec d'autres membres de leur famille ou famille élargie, ou leurs propres frères et soeurs. Certains d'entre eux apprennent que leur mère ou leur père est encore vivant ou que leurs frères et soeurs biologiques ne sont pas morts et cela crée une nouvelle dynamique.
Il est donc très important de tenir compte de ce changement perpétuel dans la dynamique des familles de réfugiés.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie pour votre témoignage de cet après-midi. À propos des familles et de la structure familiale, je me dis que ma propre famille ne répondrait pas à la définition de la LIPR. J'ai l'impression que si un bon nombre d'entre nous se trouvaient forcés de définir leur famille, elle ne répondrait pas à cette définition et ma propre situation me permet donc de comprendre le problème.
Quelqu'un a dit, je pense, à cette table, au cours de nos délibérations, que la meilleure façon de régler la question de la réunification des familles serait peut-être de faire venir immédiatement au Canada les membres de la famille des réfugiés afin de traiter leur demande ici-même. Certains diront que ce n'est pas possible, que si nous faisions venir des gens qui ne sont pas vraiment apparentés, cela nous créerait des problèmes supplémentaires.
Je me demande ce que vous pensez de cette suggestion. Est-ce une solution pratique? Est-ce quelque chose que vous seriez prête à préconiser? Cela réglerait-il le problème ou cela créerait-il toutes sortes de nouveaux problèmes si, aussitôt qu'un réfugié était accepté, nous faisions venir immédiatement les personnes qu'il déclarerait comme des membres de sa famille?
Mme Margaret von Lau: Je peux seulement dire que je ne vois pas comment cela pourrait se faire, car le processus d'immigration ne correspond pas tout à fait à ce que nous souhaitons. Surtout pour les familles qui viennent des camps de réfugiés, les services d'immigration ont parfois beaucoup de difficulté à dire qui fait vraiment partie de la famille. Ce serait merveilleux pour nos clients s'ils pouvaient faire venir leur famille ici le plus tôt possible, mais nous croyons qu'il est très raisonnable d'avoir un processus, même s'il dure six mois. S'il faut attendre des années pour que la famille arrive, c'est vraiment une situation très regrettable.
M. Ed Wiebe: Pour le parrainage privé et le traitement des demandes à l'étranger, il y a actuellement certains mécanismes de ce genre, comme la protection en cas d'urgence. Il y a aussi la catégorie des femmes à risque qui permet de faire venir des femmes plus rapidement que par les voies habituelles. Ce sont deux mécanismes qui sont très peu utilisés et on semble hésiter à s'en servir.
Je viens de parler à des gens de Bogota où il y a, bien entendu, un certain nombre de cas nécessitant une protection urgente. Même là-bas, ce mécanisme est utilisé très rarement. Nous en avons parlé dans le contexte du parrainage privé. Ne pourrions-nous pas remédier en partie à l'arriéré que nous avons à Bogota et ne pourrions-nous pas recourir au mécanisme de protection en cas d'urgence? Ottawa a répondu par la négative, disant que ces cas ne répondaient pas aux critères et que ce mécanisme est réservé pour les véritables cas urgents. Mais personne ne s'en sert, si bien qu'il y a un problème au niveau des critères établis. Par conséquent, ce genre de mécanismes pourraient sans doute être utilisés, mais il faudrait également qu'ils soient utilisés par le ministère.
º (1625)
M. Bill Siksay: J'ai une autre question pour Mme Harder.
Pourriez-vous m'en dire un peu plus au sujet de votre 7e recommandation qui consiste à revitaliser le Comité sur le parrainage privé et à lui accorder une plus grande priorité et des ressources plus importantes. S'agit-il de ressources autres que pour la formation dans le domaine du parrainage?
Mme Elaine Harder: Très bien. Connaissez-vous le Comité ONG-gouvernement sur le parrainage privé des réfugiés?
M. Bill Siksay: Non.
Mme Elaine Harder: Il a été mis en place il y a plusieurs années pour amener la communauté du parrainage et les hautes instances de Citoyenneté et Immigration Canada à discuter des politiques et procédures opérationnelles à l'extérieur d'Ottawa et à travailler en collaboration en apportant des modifications selon les besoins. Il s'agit donc d'un mécanisme de consultation.
Son efficacité a été plus ou moins grande. Il y a diverses raisons à cela. Le programme de formation sur le parrainage des réfugiés est issu du travail du Comité ONG-gouvernement et il y a donc des programmes de formation pour faciliter un échange d'information. Le Comité ONG-gouvernement est, à notre avis, un mécanisme de consultation important. Les signataires d'ententes de parrainage sont déterminés à travailler en collaboration, car nous reconnaissons que rien n'est jamais noir ou blanc, qu'il y a beaucoup de zones grises et que nous devons y travailler ensemble.
Nous n'avons pas toujours obtenu le même genre de coopération de la part de Citoyenneté et Immigration Canada, et il y a peut-être différentes raisons à cela comme le manque de ressources et le roulement du personnel. Il y a peut-être un tas d'autres facteurs dont nous ne pouvons pas vraiment parler. Mais nous pensons qu'il s 'agit d'un mécanisme important. Il donne des résultats. Il faut que les deux parties s'engagent à travailler ensemble afin de pouvoir échanger de l'information. À notre avis, il faut de nouveau s'engager à utiliser le mécanisme qui existe déjà au lieu d'en créer de nouveaux, travailler avec les éléments que nous avons déjà en nous contentant de les consolider.
Le président: Merci beaucoup.
Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Anderson.
L'hon. David Anderson: Madame von Lau, à la page 3 de votre mémoire où vous parlez du délai prescrit d'un an… Vous étiez ici tout à l'heure, je crois, lorsqu'un témoin, Joseph, nous a parlé de sa propre expérience familiale. Cela fait plus de trois ans, près de quatre ans, qu'il attend d'être réuni avec sa famille qui se trouve maintenant en Ouganda. Quel a été le succès de ce programme? Se poursuit-il? Je pose la questions, car vous avez mentionné certains problèmes au sujet du test d'ADN et d'autres questions. S'agit-il seulement de quelques exemples de problèmes ou est-ce un programme qui n'a pas été efficace pour réunir les familles de réfugiés?
M. Selamawi Ezuz: En fait, je n'ai jamais vu une seule famille réunie dans ce délai d'un an. Même si ce programme est en place depuis un certain temps, il ne s'est appliqué à aucune des familles qui ont participé à nos programmes et à celles qui considèrent cela comme une importante source de stress. Les familles que j'ai visitées, et qui ont attendu plus de deux ans, trouvent que les tests d'ADN constituent une exigence très lourde. C'est un facteur de stress supplémentaire qui s'ajoute aux autres sources d'inquiétude. Cela retarde simplement le processus. Mais pour répondre à votre question, je n'ai vu aucune famille réunie dans ce délai d'un an.
º (1630)
L'hon. David Anderson: Très bien. Pour élargir un peu cette question, le programme a-t-il réussi à réduire le délai? Avez-vous constaté que cette politique et ce programme avait des effets positifs?
M. Selamawi Ezuz: Je dirais qu'en général, il s'agit d'une approche positive. Mais elle pourrait être plus efficace et plus rapide. Il faut reconnaître que cela ne marche pas aussi bien que prévu.
L'hon. David Anderson: Merci.
Le président: Merci.
Madame Grewal, allez-y, s'il vous plaît.
Mme Nina Grewal: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous pour vos exposés.
J'ai écouté M. Ezuz raconter l'histoire de Mme J.J. J'ai vécu moi-même au Libéria pendant plus de 10 ans. Mes deux fils sont nés au Libéria et mes parents y ont résidé pendant 25 ou 30 ans. J'ai seulement immigré au Canada en 1991 si bien que j'ai été témoin des guerres. En 1989, quand la guerre a commencé, je me trouvais au Libéria. En 1990, j'étais également là au début du conflit. Quand Samuel Kanyon Doe, le président, a été tué par Charles Taylor, j'étais encore dans le pays. Je sais donc ce qu'est la guerre et ce qu'est un réfugié. J'ai vu des gens privés de nourriture pendant des jours et des jours. Je crois qu'il faudrait faire quelque chose pour ces réfugiés légitimes, pour réunir ces familles, parce qu'elles ont subi suffisamment de souffrances et de détresse. Voilà ce que j'avais à dire.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Ezuz, vous avez décrit des situations, surtout en Afrique, mais qui ne se limitent sans doute pas à l'Afrique, et toute la question des tests d'ADN. Ce qui se passe actuellement au Soudan est tout à fait incroyable. Les viols et les pillages dépassent l'entendement. Je crois que, dans la culture africaine, le viol se rattache à une stigmatisation particulière. Il est très possible qu'un mari découvre qu'un enfant n'est pas de lui, mais le produit d'un viol.
M. Selamawi Ezuz: C'est une vaste question. Il est très difficile, pour n'importe quelle famille, d'assumer l'impact d'un viol, dans n'importe quelle culture. Cela dépend du système de croyances de chaque famille. Il est difficile de fournir une explication pour tout le continent africain étant donné qu'il comprend différents pays avec différents systèmes de croyances.
Si la famille a un système de valeurs où le divorce n'est pas envisageable et que vous êtes lié jusqu'à la fin de vos jours par les liens du mariage, vous acceptez ce qui arrive et les malheurs de votre épouse. On peut dire qu'en général beaucoup de familles font preuve de compréhension en ce qui concerne le viol, l'impact du viol et les enfants nés du viol.
Ce qui est plus difficile que de faire accepter cet enfant issu du viol par le conjoint, d'après ce que nous avons constaté ici, c'est que parfois, il est très difficile pour les femmes qui ont un enfant à la suite d'un viol d'élever cet enfant. Lorsqu'elles voient l'enfant grandir, cela leur rappelle beaucoup de mauvais souvenirs. Elles éprouvent parfois beaucoup de ressentiment pour l'enfant de l'homme qui les a violées et elles ont de la difficulté à accepter cet enfant. Ces mères ont besoin de beaucoup de soutien, de beaucoup d'appui affectif pour accepter ce qui leur est arrivé, pour les aider à surmonter leur victimisation et accepter ce nouvel enfant. C'est encore plus difficile qu'il n'est difficile pour le père d'accepter ce genre de viol. C'est plus difficile pour la mère que pour le père.
º (1635)
Le président: Également, lorsqu'un enfant devient orphelin, il peut être adopté par son oncle ou sa tante. Il y a une structure de famille élargie en Afrique. Alors quand ces gens arrivent, que font-ils? Doivent-ils laisser ces enfants derrière eux parce que leur ADN ne correspond pas?
M. Selamawi Ezuz: C'est un des principaux problèmes. Qu'arrive-t-il si l'ADN de l'enfant ne correspond pas à celui du père ou de la mère, soit parce que le laboratoire a fait une erreur ou parce que la mère a été violée par l'armée ennemie? Que devient l'enfant si son ADN ne correspond pas à celui du père? C'est un gros problème.
Les enfants les plus victimisés sont victimisés une fois de plus.
Le président: Merci.
Monsieur Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Merci, monsieur le président.
Je voudrais seulement savoir quel est le délai de traitement acceptable actuellement pour réunir des réfugiés avec les membres de leur famille? Mon oncle a été un réfugié il y a 40 ans. Quand il a quitté notre village de Macédoine, il se savait pas combien de temps cela prendrait. Il a dû s'échapper dans l'obscurité, il s'est rendu dans des endroits qu'il ne connaissait pas et s'est ensuite retrouvé au Canada. Nous sommes arrivés plus tard.
À l'époque, il n'y avait pas de délai pour la séparation des familles. Maintenant, ma femme m'adresse des reproches si je m'éloigne pendant trois jours. Quel est le délai acceptable pour la réunification des familles? Diminue-t-il? S'allonge-t-il? Y a-t-il une bonne réponse? Quelle est la mauvaise réponse?
N'importe lequel d'entre vous peut répondre.
Mme Margaret von Lau: Oui, je pourrais peut-être répondre.
Premièrement, je suis d'accord avec votre femme. Trois jours semblent sans doute trop long, et c'est ce que pensent beaucoup de femmes. Quel que soit votre pays d'origine, c'est difficile pour la famille, surtout quand vous vous trouvez dans un nouveau pays. Cela revêt une importance cruciale, car non seulement le syndrome de stress post-traumatique, mais aussi l'isolement et le fait de dépendre entièrement de la communauté ont un effet sur la famille.
Nous remarquons que, dans certains pays, la réunification se fait très rapidement. J'en ai fait moi-même l'expérience. Je me suis mariée il y a un an et mon mari est arrivé au Canada huit mois plus tard. Dans d'autres pays, malheureusement, il faut attendre plusieurs années. Alors comment préserver la cellule familiale et créer un environnement sûr offrant à la famille la possibilité de se développer et de s'épanouir si la famille n'est pas réunie?
À mon avis, il faut tenir compte non seulement des conjoints et des enfants, mais également de la famille élargie. C'est très important, surtout pour les familles des communautés où la famille élargie joue un rôle extrêmement important comme en Afrique et au Moyen-Orient, et même en Europe.
Il faut également voir les choses du point de vue des grands-parents qui attendent parfois quatre ou cinq ans pour être parrainés. Ils peuvent mourir avant d'arriver au Canada. Si les grands-parents ne peuvent pas venir prendre soin des petits-enfants, les femmes ne peuvent pas aller travailler parce qu'elles doivent s'occuper de leurs enfants. Ce sont des familles avec cinq, six, sept, 10 ou 11 enfants. Les mères ne peuvent pas aller travailler. Elles ne peuvent même pas aller à l'école. Elles sont incapables de contribuer à la société si elles ne bénéficient pas d'une aide.
Il faut donc que le gouvernement tienne compte des grands-parents, des parents âgés des Africains, afin qu'ils puissent venir au Canada.
J'espère avoir bien répondu à votre question.
º (1640)
Dr Vedanand: Je crois important d'examiner de façon générale ce genre d'inégalités et d'atrocités. Stephanie Nolen, une correspondante de presse, a raconté de façon très émouvante ce qui est arrivé aux Hutus et aux Tutsis. C'est très émouvant. Qu'est-il advenu de l'amour et de la compassion? Nous nous penchons sur le problème des réfugiés. L'amour et la compassion ont soudainement disparu. Un des plus grands défis actuellement pour les mariages est celui de l'identité canadienne. De quoi s'agit-il? Quel genre d'identité? Qui établit cette identité? Stephanie Nolen en a parlé et cela m'a ému aux larmes.
En fait, les revendications des réfugiés sont examinées, mais si elles présentent un défaut, elles sont considérées comme illégitimes. Des gens peuvent venir et rester au Canada pendant 17 ans avant qu'on s'aperçoive qu'ils n'auraient pas dû être acceptés comme réfugiés. Tous ces gens deviennent soudain… Mais surtout qu'est-il advenu de l'amour et de la compassion?
C'est ce qui se passe. Les membres du comité n'ont jamais examiné les choses de ce point de vue. Stephanie Nolen a déclaré que cette personne, qui a été violée par des centaines d'hommes, est revenue, est devenue un médiateur et est à la recherche d'amour et de compassion. Voilà le grand défi.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Je vous remercie d'avoir participé à ces audiences. C'était notre première journée. Nous irons à Regina demain, puis à Calgary, Edmonton, et ainsi de suite. Nous irons visiter la ville de Bill.
Merci beaucoup d'être venus. Nous vous enverrons un exemplaire des rapports qui sortiront de ces consultations. S'il y a des renseignements complémentaires que vous désirez nous faire parvenir plus tard, n'hésitez pas à le faire.
Nous attendons également une nouvelle loi sur la citoyenneté et nous espérons que vous pourrez également émettre vos opinions à ce sujet, et que vous nous les transmettrez.
Merci beaucoup. Nos audiences sont ajournées pour aujourd'hui.