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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 018 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1810)

[Traduction]

    Nous allons commencer les travaux de cette première heure de la soirée. Nous recevons deux témoins.
    Monsieur Van Kessel, je vais lire ceci au complet, même si c'est long. Gerry Van Kessel est ancien directeur général, Section des réfugiés, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, et ancien coordonnateur, Consultations intergouvernementales sur les politiques de la migration et des réfugiés demandant l'asile, Genève. Bienvenue au comité, monsieur.
    Le deuxième groupe de témoins comparaîtra par vidéoconférence depuis Toronto. Jordan Pachciarz Cohen, agent d'établissement et Maria Eva Delgado Bahena, réfugiée, représentent le Mennonite New Life Centre of Toronto. Vous êtes donc deux.
    Nous allons commencer, comme je crois vous l'avoir expliqué avant le début de la séance. Vous aurez chacun jusqu'à sept minutes pour faire votre exposé, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
    Monsieur Van Kessel, soyez le bienvenu à notre comité. Nous vous remercions d'être ici; vous disposez d'un maximum de sept minutes pour nous livrer votre exposé.
    Premièrement, j'aimerais remercier le comité permanent de me donner l'occasion de partager avec lui mes réflexions sur la reconnaissance du statut de réfugié et le projet de loi que vous étudiez. J'espère que ce que je dirai vous sera utile.
    Lorsqu'on discute de l'immigration et des réfugiés, on entend souvent parler du besoin d'équilibre. En matière de reconnaissance du statut de réfugié, un système équilibré est un système qui protège les demandeurs qui ont besoin de la protection de réfugié et qui refuse d'accorder les avantages liés à la revendication du statut de réfugié à ceux qui n'ont pas besoin de cette protection. Les difficultés commencent avec le fait que les demandeurs restent au pays jusqu'à ce qu'une décision soit prise à leur égard.
    Un système juste pour les réfugiés est un système qui donne le temps de préparer et de présenter la revendication, le temps de prendre une décision et le temps de l'examiner. Ce processus peut être très long et avoir comme conséquence imprévue d'attirer ceux qui ne cherchent pas à obtenir la protection de réfugié, mais plutôt à rester au pays pour y travailler. En présentant une revendication et en utilisant tous les mécanismes de révision à leur disposition, les demandeurs peuvent demeurer ici pendant de longues périodes avant que leur refus soit définitif et que leur renvoi ait lieu. Parce qu'il peut s'écouler plusieurs années entre le dépôt d'une demande de statut de réfugié et la décision de renvoi, on se fait dire qu'il est inhumain de renvoyer des gens établis et bien intégrés au Canada depuis des années, un argument qui n'est pas sans fondement.
    Le système de reconnaissance du statut de réfugié a clairement mené à ce que l'on pourrait appeler des processus inégaux. Les demandeurs d'asile ont commencé à arriver en grand nombre dans les pays industrialisés au cours de la deuxième moitié des années 1980. Ils sont maintenant plus de 10 millions. Le taux d'approbation est d'environ 25 p. 100, comparativement à 40 p. 100 au Canada, mais le pourcentage de demandeurs qui finissent par rester pour une quelconque raison est d'environ 90 p. 100. C'est parce que la plupart des pays parviennent encore moins bien que le Canada à renvoyer les demandeurs d'asile déboutés.
    Ces chiffres nous démontrent que, premièrement, les demandeurs du statut de réfugié sont davantage motivés par des facteurs qui ne sont pas mentionnés dans la définition du statut de réfugié de la convention que par le besoin de protection, et deuxièmement, qu'il est logique de présenter une revendication du statut de réfugié, puisque les chances de pouvoir rester sont bonnes — du moins pour longtemps, quand ce n'est pas pour toujours —, que l'on ait besoin ou non de protection.
    À ce sujet, l'étude d'un professeur d'une université de Londres en dit long. Ce professeur a interrogé des demandeurs d'asile qui lui ont répondu que le simple fait de pouvoir rester un an justifiait la présentation d'une demande. Revendiquer le statut de réfugié, c'est une façon de choisir une meilleure vie pour eux-mêmes et leur famille. Cela ne surprendra personne, mais ce n'est pas ce que visaient les gouvernements, qu'ils soient pour ou contre l'immigration, lorsqu'ils ont signé la Convention de Genève.
    Le contrôle des frontières constitue une expression de la souveraineté des pays. Le droit international est clair à ce sujet. En signant la Convention de Genève, les États consentent à mettre de côté la souveraineté quand il est question de réfugiés. Les chiffres révèlent qu'ils ont aussi abdiqué leur souveraineté pour les non-réfugiés qui sont dans le processus de reconnaissance d'une demande d'asile.
    Ainsi, lorsque les gouvernements gèrent les demandes d'asile, ils cherchent des façons de répondre aux faux réfugiés, mais contrairement à ce qu'ils font avec les immigrants illégaux, ils agissent dans le cadre de leur obligation de protéger les réfugiés. Voilà ce que font les gouvernements depuis maintenant 25 ans.
    Les changements varient grandement: des changements constitutionnels en Allemagne, aux visas pour les visiteurs, à une augmentation des ressources, en passant par des procédures visant les faux réfugiés et un accroissement considérable des efforts pour renvoyer les demandeurs d'asile rejetés. Chaque changement soulève des critiques parmi des ONG et d'autres défenseurs des droits de ces personnes qui prétendent que cela a pour effet de réduire la protection offerte aux réfugiés. Je crois que sans ces changements, le système pour les réfugiés se serait effondré.
    Que les systèmes de reconnaissance du statut de réfugié soient encore intacts, même si l'équilibre idéal reste difficile à atteindre, indique que cette recherche de l'équilibre a porté fruit. L'accroissement du taux d'approbation découlant de la diminution du nombre de non-réfugiés par rapport aux réfugiés qui arrivent dans nos pays — car les réfugiés continuent de croire que cela vaut la peine de faire l'effort de venir ici — le démontre. Et je n'hésite pas à reconnaître qu'il s'agit là d'un effort.
    Un bon système de reconnaissance du statut de réfugié doit fonctionner de façon intégrée. Il faut un équilibre entre les ressources, c'est-à-dire les décideurs et l'appui dont ils ont besoin, les procédures et le volume des demandes. Les décideurs doivent avoir les compétences et les connaissances nécessaires pour prendre de bonnes décisions, et il doit y en avoir assez pour que le traitement se fasse sans retard. Les procédures doivent être justes pour que les décisions soient avisées. Elles doivent aussi être efficaces pour décourager les non-réfugiés. Pour terminer, l'afflux de réfugiés doit correspondre à ce que les ressources sont capables de gérer. Une augmentation soudaine et imprévue du volume de demandes d'asile sera le plus souvent traitée au moyen de mesures spéciales, comme une protection temporaire ou une amnistie, plutôt que par les décideurs.
    Il existe diverses mesures pour contrôler le volume des demandes. Les plus évidentes sont l'imposition de visas, de documents de voyage plus sûrs, les interceptions et des dispositions sur les tiers pays sûrs et le pays d'origine. Les procédures visant les non-réfugiés font en sorte qu'il n'est pas intéressant, pour eux, de présenter une demande. Le problème avec les ressources, mis à part leur coût, c'est que cela prend beaucoup de temps à les mettre en place pour répondre à une augmentation rapide du nombre de demandeurs. Résultat: les délais de traitement sont évidemment plus longs.
    Lorsque j'examine les changements proposés par le gouvernement, j'y vois un équilibre. Le système sera plus juste grâce à l'appel basé sur le droit et le bien-fondé de la demande.
    En passant, il sera intéressant de voir l'effet de l'appel sur les délais de traitement et les taux d'approbation. Il convient de souligner que même sans un système d'appel, le Canada a un taux d'approbation sensiblement plus élevé, en moyenne, que celui des autres pays qui ont un système d'appel.
    Si ce système est mis en place pour les personnes venant d'un pays sûr, la situation demeurera la même qu'aujourd'hui. Elles ne pourront se prévaloir du nouveau système d'appel, mais continueront d'avoir accès à la Cour fédérale.
    La limite d'un an est logique parce qu'elle empêche le prolongement du processus dans le cas où on a déjà traité le dossier. L'augmentation du nombre de renvois est essentielle pour réaffirmer qu'il s'agit là du résultat d'une décision négative.
    En conclusion, je dirais que les changements sont équilibrés, mais comme pour tout système semblable, il n'en faut pas beaucoup pour rompre l'équilibre.
    Merci.
(1815)
    Merci, monsieur.
    Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur Van Kessel.
    C'est maintenant au tour du Mennonite New Life Centre of Toronto. Vous avez jusqu'à sept minutes, ensemble ou séparément.
    Merci.
    Je m'appelle Jordan Pachciarz Cohen et je suis conseiller en établissement au Mennonite New Life Centre. Je suis également stagiaire en droit. Je travaille avec un avocat de Toronto à préparer les demandes de renseignements personnels pour les revendications du statut de réfugié.
    Pour commencer, merci, monsieur le président. Le Mennonite New Life Centre tient à remercier le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de prendre le temps de tenir des consultations dans la communauté sur les mesures de réforme concernant les réfugiés. Nous croyons que les recommandations suivantes vous seront utiles pour prendre des décisions et modifier cette importante mesure législative, afin que la protection continue d'être la priorité d'un système de détermination du statut de réfugié juste et efficace.
    Je crois que nous voulons tous un système rapide, efficace et juste. Cependant, le projet de loi C-11 suscite chez nous plusieurs préoccupations, et comme notre temps est limité, nous ne parlerons que de quelques-unes d'entre elles.
    Notre première préoccupation concerne la désignation de pays « sûrs » et l'absence de processus d'appel pour les pays désignés comme tels. Nous croyons que cela risque d'entraîner une politisation du système visant les réfugiés et de compromettre l'indépendance de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Nous croyons qu'une évaluation du bien-fondé de chaque dossier est nécessaire, sans intervention gouvernementale ni influence de la part de ceux qui désignent les pays sûrs selon certains critères politiques. De même, il est important de souligner que les demandes provenant de pays que l'on considère généralement sûrs sont celles qui auraient le plus besoin d'être revues en appel. Cela tient aux questions compliquées de fait et de droit, comme l'existence d'une protection d'État dans des pays généralement jugés sûrs.
    Une autre de nos préoccupations concerne l'accès aux demandes pour des motifs humanitaires, et la limite de 12 mois pour présenter une demande pour ces motifs après avoir reçu une décision négative. Premièrement, je tiens à mentionner que de nombreuses demandes ne sont pas refusées à cause du manque de crédibilité ou parce que certaines personnes essaient de profiter du système, mais à cause de la définition étroite de réfugié, en raison de la protection offerte par l'État, l'accès à cette protection ou les options de vols domestiques. La section du statut de réfugié juge que les gens font face à des risques, mais pas à de la persécution, alors il faudrait pouvoir évaluer les risques dans le cadre des motifs humanitaires invoqués.
    Je vais vous donner des exemples de gens qui ne peuvent invoquer des raisons d'ordre humanitaire, mais qui devraient avoir le droit de le faire. Le premier exemple est celui d'une famille qui arrive au Canada, y demande l'asile et dont un membre jouit d'une double nationalité parce qu'il est né dans un pays autre que le pays de persécution, mais n'a jamais vécu dans ce pays. Voici un deuxième exemple: si une famille entière arrive au Canada, y demande l'asile, est acceptée, mais qu'un de ses membres est âgé de plus de 21 ans et ne peut être inclus dans la demande de résidence permanente en tant que personne protégée, et que cette personne n'a pas de famille dans le deuxième pays dont elle est citoyenne; elle n'a aucun lien avec ce pays et risque d'être renvoyée dans un endroit dont elle ignore tout, où elle ne connaît personne et sera séparée de sa famille.
    Une autre situation pourrait être celle d'une personne qui a un enfant avec un résident permanent ou un citoyen canadien; si cette personne devait être expulsée du Canada, on devrait pouvoir invoquer des motifs humanitaires et le meilleur intérêt de l'enfant pour que les deux parents restent au Canada pour l'élever.
    Il existe de nombreux autres cas de figure; il ne s'agissait là que de deux exemples.
    Je vais maintenant parler des échéanciers du projet C-11 et de l'entrevue du huitième jour. Nous craignons qu'une entrevue avec un fonctionnaire huit jours après avoir présenté une demande mène à de mauvaises décisions. Comment peut-on s'attendre à recueillir des renseignements exacts quand les questions ne sont pas posées dans un environnement calme qui inspire confiance?
(1820)
    Les demandeurs d'asile ont besoin de bons conseils pour présenter leur demande, et ils ne connaissent pas les lois et les procédures ni quels renseignements il est nécessaire de mentionner ou sont importants pour leur demande. Souvent, ils reçoivent des conseils avant d'arriver au Canada de la part d'individus sans scrupules, et sans les conseils d'un avocat, ils pourraient présenter des renseignements faux ou imprécis.
    Dans le cadre de mon travail, qui consiste à aider les gens à préparer leur demande et le récit de leur histoire personnelle, je constate que les demandeurs croient souvent qu'ils ne peuvent pas faire état des événements pour lesquels ils n'ont pas de preuves concrètes. Alors, ils ne mentionnent pas ces renseignements, parce qu'ils ignorent que leur témoignage oral constitue une preuve et que c'est pourquoi leur crédibilité est évaluée lors de l'audience devant la CISR.
    Il existe une peur des fonctionnaires. Souvent ce sont des fonctionnaires qui sont les persécuteurs dans le pays d'origine, et le fait de placer ces gens dans un environnement où c'est un fonctionnaire qui mène l'entrevue ne leur donne pas le temps ni un environnement sûr pour présenter leur dossier dans un cadre de confiance. Il n'y a pas suffisamment de temps pour préparer les rapports psychologiques et rassembler l'information précise demandée.
    Je crois que Maria Eva est l'exemple d'une personne qui, d'après moi, aurait probablement eu beaucoup de difficulté à être acceptée à titre de réfugiée avec le projet de loi C-11, qui vise la réforme du système actuel de détermination du statut de réfugié; et elle n'aurait probablement pas été acceptée si elle n'avait pas eu le temps nécessaire pour préparer son dossier. Je vais la laisser vous décrire brièvement sa situation.
    Bonjour. Je m'appelle Maria Eva Delgado Bahena. Je viens du Mexique. On m'a offert l'asile au Canada parce que j'étais battue par un conjoint violent qui était non seulement membre du gouvernement, mais également extrêmement corrompu. Je suis allée voir les autorités à de nombreuses reprises, j'ai même demandé l'aide du gouverneur de l'État, mais je n'ai trouvé aucune protection.
    Nous sommes très reconnaissants d'avoir eu le temps de bien préparer mon dossier. Il m'aurait été impossible de parler à un fonctionnaire après huit jours pour lui raconter mon histoire. Je lui aurais simplement expliqué une partie de ma situation. Je n'aurais pas été en mesure de parler des détails personnels, ni des activités de mon conjoint en tant que représentant corrompu du gouvernement. J'avais aussi très peur de parler d'autres événements lors de mon audience, même après avoir reçu beaucoup d'aide de la part de psychologues, d'avocats et de travailleurs sociaux. C'était tellement traumatisant que je ne peux pas imaginer être capable de le faire au bout de huit jours.
    Lors de mon audience, lorsqu'on a commencé à me poser des questions sur les raisons de mon arrivée au Canada, je ne savais pas comment parler de quelque chose qui était si douloureux pour moi à quelqu'un qui allait me juger. J'avais honte de me souvenir de nombreuses choses.
    Il m'a fallu plusieurs mois pour réunir tous les documents et les preuves nécessaires pour faire accepter mon dossier. J'aurais voulu présenter beaucoup de documents, mais leur traduction aurait pris plus de temps que je n'en avais.
    Je sais que mon pays est perçu comme un endroit sûr. Mes enfants et moi sommes la preuve que le système, au Mexique, s'est détérioré, parce que mes plaintes répétées afin d'obtenir justice, y compris après m'être adressée au secrétaire du gouvernement et même au gouverneur lui-même, ont été rejetées parce que mon agresseur était une personne politique publique.
    Le Mexique n'est pas un endroit sûr. Les autorités en place ne peuvent pas offrir de protection à leurs citoyens. C'est pourquoi on m'a acceptée ici.
    Merci.
(1825)
    Merci beaucoup.
    Je vais commencer par vous poser une question, monsieur Van Kessel. Il semble que vous soyez dans ce domaine depuis assez longtemps. Pouvez-vous nous dire si le système qui est proposé dans le projet de loi C-11, en tout ou en partie, a été utilisé dans d'autres pays, et dans l'affirmative, quels problèmes ont été soulevés? Je suis certain que vous êtes au courant de ces problèmes.
    Il y a tellement d'éléments dans un système de détermination du statut de réfugié, et tellement de variations pour chaque élément, que la réponse courte est oui. Si on regarde ce que tous les pays font... Par exemple, les tiers pays d'origine et la limite en ce qui a trait au droit d'appel — c'est l'un des éléments que je connais le mieux à l'heure actuelle — sont utilisés par un certain nombre de pays dans le cadre des demandes d'asile. Je pense qu'il est vraiment important de comprendre qu'on parle ici de gens qui veulent avoir une meilleure vie, qui ne peuvent pas suivre le processus normal d'immigration, mais qui voient cela comme une occasion. C'est populaire, car cela leur donne le temps de s'enraciner.
    Dans certains cas, les pays renvoient les gens chez eux. En raison de la disposition sur le tiers pays sûr qui existe dans certains pays, ces gens n'ont pas le droit de faire ce qu'on appelle du « magasinage » pour trouver un pays d'asile. S'ils sont dans un pays sûr, c'est là qu'ils doivent présenter leur demande.
    En étant dans un pays d'origine sûr, il est beaucoup moins probable d'être considéré comme réfugié, car le pays d'où vient le demandeur est assez semblable au pays où il se trouve; par conséquent, c'est une autre procédure qui s'applique. Il arrive très souvent qu'on mette en place une procédure accélérée avec des délais précis pour les gens dont la demande était considérée par le ministère — j'étais au ministère il y a 10 ans — comme étant manifestement non fondée. Nous avons même essayé ce que l'on appelait un « minimum de fondement » afin de tenter d'avoir un système accéléré pour les gens dont la demande n'était pas crédible.
    Oui, ces diverses méthodes ont été essayées et sont en place dans bon nombre de pays à l'heure actuelle. C'est la réponse courte à votre question.
    Merci.
    Bon retour au Comité de l'immigration, madame Mendes. Vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Tilson.
    Je suis heureuse de vous voir, monsieur Van Kessel. Nous nous sommes rencontrés il y a plus de 10 ans, dans une autre période de notre carrière.
    Je serais curieuse de savoir, étant donné vos nombreuses années d'expérience et les multiples déplacements que vous avez effectués dans le cadre de votre travail, comment on peut déterminer qu'un pays d'origine est sûr. Par exemple, dans le cas de cette dame qui vient du Mexique, comment pouvons-nous avoir cette liste et être toujours le pays d'accueil que nous devrions être pour des cas comme celui-là?
(1830)
    Je ne prétends pas être un expert en ce qui a trait au nouveau système. Je connais assez bien les systèmes en général, mais je n'ai pas passé de temps à examiner celui-ci en détail. Si j'ai bien compris ce qui est proposé pour les pays d'origine sûrs, les demandeurs peuvent toujours obtenir une audience en bonne et due forme, comme tous les autres demandeurs. La seule différence, c'est l'appel. C'est vraiment la seule différence. Par conséquent, la situation pour les personnes qui viennent d'un pays d'origine sûr reste la même à l'heure actuelle, car il n'y a aucun appel possible pour qui que ce soit. C'est donc un compromis. Si on a confiance dans le processus décisionnel au premier niveau, si on a cette confiance... Si je puis me permettre, je dirais que l'on peut défendre des cas individuels; on peut toujours le faire. Je dirais qu'en général, nous le faisons puisque selon les normes internationales, nous avons le taux d'approbation le plus élevé au monde. Je pense que ce qui est très important, ce sont les critères utilisés et adoptés lorsqu'il s'agit de...
    Déterminer les pays sûrs.
    ... Déterminer les pays d'origine sûrs.
    Lorsque j'étais directeur général, nous avions par exemple imposé un visa pour la République Tchèque et la Hongrie, et nous avions eu, à l'époque, des discussions difficiles à l'interne — ainsi qu'avec le ministre — au sujet de l'équilibre à atteindre. À ce moment-là, ce n'était pas tant le pays d'origine sûr que le visa qui empêchait les gens de venir, car on n'accordait jamais de visa à des gens dont on pensait qu'ils voudraient rester de façon permanente.
    Mais pour en revenir à M. Cohen, si vous me le permettez, ce que M. Van Kessel vient tout juste de dire, c'est que Mme Delgado Bahena aurait encore pu présenter une demande en vertu des nouvelles règles. Est-ce que vous comprenez les choses de la même façon?
    Oui. Cependant, ce qui est préoccupant dans le cas de Mme Bahena, ce n'est pas le pays d'origine sûr, mais plutôt les délais et le processus d'entrevue après huit jours. Elle expliquait qu'elle n'aurait pas pu divulguer certains renseignements étant donné qu'elle était traumatisée et craignait de parler à un représentant du gouvernement, car elle avait l'impression qu'il y avait un lien entre le Canada et les États-Unis dans le cadre de l'ALENA. Ce n'étaient pas des renseignements confidentiels. Elle ignorait si ces renseignements seraient transmis au gouvernement du Mexique ou pas.
    Et l'accès aux documents, j'imagine.
    Ce n'est qu'un aspect.
    Très bien.
    Partagez-vous le même avis, monsieur Van Kessel?
    Sur le fait que les renseignements seraient transmis au Mexique?
    Non, non, à propos des huit jours; que cela pourrait être...
    Encore une fois, je ne comprends pas tous les détails du système, et je ne prétends pas les comprendre, mais c'est une chose que de présenter une demande en huit jours quand l'audience aura lieu 40 jours plus tard. J'ignore si on peut fournir des renseignements supplémentaires pendant ce lapse de temps. Je ne suis tout simplement pas au courant.
    Où fixe-t-on la limite? Je me souviens avoir participé à des débats internes au sujet des échéanciers, et il y a toujours des raisons pour repousser les délais. Où fixe-t-on la limite? il faut l'établir quelque part et reconnaître que c'est nécessaire. Sinon, on va à l'encontre du but recherché avec l'échéancier.
    Mais nous croyons comprendre, et c'est ainsi que j'interprète le projet de loi jusqu'à présent, que la disposition concernant l'entrevue après huit jours ne fait pas partie de la loi. Elle fera partie du règlement, si j'ai bien compris. J'imagine donc que cela pourrait être assez flexible, n'est-ce pas?
    Vous vouliez-dire quelque chose, monsieur Cohen?
    Oui, s'il vous plaît.
    Je crois que la disposition concernant l'entrevue après huit jours est dans la loi; c'est l'audience après 60 jours qui n'y figure pas.
    C'est le contraire. Je crois que l'entrevue après 60 jours est bel et bien dans la loi. C'est l'entrevue après huit jours qui ne l'est pas. Oui, les 60 jours sont indiqués dans la loi. Ce sont les huit jours qui n'y sont pas mentionnés. Cela ferait partie du règlement d'application. Donc, j'imagine que cela pourrait faire l'objet d'un débat; c'est ce que je crois comprendre.
    Cela semble cependant donner très peu de temps à quelqu'un pour recueillir tous les renseignements et pour que l'agent de première ligne décide si la demande est recevable ou pas.
(1835)
    Ce que j'ignore, c'est si le délai de huit jours est consenti pour recueillir tous les renseignements ou pour commencer à les recueillir. Je me souviens combien il était important de réunir l'information le plus vite possible, particulièrement en ce qui concerne l'identité, pour régler les questions d'identité. L'un de nos grands problèmes était que nous ne savions pas à qui nous avions affaire. Plus nous prenions de temps pour le leur demander, plus il était improbable que l'on obtienne la réponse dont on avait besoin, pour savoir qui ils étaient. C'est là un autre aspect du problème.
    L'échéancier?
    Oui, je pense qu'il faut obtenir ces renseignements le plus rapidement possible. Mais si, par exemple, vous avez — et c'est mon opinion personnelle, car je ne témoigne pas au nom du ministère ...
    Non, non, je comprends. Je le comprends tout à fait, mais...
    J'ai bien peur qu'il ne vous reste plus de temps.
    C'est tout? Merci, monsieur Tilson. Vous avez été gentil.
    Madame Thi Lac, vous avez la parole.

[Français]

    Bonjour à vous tous. Je vous remercie de votre présence et de votre témoignage.
    Depuis quelques semaines, on a parlé et reçu beaucoup de témoins relativement à la présente étude de ce projet de loi. Il en est ressorti que les délais sont actuellement très longs, comparativement à ce qu'on voudrait établir par le présent projet de loi. Il ne faut jamais oublier non plus que depuis 2006, depuis que les conservateurs sont au pouvoir, plus du tiers des postes des commissaires n'ont pas été comblés. Cela a entraîné beaucoup d'arriérés. On insiste beaucoup sur le fait que des demandeurs présentent des demandes alors qu'ils ne sont pas de vrais demandeurs.
    De plus, le gouvernement, en tardant à légiférer relativement à l'encadrement des consultants, a fait que plusieurs demandeurs ont peut-être déposé des demandes mal préparées, parce qu'ils ne disposaient pas de l'information ou des conseils nécessaires pour bien s'orienter lors du dépôt de la demande.
    Que pensez-vous du fait que, en huit jours, le fonctionnaire va conseiller les demandeurs lors de la présentation de leur demande? Ne croyez-vous pas aussi que le projet de loi devrait être plus précis, afin de permettre que les demandeurs soient référés plutôt à des avocats? En effet, on sait que dans les premiers jours, les gens arrivent ici et ne connaissent pas notre système. C'est difficile, et le fonctionnaire devrait être une personne neutre. Ce n'est pas nécessairement quelqu'un qui va leur donner l'information utile pour préparer leur demande. Partagez-vous cette opinion?

[Traduction]

    Merci.
    Je suis entièrement convaincu que les fonctionnaires sont neutres lorsqu'il s'agit de recueillir des renseignements. Le Canada est signataire de la Convention de Genève. Cela signifie que nous avons accepté l'obligation de ne pas refuser de réfugiés au sens de la convention. Le travail du fonctionnaire à cet égard consiste à recueillir de l'information pertinente pour la prise de décision. Selon mon expérience, le fonctionnaire n'a aucun intérêt ni avis personnel à avoir au sujet de l'issue négative ou positive d'une décision par rapport aux renseignements qui doivent être recueillis. Donc, je n'hésite aucunement à dire que les fonctionnaires vont recueillir l'information nécessaire, de sorte que lorsque la demande sera présentée au décideur de premier niveau, toute l'information y sera. Et si le décideur de premier niveau conclut que les renseignements ont été recueillis de façon inappropriée ou reflètent quelque parti pris que ce soit, ce sera tiré au clair très rapidement.
    Je dis cela sans hésitation. Pour avoir travaillé avec des arbitres, lorsque j'étais au ministère, etc., je peux vous dire qu'ils étaient vraiment indépendants. Lorsqu'une décision importante devait être rendue et que nous, hauts fonctionnaires, devions nous rencontrer, nous nous demandions ce qui allait arriver, car nous n'en avions pas la moindre idée. Et nous savions également que nous n'avions pas à nous ingérer dans les affaires.
    Cela ne me pose aucun problème. Et s'il y a des fonctionnaires qui le font, il faudra prendre les mesures appropriées pour y remédier.
(1840)

[Français]

    Mon temps est limité, je vais donc poser mes deux ou trois questions en rafale, et vous pourrez répondre par la suite.
     Puisque notre but est d'améliorer le projet de loi, selon vous, quel aspect de ce projet de loi est le plus problématique? Que devrait-on améliorer?
     On parle également du danger d'établir des pays source. On a souvent répété que les demandeurs ne pourraient pas faire appel s'ils provenaient d'un pays source. On a également entendu que le ministre ne pourrait pas non plus faire appel si un ressortissant d'un pays source était accepté. Le ministre se prive également de ce droit d'appel. Je voulais vous entendre là-dessus.
    Ne croyez-vous pas que le traitement rapide occasionnerait également, le rejet de demandes par les fonctionnaires? En effet, ils seraient aussi désavantagés parce qu'ils n'auraient pas eu l'information nécessaire pour répondre à toutes les questions relatives aux informations qui auraient été données lors de la première rencontre avec les demandeurs.
    Finalement, on a parlé d'un principe semblable à celui du directeur général des élections. Ne croyez-vous pas qu'en ce qui a trait aux nominations, on pourrait aller chercher des gens qui ne sont pas nécessairement des fonctionnaires, un peu comme le DGE le fait?

[Traduction]

    Le problème, c'est que vous avez quatre questions et que vous leur avez donné une minute pour y répondre.
    Quoi qu'il en soit, monsieur Van Kessel, vous pouvez répondre à n'importe laquelle des questions.
    Je serai très bref.
    La partie du projet de loi qui est la plus problématique, je pense, ce sont les hypothèses que l'on fait en ce qui concerne les échéanciers, et si ces derniers peuvent vraiment être respectés, car la situation en matière d'immigration et de réfugiés n'est pas statique. Si l'un de ces éléments change, alors les suppositions et les échéanciers changent aussi. À mon avis, il s'agit là de l'élément le plus fragile.
    En ce qui concerne la question du pays d'origine sûr, je dis que si nous pouvons démontrer que le statu quo pose problème, alors le nouveau système posera problème. À ma connaissance, cependant, le statu quo ne pose aucun problème. Notre taux d'approbation est plus élevé que celui de n'importe quel autre pays, sans procédure d'appel.
    Le processus accéléré, les demandes déboutées parce qu'il manque de l'information... Il est possible de porter la décision en appel devant la Cour fédérale. Si la Cour fédérale conclut que les renseignements ne sont pas suffisants ou qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, quelque chose qui n'a pas été bien fait, d'après mon expérience, cette dernière n'hésite absolument pas à le souligner de façon très directe.
    Enfin, en ce qui concerne les nominations, je suis convaincu que ces gens sont entièrement indépendants, d'après mon expérience auprès des arbitres du ministère, pas de la CISR. Mon expérience avec certains membres de la CISR, c'est qu'étant donné que leur nomination arrivait à échéance après une certaine période, ils étaient très inquiets de la façon dont leurs décisions seraient perçues au niveau politique. Donc, je pense que peu importe le système, il peut y avoir des problèmes, mais les fonctionnaires, parce qu'ils ont une garantie à vie, peuvent être vraiment indépendants, et ils le sont.
    Merci, monsieur.
    Madame Wong.
    J'aimerais partager mon temps avec Rick, et je vais le laisser intervenir en premier.
    Il y a quelque chose qui revient constamment au début de nos discussions, lorsque nous posons des questions à nos témoins, et Mme Mendes l'a très bien fait ressortir. C'est toute la question du processus d'entrevue après huit jours. Cette question semble avoir accaparé la première partie de tous les exposés des témoins. Tous les témoins qui sont venus nous présenter un exposé nous ont dit que ce processus de huit jours allait aboutir à une sorte de résultat pour la prise de décisions.
    Nous devons dire très clairement que nous n'avons pas encore de règlement qui stipule exactement ce à quoi ressemblera ce processus. J'aimerais bien que les témoins nous disent à quoi ce processus devrait ressembler, selon eux, ou s'ils estiment que ce processus devrait être un peu plus long. Je sais que la plupart des témoins le pensent; ils peuvent certainement nous donner leur opinion. Il est cependant inexact de laisser entendre que ce processus d'entrevue après huit jours pourra mener à une décision. Aux fins du compte rendu, je pense que nous devons corriger cette impression, et il faut le faire chaque fois qu'un groupe comparaît devant le comité. Je pense que c'est essentiel.
    Mme Mendes a posé une question au sujet du processus d'entrevue au bout de huit jours et du processus d'audience qui suivrait, après 60 jours. Je tiens à préciser rapidement que ces dispositions ne font pas partie du projet de loi. Aucune de ces dispositions ne se trouve dans le projet de loi. C'est quelque chose que l'on retrouvera dans le règlement qui sera rédigé lorsque le projet de loi aura été adopté.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Wong.
    Cependant, il est certain qu'il y a une mauvaise interprétation de ce que représente le processus initial. Je pense que M. Van Kessel l'a assez bien décrit. C'est la possibilité de recueillir de l'information le plus rapidement possible pour aider le demandeur. Ce n'est pas un processus judiciaire. Ce n'est pas non plus un processus quasi judiciaire. Il ne s'agit aucunement d'une sorte de représentation juridique ou de présentation qui serait définie dans un cadre juridique. Il s'agit d'un processus qui vise à aider le demandeur dans toute la mesure du possible.
(1845)
    Puis-je intervenir?
    Oui, vous le pouvez. Allez-y, monsieur.
    Je pense que je peux répondre aux deux questions qu'ont posées les deux membres du comité. Ce qui me préoccupe, au sujet du processus d'entrevue après huit jours, ce n'est pas qu'il y a une loi ou qu'il y aura un résultat, c'est le fait que cela ne permettra pas d'obtenir des renseignements exacts, ce qui pourrait donner lieu à une mauvaise décision au sujet de la crédibilité du demandeur lors de l'audience.
    Les agents de protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sont considérés comme neutres, mais d'après mon expérience, chaque fois que je suis allé à des audiences pour représenter des gens, pour soutenir des gens, l'agent de protection des réfugiés, qui aide le commissaire de la CISR à prendre la décision et qui pose toutes les questions, est loin d'être neutre et il est très dur. Lors de l'audience de Maria Eva, l'agente n'était absolument pas neutre. Elle a été extrêmement dure avec Maria lorsqu'elle décrivait la violence sexuelle dont elle avait été victime, et elle a déclaré très clairement qu'elle ne croyait pas un mot de ce que disait Maria Eva, même si le témoignage de cette dernière était très crédible et cohérent.
    Il ne s'agit pas de savoir si oui ou non...
    Monsieur le président, c'est à mon tour.
    Je comprends ce que vous dites, mais c'est ainsi que fonctionne le système actuel. C'est pourquoi vous vouliez le changer. À l'heure actuelle, dans le nouveau système, la CISR engage des préposés aux entrevues. Ces personnes ne procéderont pas à la première collecte de données. Le processus sera impartial. Les préposés seront bien formés, de façon à bien comprendre le travail qu'ils ont à faire. Ils auront connaissance des défis à relever. Ils auront aussi la latitude nécessaire pour remettre à plus tard une entrevue lorsqu'il y a une preuve de traumatisme ou de vulnérabilité.
    Dans ce cas, pourquoi ne pas procéder à une réforme qui permettrait, la plupart du temps, de rendre des décisions le plus rapidement possible à l'égard des demandes examinées? C'est exactement ce qui se produit maintenant, et c'est exactement pourquoi nous avons besoin d'une réforme. Un des membres de la CISR est venu nous expliquer comment les préposés aux entrevues seront embauchés, combien ils seront impartiaux et jusqu'à quel point la CISR est disposée à faire appel à des gens qui ne sont pas au gouvernement, et peut-être à demander l'avis d'experts externes. C'est ce que la CISR nous a garanti.
    Par ailleurs, en ce qui a trait aux pays désignés comme sûrs et à ce que vient de dire M. Kessel, il faut savoir que certains pays prévoient des exceptions, dans des cas particuliers. Je prends encore l'exemple du Royaume-Uni. Ce pays considérait le Ghana comme un pays d'origine sûr. Cependant, on savait que des Ghanéennes étaient victimes d'une certaine forme de persécution. Le Royaume-Uni a donc permis que les demandes provenant de ces femmes soient traitées de façon particulière. Si nous adoptions une telle mesure, n'accélérerions-nous pas véritablement le processus?
    Monsieur Kessel, cette question s'adresse à vous.
(1850)
    Il est très difficile de tracer la ligne entre l'efficience et l'équité. Vous conviendrez que les difficultés résident dans les menus détails. Il s'agit donc de déterminer ce que disent les détails sur le traitement des exceptions. Or, dans le domaine de l'établissement du statut de réfugié, un problème survient souvent lorsque l'exception devient la règle: ceux que j'appelle les faux demandeurs en profitent pour rester ici longtemps. L'équilibre est donc difficile à atteindre.
    Oui, le gouvernement doit faire preuve d'une grande subtilité lorsqu'il détermine quelles catégories méritent plus d'attention. Selon mon expérience à Genève, je ne connais aucun gouvernement qui ne prenait pas ses obligations de signataire au sérieux. Mais en même temps, tous les gouvernements veulent protéger leurs frontières. C'est toujours une question d'équilibre. Je pense que c'est faisable, mais est-ce que cela nous aidera à tracer la ligne une bonne fois pour toutes? Non, et je ne suis même pas sûre que ce soit la chose à faire de toute façon.
    Désolé, madame Wong. Vous avez utilisé beaucoup plus que votre temps.
    Monsieur Bevilacqua.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins pour leurs exposés. L'examen du projet de loi C-11 nous aura permis d'entendre bien des témoins, et il est toujours bon pour nous, parlementaires, d'en apprendre davantage sur les forces et les lacunes de ce projet de loi. Bien entendu, notre grand objectif consiste à l'améliorer. Nous voulons ainsi mieux servir les réfugiés qui viennent au Canada pour des raisons évidentes.
    Nous sommes tous conscients des préoccupations concernant les délais et la désignation des pays d'origine sûrs, et de celles ayant trait aux demandes présentées sur la base de raisons humanitaires. On a longuement discuté de ces questions qui finissent par devenir répétitives. Nous avons entendu de nombreux témoignages et nous connaissons bien la question. Il est maintenant temps de décider quoi faire.
    Mais j'aimerais aborder une question plus vaste qui, je crois, est parfois éludée. Avant l'annonce faite par le gouvernement, je me suis adressé personnellement au ministre de l'Immigration concernant le retard dans le traitement des demandes, l'inefficacité du système de détermination du statut de réfugié et tous les problèmes que des gens de partout au pays m'ont signalés à propos des réfugiés et du système. Je me suis alors dit que le statu quo était inacceptable.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Est-ce que le statu quo est acceptable pour vous? Par ailleurs, comme vous le savez, notre pays accuse un déficit assez imposant; il a une dette nationale croissante, mais il investit en même temps environ 540 millions de dollars de fonds nouveaux dans cette réforme. Certains ne souhaitent pas qu'on investisse là-dedans ou qu'on procède à la réforme; devrait-on quand même laisser cet argent sur la table?
    J'aimerais connaître la position de chacun sur cette question. Croyez-vous qu'on devrait améliorer le projet de loi? Devrait-on plutôt le rejeter? Il est important que nous connaissions votre point de vue.
    Monsieur Van Kessel.
(1855)
    Je crois qu'on devrait améliorer la situation actuelle. Pour diverses raisons, cette situation est inacceptable. Les demandeurs d'asile ne devraient pas attendre aussi longtemps. Lorsqu'on tarde autant à traiter les dossiers de ceux qui veulent être acceptés comme réfugiés et refaire leur vie au Canada — et je peux comprendre la décision qu'ils ont prise en venant ici —, on donne une mauvaise réputation à un système qui est censé mettre le Canada en valeur. Je crois que c'est très important. Le système actuel doit être amélioré.
    Étant donné le nombre de dossiers en attente de traitement, il faudra de l'argent pour corriger la situation. Il n'y a pas d'autre solution. Je me souviens avoir expliqué le problème au Conseil du Trésor. Je lui avais dit que, tôt ou tard, il devrait payer, parce qu'il s'agit simplement d'une question d'argent. Mais une question demeure: comment faire pour améliorer la situation? Je ne pense pas que le statu quo soit acceptable.
    Je crois que si l'argent est bien dépensé... Par exemple, si on conjugue des méthodes vraiment efficaces pour arrêter les gens qui utilisent le système de détermination du statut de réfugié pour simplement essayer de se donner une vie meilleure, l'argent sera efficace. De plus, les coûts diminueront en même temps que le nombre de dossiers. Parfois, c'est le coût de départ qui est élevé. Je ne veux toutefois pas créer de faux espoirs à ce sujet, parce que le monde de l'immigration est toujours plein de surprises. Ceci dit, je crois que l'argent doit être dépensé.
    Si vous commencez à refuser des gens en grand nombre, on ne tardera pas à se donner le mot: on dira que ce n'est pas la peine de venir ici, que si on veut partir de son pays et refaire sa vie ailleurs, il vaut mieux ne pas aller au Canada.
    C'est le genre de choses qu'il faut garder à l'esprit. Le pire — et c'est bien ironique —, c'est que plus vous êtes équitable, plus vous attirez des gens qui veulent simplement vivre une vie meilleure. C'est là qu'il faut prendre des décisions très difficiles.
    Je crois donc que le statu quo est inacceptable. À court terme, ce n'est pas une option. Il faut des changements.
    En ce qui concerne le fonctionnement du système actuel, je ne le connais pas suffisamment pour vous donner une réponse très éclairante. Mais je crois que dans ce milieu, il faut éviter d'être trop positif, parce que le nombre de gens qui recherchent une vie meilleure dépasse presque toujours la capacité d'un gouvernement à gérer la situation.
    Merci, monsieur Van Kessel.
    Nous allons maintenant remercier nos témoins.
    Peut-on lui accorder deux minutes?
    Avez-vous quelque chose à dire, monsieur Cohen?
    Puis-je répondre à la question?
(1900)
    Très brièvement, nous n'avons plus de temps.
    D'accord.
    Je crois aussi qu'il faut améliorer le projet de loi, car il comporte de nombreux éléments positifs, et je dirais que tout le monde veut la création d'un système plus rapide. Les demandeurs d'asile ne veulent pas attendre des mois, un an, un an et demi ou deux ans avant de recevoir une réponse. Un système plus rapide profiterait à tout le monde.
    Mais il faut éviter de mettre en place un système trop rapide, car cela pourrait entraîner des coûts supplémentaires. En effet, faute d'un bon système décisionnel de premier niveau, beaucoup plus de décisions seront renversées en appel ou contestées, et le système n'en sera que plus coûteux. En outre, si on fixe trop tôt les dates d'audience des réfugiés et qu'il faut attendre les documents nécessaires qui n'ont pas été présentés à temps, la CISR perdra son temps.
    Dans le système proposé, il faudra que les dates d'audience soient fixées de façon à ce qu'on ait assez de temps pour traduire les documents, recevoir des documents de l'étranger et bien préparer les dossiers. Sinon, les audiences devront inévitablement être remises à plus tard, et le système finira par être plus coûteux. On a déjà mis suffisamment d'argent dans le système pour accélérer...
    Merci, monsieur.
    Nous n'avons plus de temps. Un autre groupe de témoins attend de se présenter.
    J'aimerais vous remercier tous deux, ainsi que M. Van Kessel, d'être venus nous faire part de vos réflexions sur ce projet de loi. Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux membres du comité.
    La séance est suspendue pour deux minutes.
    Encore une fois, merci à vous deux.

    Mesdames et messieurs, nous allons reprendre.
    Nous accueillons maintenant M. Abraham Abraham, représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au Canada. Nous recevons également M. Michael Casasola, administrateur chargé de la réinstallation. Un autre témoin se joindra à nous sous peu.
    Monsieur, nous aimerions connaître vos réflexions concernant le projet de loi C-11.
    Nous vous écoutons, monsieur Abraham.
    Compte tenu du temps qui m'est accordé, j'irai directement à mon exposé.
    Monsieur le président Tilson, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, le HCR vous remercie de l'occasion qui lui est donnée de commenter le projet de loi C-11.
    La procédure canadienne de détermination du statut de réfugié est l'une des rares que le HCR donne en exemple aux autres pays. La nécessité de mettre à la disposition des demandeurs d'asile une procédure juste et efficace de détermination du statut de réfugié découle du droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile dans un autre pays, garanti par l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et des responsabilités qui découlent de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951 et du Protocole de 1967 qui s'y rattache, ainsi que de divers instruments internationaux et régionaux de défense des droits de la personne et de certaines des conclusions du comité exécutif.
    Comme l'ont souligné l'Assemblée générale des Nations Unies et le comité exécutif du HCR, où le Canada joue un rôle important, l'accès physique des demandeurs d'asile au territoire du pays d'accueil et l'accès aux démarches par lesquelles la validité de leur demande sera déterminée sont des conditions essentielles de la protection internationale accordée aux réfugiés.
    J'aimerais passer brièvement en revue les divers changements proposés à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    En ce qui concerne les délais, le projet de loi prévoit de les raccourcir, notamment pour le renvoi d'une demande d'asile et la conduite d'une entrevue avec un représentant de la CISR. Bien que ce ne soit pas précisé dans le texte du projet de loi, nous croyons savoir que la nouvelle formule doit prévoir une période de collecte de données de huit jours qui remplacera l'actuel Formulaire de renseignements personnels, la fixation d'une date d'audience et une détermination du statut de réfugié en première instance, devant un fonctionnaire, dans un délai de 60 jours.
    Le HCR préconise une procédure de détermination de statut juste et efficace, ce qui comprend le traitement rapide des demandes d'asile. Mais la rapidité du traitement ne doit pas compromettre l'équité. Il importe qu'un rapport détaillé soit rédigé après chacune des entrevues personnelles, donnant l'essentiel des renseignements fournis par le demandeur d'asile pour justifier sa demande. Selon les pratiques les plus recommandables, le demandeur d'asile devrait avoir accès au compte rendu de son entrevue et pouvoir en approuver le contenu. Il faudrait donner aux demandeurs d'asile des garanties procédurales et notamment respecter leurs droits d'être renseignés sur la procédure à laquelle ils seront soumis et d'avoir accès aux services d'un interprète. Les délais ne devraient pas jouer de manière négative sur le droit des demandeurs de s'adresser à un conseiller juridique ou de recueillir et de réviser l'information avant la tenue de l'audience. Des délais trop courts et des échéances trop serrées risquent en effet de jouer contre l'équité. Dans un cadre exemplaire, les raisons factuelles et juridiques pour lesquelles une demande de statut de réfugié est refusée seront communiquées aux demandeurs. Cette information devrait être donnée aux demandeurs assez tôt pour qu'ils puissent songer à l'éventualité d'un appel, et avoir le temps de préparer un dossier et de présenter une demande d'appel.
    Le HCR estime important que les décisions soient bien étayées afin que les demandeurs de statut puissent avoir des motifs valables d'en appeler d'une décision négative.
    En ce qui concerne le recours à des personnes nommées par le gouverneur en conseil dans les décisions de première instance, la détermination du statut de réfugié par des décideurs indépendants est un aspect fondamental d'un système juste et équitable. La détermination du statut de réfugié devrait être faite par un personnel spécialisé qui connaît les questions relatives aux réfugiés et à l'asile, qui sait recourir à des interprètes et qui maîtrise les techniques d'entrevues interculturelles. Dans la mesure du possible, cet exercice devrait relever d'une seule autorité centrale. L'autorité centrale devrait aussi comprendre des décideurs formés au traitement des demandes de personnes ayant des besoins particuliers, notamment les femmes, les enfants, les victimes de violence sexuelle, de torture ou d'autres sévices, ou les personnes ayant des déficiences physiques ou intellectuelles, c'est-à-dire des personnes pouvant avoir de la difficulté à formuler leur demande d'asile.
(1905)
    Par ailleurs, le HCR voit d'un très bon oeil la création d'une section d'appel des réfugiés. Dans la plupart des pays qui ont une procédure individualisée de détermination du statut de réfugié, les demandeurs ont le droit d'interjeter appel devant un tribunal indépendant et impartial. Ainsi respecte-t-on leur droit à un recours judiciaire. La section d'appel devrait être habilitée à étudier des questions de fait autant que de droit.
    Le HCR recommande que la section d'appel des réfugiés soit mise à la disposition de tous les demandeurs, y compris ceux qui viennent d'un pays « désigné » ou « sûr ». Une telle pratique ferait encore davantage du Canada un modèle à suivre. Au coeur de la Convention sur les réfugiés se trouve le principe de non-refoulement, en vertu duquel une personne qui a besoin de protection ne peut être retournée dans un endroit où ses droits humains risquent d'être bafoués, où elle risque la persécution ou même la mort. La raison d'être du mécanisme d'appel est de faire en sorte que les erreurs de fait ou de droit commises en première instance puissent être corrigées.
    En ce qui concerne la liste de pays désignés ou liste de « pays d'origine sûrs », le HCR ne s'oppose pas à sa création, tant que cette liste reste un outil procédural permettant de prioriser les demandes et d'en accélérer le traitement dans certaines situations bien précises, et qu'on ne s'en sert pas comme critère d'élimination absolu.
    Le principe du pays d'origine sûr présuppose que certains pays peuvent être désignés sûrs car il est raisonnablement certain que leurs ressortissants ne subissent ni persécution, ni torture, ni traitement inhumain ou dégradant, et ne sont pas menacés par la violence généralisée que suscite une guerre internationale ou civile.
    Dans de telles circonstances, il est essentiel que chaque demande donne lieu à une entrevue personnelle et soit étudiée attentivement et individuellement sur le fond, dans le respect des garanties procédurales; que chaque demandeur ait le temps nécessaire pour réfuter la présomption de sécurité de son pays d'origine dans son cas particulier; que le fardeau de la preuve qui pèse sur le demandeur ne soit pas plus lourd et qu'il ait droit à des recours efficaces en cas de décision négative.
    Si l'on veut recourir à la notion de pays d'origine sûr, il faut fixer des balises claires et objectives pour l'évaluation de la sécurité générale et prévoir certains mécanismes, notamment pour examiner les changements, rapides ou progressifs, qui se produisent dans les pays visés.
    Les enfants non accompagnés ou séparés de leurs parents ont besoin de garanties procédurales particulières, notamment de l'application du principe du « meilleur intérêt de l'enfant », conformément à la Convention des droits de l'enfant de 1989.
    Il se peut qu'en dépit de conditions générales de sécurité, un pays reste un lieu dangereux pour certains groupes ou soit propice à certaines formes de persécution. Dans ce cas, le HCR estime que la loi devrait prévoir un meilleur accès aux mécanismes d'évaluation pour les personnes qui présentent un profil de risque plus élevé.
    Un pays ne peut être désigné sûr s'il ne l'est que sur une partie de son territoire géographique. Le HCR insiste sur le fait que la désignation d'une partie du pays comme zone sûre ne veut pas nécessairement dire que le demandeur pourra y trouver un refuge.
    En ce qui concerne le renvoi et l'interdiction d'accéder à l'ERAR ou d'invoquer des motifs humanitaires pendant un an après que la CISR ait rendu une décision négative, le HCR estime qu'il faudrait permettre aux demandeurs d'asile d'obtenir une décision de première instance, suivie d'un mécanisme d'appel dans le cas où la décision est négative. Une pratique exemplaire serait de prévoir un mécanisme qui comblerait toute lacune dans le processus dans les cas où, à la suite d'une décision de la CISR, les personnes qui ont besoin du statut de réfugié et qui méritent ce statut pourraient obtenir la protection nécessaire, même si elles ont fait l'objet d'une décision négative.
    Le HCR reconnaît également que des politiques et des pratiques de renvoi efficaces sont essentielles au maintien de l'intégrité de la procédure de détermination du statut de réfugié et du lieu d'asile, et que les États doivent pouvoir renvoyer les personnes dont il a été déterminé qu'elles n'ont pas besoin de protection, après qu'elles aient pu bénéficier d'une procédure complète et équitable.
    Enfin, le HCR soutient le projet de programme d'aide au retour volontaire. Nous estimons qu'il est nécessaire d'offrir des services-conseils sensibles tout au long du processus de détermination du statut de réfugié, y compris à ceux qui sont assujettis à la procédure de renvoi.
(1910)
    Monsieur le président Tilson, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, je vous remercie.
(1915)
    Merci, monsieur Abraham. Vous vous en êtes tenu exactement à 10 minutes. Merci de votre présentation.
    M. Bevilacqua aimerait vous poser des questions.
    Merci beaucoup.
    Certains thèmes reviennent souvent dans les témoignages que nous avons entendus sur le dossier qui nous occupe aujourd'hui. Ces thèmes sont importants parce qu'ils permettent aux membres de notre comité de se concentrer sur quelques-unes des lacunes ou des préoccupations qui sont observées.
    J'aimerais vous poser une question que j'ai déjà posée aux témoins qui ont comparu avant vous. Je cherche à savoir si le projet de loi s'appuie sur une base solide. Avons-nous l'instrument nécessaire ou, du moins, le cadre de travail nécessaire pour améliorer le système actuel?
    Par ailleurs, en ces temps de restrictions budgétaires — j'aimerais qu'il y en ait davantage, mais ce n'est pas le cas, car nous semblons nous diriger vers un déficit qui aura des répercussions dans l'avenir —, est-il essentiel, aux yeux de ceux d'entre nous qui croient que le statu quo est inacceptable et qu'il faut améliorer le système de détermination du statut de réfugié et le formulaire connexe, de comprendre l'importance d'un investissement d'un demi-milliard de dollars dans ce domaine et ce que cela représente?
    Merci, monsieur, de cette question.
    Nous avons eu et continuons d'avoir des discussions avec le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, avec qui nous parlons très ouvertement des problèmes et des enjeux que nous observons aujourd'hui. Il n'y a aucun doute que le Canada fait face à des défis énormes en ce qui concerne son système de détermination du statut de réfugié. Nous sommes d'avis qu'il faut changer certaines choses.
    En ce qui concerne le HCR, nous sommes ici pour soutenir et conseiller le gouvernement du Canada dans le cadre d'un rôle de supervision pour nous assurer que les réfugiés sont protégés. De toute évidence, nous sommes favorables à toute tentative qui vise à apporter des changements ou des améliorations aux aspects qui l'exigent. Nous sommes persuadés qu'il y a lieu d'améliorer le système. À cet égard, nous sommes prêts à offrir tout le soutien possible, quelles que soient les contraintes.
    En définitive, il ne faut pas oublier qu'il s'agit de vies humaines et de personnes qui fuient la persécution. Nous comprenons bien également que certaines personnes peuvent profiter du système.
     Le HCR préconise depuis toujours l'établissement d'une procédure solide dès l'entrée dans le système, de même qu'une procédure solide à la sortie du système, c'est-à-dire le renvoi. Je ne crois pas que ces deux éléments — une procédure énergique au début et le renvoi, au final, des gens qui n'ont pas besoin de protection — nécessitent des changements. Le projet de loi prévoit certaines mesures en ce sens, et nous espérons qu'elles pourront aller de l'avant.
    On parle beaucoup de la désignation des pays d'origine. Certains emploient le terme « pays sûr », et d'autres parlent à tort de « tiers pays d'origine ». Si je comprends bien, vous ne voyez pas d'inconvénient à la désignation du pays d'origine.
    Une telle désignation est loin d'être nouvelle. Plusieurs pays ont des listes de pays désignés. Il faut aussi se rappeler que ces listes changent avec le temps.
    Il faut veiller au maintien des mécanismes et des mesures de protection voulus pour s'assurer que, entre le moment de la détermination du statut et le renvoi d'une personne, rien n'a changé dans le pays visé. Un mécanisme doit être en place pour assurer le suivi nécessaire. On ne peut pas prendre une décision absolue selon laquelle les personnes provenant de tels ou tels pays seront traitées différemment.
(1920)
    Puis-je utiliser une situation hypothétique? Supposons que nous créions un comité chargé de conseiller le ministre, et que ce comité sollicite votre participation. Votre organisme est respecté. Vous le savez; je n'ai pas besoin de vous le rappeler. Votre avis compte énormément, et vous seriez un membre très important d'un tel comité qui recommanderait au ministre quels pays devraient être désignés et quels autres ne devraient pas l'être, peu importe les cas et la façon dont cela serait structuré. Ce n'est qu'un scénario hypothétique.
    Que pensez-vous d'un tel comité? Y participeriez-vous?
    Je ne vois pas pourquoi le HCR ne participerait pas à un comité consultatif de ce genre, mais je tiens à ce que tout le monde comprenne bien que le HCR n'est pas ici pour contribuer à la création de la liste. En tant qu'organisation des Nations Unies, et qui plus est, en tant qu'organisme humanitaire, nous ne pouvons pas donner l'impression de nous ranger du côté d'un pays ou d'un autre. Donc, si nous faisions partie d'un comité, nous fournirions une analyse objective et constructive de la situation dans un pays donné. C'est de cette façon que nous aiderions le gouvernement du Canada à prendre une décision concernant l'inscription d'un pays à la liste.
    Merci.
    Désolé, monsieur Bevilacqua, mais vous n'avez plus de temps.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Je vous remercie d'avoir témoigné devant nous.
     Vous travaillez beaucoup avec les réfugiés, naturellement, c'est votre fonction. Notre comité a entendu plusieurs interventions et il y a eu plusieurs discussions sur la question des délais initiaux. Par exemple, on a parlé du délai de huit jours proposé pour l'entrevue. Le gouvernement prétend qu'une personne légitime, qui aurait véritablement été victime de persécution, pourrait rapidement, en huit jours, raconter son histoire. On ne veut pas lui laisser trop de temps pour s'en inventer une. À l'inverse, d'autres groupes viennent nous rencontrer pour nous dire que souvent les gens qui ont été le plus persécutés, qui sont plus traumatisés, sont le moins en mesure psychologiquement, dans un délai de huit jours, de raconter leur histoire.
    Vous travaillez avec des réfugiés. Croyez-vous que le fait de faire une entrevue le plus rapidement possible soit la meilleure façon d'avoir la vérité? Ne craignez-vous pas que, au contraire, les gens les plus traumatisés soient défavorisés par un processus aussi expéditif?
    Permettez-moi de vous répondre en anglais. Je serai plus à l'aise par rapport à ces questions techniques.

[Traduction]

    Nous connaissons très bien l'importance des échéances, et manifestement, il ne peut y avoir de délais indéterminés pour évaluer une demande et en arriver à une décision finale. Parallèlement, nous aimerions vous mettre en garde contre le danger de réduire le temps alloué, ce qui pourrait compromettre la qualité de la décision. Nous aimerions nous assurer que tous les aspects sont pris en compte et que tous les examens des renseignements et des données sont bien effectués. Ainsi, nous disposerons de tous les éléments nécessaires pour en arriver à une décision correcte plutôt qu'à une mauvaise décision et aux dangers qui lui sont associés, c'est-à-dire qu'une personne pourrait être renvoyée et faire face à d'autres problèmes.

[Français]

    Je comprends le principe général, mais je voudrais en savoir plus sur votre expérience concrète avec des réfugiés.
    Serait-il possible, voire probable, que quelqu'un ayant vécu une expérience extrêmement traumatisante, comme une famille massacrée, un viol, etc., prenne une, deux, trois ou quatre semaines avant d'accepter de raconter son histoire, même à des gens avec qui il se sent en confiance, comme vous?
(1925)
    Permettez-moi, monsieur le président, de demander à mon collègue de vous répondre d'une manière plus adéquate.

[Traduction]

    Messieurs, je ne vous ai pas présenté M. Hy Shelow, administrateur principal chargé de la protection.
    Allez-y, monsieur.
    Merci aux membres du comité.
    Il est très difficile de répondre à une question comme celle-là tant qu'on n'a pas compris plus clairement ce qui est inclus dans la collecte de renseignements pendant cette période de huit jours. Le Haut Commissariat des Nations Unies détermine le statut de réfugié dans 50 pays du monde sur une base annuelle, ce qui touche des centaines de milliers, et parfois des millions de personnes.

[Français]

    Je vous arrête. Si je comprends bien, vous ne savez pas nécessairement quel sera le contenu de cette rencontre. Mettons de côté cette rencontre.
    Quand vous rencontrez vos réfugiés, peut-il arriver que des gens qui ont été traumatisés par des événements prennent plus qu'une semaine, mais deux ou trois semaines avant qu'ils acceptent même de vous raconter leur histoire?

[Traduction]

    Sans aucun doute.
    De toute évidence, certaines personnes qui ont été traumatisées ne sont jamais capables de présenter leurs arguments de façon efficace, soit en raison de problèmes de santé mentale, soit en raison d'une expérience traumatisante qui a été si éprouvante qu'ils ne veulent pas en parler aux autres. Un exemple classique serait une victime de viol qui est très mal à l'aise à l'idée d'en parler à une autre personne.
    Si les huit jours sont alloués simplement pour recueillir des données biographiques, soit le nom d'une personne et son pays d'origine, par exemple, c'est très différent d'une période de huit jours qui serait utilisée pour poser des questions de fond au sujet d'aspects qui seraient utilisés pour étayer une demande.

[Français]

    Dans votre présentation, vous avez parlé de permettre aux gens d'avoir accès à leur compte rendu, à l'information qui a été collectée. J'imagine que c'est parce que vous présumez que, dans ces moments difficiles, au sortir d'un traumatisme, on peut avoir de la difficulté à s'exprimer, à se faire comprendre, à s'assurer que son histoire est bien rapportée correctement. Était-ce l'objectif?

[Traduction]

    C'est bien possible. Voilà pourquoi il est important de recueillir de l'information détaillée, afin que nous soyons certains de la décision à prendre.

[Français]

    De façon générale, la question des pays désignés est une préoccupation particulière. Cela pose-t-il problème, selon vous, étant donné qu'on ne traite plus les dossiers sur une base individuelle, mais collective, par pays? J'ai cru comprendre que vous êtes prêt à vivre avec ça. Néanmoins, que pensez-vous de la possibilité que le comité trouve un mécanisme qui permettrait une priorisation, pour des impératifs d'efficacité du système, basés sur une évaluation personnelle du risque de fraude ou de mauvaise utilisation du système? Ne serait-ce pas préférable à un filtre qui ne considère que le pays d'origine?

[Traduction]

    Monsieur le président, j'ai dit un peu plus tôt qu'une liste des pays sûrs ne devrait pas servir de critère d'élimination absolu pour rejeter les demandes. Elle devrait être utilisée pour accélérer, peut-être, le traitement d'une demande en première instance, parce que la personne est réputée venir d'un pays libre ou démocratique où il n'y a pas nécessairement de raisons particulières de présenter une demande pertinente puisque le pays est sûr.
    À mon avis, voilà pourquoi il faut se pencher sur les particularités de chacun des cas. J'ai fourni trois scénarios. C'est comme une liste de vérification que vous utilisez pour effectuer une entrevue. Vous devez en apprendre sur tous les aspects liés à la situation de la personne en question et en tenir compte. Je ne parle pas du pays. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a de nombreux pays démocratiques dans le monde. Je me souviens que, lorsque le Haut Commissaire est venu à Ottawa, récemment, on l'a interrogé à ce sujet. Il a donné une raison très simple à cet égard. Il a cité un exemple très simple.
    Il a proposé de prendre le cas du Mali à titre d'exemple. Le Mali est un pays démocratique, mais on y pratique la mutilation génitale sur les femmes assez fréquemment. Alors, si vous êtes saisi d'une demande d'une femme qui vient du Mali, vous n'allez pas pouvoir dire facilement: « Écoutez, vous venez du Mali, vous ne devriez pas avoir de raisons de prétendre que vous êtes persécutée, alors je suis désolé; c'est tout ».
    Voilà pourquoi j'ai évoqué les aspects délicats de ces dossiers, c'est-à-dire lorsqu'une personne peut avoir une raison d'invoquer la persécution, à juste titre selon elle, et craindrait d'être renvoyée dans son pays.
    Par ailleurs, être renvoyé d'un pays sûr n'est pas très facile non plus. La personne se retrouve dans son pays, et si la décision était erronée dès le départ, elle pourra se retrouver dans une situation beaucoup plus difficile et être ce qu'on appelle un réfugié sur place.
(1930)
    Merci, monsieur.
    Madame Chow.
    À ce titre, chaque réfugié devrait avoir le même droit de faire appel. Selon cette loi dont nous débattons aujourd'hui, les réfugiés de certains pays « sûrs » n'auront pas le droit d'interjeter appel. Êtes-vous d'accord avec le fait de traiter les réfugiés d'un certain type de pays différemment des autres, ou estimez-vous que tous les réfugiés devraient recevoir le même traitement, quel que soit leur pays d'origine? Je ne parle pas d'accélérer le traitement. L'accélération du traitement est un avantage; je parle de l'aspect négatif. Si vous venez d'un pays sûr, vous ne pouvez pas interjeter appel.
    Appuyez-vous cette mesure ou non? J'aimerais que vous me répondiez par oui ou par non, parce que j'ignore si vous êtes favorable à cette idée. Vous parlez des pays sûrs comme d'une possibilité, mais vous dites aussi que vous voulez que chaque demande de statut de réfugié soit évaluée individuellement. Dans ce cas, si l'on vient d'un pays sûr, on ne pourra pas interjeter appel.
    Je vais répondre à la question, puis je laisserai mon collègue y répondre en partie. Il voudra peut-être ajouter quelque chose.
    Vous ne pouvez en aucune façon traiter les réfugiés de façon différente. C'est impossible. Vous ne pouvez pas mettre en place des politiques discriminatoires pour déterminer le statut de réfugié, parce que, comme je l'ai dit plus tôt, la détermination du statut de réfugié repose sur le droit d'une personne de chercher asile. Par conséquent, les dossiers doivent être traités au cas par cas pour déterminer précisément la nature de la demande présentée. Il ne peut pas y avoir deux systèmes différents. Comme je l'ai dit, un pays sûr, pour nous, c'est un pays pour lequel les demandes pourraient être accélérées. Mais toutes les vérifications auxquelles j'ai fait allusion dans mon énoncé doivent être en place pour qu'au bout du compte, tout le monde reçoive le même traitement.
    Je voudrais seulement être claire...
    Je pense que M. Abraham voulait que M. Shelow fournisse davantage de précisions.
    Est-ce que je pourrais seulement apporter une précision? Alors, ce que vous dites, c'est que ça va si les gens viennent du Congo, par exemple, où une grosse guerre civile fait rage et où les dangers sont manifestes. Par conséquent, les dossiers des gens du Congo devraient être traités de façon accélérée. Mais l'inverse n'est pas nécessairement vrai. Si vous êtes un gai du Ghana, par exemple, ou de l'Iran, où l'homosexualité est punissable de mort, vous venez d'un pays qui, bien qu'il soit démocratique, n'est pas nécessairement sûr. Ainsi, on ne devrait pas vous refuser le droit d'interjeter appel.
    Suis-je claire?
    Je pense que vous êtes très claire, mais je vais laisser mon collègue répondre à cette question.
    Je crois que le HCR a été très clair: nous estimons que tous les réfugiés devraient pouvoir interjeter appel par rapport au bien-fondé de leur demande, en droit et en fait. Ce principe provient des obligations du Canada liées aux conventions qu'il a signées, qui comprennent une allusion aux articles de la Convention de 1951 concernant la non-discrimination et le statut de réfugié, soit les articles 3 et 8, mais surtout l'article 3. Je vous le lis rapidement, puisqu'il s'agit d'un article bref: « Les États contractants appliqueront les dispositions de cette convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d'origine. »
(1935)
    Merci. C'est extrêmement clair.
    Dans votre réponse à nos amis libéraux, vous avez dit que c'était bien d'avoir des pays sûrs, mais qu'en vertu de la définition d'un pays sûr contenue dans cette loi, on n'aura pas le droit d'interjeter appel, ce qui, monsieur Shelow, constitue une violation de l'article que vous venez de lire. Je vous remercie de cette précision; je comprends maintenant.
    Je pense que dans le cadre de votre législation nationale, vous essayez de lier deux idées entre lesquelles il n'y a pas nécessairement de lien dans la convention. Nous appuyons l'efficacité des procédures. Nous appuyons l'utilisation, par exemple, de listes de pays sûrs, ou du moins nous ne nous y opposons pas. Nombre d'États ont décidé de créer ces listes, mais celles-ci sont utilisées en tant qu'outil procédural pour traiter les demandes d'un vaste groupe de gens au passé semblable, qui viennent d'endroits qui sont en général sûrs. Le décideur, ou l'évaluateur, peut poser des questions beaucoup plus simples, comme: « En quoi êtes-vous différent de la grande majorité des gens qui proviennent de votre pays d'origine? », au lieu de devoir creuser en détail pour obtenir des renseignements personnels et poser des questions sur l'expérience du demandeur.
    Mais on ne devrait pas leur enlever le droit d'interjeter appel, même s'ils viennent d'un pays sûr.
    Non, madame. Je pense que j'ai été très clair à ce chapitre.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Rick Dykstra.
    Merci à nos trois invités d'être venus ici ce soir.
    J'ai six ou sept questions à poser, alors je vais commencer maintenant.
    Pour reprendre ce que l'on disait, est-ce que l'organisation estime que les réformes proposées dans le projet de loi sont conformes aux obligations internationales du Canada en matière de réfugiés?
    Ma réponse est qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui est contraire aux obligations internationales du Canada.
    Merci.
    Je voulais apporter des clarifications quant à la question du pays d'origine sûr. Lorsqu'on l'utilise pour accélérer le traitement de certaines demandes, tant que — et je crois l'avoir mentionné — le processus de désignation est rigoureux et transparent, votre organisation ne s'oppose pas au concept du pays d'origine sûr.
    Non, nous ne nous opposons pas au concept du pays d'origine sûr. Comme je l'ai dit dans mon allocution, certains pays ont créé des listes de pays d'origine sûrs.
    Pour poursuivre sur cette lancée, le HCR a-t-il un rôle à jouer dans le processus de désignation de ces pays? Dans l'affirmative, quel est ce rôle?
    Je connais la réponse, mais je laisserai mon collègue répondre à la question.
    Ce n'est pas un problème, monsieur Abraham.
    La réponse est oui; nous jouons un rôle. Il s'agit surtout de la nature du rôle que nous assumons. À titre d'exemple, prenons le contexte canadien. Chaque fois qu'un pays fait l'objet d'un examen pour déterminer s'il devrait continuer à figurer sur la liste des pays visés par une suspension temporaire des mesures de renvoi, le HCR doit formuler des commentaires par rapport aux critères objectifs liés à cette liste et aux conditions dans le pays en question.
    Je présume que c'est différent de ce que vous proposez, soit que le HCR siège à un panel quelconque. Comme l'a dit M. Abraham un peu plus tôt, en règle générale, nous préférons nous abstenir de faire une telle chose.
    L'un des problèmes qui ont surgi, et pour lequel nous essayons toujours de déterminer comment le régler, c'est tout ce concept de l'ouverture du processus des nominations au CISR, afin que la Section de la protection des réfugiés soit composée de décideurs de la fonction publique, plutôt que d'employer le processus de nomination actuel. Est-ce préoccupant pour vous, ou du point de vue des demandeurs d'asile internationaux?
    Dans nombre de pays du monde, la décision de première instance est prise par des fonctionnaires. Pour nous, ce qui est important, c'est que l'organisme décisionnel soit indépendant et ne fasse pas l'objet de quelque pression que ce soit. Il ne doit subir aucune influence et être à même de prendre des décisions fondées sur des critères objectifs. C'est cela qui importe pour nous; ce n'est pas de savoir si c'est bien ou non que des fonctionnaires prennent la décision. Nous aimons l'idée qu'un organe décisionnel puisse agir en toute indépendance.
(1940)
    On a assurément soulevé des préoccupations liées à la désignation de pays d'origine sûrs où on trouve certaines populations vulnérables. Je vous suis reconnaissant de faire preuve d'honnêteté et d'ouverture. Pensez-vous que ces préoccupations pourraient être éliminées par le projet de loi C-11, qui permet au ministre de faire des désignations particulières à une population d'un pays afin que celle-ci soit exemptée de la désignation? Vous avez donné un excellent exemple d'une population spéciale d'un pays pour laquelle nous voudrons assurément appliquer une exemption.
    Vous faites allusion à une région d'un pays. Nous présumons ici qu'il y a une possibilité de fuir à l'intérieur d'un pays, ce qui n'est pas nécessairement le cas. Encore une fois, nous revenons au coeur du problème: est-ce que nous cherchons à protéger les individus ou à avoir un système qui fait des distinctions entre les groupes de personnes?
    Je pense qu'il est important, lorsque l'on parle de cette question, d'adopter deux perspectives différentes. Certains témoins ont choisi d'adopter une perspective selon laquelle les gens présument qu'il y aura une désignation uniforme de pays d'origine sûrs. Ainsi, un demandeur, quel que soit son cheminement ou ce qu'il a vécu... Certains estiment que c'est ainsi que la loi serait promulguée en ce qui a trait aux pays sûrs.
    Il y a un autre point de vue, et je pense que c'est ce que vous trois suggérez et ce que le gouvernement appuie. Oui, il pourrait y avoir des pays d'origine sûrs ainsi que des outils d'évaluation rigoureux et des critères pour pouvoir les définir, mais aussi un sous-ensemble qui permettrait à certaines régions d'un pays, ou certaines personnes ou groupes au sein de ce pays, d'être pour ainsi dire exemptés de la désignation de pays d'origine sûr. L'exemple du Mali que vous avez cité montre bien, à mon avis, que c'est une voie que nous devrions emprunter.
    J'essaie d'élargir la définition qu'on fera de la désignation des pays d'origine sûrs. Je vous demanderais de me donner votre avis sur la façon de promulguer le tout d'un point de vue réglementaire.
    Je demanderais à mon collègue de répondre à la question et j'interviendrai plus tard. Merci.
    Je serai heureux de répondre à la question.
    Je pense que nous parlons, dans une certaine mesure, d'éléments contradictoires. Vous parlez de groupe de gens et d'une partialité positive à l'égard des protections des droits de la personne pour certains groupes de gens. Ce qui nous préoccupe, c'est davantage la question du territoire, c'est-à-dire de désigner une partie d'un pays comme sûre. Pour nous, ce serait problématique, parce qu'il faudrait qu'une personne se déplace dans un pays qui n'est peut-être pas à même de lui conférer la protection de l'État.
    L'un des autres aspects de la question, et on en a parlé, c'est qu'il existe une distinction entre les 2 500 réfugiés additionnels que nous aimerions accueillir. En fait, une partie de nos plans pour aller de l'avant suppose l'ajout de ces 2 500 réfugiés par année. J'aimerais obtenir votre opinion là-dessus, parce que certains estiment que oui, d'un côté, c'est une bonne chose; mais vous semblez lier cela au projet de loi, alors pourquoi ne pas le faire de toute façon?
    Est-ce vraiment un moment inopportun pour mettre en oeuvre un changement qui nous permettrait d'accueillir 2 500 réfugiés additionnels dans ce pays chaque année?
(1945)
    Permettez-moi de préciser que la réinstallation n'est pas une obligation. Aucun pays n'est obligé d'assurer la réinstallation de ces gens; il s'agit d'un acte de bonne volonté. Souvenons-nous qu'il est question aujourd'hui de plus de 36 millions de réfugiés et de personnes relevant de la compétence du HCR à l'échelle mondiale, et que dans le cadre d'une étude sur la réinstallation, nous avons constaté que 700 000 personnes devaient bénéficier d'une réinstallation immédiate.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Bevilacqua et madame Mendes.
    En fait, monsieur le président, je fais don de la totalité de mon temps de parole à Mme Mendes.
    Vous faites preuve d'une telle générosité, monsieur Bevilacqua.
    Madame Mendes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout d'abord, je tiens à vous remercier de votre témoignage. J'aimerais revenir sur la dernière observation que vous avez formulée, c'est-à-dire que la réinstallation n'est pas une obligation. J'imagine qu'on peut aller plus loin et dire que la protection des réfugiés est une obligation pour les pays qui ont signé la Convention de Genève. Était-ce la conclusion logique de votre énoncé?
    Nous faisons notre possible pour que la réinstallation soit considérée comme un outil de protection, lorsqu'il s'agit de la seule solution possible dans un cas particulier.
    Je me rappelle les années que j'ai passées à travailler dans une organisation de réinstallation pour les immigrants et les réfugiés. La grande différence entre la réinstallation des réfugiés qui avaient déjà été choisis par le gouvernement canadien à l'étranger et les réfugiés afghans — ou les Kosovars que nous avons accueillis au cours de la crise du Kosovo en 1990 —, c'est que lorsque ces gens arrivaient au Canada, ou plus précisément au Québec, des ententes gouvernementales étaient déjà en place. Les programmes étaient établis, et l'ensemble du système servait à soutenir et à appuyer cette réinstallation. Dans le cas des demandeurs d'asile, ce n'est pas le cas; toutefois, nous devons respecter notre obligation légale d'entendre ces gens et de les aider.
    Je crois que les Canadiens craignent entre autres que les réfugiés économiques se présentent à notre frontière dans l'espoir de trouver ici une vie meilleure pour eux et leurs familles, mais court-circuitent également le système normal d'immigration en présentant une demande et en attendant 5, 7 ou même 10 ans, ou aussi longtemps qu'il le faudra pour passer à travers toutes les étapes du système d'immigration.
    Comment le Canada, qui s'est doté de politiques en matière de réinstallation qui sont très généreuses et accueillantes, pourrait-il apaiser cette crainte?
    Je préciserai rapidement que nous ne parlons pas de réfugiés économiques ni de réfugiés climatiques parce que la définition de « réfugié » qui figure dans la convention de 1951 s'applique aux gens qui fuient la persécution parce qu'ils craignent pour leur vie.
    Cela étant dit, je laisserai le soin à mon expert en réinstallation, Michael Casasola, de répondre à votre question sur ce sujet.
    Tout ce que j'ajouterais à ce que Abraham expliquait en réponse à la question précédente, c'est que nous jouons un rôle essentiel en matière de réinstallation. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une obligation internationale, les États font preuve de générosité. Or, nous ne pouvons en ce moment trouver de solutions que pour un dixième des 700 000 personnes dont Abraham a parlé plus tôt. Il existe donc une grave lacune.
    Nous sommes chanceux que le Canada soit l'un des pays les plus généreux en matière de réinstallation. C'est un des trois plus importants, avec les États-Unis et l'Australie. À de nombreux égards, le Canada a joué un rôle de chef de file sur la scène internationale en élaborant diverses initiatives. Vous avez donné l'exemple des Kosovars et des Afghans. Le Canada a adopté une approche non discriminatoire, donc le HCR collabore avec celui-ci partout dans le monde.
    Nous parlons d'une obligation, et le HCR est grandement reconnaissant envers le Canada de sa contribution en matière de réinstallation et souhaite qu'il continue à assumer sa position de leadership à l'échelle internationale, à mesure que nous essayons d'accroître la disponibilité des mesures de réinstallation.
    Toutefois, cela ne change pas le fait que... Lorsque je parle de réfugiés économiques, il ne s'agit pas de ma propre définition; il s'agit de la perception des Canadiens. C'est à cet égard que je vous demanderais votre aide, parce qu'il faut se rendre à l'évidence. Nos concitoyens craignent que de nombreuses personnes qui se prétendent réfugiées n'abusent du système pour court-circuiter le processus d'immigration habituel.
    Il est extrêmement difficile de prouver qu'un réfugié a fui son pays parce qu'il craignait la persécution. Si vous vous échappez par exemple du Mexique, un pays censé être une démocratie, comment expliquerez-vous à un Canadien qui va en vacances au Mexique que vous êtes un réfugié?
(1950)
    Je pense que poser la question, c'est y répondre. L'immigration au Canada pose en effet ce genre de problème. Peut-être certains des systèmes élaborés par le Canada pour régler ces problèmes pourraient-ils contribuer à apaiser une partie des préoccupations de la population canadienne. Lorsqu'on parle de ces questions, on le fait sous l'angle de l'espace de l'asile, qu'il faut maintenir. Nous comprenons que les législateurs...
    Je ne dis pas que quelqu'un qui fuit le Mexique n'a pas de raisons tout à fait légitimes de le faire. Ce que j'essaie de comprendre, c'est comment...
    Tout à fait. La CISR est manifestement d'accord avec vous, parce qu'environ 11 p. 100 des Mexicains ont été reconnus l'année dernière...
    Mme Alexandra Mendes: Comme réfugiés, oui.
    M. Hy Shelow: Il existe donc de toute évidence des problèmes à l'égard des gangs de narcotrafiquants, des maras.
    La parole est à M. St.-Cyr. Merci.
    Mme Alexandra Mendes: Ce qu'il est brusque.

[Français]

    Je vais revenir sur le concept des pays désignés parce que c'est vraiment au coeur de la discussion. Je sais que pour vous, ce n'est pas simple d'en parler parce que vous ne voulez pas vous ingérer dans les politiques du Canada; c'est bien légitime. Toutefois, on a besoin d'être éclairés.
    Il y a deux choses: il y a l'idée de créer une liste sur laquelle on indique des pays qu'on croit être moins susceptibles de représenter un risque, et il y a ce qu'on fait de cette liste.
    Au sujet de la création d'une liste à proprement parler, au sujet du concept, je crois comprendre que vous n'y voyez pas de problème. M. Shelow a même expliqué que, dans le traitement de la demande, cela peut même faciliter l'analyse du dossier en commençant par se demander ce qui distingue une personne du reste des gens de ce pays.
    Toutefois, en ce qui concerne un aspect particulier du projet de loi à l'étude, c'est-à-dire enlever à ces gens le droit de faire appel, êtes-vous favorable au fait que les gens qui viennent de ces pays vont perdre le droit d'en appeler?

[Traduction]

    Je pense que M. Abraham, dans sa déclaration liminaire, ainsi que moi-même, dans ma réponse à la question à Mme Chow, avons indiqué que nous préférerions que tous les demandeurs d'asile au Canada puissent interjeter appel.
    On pourrait ainsi corriger les erreurs commises en première instance. Si on regarde les procédures dans d'autres pays, de même que les procédures du HCR, on constate que cela ne serait aucunement lié aux autres questions que vous venez d'aborder.

[Français]

    Je vous rassure, monsieur Shelow, j'étais parfaitement conscient en posant la question que je vous faisais répéter ce que vous aviez déjà dit. J'en étais conscient, mais je voulais que ce soit bien clair. Évidemment, on ne lancera de pierres à personne. Tous les gens autour de la table essaient de dire que..., et le Haut Commissaire des Nations-Unies est d'accord avec nous, chacun en fait une interprétation fort différente. Alors, je voulais m'assurer de votre position.
    On a parlé plus tôt de la question de l'examen des risques avant renvoi, une procédure ultime qui a lieu au cours de la dernière étape, immédiatement avant le renvoi. Conformément à cette nouvelle loi, si elle est adoptée telle quelle, les demandeurs d'asile déboutés ne pourront plus l'utiliser.
    Or vous avez fort bien souligné dans votre présentation qu'entre le moment où est prise la décision finale, à savoir que la personne n'est pas véritablement un demandeur d'asile, et avant l'expulsion, il peut survenir des événements qui changent la donne.
    Donc, quels peuvent être le genre et la nature de ces événements qui pourraient changer la décision? Et est-ce que vous seriez favorables à un mécanisme qui permettrait, sur demande — non pas automatiquement comme l'appel —, avec l'autorisation de la commission, de rouvrir un dossier si, manifestement, il apparaissait évident que la situation avait changé?

[Traduction]

    Encore une fois, le projet de loi ne traite pas de ces questions. Il est donc difficile de formuler des observations à cet égard.
    On constate souvent des changements de fond qui se produisent soudainement dans les pays d'origine, et qui donnent lieu à ce qu'on appelle un « surplus de réfugiés ». Il s'agit de réfugiés déjà sur le territoire, ou de personnes dont la demande a peut-être été rejetée, mais si quelque chose se produit dans leur pays — qu'il s'agisse d'un changement politique fondamental ou autre —, ces personnes pourraient avoir soudainement besoin de protection.
(1955)

[Français]

    Ma question vise plus particulièrement le fait que, présentement, il existe une section d'appel de plein droit. Quelqu'un demande l'appel, il l'obtient. On réétudie son dossier.
    Des organismes ont suggéré de prévoir un mécanisme de réouverture de dossier, mais pas de plein droit, seulement si on fait quand même la démonstration qu'il y a eu un changement important. Évidemment, il ne faut pas que tous ceux qui ont été déboutés reviennent à la charge avec une demande de réouverture.
    Êtes-vous favorable à cette idée qu'on ne réétudierait que les cas où des personnes apportent une preuve minimale qu'il y a eu des changements importants dans leur pays d'origine ou dans leur situation personnelle?

[Traduction]

    Je pense qu'il est important qu'il y ait un droit d'appel. Les changements peuvent survenir à tout moment, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire. Il nous incombe, à nous, à ceux qui procèdent aux entrevues et au système lui-même, d'étudier les changements qui ont eu lieu, par exemple, au cours des cinq dernières années après que le pays ait été ajouté à la liste des pays sûrs. Les choses ont-elles changé? On ne peut pas s'en servir comme critère absolu, comme je l'ai également mentionné. Il faut évaluer les changements survenus et déterminer s'il est justifié d'octroyer un droit d'appel à la personne concernée. C'est pourquoi nous appuyons l'inclusion d'un mécanisme d'appel.
    Il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse d'un mécanisme officiel et lourd. Par exemple, si les intéressés n'ont pas accès à une décision en deuxième instance, un mécanisme d'examen quelconque pourrait être mis en place pour s'assurer qu'on a tenu compte de tous les éléments avant de rendre une décision finale, surtout s'il y a eu...
    Merci.
    M. Dykstra pourra poser la dernière question.
    Merci, monsieur le président. En fait, j'ai deux questions, mais il me semble qu'il reste quelques minutes.
    Ma première question porte manifestement sur un des éléments au sujet desquels j'aimerais obtenir des précisions — et je sais, monsieur Abraham, que vous y avez fait allusion dans votre déclaration liminaire: pourquoi est-il important d'accélérer le processus, et de faire en sorte que la rapidité de traitement n'empêche pas qu'on dépose des éléments probants factuels et que les personnes soient en mesure de présenter leur situation, parce que la rapidité est essentielle, notre processus étant pour l'instant beaucoup trop lent.
    J'aimerais que vous nous en parliez davantage.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous ne voulons pas éliminer tout échéancier, puisqu'il est important d'évaluer la situation rapidement, mais il faut allouer suffisamment de temps aux évaluateurs pour recueillir tous les renseignements ou toutes les données nécessaires pour prendre une décision finale. Si on accélère le processus, est-il possible qu'on le fasse parce qu'on subit des pressions?
    Nous devons faire face aujourd'hui à un arriéré de près de 60 000 demandes. Précipitons-nous les choses parce que nous voulons éliminer l'arriéré? Se pourrait-il que nous ne tenions pas compte de ce qu'il faut faire pour accélérer le processus tout en offrant l'appui et les ressources nécessaires pour prendre une décision en temps opportun, sans que le dossier traîne pendant un an ou même un an et demi?
    Ce n'est pas mal en soi d'avoir un processus plus rapide, tant que la qualité des décisions n'est pas compromise.
    Ma deuxième question découle des propos d'un des membres de notre comité, qui fait toujours référence à la Grèce, à son système, et au fait qu'il considérerait les Témoins de Jéhovah, par exemple, comme des réfugiés. Pourriez-vous nous décrire rapidement le processus de détermination du statut de réfugié en Grèce? Je m'en veux de vous mettre sur la sellette, mais j'espère que vous pourrez nous renseigner, sinon de façon précise, du moins générale. Est-ce trop demander?
(2000)
    Je pourrais vous répondre plus tard par écrit, parce que je ne suis pas très...
    Vous pouvez répondre, mais ça n'a absolument rien à voir avec le projet de loi.
    Ce serait bien d'obtenir une réponse. Merci.
    Je pourrais vous répondre par écrit.
    Voilà que nous n'avons plus de temps, messieurs.
    Je vous remercie énormément d'être venus, vous et vos collègues, monsieur Abraham. Vous avez beaucoup aidé notre comité dans ses efforts pour tenter d'améliorer le projet de loi.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Thi Lac, vous invoquez le Règlement.

[Français]

    Monsieur vient de répondre qu'il enverrait des documents écrits à M. Dykstra. Serait-il possible que l'ensemble des membres du comité puisse obtenir ces réponses, monsieur Abraham?

[Traduction]

    J'adresserai ma réponse au...
    Vous voulez que tout le monde reçoive les documents, c'est bien cela?
    Monsieur, il vaudrait mieux les envoyer au greffier, qui en assurera la distribution.
    C'est ce que j'allais dire, monsieur.
    Ce serait préférable, parce que je ne sais pas où tous ces gens habitent. Envoyez les documents au greffier, et il saura quoi en faire.
    Merci, monsieur. C'est ce que je ferai.
    Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre nos travaux un instant.

(2005)
    Mesdames et messieurs, nous reprenons notre séance publique. Il s'agit de la dernière heure.
    Nous avons avec nous trois groupes. Nous accueillons Pia Zambelli, membre du Comité de législation de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration; nous entendrons par vidéoconférence depuis Toronto Max Berger, avocat; nous avons aussi avec nous Helen Kennedy, directrice exécutive et Michael Pelz, chercheur à l'Organisation Égale Canada.
    Madame Kennedy et monsieur Pelz, vous avez à vous deux un maximum de sept minutes pour votre exposé. C'est vous qui commencerez.
    Égale Canada est l'organisation canadienne de défense des droits des GLBT qui vise à promouvoir l'égalité, la diversité, la sensibilisation et la justice. Le besoin de protection des GLBT — les gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres — est important et croissant étant donné le nombre de pays qui criminalisent encore l'homosexualité et où les GLBT sont persécutés, et étant donné les rares pays qui acceptent des demandes fondées sur l'orientation sexuelle. Le Canada est le seul pays à offrir sa protection à des gens d'un peu partout dans le monde en raison de leur orientation sexuelle. C'est l'un des premiers pays à avoir accepté les demandes de GLBT en raison de leur appartenance à un groupe social particulier.
    Ce projet de loi soulève chez nous de nombreuses préoccupations. Nous considérons que les délais de traitement sont irréalistes pour les demandeurs GLBT. L'échéancier proposé aura d'importantes répercussions néfastes sur la capacité des demandeurs GLBT à établir le fondement de leurs demandes. Ceux-ci ont généralement besoin de plus de temps pour établir leurs demandes fondées sur leur orientation sexuelle. Ils sont gênés et ont honte de décrire les problèmes associés à leur orientation sexuelle, et ont besoin de plus de temps pour prouver celle-ci.
    La grande majorité des demandeurs GLBT n'apprennent qu'ils peuvent présenter une demande fondée sur leur orientation sexuelle que bien longtemps après leur arrivée au Canada. L'orientation sexuelle n'est pas indiquée comme motif d'octroi du statut de réfugié dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ni dans la réglementation, ni sur le site Web de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La Convention relative au statut des réfugiés ne fait pas mention de l'orientation sexuelle comme motif pour présenter une demande.
    L'affirmation de son identité a également une incidence considérable sur la possibilité pour les GLBT de solliciter des conseils juridiques. Cela peut prendre des années avant qu'une personne se sente suffisamment à l'aise pour faire connaître son orientation sexuelle et discuter avec un avocat ou un conseiller afin d'obtenir de l'aide. Le délai de huit jours pour rencontrer un fonctionnaire et lui expliquer les motifs justifiant la demande est, à notre avis, irréaliste. Il empêchera de nombreux demandeurs GLBT d'afficher ouvertement leur orientation sexuelle et de parler de tous les problèmes dont ils ont souffert. Ils sont nombreux à venir de pays répressifs et homophobes. Ils seront donc réticents à discuter avec une personne en position d'autorité de leur orientation sexuelle et des problèmes connexes, surtout s'il s'agit d'un fonctionnaire. Nous recommandons l'élimination du délai de huit jours.
    L'audience qui se tient après 60 jours posera également problème considérablement aux demandeurs GLBT qui doivent établir leur orientation sexuelle. Il n'existe pas de preuve documentaire de celle-ci, comme dans le cas de la religion ou de l'appartenance politique. Les demandeurs GLBT doivent en général établir leur orientation sexuelle par leur niveau de participation à la communauté GLBT canadienne. L'audience dans les 60 jours posera problème à ces demandeurs, qui auront de la difficulté à établir qu'ils courent effectivement des risques. La persécution fondée sur l'orientation sexuelle est une forme de persécution cachée et sous-estimée. Les grands rapports sur les droits de la personne font rarement état des violations des droits de la personne fondées sur l'orientation sexuelle; par conséquent, il faut beaucoup plus de 60 jours aux demandeurs et aux conseillers pour établir les risques de persécution auxquels devrait faire face un membre de la communauté GLBT dans son pays d'origine. Nous recommandons donc l'élimination du délai de 60 jours.
    Il est fort probable que, parmi les pays d'origine désignés, figurent certains États dans lesquels les demandeurs GLBT ont raison de nourrir des craintes. De nombreux pays qui semblent être des démocraties pacifiques et stables posent en fait un risque pour les demandeurs GLBT. Citons par exemple la Jamaïque et de nombreux autres îles des Caraïbes, ainsi que la Hongrie et des pays démocratiques d'Afrique. Il s'agit d'exemples de pays qui semblent sûrs, mais qui posent en fait de réels dangers pour les GLBT. Singapour est une démocratie pacifique, mais qui criminalise l'homosexualité. Étant donné qu'on fait peu rapport des cas d'abus fondés sur l'orientation sexuelle, il n'existe aucun mécanisme permettant à la communauté GLBT d'influencer le choix des pays d'origine désignés pour lesquels il n'y aurait pas de droit d'appel. Nous recommandons donc l'élimination de toutes les dispositions concernant la liste des pays désignés.
(2010)
    Permettez-moi maintenant d'aborder les contraintes appliquées aux demandes d'ordre humanitaire. Souvent, on considérera que les demandeurs GLBT sont à risque de discrimination ou de préjudice, mais pas de persécution. Il est alors essentiel qu'ils aient l'occasion de prouver qu'ils se retrouveront du moins dans une situation extrêmement précaire, et que le risque justifie qu'ils restent au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire.
    Bien que nous saluons l'établissement de la Section d'appel des réfugiés, nous considérons qu'il n'est pas réaliste de tenir compte seulement des nouveaux éléments de preuve dans le cadre d'un appel. Il faut étudier tous les éléments probants, surtout étant donné que le ministre peut avoir recours à n'importe quel élément de preuve. Nous recommandons que tous les éléments probants soient pris en considération à ce stade.
    Merci. Je suis prête à répondre à vos questions, si vous en avez. Merci de m'avoir donné l'occasion d'être ici.
    Oh, je pense qu'ils en auront, mais nous allons d'abord laisser la parole aux autres témoins, madame Kennedy. Je vous remercie de votre exposé.
    Monsieur Berger, vous avez sept minutes.
    Pour vous donner un peu de contexte, sachez que je suis avocat spécialisé en droit de l'immigration et que je comparais devant la commission depuis 1989, soit l'année de sa création. Je me présente devant celle-ci assez souvent.
    Je dirais de ce projet de loi qu'il nous fait faire un pas en avant et un pas en arrière. Si je devais choisir entre le projet de loi C-11 et le statu quo, je... [Note de la rédaction: Inaudible] ... étant donné les restrictions des droits des réfugiés qui figurent dans cette mesure législative.
    Dans le temps qui m'est alloué, j'aimerais mettre l'accent sur...
    Monsieur Berger, je suis désolé, mais nous avons perdu le signal un instant. Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire?
    Je ne sais pas exactement à quel moment on a perdu le signal, mais je disais que si j'avais à choisir entre le projet de loi C-11, la mesure dont nous sommes actuellement saisis, et le statu quo, je choisirais le statu quo, étant donné les restrictions à l'égard des droits des réfugiés qui figurent dans cette mesure législative.
    Dans les sept minutes qui me sont allouées, je mettrai l'accent sur les quatre problèmes les plus graves de ce projet de loi.
    Mon premier point porte sur l'entrevue dans les huit jours. Beaucoup ont dit qu'il s'agissait d'un délai ridiculement court, et je suis d'accord, mais peu ont parlé de l'abolition du FRP.
    En vertu de cette nouvelle mesure législative, le FRP, le Formulaire de renseignements personnels, qui est le document clé de notre système de réfugiés depuis 21 ans, sera aboli pour les fins de l'entrevue. Je suis d'avis que, si tout va bien, vaut mieux ne rien changer. Remplir le formulaire et son exposé circonstancié de manière calme et civilisée dans un bureau d'avocat est la meilleure façon pour le demandeur de se préparer à comparaître devant la commission.
    On remplacera ce formulaire par une entrevue semblable à celle qui se tient au point d'entrée, alors que nous avons tous vu que celles-ci peuvent prendre une tournure catastrophique parce que les demandeurs n'étaient pas bien en mesure de raconter leur histoire. Cela ne donnera qu'une entrevue embrouillée, confuse, une histoire sans queue ni tête.
    Si on veut interviewer la personne en moins de huit jours pour s'assurer que celle-ci n'aura pas encore été contaminée par un conseiller frauduleux de sa communauté qui lui aura bourré le crâne avec des histoires inventées, eh bien, cela ne servira à rien, parce que quiconque veut commettre une fraude ne fera que trouver un conseiller frauduleux plus tôt, en moins de huit jours. Je propose donc qu'on laisse le formulaire tel quel et qu'on abolisse l'entrevue dans les huit jours.
    Mon deuxième point concerne la première décision, qui sera prise par un fonctionnaire. Je pense qu'il s'agit là d'une mauvaise idée. L'objectif, c'est de prendre la meilleure décision possible dès le début.
    À l'égard des personnes nommées par le gouverneur en conseil, bien que je n'aime pas la politisation du processus, cela permet néanmoins de faire en sorte que les membres de la commission soient forts d'une expérience variée, puisqu'ils ont siégé à d'autres commissions et tribunaux par le passé. Que fera-t-on? On diminuera la qualité de la prise de décision en limitant ces postes à des fonctionnaires. Selon moi, c'est une erreur.
    Mon troisième point a trait à la liste des pays désignés. Je vais ici proposer un compromis entre la position du gouvernement et celle de la plupart des groupes de défense des réfugiés qui s'opposent à cette liste, moi y compris.
    Voici donc mon compromis. Si vous provenez d'un pays désigné et que vous racontez à la commission une histoire vraie et que vous n'avez tout de même pas gain de cause, non pas parce que votre histoire n'était pas crédible, mais parce que les circonstances ont changé, que ce soit à l'égard de la protection faite par l'État ou des possibilités de refuge intérieur... Mais si votre crédibilité n'a pas été remise en question et que vous provenez d'un pays qui figure sur cette liste, vous devriez tout de même avoir le droit d'accéder à la SAR. Vous y avez autant droit que quelqu'un qui provient d'un pays qui ne figure pas sur la liste, mais dont la crédibilité a été complètement anéantie à l'audience de première instance.
    La République tchèque est un parfait exemple, parce que ce sera le premier pays à figurer sur la liste. Je m'occupe de nombreux cas de Roms tchèques. On ne met presque jamais en doute leur crédibilité. Ils n'ont pas gain de cause parce que la commission semble penser qu'au cours des deux dernières années, des changements miraculeux se sont produits au sein du gouvernement de la République tchèque qui font de ce pays un territoire sûr pour les demandeurs roms.
    Voilà donc le compromis que je vous propose. On éliminerait le droit d'appel uniquement pour les gens qui viennent d'un pays désigné mais dont l'histoire de persécution n'a pas été considérée crédible.
    Mon quatrième et dernier point, monsieur le président, c'est qu'il faut s'assurer que personne ne passe à travers les mailles du filet. Je fais référence ici au fait qu'on ne pourra pas présenter de demandes pour des motifs d'ordre humanitaire ni bénéficier d'un examen des risques avant renvoi dans l'année suivant la prise d'une décision d'appel négative. Deux problèmes se posent.
(2015)
    D'abord, pendant cette période d'un an, si de nouveaux faits font surface qui jettent une lumière différente sur la demande et démontrent une réelle peur fondée de persécution, que peut-on faire pour cette personne afin qu'elle ne tombe pas entre les mailles du filet? Je ne pense pas que nos tribunaux toléreraient que cette personne soit expulsée. Je crois que c'est à l'encontre de notre Charte des droits et libertés. Je proposerais que, dans de tels cas, la Commission du statut de réfugié puisse formuler une motion pour rouvrir le dossier de demande. Cela avait été proposée avant l'adoption de la LIPR, mais au bout du compte, cette mesure n'avait pas été retenue.
    Deuxième chose — et il s'agit de mon dernier argument, monsieur le président —, la question de tomber dans les mailles du filet. Ce ne sont pas tous les cas de persécution qui sont prévus aux articles 96 ou 97, pour les décisions relatives au statut de réfugié au sens de la convention ou celles statuant sur le risque de traitements ou peines cruels et inusités à l'article 97. Je parle en particulier des motifs faisant état d'extorsion par des groupes criminels. Il s'agit du genre de cas, et ils sont nombreux, où les motifs sont légitimes — ces demandeurs craignent pour leur vie —, mais il n'y a aucun lien avec la définition. Ils ne peuvent pas alors invoquer l'article 96. Les tribunaux ont statué que ces motifs sont fondés sur une crainte de violence généralisée. Elles ne peuvent donc pas relever de l'article 97. Et en vertu du projet de loi C-11, ce genre de demande tomberait directement entre les mailles du filet. Ces demandeurs ne pourraient obtenir gain de cause à l'audience et n'auraient pas droit de faire une demande pour des motifs humanitaires ou de compassion. Nous devons donc veiller à ce qu'ils puissent présenter une demande pour des motifs humanitaires et de compassion fondés sur le risque, immédiatement.
    Je vous remercie.
    Monsieur Berger, je vous remercie de votre exposé. Vous êtes de toute évidence versé en la matière, et nous vous en remercions.
    Notre dernier témoin, Mme Pia Zambelli, représente l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration.
(2020)
    Je représente l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, qui compte quelque 150 membres au Québec. Je pratique le droit de l'immigration depuis 1988, et j'ai siégé pendant cinq ans à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, mais les opinions que je présente aujourd'hui sont celles des avocats spécialisés en droit de l'immigration au Québec.
    En gros, notre association estime que le système canadien de détermination du statut de réfugié n'a pas besoin du projet de loi C-11. Cette soi-disant réforme équilibrée est chère, controversée et mal ciblée. Établi par les amendements de 1989 à la Loi sur l'immigration de 1976 et axé sur une audience de haute qualité devant un tribunal quasi judiciaire indépendant, le système actuel est considéré comme le meilleur dans le monde. Les gros problèmes qui ont émergé au fil des années depuis 1989 avaient découlé de certaines décisions douteuses attribuables peut-être à des nominations partisanes ou à un système de nomination partisan, au manque de mécanismes efficaces de correction des erreurs et, dernièrement, à des temps de traitement lents à la CISR. Le projet de loi C-11 fait peu, voire rien, pour remédier à ces problèmes.
    La LIPR, notre loi actuelle adoptée par les libéraux, visait à régler le problème des mécanismes de correction des erreurs en mettant sur pied la SAR. Malheureusement, cette disposition n'est pas entrée en vigueur; mais elle peut entrer en vigueur à n'importe quel moment, avec ou sans le projet de loi C-11. La SAR est déjà prévue dans notre loi. Les temps de traitement lents à la CISR découlent du fait que le gouvernement actuel n'a pas comblé les postes vacants à la CISR. Ce problème, à ce qu'on me dit, est maintenant résolu, et l'effectif de la CISR est complet. La question des nominations partisanes n'a toujours pas été résolue.
    Au lieu de régler les vrais problèmes, le projet de loi C-11 semble surtout en viser un qui n'existe pas vraiment, soit la marée de faux demandeurs de statut de réfugié qui engorge le système. Ce n'est pas une vraie prémisse, et une fausse prémisse ne devrait pas servir de fondement à une réforme.
    Les amendements de 1989 à la Loi sur l'immigration ont en effet mis fin à la marée de demandes non fondées présentées avant 1989. Aujourd'hui, les demandeurs mexicains et roms de l'Europe centrale ont été désignés coupables publiquement par le ministre, mais ces demandeurs ne sont pas de faux demandeurs. Même la Cour fédérale est d'accord.
    Il y a d'autres problèmes relativement à ce projet de loi outre sa fausse prémisse. Les voici:
    La réforme semble être axée sur les délais ultrarapides. Comme presque tous les témoins l'ont dit, ces délais sont injustes envers les réfugiés, et n'ont jamais fonctionné par le passé. La restriction à l'article 4 du projet de loi sur le motif d'ordre humanitaire est injuste et pourrait aller à l'encontre des normes internationales. Il doit y avoir une façon pour les demandeurs du statut de réfugié de présenter un motif d'ordre humanitaire avant la période de 12 mois, si quelque chose devait arriver dans leur pays d'origine, s'ils ont des problèmes médicaux ou s'ils ont de la difficulté à faire valoir les meilleurs intérêts de leurs enfants qui pourraient être des citoyens canadiens. L'association propose de confier les questions d'ordre humanitaire à la SPR ou à la SAR, ou simplement de permettre une demande d'exemption à la limite des 12 mois dans certains cas.
    L'entrevue prévue au paragraphe 11(2) du projet de loi entraînera des retards et des préjudices pour les demandeurs de statut de réfugié, même si elle n'a pas lieu dans les huit jours, même si elle a lieu plus tard. Ce n'est pas une bonne idée. Sur le plan de l'efficacité, ce processus pourrait entraîner des retards parce que les avocats doivent être présents, de même qu'un interprète. De plus, de prendre et d'enregistrer une déclaration au préalable ferait en sorte que celle-ci sera régulièrement utilisée à l'audience pour jeter des doutes sur les demandeurs, comme cela a été fait par le passé, pas dans tous les cas, mais fréquemment pour ce qui est des déclarations au point d'entrée. Les déclarations initiales faites par les victimes d'expériences traumatisantes peuvent être incomplètes et confuses. Notre association propose d'éliminer le concept d'entrevue officielle et de s'en tenir au Formulaire de renseignements personnels.
(2025)
    Les dispositions de l'article 12 du projet de loi sur la désignation de pays d’origine, qui limitent l'accès à la SAR, présentent toute une gamme de problèmes. La désignation sera soi-disant fondée sur la sécurité, mais ce n'est précisé nulle part, et aucun critère n'est stipulé.
    Le fait que des catégories de ressortissants de certains pays puissent aussi être désignées — par exemple, les homosexuels du Nigeria, les juifs de Russie — est clairement discriminatoire. On ne désigne pas simplement un pays. On peut désigner des catégories de ressortissants d'un pays donné et leur refuser un appel. Cette nouvelle approche du Canada — elle existe peut-être en Europe, mais est nouvelle ici — serait en réaction à une crise émanant de fausses demandes de Mexicains et de Roms d'Europe centrale. Toutefois, puisqu'il n'y a pas de crise, cette disposition n'est pas nécessaire. S'il devait y avoir crise, les mesures actuelles tendant à décourager les demandes manifestement non fondées ou d'autres mesures administratives devraient suffire. Je fais allusion aux dispositions sur la preuve au paragraphe 107(2) de la LIPR et du paragraphe 231(2) du règlement. Aussi, des groupes de demandes ont été accélérées de façon administrative par le passé à la CISR. On peut prendre la décision administrative d'accélérer le traitement de certains groupes de demandeurs.
    La disposition ne fonctionnerait pas, car il est peu probable d'en venir à une entente sur les pays désignés. Cette partie devrait être supprimée du projet de loi.
    L'article 13 du projet de loi confère des pouvoirs à la SAR. De plus, la présentation de nouvelles preuves serait autorisée. Ainsi, la SAR constituerait une amélioration, surtout si un système de nomination entièrement fondé sur le mérite était mis en place.
    On vous demanderait de conclure, madame Zambelli. Merci.
    Oui.
    Pour ce qui est des restrictions liées à l'ERAR, il devrait à tout le moins y avoir une façon de demander une exemption de la période de 12 mois, parce qu'il y a une exigence dans la Constitution relativement à l'évaluation du risque avant le renvoi, à l'article 7 de la Charte.
    Finalement, notre association s'oppose au fait qu'en vertu de l'article 26 du projet de loi, les décisions de première instance seront prises par des fonctionnaires, puisqu'il pourrait y avoir un manque d'indépendance et peut-être aussi de compétences. L'exigence du minimum de 10 p. 100 des commissaires ayant l'expérience du domaine juridique serait supprimée par l'ajout de l'article 26.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame Zambelli.
    Mme Mendes a des questions pour les témoins.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Si vous le permettez, j'aimerais commencer par nos invités par vidéoconférence, M. Berger plus précisément. Ma question donne suite à ce que Mme Zambelli vient de dire.
    Vous avez parlé de la nomination de fonctionnaires qui remplaceraient les personnes nommées par le gouverneur en conseil pour juger en première instance des cas ou pour donner une première opinion sur les cas de gens arrivant à nos frontières. Comment proposez-vous de choisir qui déterminera qui sont les demandeurs légitimes? Comment devrions-nous nommer et choisir ces employés?
    C'est la question épineuse qui se pose depuis de nombreuses années. Ce qu'il faut éviter au bout du compte, c'est que le ministre fasse les choix définitifs. Cette pratique mène tout simplement au favoritisme politique. Elle ne fait que politiser le processus des nominations.
    Le système doit être fondé sur le mérite. Il devrait y avoir un groupe d'experts, des défenseurs des droits de la personne qui choisiraient les meilleurs candidats possibles pour ce travail.
    Je m'oppose à ce que ce soit seulement ou surtout des fonctionnaires. Je ne crois pas que les fonctionnaires ont l'expérience nécessaire pour prendre ce genre de décision. Je présume que les fonctionnaires alors choisis seraient simplement les agents de protection des réfugiés actuels ou les agents de tribunaux, à qui on confierait un titre différent. Je ne crois pas que cette façon de faire mènerait au meilleur résultat possible.
(2030)
    Mais leur principale fonction, si j'ai bien compris, consiste à recueillir de l'information. Je crois que M. Dykstra a soulevé cette question. Il a dit qu'aucune décision ne sera prise à la première rencontre avec un agent, si j'ai bien compris. Il s'agit de recueillir de l'information.
    Nous parlons de deux différentes choses ici. Il y a la procédure après les huit jours, puis celle après les 60 jours. Je parle ici de la procédure après 60 jours, qui est entreprise, selon le projet de loi, par le décideur en première instance, soit des fonctionnaires. C'est ce que j'ai compris.
    Mais il s'agira des mêmes gens pour la procédure après les huit jours.
    Ce n'est pas clair à mon avis. C'est ce que je présume, mais ce n'est pas tout à fait clair pour moi.
    Ce n'est pas clair pour moi non plus, et c'est pourquoi je vous pose la question.
    Il n'a pas tout à fait compris.
    Mme Alexandra Mendes: Mais vous allez me transmettre cette information...
    M. Rick Dykstra: Certainement. En fait, Mme Wong s'en occupera.
    D'accord.
    Pour revenir au fameux FRP, le Formulaire de renseignements personnels, monsieur Berger, vous dites qu'il constituait une façon très utile de recueillir de l'information pendant les premiers jours suite à l'arrivée. Vous élimineriez alors ce délai de huit jours et garderiez le FRP. C'est bien ce que vous proposez?
    C'est ce que je proposais. Le FRP nous a bien servis au cours des 21 dernières années. C'est le document principal présenté à la commission. Il contient l'historique de la persécution du demandeur. Le FRP est rempli dans la tranquillité du cabinet d'avocats. Il s'agit d'une façon calme et civilisée de le procéder. On y va par ordre chronologique. On propose de le remplacer par cette entrevue avec une personne qui rencontre le demandeur pour la première fois, et je peux vous dire que le récit sera un fouillis désordonné, sans queue ni tête. Aucun document probant ne sera donc présenté à la commission. Il va y avoir des omissions au récit. Il s'agit tout simplement d'une mauvaise idée.
    Il n'y aura aucune façon officielle de présenter l'information. Ce ne sera qu'un fouillis de faits disparates colligés par l'intervieweur.
    Ça ne tiendra pas la route parce que... Nous avons déjà l'expérience de ce qu'on appelle les notes au point d'entrée. En vertu du système actuel, un demandeur est interviewé au port d'entrée lorsqu'il fait la demande, ou au bureau d'immigration au Canada, et l'agent pose beaucoup de questions sur la demande — De qui avez-vous peur? Qu'est-ce qui vous est arrivé? Pourquoi est-ce arrivé? —, et l'histoire est racontée de façon très incohérente, parce que les agents ne connaissent pas les antécédents de la personne, que le demandeur est nerveux de s'adresser à une personne en autorité...
    Vous me permettez de vous interrompre. Est-ce, madame Kennedy, l'une des craintes que vous aviez lorsque vous avez parlé du fait que les huit jours seraient insuffisants pour que les personnes gaies, lesbiennes ou transgenres présentent une demande?
    Tout à fait. Il n'est pas réaliste pour un demandeur GLBT de respecter cette exigence de huit jours. La plupart des demandeurs GLBT font leur demande non pas au point d'entrée, mais après, parce qu'il faut d'abord se rendre au bureau d'immigration pour faire la demande, faire les préparatifs pour l'aide sociale, le logement — il y a tant de choses à faire pour la vie au quotidien. On ne peut pas de façon réaliste tout faire en huit jours.
     C'est tout. Merci.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer par une question à Mme Zambelli, mais avant de commencer, je dois vous dire que je suis pour le moins déçu que l'Association québécoise des avocats et avocates en droits de l'immigration fasse devant ce comité une présentation exclusivement en anglais. Pour un organisme qui relève du Québec, c'est plutôt décevant, et on est honnêtement bien loin de l'époque où l'AQAADI défendait le droit de ses membres de procéder en français devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
    Ce commentaire étant fait, je voulais vous parler de la question des pays...
(2035)

[Traduction]

    Monsieur St-Cyr, j'estime que vos propos sont antiréglementaires. Le témoin peut très bien...

[Français]

    Ça tombe bien puisque j'ai fini, monsieur le président.

[Traduction]

    Eh bien, je vais vous dire ce que je pense, et vous pouvez l'interpréter comme vous le voulez. Vous et moi avons le droit de parler français ou anglais, et il en est de même pour les témoins qui ont la parole. Vous n'avez pas le droit de remettre en question leur choix de langue.

[Français]

    Tout à fait. Vous avez raison, monsieur le président, mais j'ai le droit de dire que je suis extrêmement déçu, par contre. Voilà.
    D'ailleurs, on en avait terminé de ce sujet, et on peut poursuivre la discussion.

[Traduction]

    Non, vous n'avez pas le droit de faire ça. Je crois qu'il faut être courtois envers les témoins. Si un témoin veut parler anglais ou français, c'est son droit.

[Français]

    Alors, je vais continuer. J'ai simplement fait un commentaire et je veux vous parler du sujet qui nous intéresse aujourd'hui. C'est cette question des pays désignés.
    Si je comprends bien votre présentation, vous êtes contre le fait qu'on enlève ce droit d'appel à qui que ce soit pour n'importe quelle raison, finalement. Pendant nos consultations en comité, il y a eu encore aujourd'hui des propositions de mix, de solutions de rechange et de solutions différentes, toutes plus ésotériques les unes que les autres.
     Au fond, votre position relève davantage du principe: un appel est un droit et tout le monde devrait y avoir accès. Est-ce que je comprends correctement votre position?

[Traduction]

    Si vous permettez que je m'exprime en anglais, c'est essentiellement la position de l'AQAADI. Vous avez bien expliqué les faits. Il s'agit de notre position.

[Français]

    D'un point de vue juridique — et c'est pourquoi je veux connaître votre opinion, car je ne suis pas juriste moi-même —, il m'apparaît que le cas d'un ressortissant venant d'un pays reconnu sécuritaire est un cas plus délicat à traiter. À la limite, le cas de quelqu'un venant d'un pays reconnu pour persécuter les gens est un peu un no-brainer, c'est évident.
    Donc, ai-je raison de dire qu'en ce qui concerne les pays reconnus sécuritaires, cela doit être plus nuancé?
    D'autre part, si c'est vrai, est-ce au fond un peu ridicule d'enlever le droit d'appel précisément à ces personnes dont le cas est plus litigieux et difficile à trancher?

[Traduction]

    Oui, exactement. D'abord, comme je le disais, il sera pratiquement impossible de réunir un groupe consultatif qui pourra convenir des pays sécuritaires. Nous ne conviendrons jamais que le Mexique est sécuritaire. Nous ne conviendrons jamais que la Tchécoslovaquie est sécuritaire pour tous ses citoyens. Peut-être que les États-Unis le font. Peut-être dirons-nous que certains pays européens le font, mais il y a toujours des exceptions. Lorsqu'il y a des exceptions, c'est parce que la situation est très délicate et extrêmement nuancée. C'est pourquoi priver ces gens d'un mécanisme de correction d'erreurs — c'est-à-dire la Section d'appel des réfugiés — n'est vraiment pas la chose à faire pour ces pays en particulier.

[Français]

    On a aussi beaucoup parlé des délais. La crainte du gouvernement est que, en laissant beaucoup de temps à la personne pour préparer son dossier, cela lui laisse plus de temps pour s'inventer une histoire, pour fabriquer des preuves ou mentir je ne sais trop comment.
    Finalement, n'est-ce pas plutôt l'inverse? Ceux qui inventent des histoires en huit jours ont plus de facilité à le faire. Est-ce que ce ne sont pas plutôt ceux qui ont véritablement vécu des traumatismes, telles des histoires de meurtres en série et de viols, qui auront de la difficulté à produire leur histoire en huit jours, plutôt que ceux qui mentent?

[Traduction]

    Oui. Les réfugiés légitimes seraient plus susceptibles de faire une déclaration qui n'est pas cohérente dans les huit jours que les réfugiés qui mentent. Voilà pourquoi le régime proposé est plutôt ironique.

[Français]

    D'accord.
    J'ai une question pour M. Berger.
    Vous avez parlé de cette proposition de permettre l'appel aux personnes originaires d'un pays sur la liste des pays désignés, si la crédibilité et la véracité de leur histoire n'est contestée. De façon générale, n'importe qui, dans n'importe quel système juridique n'aime pas trop voir ses décisions contestées, et c'est la raison pour laquelle on prévoit des mécanismes d'appel. Cela fait en sorte que les juges et les commissaires s'efforcent pour rendre la bonne décision dès le premier coup pour ne pas qu'il y ait un appel.
    Toutefois, en vertu du dispositif que vous prévoyez, on se retrouverait dans la situation où, face à un fonctionnaire qui dirait tout simplement, sans motif, ne pas croire en la version de la personne, cette personne perdrait de facto son droit d'appel et, par conséquent, la possibilité de demander une révision de la décision du fonctionnaire.
    N'est-ce pas une porte un peu trop facile à ouvrir? Ne risque-t-on pas de se retrouver avec des fonctionnaires qui, voulant rejeter les cas, diraient simplement qu'ils ne croient pas le demandeur? Et puis, les choses en resteraient là et il n'y aurait plus d'appel?
(2040)

[Traduction]

    Je m'oppose d'emblée à la création d'une liste de pays désignés, mais s'il doit y en avoir une, je propose un compromis entre la position du gouvernement et celle qu'adopte la plupart des défenseurs des réfugiés. Ainsi, je préconise que seuls les revendicateurs qui viennent de pays inscrits sur la liste et dont les déclarations sont mises en doute perdent leur droit d'interjeter appel auprès de la SAR.
    Merci.
    Mme Chow a la parole.
    Il y a moins d'une heure, nous entendions le témoignage d'Abraham Abraham du Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, et mes collègues libéraux préconisaient la désignation de pays sûrs. Voilà que trois témoins nous disent clairement qu'ils n'appuient pas ce genre de désignation car cela pourrait avoir des conséquences graves pour les gais, les lesbiennes, les bisexuels et les transgendéristes, venant particulièrement d'un grand nombre de pays africains ou de la Jamaïque, etc.
    Je m'adresse aux représentants de Égale et aux autres témoins. Avez-vous pu communiquer vos inquiétudes au Parti libéral du Canada? Le Bloc et le Nouveau Parti démocratique s'entendent pour qu'il n'y ait pas de désignation de pays sûrs et ils préconisent que l'on prenne en considération des éléments humanitaires et de compassion, lesquels seront supprimés si le projet de loi C-11 est adopté.
    Je m'adresse aux représentants de Égale d'abord.
    En effet, nous sommes très inquiets à l'idée qu'il y ait désignation de pays sûrs et qu'on établisse une liste. Nous sommes tout à fait disposés à exprimer nos inquiétudes à quiconque voudra nous écouter. D'un point de vue pratique, dresser une telle liste ne serait pas opportun, car même au Canada, les GLBT font l'objet de discrimination. Dresser ce que l'on appellerait une « liste de pays sûrs » est extrêmement problématique. C'est tout simplement impossible pour les revendicateurs GLBT.
    C'est là l'une de nos principales inquiétudes, et nous l'avons dit à bien des députés de tous les partis. Nous espérons que les membres du comité réfléchiront sérieusement à cet aspect particulier du projet de loi et qu'ils trancheront.
    Maintenant, l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration.
    Concernant les revendications pour motifs d'orientation sexuelle, il est intéressant de savoir que la Jamaïque pourrait probablement être inscrite sur la liste des pays désignés, mais que ce n'est pas un pays sûr pour les homosexuels. À l'opposé, un pays comme le Nigeria, qu'on ne songerait jamais à inscrire sur la liste des pays sûrs, mais...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Excusez-moi, madame Zambelli. M. Dykstra invoque le Règlement.
    Je n'aime pas intervenir, mais si de faux renseignements sont donnés... Je comprends que vous n'avez peut-être pas tous les renseignements sous la main, mais quand on affirme... Nous n'avons pas le bénéfice de la réglementation qui sera prise pour ce qui est de l'aspect dont vous parlez.
    J'invoque le Règlement, car il est tout à fait légitime de poser des questions, mais ça ne l'est pas de dire que le statu quo prévaudra. Cela induit gravement en erreur et c'est très injuste.
    C'est un argument, mais je ne pense pas que ce soit un rappel au Règlement.
    Madame Zambelli, poursuivez.
    Vous avez fait de votre mieux.
    Je songeais au fait que les dispositions du projet de loi donnent le pouvoir de désigner une catégorie de ressortissants au sein d'un pays, non seulement un pays mais un certain groupe de citoyens. C'est dans le projet de loi.
    Par exemple, on peut supposer que le Nigeria ne serait jamais inscrit sur une liste de pays sûrs, mais beaucoup de décisions de la commission font état que les homosexuels ne sont pas persécutés au Nigeria et que ce groupe de citoyens n'y coure pas de risques pour ainsi dire. Édicter une disposition telle que ce groupe serait inscrit sur une liste ne serait pas approprié de la part du Canada à mon avis.
(2045)
    En Angleterre, les tribunaux sont actuellement saisis d'une affaire parce que des juges et des agents de détermination du statut de réfugié ont décrété que tout homosexuel pouvait rentrer dans son pays où il ne serait pas menacé s'il cachait cette orientation. Des demandes ont été refusées pour cette raison.
    Sans blague, c'est vrai. L'affaire est entendue actuellement par les tribunaux. Il y a controverse en Angleterre à ce propos même si le nouveau gouvernement a déclaré qu'il accepterait les demandes de statut de réfugié de la part des gais et lesbiennes. L'Angleterre s'est dotée aussi d'une liste de pays sûrs désignés, dont le Canada s'inspire.
    Ma question s'adresse à M. Max Berger. Si la désignation de pays sûrs devient réalité avec l'adoption du projet de loi C-11 et si on refuse aux réfugiés le droit d'interjeter appel, quels seront alors les problèmes et les conséquences en particulier pour les gais et les lesbiennes?
    Je suppose que l'on découvrira que les demandes de beaucoup de gais et de lesbiennes seront rejetées au premier palier de décision, sans la possibilité d'interjeter appel sur le fond ou sur les faits. La seule possibilité d'appel qui s'offrira sera celle qui est disponible actuellement et, vous le savez, elle est très limitée. Essentiellement, il faut pouvoir contester des points de droit. Ainsi, ces demandeurs seraient laissés en plan.
    Vous-même ou des représentants de l'Association du Barreau du Québec avez-vous communiqué votre position au chef du Parti libéral, M. Ignatieff? Est-ce que Égale l'a fait? Je n'arrive pas à cerner précisément la position de ce parti. Certains députés libéraux semblent être contre une liste de pays d'origine sûrs. Pour sa part, le porte-parole dans le domaine l'appuie. Avez-vous exprimé vos inquiétudes?
    Nous allons certainement le faire. On nous a dit que la date limite pour le faire était le 13 mai et que le parti allait annoncer sa position à la séance du lendemain. Toutefois, si le parti ne s'est pas encore prononcé, nous allons assurément envoyer des documents aux dirigeants.
    Le 1er juin, le comité va procéder à l'étude article par article du projet de loi et le 3 juin sera le dernier jour de l'étude du projet de loi. Le projet de loi sera ensuite envoyé à la Chambre des communes, puis ce sera l'étape du rapport et la troisième lecture. Il semble qu'il y ait une volonté de la part des conservateurs comme des libéraux d'adopter ce projet de loi avant le congé estival qui commencera le 23 juin. Donc, le temps presse.
    Merci beaucoup.
    Mme Wong a la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup à nos témoins d'être venus.
    J'ai une brève question que j'adresse à Mme Zambelli. Le projet de loi comporte 42 articles. Où y trouve-t-on une définition de pays d'origine sûrs. La liste est-elle déjà établie? Y a-t-il une telle liste dans le projet de loi?
    Il s'agit de l'article 12 du projet de loi, celui qui modifie l'article 109...
    La liste est-elle déjà dressée?
    Non, la liste n'y figure pas, à ce que je...
    Cela signifie que la liste sera dressée plus tard et non maintenant, n'est-ce pas?
    Oui.
    Même dans un même pays d'origine, des groupes de citoyens seront exemptés. Il n'y a pas eu de décision encore à cet égard. On procédera pays par pays. Je tenais à vous le signaler.
    En ce qui concerne les huit jours, malheureusement, des témoins ont donné quantité de renseignements erronés. Selon moi, il s'agit d'une entrevue qui sera faite dans les huit jours par un agent de l'immigration avec l'aide d'un membre de la CISR.
    Quant à la période de 60 jours, elle fait l'objet d'une modification appréciable, car la prise de décisions par les gens nommés par décret sera progressivement abandonnée et sera confiée à des employés assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Le président de la CISR est venu témoigner, et il lui appartiendra de déterminer ceux à qui cette tâche sera confiée. Il a affirmé que le processus serait minutieux et exhaustif, ajoutant qu'on ne ferait pas appel uniquement à des fonctionnaires. Nous souhaitons que tout le monde le sache.
    Le Mexique maintenant: il faut savoir que les Mexicains ne figurent pas sur la liste des demandeurs frauduleux. L'année dernière, 89 p. 100 des demandes de la part de Mexicains ont été déboutées et nous avons dû imposer de nouveau l'obtention d'un visa en ce qui les concerne. Quatre-vingt-douze mil ressortissants mexicains faisaient une demande de statut de réfugié avant l'imposition du visa. Par la suite, ils n'étaient plus qu'une poignée. Voilà qui explique sans doute pourquoi on parle de demandeurs frauduleux dans le cas du Mexique.
    À propos des entrevues, je comprends qu'on s'inquiète de gens qui peuvent être traumatisés ou vulnérables. Toutefois, les agents de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié peuvent reporter les entrevues à une date ultérieure au besoin. Le régime proposé tient compte de cela également.
    Je suis vraiment déçu qu'on préconise le maintien du statu quo quand on sait que des demandeurs légitime doivent attendre 18 mois et que des gens qui sont ici depuis 10 ans attendent encore une décision. Je ne comprends pas pourquoi on estime que le régime actuel est efficace.
    Je voudrais partager mon temps de parole avec M. Calandra.
(2050)
    Combien de temps reste-t-il, monsieur le président?
    Trois minutes.
    Très bien.
    Je vais poursuivre dans la même veine que Mme Wong: les critères sur lesquels vous vous fondez pour déterminer les éventuels pays d'origine sûrs. Je me demande d'après quels critères législatifs ou autres vous concluez que la République tchèque, le Mexique ou un pays quelconque serait désigné pays d'origine sûr.
    Je me fondais sur des déclarations faites publiquement par le ministre.
    Ainsi, il n'y a pas d'appui législatif à ce que vous dites?
    Non il n'y a encore rien dans les dispositions législatives.
    Ainsi, ce sont de pures conjectures, n'est-ce pas?
    Mme Pia Zambelli: Inspirées par les déclarations du ministre, oui.
    M. Paul Calandra: Vous dites que les réformes seraient très coûteuses et que cela n'est pas justifié. Devrait-on toujours être guidé par un souci d'économie plutôt que par un souci d'efficacité? Les Canadiens devraient-ils s'attendre à un régime moins coûteux ou à un régime qui respecte et aide non seulement les Canadiens mais également les demandeurs de statut de réfugié à respecter les institutions et ceux qui appuient le gouvernement?
    Je ne dirais pas que le système est trop coûteux si, malgré le coût, il donnait de bons résultats et permettait de résoudre véritablement les problèmes. Nous doutons fort que les sommes dépensées puissent résoudre les problèmes majeurs et, en l'occurrence, on risque de créer plus de problèmes.
    D'accord. Vous avez également fait allusion au Formulaire de renseignements personnels. Est-ce que personne n'a jamais brodé un peu en le remplissant?
    Oui, absolument. On a découvert que certaines demandes ne sont que pures inventions fondées sur une fausse histoire.
(2055)
    Peu importe s'il s'agit de 8 ou de 28 jours, il y a tout de même des individus qui le font.
    Madame Kennedy, j'ai l'impression qu'il serait très difficile de réformer le système en fonction des critères dont vous disposez afin d'en faire un système — je ne veux pas dire qu'il s'agirait d'un système auquel on pourrait faire « confiance » — qui serait adapté aux gais et lesbiennes que vous représentez, qui les convaincrait que leurs droits seraient protégés.
    Quelle est votre question?
    Ma question est essentiellement la suivante: Pourrions-nous créer un système de quelque type que ce soit qui vous convaincrait que la communauté gaie et lesbienne serait protégée? C'est une question assez simple.
    Oui. Excusez-moi, j'avais mal compris votre façon de l'exprimer.
    Un système équitable serait un très bon système.
    Pouvez-vous préciser?
    Il s'agirait d'un système ouvert et inclusif.
    Nous avons réalisé une analyse approfondie de chaque demande présentée au Canada depuis 2004 en fonction de l'orientation sexuelle.
    Excusez-moi, il me reste une minute, et je vais donc vous interrompre.
    Je voudrais simplement que vous précisiez.
    Le délai est très important. Si on conserve celui de 28 jours, nous serions satisfaits. Nous pensons que ceux de 8 jours et de 60 jours ne fonctionneraient pas.
    Huit jours ne sont pas suffisants, mais si nous faisions passer ce délai à 28 jours, peut-être, cela pourrait être satisfaisant. Il y a une marge de manoeuvre.
    Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais peut-être indiquez-vous aussi que 60 jours, cela pourrait être trop court.
    Personne n'est heureux lorsque le traitement d'une demande nécessite 19 mois ou 10 ans. Ce n'est utile pour personne.
    Il faut chercher des façons plus efficaces de traiter les demandes de façon juste et équitable. Peut-être que cela signifie qu'il faut plus d'arbitres. Cela signifie certainement qu'il faut mieux former les arbitres.
    Toutes les demandes des GLBT du Mexique ne sont pas de fausses demandes. Je pense que ce sont des stéréotypes que l'on accole aux gens, en particulier aux GLBT.
    Merci.
    M. St-Cyr a du temps pour une très courte question.

[Français]

    Je voudrais commencer par rassurer mes collègues conservateurs. Mme Zambelli et moi, nous nous entendons quant au fait que la question des pays désignés ne doit pas se retrouver dans la loi. Mme Zambelli n'a jamais été une de mes anciennes employées. Je voulais vous rassurer à ce sujet.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Thierry St-Cyr: Passons aux choses plus sérieuses. Puisque vous êtes avocats, je voulais vous questionner au sujet des dispositions qui concernent le droit des gens d'être représentés par un avocat, et ce, à toutes les étapes, incluant lors de l'entrevue prévue par la loi.
    Cela ne me semble pas clair, pour ma part. L'article 8 porte sur le droit du ministre de décider de ceux qui peuvent et de ceux qui ne peuvent pas être présents, notamment devant les fonctionnaires. Plus loin, soit à l'article 23, on rappelle que quelqu'un peut être représenté devant la commission. Par contre, on ne sait pas si cela inclut l'entrevue. On ne précise pas non plus si la personne serait représentée par un conseiller juridique ou un autre conseiller.
    Premièrement, faites-vous la même lecture que moi, soit que rien dans la loi ne garantit ce droit d'être accompagné d'un avocat à cette étape? Deuxièmement, si mon interprétation est exacte, trouvez-vous que c'est inapproprié? Troisièmement, pensez-vous que le comité devrait l'inclure spécifiquement dans la loi?

[Traduction]

    Oui, il y a une allusion ou une référence voilée au droit d'être accompagné d'un avocat à l'entrevue. À l'article 23 en anglais du projet de loi, on dit « person who is the subject of Board proceedings ». En français, c'est plutôt « devant la commission ». En anglais, il est plus clair que cela peut inclure le processus d'entrevue officiel.
    Je pense que la référence au droit d'être accompagné d'un avocat devrait être plus claire. C'est très important dans le contexte d'un tel projet de loi, qui élimine de nombreux droits, de garantir de façon précise et explicite que la personne a le droit d'être accompagnée d'un avocat pendant le processus d'entrevue officiel, de même que, bien entendu, lors des audiences et devant la section d'appel.

[Français]

    J'ai terminé.

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux du comité. Je vous remercie de vos exposés.
    Notre prochaine réunion se tiendra jeudi prochain, à 15 h 30. La séance est levée .
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