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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 060 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 31 mai 2007

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Notre invité vient d'arriver, mais nous allons d'abord examiner rapidement des questions relatives à nos travaux.
    Vous avez entre les mains un rapport du comité de direction. Nous avions décidé au cours d'une autre séance de discuter rapidement de nos travaux. Le comité de direction s'est donc réuni hier. Il est important d'adopter au moins cette proposition pour que nous puissions organiser une réunion avec trois ou quatre ministres mercredi prochain. Dans le rapport que vous avez reçu, vous remarquerez que le comité va tenir une séance conjointe avec le Comité permanent de la défense nationale conformément à la motion adoptée le 29 mai, à 15 h 30, afin d'entendre divers ministres.
    Y a-t-il consensus là-dessus?
    Des voix: Oui.
    Le président: Nous nous réunirons donc mercredi avec le comité de la défense. Très bien.
    Ensuite, il est proposé que les analystes de la Bibliothèque du Parlement et la greffière du comité préparent un plan de travail provisoire pour l'étude du projet de loi C-53. C'est la première mesure législative que nous examinerons. Elle traite des investissements au Canada. Nous allons produire un rapport là-dessus. C'est un projet de loi très court.
    Madame Lalonde, vouliez-vous intervenir?

[Français]

    Non. Je suis d'accord.

[Traduction]

    Il y a consensus alors?
    Des voix: Oui.
    Le président: Il est ensuite proposé que le comité examine à une date ultérieure le cinquième rapport du Sous-comité des droits internationaux de la personne concernant l'Iran. C'est donc dire que le sous-comité nous a remis ce rapport, qu'il y a consensus, et que le comité va poursuivre son étude du quatrième rapport du Sous-comité des droits internationaux de la personne concernant les droits de la personne en Chine lorsqu'il aura fini d'examiner le rapport du comité sur le développement démocratique.
    Est-ce que tout le monde s'entend là-dessus?
    Des voix: Oui.
    Le président: Adopté.
    Il y a deux motions qui figuraient à l'ordre du jour de notre séance d'aujourd'hui. Comme les deux personnes qui les présentent ne sont pas ici, il nous faudra le consentement unanime pour les examiner. Je crois comprendre que nous ne l'aurons peut-être pas. Dans ce cas, nous allons attendre que Mme McDonough et M. Goldring soient ici pour présenter leur motion. La motion de M. Goldring figure avant celle de Mme McDonough.
    Y a-t-il consentement unanime pour examiner la question en l'absence de Mme McDonough?
    Une voix: Non.
    Le président: Comme il n'y a pas consentement unanime, nous allons attendre que Mme McDonough soit ici. Je sais aussi qu'on voulait proposer des amendements à la motion et que M. Dewar était prêt à en discuter. Je tiens à préciser qu'il était disposé à en parler, mais nous allons attendre.
    Voilà pour ce qui est de nos travaux.
    C'est aujourd'hui, jeudi 30 mai, la 60e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. C'est une réunion spéciale. En effet, notre comité, qui a terminé une étude sur Haïti, revient aujourd'hui sur cette question. Nos témoins vont nous communiquer des informations très récentes sur la situation dans ce pays.
    Nous accueillons des représentants des Nations Unies : M. Boucher, qui est l'ambassadeur du Canada à Haïti; Andrew Grene, adjoint spécial; et Edmond Mulet, représentant spécial et chef de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti, la MINUSTAH.
    Nous sommes très heureux de pouvoir vous recevoir tous les trois aujourd'hui. Je peux dire que l'étude que nous avons effectuée sur ce pays nous en a énormément appris à tous, et que ce qui se passe là-bas nous préoccupe et nous touche beaucoup.
    Nous allons vous laisser faire le point sur la question et nous aimerions, si vous le voulez bien, vous poser des questions.
    Encore bienvenue, et nous sommes impatients de vous entendre.

[Français]

    Monsieur le président, je suis très honoré de comparaître devant cette distinguée commission.

[Traduction]

    Je me trouve privilégié de rencontrer les représentants d'un pays aussi réputé pour son engagement et son travail en faveur du maintien de la paix. Je suis particulièrement heureux de rencontrer des législateurs, ayant moi-même été parlementaire dans mon pays, le Guatemala. C'est un plaisir pour moi, comme chef de la MINUSTAH, de reconnaître la contribution remarquable du Canada en Haïti.
    Votre pays a aidé de façon importante à stabiliser la situation en Haïti en 2004 grâce à sa participation à la force multinationale intérimaire, et les Canadiens jouent un rôle tout aussi crucial actuellement à cet égard. Les Casques bleus canadiens et nos composantes militaire et policière ont fait preuve d'un dévouement, d'un courage et d'un professionnalisme exemplaires. Je pense, entre autres, au sous-commissaire de police en poste, Colin Farquhar, et au chef d'état-major, le colonel Tom Tarrant, qui ont tous les deux accompli un travail remarquable au sein de la mission, comme l'ont fait de nombreux anciens agents supérieurs du Canada.
    En plus d'être un pays donateur de premier plan, le Canada a soutenu de façon extraordinairement généreuse le travail à long terme de reconstruction des institutions, qui est indispensable pour que les efforts de stabilisation soient durables. Les Canadiens ont aussi partagé des connaissances et un savoir-faire inestimables, et je crois comprendre notamment que des parlementaires vont accueillir leurs homologues haïtiens au début du mois prochain.
    L'engagement aux multiples facettes du Canada confirme son attachement à Haïti et sa détermination à lui venir en aide. Il dénote également votre intérêt soutenu pour le multilatéralisme et le maintien de la paix des Nations Unies. Au nom des Nations Unies, j'aimerais vous transmettre notre profonde gratitude.
    Monsieur le président, il serait peut-être utile de commencer notre discussion d'aujourd'hui en faisant brièvement le point sur les événements récents survenus en Haïti et en donnant une idée générale de ce que nous entrevoyons pour l'avenir. Aujourd'hui, en travaillant en étroite collaboration avec les dirigeants haïtiens, la MINUSTAH fait des progrès importants en vue d'aider Haïti à surmonter la crise et à instaurer une stabilité durable, mais il nous reste encore beaucoup à faire. Il est crucial de maintenir le cap.
    Conformément à l'approche polyvalente appuyée par votre comité dans son très sérieux et intéressant rapport sur Haïti, notre mandat pour soutenir la société haïtienne a quatre objectifs : renforcer la gouvernance et le consensus politiques, maintenir la sécurité et la stabilité, consolider les institutions liées à l'ordre public, et développer le tissu social et économique. Il est crucial de réaliser des progrès dans tous ces domaines qui sont tous liés et interdépendants.
    J'aimerais exposer certains des grands défis auxquels nous sommes confrontés dans chaque cas et la façon dont nous pensons pouvoir les relever. L'établissement d'un consensus politique est essentiel pour assurer la stabilité en Haïti. Des progrès importants ont été réalisés dans ce domaine depuis 12 mois. Le président René Préval a commencé à exercer un leadership, au niveau national et local, qui reçoit un appui sans précédent de tous les éléments du spectre politique. Les mesures annoncées récemment par le président Préval pour lutter contre la corruption montrent qu'il est déterminé à maintenir la confiance de ses électeurs.
    Il faut dire que le nouveau consensus est fragile et, pour survivre, il doit venir à bout de la dépolarisation, des divisions socioéconomiques, des changements d'alliances et des jeux de pouvoir qui sont des aspects endémiques de la politique haïtienne. On a pu constater l'effet de ces forces à la fin de l'an dernier et au début de cette année quand on a essayé de forcer le premier ministre Jacques-Edouard Alexis ou les membres de son cabinet à démissionner. Ces tentatives ont été déjouées grâce au dialogue constructif engagé par le président Préval avec les parlementaires, mais un revirement est toujours possible en raison des pressions politiques qui sont maintenant exercées sur le ministre de la Justice.
    Le choix des dirigeants nationaux est évidemment une question de nature nationale. Cependant, le changement subit de l'équipe dirigeante pourrait faire retarder les réformes et compromettre l'implantation d'un nouveau modèle de coopération et de compromis politiques. Dans ce contexte, la MINUSTAH et la communauté internationale dans son ensemble ont un rôle important à jouer pour favoriser le dialogue et la compréhension. Les parlementaires d'ailleurs dans le monde pourraient aider leurs homologues haïtiens à jouer un rôle constructif dans un moment décisif de l'histoire de leur pays.
(1110)
    Pour soutenir le processus démocratique du pays, la communauté internationale devra aider à organiser la tenue d'élections d'autres sénateurs l'automne prochain, conformément à la Constitution. Il faudra une aide financière additionnelle dans un domaine où le Canada a déjà été très généreux. De plus, il sera important de former des organes électoraux permanents, ce pourquoi l'organisation des États américains aura aussi un rôle capital à jouer.
    En même temps, il faut favoriser le développement d'une capacité de gouvernance aux niveaux national et local. La MINUSTAH fournit des conseils à différents ministères sur la décentralisation et l'administration locale, les services publics, la fonction publique et le financement local. La Mission veut aussi aider le service des douanes à assurer un travail plus efficace, responsable, intègre et sécuritaire. Cependant, des progrès réels sont tributaires d'un soutien bilatéral soutenu, y compris dans les domaines de la formation et de l'infrastructure. Encore ici, nous aimerions avoir l'appui du Canada.
    Concernant le maintien de la sécurité et de la stabilité, la sécurité s'est beaucoup améliorée depuis quelques mois. Les problèmes dans ce domaine ont fait l'objet de nombreux reportages sur Haïti au cours des trois dernières années. Cependant, il était indispensable d'avoir le soutien et l'adhésion pleine et entière des autorités politiques d'Haïti pour faire avancer les choses. On ne pouvait à peu près rien faire avant qu'un gouvernement national légitime et crédible ne soit en place et approuve publiquement cette démarche. C'est ce qui a pu se produire en décembre dernier; en effet, après l'échec des efforts tenaces déployés pour entreprendre des négociations pacifiques, le président Préval nous a donné le feu vert. Il est alors devenu possible d'intervenir pour démanteler les gangs armés qui détenaient effectivement en otage des quartiers de Port-au-Prince et faisaient régner la peur dans la capitale et le pays.
    Environ 700 membres de gangs ont été arrêtés au cours des trois derniers mois. Un certain nombre de leurs dirigeants ont été incarcérés. Des quartiers qui étaient jusqu'ici interdits, comme Cité Soleil et Martissant, sont maintenant accessibles à l'État. Il s'agit là de progrès importants non seulement parce que cette opération limite la capacité des gangs de s'attaquer aux forces de sécurité, mais aussi parce qu'elle a un effet positif sur la population qui accorde sa confiance au processus de transition en cours.
    Cependant, il faut comprendre qu'une bataille s'engage pour la sécurité en Haïti. La guerre pour une stabilité définitive a à peine commencé. Même si le gouvernement a repris le contrôle des quelques kilomètres carrés de Cité Soleil, les structures nationales de sécurité sont encore inexistantes ou inefficaces sur la plupart du territoire, et ce vide risque d'être comblé par des forces déstabilisatrices ou non officielles. La zone le long de la frontière terrestre et maritime n'est pas surveillée et peut être franchie par des trafiquants d'armes et de drogue susceptibles d'accroître l'instabilité. L'incapacité de l'État de gérer ses frontières met aussi en péril la capacité du gouvernement de générer ses propres recettes, ce qui représente une menace à long terme importante pour la stabilité.
    De plus, une recrudescence de la violence dans le pays est toujours fort possible. On retrouve parmi les pauvres et les chômeurs d'Haïti, qui sont nombreux, d'anciens membres de gangs qui ont facilement accès à des armes et dont les autres perspectives d'avenir sont minces. Des acteurs influents peuvent vouloir recruter ces éléments perturbateurs pour des raisons à la fois criminelles et politiques.
    Il y a déjà des crimes violents qui sont survenus dans des quartiers de Port-au-Prince et d'autres régions du pays qui n'avaient pas été menacées avant. On nous a rappelé le mois dernier que la violence politique est possible quand le premier ministre et d'autres ministres se sont fait lancer des pierres par la foule aux Gonaïves, une ville qui a déjà déclenché des mouvements déstabilisateurs dans le pays.
    Pour répondre à long terme à cette menace, il faut prévoir des mesures politiques et socioéconomiques, en plus de rendre Haïti capable d'assurer sa sécurité.
(1115)
    À court terme, il est essentiel de consolider les progrès accomplis jusqu'ici en continuant de combattre et de désamorcer la violence ainsi que d'accroître la sécurité dans le pays. Il est clair que, malgré les réformes en cours, dont je vais vous parler dans un moment, l'appareil de sécurité haïtien ne sera pas en mesure d'assumer d'autres fonctions pour l'instant. Il sera nécessaire d'assurer la présence d'une force de sécurité internationale importante et bien équipée pour l'année qui vient.
    La MINUSTAH va présenter au Conseil de sécurité des Nations Unies des recommandations concrètes concernant les forces nécessaires à l'automne, après que nous aurons précisé davantage les tâches à remplir, compte tenu de la situation de la sécurité sur le terrain et des efforts supplémentaires que les intervenants bilatéraux seront en mesure de faire. Dans l'ensemble, il faudra maintenir le cap et veiller à ce que les États membres résistent à la tentation de réduire la capacité de la Mission d'une façon qui pourrait mettre en péril les gains réalisés jusqu'à maintenant.
    L'aide internationale que le pays reçoit pour contenir les menaces immédiates à la sécurité et y réagir vont nous permettre de poursuivre nos efforts en vue de renforcer le système judiciaire du pays, ce qui est un aspect essentiel de toute stratégie de retrait des opérations de maintien de la paix.
    Des progrès importants ont été faits pour consolider la Police nationale haïtienne, la PNH. Un processus d'inspection et d'accréditation a été entrepris. La Police nationale haïtienne, avec l'aide de la MINUSTAH, recrute et forme environ 1 300 nouveaux agents de police tous les 14 mois. Une direction de la circulation a été rétablie et fonctionne à Port-au-Prince, et on est en train de mettre sur pied les services des finances et du personnel de la police.
    Par contre, il reste encore beaucoup à faire. La MINUSTAH et la communauté internationale doivent collaborer avec les autorités haïtiennes pour améliorer l'efficacité du service des enquêtes criminelles de façon à affermir l'autorité de la police nationale à tous les niveaux, ainsi qu'insuffler discipline et moralité, améliorer la surveillance et le respect des droits de la personne, entretenir de meilleures relations avec la population et gagner la confiance des citoyens.
    Pour l'année qui vient, nous avons comme priorités de créer le poste d'inspecteur général en chef, de travailler à la création d'une nouvelle école de police ainsi que de réaménager et rééquiper les commissariats des départements. Dans ces domaines aussi, le Canada joue un rôle important et nous comptons encore sur votre soutien.
    Pour ce qui est de la réforme du système judiciaire, les progrès sont un peu plus difficiles. Avec l'aide de la MINUSTAH, le ministre de la Justice a présenté trois projets de loi dont l'Assemblée législative est actuellement saisie en vue de renforcer l'indépendance des juges, ce qui est essentiel à la réforme du système judiciaire haïtien. Il serait utile encore ici d'encourager les parlementaires haïtiens à s'orienter résolument en ce sens.
    De plus, le 27 mars, le président Préval a engagé le dialogue avec tous les secteurs intéressés à la réforme du système judiciaire. Une commission de suivi formée de 12 membres s'est réunie régulièrement depuis pour faire la synthèse de rapports précédents sur la réforme judiciaire, pour déterminer les blocages dans le système judiciaire et dresser une liste de mesures concrètes et urgentes. Ces mesures devraient aider à élaborer un nouveau plan stratégique global pour la réforme du système judiciaire, qui pourra être approuvé par tous les principaux intervenants.
    Pour ce qui est du système pénitentiaire, les progrès sont aussi limités jusqu'ici. Le service correctionnel de la MINUSTAH, qui est dirigé par une Canadienne, Lisa Quirion, et qui réunit des experts canadiens, fournit des conseils et de l'aide aux agents correctionnels. Des mesures importantes ont été prises pour augmenter le nombre de places dans les prisons. Cependant, la situation actuelle reste inacceptable sur le plan de la sécurité et des droits de la personne.
    Il est urgent que les autorités haïtiennes conviennent de former une commission sur la détention qui pourra accélérer la libération des détenus, au besoin. En même temps, la Mission aide les autorités haïtiennes à entreprendre des travaux de reconstruction et de modernisation pour augmenter le nombre de cellules et rénover des structures désuètes.
    Le soutien des donateurs sera essentiel pour répondre aux besoins en matière d'infrastructure et de formation dans les secteurs judiciaire et pénitentiaire, besoins qui sont urgents. Le Canada est un intervenant actif et généreux dans le domaine et nous espérons qu'il continuera de l'être.
(1120)
    Notre quatrième objectif actuellement est le développement du tissu social et la relance de l'économie. Cet objectif est à la base de tous les autres. La collaboration politique, la sécurité et la viabilité des institutions sont tous des aspects qui vont en fin de compte reposer sur le redressement social et la reprise économique. Un véritable redémarrage de l'économie va exiger un engagement profond, qui dépasse de loin la capacité d'une opération de maintien de la paix, et qui va mobiliser les efforts combinés des organismes des Nations Unies, des contributions bilatérales et de l'entreprise privée.
    Le soutien financier des donateurs va rester crucial pour maintenir le rythme et combler les lacunes afin d'accroître le revenu national et favoriser la gestion des dépenses publiques. L'établissement de programmes économiques en Haïti va permettre au pays de bénéficier d'un allègement irrévocable de sa dette. Il est aussi essentiel d'encourager et de favoriser l'engagement renouvelé de l'entreprise privée en Haïti.
    Monsieur le président, tous les membres de la MINUSTAH sont encouragés par les progrès réalisés en vue d'assurer la stabilité en Haïti. Nous sommes satisfaits de l'excellente collaboration que nous obtenons des autorités nationales et du soutien généreux de la communauté internationale, dont le Canada, qui rendent tout cela possible. Mais ces progrès devraient être considérés comme l'occasion de redoubler nos efforts et non de baisser la garde prématurément ou de réduire notre engagement.
    Nous avons de grands défis à relever pour favoriser le dialogue politique, maintenir la sécurité, construire des institutions et encourager le développement économique. Je suis convaincu qu'en travaillant en collaboration avec les organismes régionaux et la communauté internationale nous pourrons relever ces défis et aider le gouvernement et la population haïtienne à acquérir la stabilité qui leur est nécessaire et qu'ils méritent.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Mulet.
    Je ne sais pas si d'autres ont une déclaration à faire.
    Non? Nous sommes heureux de vous accueillir. Nous n'étions pas certains que vous viendriez, mais nous sommes heureux que vous soyez ici.
    Monsieur Mulet, le vice-président de notre comité m'a dit qu'il avait déjà eu l'occasion de vous rencontrer et que vous l'aviez bien impressionné. Nous étions vraiment impatients de vous recevoir.
    Monsieur Patry.
(1125)

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur Mulet, Excellence.
    Depuis ma dernière visite, il y a eu de l'amélioration. À la suite de votre présentation de ce matin, il semble que cette amélioration soit surtout en matière de sécurité. Vous avez réussi à nettoyer Cité Soleil et cette région. Donc, Haïti, surtout Port-au-Prince, est un peu plus vivable, dans un certain sens. Cependant, il y a encore énormément d'enlèvements et autres.

[Français]

    Vous nous avez parlé de bonne gouvernance, de sécurité, d'ordre public ainsi que des problèmes socioéconomiques.
    Ma première question traite du fait que 90 p. 100 des parlementaires n'ont jamais siégé avant et que peut-être seulement cinq ou six sénateurs sur 30 ont de l'expérience parlementaire; ce sont tous des nouveaux venus, dans un sens.
    L'Assemblée parlementaire de la Francophonie, que je dirige, a organisé des séminaires pour les femmes et pour les parlementaires. Les rapports sont difficiles parce que je ne suis pas encore certain que les parlementaires haïtiens comprennent le rôle d'un parlementaire. À cet égard, ils ont simplement adopté quelques lois. Je ne suis pas certain non plus qu'ils comprennent ce que veut dire l'imputabilité. Ils voulaient adopter une loi pour être bien certains de pouvoir dire tout ce qu'ils voulaient. Chez nous, si on peut dire n'importe à la Chambre des communes, à l'extérieur, on peut être poursuivis. Mais eux voulaient pouvoir le faire partout au pays, sans être poursuivis, sous prétexte qu'ils sont des parlementaires. Alors, on comprend très bien les difficultés.
    Je vais parler des élections. Vous avez dit qu'il y aura des élections sénatoriales encore. Comme c'est le système français et que le Sénat est appelé à être renouvelé un tiers à la fois après un certain nombre d'années et que cela coûte énormément d'argent, y a-t-il possibilité d'amender la Constitution? En outre, faut faire deux tours, comme en France.
     On sait que leur Constitution remonte à la création d'Haïti. Comme c'est encore le système français, qui remonte au Code de Napoléon, c'est très loin et archaïque. Par exemple, si une femme est violée, elle ne peut pas aller en cour parce qu'on n'accepte pas l'ADN, étant donné que cela n'existait pas, à l'époque de Napoléon. C'est aussi simple que cela.
    Si on veut amender la Constitution, par quoi commence-t-on? Est-il possible de le faire? Je comprends que si on veut amender la Constitution, elle doit être acceptée par les deux tiers des deux chambres, puis par le Parlement suivant, et elle entrera en vigueur lors de la création du Parlement ultérieur. Cela peut donc prendre 10 ans pour faire une modification à la Constitution. C'est beaucoup plus difficile qu'au Canada, indirectement.
    Les parlementaires sont-ils prêts? J'aimerais en savoir un peu plus à ce sujet.
    On demande beaucoup d'argent à tous les pays donateurs, mais on va encore dépenser de l'argent pour des élections. À mon avis, on devrait mettre de l'argent là où on en a besoin, soit dans la population comme telle. Y a-t-il une entente entre les pays donateurs? Par exemple, le Canada a dit qu'il s'occuperait possiblement de construire un nouveau parlement. J'ai visité leur parlement et je ne sais pas s'il est deux fois plus grand de cette salle. Or, 100 personnes y délibèrent. Est-il possible pour les donateurs de s'entendre? Un pourrait s'occuper de la loi, un autre de la justice, un autre de la sécurité. J'aimerais savoir qui fait quoi parmi les pays donateurs pour aider l'Haïti à s'en sortir.

[Traduction]

    Merci, monsieur Patry.
    Monsieur Mulet.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Merci beaucoup.
    En effet, depuis votre dernière visite, la situation sécuritaire, à Port-au-Prince notamment, c'est beaucoup améliorée. Comme je l'ai dit dans ma présentation, nous avons arrêté plus de 700 membres de gangs depuis janvier. Les grands leaders des gangs sont en prison. Un seul manque, Amaral, mais c'est une question de jours seulement avant qu'on le retrouve. Tous les autres sont sous les verrous. Je ne parle pas seulement de Cité Soleil, mais aussi de Martissan, un autre quartier de Port-au-Prince qui était sous le joug et le contrôle des gangs. Il y a maintenant une présence permanente, et nous avons beaucoup de succès.
    Maintenant, nous bougeons aussi dans d'autres départements. Aux Gonaïves, par exemple, j'ai déployé des troupes et des unités SWAT la semaine dernière parce que la situation était en train de se détériorer. Samedi dernier, on a arrêté le grand bandit des Gonaïves, Ti Will. Il y a même eu une manifestation devant le commissariat de police pour le relâcher. Alors, on a dû envoyer un hélicoptère et des troupes additionnelles pour le prendre et l'envoyer à Port-au-Prince, parce que la situation était assez compliquée.
    Ça avance en ce qui a trait à la situation sécuritaire, mais c'est toujours très fragile. Les capacités de la police nationale d'Haïti vont encore prendre du temps à se développer. Les différentes promotions à l'Académie de police sont données seulement tous les sept mois. À la fin de juillet, on aura 647 nouveaux policiers dans les rues. C'est un processus qui va encore prendre du temps.
    En arrivant, la responsabilité de la mission des Nations Unies était de stabiliser le pays parce qu'il était au bord de la guerre civile. Ensuite, c'était d'avoir sur place un gouvernement légitime, le produit d'élections démocratiques. C'est avec l'argent canadien et l'appui d'autres pays qu'on a pu organiser les élections. Il y a eu cinq élections l'année dernière, soit l'élection présidentielle, sénatoriale, législative premier tour, deuxième tour, les reruns et les répétitions. Il y a eu les élections municipales le 3 décembre et, il y a un mois, il y a eu encore des élections. Un cycle vient de se terminer et on doit encore avoir des élections en novembre.
    Comme vous le dites bien, les élections vont renouveler un tiers du Sénat, qui est composé de 30 personnes. On doit élire en élection nationale, premier tour, deuxième tour, dix personnes au Sénat, et cela va coûter...
(1130)
    Un million de dollars par personne.
    Quinze millions de dollars à chaque tour. Cela représente 30 millions de dollars pour dix sénateurs, mais il s'agit d'un mandat constitutionnel. Le président, et tout le monde en Haïti, comprend que la Constitution elle-même est une source d'instabilité. Ils n'ont pas les moyens, les ressources et les infrastructures pour tenir toutes ces élections, mais la Constitution ne permet pas de tenir un référendum pour amender la Constitution. Elle ne peut être amendée que par les majorités qu'on connaît: l'Assemblée nationale, la majorité qualifiée par ce Parlement, confirmée par le prochain Parlement et mise en place par un troisième Parlement. Il va falloir 10 ans avant que cela soit effectif.
    Le pays ne peut pas attendre 10 ans. Dans une situation comme celle-là, on va violer la Constitution parce qu'on n'aura ni l'argent ni les moyens de poursuivre ce processus. Le président songe maintenant — une commission y travaille — à ne pas amender la Constitution, mais à en rédiger une nouvelle, ce qui n'est pas prévu par la Constitution actuelle et qui n'est donc pas défendu. On y parle beaucoup d'amendement de la Constitution et de procédures pour amender la Constitution, mais on n'y parle pas d'une nouvelle Constitution.
    Il se peut que le président demande à l'assemblée ou au Parlement actuel de se convertir en assemblée constituante et de rédiger une nouvelle Constitution. Ils sont en train de parler de cette possibilité, mais on n'aura pas le temps d'ici à la fin de l'année d'avoir une nouvelle Constitution. Je crois qu'on aura des élections législatives ou sénatoriales en novembre de cette année.

[Traduction]

    Merci, monsieur Mulet.
    Nous allons poursuivre parce que le temps imparti est écoulé.
    Madame Lalonde.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Mulet, d'être ici.
     Vous savez que nous avons été et que nous sommes toujours extrêmement préoccupés par ce qui se passe en Haïti. Une vaste communauté originaire d'Haïti est des nôtres, au Québec. Nous avons maintenant une députée originaire de Saint-Marc. Ils sont avec nous.
    Il est bon d'entendre ce rapport positif. D'un autre côté, je lis régulièrement et abondamment sur Haïti. Beaucoup d'éléments de la population, ceux qui écrivent et sur lesquels on écrit, font le constat que ça va mieux, mais il y a une sorte de désespérance parce que cela ne va pas assez vite, notamment dans certains domaines, comme celui de la Constitution, bien sûr. J'aimerais d'abord vous entendre là-dessus.
    D'autre part, la MINUSTAH a fait un travail qu'on désespérait de lui voir faire, dans certains milieux, pour libérer le pays des gangs. Malheureusement, les enlèvements, tout en ayant diminué, sont encore très importants. Tout récemment, M. Latour, qui était un personnage très admiré et très apprécié, a été enlevé. On demandait 100 000 $ de rançon et il a été trouvé la gorge coupée, le lendemain. Il y a des préoccupations à ce chapitre. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez. Vous venez d'arriver, tout de même.
     Je voudrais finir par un petit point que l'ambassadeur Boucher connaît bien. Il s'agit d'une préoccupation spéciale parce qu'un jeune Québécois a été emprisonné et n'a pas été jugé. On ne sait pas s'il le sera ou s'il y aura bientôt quelque chose sur lui, mais on sait qu'il est innocent. On ne peut rien faire, sauf attendre que la justice, si on peut appeler cela ainsi, suive son cours. Nous sommes inquiets.
(1135)
    Après la stabilité du pays, les élections et l'avènement d'un gouvernement légitime démocratiquement élu, la sécurité est un domaine où il y a des progrès. Que va-t-on faire maintenant?
    Je crois qu'il est très important d'aider maintenant Haïti à établir un niveau minimal d'État de droit. Nous travaillons au plan de réforme de la Police nationale d'Haïti, au plan de réforme du système pénitentiaire carcéral, mais je crois également que la réforme de la justice est nécessaire et indispensable. Il s'agit de l'autre grand pilier pour établir la base d'un État de droit.
    Toutefois, cela ne dépend pas de l'exécutif, c'est-à-dire le président ou le gouvernement. Cela dépend du Parlement. Le gouvernement a déposé au Parlement les trois lois, celles qui portent sur le statut de la magistrature, sur les codes de la magistrature et sur le Conseil supérieur de la magistrature. Cela va entraîner l'indépendance et la professionnalisation des juges. C'est maintenant dans les mains des parlementaires, mais ça n'avance pas. Si on pouvait faire quelque chose pour les motiver à approuver ces trois lois, ce serait vraiment fantastique. À partir de là, je crois qu'on pourrait avancer sur tous les autres plans. Par exemple, en ce qui a trait aux détenus en Haïti, plus de 80 p. 100 d'entre eux n'ont jamais vu un juge. Il n'y a pas de dossiers, il n'y a rien, pas d'accusations formelles, rien. C'est une violation des plus graves des droits humains. Je crois qu'il faut maintenant nous concentrer sur l'établissement d'un État de droit. C'est ce qui va permettre le développement économique du pays.

[Traduction]

    La communauté internationale ne peut pas se permettre de subventionner Haïti pour toujours. Nous devons donc établir au moins la primauté du droit pour motiver les investisseurs et la diaspora à revenir en Haïti et faire en sorte que le pays puisse avoir ses propres ressources et ses propres revenus. Je ne crois pas que la diaspora ou d'autres investisseurs ou touristes vont revenir en Haïti si nous n'avons pas un État de droit. C'est là-dessus que nous devons maintenant nous concentrer. Nous travaillons de façon très coordonnée avec la communauté internationale, les donateurs bilatéraux et d'autres intervenants pour aller dans cette direction.

[Français]

    M. Boucher pourrait-il dire quelque chose au sujet de Maxim Charbonneau?
    En ce qui a trait au cas Charbonneau, nous avons fait des représentations à tous les niveaux, notamment auprès du président et du premier ministre. Dans le système haïtien, le juge d'instruction est totalement souverain. Cela doit faire au moins un mois que celui-ci nous assure que son réquisitoire va être déposé. Quelqu'un en a même vu une copie. Cependant, cela n'a jamais été fait. Quand M. Greenhill est venu, il en a reparlé au président de la république et au premier ministre. Ceux-ci ont reconnu leurs pouvoirs limités, mais ils ont dit qu'ils allaient refaire des démarches auprès du juge d'instruction.
    Vous avez raison, c'est tout à fait frustrant, compte tenu de l'ensemble de ces pressions et de la volonté de réformer le système de justice. On me dit que les lois ont été déposées au Parlement et que ce dernier allait peut-être voter une des trois lois d'ici la fin de la présente semaine. Cela va peut-être permettre de débloquer la situation. Cependant, c'est une situation difficile.
(1140)
    Les prisons sont des lieux extrêmement malsains. Les maladies y courent.
    Des représentants de l'ambassade ont visité M. Charbonneau il y a moins de trois semaines pour s'assurer de son état de santé et de son moral. Cette visite a été rassurante. Il n'y avait pas de motifs d'inquiétude, même si, vous avez raison, il s'agit de conditions difficiles. Nous suivons cette affaire de très près, à tous les niveaux.
    J'en ai parlé au président il y a une semaine afin de lui demander s'il pouvait faire quelque chose, mais il est très réticent à intervenir.
    Je suppose que c'est parce qu'il y a tellement de gens dans les prisons qui n'ont pas été jugés.
    Oui.
    Son innocence...

[Traduction]

    Merci.
    C'est maintenant à M. Khan, qui a droit à sept minutes.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, et votre Excellence.
    D'abord, monsieur Mullet, j'aimerais vous féliciter de votre nomination. Vous avez des défis à relever, mais ils offrent la possibilité d'accomplir beaucoup.
    Monsieur, je conviens avec vous que la sécurité est un prérequis au développement de tout pays, pas seulement Haïti. Le Canada est toujours déterminé à appuyer le gouvernement haïtien dans ses efforts de reconstruction, de développement, de sécurité et de démocratie. Le Canada s'est engagé à investir près d'un demi-milliard de dollars, soit 520 millions de dollars, au cours des deux prochaines années.
    Pourriez-vous nous expliquer, monsieur, comment cet argent est dépensé et quels en sont les résultats concrets?
    Vous avez parlé de l'annulation de la dette d'Haïti, si je vous ai bien compris. Le comité aimerait savoir quelle est la dette d'Haïti.
    Merci.
    L'ambassadeur Boucher est probablement mieux placé que moi pour vous dire combien le Canada dépense d'argent en Haïti mais, d'après ce que j'ai vu, cet argent a des effets tangibles. L'argent versé par le Canada sert au programme de réforme de la Police nationale haïtienne, au Parlement, et maintenant vous allez contribuer à établir un nouveau poste d'inspecteur général de la Police nationale et aussi une école pour la formation des policiers. Le Canada reconstruit également tous les postes de police et les postes secondaires dans la partie sud du pays. Vous contribuez également...
    Au système correctionnel.
    Oui, évidemment. Vous vous occupez des prisons, et il est question ici d'une approche non pas répressive mais plutôt humanitaire, pour le respect des droits de la personne, afin de fournir de meilleures conditions aux détenus et tout le reste.
    Il y a aussi une aide financière pour la gouvernance et la décentralisation.
    Donc, d'après ce que j'ai vu, je crois que cet argent est bien dépensé. Tout à fait.
    Dépense-t-on dans les secteurs de la santé et de l'éducation?
    Oui, nous faisons beaucoup dans le domaine de la santé à l'échelle nationale ainsi que dans quelques départements, surtout celui de l'Artibonite.
    L'éducation est un secteur sur lequel l'ACDI va se concentrer dans les années à venir, et nous voudrons financer l'enseignement primaire. Je pense que près d'un demi-million d'enfants ne vont pas à l'école actuellement; donc, d'ici 2015, conformément aux objectifs du Millénaire pour le développement établis par les Nations Unies, nous voudrions que tous les enfants d'Haïti aillent à l'école. Nous pensons également construire une école d'enseignement professionnel pour améliorer la formation des Haïtiens et faire en sorte que les jeunes apprennent un métier et puissent se trouver du travail.
(1145)
    Ce que j'ai vu de plus récent à ce sujet a trait au système pénal. Le Canada finance cela aussi, parce que nous avons un service qui enquête sur les cas de corruption, mais il ne dispose pas d'assez de ressources financières, humaines ou techniques pour assurer le suivi dans ce domaine. Dans le cadre d'un projet conjoint, l'Union européenne et le Canada offrent depuis la semaine dernière de l'aide concernant l'impunité en Haïti.
    Mise à part la sécurité et en présumant que la situation à cet égard s'améliore et que le climat devienne plus rassurant, y a-t-il d'autres recommandations que vous pourriez formuler pour favoriser l'investissement direct à l'étranger, à Haïti plus particulièrement, et dans quels secteurs? Vous avez parlé de l'investissement provenant de l'étranger. Quelles mesures pouvons-nous prendre pour encourager cela?
    Je pense qu'Haïti a besoin de beaucoup d'argent actuellement.
    Comme vous l'avez signalé à juste titre, l'éducation est une priorité. Seulement 15 p. 100 de tout le réseau d'enseignement du pays est régi par le ministère de l'Éducation; le reste, soit 85 p. 100 du réseau, est dirigé par des établissements privés et la qualité de l'enseignement laisse énormément à désirer. Seulement 5 p. 100 des Haïtiens ont suffisamment d'argent pour envoyer leurs enfants à l'école privée. En outre, 51 à 52 p. 100 des enfants qui devraient fréquenter l'école n'y vont pas, de sorte que le fossé se creuse d'année en année entre les enfants qui s'instruisent et les autres. C'est une autre bombe à retardement.
    Donc, à mon avis, tout investissement dans le domaine de l'éducation serait plus que souhaitable.
    Évidemment, on a un grand besoin d'infrastructures, pour ce qui est de l'électricité, de l'énergie et de tout le reste, y compris les hôpitaux. Il y déjà eu des routes, des hôpitaux et des institutions dans ce pays, mais tout s'est effondré et il n'y a plus rien. Tout est à reconstruire.
    Merci, monsieur.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos invités. C'est un plaisir que de vous avoir parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Mulet, j'ai eu la chance d'aller dans votre pays en 1986, soit à une époque intéressante. Un de ces jours, nous pourrions prendre un café ensemble pour en discuter.
    J'ai également effectué une brève visite en Haïti. C'est vraiment triste de voir ce qui est arrivé à ce pays. Pendant un certain temps, le monde semblait l'avoir oublié, trop préoccupé par ce qui se passait ailleurs. Nous ne voudrions surtout pas que l'intérêt que porte soudainement la communauté internationale à Haïti ne soit que passager, comme vous l'avez dit, ou n'apporte aucune stabilité.
    J'ai tellement de questions à poser que je ne sais par où commencer. Parlons d'abord du système carcéral. Monsieur Boucher, en premier lieu, pouvez-vous nous dire à combien se chiffre l'aide financière que le gouvernement canadien accorde à ce pays pour la remise à neuf du système carcéral?
    Pour l'instant, je dirais qu'elle se situe à moins de 500 000 dollars. Cet argent sert principalement à construire un nouveau pénitencier à Fort-Liberté, dans le nord du pays. Nous envisageons également de construire une prison à St. Marc.
    Il y a à peine quelques semaines, dans le cadre d'une mission technique en Haïti, on a examiné tout le système correctionnel pour déterminer les mesures que pourrait prendre le Canada. On formulera des recommandations dans les semaines à venir. Tout porte à croire qu'on nous recommandera d'intensifier nos efforts. Nous envisageons d'investir entre 3 et 5 millions de dollars au cours des trois prochaines années.
    Allons-nous investir dans les installations, ou plutôt...?
    Oui, mais dans un mois, si je ne m'abuse, nous enverrons huit agents correctionnels canadiens. Pour l'instant, nous en avons quatre sur le terrain, mais nous comblerons quatre autres postes dans les semaines à venir.
    Selon vous, la stratégie et les investissements du Canada sont-ils définitifs ou est-ce que ça peut encore changer?
(1150)
    Oui, ça évolue.
    Très bien.
    Pour ce qui est des investissements, M. Khan nous a dit combien d'argent nous avions dépensé ou engagé en Haïti. En termes généraux, pourriez-vous me donner une ventilation — juste pour avoir une idée globale — des fonds qui ont été consacrés notamment à l'appareil judiciaire, aux prisons, ce que j'appellerais la création d'institutions, par rapport à l'aide humanitaire, c'est-à-dire l'éducation, la santé, etc.? Pouvez-vous m'en donner un aperçu?
    Je ne m'attendais pas à une question aussi précise, mais je dirais que pour l'instant, près de la moitié de l'argent dépensé cette année servira à améliorer la qualité de l'enseignement et des soins de santé ainsi qu'à renforcer la gouvernance. L'autre partie sera consacrée aux infrastructures et à la réforme des forces policières, du système judiciaire et des services correctionnels. De plus, nous injecterons près de 20 millions de dollars dans ce que nous appelons le développement local afin d'encourager les petites communautés à lancer des projets.
    Du micro-financement et...
    Oui.
    Pour ce qui est du maintien de l'ordre, on déploie beaucoup d'efforts pour former de nouveaux policiers et renforcer les services de police. Pouvez-vous m'en dire un peu plus concernant le rôle des femmes à ce chapitre? Est-ce une priorité? Si oui, qu'a-t-on fait à ce niveau? Autrement dit, forme-t-on des policières?
    Oui.
    Environ combien?
    Le président s'est fixé comme objectif personnel de créer un corps policier composé de 50 p. 100 de femmes.
    Exactement.
    Et qu'en est-il actuellement?
    On est maintenant à 14 p. 100.
    Le Canada a vraiment à coeur d'améliorer les services offerts aux femmes dans tous les secteurs. Par exemple, il y a à peine quelques mois, nous avons mené une mission auprès du Parlement d'Haïti pour inciter les femmes à s'engager en politique. Nous essayons aussi de faire participer les femmes au niveau local. Par ailleurs, comme vous le savez sans doute, les services de police comptent maintenant 70 policiers canadiens, qui participent au recrutement. Et nous encourageons les femmes à se joindre aux forces policières.
    Les progrès sont assez impressionnants. Au départ, il n'y avait que deux femmes. Maintenant, celles-ci représentent 14 p. 100 de l'effectif, et nous sommes convaincus que la proportion augmentera au cours des prochains mois.
    Élections Canada a joué un rôle important dans la tenue des élections dans ce pays. Cette institution offrira-t-elle de nouveau son aide pour les prochaines élections?
    Je pense que le CEP a acquis beaucoup d'autonomie. C'est d'ailleurs lui qui a organisé les dernières élections municipales; il a donc beaucoup appris, par le passé, des services consultatifs, tout particulièrement du Canada. Il a développé ses propres capacités.
    Le Canada fournira-t-il des ressources pour les prochaines élections sénatoriales?
    Oui, mais nous attendons que le comité électoral nous montre la voie à suivre. Pour l'instant, nous n'avons aucun échéancier ni rien qui y ressemble, mais oui, nous allons leur prêter main forte.
    J'aimerais vous poser une dernière petite question. Elle est délicate et concerne le rôle d'Aristide. Nous sommes d'honnêtes intermédiaires, et nous espérons qu'on nous perçoit ainsi. Je ne sais toujours pas exactement ce qui a causé l'exil d'Aristide après son élection.
    Que représente-t-il maintenant aux yeux du peuple haïtien? Associe-t-on le Canada à l'ancien président?
    Je peux répondre à la première partie de votre question et vous, à la deuxième.
    Très bien. C'est un travail d'équipe.
    Le président Préval en est à son deuxième mandat. Il a été président pendant cinq ans avec l'appui d'Aristide.
    Je comprends; je connais l'histoire.
    Il a également été premier ministre pendant cinq ans, sous la présidence d'Aristide, et s'est présenté sous une nouvelle étiquette, pour ce nouveau mouvement appelé Lavalas, et Lespwa, mais la plupart de ces appuis étaient au sein de Lavalas. Il a ce gouvernement d'unité nationale, et l'un de ses ministres — le ministre responsable de la planification — représente le parti Lavalas.
    Au tout début, quand Préval est arrivé au pouvoir, on a assisté à des manifestations en faveur du retour d'Aristide. Au départ, ils étaient 5 000 à marcher dans les rues. Quelques mois plus tard, ce nombre est tombé à 3 000, puis en décembre, à 500. La dernière manifestation rassemblait probablement une vingtaine de militants. Son propre mouvement, Lavalas, est très divisé et compte de nombreuses factions sans chef. Je pense donc qu'Aristide est beaucoup moins présent qu'avant dans l'esprit des Haïtiens.
(1155)
    J'aimerais faire quelques remarques.
    Certainement.
    Nous considérons qu'Aristide fait maintenant partie du passé. Nous prônons la réconciliation nationale en Haïti. Sachez que les messages qu'envoie cet ancien président depuis l'Afrique du Sud, au moins une fois par année — le dernier remontant à décembre ou janvier — ne vont pas du tout dans ce sens. Il a essayé de semer la discorde entre différents groupes de la société haïtienne; par conséquent, dans ce contexte, je ne crois pas que son retour contribuerait à stabiliser le pays. Il pourra peut-être revenir un jour, mais chose certaine, aujourd'hui, c'est trop tôt. Il viendrait compromettre tous les efforts de la communauté internationale visant à stabiliser le pays et à promouvoir la réconciliation. Lorsque la situation politique sera stable, peut-être qu'au bout d'un certain temps —
    Mais comme M. Mulet l'a dit, contrairement à ce qu'on entend parfois dans les médias, Aristide ne jouit pas d'un vaste appui populaire, et nous en sommes témoins. Lors de la dernière manifestation, on s'attendait à voir défiler des milliers de partisans, mais en fait, il étaient moins de 500.
    Merci, monsieur l'ambassadeur et monsieur Dewar.
    Nous allons maintenant procéder au deuxième tour de table, puis céder la parole à Mme Barbot.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être présents parmi nous. C'est un plaisir de vous revoir. J'apprécie énormément les efforts que vous faites pour Haïti, d'autant plus que je suis moi-même originaire de ce pays, plus précisément de l'Artibonite, donc de la région où prennent naissance toutes les révolutions. Cependant, malgré le fait que je vienne d'Haïti, j'ai quand même pris un très long recul, ayant moi-même été forcée de quitter le pays assez jeune.
    Francine, tu connais peut-être davantage les questions qui touchent actuellement Haïti.
    Il reste qu'on ne cesse jamais d'être Haïtien, forcément. C'est toujours avec émotion de même qu'avec beaucoup d'intérêt que je participe à des débats concernant Haïti dans le cadre de mes fonctions de députée.
    Dans tout ce qui se dit, deux éléments, que vous avez abordés brièvement, semblent pratiquement absents de la donne actuelle. C'est du moins ce qu'il me semble, de l'extérieur. Il s'agit d'une part de la réconciliation nationale. M. Boucher y a fait allusion brièvement. D'après ce que je vois, on ne fait pas d'efforts en ce sens. Je sais bien que tout est à faire, mais il reste que dans ce tout, il y a la population haïtienne. Comme vous le savez, il y a des écarts énormes sur le plan économique, des dissensions et même de la haine entre les différentes factions. Considérant tout ce qu'on fait en Haïti, je suis un peu surprise de voir que cette dimension n'est pas prise en compte
    Je pourrais parodier M. Bush — et je pense que ce serait la première fois —, qui parle de gagner les coeurs et les esprits. Pour ma part, je parlerais plutôt de  réconcilier les coeurs et les esprits. À mon avis, cette idée n'est pas assez présente dans ce qu'on fait pour Haïti et avec les Haïtiens. Évidemment, tous ces efforts ne pourront être une réussite que si la population elle-même décide de s'impliquer. Actuellement, les gens sont un peu à l'écart — et je ne parle pas ici de ceux qui forment le gouvernement —, du fait que ce sont des Blancs qui agissent pour eux et que le gouvernement est inféodé. C'est comme s'ils ne voyaient pas, individuellement et collectivement, en quoi il est nécessaire que la population haïtienne s'implique. En ce sens, je pense qu'un genre de réconciliation nationale pourrait faire en sorte que dans le cadre des actions entreprises, tous les gens se mettent à agir en tant qu'acteurs essentiels plutôt que de récipiendaires.
    Malheureusement, les Haïtiens sont devenus des mendiants au fil des ans. C'est ce qui arrive quand on ne peut pas prendre soin de soi-même. C'est particulièrement le cas au point de vue macroéconomique. Sur le plan personnel, il s'agit d'individus qui souffrent et qui attendent sans arrêt l'aide étrangère, et ce, à tous les niveaux.
    Par ailleurs, il y a l'effacement de la dette. Selon la mentalité haïtienne, cette dette a énormément d'importance. On parle souvent de la dette actuelle, et je me rappelle que lors de la Marche mondiale des femmes, les femmes avaient dit n'avoir jamais signé quoi que ce soit et n'être responsables d'aucune dette. C'est dire à quel point elles sont loin de cette dimension.
    Pour ce qui est de l'histoire d'Haïti, on oublie que ce pays a payé en or son indépendance. C'est un facteur qui a eu un effet tout à fait déterminant sur la situation actuelle. Cette dette, que nous avons payée alors que les choses allaient relativement bien, a laissé des séquelles énormes, entre autres dans la tête des gens. Par contre, les Haïtiens sont tous très fiers d'avoir payé cette dette, ce que j'estime stupide. Maintenant, en 2007, je trouve qu'on n'aurait jamais dû la payer. Il reste qu'on l'a fait.
    Pour ce qui est de la dette qui s'est accumulée depuis, je pense que les pays étrangers ont une part de responsabilité. Ils devraient être capables très rapidement de mettre sur pied quelque chose qui réconcilierait Haïti avec ces deux éléments. Nous l'avons payée, cette dette, et ça nous a causé un tort immense. Si on est conscients de l'aide à apporter aux pays étrangers, particulièrement dans le cas d'un pays qui est toujours en train de dégringoler, ne peut-on pas penser que l'effacement de la dette pourrait agir sur les coeurs et les esprits, faciliter cette réconciliation?
(1200)

[Traduction]

    Merci, madame Barbot.
    Malheureusement, nous avons largement dépassé notre temps. Je ne sais pas si vous pouvez, mais ce serait bien que vous répondiez rapidement à la question, après quoi nous concluerons.
    D'accord, je vais faire vite.

[Français]

    Je vais aborder la question de la réconciliation. Quand René Préval était candidat, il a annoncé qu'il allait établir un gouvernement d'unité nationale. La première chose qu'il a faite après avoir été élu a été de convoquer les six partis les plus importants et de leur demander de nommer des ministres. Tous les membres du Cabinet ministériel représentent différents partis politiques, même le parti Lavalas. Tout le monde est représenté.
    Quand il a d'importantes décisions à prendre à l'égard du pays, le président convoque tout le monde, que ce soit des gens de la société civile, des partis politiques, du Parlement ou du secteur privé, de façon à faire avancer les choses. Il fait un effort constant pour en arriver à une réconciliation nationale. Il tient même des réunions avec les gens du Groupe 184, qui s'était très fortement opposé à lui, M. André Apaid, Reginald Boulos, etc. Ce dernier est le propriétaire du quotidien Le Matin. Lors du 100e anniversaire de ce quotidien, M. Préval est allé à la réception, et il y a eu une réconciliation. M. Boulos fait maintenant des déclarations publiques dans lesquelles il appuie le gouvernement.
    Moi, je vois que les choses avancent. Cette réconciliation, ce dialogue national se fait à partir de la tête même du gouvernement. De plus, le secteur privé et la société civile manifestent le désir de travailler ensemble et de laisser derrière eux ces 20 dernières années de confrontation et de polarisation. Je trouve cela très encourageant.
    En ce qui a trait à la dette d'Haïti, elle se chiffre à environ 1,3 milliard de dollars, mais les négociations qu'a entreprises le gouvernement Préval avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale avancent très bien. Il s'agit ici de tout l'aspect macroéconomique. Il est possible que d'ici un ou deux ans, la dette soit totalement effacée, mais ce n'est pas automatique. Certaines conditions, entre autres en matière de gouvernance et d'honnêteté, doivent être remplies. On ne va pas éliminer une dette aussi simplement: on veut que le gouvernement fasse aussi des efforts du côté de la collecte d'impôts. Il est d'ailleurs en train d'en faire.
    En ce qui concerne l'inflation, son taux en Haïti est un des plus bas du continent. En effet, le gouvernement a pris d'énormes responsabilités financières et fiscales. Je crois donc que dans ces deux domaines, on a pris la bonne voie.

[Traduction]

    Merci, monsieur Mulet.
    Je suis déçu que M. Dewar ait dû partir plus tôt.
    Si je ne me trompe pas, Haïti a toujours été le pays qui a le plus bénéficié de notre aide. Évidemment, l'Afghanistan a maintenant pris sa place. N'empêche, le Canada demeure très engagé en Haïti.
    Le ministère des Affaires étrangères a annoncé il y a quelque temps qu'il injecterait 10 millions de dollars, par l'entremise du Fonds pour la paix et la sécurité dans le monde, dans la sécurité et le système judiciaire du pays. Et pour répondre précisément à la question de M. Dewar, un collègue m'a transmis certains renseignements au sujet des soins de santé: le Canada s'est engagé à investir près de 520 millions de dollars au cours des cinq prochaines années. En février 2007, l'ACDI a annoncé que 18,75 millions de dollars seraient alloués en appui au développement du système de santé haïtien, 17,5 millions de dollars en appui au Programme élargi de vaccination, 9,2 millions de dollars en réponse à l'Appel transitionnel des Nations Unies, 19,8 millions de dollars pour le Programme de remise en état de l'infrastructure économique de base et 5 millions de dollars pour la mise en oeuvre du Programme national d'alimentation scolaire. Ce sont quelques-uns des chiffres précis qu'a demandés M. Dewar concernant les soins de santé.
    Peu importe le montant de l'aide accordée, tout ce que nous voulons, ce sont des résultats concrets et des réussites. Nous savons que la MINUSTAH et d'autres organisations sont très optimistes. Je suppose que c'est une question de perspective, mais certains diront que la situation ne peut faire autrement que de s'améliorer. Nous visons une meilleure démocratisation afin que le Parlement et le système judiciaire puissent mieux fonctionner, au même titre que ce dont vous nous avez parlé aujourd'hui. Nous vous souhaitons le meilleur pour l'avenir.
    Merci d'être venus témoigner aujourd'hui.
(1205)
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.