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Nous allons commencer les travaux de cette première heure de la soirée. Nous recevons deux témoins.
Monsieur Van Kessel, je vais lire ceci au complet, même si c'est long. Gerry Van Kessel est ancien directeur général, Section des réfugiés, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, et ancien coordonnateur, Consultations intergouvernementales sur les politiques de la migration et des réfugiés demandant l'asile, Genève. Bienvenue au comité, monsieur.
Le deuxième groupe de témoins comparaîtra par vidéoconférence depuis Toronto. Jordan Pachciarz Cohen, agent d'établissement et Maria Eva Delgado Bahena, réfugiée, représentent le Mennonite New Life Centre of Toronto. Vous êtes donc deux.
Nous allons commencer, comme je crois vous l'avoir expliqué avant le début de la séance. Vous aurez chacun jusqu'à sept minutes pour faire votre exposé, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
Monsieur Van Kessel, soyez le bienvenu à notre comité. Nous vous remercions d'être ici; vous disposez d'un maximum de sept minutes pour nous livrer votre exposé.
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Merci, monsieur le président.
Premièrement, j'aimerais remercier le comité permanent de me donner l'occasion de partager avec lui mes réflexions sur la reconnaissance du statut de réfugié et le projet de loi que vous étudiez. J'espère que ce que je dirai vous sera utile.
Lorsqu'on discute de l'immigration et des réfugiés, on entend souvent parler du besoin d'équilibre. En matière de reconnaissance du statut de réfugié, un système équilibré est un système qui protège les demandeurs qui ont besoin de la protection de réfugié et qui refuse d'accorder les avantages liés à la revendication du statut de réfugié à ceux qui n'ont pas besoin de cette protection. Les difficultés commencent avec le fait que les demandeurs restent au pays jusqu'à ce qu'une décision soit prise à leur égard.
Un système juste pour les réfugiés est un système qui donne le temps de préparer et de présenter la revendication, le temps de prendre une décision et le temps de l'examiner. Ce processus peut être très long et avoir comme conséquence imprévue d'attirer ceux qui ne cherchent pas à obtenir la protection de réfugié, mais plutôt à rester au pays pour y travailler. En présentant une revendication et en utilisant tous les mécanismes de révision à leur disposition, les demandeurs peuvent demeurer ici pendant de longues périodes avant que leur refus soit définitif et que leur renvoi ait lieu. Parce qu'il peut s'écouler plusieurs années entre le dépôt d'une demande de statut de réfugié et la décision de renvoi, on se fait dire qu'il est inhumain de renvoyer des gens établis et bien intégrés au Canada depuis des années, un argument qui n'est pas sans fondement.
Le système de reconnaissance du statut de réfugié a clairement mené à ce que l'on pourrait appeler des processus inégaux. Les demandeurs d'asile ont commencé à arriver en grand nombre dans les pays industrialisés au cours de la deuxième moitié des années 1980. Ils sont maintenant plus de 10 millions. Le taux d'approbation est d'environ 25 p. 100, comparativement à 40 p. 100 au Canada, mais le pourcentage de demandeurs qui finissent par rester pour une quelconque raison est d'environ 90 p. 100. C'est parce que la plupart des pays parviennent encore moins bien que le Canada à renvoyer les demandeurs d'asile déboutés.
Ces chiffres nous démontrent que, premièrement, les demandeurs du statut de réfugié sont davantage motivés par des facteurs qui ne sont pas mentionnés dans la définition du statut de réfugié de la convention que par le besoin de protection, et deuxièmement, qu'il est logique de présenter une revendication du statut de réfugié, puisque les chances de pouvoir rester sont bonnes — du moins pour longtemps, quand ce n'est pas pour toujours —, que l'on ait besoin ou non de protection.
À ce sujet, l'étude d'un professeur d'une université de Londres en dit long. Ce professeur a interrogé des demandeurs d'asile qui lui ont répondu que le simple fait de pouvoir rester un an justifiait la présentation d'une demande. Revendiquer le statut de réfugié, c'est une façon de choisir une meilleure vie pour eux-mêmes et leur famille. Cela ne surprendra personne, mais ce n'est pas ce que visaient les gouvernements, qu'ils soient pour ou contre l'immigration, lorsqu'ils ont signé la Convention de Genève.
Le contrôle des frontières constitue une expression de la souveraineté des pays. Le droit international est clair à ce sujet. En signant la Convention de Genève, les États consentent à mettre de côté la souveraineté quand il est question de réfugiés. Les chiffres révèlent qu'ils ont aussi abdiqué leur souveraineté pour les non-réfugiés qui sont dans le processus de reconnaissance d'une demande d'asile.
Ainsi, lorsque les gouvernements gèrent les demandes d'asile, ils cherchent des façons de répondre aux faux réfugiés, mais contrairement à ce qu'ils font avec les immigrants illégaux, ils agissent dans le cadre de leur obligation de protéger les réfugiés. Voilà ce que font les gouvernements depuis maintenant 25 ans.
Les changements varient grandement: des changements constitutionnels en Allemagne, aux visas pour les visiteurs, à une augmentation des ressources, en passant par des procédures visant les faux réfugiés et un accroissement considérable des efforts pour renvoyer les demandeurs d'asile rejetés. Chaque changement soulève des critiques parmi des ONG et d'autres défenseurs des droits de ces personnes qui prétendent que cela a pour effet de réduire la protection offerte aux réfugiés. Je crois que sans ces changements, le système pour les réfugiés se serait effondré.
Que les systèmes de reconnaissance du statut de réfugié soient encore intacts, même si l'équilibre idéal reste difficile à atteindre, indique que cette recherche de l'équilibre a porté fruit. L'accroissement du taux d'approbation découlant de la diminution du nombre de non-réfugiés par rapport aux réfugiés qui arrivent dans nos pays — car les réfugiés continuent de croire que cela vaut la peine de faire l'effort de venir ici — le démontre. Et je n'hésite pas à reconnaître qu'il s'agit là d'un effort.
Un bon système de reconnaissance du statut de réfugié doit fonctionner de façon intégrée. Il faut un équilibre entre les ressources, c'est-à-dire les décideurs et l'appui dont ils ont besoin, les procédures et le volume des demandes. Les décideurs doivent avoir les compétences et les connaissances nécessaires pour prendre de bonnes décisions, et il doit y en avoir assez pour que le traitement se fasse sans retard. Les procédures doivent être justes pour que les décisions soient avisées. Elles doivent aussi être efficaces pour décourager les non-réfugiés. Pour terminer, l'afflux de réfugiés doit correspondre à ce que les ressources sont capables de gérer. Une augmentation soudaine et imprévue du volume de demandes d'asile sera le plus souvent traitée au moyen de mesures spéciales, comme une protection temporaire ou une amnistie, plutôt que par les décideurs.
Il existe diverses mesures pour contrôler le volume des demandes. Les plus évidentes sont l'imposition de visas, de documents de voyage plus sûrs, les interceptions et des dispositions sur les tiers pays sûrs et le pays d'origine. Les procédures visant les non-réfugiés font en sorte qu'il n'est pas intéressant, pour eux, de présenter une demande. Le problème avec les ressources, mis à part leur coût, c'est que cela prend beaucoup de temps à les mettre en place pour répondre à une augmentation rapide du nombre de demandeurs. Résultat: les délais de traitement sont évidemment plus longs.
Lorsque j'examine les changements proposés par le gouvernement, j'y vois un équilibre. Le système sera plus juste grâce à l'appel basé sur le droit et le bien-fondé de la demande.
En passant, il sera intéressant de voir l'effet de l'appel sur les délais de traitement et les taux d'approbation. Il convient de souligner que même sans un système d'appel, le Canada a un taux d'approbation sensiblement plus élevé, en moyenne, que celui des autres pays qui ont un système d'appel.
Si ce système est mis en place pour les personnes venant d'un pays sûr, la situation demeurera la même qu'aujourd'hui. Elles ne pourront se prévaloir du nouveau système d'appel, mais continueront d'avoir accès à la Cour fédérale.
La limite d'un an est logique parce qu'elle empêche le prolongement du processus dans le cas où on a déjà traité le dossier. L'augmentation du nombre de renvois est essentielle pour réaffirmer qu'il s'agit là du résultat d'une décision négative.
En conclusion, je dirais que les changements sont équilibrés, mais comme pour tout système semblable, il n'en faut pas beaucoup pour rompre l'équilibre.
Merci.
Je m'appelle Jordan Pachciarz Cohen et je suis conseiller en établissement au Mennonite New Life Centre. Je suis également stagiaire en droit. Je travaille avec un avocat de Toronto à préparer les demandes de renseignements personnels pour les revendications du statut de réfugié.
Pour commencer, merci, monsieur le président. Le Mennonite New Life Centre tient à remercier le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de prendre le temps de tenir des consultations dans la communauté sur les mesures de réforme concernant les réfugiés. Nous croyons que les recommandations suivantes vous seront utiles pour prendre des décisions et modifier cette importante mesure législative, afin que la protection continue d'être la priorité d'un système de détermination du statut de réfugié juste et efficace.
Je crois que nous voulons tous un système rapide, efficace et juste. Cependant, le projet de loi suscite chez nous plusieurs préoccupations, et comme notre temps est limité, nous ne parlerons que de quelques-unes d'entre elles.
Notre première préoccupation concerne la désignation de pays « sûrs » et l'absence de processus d'appel pour les pays désignés comme tels. Nous croyons que cela risque d'entraîner une politisation du système visant les réfugiés et de compromettre l'indépendance de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Nous croyons qu'une évaluation du bien-fondé de chaque dossier est nécessaire, sans intervention gouvernementale ni influence de la part de ceux qui désignent les pays sûrs selon certains critères politiques. De même, il est important de souligner que les demandes provenant de pays que l'on considère généralement sûrs sont celles qui auraient le plus besoin d'être revues en appel. Cela tient aux questions compliquées de fait et de droit, comme l'existence d'une protection d'État dans des pays généralement jugés sûrs.
Une autre de nos préoccupations concerne l'accès aux demandes pour des motifs humanitaires, et la limite de 12 mois pour présenter une demande pour ces motifs après avoir reçu une décision négative. Premièrement, je tiens à mentionner que de nombreuses demandes ne sont pas refusées à cause du manque de crédibilité ou parce que certaines personnes essaient de profiter du système, mais à cause de la définition étroite de réfugié, en raison de la protection offerte par l'État, l'accès à cette protection ou les options de vols domestiques. La section du statut de réfugié juge que les gens font face à des risques, mais pas à de la persécution, alors il faudrait pouvoir évaluer les risques dans le cadre des motifs humanitaires invoqués.
Je vais vous donner des exemples de gens qui ne peuvent invoquer des raisons d'ordre humanitaire, mais qui devraient avoir le droit de le faire. Le premier exemple est celui d'une famille qui arrive au Canada, y demande l'asile et dont un membre jouit d'une double nationalité parce qu'il est né dans un pays autre que le pays de persécution, mais n'a jamais vécu dans ce pays. Voici un deuxième exemple: si une famille entière arrive au Canada, y demande l'asile, est acceptée, mais qu'un de ses membres est âgé de plus de 21 ans et ne peut être inclus dans la demande de résidence permanente en tant que personne protégée, et que cette personne n'a pas de famille dans le deuxième pays dont elle est citoyenne; elle n'a aucun lien avec ce pays et risque d'être renvoyée dans un endroit dont elle ignore tout, où elle ne connaît personne et sera séparée de sa famille.
Une autre situation pourrait être celle d'une personne qui a un enfant avec un résident permanent ou un citoyen canadien; si cette personne devait être expulsée du Canada, on devrait pouvoir invoquer des motifs humanitaires et le meilleur intérêt de l'enfant pour que les deux parents restent au Canada pour l'élever.
Il existe de nombreux autres cas de figure; il ne s'agissait là que de deux exemples.
Je vais maintenant parler des échéanciers du projet et de l'entrevue du huitième jour. Nous craignons qu'une entrevue avec un fonctionnaire huit jours après avoir présenté une demande mène à de mauvaises décisions. Comment peut-on s'attendre à recueillir des renseignements exacts quand les questions ne sont pas posées dans un environnement calme qui inspire confiance?
Les demandeurs d'asile ont besoin de bons conseils pour présenter leur demande, et ils ne connaissent pas les lois et les procédures ni quels renseignements il est nécessaire de mentionner ou sont importants pour leur demande. Souvent, ils reçoivent des conseils avant d'arriver au Canada de la part d'individus sans scrupules, et sans les conseils d'un avocat, ils pourraient présenter des renseignements faux ou imprécis.
Dans le cadre de mon travail, qui consiste à aider les gens à préparer leur demande et le récit de leur histoire personnelle, je constate que les demandeurs croient souvent qu'ils ne peuvent pas faire état des événements pour lesquels ils n'ont pas de preuves concrètes. Alors, ils ne mentionnent pas ces renseignements, parce qu'ils ignorent que leur témoignage oral constitue une preuve et que c'est pourquoi leur crédibilité est évaluée lors de l'audience devant la CISR.
Il existe une peur des fonctionnaires. Souvent ce sont des fonctionnaires qui sont les persécuteurs dans le pays d'origine, et le fait de placer ces gens dans un environnement où c'est un fonctionnaire qui mène l'entrevue ne leur donne pas le temps ni un environnement sûr pour présenter leur dossier dans un cadre de confiance. Il n'y a pas suffisamment de temps pour préparer les rapports psychologiques et rassembler l'information précise demandée.
Je crois que Maria Eva est l'exemple d'une personne qui, d'après moi, aurait probablement eu beaucoup de difficulté à être acceptée à titre de réfugiée avec le projet de loi , qui vise la réforme du système actuel de détermination du statut de réfugié; et elle n'aurait probablement pas été acceptée si elle n'avait pas eu le temps nécessaire pour préparer son dossier. Je vais la laisser vous décrire brièvement sa situation.
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Bonjour. Je m'appelle Maria Eva Delgado Bahena. Je viens du Mexique. On m'a offert l'asile au Canada parce que j'étais battue par un conjoint violent qui était non seulement membre du gouvernement, mais également extrêmement corrompu. Je suis allée voir les autorités à de nombreuses reprises, j'ai même demandé l'aide du gouverneur de l'État, mais je n'ai trouvé aucune protection.
Nous sommes très reconnaissants d'avoir eu le temps de bien préparer mon dossier. Il m'aurait été impossible de parler à un fonctionnaire après huit jours pour lui raconter mon histoire. Je lui aurais simplement expliqué une partie de ma situation. Je n'aurais pas été en mesure de parler des détails personnels, ni des activités de mon conjoint en tant que représentant corrompu du gouvernement. J'avais aussi très peur de parler d'autres événements lors de mon audience, même après avoir reçu beaucoup d'aide de la part de psychologues, d'avocats et de travailleurs sociaux. C'était tellement traumatisant que je ne peux pas imaginer être capable de le faire au bout de huit jours.
Lors de mon audience, lorsqu'on a commencé à me poser des questions sur les raisons de mon arrivée au Canada, je ne savais pas comment parler de quelque chose qui était si douloureux pour moi à quelqu'un qui allait me juger. J'avais honte de me souvenir de nombreuses choses.
Il m'a fallu plusieurs mois pour réunir tous les documents et les preuves nécessaires pour faire accepter mon dossier. J'aurais voulu présenter beaucoup de documents, mais leur traduction aurait pris plus de temps que je n'en avais.
Je sais que mon pays est perçu comme un endroit sûr. Mes enfants et moi sommes la preuve que le système, au Mexique, s'est détérioré, parce que mes plaintes répétées afin d'obtenir justice, y compris après m'être adressée au secrétaire du gouvernement et même au gouverneur lui-même, ont été rejetées parce que mon agresseur était une personne politique publique.
Le Mexique n'est pas un endroit sûr. Les autorités en place ne peuvent pas offrir de protection à leurs citoyens. C'est pourquoi on m'a acceptée ici.
Merci.
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Bonjour à vous tous. Je vous remercie de votre présence et de votre témoignage.
Depuis quelques semaines, on a parlé et reçu beaucoup de témoins relativement à la présente étude de ce projet de loi. Il en est ressorti que les délais sont actuellement très longs, comparativement à ce qu'on voudrait établir par le présent projet de loi. Il ne faut jamais oublier non plus que depuis 2006, depuis que les conservateurs sont au pouvoir, plus du tiers des postes des commissaires n'ont pas été comblés. Cela a entraîné beaucoup d'arriérés. On insiste beaucoup sur le fait que des demandeurs présentent des demandes alors qu'ils ne sont pas de vrais demandeurs.
De plus, le gouvernement, en tardant à légiférer relativement à l'encadrement des consultants, a fait que plusieurs demandeurs ont peut-être déposé des demandes mal préparées, parce qu'ils ne disposaient pas de l'information ou des conseils nécessaires pour bien s'orienter lors du dépôt de la demande.
Que pensez-vous du fait que, en huit jours, le fonctionnaire va conseiller les demandeurs lors de la présentation de leur demande? Ne croyez-vous pas aussi que le projet de loi devrait être plus précis, afin de permettre que les demandeurs soient référés plutôt à des avocats? En effet, on sait que dans les premiers jours, les gens arrivent ici et ne connaissent pas notre système. C'est difficile, et le fonctionnaire devrait être une personne neutre. Ce n'est pas nécessairement quelqu'un qui va leur donner l'information utile pour préparer leur demande. Partagez-vous cette opinion?
Je suis entièrement convaincu que les fonctionnaires sont neutres lorsqu'il s'agit de recueillir des renseignements. Le Canada est signataire de la Convention de Genève. Cela signifie que nous avons accepté l'obligation de ne pas refuser de réfugiés au sens de la convention. Le travail du fonctionnaire à cet égard consiste à recueillir de l'information pertinente pour la prise de décision. Selon mon expérience, le fonctionnaire n'a aucun intérêt ni avis personnel à avoir au sujet de l'issue négative ou positive d'une décision par rapport aux renseignements qui doivent être recueillis. Donc, je n'hésite aucunement à dire que les fonctionnaires vont recueillir l'information nécessaire, de sorte que lorsque la demande sera présentée au décideur de premier niveau, toute l'information y sera. Et si le décideur de premier niveau conclut que les renseignements ont été recueillis de façon inappropriée ou reflètent quelque parti pris que ce soit, ce sera tiré au clair très rapidement.
Je dis cela sans hésitation. Pour avoir travaillé avec des arbitres, lorsque j'étais au ministère, etc., je peux vous dire qu'ils étaient vraiment indépendants. Lorsqu'une décision importante devait être rendue et que nous, hauts fonctionnaires, devions nous rencontrer, nous nous demandions ce qui allait arriver, car nous n'en avions pas la moindre idée. Et nous savions également que nous n'avions pas à nous ingérer dans les affaires.
Cela ne me pose aucun problème. Et s'il y a des fonctionnaires qui le font, il faudra prendre les mesures appropriées pour y remédier.
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Mon temps est limité, je vais donc poser mes deux ou trois questions en rafale, et vous pourrez répondre par la suite.
Puisque notre but est d'améliorer le projet de loi, selon vous, quel aspect de ce projet de loi est le plus problématique? Que devrait-on améliorer?
On parle également du danger d'établir des pays source. On a souvent répété que les demandeurs ne pourraient pas faire appel s'ils provenaient d'un pays source. On a également entendu que le ministre ne pourrait pas non plus faire appel si un ressortissant d'un pays source était accepté. Le ministre se prive également de ce droit d'appel. Je voulais vous entendre là-dessus.
Ne croyez-vous pas que le traitement rapide occasionnerait également, le rejet de demandes par les fonctionnaires? En effet, ils seraient aussi désavantagés parce qu'ils n'auraient pas eu l'information nécessaire pour répondre à toutes les questions relatives aux informations qui auraient été données lors de la première rencontre avec les demandeurs.
Finalement, on a parlé d'un principe semblable à celui du directeur général des élections. Ne croyez-vous pas qu'en ce qui a trait aux nominations, on pourrait aller chercher des gens qui ne sont pas nécessairement des fonctionnaires, un peu comme le DGE le fait?
La partie du projet de loi qui est la plus problématique, je pense, ce sont les hypothèses que l'on fait en ce qui concerne les échéanciers, et si ces derniers peuvent vraiment être respectés, car la situation en matière d'immigration et de réfugiés n'est pas statique. Si l'un de ces éléments change, alors les suppositions et les échéanciers changent aussi. À mon avis, il s'agit là de l'élément le plus fragile.
En ce qui concerne la question du pays d'origine sûr, je dis que si nous pouvons démontrer que le statu quo pose problème, alors le nouveau système posera problème. À ma connaissance, cependant, le statu quo ne pose aucun problème. Notre taux d'approbation est plus élevé que celui de n'importe quel autre pays, sans procédure d'appel.
Le processus accéléré, les demandes déboutées parce qu'il manque de l'information... Il est possible de porter la décision en appel devant la Cour fédérale. Si la Cour fédérale conclut que les renseignements ne sont pas suffisants ou qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, quelque chose qui n'a pas été bien fait, d'après mon expérience, cette dernière n'hésite absolument pas à le souligner de façon très directe.
Enfin, en ce qui concerne les nominations, je suis convaincu que ces gens sont entièrement indépendants, d'après mon expérience auprès des arbitres du ministère, pas de la CISR. Mon expérience avec certains membres de la CISR, c'est qu'étant donné que leur nomination arrivait à échéance après une certaine période, ils étaient très inquiets de la façon dont leurs décisions seraient perçues au niveau politique. Donc, je pense que peu importe le système, il peut y avoir des problèmes, mais les fonctionnaires, parce qu'ils ont une garantie à vie, peuvent être vraiment indépendants, et ils le sont.
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Monsieur le président, c'est à mon tour.
Je comprends ce que vous dites, mais c'est ainsi que fonctionne le système actuel. C'est pourquoi vous vouliez le changer. À l'heure actuelle, dans le nouveau système, la CISR engage des préposés aux entrevues. Ces personnes ne procéderont pas à la première collecte de données. Le processus sera impartial. Les préposés seront bien formés, de façon à bien comprendre le travail qu'ils ont à faire. Ils auront connaissance des défis à relever. Ils auront aussi la latitude nécessaire pour remettre à plus tard une entrevue lorsqu'il y a une preuve de traumatisme ou de vulnérabilité.
Dans ce cas, pourquoi ne pas procéder à une réforme qui permettrait, la plupart du temps, de rendre des décisions le plus rapidement possible à l'égard des demandes examinées? C'est exactement ce qui se produit maintenant, et c'est exactement pourquoi nous avons besoin d'une réforme. Un des membres de la CISR est venu nous expliquer comment les préposés aux entrevues seront embauchés, combien ils seront impartiaux et jusqu'à quel point la CISR est disposée à faire appel à des gens qui ne sont pas au gouvernement, et peut-être à demander l'avis d'experts externes. C'est ce que la CISR nous a garanti.
Par ailleurs, en ce qui a trait aux pays désignés comme sûrs et à ce que vient de dire M. Kessel, il faut savoir que certains pays prévoient des exceptions, dans des cas particuliers. Je prends encore l'exemple du Royaume-Uni. Ce pays considérait le Ghana comme un pays d'origine sûr. Cependant, on savait que des Ghanéennes étaient victimes d'une certaine forme de persécution. Le Royaume-Uni a donc permis que les demandes provenant de ces femmes soient traitées de façon particulière. Si nous adoptions une telle mesure, n'accélérerions-nous pas véritablement le processus?
Monsieur Kessel, cette question s'adresse à vous.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins pour leurs exposés. L'examen du projet de loi C-11 nous aura permis d'entendre bien des témoins, et il est toujours bon pour nous, parlementaires, d'en apprendre davantage sur les forces et les lacunes de ce projet de loi. Bien entendu, notre grand objectif consiste à l'améliorer. Nous voulons ainsi mieux servir les réfugiés qui viennent au Canada pour des raisons évidentes.
Nous sommes tous conscients des préoccupations concernant les délais et la désignation des pays d'origine sûrs, et de celles ayant trait aux demandes présentées sur la base de raisons humanitaires. On a longuement discuté de ces questions qui finissent par devenir répétitives. Nous avons entendu de nombreux témoignages et nous connaissons bien la question. Il est maintenant temps de décider quoi faire.
Mais j'aimerais aborder une question plus vaste qui, je crois, est parfois éludée. Avant l'annonce faite par le gouvernement, je me suis adressé personnellement au ministre de l'Immigration concernant le retard dans le traitement des demandes, l'inefficacité du système de détermination du statut de réfugié et tous les problèmes que des gens de partout au pays m'ont signalés à propos des réfugiés et du système. Je me suis alors dit que le statu quo était inacceptable.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Est-ce que le statu quo est acceptable pour vous? Par ailleurs, comme vous le savez, notre pays accuse un déficit assez imposant; il a une dette nationale croissante, mais il investit en même temps environ 540 millions de dollars de fonds nouveaux dans cette réforme. Certains ne souhaitent pas qu'on investisse là-dedans ou qu'on procède à la réforme; devrait-on quand même laisser cet argent sur la table?
J'aimerais connaître la position de chacun sur cette question. Croyez-vous qu'on devrait améliorer le projet de loi? Devrait-on plutôt le rejeter? Il est important que nous connaissions votre point de vue.
Monsieur Van Kessel.
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Je crois qu'on devrait améliorer la situation actuelle. Pour diverses raisons, cette situation est inacceptable. Les demandeurs d'asile ne devraient pas attendre aussi longtemps. Lorsqu'on tarde autant à traiter les dossiers de ceux qui veulent être acceptés comme réfugiés et refaire leur vie au Canada — et je peux comprendre la décision qu'ils ont prise en venant ici —, on donne une mauvaise réputation à un système qui est censé mettre le Canada en valeur. Je crois que c'est très important. Le système actuel doit être amélioré.
Étant donné le nombre de dossiers en attente de traitement, il faudra de l'argent pour corriger la situation. Il n'y a pas d'autre solution. Je me souviens avoir expliqué le problème au Conseil du Trésor. Je lui avais dit que, tôt ou tard, il devrait payer, parce qu'il s'agit simplement d'une question d'argent. Mais une question demeure: comment faire pour améliorer la situation? Je ne pense pas que le statu quo soit acceptable.
Je crois que si l'argent est bien dépensé... Par exemple, si on conjugue des méthodes vraiment efficaces pour arrêter les gens qui utilisent le système de détermination du statut de réfugié pour simplement essayer de se donner une vie meilleure, l'argent sera efficace. De plus, les coûts diminueront en même temps que le nombre de dossiers. Parfois, c'est le coût de départ qui est élevé. Je ne veux toutefois pas créer de faux espoirs à ce sujet, parce que le monde de l'immigration est toujours plein de surprises. Ceci dit, je crois que l'argent doit être dépensé.
Si vous commencez à refuser des gens en grand nombre, on ne tardera pas à se donner le mot: on dira que ce n'est pas la peine de venir ici, que si on veut partir de son pays et refaire sa vie ailleurs, il vaut mieux ne pas aller au Canada.
C'est le genre de choses qu'il faut garder à l'esprit. Le pire — et c'est bien ironique —, c'est que plus vous êtes équitable, plus vous attirez des gens qui veulent simplement vivre une vie meilleure. C'est là qu'il faut prendre des décisions très difficiles.
Je crois donc que le statu quo est inacceptable. À court terme, ce n'est pas une option. Il faut des changements.
En ce qui concerne le fonctionnement du système actuel, je ne le connais pas suffisamment pour vous donner une réponse très éclairante. Mais je crois que dans ce milieu, il faut éviter d'être trop positif, parce que le nombre de gens qui recherchent une vie meilleure dépasse presque toujours la capacité d'un gouvernement à gérer la situation.
Je crois aussi qu'il faut améliorer le projet de loi, car il comporte de nombreux éléments positifs, et je dirais que tout le monde veut la création d'un système plus rapide. Les demandeurs d'asile ne veulent pas attendre des mois, un an, un an et demi ou deux ans avant de recevoir une réponse. Un système plus rapide profiterait à tout le monde.
Mais il faut éviter de mettre en place un système trop rapide, car cela pourrait entraîner des coûts supplémentaires. En effet, faute d'un bon système décisionnel de premier niveau, beaucoup plus de décisions seront renversées en appel ou contestées, et le système n'en sera que plus coûteux. En outre, si on fixe trop tôt les dates d'audience des réfugiés et qu'il faut attendre les documents nécessaires qui n'ont pas été présentés à temps, la CISR perdra son temps.
Dans le système proposé, il faudra que les dates d'audience soient fixées de façon à ce qu'on ait assez de temps pour traduire les documents, recevoir des documents de l'étranger et bien préparer les dossiers. Sinon, les audiences devront inévitablement être remises à plus tard, et le système finira par être plus coûteux. On a déjà mis suffisamment d'argent dans le système pour accélérer...
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Merci, monsieur le président.
Compte tenu du temps qui m'est accordé, j'irai directement à mon exposé.
Monsieur le président Tilson, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, le HCR vous remercie de l'occasion qui lui est donnée de commenter le projet de loi .
La procédure canadienne de détermination du statut de réfugié est l'une des rares que le HCR donne en exemple aux autres pays. La nécessité de mettre à la disposition des demandeurs d'asile une procédure juste et efficace de détermination du statut de réfugié découle du droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile dans un autre pays, garanti par l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et des responsabilités qui découlent de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951 et du Protocole de 1967 qui s'y rattache, ainsi que de divers instruments internationaux et régionaux de défense des droits de la personne et de certaines des conclusions du comité exécutif.
Comme l'ont souligné l'Assemblée générale des Nations Unies et le comité exécutif du HCR, où le Canada joue un rôle important, l'accès physique des demandeurs d'asile au territoire du pays d'accueil et l'accès aux démarches par lesquelles la validité de leur demande sera déterminée sont des conditions essentielles de la protection internationale accordée aux réfugiés.
J'aimerais passer brièvement en revue les divers changements proposés à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
En ce qui concerne les délais, le projet de loi prévoit de les raccourcir, notamment pour le renvoi d'une demande d'asile et la conduite d'une entrevue avec un représentant de la CISR. Bien que ce ne soit pas précisé dans le texte du projet de loi, nous croyons savoir que la nouvelle formule doit prévoir une période de collecte de données de huit jours qui remplacera l'actuel Formulaire de renseignements personnels, la fixation d'une date d'audience et une détermination du statut de réfugié en première instance, devant un fonctionnaire, dans un délai de 60 jours.
Le HCR préconise une procédure de détermination de statut juste et efficace, ce qui comprend le traitement rapide des demandes d'asile. Mais la rapidité du traitement ne doit pas compromettre l'équité. Il importe qu'un rapport détaillé soit rédigé après chacune des entrevues personnelles, donnant l'essentiel des renseignements fournis par le demandeur d'asile pour justifier sa demande. Selon les pratiques les plus recommandables, le demandeur d'asile devrait avoir accès au compte rendu de son entrevue et pouvoir en approuver le contenu. Il faudrait donner aux demandeurs d'asile des garanties procédurales et notamment respecter leurs droits d'être renseignés sur la procédure à laquelle ils seront soumis et d'avoir accès aux services d'un interprète. Les délais ne devraient pas jouer de manière négative sur le droit des demandeurs de s'adresser à un conseiller juridique ou de recueillir et de réviser l'information avant la tenue de l'audience. Des délais trop courts et des échéances trop serrées risquent en effet de jouer contre l'équité. Dans un cadre exemplaire, les raisons factuelles et juridiques pour lesquelles une demande de statut de réfugié est refusée seront communiquées aux demandeurs. Cette information devrait être donnée aux demandeurs assez tôt pour qu'ils puissent songer à l'éventualité d'un appel, et avoir le temps de préparer un dossier et de présenter une demande d'appel.
Le HCR estime important que les décisions soient bien étayées afin que les demandeurs de statut puissent avoir des motifs valables d'en appeler d'une décision négative.
En ce qui concerne le recours à des personnes nommées par le gouverneur en conseil dans les décisions de première instance, la détermination du statut de réfugié par des décideurs indépendants est un aspect fondamental d'un système juste et équitable. La détermination du statut de réfugié devrait être faite par un personnel spécialisé qui connaît les questions relatives aux réfugiés et à l'asile, qui sait recourir à des interprètes et qui maîtrise les techniques d'entrevues interculturelles. Dans la mesure du possible, cet exercice devrait relever d'une seule autorité centrale. L'autorité centrale devrait aussi comprendre des décideurs formés au traitement des demandes de personnes ayant des besoins particuliers, notamment les femmes, les enfants, les victimes de violence sexuelle, de torture ou d'autres sévices, ou les personnes ayant des déficiences physiques ou intellectuelles, c'est-à-dire des personnes pouvant avoir de la difficulté à formuler leur demande d'asile.
Par ailleurs, le HCR voit d'un très bon oeil la création d'une section d'appel des réfugiés. Dans la plupart des pays qui ont une procédure individualisée de détermination du statut de réfugié, les demandeurs ont le droit d'interjeter appel devant un tribunal indépendant et impartial. Ainsi respecte-t-on leur droit à un recours judiciaire. La section d'appel devrait être habilitée à étudier des questions de fait autant que de droit.
Le HCR recommande que la section d'appel des réfugiés soit mise à la disposition de tous les demandeurs, y compris ceux qui viennent d'un pays « désigné » ou « sûr ». Une telle pratique ferait encore davantage du Canada un modèle à suivre. Au coeur de la Convention sur les réfugiés se trouve le principe de non-refoulement, en vertu duquel une personne qui a besoin de protection ne peut être retournée dans un endroit où ses droits humains risquent d'être bafoués, où elle risque la persécution ou même la mort. La raison d'être du mécanisme d'appel est de faire en sorte que les erreurs de fait ou de droit commises en première instance puissent être corrigées.
En ce qui concerne la liste de pays désignés ou liste de « pays d'origine sûrs », le HCR ne s'oppose pas à sa création, tant que cette liste reste un outil procédural permettant de prioriser les demandes et d'en accélérer le traitement dans certaines situations bien précises, et qu'on ne s'en sert pas comme critère d'élimination absolu.
Le principe du pays d'origine sûr présuppose que certains pays peuvent être désignés sûrs car il est raisonnablement certain que leurs ressortissants ne subissent ni persécution, ni torture, ni traitement inhumain ou dégradant, et ne sont pas menacés par la violence généralisée que suscite une guerre internationale ou civile.
Dans de telles circonstances, il est essentiel que chaque demande donne lieu à une entrevue personnelle et soit étudiée attentivement et individuellement sur le fond, dans le respect des garanties procédurales; que chaque demandeur ait le temps nécessaire pour réfuter la présomption de sécurité de son pays d'origine dans son cas particulier; que le fardeau de la preuve qui pèse sur le demandeur ne soit pas plus lourd et qu'il ait droit à des recours efficaces en cas de décision négative.
Si l'on veut recourir à la notion de pays d'origine sûr, il faut fixer des balises claires et objectives pour l'évaluation de la sécurité générale et prévoir certains mécanismes, notamment pour examiner les changements, rapides ou progressifs, qui se produisent dans les pays visés.
Les enfants non accompagnés ou séparés de leurs parents ont besoin de garanties procédurales particulières, notamment de l'application du principe du « meilleur intérêt de l'enfant », conformément à la Convention des droits de l'enfant de 1989.
Il se peut qu'en dépit de conditions générales de sécurité, un pays reste un lieu dangereux pour certains groupes ou soit propice à certaines formes de persécution. Dans ce cas, le HCR estime que la loi devrait prévoir un meilleur accès aux mécanismes d'évaluation pour les personnes qui présentent un profil de risque plus élevé.
Un pays ne peut être désigné sûr s'il ne l'est que sur une partie de son territoire géographique. Le HCR insiste sur le fait que la désignation d'une partie du pays comme zone sûre ne veut pas nécessairement dire que le demandeur pourra y trouver un refuge.
En ce qui concerne le renvoi et l'interdiction d'accéder à l'ERAR ou d'invoquer des motifs humanitaires pendant un an après que la CISR ait rendu une décision négative, le HCR estime qu'il faudrait permettre aux demandeurs d'asile d'obtenir une décision de première instance, suivie d'un mécanisme d'appel dans le cas où la décision est négative. Une pratique exemplaire serait de prévoir un mécanisme qui comblerait toute lacune dans le processus dans les cas où, à la suite d'une décision de la CISR, les personnes qui ont besoin du statut de réfugié et qui méritent ce statut pourraient obtenir la protection nécessaire, même si elles ont fait l'objet d'une décision négative.
Le HCR reconnaît également que des politiques et des pratiques de renvoi efficaces sont essentielles au maintien de l'intégrité de la procédure de détermination du statut de réfugié et du lieu d'asile, et que les États doivent pouvoir renvoyer les personnes dont il a été déterminé qu'elles n'ont pas besoin de protection, après qu'elles aient pu bénéficier d'une procédure complète et équitable.
Enfin, le HCR soutient le projet de programme d'aide au retour volontaire. Nous estimons qu'il est nécessaire d'offrir des services-conseils sensibles tout au long du processus de détermination du statut de réfugié, y compris à ceux qui sont assujettis à la procédure de renvoi.
Monsieur le président Tilson, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, je vous remercie.
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Merci, monsieur, de cette question.
Nous avons eu et continuons d'avoir des discussions avec le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, avec qui nous parlons très ouvertement des problèmes et des enjeux que nous observons aujourd'hui. Il n'y a aucun doute que le Canada fait face à des défis énormes en ce qui concerne son système de détermination du statut de réfugié. Nous sommes d'avis qu'il faut changer certaines choses.
En ce qui concerne le HCR, nous sommes ici pour soutenir et conseiller le gouvernement du Canada dans le cadre d'un rôle de supervision pour nous assurer que les réfugiés sont protégés. De toute évidence, nous sommes favorables à toute tentative qui vise à apporter des changements ou des améliorations aux aspects qui l'exigent. Nous sommes persuadés qu'il y a lieu d'améliorer le système. À cet égard, nous sommes prêts à offrir tout le soutien possible, quelles que soient les contraintes.
En définitive, il ne faut pas oublier qu'il s'agit de vies humaines et de personnes qui fuient la persécution. Nous comprenons bien également que certaines personnes peuvent profiter du système.
Le HCR préconise depuis toujours l'établissement d'une procédure solide dès l'entrée dans le système, de même qu'une procédure solide à la sortie du système, c'est-à-dire le renvoi. Je ne crois pas que ces deux éléments — une procédure énergique au début et le renvoi, au final, des gens qui n'ont pas besoin de protection — nécessitent des changements. Le projet de loi prévoit certaines mesures en ce sens, et nous espérons qu'elles pourront aller de l'avant.
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Monsieur le président, j'ai dit un peu plus tôt qu'une liste des pays sûrs ne devrait pas servir de critère d'élimination absolu pour rejeter les demandes. Elle devrait être utilisée pour accélérer, peut-être, le traitement d'une demande en première instance, parce que la personne est réputée venir d'un pays libre ou démocratique où il n'y a pas nécessairement de raisons particulières de présenter une demande pertinente puisque le pays est sûr.
À mon avis, voilà pourquoi il faut se pencher sur les particularités de chacun des cas. J'ai fourni trois scénarios. C'est comme une liste de vérification que vous utilisez pour effectuer une entrevue. Vous devez en apprendre sur tous les aspects liés à la situation de la personne en question et en tenir compte. Je ne parle pas du pays. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a de nombreux pays démocratiques dans le monde. Je me souviens que, lorsque le Haut Commissaire est venu à Ottawa, récemment, on l'a interrogé à ce sujet. Il a donné une raison très simple à cet égard. Il a cité un exemple très simple.
Il a proposé de prendre le cas du Mali à titre d'exemple. Le Mali est un pays démocratique, mais on y pratique la mutilation génitale sur les femmes assez fréquemment. Alors, si vous êtes saisi d'une demande d'une femme qui vient du Mali, vous n'allez pas pouvoir dire facilement: « Écoutez, vous venez du Mali, vous ne devriez pas avoir de raisons de prétendre que vous êtes persécutée, alors je suis désolé; c'est tout ».
Voilà pourquoi j'ai évoqué les aspects délicats de ces dossiers, c'est-à-dire lorsqu'une personne peut avoir une raison d'invoquer la persécution, à juste titre selon elle, et craindrait d'être renvoyée dans son pays.
Par ailleurs, être renvoyé d'un pays sûr n'est pas très facile non plus. La personne se retrouve dans son pays, et si la décision était erronée dès le départ, elle pourra se retrouver dans une situation beaucoup plus difficile et être ce qu'on appelle un réfugié sur place.
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Je vous rassure, monsieur Shelow, j'étais parfaitement conscient en posant la question que je vous faisais répéter ce que vous aviez déjà dit. J'en étais conscient, mais je voulais que ce soit bien clair. Évidemment, on ne lancera de pierres à personne. Tous les gens autour de la table essaient de dire que..., et le Haut Commissaire des Nations-Unies est d'accord avec nous, chacun en fait une interprétation fort différente. Alors, je voulais m'assurer de votre position.
On a parlé plus tôt de la question de l'examen des risques avant renvoi, une procédure ultime qui a lieu au cours de la dernière étape, immédiatement avant le renvoi. Conformément à cette nouvelle loi, si elle est adoptée telle quelle, les demandeurs d'asile déboutés ne pourront plus l'utiliser.
Or vous avez fort bien souligné dans votre présentation qu'entre le moment où est prise la décision finale, à savoir que la personne n'est pas véritablement un demandeur d'asile, et avant l'expulsion, il peut survenir des événements qui changent la donne.
Donc, quels peuvent être le genre et la nature de ces événements qui pourraient changer la décision? Et est-ce que vous seriez favorables à un mécanisme qui permettrait, sur demande — non pas automatiquement comme l'appel —, avec l'autorisation de la commission, de rouvrir un dossier si, manifestement, il apparaissait évident que la situation avait changé?
Égale Canada est l'organisation canadienne de défense des droits des GLBT qui vise à promouvoir l'égalité, la diversité, la sensibilisation et la justice. Le besoin de protection des GLBT — les gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres — est important et croissant étant donné le nombre de pays qui criminalisent encore l'homosexualité et où les GLBT sont persécutés, et étant donné les rares pays qui acceptent des demandes fondées sur l'orientation sexuelle. Le Canada est le seul pays à offrir sa protection à des gens d'un peu partout dans le monde en raison de leur orientation sexuelle. C'est l'un des premiers pays à avoir accepté les demandes de GLBT en raison de leur appartenance à un groupe social particulier.
Ce projet de loi soulève chez nous de nombreuses préoccupations. Nous considérons que les délais de traitement sont irréalistes pour les demandeurs GLBT. L'échéancier proposé aura d'importantes répercussions néfastes sur la capacité des demandeurs GLBT à établir le fondement de leurs demandes. Ceux-ci ont généralement besoin de plus de temps pour établir leurs demandes fondées sur leur orientation sexuelle. Ils sont gênés et ont honte de décrire les problèmes associés à leur orientation sexuelle, et ont besoin de plus de temps pour prouver celle-ci.
La grande majorité des demandeurs GLBT n'apprennent qu'ils peuvent présenter une demande fondée sur leur orientation sexuelle que bien longtemps après leur arrivée au Canada. L'orientation sexuelle n'est pas indiquée comme motif d'octroi du statut de réfugié dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ni dans la réglementation, ni sur le site Web de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La Convention relative au statut des réfugiés ne fait pas mention de l'orientation sexuelle comme motif pour présenter une demande.
L'affirmation de son identité a également une incidence considérable sur la possibilité pour les GLBT de solliciter des conseils juridiques. Cela peut prendre des années avant qu'une personne se sente suffisamment à l'aise pour faire connaître son orientation sexuelle et discuter avec un avocat ou un conseiller afin d'obtenir de l'aide. Le délai de huit jours pour rencontrer un fonctionnaire et lui expliquer les motifs justifiant la demande est, à notre avis, irréaliste. Il empêchera de nombreux demandeurs GLBT d'afficher ouvertement leur orientation sexuelle et de parler de tous les problèmes dont ils ont souffert. Ils sont nombreux à venir de pays répressifs et homophobes. Ils seront donc réticents à discuter avec une personne en position d'autorité de leur orientation sexuelle et des problèmes connexes, surtout s'il s'agit d'un fonctionnaire. Nous recommandons l'élimination du délai de huit jours.
L'audience qui se tient après 60 jours posera également problème considérablement aux demandeurs GLBT qui doivent établir leur orientation sexuelle. Il n'existe pas de preuve documentaire de celle-ci, comme dans le cas de la religion ou de l'appartenance politique. Les demandeurs GLBT doivent en général établir leur orientation sexuelle par leur niveau de participation à la communauté GLBT canadienne. L'audience dans les 60 jours posera problème à ces demandeurs, qui auront de la difficulté à établir qu'ils courent effectivement des risques. La persécution fondée sur l'orientation sexuelle est une forme de persécution cachée et sous-estimée. Les grands rapports sur les droits de la personne font rarement état des violations des droits de la personne fondées sur l'orientation sexuelle; par conséquent, il faut beaucoup plus de 60 jours aux demandeurs et aux conseillers pour établir les risques de persécution auxquels devrait faire face un membre de la communauté GLBT dans son pays d'origine. Nous recommandons donc l'élimination du délai de 60 jours.
Il est fort probable que, parmi les pays d'origine désignés, figurent certains États dans lesquels les demandeurs GLBT ont raison de nourrir des craintes. De nombreux pays qui semblent être des démocraties pacifiques et stables posent en fait un risque pour les demandeurs GLBT. Citons par exemple la Jamaïque et de nombreux autres îles des Caraïbes, ainsi que la Hongrie et des pays démocratiques d'Afrique. Il s'agit d'exemples de pays qui semblent sûrs, mais qui posent en fait de réels dangers pour les GLBT. Singapour est une démocratie pacifique, mais qui criminalise l'homosexualité. Étant donné qu'on fait peu rapport des cas d'abus fondés sur l'orientation sexuelle, il n'existe aucun mécanisme permettant à la communauté GLBT d'influencer le choix des pays d'origine désignés pour lesquels il n'y aurait pas de droit d'appel. Nous recommandons donc l'élimination de toutes les dispositions concernant la liste des pays désignés.
Permettez-moi maintenant d'aborder les contraintes appliquées aux demandes d'ordre humanitaire. Souvent, on considérera que les demandeurs GLBT sont à risque de discrimination ou de préjudice, mais pas de persécution. Il est alors essentiel qu'ils aient l'occasion de prouver qu'ils se retrouveront du moins dans une situation extrêmement précaire, et que le risque justifie qu'ils restent au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire.
Bien que nous saluons l'établissement de la Section d'appel des réfugiés, nous considérons qu'il n'est pas réaliste de tenir compte seulement des nouveaux éléments de preuve dans le cadre d'un appel. Il faut étudier tous les éléments probants, surtout étant donné que le ministre peut avoir recours à n'importe quel élément de preuve. Nous recommandons que tous les éléments probants soient pris en considération à ce stade.
Merci. Je suis prête à répondre à vos questions, si vous en avez. Merci de m'avoir donné l'occasion d'être ici.
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Je ne sais pas exactement à quel moment on a perdu le signal, mais je disais que si j'avais à choisir entre le projet de loi , la mesure dont nous sommes actuellement saisis, et le statu quo, je choisirais le statu quo, étant donné les restrictions à l'égard des droits des réfugiés qui figurent dans cette mesure législative.
Dans les sept minutes qui me sont allouées, je mettrai l'accent sur les quatre problèmes les plus graves de ce projet de loi.
Mon premier point porte sur l'entrevue dans les huit jours. Beaucoup ont dit qu'il s'agissait d'un délai ridiculement court, et je suis d'accord, mais peu ont parlé de l'abolition du FRP.
En vertu de cette nouvelle mesure législative, le FRP, le Formulaire de renseignements personnels, qui est le document clé de notre système de réfugiés depuis 21 ans, sera aboli pour les fins de l'entrevue. Je suis d'avis que, si tout va bien, vaut mieux ne rien changer. Remplir le formulaire et son exposé circonstancié de manière calme et civilisée dans un bureau d'avocat est la meilleure façon pour le demandeur de se préparer à comparaître devant la commission.
On remplacera ce formulaire par une entrevue semblable à celle qui se tient au point d'entrée, alors que nous avons tous vu que celles-ci peuvent prendre une tournure catastrophique parce que les demandeurs n'étaient pas bien en mesure de raconter leur histoire. Cela ne donnera qu'une entrevue embrouillée, confuse, une histoire sans queue ni tête.
Si on veut interviewer la personne en moins de huit jours pour s'assurer que celle-ci n'aura pas encore été contaminée par un conseiller frauduleux de sa communauté qui lui aura bourré le crâne avec des histoires inventées, eh bien, cela ne servira à rien, parce que quiconque veut commettre une fraude ne fera que trouver un conseiller frauduleux plus tôt, en moins de huit jours. Je propose donc qu'on laisse le formulaire tel quel et qu'on abolisse l'entrevue dans les huit jours.
Mon deuxième point concerne la première décision, qui sera prise par un fonctionnaire. Je pense qu'il s'agit là d'une mauvaise idée. L'objectif, c'est de prendre la meilleure décision possible dès le début.
À l'égard des personnes nommées par le gouverneur en conseil, bien que je n'aime pas la politisation du processus, cela permet néanmoins de faire en sorte que les membres de la commission soient forts d'une expérience variée, puisqu'ils ont siégé à d'autres commissions et tribunaux par le passé. Que fera-t-on? On diminuera la qualité de la prise de décision en limitant ces postes à des fonctionnaires. Selon moi, c'est une erreur.
Mon troisième point a trait à la liste des pays désignés. Je vais ici proposer un compromis entre la position du gouvernement et celle de la plupart des groupes de défense des réfugiés qui s'opposent à cette liste, moi y compris.
Voici donc mon compromis. Si vous provenez d'un pays désigné et que vous racontez à la commission une histoire vraie et que vous n'avez tout de même pas gain de cause, non pas parce que votre histoire n'était pas crédible, mais parce que les circonstances ont changé, que ce soit à l'égard de la protection faite par l'État ou des possibilités de refuge intérieur... Mais si votre crédibilité n'a pas été remise en question et que vous provenez d'un pays qui figure sur cette liste, vous devriez tout de même avoir le droit d'accéder à la SAR. Vous y avez autant droit que quelqu'un qui provient d'un pays qui ne figure pas sur la liste, mais dont la crédibilité a été complètement anéantie à l'audience de première instance.
La République tchèque est un parfait exemple, parce que ce sera le premier pays à figurer sur la liste. Je m'occupe de nombreux cas de Roms tchèques. On ne met presque jamais en doute leur crédibilité. Ils n'ont pas gain de cause parce que la commission semble penser qu'au cours des deux dernières années, des changements miraculeux se sont produits au sein du gouvernement de la République tchèque qui font de ce pays un territoire sûr pour les demandeurs roms.
Voilà donc le compromis que je vous propose. On éliminerait le droit d'appel uniquement pour les gens qui viennent d'un pays désigné mais dont l'histoire de persécution n'a pas été considérée crédible.
Mon quatrième et dernier point, monsieur le président, c'est qu'il faut s'assurer que personne ne passe à travers les mailles du filet. Je fais référence ici au fait qu'on ne pourra pas présenter de demandes pour des motifs d'ordre humanitaire ni bénéficier d'un examen des risques avant renvoi dans l'année suivant la prise d'une décision d'appel négative. Deux problèmes se posent.
D'abord, pendant cette période d'un an, si de nouveaux faits font surface qui jettent une lumière différente sur la demande et démontrent une réelle peur fondée de persécution, que peut-on faire pour cette personne afin qu'elle ne tombe pas entre les mailles du filet? Je ne pense pas que nos tribunaux toléreraient que cette personne soit expulsée. Je crois que c'est à l'encontre de notre Charte des droits et libertés. Je proposerais que, dans de tels cas, la Commission du statut de réfugié puisse formuler une motion pour rouvrir le dossier de demande. Cela avait été proposée avant l'adoption de la LIPR, mais au bout du compte, cette mesure n'avait pas été retenue.
Deuxième chose — et il s'agit de mon dernier argument, monsieur le président —, la question de tomber dans les mailles du filet. Ce ne sont pas tous les cas de persécution qui sont prévus aux articles 96 ou 97, pour les décisions relatives au statut de réfugié au sens de la convention ou celles statuant sur le risque de traitements ou peines cruels et inusités à l'article 97. Je parle en particulier des motifs faisant état d'extorsion par des groupes criminels. Il s'agit du genre de cas, et ils sont nombreux, où les motifs sont légitimes — ces demandeurs craignent pour leur vie —, mais il n'y a aucun lien avec la définition. Ils ne peuvent pas alors invoquer l'article 96. Les tribunaux ont statué que ces motifs sont fondés sur une crainte de violence généralisée. Elles ne peuvent donc pas relever de l'article 97. Et en vertu du projet de loi C-11, ce genre de demande tomberait directement entre les mailles du filet. Ces demandeurs ne pourraient obtenir gain de cause à l'audience et n'auraient pas droit de faire une demande pour des motifs humanitaires ou de compassion. Nous devons donc veiller à ce qu'ils puissent présenter une demande pour des motifs humanitaires et de compassion fondés sur le risque, immédiatement.
Je vous remercie.
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Je représente l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, qui compte quelque 150 membres au Québec. Je pratique le droit de l'immigration depuis 1988, et j'ai siégé pendant cinq ans à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, mais les opinions que je présente aujourd'hui sont celles des avocats spécialisés en droit de l'immigration au Québec.
En gros, notre association estime que le système canadien de détermination du statut de réfugié n'a pas besoin du projet de loi . Cette soi-disant réforme équilibrée est chère, controversée et mal ciblée. Établi par les amendements de 1989 à la Loi sur l'immigration de 1976 et axé sur une audience de haute qualité devant un tribunal quasi judiciaire indépendant, le système actuel est considéré comme le meilleur dans le monde. Les gros problèmes qui ont émergé au fil des années depuis 1989 avaient découlé de certaines décisions douteuses attribuables peut-être à des nominations partisanes ou à un système de nomination partisan, au manque de mécanismes efficaces de correction des erreurs et, dernièrement, à des temps de traitement lents à la CISR. Le projet de loi C-11 fait peu, voire rien, pour remédier à ces problèmes.
La LIPR, notre loi actuelle adoptée par les libéraux, visait à régler le problème des mécanismes de correction des erreurs en mettant sur pied la SAR. Malheureusement, cette disposition n'est pas entrée en vigueur; mais elle peut entrer en vigueur à n'importe quel moment, avec ou sans le projet de loi C-11. La SAR est déjà prévue dans notre loi. Les temps de traitement lents à la CISR découlent du fait que le gouvernement actuel n'a pas comblé les postes vacants à la CISR. Ce problème, à ce qu'on me dit, est maintenant résolu, et l'effectif de la CISR est complet. La question des nominations partisanes n'a toujours pas été résolue.
Au lieu de régler les vrais problèmes, le projet de loi C-11 semble surtout en viser un qui n'existe pas vraiment, soit la marée de faux demandeurs de statut de réfugié qui engorge le système. Ce n'est pas une vraie prémisse, et une fausse prémisse ne devrait pas servir de fondement à une réforme.
Les amendements de 1989 à la Loi sur l'immigration ont en effet mis fin à la marée de demandes non fondées présentées avant 1989. Aujourd'hui, les demandeurs mexicains et roms de l'Europe centrale ont été désignés coupables publiquement par le ministre, mais ces demandeurs ne sont pas de faux demandeurs. Même la Cour fédérale est d'accord.
Il y a d'autres problèmes relativement à ce projet de loi outre sa fausse prémisse. Les voici:
La réforme semble être axée sur les délais ultrarapides. Comme presque tous les témoins l'ont dit, ces délais sont injustes envers les réfugiés, et n'ont jamais fonctionné par le passé. La restriction à l'article 4 du projet de loi sur le motif d'ordre humanitaire est injuste et pourrait aller à l'encontre des normes internationales. Il doit y avoir une façon pour les demandeurs du statut de réfugié de présenter un motif d'ordre humanitaire avant la période de 12 mois, si quelque chose devait arriver dans leur pays d'origine, s'ils ont des problèmes médicaux ou s'ils ont de la difficulté à faire valoir les meilleurs intérêts de leurs enfants qui pourraient être des citoyens canadiens. L'association propose de confier les questions d'ordre humanitaire à la SPR ou à la SAR, ou simplement de permettre une demande d'exemption à la limite des 12 mois dans certains cas.
L'entrevue prévue au paragraphe 11(2) du projet de loi entraînera des retards et des préjudices pour les demandeurs de statut de réfugié, même si elle n'a pas lieu dans les huit jours, même si elle a lieu plus tard. Ce n'est pas une bonne idée. Sur le plan de l'efficacité, ce processus pourrait entraîner des retards parce que les avocats doivent être présents, de même qu'un interprète. De plus, de prendre et d'enregistrer une déclaration au préalable ferait en sorte que celle-ci sera régulièrement utilisée à l'audience pour jeter des doutes sur les demandeurs, comme cela a été fait par le passé, pas dans tous les cas, mais fréquemment pour ce qui est des déclarations au point d'entrée. Les déclarations initiales faites par les victimes d'expériences traumatisantes peuvent être incomplètes et confuses. Notre association propose d'éliminer le concept d'entrevue officielle et de s'en tenir au Formulaire de renseignements personnels.
Les dispositions de l'article 12 du projet de loi sur la désignation de pays d’origine, qui limitent l'accès à la SAR, présentent toute une gamme de problèmes. La désignation sera soi-disant fondée sur la sécurité, mais ce n'est précisé nulle part, et aucun critère n'est stipulé.
Le fait que des catégories de ressortissants de certains pays puissent aussi être désignées — par exemple, les homosexuels du Nigeria, les juifs de Russie — est clairement discriminatoire. On ne désigne pas simplement un pays. On peut désigner des catégories de ressortissants d'un pays donné et leur refuser un appel. Cette nouvelle approche du Canada — elle existe peut-être en Europe, mais est nouvelle ici — serait en réaction à une crise émanant de fausses demandes de Mexicains et de Roms d'Europe centrale. Toutefois, puisqu'il n'y a pas de crise, cette disposition n'est pas nécessaire. S'il devait y avoir crise, les mesures actuelles tendant à décourager les demandes manifestement non fondées ou d'autres mesures administratives devraient suffire. Je fais allusion aux dispositions sur la preuve au paragraphe 107(2) de la LIPR et du paragraphe 231(2) du règlement. Aussi, des groupes de demandes ont été accélérées de façon administrative par le passé à la CISR. On peut prendre la décision administrative d'accélérer le traitement de certains groupes de demandeurs.
La disposition ne fonctionnerait pas, car il est peu probable d'en venir à une entente sur les pays désignés. Cette partie devrait être supprimée du projet de loi.
L'article 13 du projet de loi confère des pouvoirs à la SAR. De plus, la présentation de nouvelles preuves serait autorisée. Ainsi, la SAR constituerait une amélioration, surtout si un système de nomination entièrement fondé sur le mérite était mis en place.
J'ai une question pour M. Berger.
Vous avez parlé de cette proposition de permettre l'appel aux personnes originaires d'un pays sur la liste des pays désignés, si la crédibilité et la véracité de leur histoire n'est contestée. De façon générale, n'importe qui, dans n'importe quel système juridique n'aime pas trop voir ses décisions contestées, et c'est la raison pour laquelle on prévoit des mécanismes d'appel. Cela fait en sorte que les juges et les commissaires s'efforcent pour rendre la bonne décision dès le premier coup pour ne pas qu'il y ait un appel.
Toutefois, en vertu du dispositif que vous prévoyez, on se retrouverait dans la situation où, face à un fonctionnaire qui dirait tout simplement, sans motif, ne pas croire en la version de la personne, cette personne perdrait de facto son droit d'appel et, par conséquent, la possibilité de demander une révision de la décision du fonctionnaire.
N'est-ce pas une porte un peu trop facile à ouvrir? Ne risque-t-on pas de se retrouver avec des fonctionnaires qui, voulant rejeter les cas, diraient simplement qu'ils ne croient pas le demandeur? Et puis, les choses en resteraient là et il n'y aurait plus d'appel?
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Même dans un même pays d'origine, des groupes de citoyens seront exemptés. Il n'y a pas eu de décision encore à cet égard. On procédera pays par pays. Je tenais à vous le signaler.
En ce qui concerne les huit jours, malheureusement, des témoins ont donné quantité de renseignements erronés. Selon moi, il s'agit d'une entrevue qui sera faite dans les huit jours par un agent de l'immigration avec l'aide d'un membre de la CISR.
Quant à la période de 60 jours, elle fait l'objet d'une modification appréciable, car la prise de décisions par les gens nommés par décret sera progressivement abandonnée et sera confiée à des employés assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Le président de la CISR est venu témoigner, et il lui appartiendra de déterminer ceux à qui cette tâche sera confiée. Il a affirmé que le processus serait minutieux et exhaustif, ajoutant qu'on ne ferait pas appel uniquement à des fonctionnaires. Nous souhaitons que tout le monde le sache.
Le Mexique maintenant: il faut savoir que les Mexicains ne figurent pas sur la liste des demandeurs frauduleux. L'année dernière, 89 p. 100 des demandes de la part de Mexicains ont été déboutées et nous avons dû imposer de nouveau l'obtention d'un visa en ce qui les concerne. Quatre-vingt-douze mil ressortissants mexicains faisaient une demande de statut de réfugié avant l'imposition du visa. Par la suite, ils n'étaient plus qu'une poignée. Voilà qui explique sans doute pourquoi on parle de demandeurs frauduleux dans le cas du Mexique.
À propos des entrevues, je comprends qu'on s'inquiète de gens qui peuvent être traumatisés ou vulnérables. Toutefois, les agents de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié peuvent reporter les entrevues à une date ultérieure au besoin. Le régime proposé tient compte de cela également.
Je suis vraiment déçu qu'on préconise le maintien du statu quo quand on sait que des demandeurs légitime doivent attendre 18 mois et que des gens qui sont ici depuis 10 ans attendent encore une décision. Je ne comprends pas pourquoi on estime que le régime actuel est efficace.
Je voudrais partager mon temps de parole avec M. Calandra.
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Je voudrais commencer par rassurer mes collègues conservateurs. Mme Zambelli et moi, nous nous entendons quant au fait que la question des pays désignés ne doit pas se retrouver dans la loi. Mme Zambelli n'a jamais été une de mes anciennes employées. Je voulais vous rassurer à ce sujet.
Des voix: Ah, ah!
M. Thierry St-Cyr: Passons aux choses plus sérieuses. Puisque vous êtes avocats, je voulais vous questionner au sujet des dispositions qui concernent le droit des gens d'être représentés par un avocat, et ce, à toutes les étapes, incluant lors de l'entrevue prévue par la loi.
Cela ne me semble pas clair, pour ma part. L'article 8 porte sur le droit du ministre de décider de ceux qui peuvent et de ceux qui ne peuvent pas être présents, notamment devant les fonctionnaires. Plus loin, soit à l'article 23, on rappelle que quelqu'un peut être représenté devant la commission. Par contre, on ne sait pas si cela inclut l'entrevue. On ne précise pas non plus si la personne serait représentée par un conseiller juridique ou un autre conseiller.
Premièrement, faites-vous la même lecture que moi, soit que rien dans la loi ne garantit ce droit d'être accompagné d'un avocat à cette étape? Deuxièmement, si mon interprétation est exacte, trouvez-vous que c'est inapproprié? Troisièmement, pensez-vous que le comité devrait l'inclure spécifiquement dans la loi?