FINA Réunion de comité
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 25 octobre 2005
Á | 1120 |
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)) |
M. Glen Shepherd (colonel, Secrétaire en chef, Armée du Salut) |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Le président |
M. Glen Shepherd |
Le président |
Mme Laurel Rothman (coordonnatrice nationale, Campagne 2000) |
Á | 1135 |
Á | 1140 |
Le président |
M. Harvey Weiner (conseiller de direction, Relations gouvernementales et extérieures, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants) |
Á | 1145 |
Le président |
Mme Lise Martin (directrice exécutive, Institut canadien de recherches sur les femmes, Coalition pour l'égalité des femmes) |
Á | 1150 |
Mme Nancy Peckford (directrice de programmes, Alliance canadienne féministe pour l’action internationale, Coalition pour l'égalité des femmes) |
Á | 1155 |
Le président |
M. René Daoust (président, Fédération de l'habitation coopérative du Canada) |
 | 1200 |
Le président |
M. Steven Staples (directeur, Programme de sûreté, Institut Polaris) |
 | 1205 |
 | 1210 |
Le président |
M. Al Hatton (président-directeur général, Centraide Canada) |
 | 1215 |
 | 1220 |
Le président |
M. Charlie Penson (Peace River, PCC) |
M. Glen Shepherd |
M. Charlie Penson |
M. Glen Shepherd |
M. Charlie Penson |
Mme Mary Ellen Eberlin (secrétaire, Services sociaux territoriaux, Armée du Salut) |
M. Charlie Penson |
Mme Mary Ellen Eberlin |
M. Charlie Penson |
M. Glen Shepherd |
M. Charlie Penson |
M. Glen Shepherd |
M. Charlie Penson |
Le président |
M. Robert Bouchard (Chicoutimi—Le Fjord, BQ) |
 | 1225 |
Mme Laurel Rothman |
M. Robert Bouchard |
M. Christopher Wilson (agent supérieur des relations publiques, Fédération de l'habitation coopérative du Canada) |
 | 1230 |
Le président |
Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.) |
Le président |
Mme Nancy Peckford |
 | 1235 |
M. Christopher Wilson |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD) |
Mme Nancy Peckford |
 | 1240 |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Bonnie Diamond (représentante, Coalition pour l'égalité des femmes) |
Mme Nancy Peckford |
 | 1245 |
Le président |
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.) |
Mme Laurel Rothman |
L'hon. Maria Minna |
 | 1250 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des finances |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 octobre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1120)
[Traduction]
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Bonjour.
[Français]
J'apprécierais si on pouvait commencer, sinon on sera en retard. On commence déjà avec 20 minutes de retard. Le groupe de l'Armée du Salut doit partir plus tôt. Sans plus tarder, je tiens à dire que nous sommes ici conformément à l'article 83.1 du Règlement sur les consultations prébudgétaires 2005. Je donnerai à chaque groupe une période de sept à huit minutes pour faire sa présentation. Je ne veux pas vous interrompre.
[Traduction]
Veuillez vous en tenir à sept ou huit minutes.
Je vais vous donner la parole dans l'ordre qui figure sur la liste. Si je ne m'abuse, les représentants de l'Armée du Salut doivent nous quitter plus tôt. Voudriez-vous commencer? Oui?
Si les autres n'y voient pas d'inconvénient, nous allons commencer par l'Armée du Salut.
Les députés vont vouloir vous poser des questions et c'est la raison pour laquelle nous devons nous en tenir à sept minutes par groupe.
De l'Armée du Salut, nous recevons M. Shepherd.
[Français]
M. Glen Shepherd (colonel, Secrétaire en chef, Armée du Salut): Merci, monsieur le président.
Au nom de l'Armée du Salut, je voudrais exprimer notre reconnaissance pour cette occasion d'avoir ce dialogue avec vous. Je suis Glen Shepherd, secrétaire en chef de l'Armée du Salut au Canada. Je suis accompagné aujourd'hui par Mme Mary Ellen Eberlin, qui est le chef de notre action sociale, et par le major Kester Trim, qui est le responsable de nos relations gouvernementales à Ottawa.
Vu le temps à notre disposition, j'aimerais toucher certains points clé de notre soumission. Je vais citer des paragraphes et des pages de la version anglaise de notre présentation. De cette façon, on restera avec le même texte. Je vais commencer par la page 3 de la version anglaise.
[Traduction]
Avec un budget d'exploitation annuel supérieur à 434 millions de dollars ainsi qu'un effectif de plus de 10 000 employés et plus de 65 000 bénévoles, l'Armée du Salut est devenue l'un des plus grands prestataires non gouvernementaux de services sociaux communautaires du pays. Cet organisme fournit du soutien et des services à des Canadiens de tous les âges, des premiers aux derniers jours de leur vie. Il offre de l'aide relative aux soins de santé, à la garde d'enfants, aux soins aux personnes âgées, au traitement des toxicomanies, au logement, de même qu'aux services correctionnels et judiciaires, pour n'en nommer que quelques-uns.
Ces audiences sont très importantes pour nous parce que l'Armée du Salut a grandement bénéficié de partenariats financiers avec tous les paliers de gouvernement. Cinquante-huit pour cent de notre budget d'exploitation annuel provient des administrations fédérale, provinciales et municipales, 29 p. 100 des dons du public. Vous comprendrez ainsi combien les dépenses du gouvernement et la politique fiscale sont importantes dans le financement de l'oeuvre de l'Armée du Salut.
Nous insistons beaucoup sur la qualité de vie pour tous. Nous pensons que la façon dont nous traitons les membres défavorisés de notre société est une mesure de la qualité de vie canadienne. Nous demandons au gouvernement d'utiliser les excédents budgétaires pour tisser un filet de sécurité sociale et pour créer une collectivité d'entraide afin que les personnes marginales puissent atteindre leur plein potentiel.
Je vous parlerai d'abord du logement.
L'Armée du Salut a beaucoup bénéficié du programme d'aide à la remise en état de la Société canadienne d'hypothèques et de logement ainsi que de la création de l'Initiative nationale pour les sans-abri. Grâce à l'aide du gouvernement fédéral, nous avons été en mesure de remettre en état ou d'agrandir des logements d'urgence, temporaires ou de soutien permanent, ce qui nous a permis d'aider un très grand nombre de gens et de familles à passer de la rue à un environnement de logement stable. Nous espérons que le gouvernement va demeurer un chef de file dans l'allocation de ressources pour atténuer le phénomène des sans-abri.
Bien que l'allocation de fonds d'investissement obtenue par l'intermédiaire de programmes comme l'initiative de partenariats en action communautaire a été utile et doit se poursuivre, d'autres fonds de fonctionnement sont nécessaires si l'on souhaite maintenir en place les programmes offerts par les organismes communautaires et à but non lucratif comme l'Armée du Salut. En outre, il faut obtenir du financement permanent, c'est-à-dire du financement sur lequel on peut s'appuyer à long terme, afin de répondre aux besoins continus des populations de sans-abri et à risque du Canada et de s'assurer que les clients reçoivent le soutien adéquat permettant d'atteindre les objectifs souhaités.
La logique derrière le besoin d'obtenir du financement permanent est simple: fournir uniquement du logement ne représente pas une solution complète à l'itinérance. De nombreuses personnes ont besoin de soutien continu pour demeurer dans un logement stable. Ainsi, et nous le signalons à la page 7, il existe de nombreux sans-abri pour qui trouver un logement ne suffit pas: des gens souffrant de troubles mentaux, de dépendance ou d'isolement social, ou de tout cela à la fois. Nous demandons au gouvernement fédéral de continuer à consacrer des ressources pour traiter toutes les formes d'itinérance et d'adopter un point de vue plus global et holistique sur l'itinérance, qui ne peut être réduite au simple fait de ne pas avoir de logement.
Afin que vous compreniez combien nous sommes engagés dans de domaine, l'Armée du Salut offre actuellement plus de 4 000 lits d'urgence et à court terme dans tout le pays. C'est plus du tiers de tous les lits que nous offrons dans des logements.
Les interventions au niveau des systèmes de refuges d'urgence — pour la plupart, le point d'entrée dans le système d'aide au logement — doivent tenir compte autant des besoins en services que de ceux en logement pour les sans-abri. Les refuges d'urgence ne constituent pas la solution qui permettra de régler les problèmes de la pénurie de logements abordables ou de l'itinérance, mais le fait de fournir un refuge d'urgence fait partie intégrante de la solution. La responsabilité des gouvernements et des élus est essentielle dans l'élaboration et le mise en oeuvre d'un plan adéquat.
Dans notre mémoire, nous disons qu'il est nécessaire d'attaquer l'ensemble du problème et nous indiquons à la page 9 qu'une planification soigneuse s'impose. Comme nous recevons beaucoup de fonds de tous les ordres de gouvernement, notamment du gouvernement fédéral, nous avons constaté que, souvent, le temps manque pour préparer des propositions bien documentées au sujet de la prestation de services communautaires.
Pour y remédier, l'Armée du Salut recommande d'allonger la période de temps allouée pour présenter des propositions. Cela permettrait aux organismes d'évaluer pleinement les besoins de la collectivité ainsi que de s'assurer de la viabilité des programmes proposés. Il s'agit d'une façon pratique d'améliorer la qualité de l'investissement dans les besoins de nos collectivités sans entraîner des coûts supplémentaires. Une telle méthode permettrait aux organismes individuels, aux gouvernements et aux collectivités dans leur ensemble de procéder à une meilleure planification.
Á (1125)
Ceci conclut ce que je voulais dire à propos de cette dimension de notre travail, pour laquelle 58 p. 100 de notre budget est financé directement par l'un des trois ordres de gouvernement. Nous traitons aussi des incitatifs fiscaux sachant que près du tiers de notre budget vient de dons qui souvent donnent droit à des allègements fiscaux. Ce que le gouvernement fédéral a investi dans le travail de l'Armée du Salut, en employant le système d'imposition pour inciter le Canadien ordinaire à nous aider à atteindre nos objectifs, a été l'une des clés de notre efficacité au fil des ans. L'Armée du Salut en est consciente et est reconnaissante pour ce soutien.
Nous indiquons trois choses que nous aimerions qu'envisage le gouvernement à propos des incitatifs fiscaux pour dons de charité. D'abord, nous demanderions de simplement fixer la date d'échéance pour les dons au même jour que celle pour les REER.
Les organismes de charité, et particulièrement l'Armée du Salut, obtiennent de bons résultats à Noël. Près de la moitié des dons que nous recevons nous arrivent au mois de décembre, mais il faut se battre pour chaque dollar pendant la période de l'année où il se dépense le plus d'argent. Après Noël, en janvier et février, les dons, du moins pour nous, diminuent considérablement alors que les gens prennent leur décision sur les investissements à faire dans leurs REER, qui est un marché très dynamique.
Bien que les incitatifs fiscaux des dons puissent se comparer, d'une certaine façon, aux avantages offerts par les REER, la date limite permettant d'employer cet incitatif signifie que les organismes de charité ne reçoivent aucun don considérable au cours de cette période. Étant donné qu'il existe, en un sens, un marché concurrentiel pour les dons et pour la répartition des décisions en matière d'investissement, nous aimerions bénéficier des mêmes règles en matière de fin d'exercice.
Nous posons certaines questions dans notre mémoire, notamment nous ne savons pas si l'Armée du Salut, ou toute autre organisation caritative, peut transformer un REER directement en une rente viagère. Comme les autres organisations du même genre, nous ne le faisons pas parce que nous croyons qu'elles ne seraient pas considérées comme des rentes prescrites selon la Loi de l'impôt sur le revenu et nous aimerions avoir des précisions à ce sujet.
Enfin, nous suggérons que les dons provenant de REER et de FERR fassent l'objet d'un certain incitatif fiscal, de la même façon que les dons provenant de titres à valeur accrue. Nous avons l'impression que cela nous défavorise quand les gens prennent des décisions concernant les gains en capital et le revenu qui en découle; les considérations fiscales semblent nous défavoriser.
Essentiellement, ce que nous demandons, c'est que le gouvernement continue à nous soutenir, que ses décisions en matière d'investissement et de budget reflètent les valeurs d'une société généreuse, puis nous demandons de faciliter les contributions de donateurs privés.
Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de vous présenter nos recommandations. Nous espérons pouvoir participer au dialogue. Si vous avez des questions ou souhaitez d'autres renseignements, n'hésitez pas à prendre contact avec moi par l'intermédiaire du major Trim à notre bureau des relations gouvernementales à Ottawa.
Merci beaucoup.
Á (1130)
Le président: Merci, monsieur Shepherd.
Je sais que vous devez partir, et je vais donc rapidement vous poser une question sur cette troisième recommandation. C'est la première fois que j'en entends parler. Y a-t-il beaucoup de demandes de transferts de REER et de FERR directement à votre organisme?
M. Glen Shepherd: Je ne dirais pas que c'est un dossier de grande importance. Ce n'est pas une grande question en ce qui nous concerne, mais nous avons noté qu'un gain en bourse serait traité comme un gain en capital et que le traitement fiscal serait plus favorable que si ce gain avait été obtenu au moyen d'actions incluses dans un REER. Ce n'est pas un grand problème, mais c'est ce que nous considérons être une iniquité du traitement fiscal de gains de même nature; c'est pourquoi nous avons soulevé la question.
Le président: Très bien. Très bonne observation.
Merci.
Nous pouvons commencer au début de la liste. Je donne donc la parole à Mme Rothman, de Campagne 2000.
Mme Laurel Rothman (coordonnatrice nationale, Campagne 2000): Merci.
Je voudrais parler des questions concernant la productivité. S'il faut relever le défi de la productivité, notre coalition considère certainement qu'il s'agit de livrer la course pour parvenir au sommet de la pyramide de la productivité plutôt qu'à sa base. Rappelons un peu quelques faits. Nous sommes une coalition de plus de 90 organismes — incluant tout le monde, c'est-à-dire les travailleurs de l'automobile aussi bien que les psychiatres, les organismes cultuels, les fournisseurs de soins de santé et les puériculteurs, les parents, les personnes à faible revenu — et nous nous occupons de suivre l'évolution de la mise en oeuvre de la résolution adoptée unanimement par la Chambre des communes en 1989 et visant à mettre fin à la pauvreté chez les enfants au plus tard en l'an 2000.
Nous prétendons qu'un programme progressiste de productivité garantira que les gains économiques seront largement partagés entre tous les segments de la société, ce qui contribuera à réaliser un programme d'inclusion sociale pour tout le Canada. Il faut donc accorder une place plus importante, dans les calculs de productivité, à l'élément humain. En contrepoids de la croissance, il faut faire place à l'équité.
Permettez-moi de dire que la situation que nous avons présentée dans notre mémoire, à la page 1, exige un nouveau programme. Nous avons été contents de constater que le Conference Board a été du même avis que nous dans son rapport sur le rendement et le potentiel, paru la semaine dernière. En fait, il a fait état d'inquiétudes marquées au sujet du taux de pauvreté des enfants au Canada. J'espère que vous aurez la possibilité d'examiner cette première page, parce que le graphique qui s'y trouve est plutôt choquant.
Depuis 30 ans, le taux de pauvreté des enfants au Canada s'inscrit autour de 15 à 16 p. 100, soit environ un enfant sur six. C'est une statistique tenace et nous devons faire quelque chose pour changer cela.
Nous soutenons qu'il est temps pour le Canada de se décider. Nous devons faire de réels progrès dans notre lutte contre la pauvreté des enfants. Nous avons toujours proposé des solutions pluriannuelles et sur de multiples fronts, y compris des mesures sur la sécurité du revenu et sur le marché du travail, des interventions de haute qualité pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, du logement à prix abordable ainsi que l'accessibilité à l'éducation et à la formation postsecondaire. Je sais qu'au fil des semaines mes autres collègues se sont concentrés sur un bon nombre de ces questions; je vais donc aujourd'hui me concentrer sur la dimension de la sécurité économique.
Pour l'essentiel, nous entrevoyons deux voies: un marché du travail plus sain et un programme plus vigoureux et plus généreux de sécurité du revenu pour aider à empêcher les familles de tomber dans le gouffre de la pauvreté. Pour ce qui est de l'amélioration de la qualité des emplois, nous tenons à encourager le gouvernement fédéral, compte tenu de ses pouvoirs et de son influence, à aider l'économie à se détourner du travail aléatoire à temps partiel et dénué d'avantages sociaux pour favoriser plutôt l'emploi à plein temps, qui offre une plus grande valeur ajoutée.
Je souligne qu'environ 45 p. 100 — soit près de la moitié des enfants en ménage à faible revenu — ont des parents qui travaillent toute l'année, mais qui sont quand même pauvres à cause de la faiblesse de leur rémunération et de leur incapacité de trouver du travail à plein temps. Chose renversante, un enfant pauvre sur quatre a des parents qui travaillent à plein temps, toute l'année, et qui vivent quand même dans la pauvreté.
Dans le cadre de l'actuelle mise à jour du Code canadien du travail, nous proposons que le gouvernement rétablisse un salaire minimum fédéral, qu'il le fixe à 10 $ de l'heure, et qu'il l'indexe en fonction de la croissance du salaire horaire moyen. Nous savons que cela aura une incidence modeste mais symboliquement importante, puisque cela ne touche qu'environ 12 p. 100 de la population active, d'après ce que nous en savons. Toutefois, est-il également possible de constituer une commission du salaire-subsistance en collaboration avec les provinces pour examiner les stratégies qui permettront d'améliorer le salaire et la disponibilité de travail à plein temps au Canada? Tous nos programmes sociaux poussent les familles à faire partie de la main-d'oeuvre active, mais il faut que le marché du travail soit accueillant pour les travailleurs, et, très souvent, il est bien loin de l'être.
En ce qui concerne le renforcement des programmes de sécurité du revenu, je voudrais dire deux ou trois choses. Premièrement, nous devons restructurer l'assurance-emploi de façon que tous les travailleurs en profitent. Comme vous le savez, actuellement, environ un chômeur sur trois au Canada obtient des prestations. À Toronto, le pourcentage est effarant. Il y a à peine 22 p. 100 des gens qui ne travaillent pas qui ont droit aux prestations. Évidemment, cela est très inquiétant pour les nouveaux participants au marché du travail, qui n'auront peut-être jamais assez d'heures de travail, et pour les personnes qui travaillent à leur propre compte. Ces choses-là doivent changer.
Cela dit, je crois que la plupart des gens s'attendent que Campagne 2000 se concentre sur la prestation pour enfants, et c'est ce que je m'apprête à faire.
Á (1135)
Actuellement, la PNE — ou plutôt la prestation nationale pur enfants, qui est d'environ 85 p. 100 des enfants, combinée aux suppléments pour les familles à revenu faible et modeste — est un instrument politique essentiel pour lutter contre la pauvreté des enfants et des familles, à l'instar des salaires. Rappelons que les salaires ne tiennent pas compte, évidemment, de la taille de la famille.
Je dois ajouter que nous continuons de nous préoccuper du fait que la majorité des provinces reprennent ou récupèrent la prestation pour enfants versée aux familles qui doivent compter sur l'aide sociale. Nous considérons qu'il s'agit là d'un défaut important de la politique, et que cela doit être modifié. Ce que nous disons toutefois, c'est que la PNE s'est révélée efficace pour beaucoup de familles. Les propres analyses de simulation de Développement social Canada montrent qu'en 2001, 8 p. 100 des familles, soit environ 94 000, ont pu échapper à la pauvreté, et que l'endettement des familles à faible revenu a été réduit.
Nous estimons qu'il est temps pour le Canada d'agir contre la pauvreté des enfants. Nous sommes un pays qui tire de l'arrière et nous devons passer à un niveau supérieur. Vous le savez probablement, le rapport le plus récent de l'UNICEF révèle que nous nous classons au 19e rang sur 29 pays, les seuls autres grands pays qui se classent en-dessous de nous étant les États-Unis, le Mexique et la Nouvelle-Zélande. Nous savons ce qui doit arriver. Nous avons vu, au sud de nos frontières, ce que donne un programme axé sur la productivité sans équité. En ce qui concerne le taux de pauvreté, les États-Unis se retrouvent au 28e rang sur 29. C'est une situation épouvantable.
Nous savons que d'autres économies de marchés progressistes ont connu des succès. Il y a corrélation nette entre l'augmentation des dépenses gouvernementales pour les familles et les prestations sociales d'une part, et la réduction de la pauvreté des enfants d'autre part. Selon l'UNICEF, la variation des politiques gouvernementales est le facteur le plus important qui influe sur les taux de pauvreté des enfants. Aucun pays de l'OCDE qui consacre 10 p. 100 ou plus de son PIB aux transferts sociaux — les transferts sociaux visent beaucoup plus que les seuls enfants —, aucun de ces pays n'a un taux de pauvreté plus élevé que 10 p. 100. Aucun des pays qui consacrent moins de 5 p. 100 du PIB aux transferts sociaux n'a un taux de pauvreté inférieur à 15 p. 100.
Nous voulons que la prestation nationale pour enfants augmente, et nous voulons également que les gouvernements s'engagent fermement en ce sens à long terme. Actuellement, le gouvernement s'engage à accroître la prestation de sorte qu'elle atteigne 3 200 $ d'ici à l'exercice 2007, c'est-à-dire une seule année au-delà du prochain exercice financier. Notre objectif est de faire passer la prestation pour enfants à 4 900 $.
Nous considérons donc qu'accroître la participation au marché du travail et augmenter les prestations, en plus des mesures concernant le logement, l'apprentissage précoce et l'enseignement postsecondaire, représentent des investissements clés que le Canada peut et doit faire.
Merci.
Á (1140)
Le président: Merci, madame Rothman.
Nous passons maintenant à M. Weiner, de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants.
[Français]
M. Harvey Weiner (conseiller de direction, Relations gouvernementales et extérieures, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants): Merci, monsieur le président.
La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants représente 17 organisations membres provinciales et territoriales, qui regroupent plus de 210 000 enseignantes et enseignants qui oeuvrent dans les écoles élémentaires et secondaires au Canada.
Nous pensons aussi, comme la dernière intervenante, mettre l'accent sur la productivité. Nous pensons en effet que le budget fédéral de 2006 devrait mettre principalement l'accent sur la santé et le bien-être des enfants et des jeunes.
Nous pensons aussi que l'allocation des ressources et des programmes pertinents rapportera à long terme plus de dividendes au Canada et plus de prospérité à l'ensemble de sa population que toute combinaison de mesures envisagées au chapitre de l'allègement fiscal ou de la réduction de la dette.
[Traduction]
J'aimerais souligner, monsieur le président, un certain nombre de questions précises.
Nous croyons fermement qu'un plan de productivité qui met l'accent principalement sur les enfants et les jeunes du Canada est le seul moyen de briser le cycle de ce que nous considérons comme d'immenses dépenses non discrétionnaires de la part des gouvernements. Par dépenses non discrétionnaires, nous voulons dire les dépenses qui doivent être investies par les gouvernements pour réparer les vies brisées, les dépenses pour notre système carcéral, les dépenses pour les personnes malades, les dépenses pour les personnes qui ont des problèmes psychologiques en raison de l'absence d'investissement dans nos jeunes. D'après nous, c'est ça le problème mais des recherches dans d'autres pays ont montré que ce cycle peut être brisé à condition de faire les investissements nécessaires.
Il est intéressant de savoir que ce genre de plan de productivité s'appuie en fait sur un certain nombre de déclarations, y compris les déclarations d'une personne haut placée au Cabinet du premier ministre, telles que rapportées dans un article rédigé il y a plusieurs années. Il s'agit de l'article de fond de Peter Nicholson sur la productivité canadienne paru dans le numéro d'automne 2003 de l'Observateur international de la productivité, dans lequel il cite une analyse de l'OCDE selon laquelle: « une augmentation d'un an du niveau moyen de scolarité aurait pour effet de faire passer de 4 à 7 p. 100 le niveau du PIB par habitant par rapport à ce qu'il serait autrement », bien sûr, toute autre chose étant constante.
Nous avons plusieurs recommandations qui se trouvent aux pages 5, 6 et 7 de notre mémoire, mais j'aimerais souligner un certain nombre de domaines où nous croyons que le gouvernement fédéral devrait investir davantage et traiter d'une initiative particulière que le gouvernement fédéral a prise et qui pourrait servir de modèle pour plusieurs autres initiatives.
Nous croyons, bien entendu, que l'enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, réalisée sur une période de plusieurs années, est une ressource utile que le gouvernement fédéral doit continuer à financer.
Nous croyons que l'alphabétisation est absolument essentielle et que tous les programmes, politiques et lois du gouvernement fédéral devraient être élaborés et examinés sous cet angle. Cela suppose une augmentation de l'aide accordée au Secrétariat national à l'alphabétisation.
Nous croyons fermement que les enfants du Canada doivent devenir une responsabilité de la société et non pas une responsabilité qui incombe uniquement aux parents.
Nous croyons très fermement que l'augmentation du nombre d'enfants immigrants et réfugiés annoncée par le gouvernement fédéral nécessitera l'élaboration de programmes fédéraux-provinciaux dotés des ressources nécessaires pour la prestation de services d'établissement appropriés. Ces services d'établissement doivent aller bien au-delà de la formation professionnelle et des cours de langue pour adultes. À moins que nous nous occupions de toute la famille — puisque c'est la famille au complet qui immigre au Canada — et à moins de leur fournir ces services d'une manière globale, nous allons rater le coche.
Je vous rappelle qu'il n'y a absolument rien dans la Constitution canadienne qui empêche ou interdit une telle coopération fédérale-provinciale. Un bon exemple est l'Agence de santé publique du Canada, une initiative de la ministre Bennett. Cette agence a créé le Consortium mixte pancanadien pour la santé en milieu scolaire, en collaboration avec le conseil des ministres de l'éducation (Canada). Cependant, ce qui fait défaut à l'heure actuelle c'est un engagement de la part du gouvernement fédéral de verser un financement stable qui permettrait à chaque arrondissement scolaire de recruter des coordonnateurs de la santé en milieu scolaire chargés d'appliquer les programmes et politiques propres à appuyer la santé et le bien-être des enfants et du personnel dans ces écoles. Le mot d'ordre à l'égard des enfants et des jeunes immigrants devrait être la prévention et non la rédemption.
Á (1145)
Toujours au sujet de l'infrastructure sociale, je vais répéter ce qu'a dit mon collègue de Campagne 2000: c'est absolument crucial. On présume qu'il s'agit d'une décision arbitraire de la part du gouvernement qui, songeant aux budgets, en attribue un tiers, un tiers et un tiers, sans analyse ni évaluation des besoins particuliers du moment: à notre avis, ce n'est pas la bonne façon de procéder.
La population canadienne a actuellement des besoins considérables et je pense particulièrement aux enfants et aux jeunes. J'insiste encore une fois sur le fait que la productivité augmentera au Canada si nos enfants et nos jeunes sont mieux préparés à relever les défis qui les attendent, tant du point de vue social qu'économique. Assurons-nous que tous les enfants du pays seront bien outillés dès le départ, comme ils ou elles le méritent.
Merci, monsieur le président.
Je répondrai volontiers aux questions sur les recommandations que nous avons faites.
Le président: Merci, monsieur Weiner.
Madame Martin, de la Coalition pour l'égalité des femmes.
[Français]
Mme Lise Martin (directrice exécutive, Institut canadien de recherches sur les femmes, Coalition pour l'égalité des femmes): Bonjour. J'aimerais vous indiquer que je dois quitter à 12 h 30 et que ma collègue Bonnie Diamond me remplacera à ce moment-là.
Notre présentation porte sur des budgets justes et équitables pour l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens. Nous représentons la Coalition pour l'égalité des femmes. C'est une alliance stratégique de groupes nationaux revendiquant l'égalité qui s'active à promouvoir de meilleurs mécanismes fédéraux en vue d'atteindre l'égalité des femmes. Aujourd'hui, nous voulons vous parler de budgétisation soucieuse de l'égalité des sexes. C'est un mécanisme dont nous croyons l'application essentielle pour que les budgets fédéraux deviennent des instruments justes et équitables pour toutes les personnes vivant au Canada.
En février de l'année dernière, un de nos groupes membres, l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale, l'AFAI, a publié un rapport innovateur qui documente les impacts des budgets fédéraux sur la vie des femmes au cours des dix dernières années, c'est-à-dire de 1995 à 2004. Ce rapport examine les engagements internationaux du Canada envers l'égalité en vertu de la plateforme d'action de Bejiing, en les comparant aux mesures budgétaires adoptées au cours des dix dernières années. Le rapport démontre que les coupures massives de dépenses ont sérieusement pénalisé les femmes pendant la période de déficit et qu'elles ont été largement laissées pour compte lorsque le fédéral a commencé à enregistrer des excédents budgétaires. Entre 1995 et 2005 les compressions et les changements à des programmes essentiels — tels que l'assurance-emploi, la Prestation fiscale canadienne, le logement et le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux — n'ont jamais été complètement corrigés durant les années d'excédents budgétaires.
Près de 12 milliards $ ont été retranchés de ces programmes sociaux entre 1994 et 1997. D'après les chiffres du ministère des Finances, lorsque le gouvernement fédéral a commencé à enregistrer des surplus en 1998, il a consenti 152 milliards de dollars au chapitre le la diminution des impôts sur le revenu et 42 milliards de sdollars pour de nouveaux programmes de dépenses jusqu'en 2004, comme la défense nationale et l'innovation, pendant que les programmes prioritaires aux femmes continuaient à perdre du terrain.
Par conséquent, les femmes ont fait les frais des énormes compressions budgétaires fédérales. Pendant la dernière décennie, seule une infime partie des nouvelles dépenses a été allouée au logement abordable et à des services de qualité de garde à l'enfance, des programmes pourtant essentiels pour les femmes.
Nous sommes donc ici pour vous suggérer de nouvelles manières de faire et ma collègue Nancy présentera ces recommandations.
Á (1150)
[Traduction]
Mme Nancy Peckford (directrice de programmes, Alliance canadienne féministe pour l’action internationale, Coalition pour l'égalité des femmes): L'une des principales difficultés que nous constatons, à cause de cette réalité, c'est que le gouvernement du Canada, particulièrement le ministère des Finances, n'a pas encore conçu ou appliqué systématiquement un outil méthodologique fiable pour l'élaboration des budgets, qui, comme il se doit, prévoirait et évaluerait l'inégalité économique de la grande majorité des femmes au Canada aujourd'hui, et plus important encore, y réagirait. Nous croyons que s'ils s'étaient servis de ce genre d'outil, particulièrement au ministère des Finances, la dernière décennie aurait été très différente de ce que nous pouvons constater maintenant.
Nous voulons toutefois signaler à l'intention du comité que malgré l'absence d'un cadre d'analyse de ce genre au ministère des Finances, le Canada crie sur les plus distinguées tribunes internationales qu'il fait une analyse budgétaire sexospécifique. À une récente rencontre des ministres des Finances du Commonwealth, le Canada s'est attribué la meilleure note possible devant cette assemblée internationale, disant devancer des pays comme l'Afrique du Sud, qui ont mis en oeuvre des mesures budgétaires concrètes il y a déjà de nombreuses années. Pour les citoyens canadiens et, je présume, pour les membres de ce comité, rien ne laisse croire que le Canada se sert d'une analyse budgétaire sexospécifique. Ce n'est qu'en 2005, après des pressions considérables exercées par des femmes à l'intérieur comme à l'extérieur du gouvernement, que le ministre s'est engagé à prendre des mesures sexospécifiques au ministère des Finances. Nous croyons que le ministère des Finances y travaille toujours, et nous sommes ici aujourd'hui en partie pour vous dire quelles mesures pourraient être très utiles pour atteindre cet objectif.
Nous demandons donc au comité d'être sur ses gardes au sujet de la façon dont le ministère des Finances se représente sur la scène internationale. Si le ministère des Finances avait toujours évalué les budgets en fonction de leur incidence sur les femmes, il est évident que la situation serait bien différente aujourd'hui.
Bien entendu, nous contestons la façon dont les réductions d'impôts ont servi d'outil clé pour les politiques sociales. Pour nous, les faits montrent clairement que les réductions d'impôts ne sont pas un moyen efficace d'augmenter les ressources économiques ou les possibilités pour les femmes. En outre, les femmes y perdent parce qu'elles se retrouvent davantage dans les groupes à faible revenu, parce que leur revenu moyen est inférieur à celui des hommes et parce qu'elles ont moins de gains en capital et d'autres formes de revenus fiscalement intéressants que les hommes. C'est évident quand on regarde les chiffres de 2002, soit la dernière année pour laquelle nous avons des statistiques: près de 30 p. 100 des femmes qui ont présenté une déclaration de revenus avaient des revenus inférieurs à 10 000 $, comparativement à 18,4 p. 100 pour les hommes, et 39 p. 100 d'entre elles ne payaient aucun impôt, contre 25 p. 100 pour les hommes.
Nous voulons parler de l'une des mesures présentées dans le dernier budget. Il s'agit du seuil d'imposition qui a été augmenté en faisant passer le montant personnel de base de 8 000 $ en 2004 à 10 000 $ en 2009. En réalité, cela n'aide aucunement ceux qui ont les plus faibles revenus, qui déjà, ne paient aucun impôt. En outre, cette dernière augmentation de 8 000 à 10 000 $ représentera une économie annuelle de 320 $ pour tous ceux qui ont déjà suffisamment d'impôt à payer pour absorber le crédit de base supérieur. Cela sera certainement avantageux pour de nombreuses femmes, mais c'est très peu par rapport à la valeur des autres réductions d'impôts destinées exclusivement à ceux qui ont des revenus supérieurs et qui sont pour la plupart des hommes.
Pour les minutes qui me restent, je vais parler de ce que dirait un budget vraiment sexospécifique, compte tenu des défis pour les femmes que nous vous avons présentées. Nous estimons vraiment que c'est important, étant donné ce que prétend sur la scène internationale le ministère des Finances. Si vous prétendez faire des budgets sexospécifiques, il y a toutes sortes de compétences en jeu, proposant des modèles et des éléments absolument essentiels.
Tout d'abord, dans le budget, il faut des dépenses ministérielles ciblant les femmes, dans leur collectivité. Dans le contexte canadien, nous avons quelques rares exemples comme le programme des femmes de Condition féminine Canada, qui finance des projets relatifs à l'égalité des femmes. Depuis de nombreuses années, les organisations féminines demandent une augmentation du budget de ce programme pour qu'il soit porté annuellement à 50 millions de dollars. Pour vous donner une idée, 30 millions de dollars équivaudrait environ à 2,00 $ pour chaque fille et chaque femme du Canada. Nous estimons manifestement qu'il s'agit là d'une augmentation modeste mais convenable pour un programme ciblé.
Le deuxième des quatre éléments que nous proposons, c'est un budget sexospécifique qui exige des gouvernements une égalité des chances en matière d'emploi. À ce sujet, nous estimons qu'il est maintenant temps que le gouvernement fédéral mette en oeuvre les recommandations de son propre groupe de travail fédéral sur l'équité salariale. Une nouvelle loi aurait deux effets: assurer un salaire équitable aux femmes travaillant dans les secteurs de régie fédérale et pour les employées du gouvernement fédéral et augmenterait aussi l'accès à des emplois de qualité pour les travailleuses à revenu moyen ou faible, les travailleuses de certains groupes ethniques et celles qui ont un handicap. Le gouvernement fédéral a reconnu que l'équité en emploi était un droit de la personne mais malheureusement, il n'a pas été très enthousiaste jusqu'ici dans les mesures qu'il a prises.
Troisièmement, un budget sexospécifique signifie que le gouvernement doit faire un examen systématique des dépenses budgétaires générales relatives à des biens et à des services offerts à l'ensemble de la collectivité, pour prendre en compte son incidence sur les femmes. Pour assurer la crédibilité du Canada en matière de budget sexospécifique, le ministère des Finances doit recourir aux compétences appropriées afin de procéder à un examen systématique de l'incidence sur les femmes des mesures relatives aux revenus et aux dépenses, tout en tenant compte de l'interaction des femmes avec l'économie qui est certainement différente de celle des hommes.
Nous croyons que si le ministère des Finances agissait ainsi, l'argent consacré aux réductions d'impôts servirait plutôt à bonifier le transfert social canadien qui procure les fonds dont on a beaucoup besoin pour les services sociaux essentiels dont dépendent des femmes partout au pays. Nous n'avons pas vu d'augmentation significative du transfert social canadien, longtemps appelé le TCSPS.
Enfin, à notre avis, l'élaboration de budgets sexospécifiques ne peut se faire sans des mesures viables de reddition de comptes, sans transparence ni sans collaboration avec la société civile. Au Canada, il faudrait pour cela que le ministre des Finances et ses hauts fonctionnaires rencontrent des groupes de femmes et des experts qui connaissent nos priorités et nos idées sur les budgets sexospécifiques. Nous demandons une collaboration réelle et non une simple consultation.
Sur la scène internationale, on en voit un bon exemple au Royaume-Uni, où le Women's Budget Group a conclu un accord avec le Trésor sur une série de rencontres avec le ministre des Finances. L'un des experts de ce groupe est en détachement au ministère des Finances, pour présenter un point de vue différent.
Á (1155)
À notre avis, si ces choses se produisent, il est clair que cela permettra de s'attaquer de façon plus significative à la pandémie de pauvreté infantile au Canada.
Nous sommes d'avis qu'un budget qui tiendrait davantage compte des besoins des femmes serait une très bonne chose pour la productivité du Canada. Cela permettrait à davantage de femmes de participer à l'économie tout en étant bien appuyées, de sorte qu'elles ne seraient pas obligées de s'absenter du travail pour prodiguer des soins additionnels, et cela permettrait également d'avoir les niveaux appropriés de programmes sociaux et de soutien afin de permettre aux femmes de participer de façon significative à tous les aspects de leur vie.
Merci.
Le président: Merci, madame Peckford.
De la Fédération de l'habitation coopérative du Canada, M. Daoust.
[Français]
M. René Daoust (président, Fédération de l'habitation coopérative du Canada): Bonjour.
Je m'appelle René Daoust, je suis le président de la Fédération de l'habitation coopérative du Canada et je suis accompagné de Christopher Wilson.
La Fédération d'habitation coopérative du Canada représente 250 000 personnes qui habitent une des 2 200 coopératives d'habitation réparties aux quatre coins du Canada, d'un océan à l'autre.
J'ai retravaillé ma présentation, mais pour le bénéfice des interprètes, je vais essayer de m'en tenir à un résumé de notre présentation initiale.
Nous sommes ici aujourd'hui un peu pour parler, en plus de nos membres, des 1,7 million ménages qui, au Canada, ont des conditions de logement peu intéressantes. De ce groupe, plus de 700 000 ménages consacrent actuellement plus de 50 p. 100 de leur revenu mensuel à leur loyer. C'est, à notre avis, inacceptable au Canada. C'est grave. Il est temps de passer à l'action.
Pour répondre immédiatement à l'énorme besoin qui en découle, il faut que le gouvernement du Canada mette en place un programme d'investissements à long terme, qui pourra créer jusqu'à 25 000 logements sans but lucratif par année. Ce niveau a déjà été atteint dans les années 1970 et 1980. Il faut inclure dans ce programme la création de logements pour les Autochtones, mais aussi des logements coopératifs et des logements sans but lucratif.
Il faut toutefois éviter de tomber dans le piège de créer des unités de supplément au loyer ou des subventions au logement dans le secteur privé.
L'expérience de la fin des années 1960 a démontré que le marché locatif privé a une vision à très court terme. Dès la reprise du marché, les propriétaires expulsent les personnes qui ont de grands besoins et la crise se répète.
Nous suggérons au gouvernement la mise en place d'un programme d'investissements à long terme pour deux raisons. Il y a évidemment la création de logements, particulièrement les coopératives, mais aussi d'autres formules de logement coopératif, en plus des investissements dans le parc existant. Je reviendrai plus tard sur ce deuxième volet.
Si on veut régler le problème du logement abordable au Québec et au Canada, il faut créer au cours des dix prochaines années au-dessus de 25 000 logements par année.
Ce programme de création de logements doit inclure, si possible, la participation des provinces. On sait qu'au cours des dernières années, seul le Québec a vraiment eu des initiatives intéressantes en matière de création de logements. Or, il faut favoriser une participation responsable des provinces ou, à défaut de cela, trouver d'autres critères dans certaines provinces pour favoriser la création de coopératives d'habitation et d'autres logements communautaires.
Par exemple, récemment, il y a eu une entente entre la Fédération de l'habitation coopérative du Canada et le gouvernement fédéral pour la création de l'Agence des coopératives d'habitation. L'agence pourrait servir d'organisme de livraison d'un nouveau programme de coopératives d'habitation au Canada.
Quant aux coopératives existantes, dans les années 1970 et 1980, beaucoup de coopératives ont été créées. Il y a une situation qui est plus présente au Québec et dans les provinces Maritimes. C'est le critère de la modestie ou des endroits où on a moins investi par unité. Actuellement, 20 ans plus tard, ces coopératives sont en difficulté et ont besoin d'un peu d'investissements pour permettre de continuer d'offrir à leurs membres des logements à prix abordable.
Aussi, de façon plus technique, parlons des coopératives financées en vertu de l'article 95, qui ont été créées en1986. Une interprétation de la SCHL au sujet de la formule de calcul des subventions met ces coopératives en péril.
Actuellement, plusieurs milliers d'unités de logement à prix modique ont été perdues dans ces coopératives. Le ministre Fontana a récemment fait une annonce qui a réglé une partie du problème, mais il reste une autre partie à régler. Il va falloir prévoir des fonds pour régler cette dimension.
En conclusion, je veux simplement vous rappeler qu'investir dans une coopérative d'habitation, ce n'est pas uniquement investir dans de la brique. C'est aussi investir dans des personnes, c'est investir dans une communauté.
Je pense qu'il est important que le Comité permanent des finances estime que cela a une place importante pour permettre à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes d'avoir des conditions de logement de qualité.
 (1200)
Nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Daoust.
De l'Institut Polaris, M. Staples.
M. Steven Staples (directeur, Programme de sûreté, Institut Polaris): Tout d'abord, merci de m'avoir invité ici aujourd'hui. Je suis directeur des programmes de sécurité pour l'Institut Polaris. Nous sommes un groupe de recherche d'intérêt public qui est situé ici, à Ottawa.
Permettez-moi de commencer en posant la question suivante. Qu'est-ce qui constitue des dépenses militaires suffisantes? Permettez-moi de citer la réponse qu'a donné le premier ministre Jean Chrétien alors qu'il s'apprêtait à quitter son poste de premier ministre. Il a dit: « Mais ce n'est jamais suffisant ». Aujourd'hui, l'Institut Polaris souhaite attirer l'attention du comité sur le montant alarmant de fonds publics consacrés aux dépenses militaires et sur la façon dont ces montants sont utilisés.
La croyance populaire veut que le Canada soit un pays qui dépense peu sur le plan militaire par rapport aux autres pays du monde, mais si on examine les documents de plus près, on s'aperçoit que ce n'est pas le cas. En réalité, le Canada est le septième plus grand investisseur en dollars réels des 26 pays membres de l'OTAN, et se place donc fermement dans le tiers supérieur de l'alliance — j'attire votre attention au tableau 1 contenu dans notre mémoire. En fait, comme les dépenses prévues du Canada pour 2005-2006 devraient atteindre 14,5 milliards de dollars, elles seront donc plus que le double de celles de la Norvège, le double de celles de la Belgique et le triple de celles du Danemark, et elles sont supérieures au total des dépenses militaires des 12 pays de l'OTAN qui dépensent le moins.
Même en utilisant un pourcentage du PIB à titre de comparaison, ce que certaines organisations préfèrent utiliser, le Canada consacre 1,2 p. 100 de son PIB aux dépenses militaires et selon l'OTAN, cela équivaut à peu près aux dépenses militaires de la Belgique qui représentent également 1,2 p. 100 du PIB de ce pays; de celles de l'Espagne, qui représentent 1,3 p. 100; et seulement quelques dixièmes de pourcentage de point derrière l'Allemagne qui dépense 1,4 p. 100 de son PIB.
Le budget 2005 du gouvernement libéral, qui a été adopté avec l'appui du NPD et de plusieurs députés indépendants cette année, prévoit une augmentation des dépenses militaires de 12,8 milliards de dollars pour les cinq prochaines années, portant ainsi les dépenses militaires du Canada à près de 20 milliards de dollars par an. Ce niveau est supérieur à tout investissement militaire pendant les années de guerre froide. La dernière fois que nous avons dépensé à ce niveau, le Canada était en guerre contre l'Allemagne nazie. C'est le niveau d'investissement militaire le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale.
Si on analyse les priorités actuelles et projetées et les engagements des troupes, ces augmentations des dépenses visent à améliorer la capacité des Forces canadiennes afin qu'elles puissent avoir une plus grande interopérabilité avec les Forces américaines, et non pour en faire une force de maintien de la paix efficace de l'ONU, comme bon nombre de Canadiens le croient.
En mettant en oeuvre de telles augmentations des dépenses militaires, le premier ministre Martin ne tient vraiment pas compte de l'avertissement de son prédécesseur Jean Chrétien qui a dit: « ...ce n'est jamais suffisant. Je n'ai jamais vu d'armée dans le monde qui ait retourné de l'argent à un gouvernement — jamais. L'armée a toujours besoin davantage d'argent et planifie toujours d'en avoir davantage ».
Malheureusement, l'augmentation des dépenses militaires du Canada contribue à une tendance internationale alarmante. Les dépenses militaires mondiales annuelles ont dépassé le billion de dollars. Entre-temps, l'ONU lance un avertissement disant qu'à moins que des mesures draconiennes ne soient prises, le monde n'atteindra pas ses objectifs pour ce qui est de réduire la pauvreté et des millions de gens mourront au cours de la prochaine décennie, bon nombre d'entre eux avant qu'ils atteignent leur cinquième anniversaire.
De telles priorités mal placées se retrouvent ici au Canada, alors que Paul Martin refuse fermement de s'engager à consacrer à 0,7 p. 100 du PIB à l'aide étrangère, tandis que les dépenses militaires se multiplient. Résultat, pour chaque dollar que nous consacrons à l'allègement de la pauvreté dans le monde et au développement international, nous dépensons quatre dollars pour la défense nationale.
Ces dépenses représentent également des coûts ici au pays. Récemment, nous avons acheté 28 hélicoptères anti-sous-marins transportés par bateau pour la flotte de frégates du Canada à un coût de plus de trois milliards de dollars. Pour le prix d'un seul hélicoptère militaire, le gouvernement pourrait construire plus de 1 000 logements pour loger les sans-abri du Canada. Deux hélicoptères, par exemple, équivalent au budget total de l'Université Carleton. Nous en avons acheté 28.
Qu'est-ce qui a poussé le Canada à augmenter les dépenses militaires de cette façon, soit l'augmentation la plus importante d'une génération? Comme nous le disons dans notre mémoire, l'augmentation de la cadence opérationnelle des forces armées canadiennes, des plans excessifs de dépenses en capital et la pression exercée par les alliés sont tous des facteurs, mais à la base de tout cela, il y a le fait que le gouvernement a décidé que les Forces canadiennes allaient opérer en étroite collaboration avec les forces militaires américaines et participer à des « coalitions de pays volontaires » dirigées par les États-Unis.
Acquérir cette capacité coûterait cher, que ce soit pour acheter des systèmes de gestion des armes pour nos navires de guerre ou des bombes guidées au laser pour nos CF-18, ce que nous sommes en train d'évaluer à l'heure actuelle en Alberta. Ces programmes visent à nous assurer que nous serons prêts à combattre avec ou pour les États-Unis.
La participation aux missions dirigées par l'ONU a diminué considérablement, et une plus grande participation aux missions dirigées par les États-Unis se fait en grande partie aux dépens des opérations de maintien de la paix de l'ONU. En 1992-1993, par exemple, la participation aux missions de l'ONU représentait plus de neuf dollars sur chaque tranche de dix dollars que nous dépensions pour des missions internationales. Une décennie plus tard, en 2004-2005, le Canada a pratiquement abandonné les opérations de l'ONU qui ne représentent qu'à peine 30 cents pour chaque dollar que nous dépensons pour des missions militaires à l'étranger.
 (1205)
En juillet 2005, l'ONU avait plus de 61 000 soldats qui participaient à des missions de maintien de la paix dans le monde. Quelle a été la contribution du Canada à ces missions de l'ONU? Nous avions 216 militaires — sur 61 000. Il n'est pas surprenant que les Nations Unies placent le Canada au 36e rang parmi les principaux pays qui participent au maintien de la paix de l'ONU, soit à peu près au même rang que le Pérou et le Guatemala.
Comme le soulignait récemment le rapport publié il y a quelques semaines par l'Université de la Colombie-Britannique sur la sécurité humaine, l'ONU a une incidence positive sur la promotion de la paix et du désarmement. mais en vérité, en abandonnant les missions de maintien de la paix de l'ONU, le Canada est devenu un parasite des Nations Unies.
Une grande majorité de Canadiens ont célébré la décision du gouvernement de ne pas participer à l'invasion de l'Irak dirigée par les États-Unis ni au bouclier de défense continentale antimissile de l'administration Bush. Je sais que cette position était celle de bon nombre de gens ici autour de cette table aujourd'hui. Cependant, même s'il a adopté ces décisions qui étaient très populaires en matière de politique étrangère, notre gouvernement continue d'aligner la politique de défense canadienne à celle des planificateurs de la guerre du Pentagone, en poussant les dépenses militaires à un niveau plus élevé qu'elles ne l'étaient pendant la Guerre froide et en mettant l'accent sur l'utilisation accrue d'armes agressives, notamment les bombes guidées au laser et les commandos secrets. En même temps, nous tournons le dos aux Nations Unies, et nous assistons à l'américanisation des forces armées canadiennes.
L'Institut Polaris recommande au comité des finances de demander avec insistance au gouvernement d'engager les Canadiens à élaborer une politique de défense appropriée qui soit conforme à nos valeurs traditionnelles et à notre appui de longue date des Nations Unies comme moyen le plus efficace de promouvoir la paix, la sécurité et le désarmement dans le monde. Tant que cela ne sera pas accompli, nous exhortons votre comité à recommander de geler les prochaines augmentations des dépenses militaires du Canada.
Merci beaucoup.
 (1210)
Le président: De Centraide, M. Hatton.
M. Al Hatton (président-directeur général, Centraide Canada): De l'Organisation des Nations Unies à l'organisation Centraide.
Je voudrais parler un petit peu d'améliorer l'infrastructure sociale au Canada comme moyen pour stimuler en fait la productivité. Je vais me concentrer sur trois de nos recommandations.
Bien entendu, comme bon nombre des autres organisations qui sont représentées ici, les gens savent que nous sommes le plus important collecteur de fonds pour les services sociaux et les soins de santé au Canada, mais notre travail nous amène en fait à travailler de plus en plus avec les collectivités afin de créer un impact à l'échelle communautaire. Nous nous rendons compte en fait que, plus nous recueillons d'argent, plus certains des problèmes qui se posent deviennent insolubles. Il convient donc de se poser la question suivante: comment pouvons-nous investir de façon beaucoup plus efficiente les fonds que nous recueillons, comment pouvons-nous leur donner un effet de levier et établir des partenariats avec d'autres organismes afin d'avoir un impact plus grand?
Je vais m'attacher tout particulièrement à trois éléments qui permettraient de renforcer avec le temps l'infrastructure sociale et qui pourraient intéresser le comité. Il y a tout d'abord un projet tout simple que nous pilotons avec un certain nombre d'autres organismes au Canada, soit le projet 211. La formule est semblable à celle du 911 ou du 411, sauf qu'elle met l'accent sur l'infrastructure sociale à l'échelle locale.
Un des besoins les plus criants qui se manifestent dans les collectivités locales de nos jours tient au fait que les résidents et les gens dans le besoin ont du mal à accéder aux services qui existent à divers niveaux, si bien que nous avons fait oeuvre de pionniers et mis sur pied un certain nombre de centres d'information et d'orientation dans diverses régions du Canada. Nous avons ouvert le premier centre de ce genre à Toronto et, ces derniers mois, nous en avons ouvert deux autres à Calgary et à Edmonton; nous voulons maintenant implanter de ces centres à l'échelle du pays tout entier.
Imaginez ce que ce serait pour un aîné de pouvoir appeler le 211 et savoir aussitôt à quel service s'adresser, du fait que son appel serait acheminé au service compétent, et qui aurait en fait au bout du fil une personne en chair et en os qui pourrait l'orienter vers le service qui correspondrait exactement aux besoins d'un proche ou d'un membre de sa famille; imaginez le sans-abri qui pourrait appeler pour savoir quels refuges sont ouverts, ou encore la femme qui aurait été victime de violence conjugale et qui aurait besoin d'aide dans l'immédiat. Les gens ont accès à tout cela avec le 211.
Dans les quelques mois qui ont suivi l'ouverture du centre à Toronto, nous avons reçu 300 000 appels, et nous en recevons maintenant 1 200 par jour. Le service est offert 24 heures sur 24, et ce, dans 15 langues. Il est maintenant entièrement opérationnel et peut compter sur une base de données où sont répertoriés tous les services communautaires existants et les services gouvernementaux offerts à la population de Toronto.
Imaginez, même si j'espère que cela ne se produira jamais, qu'il y ait un tremblement de terre dans la vallée du Bas-Fraser. Bien entendu, tout le monde appellerait le 911. Toutes les forces policières du pays seraient ainsi mobilisées, et si bien qu'elles ne pourraient pas réagir aux situations de crise. Les gens veulent savoir à qui ils peuvent s'adresser pour se porter volontaires, ils veulent savoir où s'enquérir au sujet d'un membre de leur famille. Le 211 fonctionnerait donc en complémentarité avec le 911 afin de faire en sorte que des bénévoles soient aussitôt dépêchés sur les lieux.
Après l'ouragan Katrina aux États-Unis, le service qui est en place dans deux des principaux États touchés par l'ouragan a pu aussitôt se mettre en branle et apporter aide et soutien à des milliers de personnes sans que le service ne tombe en panne.
Il s'agit à notre avis d'un moyen très facile que nous pouvons utiliser pour renforcer l'infrastructure et mettre en contact les organisations et les services gouvernementaux avec les gens dans le besoin. Voilà notre première recommandation.
Notre deuxième recommandation découle de l'intérêt extraordinaire que nous avons pu observer de la part d'un certain nombre de ministères gouvernementaux dont les mandats se recoupent à l'échelle locale pour ce qui est d'investir dans le développement communautaire grâce à des programmes axés sur le lieu de prestation des services. On trouve maintenant des centaines de ces programmes au Canada, qui sont financés pour beaucoup par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Or, le niveau de coordination est presque inexistant. Nous assistons, du moins c'est ce que nous espérons, à un regain d'intérêt de la part du gouvernement fédéral pour ce qui est de s'engager et d'investir de nouveau dans les collectivités locales.
Le mouvement Centraide a établi des partenariats avec un certain nombre de ministères gouvernementaux et d'autres organisations, et ce, dans cinq quartiers, afin de faire les premiers pas vers une compréhension bien plus approfondie des moyens à prendre pour mobiliser divers partenaires afin de maximiser l'impact à l'échelle locale. Nous sommes d'avis que, bien souvent, l'argent est dépensé sans aucune concertation, chaque ministère y allant de ses projets pilotes ou de ses programmes à court terme. Il n'y a pas de contact avec les résidents. Les contacts avec les collectivités locales sont insuffisants. À notre avis, ce manque de concertation n'aide pas le gouvernement à s'engager auprès des citoyens. Nous sommes d'avis que le fait de travailler d'une manière bien plus concertée permettrait de régler ce problème.
 (1215)
Notre troisième recommandation concerne le financement. Nous appuyons les propos d'un certain nombre des groupes qui sont représentés ici ainsi que du Forum du secteur bénévole et communautaire, qui a déjà témoigné devant le comité à une table ronde avec d'autres organisations, qui souhaitent une approche intelligente, efficace et à bien plus long terme pour le financement des organisations du secteur. Nous avons entendu parler par exemple du travail de l'Armée du Salut du côté du logement. Il y a des milliers d'organisations qui se heurtent à des problèmes semblables à l'échelle locale.
Nous avons été témoins d'un virage important au gouvernement fédéral, qui privilégie maintenant le financement par projet plutôt que le financement de base. Les effets néfastes de ce virage commencent déjà à se faire sentir au niveau de la capacité et de l'infrastructure des organisations qui travaillent depuis des années à l'échelle communautaire.
Je sais que, d'une certaine façon, le gouvernement pense pouvoir en obtenir plus pour son argent en invitant la participation du secteur privé à un certain nombre de programmes sociaux et en égalisant les règles du jeu. Cela reflète plutôt à notre avis une vision à très court terme. C'est en fait par un financement à plus long terme que nous pourrons avoir un impact plus important sur certains des problèmes les plus insolubles dont il a été question ici.
Par ailleurs, nous constatons que la reddition de comptes demande de plus en plus du temps et de l'énergie des organisations. Bien entendu, étant donné la commission Gomery et les autres exemples d'abus de la confiance du public qui ont été perpétrés par une poignée de personnes... ce qu'il faut réprouver, mais ce n'est pas investir de façon judicieuse que de changer les règles du jour au lendemain et exiger que de plus en plus de ressources — des ressources considérables à notre avis — soient consacrées à la reddition de comptes afin d'empêcher un petit nombre de personnes de se livrer à des actes répréhensibles. Cela va à l'encontre de tous les principes qui sont à la base de la productivité.
Qui dit productivité dit innovation. Quand on est constamment en proie à l'inquiétude et qu'on a peur de prendre des risques, on n'est guère productif. Nous demanderions aux organismes centraux, à votre comité, au ministère des Finances et au Conseil du Trésor de chercher vraiment à assurer l'équilibre entre l'innovation et la productivité et d'éviter de réagir de façon précipitée à certains des scandales dont nous avons été témoins. C'est là une réaction qui alourdit en fait le fardeau de la reddition de comptes pour les organisations et qui étouffe la créativité des fonctionnaires et qui nous empêche de renforcer plusieurs des programmes dans lesquels nous avons déjà investi à l'échelle des collectivités.
En ce qui concerne la productivité, on a souvent l'impression qu'elle passe souvent par le secteur privé. Nous dirions plutôt qu'il vaut beaucoup mieux investir dans le secteur bénévole et de bienfaisance. Pour chacun de nos permanents qui travaillent à des programmes communautaires à l'échelle locale, nous comptons six bénévoles. Nous engageons les citoyens. Nous croyons ainsi faire beaucoup plus pour combler le déficit démocratique que ce que l'on pourrait accomplir avec certaines des mesures visant les députés d'arrière-ban au Parlement. C'est un pas dans la bonne direction.
Au bout du compte, si nous n'engageons pas les citoyens, si nous ne mettons pas en place des programmes et des processus pour qu'ils puissent travailler de façon bien plus efficace en collaboration avec les ministères gouvernementaux et les organisations bénévoles, nous n'allons pas répondre aux besoins des plus vulnérables et nous n'allons pas non plus créer des collectivités capables d'évoluer et de s'adapter aux besoins comme le souhaitent sûrement l'actuel gouvernement et tous les partis représentés au Parlement.
Merci beaucoup. Nous sommes tous prêts à répondre à vos questions.
 (1220)
Le président: Merci beaucoup aux membres de la table ronde. Merci de vos mémoires.
Je tiens à rappeler aux témoins que les députés disposent de cinq minutes pour les questions et les réponses. Les députés vous seraient donc reconnaissants de bien vouloir être concis dans vos réponses.
Nous allons donner la parole d'abord à M. Penson, puis à M. Bouchard, puis à Mme Boivin, puis à Mme Wasylycia-Leis et enfin à Mme Minna. Merci.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, monsieur le président. J'aimerais souhaiter la bienvenue au panel.
J'ai trouvé les exposés de l'Armée du Salut et de Centraide fort intéressants, et j'aurais quelques questions à poser aux représentants. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, alors je ne pourrai pas poser des questions à tout le monde.
L'Armée du Salut a indiqué que 58 p. 100 de son revenu provenait de tous les paliers de gouvernement. J'aimerais connaître quel pourcentage provient du gouvernement fédéral.
M. Glen Shepherd: Je ne suis pas certain d'être en mesure de vous fournir ces renseignements. Pourriez-vous...?
M. Charlie Penson: Vous pourrez peut-être fournir ces renseignements au greffier. Ce serait apprécié.
M. Glen Shepherd: Nous pourrons l'obtenir comme suivi. L'essentiel proviendrait des gouvernements provinciaux, mais le gouvernement fédéral est également important.
M. Charlie Penson: Est-ce que cela proviendrait de la SCHL, tel que nous l'avons vu avec le programme de remise à neuf?
Mme Mary Ellen Eberlin (secrétaire, Services sociaux territoriaux, Armée du Salut): Cela combinerait en fait la SCHL et l'IPAC, comme deux fonds fédéraux qui...
M. Charlie Penson: Pardon, pouvez-vous répéter cela?
Mme Mary Ellen Eberlin: Oui. Il s'agit d'un financement fédéral et d'un financement provenant de la SCHL.
M. Charlie Penson: Très bien. Vous faites un travail hors pair. Je reprends l'argument de M. Hatton, à savoir, que vous êtes en train de créer un effet de multiplication, n'est-ce pas? Vous faites cela pour inclure de nombreux bénévoles qui vous fourniront des services et du travail gratuit. Ces derniers fournissent également une aide précieuse aux personnes qui se sentent désespérées, en leur montrant un exemple de comment se sortir de ce système. Et c'est précisément ce que nous voulons — du moins ce que je crois que nous voulons tous —, soit de permettre aux personnes de se sortir d'une situation difficile pour arriver à une situation plus avantageuse.
En ce qui concerne les impôts, vous avez fait des recommandations, dont certaines sont très bonnes. Vous avez indiqué avoir besoin d'aide supplémentaire pour ce qui est des unités de logement. Est-ce que l'Armée du Salut souhaiterait que nous changions notre politique, tel que l'a suggéré M. Hatton, si je ne m'abuse. Devrions-nous ainsi travailler plus avec des organisations similaires à la vôtre, plutôt que de le relayer au secteur privé?
M. Glen Shepherd: Notre première préoccupation serait de nous assurer que nous recevons des subventions du gouvernement fédéral, pour que le programme IPAC et d'autres programmes similaires puissent être maintenus et renouvelés. Cela revient à ce que nous disions, en ce qui concerne le financement durable à long terme. C'est notre première préoccupation.
La deuxième serait de recevoir un financement de programme pour le travail de soutien réparateur, en dehors du logement, qui est le problème le plus visible. Les besoins de ces personnes constituent peut-être les problèmes les plus profonds. Cela cerne bien les deux pôles des recommandations que nous faisons aujourd'hui.
M. Charlie Penson: Est-ce que cela est lié au fait que le logement est plus ou moins une situation temporaire?
M. Glen Shepherd: Nous avons vu que nous pouvons résoudre le problème du logement. Nous pouvons résoudre ce problème, mais il ne s'agit pas d'une solution permanente. À moins que nous puissions résoudre les problèmes sociaux et personnels sous-jacents, nous courons toujours le risque que la personne se trouve un logement mais que, en raison de nombreux autres problèmes connexes — tels que des problèmes personnels — elle se retrouve de nouveau à la rue, incapable de faire face à son intégration dans une vie productive au sein de la communauté. C'est pour cela que nous avons besoin d'une solution à plus long terme.
M. Charlie Penson: Très bien, c'était fort utile. Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Penson.
Monsieur Bouchard.
[Français]
M. Robert Bouchard (Chicoutimi—Le Fjord, BQ): Merci, monsieur le président. Merci également à chacune et chacun d'entre vous pour vos excellentes présentations.
Ma première question s'adresse à Campagne 2000. Vous avez parlé de l'assurance-emploi qui est peu accessible aux travailleurs qui perdent leur emploi.
Évidemment, vous prônez plus d'accessibilité à l'assurance-emploi. Vous avez fait état des surplus et on sait que ceux-ci sont très élevés. On parle de 46 milliards de dollars. Plusieurs intervenants, y compris mon parti , demandent que la caisse d'assurance-emploi soit autonome, gérée par les travailleurs, les cotisants et les entreprises.
Vous êtes-vous penché sur les points suivants: premièrement, que l'assurance-emploi devienne une caisse autonome gérée, comme je l'ai mentionné, par les travailleurs et les employeurs; deuxièmement, que le gouvernement rembourse les surplus de la caisse d'assurance-emploi aux travailleurs et que cela serve à leur bénéfice; troisièmement, que les personnes qui gèrent la caisse d'assurance-emploi décident des priorités et accordent une plus grande accessibilité aux prestations?
 (1225)
[Traduction]
Mme Laurel Rothman: Merci.
Je dois d'abord vous dire que nous n'avons pas fait d'examen officiel des politiques ni formulé de recommandations particulières sur qui devrait diriger l'assurance-emploi. Il est certain que ça devrait se faire en partenariat avec les travailleurs et le secteur bénévole. Nous sommes d'avis que l'assurance-emploi devrait être administrée de façon à interpréter l'esprit de la loi dans son sens le plus large et de contribuer à la formation et au perfectionnement des chômeurs. Mais nous n'avons pas de proposition précise à faire sur qui devrait diriger ce régime.
En ce qui concerne l'excédent de la caisse d'assurance-emploi, il y a aussi la question beaucoup plus vaste de savoir d'où provient cet excédent. Je crois pouvoir dire que nous souhaitons que l'on examine très attentivement ce que fait le Canada pour aider ceux qui tentent d'intégrer ou de réintégrer la population active et qui sont en chômage pour diverses raisons, car il est évident que le marché du travail, à lui seul, ne permet plus d'éviter la pauvreté.
[Français]
M. Robert Bouchard: Merci.
Ma deuxième question s'adresse à la Fédération de l'habitation coopérative du Canada.
Vous dites qu'on devrait avoir immédiatement 25 000 logements annuels. Vous avez parlé brièvement de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Évidemment, vous savez que celle-ci a un surplus imposant d'environ 4 milliards de dollars. J'ai même entendu un chiffre plus élevé. Pensez-vous qu'une partie importante de ce surplus devrait être utilisée immédiatement pour mettre en chantier plusieurs logements abordables? Au lieu d'avoir cela plus tard, on pourrait avoir quelque chose qui serait enclenchée rapidement étant donné que la SCHL a un surplus important de 4 milliards de dollars?
[Traduction]
M. Christopher Wilson (agent supérieur des relations publiques, Fédération de l'habitation coopérative du Canada): Nous sommes tout à fait pour le réinvestissement des excédents de la SCHL dans la construction de logements abordables. On vous fera valoir que, selon des études actuarielles, ces excédents sont nécessaires pour assurer la sécurité des hypothèques au pays. Nous estimons toutefois qu'on pèche par excès de prudence. Rien ne justifie l'accumulation de tels excédents par la SCHL. Nous rappelons à la SCHL que sa mission est de fournir des logements abordables aux Canadiens et nous sommes entièrement d'accord pour que ces sommes servent dès maintenant à la réalisation de programmes de logements abordables.
 (1230)
Le président: Merci, monsieur Bouchard.
Je demanderai aux témoins de bien vouloir rester encore 15 minutes car nous accusons un léger retard.
Je cède maintenant la parole à Mme Boivin, qui sera suivie de Mme Wasylycia-Leis et de Mme Minna.
[Français]
Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Merci, monsieur le président.
Encore une fois, merci d'être ici avec nous aujourd'hui. En fait, je m'incline devant tout le travail que vous accomplissez, tous et chacun de vos organismes. C'est une des raisons pour lesquelles plusieurs d'entre nous sommes en politique. On partage beaucoup de vos points de vue au plan communautaire. Je me promène dans beaucoup de coins de mon comté, le comté de Gatineau, en Outaouais, où Centraide est extrêmement actif et performant. Ce que je dis souvent aux organismes communautaires que je rencontre et aux gens qui y travaillent c'est: « Si on ne vous avait pas, le Canada serait littéralement en faillite, et probablement beaucoup d'autres pays dans le monde ». Je vous dis bravo. Vous êtes souvent ceux qui sont obligés de travailler le plus pour obtenir le petit financement qui vous permet de donner tellement de services à la communauté. Je tenais à dire publiquement combien j'admire tout le travail accompli, que ce soit en matière d'habitation, de nos professeurs, au plan de nos enfants et ainsi de suite. En 2005, il est indécent qu'on ait un pays où il y a encore beaucoup trop de pauvreté au niveau des enfants, des femmes, etc.
Mon premier dossier, monsieur Staples, quand je suis arrivée au Parlement l'année dernière a été— malgré moi, jusqu'à un certain point — le bouclier antimissile. Je suis très contente du résultat qui est ressorti de cette bataille. Cela étant dit, ma deuxième bataille est la suivante.
[Traduction]
J'ai oublié le nom de l'autre dame qui était ici, mais elle, Nancy et Bonnie ont parlé de l'analyse sexospécifique et de budget tenant compte des différences entre les sexes.
J'espère que ma lutte pour l'établissement de budgets tenant compte des différences entre les sexes ne durera pas trop longtemps. J'espère qu'elle sera aussi brève que celle que j'ai menée contre le bouclier antimissiles, mais j'en doute, car, pour une raison ou pour une autre, les enjeux des femmes sont rarement à l'avant-plan. C'est comme si ces questions n'avaient rien à voir avec la productivité, ce que je refuse de reconnaître.
[Français]
Une des questions que j'aimerais vous poser, Bonnie et Nancy, porte justement sur le gender budgeting.
Je sais que beaucoup de travail a été accompli par votre coalition pour montrer ce qui a mal été au cours des dix dernières années.
Compte tenu d'une situation financière précise, on pourrait s'obstiner jusqu'à la mort sur les raisons pour lesquelles tout a semblé plus serré dans les dix dernières années, Je pense qu'il était quand même nécessaire qu'on resserre les cordons de la bourse pour certaines choses, mais on les resserre souvent au détriment de certains groupes plus démunis qu'on n'aurait peut-être pas intérêt à étrangler autant.
On fait de grosses demandes au ministre des Finances. Il a pris des engagements et il aura besoin de beaucoup d'aide pour s'assurer de livrer la marchandise. Êtes-vous en mesure d'évaluer ce que ce serait d'avoir un vrai budget sur un certain nombre d'éléments?
[Traduction]
Combien d'argent faudrait-il pour avoir un budget qui fasse la promotion de l'égalité entre les sexes? Avez-vous évalué ce qu'il faudrait pour assurer l'égalité financière entre les hommes et les femmes au Canada? Cela m'intéresse.
Comme nous l'avons dit, en matière d'infrastructure, où il y a un énorme déficit de 60 milliards de dollars, peut-être qu'on pourrait chaque année affecter une somme qui servirait à combler ce déficit et peut-être qu'on pourrait en faire autant pour les problèmes particuliers aux femmes.
Voici ma deuxième question.
[Français]
Elle s'adresse aux représentants Fédération de l'habitation coopérative du Canada.
Monsieur Daoust, vous avez dit que le ministre Fontana avait réglé un problème sans préciser lequel, et vous avez ajouté qu'il en reste un à régler. Il serait intéressant de savoir lequel. En effet,en matière d'habitation, je sais que nous avons un ministre extrêmement actif dans le milieu et extrêmement ouvert. Ainsi, c'est le bon moment de savoir exactement ce que vous recherchez, afin d'être en mesure de lui parler directement, parce que j'ai eu l'occasion de lui parler régulièrement.
Ce serait mes deux questions.
[Traduction]
Le président: Madame Peckford, vous avez la parole.
Mme Nancy Peckford: À notre avis, le ministère des Finances est loin de pouvoir même imaginer un budget véritablement égalitaire. Il en est très loin. Au sein même du ministère, je ne crois pas qu'on dispose des connaissances spécialisées grâce auxquelles on pourrait élaborer un budget qui profiterait vraiment et de façon fondamentale aux hommes comme aux femmes.
Toutefois, nous affirmons depuis bien des années qu'il faut commencer par aider les femmes les plus pauvres au Canada. À cet égard, il y a deux ou trois situations très graves.
L'assurance-emploi n'est pas accessible pour les femmes pauvres qui travaillent à contrat ou à temps partiel, qui assument des responsabilités d'aidants naturels et qui ne pourraient pas avoir accès au programme même si elles y cotisaient. Seulement 31 p. 100 des femmes ont droit à l'assurance-emploi, ce qui exclut toutes les femmes se trouvant dans toute une gamme de circonstances d'emploi différentes.
Par ailleurs, la récupération de la prestation nationale pour enfants est déplorable. C'est très décourageant de savoir que les provinces récupèrent l'argent que le gouvernement fédéral a versé pour aider les femmes en difficulté, les femmes qui ont des enfants et qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. L'accord qui a été négocié et qui permet aux provinces et territoires de récupérer cet argent sans avoir à le verser au soutien du revenu est absolument inacceptable.
Le gouvernement fédéral a des pouvoirs fiscaux dont ne disposent pas les provinces et territoires. Il peut déployer des ressources pour aider les familles pauvres, mais il ne peut dire aux provinces de ne pas verser directement cet argent à la famille X. Cela n'a aucun sens. Je crois qu'à l'origine, le gouvernement fédéral avait de bonnes intentions mais que pour obtenir un accord avec les provinces et les territoires, il a fait des compromis dont les femmes les plus pauvres au Canada paient le prix.
Nous préconisons donc l'établissement d'un cadre qui tiendrait compte de la réalité quotidienne des Canadiens et Canadiennes les plus pauvres comme point de départ à une série de mesures.
 (1235)
M. Christopher Wilson: René a fait allusion au fait qu'il y a actuellement une grave pénurie de subventions pour les personnes à faible revenu vivant dans une coopérative d'habitation ou une autre forme de logement à but non lucratif. Ce problème est attribuable à un défaut de conception du principal programme de coopératives et de la formule de subvention. Le problème a été corrigé pour environ 20 p. 100 des coopératives et nous demandons au ministre de corriger la situation des autres 80 p. 100.
Mais il y a un autre problème plus important qui découle d'une décision prise il y a 20 ans. Depuis qu'elles ont perdu leur subvention, les coopératives d'habitation ont environ 10 000 unités de moins à offrir aux Canadiens à faible revenu qu'il y a deux décennies. Aujourd'hui, nous vous disons qu'on pourrait, de façon très économique, augmenter à court terme le nombre de logements abordables disponibles en versant à nouveau ces subventions, pour que les coopératives disposées à offrir des logements sûrs et abordables aux personnes à faible revenu puissent le faire. Cela permettrait de maximiser le potentiel d'une ressource qui existe déjà sans qu'il soit nécessaire de construire une seule unité de logements. Pour environ 30 millions de dollars par année, on créerait 10 000 logements abordables de plus pour les personnes à très faible revenu du pays.
Le président: Merci, madame Boivin.
Je cède maintenant la parole à Mme Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Merci.
J'aimerais revenir à ce que disait Françoise sur l'établissement d'un budget tenant compte des différences entre les sexes. Ce qui m'apparaît encore plus regrettable que de ne pas l'avoir fait c'est que vous semblez nous dire que notre gouvernement prétend établir un budget sexospécifique alors que tel n'est pas le cas. Cela, c'est mal, c'est un mensonge.
D'après ce que je sais, ce que vous dites est vrai. Si ma mémoire est bonne, nous avons demandé l'an dernier aux représentants du ministère des Finances les résultats de ses politiques et pratiques sexospécifiques, mais le ministère n'avait aucun rapport à nous remettre. Il nous a répondu que d'autres ministères s'en occupaient et qu'il se contentait de compiler les résultats. Je sais que l'an dernier, le comité parlementaire sur la condition féminine a exercé des pressions sur le ministère des Finances à ce sujet.
Comment diable notre ministre des Finances et le gouvernement peuvent-ils se prétendre des chefs de file en matière d'analyse sexospécifique alors qu'ils n'ont encore rien fait à ce chapitre? Cette question n'appelle pas de réponse, mais ai-je tort ou avez-vous des preuves de ce qu'avance le gouvernement?
Mme Nancy Peckford: Bien des femmes au Parlement peuvent se féliciter de ce que le ministre Goodale s'est enfin engagé à la Chambre des communes à se préoccuper réellement du type d'analyse qui s'appliquera au budget futur en ce qui concerne les femmes.
Le problème, c'est que le gouvernement fédéral a adopté en 1995 une stratégie d'analyse comparative entre les sexes, mais que cette stratégie était appliquée de façon optionnelle; certains ministères l'appliquaient, d'autres pas, d'autres encore s'en fichaient complètement. Le ministère des Finances faisait partie de ces derniers. Il a fallu attendre que le comité parlementaire demande directement, l'an dernier, au ministère des Finances ce qu'il faisait dans le domaine de l'analyse comparative entre les sexes pour que l'on puisse voir qu'il n'y avait en fait aucune méthode ou compétence à l'interne dans ce domaine et qu'il se fondait sur les analyses comparatives entre les sexes présentées par les différents ministères au sujet de leurs propositions de financement ou de réduction, selon le cas.
Nous estimons que ce n'est pas suffisant et que ce n'est pas une façon sensible à l'égalité des sexes de préparer les budgets. Il faut un cadre économique qui tient compte de la façon dont les femmes interagissent avec l'économie et de leurs besoins. D'après nous, même si chaque ministère présentait au ministère des Finances une analyse comparative entre les sexes très bien préparée et rigoureuse, ce ne serait pas suffisant, car pour avoir un budget qui soit vraiment sensible à l'égalité entre les sexes, il faut évaluer le cadre économique, et peut-être même le modifier, afin de pouvoir inclure les femmes dans toute leur diversité et dans tous les aspect de leur vie. Je suis sûre que les gens de votre comité peuvent le comprendre.
Ce qui est malheureux, c'est que le ministère des Finances ne semble pas le comprendre. Dans ce ministère, on semble croire qu'il suffit d'appliquer les analyses qui accompagnent diverses positions. J'estime que le ministère se fait des illusions. Il faut être profondément débranchés de la réalité pour aller se vanter sur la scène internationale d'avoir les budgets les plus sensibles à l'égalité entre les sexes.
Je sais que les femmes qui travaillent au Parlement ont déployé de grands efforts pour rétablir les faits, mais nous ne pouvons nous contenter d'un budget sensible à l'égalité entre les sexes à moins qu'il y ait également au sein du ministère des Finances une méthode rigoureuse qui permette d'examiner de façon approfondie la réalité économique des femmes et à moins que le ministère ait recours aux compétences que les organisations féminines de tout le pays ont acquises depuis des années. C'est le seuil que nous fixons, rien de moins n'est acceptable.
 (1240)
Mme Judy Wasylycia-Leis: Permettez-moi d'ajouter qu'il est dommage que nous n'ayons pas fait plus de progrès dans ce dossier, car s'il est un domaine dans lequel il faudrait des budgets sensibles à l'égalité entre les sexes, c'est bien celui de la productivité. À mon avis, la meilleure explication du recul du Canada dans le domaine de la productivité, c'est le manque de valeur qu'on accorde au rôle des femmes sur le marché du travail. À cet égard, il aurait été utile que notre comité des finances organise un groupe d'étude sur les préoccupations des femmes, car elles sont très importantes dans ce dossier. Nous devons continuer de le réclamer, peut-être pour l'an prochain.
J'aimerais savoir ce qu'il en est de la participation des femmes dans la main d'oeuvre active. Que perdons-nous parce que les femmes ne sont pas payées autant que les hommes, parce qu'elles sont encore aux prises avec le harcèlement sexuel, parce qu'elles doivent s'inquiéter de savoir si leurs enfants reçoivent des soins suffisants en garderie, parce qu'elles doivent vivre dans le stress de concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales et parce qu'elles sont confinées à un ghetto? Qu'en est-il de la productivité que perd le pays parce qu'on n'accorde pas de valeur au travail des femmes et parce qu'on n'applique pas le principe de l'égalité?
Je sais que c'est une question difficile, mais si vous avez des réponses à ce sujet...
Mme Bonnie Diamond (représentante, Coalition pour l'égalité des femmes): En fait, Judy, je n'ai pas les statistiques sous les yeux, mais elles existent. Je sais où je peux les trouver et je les ferai parvenir au comité.
Mme Nancy Peckford: Il y a entre autres les faits que les femmes gagnent beaucoup moins d'argent que les hommes. Leur interaction avec l'économie ne leur permet pas d'accumuler les mêmes revenus. C'est très clair — la différence est de 10 000 $. Le revenu moyen d'un homme qui travaille à plein temps est de 42 000 $, comparativement à 32 000 $ pour une femme. Je peux le vérifier, mais l'écart est de 10 000 $. Cela montre que les femmes ne participent pas à l'économie de la même façon. Il existe une foule de raisons pour cela. Les facteurs que vous avez mentionnés sont très importants.
Nous avons soumis au comité des finances qu'il serait essentiel de discuter plus longuement de ces réalités. Nous essayons maintenant d'organiser une réunion avec le ministre des Finances afin que nos experts puissent y participer et qu'ils aient plus de temps pour discuter avec le ministre et certains de ses hauts fonctionnaires. Nous savons que nous avons l'appui du caucus libéral des femmes, du caucus des femmes du NPD et d'autres également. Mais il faudra que nous tenions ces discussions bientôt, car à notre avis — puisque nous avons un huitième excédent de plusieurs milliards — la conjoncture économique du Canada est si solide qu'il n'existe aucune raison de ne pas aller de l'avant. Nous estimons que c'est maintenant qu'il faut agir. Nous avons fait certains progrès, mais il faut consolider.
 (1245)
Le président: Merci, madame Peckford.
Il nous reste un député.
Merci, madame Wasylycia-Leis.
Madame Minna.
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.
Pour conclure dans la même veine, nous aimerions bien recevoir les documents que vous avez mentionnés sur la productivité. Cela nous sera utile dans la rédaction de notre rapport pour formuler nos recommandations. Nous avons fait beaucoup d'efforts dans ce domaine, mes collègues et moi, ainsi que bien d'autres, comme vous le savez peut-être. Nous voulons faire des progrès réels et essentiels.
Certains organismes, dont l'ACDI, font d'assez bonnes analyses comparatives entre les sexes. Lorsque j'y étais, on tenait compte de l'égalité entre les sexes dans tous les projets. Nous devrions peut-être nous en servir comme exemple — je ne dis pas qu'il faille en faire une copie conforme... mais nous pourrions nous en servir pour aller plus loin.
Vous avez parlé entre autres de l'analyse comparative entre les sexes et aussi du budget de Condition féminine Canada. Je vais de nouveau exercer des pressions pour que nous recommandions une augmentation de ce budget. Je signale au président que c'est l'un des sujets auxquels je m'attacherai. J'ai toute une liste de recommandations que je souhaite faire et pour lesquelles je demanderai l'appui du comité. Il est dommage que les députés de l'opposition officielle ne soient pas ici pour entendre ce que je vais proposer, mais enfin. Il y a bien sûr la question de l'équité salariale qui devrait être réglée une fois pour toutes.
Je ne vais pas poser de questions. Je me contenterai de dire que j'aimerais bien avoir les renseignements dont vous disposez. De ce côté-ci, aucun de nos collègues s'oppose à ce que vous avez dit. Il s'agit maintenant de voir comment nous pouvons régler ces questions une fois pour toutes.
Je veux m'adresser à Laurel. Je suis très heureuse de voir que la prestation pour enfants a aidé à maintenir les familles et les enfants hors de la pauvreté, et c'est un fait que cet avantage est perdu par la récupération. Je peux vous dire quand les huit députés qui ont lancé ce programme — je suis fière de dire que j'étais l'une des marraines, des mères, quel que soit le terme que l'on veuille utiliser, de ce programme lorsqu'il a été mis sur pied — ont travaillé d'arrache-pied pendant environ un an. Nous avons fini par réussir. La récupération n'a jamais fait partie de nos intentions et c'est un problème qu'il faut régler. Il faut l'abolir.
Si je n'accomplissais rien d'autre au cours de mon séjour au Parlement, je continuerais néanmoins d'être fière de cette mesure.
J'ai une question au sujet des 4 900 $. S'agira-t-il d'une augmentation immédiate? Avez-vous fait les calculs? C'est important.
Mme Laurel Rothman: Nous avons pris les chiffres qui se trouvaient dans un document que nous avons rédigé en 2004 et que vous n'avez pas. Je vous le ferai parvenir sans faute. À la suite des deux autres versements de la prestation fiscale pour enfants, les chiffres doivent être nuancés de nouveau. Je crois comprendre que d'après les chiffres non officiels du ministère du Développement social, il faudrait de sept à huit milliards de dollars pour pouvoir porter la prestation à 4 900 $. Nous comprenons qu'il faudra procéder par étape. À notre avis, cela pourrait se faire sur une période de trois à cinq ans.
Ce qui nous préoccupe en ce moment, c'est que le gouvernement s'est engagé à porter cette prestation à environ 3 200 $ pour l'exercice 2006-2007. On ne prévoit pas augmenter la prestation par la suite. Pourtant, nous avons de l'argent pour la péréquation et pour la santé. Il faut aussi répondre aux autres besoins.
L'hon. Maria Minna: J'en conviens. Il faudra s'en occuper dans le prochain budget. C'est une des lacunes que nous essaierons de corriger, alors je voulais...
Il ne nous reste plus de temps — et par surcroît, je suis la dernière à intervenir —, mais j'aimerais en terminant féliciter Centraide pour son excellent travail. Et particulièrement celui ou celle qui a eu l'idée du numéro 211. C'est tout à fait génial.
Vous avez évoqué le fait que l'on permet à des organismes à but lucratif d'intervenir dans des domaines jusque-là réservés aux organismes sans but lucratif. Comme vous le savez, je me bats contre cela depuis le début, bien avant l'existence des appels de propositions. Nous essayons encore de trouver une solution et je collabore étroitement avec les organismes de Toronto et d'ailleurs pour faire en sorte que de tels incidents ne se reproduisent plus jamais.
J'espère que les relations qui sont en voie de s'établir entre le secteur bénévole et le ministère — au moins ce ministère-là — seront durables et éviteront de nouveaux incidents de ce genre. Cependant, je dois dire en toute honnêteté qu'il faudra beaucoup de volonté politique pour éviter de tels incidents dans l'avenir. Il faudra aussi que d'autres ministères abandonnent leur approche compartimentée pour participer à la collectivité. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous.
J'aimerais poser une dernière question aux représentants de Polaris. Dans votre rapport, vous parlez de beaucoup de questions relatives à la défense. Avez-vous d'autres documents, outre le rapport que vous nous avez remis aujourd'hui?
Je fais partie des personnes qui estiment que nous consacrons beaucoup trop d'argent à la défense. Je ne savais pas que nous ne nous acquittions pas de nos engagements envers l'ONU. Nous avons toujours été très fiers, entre autres, du rôle que nous jouons dans le maintien de la paix.
Je suis favorable à ce que vous dites dans votre mémoire. Dans l'avenir, n'hésitez pas à m'envoyer des documents qui vous semblent utiles. Je préside le comité de la politique sociale du caucus libéral, de même que le Réseau parlementaire pour le désarmement nucléaire, qui s'occupe de la non-prolifération des armes nucléaires. Je crois que ces questions sont inextricablement liées. Voilà pourquoi nous nous sommes beaucoup occupés, au sein du caucus des femmes, mais aussi dans ce comité-là et dans le reste du caucus de la question de la défense antimissiles. Si vous découvrez des renseignements qui pourraient étayer notre position, je vous saurais gré de communiquer avec moi. Cela me sera très utile.
Je suis d'accord avec les autres témoins en ce qui concerne les coopératives. Monsieur Wilson, je suis très au courant de la question de l'article 95. J'ai rencontré des représentants du mouvement coopératif à ce sujet et je suis d'accord avec vous. J'ai l'intention d'aborder cette question avec le ministre car je crois qu'il faut absolument régler ce problème. En plus de changer la structure, nous devons aussi nous pencher sur la question des vieux logements, parce qu'il y a des gens qui ne peuvent y emménager. On a les unités de logement, mais on ne peut permettre aux gens de les habiter. C'est ignoble.
Je n'ai pas de critique à vous adresser, car je suis d'accord avec vous. Il faut savoir que les membres de notre comité s'entendent sur beaucoup de questions et également sur l'orientation à suivre.
Servez-vous de nous. C'est comme cela qu'on a pu obtenir la prestation fiscale pour enfants. Nous avons collaboré étroitement avec les organismes de l'extérieur et également avec les gens de l'intérieur, en partenariat. Cela a donné d'excellents résultats en ce qui concerne les services de garde. Évidemment, je veux également qu'on augmente les fonds consacrés aux services de garde, parce qu'un milliard de dollars par année, c'est insuffisant. Il faut augmenter le financement, et nous y tenons. Dans notre comité, nous sommes du même avis sur bien des questions.
Merci d'être venus.
 (1250)
Le président: Merci, madame Minna.
Sur cela, bien que Mme Minna ait bien exprimé les sentiments des membres du comité, je tiens personnellement à remercier encore une fois tous nos témoins. Je m'excuse d'avoir dépassé le temps prévu.
C'est tout.
La coalition des femmes... Madame Peckford, allez-vous nous remettre un mémoire? Très bien. Veuillez le remettre à nos greffiers.
Merci.
La séance est levée.