:
Il y a consensus alors?
Des voix: Oui.
Le président: Il est ensuite proposé que le comité examine à une date ultérieure le cinquième rapport du Sous-comité des droits internationaux de la personne concernant l'Iran. C'est donc dire que le sous-comité nous a remis ce rapport, qu'il y a consensus, et que le comité va poursuivre son étude du quatrième rapport du Sous-comité des droits internationaux de la personne concernant les droits de la personne en Chine lorsqu'il aura fini d'examiner le rapport du comité sur le développement démocratique.
Est-ce que tout le monde s'entend là-dessus?
Des voix: Oui.
Le président: Adopté.
Il y a deux motions qui figuraient à l'ordre du jour de notre séance d'aujourd'hui. Comme les deux personnes qui les présentent ne sont pas ici, il nous faudra le consentement unanime pour les examiner. Je crois comprendre que nous ne l'aurons peut-être pas. Dans ce cas, nous allons attendre que Mme McDonough et M. Goldring soient ici pour présenter leur motion. La motion de M. Goldring figure avant celle de Mme McDonough.
Y a-t-il consentement unanime pour examiner la question en l'absence de Mme McDonough?
Une voix: Non.
Le président: Comme il n'y a pas consentement unanime, nous allons attendre que Mme McDonough soit ici. Je sais aussi qu'on voulait proposer des amendements à la motion et que M. Dewar était prêt à en discuter. Je tiens à préciser qu'il était disposé à en parler, mais nous allons attendre.
Voilà pour ce qui est de nos travaux.
C'est aujourd'hui, jeudi 30 mai, la 60e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. C'est une réunion spéciale. En effet, notre comité, qui a terminé une étude sur Haïti, revient aujourd'hui sur cette question. Nos témoins vont nous communiquer des informations très récentes sur la situation dans ce pays.
Nous accueillons des représentants des Nations Unies : M. Boucher, qui est l'ambassadeur du Canada à Haïti; Andrew Grene, adjoint spécial; et Edmond Mulet, représentant spécial et chef de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti, la MINUSTAH.
Nous sommes très heureux de pouvoir vous recevoir tous les trois aujourd'hui. Je peux dire que l'étude que nous avons effectuée sur ce pays nous en a énormément appris à tous, et que ce qui se passe là-bas nous préoccupe et nous touche beaucoup.
Nous allons vous laisser faire le point sur la question et nous aimerions, si vous le voulez bien, vous poser des questions.
Encore bienvenue, et nous sommes impatients de vous entendre.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Monsieur le président, je suis très honoré de comparaître devant cette distinguée commission.
[Traduction]
Je me trouve privilégié de rencontrer les représentants d'un pays aussi réputé pour son engagement et son travail en faveur du maintien de la paix. Je suis particulièrement heureux de rencontrer des législateurs, ayant moi-même été parlementaire dans mon pays, le Guatemala. C'est un plaisir pour moi, comme chef de la MINUSTAH, de reconnaître la contribution remarquable du Canada en Haïti.
Votre pays a aidé de façon importante à stabiliser la situation en Haïti en 2004 grâce à sa participation à la force multinationale intérimaire, et les Canadiens jouent un rôle tout aussi crucial actuellement à cet égard. Les Casques bleus canadiens et nos composantes militaire et policière ont fait preuve d'un dévouement, d'un courage et d'un professionnalisme exemplaires. Je pense, entre autres, au sous-commissaire de police en poste, Colin Farquhar, et au chef d'état-major, le colonel Tom Tarrant, qui ont tous les deux accompli un travail remarquable au sein de la mission, comme l'ont fait de nombreux anciens agents supérieurs du Canada.
En plus d'être un pays donateur de premier plan, le Canada a soutenu de façon extraordinairement généreuse le travail à long terme de reconstruction des institutions, qui est indispensable pour que les efforts de stabilisation soient durables. Les Canadiens ont aussi partagé des connaissances et un savoir-faire inestimables, et je crois comprendre notamment que des parlementaires vont accueillir leurs homologues haïtiens au début du mois prochain.
L'engagement aux multiples facettes du Canada confirme son attachement à Haïti et sa détermination à lui venir en aide. Il dénote également votre intérêt soutenu pour le multilatéralisme et le maintien de la paix des Nations Unies. Au nom des Nations Unies, j'aimerais vous transmettre notre profonde gratitude.
Monsieur le président, il serait peut-être utile de commencer notre discussion d'aujourd'hui en faisant brièvement le point sur les événements récents survenus en Haïti et en donnant une idée générale de ce que nous entrevoyons pour l'avenir. Aujourd'hui, en travaillant en étroite collaboration avec les dirigeants haïtiens, la MINUSTAH fait des progrès importants en vue d'aider Haïti à surmonter la crise et à instaurer une stabilité durable, mais il nous reste encore beaucoup à faire. Il est crucial de maintenir le cap.
Conformément à l'approche polyvalente appuyée par votre comité dans son très sérieux et intéressant rapport sur Haïti, notre mandat pour soutenir la société haïtienne a quatre objectifs : renforcer la gouvernance et le consensus politiques, maintenir la sécurité et la stabilité, consolider les institutions liées à l'ordre public, et développer le tissu social et économique. Il est crucial de réaliser des progrès dans tous ces domaines qui sont tous liés et interdépendants.
J'aimerais exposer certains des grands défis auxquels nous sommes confrontés dans chaque cas et la façon dont nous pensons pouvoir les relever. L'établissement d'un consensus politique est essentiel pour assurer la stabilité en Haïti. Des progrès importants ont été réalisés dans ce domaine depuis 12 mois. Le président René Préval a commencé à exercer un leadership, au niveau national et local, qui reçoit un appui sans précédent de tous les éléments du spectre politique. Les mesures annoncées récemment par le président Préval pour lutter contre la corruption montrent qu'il est déterminé à maintenir la confiance de ses électeurs.
Il faut dire que le nouveau consensus est fragile et, pour survivre, il doit venir à bout de la dépolarisation, des divisions socioéconomiques, des changements d'alliances et des jeux de pouvoir qui sont des aspects endémiques de la politique haïtienne. On a pu constater l'effet de ces forces à la fin de l'an dernier et au début de cette année quand on a essayé de forcer le premier ministre Jacques-Edouard Alexis ou les membres de son cabinet à démissionner. Ces tentatives ont été déjouées grâce au dialogue constructif engagé par le président Préval avec les parlementaires, mais un revirement est toujours possible en raison des pressions politiques qui sont maintenant exercées sur le ministre de la Justice.
Le choix des dirigeants nationaux est évidemment une question de nature nationale. Cependant, le changement subit de l'équipe dirigeante pourrait faire retarder les réformes et compromettre l'implantation d'un nouveau modèle de coopération et de compromis politiques. Dans ce contexte, la MINUSTAH et la communauté internationale dans son ensemble ont un rôle important à jouer pour favoriser le dialogue et la compréhension. Les parlementaires d'ailleurs dans le monde pourraient aider leurs homologues haïtiens à jouer un rôle constructif dans un moment décisif de l'histoire de leur pays.
Pour soutenir le processus démocratique du pays, la communauté internationale devra aider à organiser la tenue d'élections d'autres sénateurs l'automne prochain, conformément à la Constitution. Il faudra une aide financière additionnelle dans un domaine où le Canada a déjà été très généreux. De plus, il sera important de former des organes électoraux permanents, ce pourquoi l'organisation des États américains aura aussi un rôle capital à jouer.
En même temps, il faut favoriser le développement d'une capacité de gouvernance aux niveaux national et local. La MINUSTAH fournit des conseils à différents ministères sur la décentralisation et l'administration locale, les services publics, la fonction publique et le financement local. La Mission veut aussi aider le service des douanes à assurer un travail plus efficace, responsable, intègre et sécuritaire. Cependant, des progrès réels sont tributaires d'un soutien bilatéral soutenu, y compris dans les domaines de la formation et de l'infrastructure. Encore ici, nous aimerions avoir l'appui du Canada.
Concernant le maintien de la sécurité et de la stabilité, la sécurité s'est beaucoup améliorée depuis quelques mois. Les problèmes dans ce domaine ont fait l'objet de nombreux reportages sur Haïti au cours des trois dernières années. Cependant, il était indispensable d'avoir le soutien et l'adhésion pleine et entière des autorités politiques d'Haïti pour faire avancer les choses. On ne pouvait à peu près rien faire avant qu'un gouvernement national légitime et crédible ne soit en place et approuve publiquement cette démarche. C'est ce qui a pu se produire en décembre dernier; en effet, après l'échec des efforts tenaces déployés pour entreprendre des négociations pacifiques, le président Préval nous a donné le feu vert. Il est alors devenu possible d'intervenir pour démanteler les gangs armés qui détenaient effectivement en otage des quartiers de Port-au-Prince et faisaient régner la peur dans la capitale et le pays.
Environ 700 membres de gangs ont été arrêtés au cours des trois derniers mois. Un certain nombre de leurs dirigeants ont été incarcérés. Des quartiers qui étaient jusqu'ici interdits, comme Cité Soleil et Martissant, sont maintenant accessibles à l'État. Il s'agit là de progrès importants non seulement parce que cette opération limite la capacité des gangs de s'attaquer aux forces de sécurité, mais aussi parce qu'elle a un effet positif sur la population qui accorde sa confiance au processus de transition en cours.
Cependant, il faut comprendre qu'une bataille s'engage pour la sécurité en Haïti. La guerre pour une stabilité définitive a à peine commencé. Même si le gouvernement a repris le contrôle des quelques kilomètres carrés de Cité Soleil, les structures nationales de sécurité sont encore inexistantes ou inefficaces sur la plupart du territoire, et ce vide risque d'être comblé par des forces déstabilisatrices ou non officielles. La zone le long de la frontière terrestre et maritime n'est pas surveillée et peut être franchie par des trafiquants d'armes et de drogue susceptibles d'accroître l'instabilité. L'incapacité de l'État de gérer ses frontières met aussi en péril la capacité du gouvernement de générer ses propres recettes, ce qui représente une menace à long terme importante pour la stabilité.
De plus, une recrudescence de la violence dans le pays est toujours fort possible. On retrouve parmi les pauvres et les chômeurs d'Haïti, qui sont nombreux, d'anciens membres de gangs qui ont facilement accès à des armes et dont les autres perspectives d'avenir sont minces. Des acteurs influents peuvent vouloir recruter ces éléments perturbateurs pour des raisons à la fois criminelles et politiques.
Il y a déjà des crimes violents qui sont survenus dans des quartiers de Port-au-Prince et d'autres régions du pays qui n'avaient pas été menacées avant. On nous a rappelé le mois dernier que la violence politique est possible quand le premier ministre et d'autres ministres se sont fait lancer des pierres par la foule aux Gonaïves, une ville qui a déjà déclenché des mouvements déstabilisateurs dans le pays.
Pour répondre à long terme à cette menace, il faut prévoir des mesures politiques et socioéconomiques, en plus de rendre Haïti capable d'assurer sa sécurité.
À court terme, il est essentiel de consolider les progrès accomplis jusqu'ici en continuant de combattre et de désamorcer la violence ainsi que d'accroître la sécurité dans le pays. Il est clair que, malgré les réformes en cours, dont je vais vous parler dans un moment, l'appareil de sécurité haïtien ne sera pas en mesure d'assumer d'autres fonctions pour l'instant. Il sera nécessaire d'assurer la présence d'une force de sécurité internationale importante et bien équipée pour l'année qui vient.
La MINUSTAH va présenter au Conseil de sécurité des Nations Unies des recommandations concrètes concernant les forces nécessaires à l'automne, après que nous aurons précisé davantage les tâches à remplir, compte tenu de la situation de la sécurité sur le terrain et des efforts supplémentaires que les intervenants bilatéraux seront en mesure de faire. Dans l'ensemble, il faudra maintenir le cap et veiller à ce que les États membres résistent à la tentation de réduire la capacité de la Mission d'une façon qui pourrait mettre en péril les gains réalisés jusqu'à maintenant.
L'aide internationale que le pays reçoit pour contenir les menaces immédiates à la sécurité et y réagir vont nous permettre de poursuivre nos efforts en vue de renforcer le système judiciaire du pays, ce qui est un aspect essentiel de toute stratégie de retrait des opérations de maintien de la paix.
Des progrès importants ont été faits pour consolider la Police nationale haïtienne, la PNH. Un processus d'inspection et d'accréditation a été entrepris. La Police nationale haïtienne, avec l'aide de la MINUSTAH, recrute et forme environ 1 300 nouveaux agents de police tous les 14 mois. Une direction de la circulation a été rétablie et fonctionne à Port-au-Prince, et on est en train de mettre sur pied les services des finances et du personnel de la police.
Par contre, il reste encore beaucoup à faire. La MINUSTAH et la communauté internationale doivent collaborer avec les autorités haïtiennes pour améliorer l'efficacité du service des enquêtes criminelles de façon à affermir l'autorité de la police nationale à tous les niveaux, ainsi qu'insuffler discipline et moralité, améliorer la surveillance et le respect des droits de la personne, entretenir de meilleures relations avec la population et gagner la confiance des citoyens.
Pour l'année qui vient, nous avons comme priorités de créer le poste d'inspecteur général en chef, de travailler à la création d'une nouvelle école de police ainsi que de réaménager et rééquiper les commissariats des départements. Dans ces domaines aussi, le Canada joue un rôle important et nous comptons encore sur votre soutien.
Pour ce qui est de la réforme du système judiciaire, les progrès sont un peu plus difficiles. Avec l'aide de la MINUSTAH, le ministre de la Justice a présenté trois projets de loi dont l'Assemblée législative est actuellement saisie en vue de renforcer l'indépendance des juges, ce qui est essentiel à la réforme du système judiciaire haïtien. Il serait utile encore ici d'encourager les parlementaires haïtiens à s'orienter résolument en ce sens.
De plus, le 27 mars, le président Préval a engagé le dialogue avec tous les secteurs intéressés à la réforme du système judiciaire. Une commission de suivi formée de 12 membres s'est réunie régulièrement depuis pour faire la synthèse de rapports précédents sur la réforme judiciaire, pour déterminer les blocages dans le système judiciaire et dresser une liste de mesures concrètes et urgentes. Ces mesures devraient aider à élaborer un nouveau plan stratégique global pour la réforme du système judiciaire, qui pourra être approuvé par tous les principaux intervenants.
Pour ce qui est du système pénitentiaire, les progrès sont aussi limités jusqu'ici. Le service correctionnel de la MINUSTAH, qui est dirigé par une Canadienne, Lisa Quirion, et qui réunit des experts canadiens, fournit des conseils et de l'aide aux agents correctionnels. Des mesures importantes ont été prises pour augmenter le nombre de places dans les prisons. Cependant, la situation actuelle reste inacceptable sur le plan de la sécurité et des droits de la personne.
Il est urgent que les autorités haïtiennes conviennent de former une commission sur la détention qui pourra accélérer la libération des détenus, au besoin. En même temps, la Mission aide les autorités haïtiennes à entreprendre des travaux de reconstruction et de modernisation pour augmenter le nombre de cellules et rénover des structures désuètes.
Le soutien des donateurs sera essentiel pour répondre aux besoins en matière d'infrastructure et de formation dans les secteurs judiciaire et pénitentiaire, besoins qui sont urgents. Le Canada est un intervenant actif et généreux dans le domaine et nous espérons qu'il continuera de l'être.
Notre quatrième objectif actuellement est le développement du tissu social et la relance de l'économie. Cet objectif est à la base de tous les autres. La collaboration politique, la sécurité et la viabilité des institutions sont tous des aspects qui vont en fin de compte reposer sur le redressement social et la reprise économique. Un véritable redémarrage de l'économie va exiger un engagement profond, qui dépasse de loin la capacité d'une opération de maintien de la paix, et qui va mobiliser les efforts combinés des organismes des Nations Unies, des contributions bilatérales et de l'entreprise privée.
Le soutien financier des donateurs va rester crucial pour maintenir le rythme et combler les lacunes afin d'accroître le revenu national et favoriser la gestion des dépenses publiques. L'établissement de programmes économiques en Haïti va permettre au pays de bénéficier d'un allègement irrévocable de sa dette. Il est aussi essentiel d'encourager et de favoriser l'engagement renouvelé de l'entreprise privée en Haïti.
Monsieur le président, tous les membres de la MINUSTAH sont encouragés par les progrès réalisés en vue d'assurer la stabilité en Haïti. Nous sommes satisfaits de l'excellente collaboration que nous obtenons des autorités nationales et du soutien généreux de la communauté internationale, dont le Canada, qui rendent tout cela possible. Mais ces progrès devraient être considérés comme l'occasion de redoubler nos efforts et non de baisser la garde prématurément ou de réduire notre engagement.
Nous avons de grands défis à relever pour favoriser le dialogue politique, maintenir la sécurité, construire des institutions et encourager le développement économique. Je suis convaincu qu'en travaillant en collaboration avec les organismes régionaux et la communauté internationale nous pourrons relever ces défis et aider le gouvernement et la population haïtienne à acquérir la stabilité qui leur est nécessaire et qu'ils méritent.
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Merci, monsieur Mulet, Excellence.
Depuis ma dernière visite, il y a eu de l'amélioration. À la suite de votre présentation de ce matin, il semble que cette amélioration soit surtout en matière de sécurité. Vous avez réussi à nettoyer Cité Soleil et cette région. Donc, Haïti, surtout Port-au-Prince, est un peu plus vivable, dans un certain sens. Cependant, il y a encore énormément d'enlèvements et autres.
[Français]
Vous nous avez parlé de bonne gouvernance, de sécurité, d'ordre public ainsi que des problèmes socioéconomiques.
Ma première question traite du fait que 90 p. 100 des parlementaires n'ont jamais siégé avant et que peut-être seulement cinq ou six sénateurs sur 30 ont de l'expérience parlementaire; ce sont tous des nouveaux venus, dans un sens.
L'Assemblée parlementaire de la Francophonie, que je dirige, a organisé des séminaires pour les femmes et pour les parlementaires. Les rapports sont difficiles parce que je ne suis pas encore certain que les parlementaires haïtiens comprennent le rôle d'un parlementaire. À cet égard, ils ont simplement adopté quelques lois. Je ne suis pas certain non plus qu'ils comprennent ce que veut dire l'imputabilité. Ils voulaient adopter une loi pour être bien certains de pouvoir dire tout ce qu'ils voulaient. Chez nous, si on peut dire n'importe à la Chambre des communes, à l'extérieur, on peut être poursuivis. Mais eux voulaient pouvoir le faire partout au pays, sans être poursuivis, sous prétexte qu'ils sont des parlementaires. Alors, on comprend très bien les difficultés.
Je vais parler des élections. Vous avez dit qu'il y aura des élections sénatoriales encore. Comme c'est le système français et que le Sénat est appelé à être renouvelé un tiers à la fois après un certain nombre d'années et que cela coûte énormément d'argent, y a-t-il possibilité d'amender la Constitution? En outre, faut faire deux tours, comme en France.
On sait que leur Constitution remonte à la création d'Haïti. Comme c'est encore le système français, qui remonte au Code de Napoléon, c'est très loin et archaïque. Par exemple, si une femme est violée, elle ne peut pas aller en cour parce qu'on n'accepte pas l'ADN, étant donné que cela n'existait pas, à l'époque de Napoléon. C'est aussi simple que cela.
Si on veut amender la Constitution, par quoi commence-t-on? Est-il possible de le faire? Je comprends que si on veut amender la Constitution, elle doit être acceptée par les deux tiers des deux chambres, puis par le Parlement suivant, et elle entrera en vigueur lors de la création du Parlement ultérieur. Cela peut donc prendre 10 ans pour faire une modification à la Constitution. C'est beaucoup plus difficile qu'au Canada, indirectement.
Les parlementaires sont-ils prêts? J'aimerais en savoir un peu plus à ce sujet.
On demande beaucoup d'argent à tous les pays donateurs, mais on va encore dépenser de l'argent pour des élections. À mon avis, on devrait mettre de l'argent là où on en a besoin, soit dans la population comme telle. Y a-t-il une entente entre les pays donateurs? Par exemple, le Canada a dit qu'il s'occuperait possiblement de construire un nouveau parlement. J'ai visité leur parlement et je ne sais pas s'il est deux fois plus grand de cette salle. Or, 100 personnes y délibèrent. Est-il possible pour les donateurs de s'entendre? Un pourrait s'occuper de la loi, un autre de la justice, un autre de la sécurité. J'aimerais savoir qui fait quoi parmi les pays donateurs pour aider l'Haïti à s'en sortir.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Merci beaucoup.
En effet, depuis votre dernière visite, la situation sécuritaire, à Port-au-Prince notamment, c'est beaucoup améliorée. Comme je l'ai dit dans ma présentation, nous avons arrêté plus de 700 membres de gangs depuis janvier. Les grands leaders des gangs sont en prison. Un seul manque, Amaral, mais c'est une question de jours seulement avant qu'on le retrouve. Tous les autres sont sous les verrous. Je ne parle pas seulement de Cité Soleil, mais aussi de Martissan, un autre quartier de Port-au-Prince qui était sous le joug et le contrôle des gangs. Il y a maintenant une présence permanente, et nous avons beaucoup de succès.
Maintenant, nous bougeons aussi dans d'autres départements. Aux Gonaïves, par exemple, j'ai déployé des troupes et des unités SWAT la semaine dernière parce que la situation était en train de se détériorer. Samedi dernier, on a arrêté le grand bandit des Gonaïves, Ti Will. Il y a même eu une manifestation devant le commissariat de police pour le relâcher. Alors, on a dû envoyer un hélicoptère et des troupes additionnelles pour le prendre et l'envoyer à Port-au-Prince, parce que la situation était assez compliquée.
Ça avance en ce qui a trait à la situation sécuritaire, mais c'est toujours très fragile. Les capacités de la police nationale d'Haïti vont encore prendre du temps à se développer. Les différentes promotions à l'Académie de police sont données seulement tous les sept mois. À la fin de juillet, on aura 647 nouveaux policiers dans les rues. C'est un processus qui va encore prendre du temps.
En arrivant, la responsabilité de la mission des Nations Unies était de stabiliser le pays parce qu'il était au bord de la guerre civile. Ensuite, c'était d'avoir sur place un gouvernement légitime, le produit d'élections démocratiques. C'est avec l'argent canadien et l'appui d'autres pays qu'on a pu organiser les élections. Il y a eu cinq élections l'année dernière, soit l'élection présidentielle, sénatoriale, législative premier tour, deuxième tour, les reruns et les répétitions. Il y a eu les élections municipales le 3 décembre et, il y a un mois, il y a eu encore des élections. Un cycle vient de se terminer et on doit encore avoir des élections en novembre.
Comme vous le dites bien, les élections vont renouveler un tiers du Sénat, qui est composé de 30 personnes. On doit élire en élection nationale, premier tour, deuxième tour, dix personnes au Sénat, et cela va coûter...
:
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être présents parmi nous. C'est un plaisir de vous revoir. J'apprécie énormément les efforts que vous faites pour Haïti, d'autant plus que je suis moi-même originaire de ce pays, plus précisément de l'Artibonite, donc de la région où prennent naissance toutes les révolutions. Cependant, malgré le fait que je vienne d'Haïti, j'ai quand même pris un très long recul, ayant moi-même été forcée de quitter le pays assez jeune.
Francine, tu connais peut-être davantage les questions qui touchent actuellement Haïti.
Il reste qu'on ne cesse jamais d'être Haïtien, forcément. C'est toujours avec émotion de même qu'avec beaucoup d'intérêt que je participe à des débats concernant Haïti dans le cadre de mes fonctions de députée.
Dans tout ce qui se dit, deux éléments, que vous avez abordés brièvement, semblent pratiquement absents de la donne actuelle. C'est du moins ce qu'il me semble, de l'extérieur. Il s'agit d'une part de la réconciliation nationale. M. Boucher y a fait allusion brièvement. D'après ce que je vois, on ne fait pas d'efforts en ce sens. Je sais bien que tout est à faire, mais il reste que dans ce tout, il y a la population haïtienne. Comme vous le savez, il y a des écarts énormes sur le plan économique, des dissensions et même de la haine entre les différentes factions. Considérant tout ce qu'on fait en Haïti, je suis un peu surprise de voir que cette dimension n'est pas prise en compte
Je pourrais parodier M. Bush — et je pense que ce serait la première fois —, qui parle de gagner les coeurs et les esprits. Pour ma part, je parlerais plutôt de réconcilier les coeurs et les esprits. À mon avis, cette idée n'est pas assez présente dans ce qu'on fait pour Haïti et avec les Haïtiens. Évidemment, tous ces efforts ne pourront être une réussite que si la population elle-même décide de s'impliquer. Actuellement, les gens sont un peu à l'écart — et je ne parle pas ici de ceux qui forment le gouvernement —, du fait que ce sont des Blancs qui agissent pour eux et que le gouvernement est inféodé. C'est comme s'ils ne voyaient pas, individuellement et collectivement, en quoi il est nécessaire que la population haïtienne s'implique. En ce sens, je pense qu'un genre de réconciliation nationale pourrait faire en sorte que dans le cadre des actions entreprises, tous les gens se mettent à agir en tant qu'acteurs essentiels plutôt que de récipiendaires.
Malheureusement, les Haïtiens sont devenus des mendiants au fil des ans. C'est ce qui arrive quand on ne peut pas prendre soin de soi-même. C'est particulièrement le cas au point de vue macroéconomique. Sur le plan personnel, il s'agit d'individus qui souffrent et qui attendent sans arrêt l'aide étrangère, et ce, à tous les niveaux.
Par ailleurs, il y a l'effacement de la dette. Selon la mentalité haïtienne, cette dette a énormément d'importance. On parle souvent de la dette actuelle, et je me rappelle que lors de la Marche mondiale des femmes, les femmes avaient dit n'avoir jamais signé quoi que ce soit et n'être responsables d'aucune dette. C'est dire à quel point elles sont loin de cette dimension.
Pour ce qui est de l'histoire d'Haïti, on oublie que ce pays a payé en or son indépendance. C'est un facteur qui a eu un effet tout à fait déterminant sur la situation actuelle. Cette dette, que nous avons payée alors que les choses allaient relativement bien, a laissé des séquelles énormes, entre autres dans la tête des gens. Par contre, les Haïtiens sont tous très fiers d'avoir payé cette dette, ce que j'estime stupide. Maintenant, en 2007, je trouve qu'on n'aurait jamais dû la payer. Il reste qu'on l'a fait.
Pour ce qui est de la dette qui s'est accumulée depuis, je pense que les pays étrangers ont une part de responsabilité. Ils devraient être capables très rapidement de mettre sur pied quelque chose qui réconcilierait Haïti avec ces deux éléments. Nous l'avons payée, cette dette, et ça nous a causé un tort immense. Si on est conscients de l'aide à apporter aux pays étrangers, particulièrement dans le cas d'un pays qui est toujours en train de dégringoler, ne peut-on pas penser que l'effacement de la dette pourrait agir sur les coeurs et les esprits, faciliter cette réconciliation?
:
D'accord, je vais faire vite.
[Français]
Je vais aborder la question de la réconciliation. Quand René Préval était candidat, il a annoncé qu'il allait établir un gouvernement d'unité nationale. La première chose qu'il a faite après avoir été élu a été de convoquer les six partis les plus importants et de leur demander de nommer des ministres. Tous les membres du Cabinet ministériel représentent différents partis politiques, même le parti Lavalas. Tout le monde est représenté.
Quand il a d'importantes décisions à prendre à l'égard du pays, le président convoque tout le monde, que ce soit des gens de la société civile, des partis politiques, du Parlement ou du secteur privé, de façon à faire avancer les choses. Il fait un effort constant pour en arriver à une réconciliation nationale. Il tient même des réunions avec les gens du Groupe 184, qui s'était très fortement opposé à lui, M. André Apaid, Reginald Boulos, etc. Ce dernier est le propriétaire du quotidien Le Matin. Lors du 100e anniversaire de ce quotidien, M. Préval est allé à la réception, et il y a eu une réconciliation. M. Boulos fait maintenant des déclarations publiques dans lesquelles il appuie le gouvernement.
Moi, je vois que les choses avancent. Cette réconciliation, ce dialogue national se fait à partir de la tête même du gouvernement. De plus, le secteur privé et la société civile manifestent le désir de travailler ensemble et de laisser derrière eux ces 20 dernières années de confrontation et de polarisation. Je trouve cela très encourageant.
En ce qui a trait à la dette d'Haïti, elle se chiffre à environ 1,3 milliard de dollars, mais les négociations qu'a entreprises le gouvernement Préval avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale avancent très bien. Il s'agit ici de tout l'aspect macroéconomique. Il est possible que d'ici un ou deux ans, la dette soit totalement effacée, mais ce n'est pas automatique. Certaines conditions, entre autres en matière de gouvernance et d'honnêteté, doivent être remplies. On ne va pas éliminer une dette aussi simplement: on veut que le gouvernement fasse aussi des efforts du côté de la collecte d'impôts. Il est d'ailleurs en train d'en faire.
En ce qui concerne l'inflation, son taux en Haïti est un des plus bas du continent. En effet, le gouvernement a pris d'énormes responsabilités financières et fiscales. Je crois donc que dans ces deux domaines, on a pris la bonne voie.