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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 020 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 27 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1820)

[Traduction]

    Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration tient aujourd'hui, le jeudi 27 mai 2010, de 18 à 21 heures, sa 20e réunion. Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 29 avril 2010, nous examinons le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales.
    Nous recevons aujourd'hui les représentants de la CanPak Chamber of Commerce: le président, Shahid Hashmi, et le directeur administratif, Sohabe Hashmi. Bonsoir messieurs.
    Merci de comparaître devant le comité depuis Toronto. Vous aurez droit à un maximum de 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Après quoi, les membres du comité vont vous poser des questions. Vous pouvez commencer. Encore une fois, merci.
    Merci de nous avoir invités. C'est avec plaisir que je comparais devant le comité au nom de la CanPak Chamber of Commerce. Je m'appelle Shahid Hashmi, et je suis le président de la CanPak Chamber of Commerce. Je suis accompagné, ce soir, du directeur administratif, Sohabe Hashmi. Je tiens, d'entrée de jeu, à remercier les membres du comité pour les efforts qu'ils déploient en vue d'améliorer la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    Mon travail au sein de la collectivité m'a permis de rencontrer de nombreux réfugiés et immigrants dont le cas me laisse perplexe, car je me demande comment le système peut les traiter d'une telle façon. D'où la première question: pourquoi met-on tellement de temps à prendre une décision? Les longs délais coûtent très cher aux contribuables.
    D'après le rapport de la vérificatrice générale, l'assistance sociale consentie aux revendicateurs coûte 100 millions de dollars par année au gouvernement fédéral, et 100 millions de dollars par année aux provinces. Je présume que le montant est encore plus élevé maintenant en raison de l'arriéré qui s'accumule.
     La réponse à cette question est habituellement la suivante: le système n'arrive pas à traiter les revendications en raison du volume de dossiers en arriéré. Or, cet arriéré coûte aux contribuables canadiens plus d'argent que ce que coûterait l'embauche d'employés qualifiés pour l'éliminer. Une telle mesure permettrait de créer des emplois pour les Canadiens au chômage. En tout cas, ce serait mieux que d'accorder inutilement une aide à des gens qui ne constituent peut-être pas un atout pour le Canada ou qui profitent du système.
    Par ailleurs, je me demande pourquoi les décisions varient tellement. Elles semblent être prises de manière imprévisible et dépourvues d'objectivité. Le niveau de compétences et de connaissances en gestion ne satisfait pas aux exigences, les responsabilités dans ce domaine s'apparentant à celles que doivent assumer un juge et un tribunal. Imaginez un peu si l'Agence du revenu du Canada, par exemple, prenait des décisions de la façon décrite par la vérificatrice générale dans son rapport. Elle dit, et je cite:
Les agents d'immigration décident de la recevabilité d'une revendication sans avoir toute l'information nécessaire. Par ailleurs, l'information recueillie lors de la réception de la revendication ne répond pas adéquatement aux autres étapes du processus.
    J'ai l'impression qu'il s'agit là d'une tendance généralisée qui nuit au processus de traitement. Celui-ci coûte très cher. Il refuse des gens qui ont besoin d'aide, et en laisse d'autres passer entre les mailles du filet. À mon avis, le traitement des revendications se fait de manière beaucoup trop subjective. Les dossiers qui sont laissés de côté pendant des mois, voire des années, ne peuvent passer efficacement par les étapes du processus quand l'information est transmise à d'autres autorités. Lorsqu'un dossier est examiné après un très long délai, il faut beaucoup de temps pour se familiariser de nouveau avec les particularités de celui-ci. Un système d'échange d'information peu efficace crée des dédoublements, aboutit à des décisions peut-être différentes pour les réfugiés, et prolonge inutilement les délais de traitement.
    Je voudrais vous faire part d'un cas sur lequel Hameed Ahmed, Javed Zaheer et moi avons beaucoup travaillé. Nous n'en sommes toujours pas revenus. Bien qu'on ait tranché en faveur des réfugiées, cet exemple démontre les lacunes que présente le processus décisionnel. Farouqe Rashida et Noorunissa Begum ont revendiqué le statut de réfugié en 2001 au motif qu'elles pourraient être victimes de violence familiale en Inde. Leur audience...
    Je m'excuse, mais puis-je vous interrompre? Vos propos sont traduits en français. Nous avons de la difficulté à vous suivre, car vous parlez trop vite. Pouvez-vous ralentir un peu?
    D'accord. Est-ce que je dois répéter ce que j'ai dit ou continuer?
    Non. Il n'est pas nécessaire de répéter. Je vous demande simplement de parler plus lentement.
    Merci.
    D'accord.
    Farouqe Rashida et Noorunissa Begum ont revendiqué le statut de réfugié en 2001, en raison des actes de violence familiale dont elles pourraient être victimes en Inde. Leur audience a eu lieu le 30 septembre 2002. Leur revendication a été rejetée le 11 novembre 2002. Elles avaient 30 jours pour interjeter appel. Toutefois, comme il leur a fallu du temps pour rassembler les éléments de preuve et les documents, l'appel a été déposé le 31 e jour et donc rejeté, le délai n'ayant pas été respecté. Leur dossier a été fermé. Elles étaient angoissées à l'idée de retourner en Inde parce qu'elles craignaient pour leur sécurité.
    En février 2003, elles ont revendiqué le statut de réfugié pour des motifs d'ordre humanitaire. Deux ans plus tard, en 2005, on leur a demandé de fournir des renseignements à jour sur leur situation. Puis, plus rien. Tout à coup, en 2007, elles ont reçu de la part d'un agent d'examen des risques avant envoi une lettre demandant une rencontre. Quand elles se sont présentées à l'agent, elles se sont fait dire que leur requête avait été rejetée, qu'elles devaient quitter le Canada et rentrer en Inde. On leur a dit qu'elles pouvaient interjeter appel de la décision et on leur a remis un formulaire.
    Entre-temps, Hameed Ahmed est entré en contact avec le bureau de CIC à Scarborough pour savoir où en était la demande pour motifs d'ordre humanitaire, mais il est resté sans réponse.
    Rashida et Noorunissa ont ensuite soumis le formulaire d'ERAR et, plus tard, ont reçu une lettre de l'agent même qui avait rejeté leur revendication. Il a dit qu'il allait examiner le formulaire d'ERAR et la demande présentée pour des motifs d'ordre humanitaire. Il a encore une fois rejeté la demande de Rashida et de Noorunissa, parce que d'après lui, leur vie n'était pas en danger. Comment pouvait-il, seul, prendre une telle décision?
    Peu de temps après le rejet de leur revendication, elles ont reçu une ordonnance d'expulsion datée du 14 août 2007, ainsi qu'un billet d'avion de la compagnie aérienne russe. L'agent d'ERAR a envoyé leurs passeports à l'ambassade de l'Inde pour que celle-ci les renouvelle. Pendant ce temps-là, avec l'aide de leur frère et de leur oncle, Hameed Ahmed, elles ont interjeté appel de la décision de l'agent auprès de la Cour fédérale. Toutefois, comme elles ne pouvaient se permettre un avocat et que leurs arguments étaient faibles, l'appel a été rejeté. Elles ont de nouveau présenté, séparément, une revendication pour motifs d'ordre humanitaire, bien que celle-ci ait été refusée dans un premier temps.
    Plusieurs années plus tard, après de nombreux refus et problèmes, elles ont eu droit à une aide juridique et retenu les services d'un excellent avocat appelé Jack Martin. Hameed Ahmed a dû leur donner 1 000 $ de sa poche pour les aider à payer les frais d'avocat et autres dépenses.
    Elles auraient dû être déportées, mais elles sont restées au Canada en raison du temps qu'a mis l'ambassade de l'Inde à renouveler leurs passeports. Ce contre-temps leur a permis, avec l'aide de leur avocat, d'interjeter appel pour motifs d'ordre humanitaire. Cette fois-ci, grâce à l'aide juridique qu'elles ont reçue, Jack Martin, Hameed Ahmed, Javed Zaheer et moi avons été en mesure de venir en aide à Rashida et Noorunissa. La Cour fédérale leur a fait parvenir une lettre indiquant que si elles retiraient leur appel pour motifs d'ordre humanitaire, leur revendication serait reconsidérée. Elles ont donc retiré leur appel, et l'ordonnance d'expulsion a été annulée. Quelques mois après la réception d'une lettre leur annonçant que leur dossier avait fait l'objet d'un réexamen, et avec l'appui de Jack Martin, Rashida et Noorunissa ont été acceptées comme immigrantes.
    Vous noterez le cheminement irrégulier qu'a suivi ce dossier... nous sommes curieux de savoir comment fonctionne le processus et quels éléments ont servi de base aux décisions administratives qui ont été prises. Comment expliquer qu'on ait été capable de prendre une décision claire en quelques mois, mais non dans les années passées? En tout cas, les personnes incompétentes qui aident les revendicateurs et les réfugiés auraient besoin de conseils juridiques. Cela permettrait d'accélérer le traitement d'un grand nombre de dossiers.
(1825)
    Bonsoir. Je m'appelle Sohabe Hashmi. J'aimerais vous décrire un cas qui démontre l'importance d'aider les revendicateurs à obtenir des conseils juridiques appropriés. J'aimerais d'abord vous lire un extrait d'un rapport du Conseil canadien pour les réfugiés:
Marie est arrivée au Canada sans éducation formelle: elle ne parlait ni français ni anglais. Les questions posées lors de son audience l'ont déstabilisée et elle n'a pu répondre de façon satisfaisante. Elle a été jugée non crédible et sa demande a été refusée. L'histoire complète n'est sortie qu'après l'audience. Marie a été violée pendant trois jours alors qu'elle était détenue par la police au Congo. Suite à cette expérience traumatisante, elle craint les personnes en situation d'autorité. Son sentiment de honte l'empêchait de discuter de la violence sexuelle subie. Marie a pu parler librement après que son avocate ait passé des heures à gagner sa confiance. Elle avait aussi entrepris une thérapie depuis. Marie a présenté une demande pour circonstances d'ordre humanitaire et attend la décision.
    J'aimerais maintenant vous parler d'un aspect du projet de loi C-11 qui me préoccupe: les pays soi-disant sûrs et dangereux. Le fait d'empêcher les revendicateurs déboutés de présenter une demande d'examen des risques avant envoi ou une demande pour motifs humanitaires expose ceux-ci à des dangers potentiels, à la mort et à d'autres risques. Balayer un problème sous le tapis n'est pas la façon de faire du Canada. En tant que Canadiens, nous ne devrions jamais opter pour la voie de la facilité. Si Rashida ou Noorunissa avaient été renvoyées en Inde, elles auraient été assujetties à des actes de violence qui auraient peut-être été meurtriers.
    Un pays soi-disant sûr l'est peut-être pour le citoyen moyen, mais pas pour le revendicateur du statut de réfugié. Autrement, il ne présenterait pas de demande.
(1830)
    Pouvez-vous conclure, s'il vous plaît?
     Je vais essayer de le faire.
    Merci.
    Un pays peut être sûr pour certaines personnes, mais pas pour d'autres. Prenons, par exemple, le cas d'une jeune femme appelée Grise, qui a cherché refuge au Canada. Elle venait du Mexique, un pays que l'on pourrait qualifier de sûr et démocratique. Or, quand sa demande a été rejetée, elle est retournée au Mexique. Elle a été enlevée par les personnes qu'elle avait fuies et a été retrouvée morte d'une balle dans la tête. Donc, je n'appuie pas la notion de pays sûr qui est évoquée dans le projet de loi C-11.
    Pour terminer, je voudrais savoir si le comité a tenu compte des nombreuses vérifications dont a fait l'objet le processus de revendication du statut de réfugié. Ces vérifications font état de manquements, de mauvaises pratiques de gestion, de réussites et d'échecs. Elles contiennent les observations de certains universitaires, les recommandations du professeur Peter Showler, des renseignements valables et des critiques formulées par les conseils de réfugié et les ONG. Elles mettent en lumière les faiblesses du système britannique, le système sur lequel vous semblez fonder le concept de pays sûr et dangereux.
    C'est tout.
    Merci.
    M. Coderre va maintenant poser quelques questions.
    Merci, messieurs.
    J'essaie de comprendre. Vous avez parlé de cas personnels ou particuliers. Vous avez dit, et je suis d'accord avec vous, que vous ne croyez pas au concept des pays désignés, parce que chaque cas est unique. Je voudrais en savoir un peu plus sur votre organisation. En quoi consiste votre mission? Fournissez-vous des conseils juridiques? De l'aide? Quel est votre rôle?
    Nous ne fournissons pas de conseils juridiques, mais nous venons en aide à la collectivité. Quand les gens viennent nous voir pour obtenir des renseignements, nous essayons de les aider, de les diriger vers des avocats.
    Le projet de loi comporte de nombreux éléments. Il existe déjà une procédure d'appel. Comme vous, nous croyons qu'il faut accélérer le processus, en raison des problèmes d'ordre social ou autre que les retards peuvent causer. Vous avez raison de dire qu'il y a des lacunes. Que pensez-vous des principes qui sous-tendent le projet de loi C-11? Que pensez-vous de la procédure d'appel, du temps que l'on met à préparer un dossier? Puis-je avoir vos vues là-dessus?
    À mon avis, le projet de loi devrait mettre davantage l'accent sur les décisions de qualité en première instance. Il ne pas faut enlever à une personne qui vient d'un pays réputé sûr le droit d'interjeter appel d'une décision. Je n'ai pas de réponse à toutes les questions que soulève le projet de loi, mais cet aspect-là m'inquiète beaucoup. Je peux aller plus au fond des choses, si vous voulez.
    Allez-y.
    J'ai l'impression que l'on s'inspire de l'expérience britannique, ce qui constitue un problème. J'ai beaucoup de renseignements là-dessus.
    S'il y a une chose que je déplore, c'est que le projet de loi C-11 ne permet pas de considérer l'intérêt supérieur des enfants des revendicateurs, une exigence que prévoit la Convention relative aux droits de l'enfant. La CISR a été saisie du cas de trois enfants mexicains orphelins. Ils n'ont pas été reconnus comme réfugiés en vertu de la définition qui a été utilisée. S'ils n'avaient pas eu le droit de présenter une demande pour motifs d'ordre humanitaire ou s'ils n'avaient pas eu le droit d'interjeter un appel, ils auraient été renvoyés au Mexique, là où leurs parents ont été tués.
    Il est important d'avoir une procédure d'appel efficace, de pouvoir compter sur des gens bien formés et compétents, pour éviter les appels à répétition. Dans l'exemple que je viens de vous donner, les enfants ont dû interjeter appel à plusieurs reprises. Mais pourquoi ne pas rendre une bonne décision en première instance?
    Le système fait l'objet de beaucoup de critiques.
    Donc, ce que vous souhaitez, en bout de ligne, c'est que l'on accélère le processus. Vous jugez qu'il est important d'avoir une procédure d'appel. Toutefois, comme il n'est pas dans notre intérêt, en tant que Canadiens, de dire qu'en établissant une liste de pays sûrs, nous allons faire abstraction du fait que chaque cas est unique... Est-ce bien cela?
(1835)
    Oui, mais il faut procéder au cas par cas. Si nous faisons preuve d'une plus grande efficacité, si nous prenons des décisions de qualité en première instance, nous pouvons accélérer considérablement le traitement des demandes. Prendre sept ans pour traiter un dossier... s'il leur a fallu, au bout du compte, trois ou quatre mois pour rendre une décision, pourquoi n'ont-ils pas été en mesure d'en prendre une plus tôt?
    L'accélération du processus ne réglera pas tout. Il m'arrive parfois d'être saisi d'un cas où la personne a besoin de temps parce que les autorités du pays refusent d'émettre un certificat de divorce et que la femme est censée rentrer au pays. Il faut procéder au cas par cas, car chaque situation est différente. Il ne suffit pas tout simplement d'accélérer le processus. Il faut le rendre plus efficace, traiter chaque dossier de façon plus systématique.
    Si nous commençons à suivre l'exemple de la commission du statut de réfugié, nous risquons d'envoyer un grand nombre de personnes en prison et de rendre à leur égard des décisions négatives. C'est là que se situe le problème. Nous le voyons dans un grand nombre de cas et c'est injuste. Prenons l'exemple de ce réfugié qui, après son arrivée au Canada, s'est marié. Il est devenu père... pourquoi doit-il attendre trois ans avant d'être accepté comme immigrant?
    C'est le processus, l'inefficacité de celui-ci, qui pose problème. Les réfugiés ont parfois besoin de plus de temps pour réunir les documents.
    Vous avez parlé, entre autres, de la nécessité d'améliorer l'efficacité du système. Qu'entendez-vous par là? Les gens ne sont-ils pas suffisamment qualifiés? Y a-t-il un manque de compétences?
    L'absence de confiance... J'ai parlé, dans mon exposé, d'un agent qui a pris une décision audacieuse et qui a rejeté une demande pour motifs d'ordre humanitaire. Cet agent manquait peut-être d'expérience ou de connaissances. Les décisions, dans ces cas-là, sont habituellement rendues par un juge. C'est ce que je constate depuis 35 ans. Bon nombre de décisions sont prises...
    Monsieur Hashmi, supposons que le dossier se retrouve devant un tribunal de première instance qui doit déterminer s'il s'agit d'un réfugié authentique ou non. Si le tribunal rend une décision négative, le dossier est renvoyé au CISR, qui agit comme commission d'appel. Le processus s'arrête là.
    Vous voulez que les personnes que nous choisissons pour examiner ces cas possèdent les compétences voulues. Avez-vous l'impression qu'il existe des lacunes à ce niveau-là?
    C'est ce que je pense, et je peux vous fournir à une date ultérieure les résultats de quelques vérifications effectuées à ce sujet. Les gens chargés de prendre des décisions sur ces cas doivent être bien formés et qualifiés. Il s'agit de procédures semblables à une procédure judiciaire, que l'on peut assimiler à une inculpation pour meurtre ou une affaire très sérieuse. Dans les vérifications dont je vous parle, mais que je n'ai pas en main, les gens ne sont ni formés, ni qualifiés, et il y a un fort roulement de personnel parmi eux.
    Messieurs, je cède la parole à M. St-Cyr, du Bloc québécois, pour qu'il pose quelques questions.

[Français]

    Bonjour, messieurs.
     Vous avez parlé de l'importance d'avoir de bons décideurs qui prennent les bonnes décisions dès le début. Évidemment, ça va de soi. C'est ce que tout le monde souhaite, peu importe l'orientation politique. Personne ne conteste le fait qu'il faut de bons décideurs.
    La question à laquelle je voudrais que vous répondiez est la suivante. Nous, parlementaires, devons étudier un projet de loi. Quelles mesures spécifiques nous proposez-vous d'adopter afin de s'assurer d'avoir, en première instance, les bonnes personnes qui prennent les bonnes décisions?

[Traduction]

    J'ai en main les recommandations du Conseil canadien pour les réfugiés. Je ne suis pas affilié à cet organisme, mais ses recommandations sont très bonnes. Je ne sais pas si votre comité les connaît. Quoi qu'il en soit, permettez-moi de vous les lire.
    Les recommandations sont les suivantes: nommer les commissaires de la CISR par un système de sélection fondé sur le mérite qui ne se limite pas aux fonctionnaires; éliminer la désignation du pays d’origine sûr; laisser plus de temps aux demandeurs pour se préparer à leur audience; éliminer l’interdiction pour les demandeurs de présenter une demande pour considérations humanitaires.
    Voici en outre des recommandations que j'aime: reconnaître que la détermination du statut de réfugié est difficile, car il n’est pas évident de savoir qui est un réfugié; évaluer chaque cas selon ses mérites individuels; investir dans la qualité des décisions initiales, c'est-à-dire bien faire les choses la première fois; conserver le caractère apolitique des décisions en les confiant à un organisme indépendant; favoriser la simplicité; mettre en place les ressources nécessaires pour éviter les arriérés; ne pas oublier que des vies humaines sont en jeu.
    Le monde nous regarde. Nous sommes toujours considérés comme des chefs de file dans ce domaine. Je ne veux pas être la risée des autres pays, si je peux me permettre cette expression.
(1840)

[Français]

    Vous avez repris la recommandation du Conseil canadien pour les réfugiés de permettre le recrutement de membres, de fonctionnaires, à l'extérieur de la fonction publique traditionnelle et de faire du recrutement au sein du grand public. L'exemple qui est souvent cité est celui du directeur général des élections, qui peut aller chercher des directeurs du scrutin tant dans la fonction publique qu'à l'extérieur de celle-ci.
    Pensez-vous que ce serait un bon modèle pour le comité? Devrait-il s'en inspirer pour la nomination des fonctionnaires en première instance?

[Traduction]

    Pardonnez-moi, mais de quel exemple parlez-vous?

[Français]

    Vous nous avez donné un exemple pour la nomination des fonctionnaires en première instance, c'est-à-dire le premier niveau avant l'appel. Des groupes nous ont proposé de s'inspirer du modèle du directeur général des élections qui lui permet de faire du recrutement tant dans la fonction publique qu'à l'extérieur de celle-ci.
    Pensez-vous que le comité devrait s'inspirer de ce modèle?

[Traduction]

    Les gens peuvent provenir d'un milieu ou de l'autre. Ça n'a pas vraiment d'importance, pourvu qu'on embauche ou recrute des gens qualifiés. C'est la clé. Peu importe qu'ils viennent de la fonction publique ou d'ailleurs.
    Les personnes recrutées devraient être qualifiées. Elles devraient être suffisamment rémunérées pour les inciter à ne pas quitter leur poste. Même si elles sont nommées par le gouvernement, elles devraient garder à l'esprit qu'elles n'ont pas été choisies pour des raisons partisanes. Elles doivent laisser au vestiaire les croyances associées à leurs opinions politiques.
    En somme, lorsqu'on doit prendre une décision relativement aux immigrants et aux réfugiés, il faut oublier son appartenance politique.

[Français]

    Vous avez aussi parlé de permettre aux gens de préparer adéquatement leurs preuves avant de procéder à l'audience. On a aussi beaucoup discuté en comité de la question des délais. Certaines personnes craignent qu'en essayant de précipiter les choses, on ne se trouve dans des situations où, au bout du compte, on est obligé d'ajourner des réunions, faute de preuves ou de documents, et même que ça n'ait l'effet inverse, soit ralentir et alourdir le processus.
    Faites-vous partie de ceux qui croient qu'un délai initial trop court pourrait avoir l'effet inverse?

[Traduction]

    Le temps qu'il faut varie d'un cas à l'autre. On ne peut pas accorder le même délai pour tous les cas. Certains pays fournissent la documentation rapidement, mais d'autres prennent beaucoup de temps. Dans un cas, par exemple, j'ai même dû demander l'aide d'un député pour obtenir un certificat de divorce du Pakistan. Nous avons vraiment dû nous démener pour obtenir ce certificat, et la demandeuse allait être expulsée. Nous avons réussi grâce au député. Je ne sais pas si je devrais vous dire son nom, car je ne voudrais pas donner une saveur politique à mon témoignage. Je suis très reconnaissant envers le député, mais il a fallu presque deux ans et demi pour obtenir le certificat de divorce.
    Je peux en parler ouvertement depuis ma position. Les soit-disant maulvis, des religieux, exigeaient un pot-de-vin pour lui donner son certificat. Selon le pays, les délais seront plus ou moins longs.
    Au départ, il faudrait que le délai soit adéquat, selon les circonstances et les documents qui devront être obtenus. C'est une personne qualifiée qui devrait prendre les facteurs en considération pour fixer le délai. Rashida et Noorunissa ont mis une journée de trop à obtenir leurs documents. Alors, le 31e jour, leur demande a été refusée. Si on avait tenu compte des facteurs particuliers à leur cas, le traitement de la demande aurait pu prendre deux années de moins.
(1845)
    Leur demande d'immigration a été acceptée en fin de compte. Alors, parfois, on ne comprend pas le système.
    Je voudrais pouvoir vous faire des recommandations plus pointues concernant les politiques à adopter, mais je ne suis pas un spécialiste en la matière. Je ne suis ni politicien, ni avocat, ni expert en immigration. Je m'adresse à vous simplement en tant que Canadien ayant un peu d'expérience.
    Vous faites du bon travail, monsieur. Merci beaucoup.
    Je cède la parole à Mme Olivia Chow, du Nouveau Parti démocratique, pour qu'elle vous pose quelques questions.
    Comme vous le savez peut-être, le Nouveau Parti démocratique et le Bloc s'opposent fortement à la désignation de pays d'origine sûr. Imaginez le traumatisme vécu par une Congolaise, si elle se rend compte que son pays est considéré comme un pays sûr? Le Mexique pourrait être considéré comme un pays sûr. N'importe quel pays pourrait l'être. Le Ghana est sur la liste des pays sûrs en Angleterre. Après ce que la femme aurait vécu au Congo, elle serait tellement traumatisée qu'elle risquerait de faire mauvaise figure à l'audience.
    Selon le projet de loi C-11, la réfugiée congolaise n'aurait pas le droit de faire appel si son pays était considéré comme un pays d'origine sûr. Ce serait absolument injuste, à mes yeux.
    Avez-vous parlé à des députés à Vancouver? Je pense que vous venez de là.
    Je viens de Toronto.
    Vous venez de Toronto. Beaucoup de députés de Toronto sont libéraux. Vous devriez peut-être en convaincre quelques-uns qu'on fait fausse route avec l'idée de la désignation de pays d'origine sûr, car nous allons commencer mardi prochain l'examen article par article. D'ici jeudi soir, nous aurons terminé, et la Chambre des communes reprendra l'étude du projet de loi C-11 la semaine suivante.
    Avez-vous des commentaires à faire sur cette partie du projet de loi?
    Certainement. Comme je l'ai dit, je ne suis pas venu témoigner pour des raisons partisanes. Je n'ai aucune objection à vous faire parvenir un peu d'information. Je suis étonné que ces gens n'aient pas été invités. Je ne sais pas s'ils sont venus témoigner auparavant. Ils en savent beaucoup plus que moi à ce sujet. Je parle de personnes comme l'avocat Peter Showler.
    Je peux vous faire parvenir, avec mon document, l'information que j'ai recueillie.
    Monsieur, ces gens sont déjà venus témoigner.
    Peter Showler, l'Association du Barreau canadien, Amnistie Internationale, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Conseil canadien pour les réfugiés sont tous venus témoigner.
    Je ne suis pas la présidente de notre comité. Ce n'est pas à moi qu'il revient d'apporter cette précision. Néanmoins, tous les organismes ont déclaré que la désignation de pays d'origine sûr était une mauvaise idée, surtout si elle implique que le demandeur ne pourra pas faire appel. Alors, j'espère que vous ferez tout votre possible pour convaincre certaines personnes. Ce serait vraiment utile dans ce dossier.
    Avez-vous pu parler de ce dossier avec d'autres personnes ou avec vos membres? Je suis certaine que la CanPak Chamber of Commerce a beaucoup de membres. Il se trouve peut-être, parmi vos membres, des personnes qui pourraient s'adresser à leur député pour l'aider à comprendre pourquoi on fait fausse route avec cette idée.
    M. Dykstra invoque le Règlement.
    Je sais que Mme Chow a son point de vue sur le projet de loi et je suis certain qu'elle compte présenter des motions d'amendement du projet de loi. Toutefois, j'invoque le Règlement parce que je ne savais pas que les députés pouvaient donner des conseils aux témoins. Je croyais que nous devions plutôt écouter les témoins nous donner des conseils.
    Je vais m'abstenir de donner des conseils.
    Je ne dirais pas que c'est un conseil. Je pense qu'elle exprime une objection. C'est une objection que partagent de nombreuses personnes.
    Merci de m'avoir apporté cette précision, monsieur.
    C'est une objection...
    Merci, monsieur, d'avoir éclairci...
    Je n'entends pas souvent les conservateurs défendre les libéraux. Je devrais noter l'heure. Il est dix heures moins sept. Il règne un esprit de coopération.
    Nous sommes en train de nous écarter du sujet.
    Monsieur Dykstra, la parole est à Mme Chow tant qu'elle parle du projet de loi.
    Pourriez-vous nous dire quelle est votre décision concernant mon recours au Règlement?
    Je viens tout juste de vous communiquer ma décision. Elle a le droit de parler. Elle a le droit de faire une déclaration. Elle peut raconter ce qu'elle veut tant que c'est lié au projet de loi.
    Votre tour approche rapidement.
    Au sujet des raisons d'ordre humanitaire, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que la femme dont vous avez parlé et qui arrive du Congo est susceptible de se perdre dans les règles et de ne pas savoir si elle est admissible comme réfugiée ou si elle peut invoquer des raisons d'ordre humanitaire? Ne devrait-elle pas avoir le choix? Si elle opte pour une voie plutôt qu'une autre au début, elle devrait pouvoir changer de voie en cours de route. Si elle se trompe au départ, elle devrait pouvoir faire une demande pour un autre motif par la suite, n'est-ce pas?
(1850)
    Je n'ai pas examiné cette question en détail. Je sais que les gens sont susceptibles de prendre de mauvaises décisions lorsqu'ils ne savent pas exactement à quoi s'en tenir. Ils devraient pouvoir bénéficier des conseils d'un avocat ou d'une autre personne au départ. Un conseiller juridique devrait leur indiquer s'ils ont intérêt à faire une demande pour des raisons d'ordre humanitaire ou en tant que réfugié. À mes yeux, les deux types de demande sont très semblables. Les réfugiés veulent être protégés d'une façon ou d'une autre.
    Si vous permettez, j'aimerais dire un mot au sujet des témoins que votre comité a entendu précédemment. Je suis très étonné que vous n'ayez pas essayé de profiter du travail de ces gens. Il vous faudrait davantage tenir compte des idées venant du public et des gens qui travaillent dans le domaine. Vous devriez leur demander comment il serait possible d'amender le projet de loi afin qu'il soit avantageux pour le Canada, au lieu de regarder les autres pays ou de coller à des pays l'étiquette de pays sûr...
    Merci beaucoup.
    Mme Wong invoque le Règlement.
    Je comprends ce que veut dire M. Hashmi, mais le fait que nous ayons invité ces témoins est la preuve que nous nous acquittons consciencieusement de notre devoir et que nous nous efforçons de faire de ce projet de loi une bonne loi.
    D'accord. Ce sont des Canadiens et ils peuvent dire ce qu'ils veulent.
    Allez-y. Vous avez de nouveau la parole, monsieur. Vous pouvez dire ce que vous voulez. Avez-vous terminé?
    Y a-t-il d'autres questions?
    S'il n'y a pas d'autres questions, j'ai terminé. Je vous enverrai l'information promise. Si vous voulez m'écrire par courriel, mon adresse est sohabe@canpakcoc.com. Si vous m'envoyez un courriel, je pourrai vous envoyer en retour l'information préparée pour vous.
    Merci d'avoir pris le temps de m'écouter.
    Il reste une personne qui voudrait vous poser des questions, monsieur. La voici. Il s'agit de Mme Nina Grewal, du Parti conservateur. Je lui cède la parole.
    Merci, messieurs, pour le temps que vous nous consacrez et les exposés que vous nous avez faits. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants. J'ai environ trois questions, et elles sont très brèves.
    Pensez-vous que les retards et les nombreux recours caractérisant le système actuel peuvent être une aubaine pour les gens qui se présentent comme des réfugiés mais n'en sont pas vraiment? Pourriez-vous répondre à cette question?
    Comment faites-vous pour déterminer si ce sont vraiment des réfugiés?
    Je vous pose une question. Si vous ne l'avez pas comprise, je peux vous la répéter.
    Pensez-vous que les retards et les nombreux recours caractérisant le système actuel attirent au Canada des personnes qui ne sont pas vraiment des réfugiés? Pensez-vous que c'est un gros problème?
    Oui, je pense qu'il y a un problème et que ce problème attire des gens susceptibles d'abuser du système. Mais il n'est pas possible de savoir si une personne abuse du système ou si elle est un véritable demandeur d'asile à moins d'étudier son cas comme il faut.
    Prenez les cas d'homicide, par exemple. Imaginez ce qui arriverait si nous appliquions le même raisonnement à ce crime. J'ai un bel exemple que vous pouvez transposer dans le présent dossier. Supposons que vous habitez dans un quartier de Toronto où le taux de criminalité est très bas et que vous êtes victime d'un crime. Que direz-vous si la police refuse de faire enquête sous prétexte que votre quartier est considéré comme un endroit sûr, en général?
    Nous ne pouvons pas fonder notre travail sur des a priori. Il est très important que nous puissions étudier chaque cas... Le Canada doit se doter d'un bon système, qui ne doit pas empêcher les véritables réfugiés d'obtenir l'asile.
(1855)
    Pensez-vous qu'une personne dont la demande a été refusée devrait être expulsée rapidement une fois qu'elle a épuisé tous ses recours? Sinon, pourquoi?
    L'expulsion est souhaitable parce que la personne coûte de l'argent aux contribuables. Mais, compte tenu du fonctionnement actuel du système, l'idée de l'expulsion me fait peur parce que beaucoup de gens ont été expulsés alors qu'ils n'auraient pas dû l'être. Ils ont été renvoyés dans leur pays, où ils ont été accueillis avec une balle de fusil. Des choses très traumatisantes se produisent. À quoi bon avoir un système pour donner l'asile aux réfugiés si ce genre de choses peut se produire?
    Je laisse le temps qu'il me reste à M. Dykstra.
    Merci.
    Vous nous avez tous les deux lu des recommandations issues d'autres organismes, qui ont déjà témoigné devant le comité. Vous pensez que le projet de loi comporte des faiblesses, tel qu'il est rédigé, mais vous ne nous avez proposé aucune solution de rechange venant de vous. Vous dites, Sohabe, que vous n'avez pas eu le temps de vous préparer et que vous n'avez aucune recommandation à nous faire pour ce qui est du traitement des demandes...
    Je n'ai pas dit cela...
    J'aimerais maintenant que vous nous fassiez simplement trois ou quatre recommandations pour renforcer le projet de loi.
    Je n'ai pas dit que je n'avais pas eu le temps de me préparer. C'est plutôt que je n'ai pas examiné le projet de loi en entier. Comme je vous l'ai dit, je suis venu témoigner en tant que Canadien. Je ne suis pas un politicien. Je ne suis pas un spécialiste des politiques.
    En fait d'améliorations, j'en aurais une à vous proposer et je ne sais pas si d'autres organismes vous ont déjà fait cette proposition. S'ils l'ont déjà fait, tant mieux... Je vous conseille fortement d'améliorer l'efficacité du système. Les dossiers semblent se promener d'un bureau à l'autre. Vous devriez examiner cette dimension de la question, pour déterminer si le traitement est efficace. Pourquoi les délais sont-ils si longs?
    Notre première recommandation est de traiter les dossiers efficacement, en faisant appel à des gens qualifiés et non en procédant à des nominations partisanes.
    Le président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est venu témoigner devant notre comité. Son organisme sera de retour la semaine prochaine pour répondre à d'autres questions. Il nous a indiqué qu'avec la nouvelle loi, il serait capable d'apporter les correctifs que vous souhaitez. Donc, ce projet de loi nous permettrait d'y arriver. Y êtes-vous favorable?
    Nous sommes certainement pour l'efficacité et l'embauche de personnes qualifiées. Tant mieux si le projet de loi C-11 met fin à l'inefficacité.
    Notre deuxième recommandation est de ne plus fixer le même nombre de jours pour tous. Le délai doit être établi au cas par cas.
    Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
    Chaque personne est un cas unique. Chaque réfugié est un cas unique.
    Aucun membre de notre comité ne vous dira le contraire.
    Le temps qu'il faut accorder au traitement d'un cas peut varier d'un demandeur à l'autre.
    Nous sommes tous d'accord avec vous pour dire que chaque demande est unique en son genre, mais Sohabe vient de dire que nous devons rendre le système plus efficace et plus juste. Nous ne pouvons pas avoir de système dépourvu de règles générales; il faut une mesure législative pour qu'on puisse réellement accélérer le processus. Eh bien, c'est peut-être ce que vous pensez. En tout cas, je ne partage pas cet avis.
    À l'heure actuelle, nous avons un arriéré de 60 000 personnes. Je dirais — et vous n'en disconviendriez pas — que le système n'est pas juste envers ces gens parce qu'ils doivent rester sur une liste d'attente. L'objectif fondamental du projet de loi est d'assurer l'équité et l'efficacité. S'il y a des éléments dans le projet de loi, et que chacun des partis va proposer des amendements à celui-ci...
    D'après vous, que devrions-nous faire pour atteindre l'objectif que vous avez mentionné, à savoir celui de servir les gens de manière plus efficace et plus directe?
    Vous m'avez mal compris quand j'ai dit qu'il fallait plus de temps.
    Oui, on doit avoir un système. Je vais vous donner un exemple. Si la demande était déposée seulement un jour plus tard... Nous venons de mentionner qu'un des dossiers avait été déposé en retard. Il faut certes mettre en place un système et une procédure, sinon on n'en viendra jamais à bout. Mais, en l'occurrence, une demande a été rejetée parce qu'elle était en retard d'une journée. On a utilisé l'argent des contribuables pour garder ces deux réfugiés au pays pendant cinq ans, et le processus n'en finissait plus. Je ne pense pas que ce soit juste.
    L'autre recommandation, c'est d'embaucher plus de gens qualifiés pour éliminer les retards. L'arriéré coûte cher aux contribuables. Nous devons embaucher plus de gens en cas d'arriéré. Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial dépensent chacun 100 millions de dollars pour assurer le bien-être des réfugiés, ce qui est beaucoup moins élevé que le montant consacré aux employés. Si vous dépensiez ces fonds pour l'embauche d'un plus grand nombre d'employés, les Canadiens auraient plus d'emplois et, en même temps, les décisions seraient prises beaucoup plus rapidement. Je suis sûr que si vous assigniez un agent par cas — même si, dans certains cas, vous auriez à changer cette formule —, ce serait probablement plus approprié, plus efficace et plus juste.
(1900)
    Excusez-moi, monsieur. Malheureusement, notre temps est écoulé.
    Je tiens à remercier les membres de CanPak Chamber of Commerce pour leur contribution aux délibérations du comité.
    Merci infiniment, messieurs.
    Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    La séance est suspendue.

(1905)
    Nous pouvons commencer. Je déclare la séance ouverte.
    Nous reprenons nos travaux. Nous accueillons trois groupes, dont l'un — celui de Calgary — ne s'est pas encore joint à nous par vidéoconférence. Nous avons parmi nous, à Ottawa, Sylvain Thibault de la Mission communautaire de Montréal. Bonsoir, monsieur. Il est accompagné de Kemoko Kamara. M. Thibault est le coordonnateur du Programme Projet Refuge, et Kemoko Kamara est un bénévole.
    Par ailleurs, nous accueillons par vidéoconférence, de Toronto, Mme Mary Jo Leddy.
    Madame Leddy, je vous prie de préciser les groupes que vous représentez. Dans l'avis de convocation, on mentionne la Romero House mais, si je comprends bien, il y a un autre groupe de témoins: Gustavo Gutierrez et Gift Ogi.
    Je vous laisse commencer, madame Leddy. Vous avez, tous les trois, sept minutes pour nous présenter un exposé, après quoi les membres du comité auront probablement des questions à vous poser.
    On vous écoute.
    Je m'appelle Mary Jo Leddy et je vis et travaille avec les réfugiés depuis plus de 20 ans à la Romero House, un centre d'accueil pour les réfugiés. J'enseigne également la théologie à l'Université de Toronto et je suis membre de l'Ordre du Canada.
    J'ai assisté à des centaines d'audiences de demande d'asile et à des centaines et des centaines d'entrevues avec des agents d'immigration. Je suis persuadée qu'à la Romero House, nous possédons maintenant une sagesse collective sur le système d'immigration, sur ses failles et sur la façon dont il pourrait et devrait fonctionner. Cette sagesse, nous l'avons acquise au fil des ans, mais nous n'avons pas le temps de la présenter en détail aujourd'hui.
    Au cours des 20 dernières années, j'ai également été un membre actif de l'Ontario Sanctuary Coalition, qui fait partie du National Sanctuary Movement, organisme qui compte parmi ses membres des églises partout au pays. Avec les années, diverses églises ont servi de refuges pour des demandeurs d'asile qui risquaient d'être déportés dans des pays où leur vie serait en danger.
    Faute de temps, je m'attarderai brièvement sur trois points. Premièrement, le projet de loi C-11, tel que proposé, entraînera une hausse massive du nombre de personnes qui cherchent refuge dans des églises.
    Deuxièmement, il est impératif d'instaurer un processus décisionnel plus rapide et plus équitable.
    Troisièmement, nous aimerions parler des conséquences imprévues de la liste de pays désignés.
    Pour ce qui est du premier point, compte tenu des raisons énoncées dans le rapport sur les refuges, nous prévoyons que le projet de loi C-11, à moins d'être modifié, entraînera une hausse massive des demandes de refuge. Ce ne sont pas toutes les demandes qui seront accordées, mais seulement certaines — et il y en aura beaucoup plus que maintenant. Notre expérience révèle que des groupes très ordinaires offriront un refuge à des personnes dont la vie est en danger.
    Je suis ici pour vous dire ceci: si le projet de loi n'est pas modifié, les demandes de refuge dans les églises augmenteront. Ne vous y trompez pas. Je suis également ici pour vous dire, au nom du Sanctuary Movement, que nous préférerions de beaucoup que le projet de loi soit modifié.
    Passons maintenant au deuxième point: un processus plus rapide et plus équitable pour la détermination du statut de réfugié. On a souvent l'impression que cette question ne préoccupe que le gouvernement, mais chaque réfugié s'en inquiète aussi. Tous les jours, ces gens subissent les revers d'un processus qui est lent, encombrant et irréalisable.
    J'invite Gift Ogi, qui est membre de la Romero House, à expliquer la situation en ses propres mots.
(1910)
    Je m'appelle Gift Ogi et je viens du Nigeria. Je vis au Canada depuis maintenant deux ans. J'ai déménagé dans un refuge. Là-bas, j'ai rencontré une dame qui m'a présentée à un avocat. Toutefois, je n'étais pas satisfaite des services de ce dernier car je n'obtenais pas de bons résultats; alors, j'ai décidé d'aller vivre à Romero House. Durant mon séjour dans ce centre, j'ai parlé avec les responsables parce que j'avais besoin d'un avocat et ils m'ont aidée. J'ai obtenu une nouvelle avocate, dont je suis très satisfaite. Elle fait vraiment du bon travail.
    Voici ce qui m'inquiète: j'ai quitté mon pays parce que mon mari nous maltraitait, moi et mon fils aîné. C'était si pénible que j'ai dû laisser derrière moi mes deux enfants. J'ignore leur situation. Ils n'ont pas été à l'école depuis mon départ. J'aimerais vraiment que le gouvernement fournisse de l'aide à des gens comme nous. Nous avons besoin d'aide sans tarder pour amener nos enfants ici et leur permettre d'avoir une vie meilleure.
    Je ressens tellement de douleur parce que mes enfants sont loin de moi et j'ignore comment ils s'en sortent; je veux prendre soin d'eux. Je veux que le Canada leur donne la meilleure éducation que toute mère voudrait pour ses enfants. Ce serait tellement bien si on pouvait faire quelque chose à cet égard.
    Merci beaucoup.
    Merci, Gift.
    Notre troisième point concerne la liste de pays désignés.
    La question cruciale qui se pose, comme vous le savez sans doute, c'est de savoir qui désigne un pays comme étant sécuritaire et pourquoi. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, accorderait ce pouvoir au ministre et aux représentants du gouvernement. Cette approche politiserait encore plus le processus de détermination du statut de réfugié et finirait par le discréditer davantage. Les Canadiens ont souvent ridiculisé les nominations au sein de la CISR parce qu'ils les considèrent comme étant teintées de favoritisme politique. L'utilisation de la liste de pays désignés ne ferait que compromettre davantage l'indépendance du processus de détermination du statut de réfugié.
    Tant que ce processus ne sera pas complètement séparé des intérêts politiques, il ne sera pas crédible — ni pour les réfugiés ni pour les citoyens canadiens.
    Les intérêts politiques liés à la liste de pays désignés sont nombreux. Aujourd'hui, nous avons entendu le président Calderon du Mexique tenter de convaincre le gouvernement canadien que le Mexique est un pays sécuritaire. Demain, ce sera au tour d'un autre pays.
    Madame Leddy, je suis désolé, mais il ne vous reste qu'une minute.
    D'accord.
    Je vais maintenant céder la parole à Gustavo Gutierrez, un réfugié qui vient d'un pays — le Mexique —, pourtant jugé sécuritaire par le ministre et les agents à la CISR.
    Je m'appelle Gustavo Gutierrez et je viens du Mexique. Je suis détenteur d'un baccalauréat en psychologie et je possède une formation reconnue par la FBI, le service de police du Nouveau-Mexique et le service de police d'El Paso.
    J'habitais dans la ville de Juarez où je travaillais comme détective expert en homicides. Juarez est maintenant reconnu comme une ville meurtrière. J'avais obtenu une promotion au sein du nouveau système de justice pénale dans l'État de Chihuahua. On voyait ma photo sur tous les panneaux de l'État de Chihuahua. J'ai essayé de travailler fort pour apporter des changements au système de justice pénale. Je suis venu ici parce que j'ai reçu des menaces. Trente-six de mes agents de police ont été tués lorsque j'ai fui le Mexique. Finalement, je suis venu au Canada.
(1915)
    Monsieur, pourriez-vous conclure? Je vous en serais reconnaissant.
    D'accord.
    À ma première audience, on a refusé ma demande. J'avais apporté plein d'éléments de preuve de mon travail, les menaces que j'avais reçues et toute l'information dont je disposais, mais j'ai eu l'impression que personne ne s'y est attardé. Personne n'a vérifié le dossier. Nos demandes doivent être étudiées au cas par cas.
    On m'a traité comme si j'étais un Mexicain parmi tant d'autres, comme si je pouvais retourner là-bas sans que ma vie ne soit en danger parce que le Mexique est un pays touristique; c'est un pays qui fait affaires avec le Canada. Mais ce n'est pas le cas. Nous devons voir cette réalité.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous allons passer à notre prochain invité, qui représente la Mission communautaire de Montréal.
    Messieurs, votre groupe dispose de sept minutes au maximum. Merci d'être venus.

[Français]

    Je suis heureux de faire notre présentation avec un représentant du Romero House, un de nos partenaires de Toronto.
    Monsieur Ie président Tilson, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, nous sommes devant vous aujourd'hui à titre de représentants de la Mission communautaire de Montréal, qui célèbre cette année 100 ans d'accueil des réfugiés de tous les horizons.
    Nous souhaiterions vous remercier de l'occasion que vous nous offrez aujourd'hui de présenter notre point de vue sur Ie projet de loi C-11. Je suis responsable du Projet Refuge, un centre d'hébergement spécialisé pour hommes et jeunes mineurs non accompagnés en besoin de protection internationale.
    Notre mandat est d'offrir des services psychosociaux spécialisés aux demandeurs d'asile les plus vulnérables. Je suis donc un témoin privilégié de cette grande vulnérabilité de l'être humain en situation de perte de repères à la suite de persécutions répétitives.
    Notre clientèle est souvent porteuse de lésions psychologiques profondes. Ces lésions à vif vont moduler leurs pensées, leurs comportements et altérer leur capacité à se remémorer les événements en lien avec la persécution.
    À leur arrivée, les intervenants mettent en place les éléments qui favoriseront l'émergence des forces de la résilience. Ces éléments permettront à la personne de pouvoir se raconter dans un climat de confiance, sans craindre d'être traumatisée de nouveau. En tant qu'observateurs privilégiés, nous sommes particulièrement inquiets de certains points du projet de loi C-11, plus spécifiquement l'entrevue de collecte d'information dans les huit jours suivant la réception de la demande d'asile, entrevue tenue par un agent fonctionnaire de la CISR.
    Nous sommes très préoccupés par la capacité de nos résidents à se présenter dans les meilleures conditions psychologiques et physiques. Nous Ie savons — et vous le savez aussi —, toute déclaration à l'une ou l'autre des instances impliquées dans une demande d'asile peut avoir des répercutions dramatiques. Dans certains cas, une personne pourra se voir retourner vers la persécution, la torture ou la mort, si sa demande est refusée.
    Nous pensons que les personnes vulnérables ont besoin de plus de temps pour retrouver leurs forces et ainsi pouvoir exprimer plus clairement ce qu'elles ont vécu dans leur pays. Pour plusieurs, on parle de persécution liée à un aspect de leur personne et parfois même un aspect allégué. Les conséquences de telles persécutions laissent des traces indélébiles sur le plan psychologique, vous en conviendrez.
    Les premiers jours suivant l'arrivée sont très difficiles pour la majorité des individus. Nous rencontrons des personnes qui ne parviennent même pas à répondre de façon cohérente à des questions qui sont pourtant bien simples. Le but de la violence organisée est de mettre les gens en état de peur constant et de détruire les liens de confiance envers les autres. Inévitablement apparaît la peur de l'autorité. Plusieurs ont des sautes d'humeur et parfois des élans de colère intense en lien direct avec la violence dont ils ont été victimes. Certains auront des idées suicidaires dans les premiers jours ou les premières semaines.
    Maintenant coupés de leurs liens sociaux et spirituels, arrivés dans un climat d'hostilité à leur égard, obligés de replonger dans cette histoire qu'ils ont vécue, certains trouveront un baume à cette douleur en se réfugiant dans le déni et dans la dissociation de la réalité. On les oriente vers des services médicaux qui les médicamentent, avec tous les effets secondaires que cela provoque.
    Je suis venu accompagné de Kemoko, qui a accepté d'être le porte-parole de nos résidents. Au cours des 20 dernières années, plus d'un millier de personnes sont passées par nos résidences. Je lui ai demandé s'il aurait été prêt pour une entrevue de collecte d'information avec un agent de l'immigration huit jours après son arrivée. Je vais laisser Kemoko répondre à la question.
(1920)
    Monsieur le président Tilson, vos excellences les membres du comité, mesdames et messieurs, bonjour.
    Je n'ai pas beaucoup de temps, mais je vais faire de mon mieux. Je suis très honoré, en tant que réfugié, de comparaître devant vous aujourd'hui pour témoigner du caractère critique de la motion relative à l'entrevue initiale et qui vise à remplacer le délai de 28 jours par un délai de huit jours.
    Me basant sur mes propres expériences, je parlerai des obstacles qui ne m'auraient pas permis d'être prêt pour cette entrevue. Je suis arrivé au Canada avec des séquelles physiques et psychologiques, comme vous pouvez le voir, causées par des actes de violence dans mon pays d'origine.
    Avant tout, j'avais besoin d'un soutien psychologique, pour m'apprendre à accepter les choses que je ne pouvais pas changer et être en mesure de parler de ce que j'avais vécu. En ce sens, il aurait été presque impossible d'être obligé de parler de ce que j'ai vécu immédiatement après mon arrivée.
    Hormis l'obligation légale et légitime de raconter mon histoire, la réalité que j'ai vécue n'est pas une réalité que j'aurais du plaisir à raconter et à me remémorer. Les nouvelles réalités légales constituent plus ou moins un fardeau. Elles étaient plus ou moins un fardeau pour moi et venaient s'ajouter à d'autres qui composent mon quotidien. J'avais besoin de développer un certain degré de confiance en moi et en les autres.
     De plus, le Canada était un nouveau territoire pour moi, un nouveau terrain à apprendre à connaître. À mon arrivée, j'étais sujet à un choc culturel considérable, défini par ce que je voyais, ce que j'entendais et ce qui m'entourait. Le désir de découvrir les attitudes de mes nouveaux voisins et de m'y adapter était presque immédiat. Ces faits devenaient pour moi une sorte de médicament pour m'aider à me remettre de mon violent passé.
    M'avoir privé de cette occasion de guérir psychologiquement en me forçant à me concentrer sur l'entrevue dans les huit jours n'aurait pas aidé ma réhabilitation.

[Traduction]

    Monsieur Kamara, il vous reste une minute.

[Français]

    Merci, monsieur.
    Le fait que j'étais confronté à une nouvelle réalité était une préoccupation suffisante pour moi, sans avoir à me soucier d'autre chose. De plus, quand je suis arrivé ici, en raison de mon apparence, partout où je passais, à l'hôpital par exemple, on me disait que j'avais besoin de médicaments. On pensait que j'avais des problèmes mentaux. On me donnait des médicaments qui me mettaient dans tous mes états. J'ai été obligé d'arrêter la plupart de ces médicaments.
    Dans mon cas, les huit jours auraient été un problème. Même maintenant, je ne suis pas prêt. Je suis en train d'apprendre comment fonctionne le système d'immigration canadien et je suis en train de m'intégrer. La Maison Haidar a été un soutien pour moi aussi, tout comme mon avocat.
    Je pense que je pourrais citer beaucoup de choses pour vous faire comprendre que vraiment, mesdames et messieurs, ces huit jours ne seront pas suffisants. Je suis une seule personne, mais beaucoup de réfugiés vous diront que ces huit jours ne sont pas assez pour nous.

[Traduction]

    Monsieur, je m'attends à ce que les membres du comité aient des questions à vous poser. Vous aurez ainsi plus de temps pour parler.
    Nous accueillons un troisième témoin, qui vient de Calgary, et qui représente la Catholic Immigration Society. D'après mes notes, notre témoin s'appelle Antoinette Godbout.
    Êtes-vous Antoinette? Ça m'a bien l'air que non.
    Non, je la remplace. Elle a eu un empêchement familial.
    Très bien. Elle est la coordinatrice du parrainage de réfugiés. Vous pourriez peut-être vous présenter au comité.
    Je m'appelle Rob Bray. En fait, j'ai déjà comparu devant le comité, il y a quelques années. Je suis gérant des services à l'enfance et à la famille au sein de la Calgary Catholic Immigration Society, qui est l'un des plus grands organismes de services aux immigrants au Canada. Je travaille dans le domaine de l'établissement des immigrants et des réfugiés depuis maintenant 24 ans.
    D'accord. Eh bien, je vous remercie d'être des nôtres. Nous allons vous donner sept minutes pour faire une déclaration au comité. Vous n'êtes pas obligé de prendre la totalité des sept minutes.
    Je ne le ferai pas. Je n'ai pas vraiment beaucoup de choses à dire. Pour être plus précis, j'en ai beaucoup à dire, mais vous avez déjà tout entendu, parce que vous avez eu l'avis du UNHCR, du Conseil canadien pour les réfugiés et d'Amnistie Internationale. Comme je répéterais en grande partie les propos de ces organismes, je n'irai pas tellement dans les détails.
    Je voulais commencer par dire quelque chose qui ne se rapporte pas vraiment à notre sujet; je veux seulement dire à quel point nous sommes heureux qu'Immigration Canada ait décidé d'augmenter le nombre de réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé et de réfugiés parrainés par le gouvernement. Antoinette m'a demandé de vous en faire part.
    En ce qui concerne le projet de loi, vous avez entendu les différentes questions qu'il soulève. À mon avis, il y a du bon et du mauvais. Il contient de très bons éléments, mais d'autres qui, à mon avis, peuvent poser problème.
    En ce qui concerne les délais de traitement des demandes d'asile, ils sont très bons. Compte tenu de la situation actuelle où des gens restent dans l'expectative pendant 18 mois ou plus, c'est très bien.
    La question de mener l'entrevue initiale dans les huit jours me préoccupe un peu moins que celle de tenir l'audience de la CISR dans les deux mois. Je m'occupe de certains dossiers présentement. Il y a celui d'un Tamoul qui doit obtenir certains documents d'identification, alors qu'il ne sait même pas si les membres de sa famille sont en vie, et encore moins s'il peut communiquer avec eux. Une autre personne, un Congolais, se trouve dans le même genre de situation. J'ai le sentiment que nous en arriverons à ce que de toute façon, les deux mois soient prolongés continuellement. Je ne sais pas s'il est vraiment nécessaire que nous fixions une limite rigide. Si c'est le cas, il faudrait peut-être que nous prolongions un peu la période de deux mois.
    L'autre question qui me pose problème concerne l'accélération du traitement. De façon générale, le problème présentement pour tous les aspects de l'immigration, et pas seulement pour ce qui est de la reconnaissance du statut de réfugié, mais aussi du traitement des demandes au gouvernement et dans le secteur privé, et des questions d'immigration en général, c'est que le système dans son ensemble manque de ressources. Si nous voulons atteindre le type d'objectifs contenus dans ce projet de loi, il nous faudra dépenser beaucoup d'argent. Il nous faudra embaucher beaucoup plus d'agents, plus de commissaires et de commis à la CISR, etc. On ne peut pas vraiment fixer des objectifs à moins d'être disposé à fournir les ressources nécessaires. À l'heure actuelle — et cela ne date pas d'hier, c'est comme cela depuis 20 ans —, beaucoup de problèmes dans le système ne sont pas causés par des problèmes structurels du système, mais simplement par le manque important de ressources.
    L'autre problème majeur pour moi, c'est la liste de pays sûrs. Ce qui me pose problème, ce n'est pas tellement la question de savoir s'il y a des pays sûrs ou non. Ce qui me préoccupe au sujet de cette liste de pays sûrs, c'est que cette question en devienne une politique et soit intégrée aux relations diplomatiques du Canada. Le fait de supprimer un pays de la liste ou d'en ajouter un aura des répercussions sur bien d'autres aspects que la réalité des simples réfugiés. Je crois que nous mettrons vraiment les pieds dans les plats si nous nous engageons sur cette voie.
    L'un des très bons points de ce projet de loi, qui me réjouit vraiment, c'est la mise sur pied de la section d'appel des réfugiés, et pas seulement parce qu'on la met en place, mais parce qu'elle sera renforcée. Je crois que c'est une très bonne initiative. C'est très important et je suis très heureux de voir cela.
    Mon dernier point porte sur les limites imposées en ce qui a trait aux appels pour des raisons d'ordre humanitaire et aux examens des risques avant renvoi. J'ai des réserves à ce sujet. Je ne suis pas avocat, mais d'après ce que je connais de la décision Singh et de la jurisprudence, je dirais que la première fois que ces questions seront soulevées en cour, elles ne seront pas tolérées.
    Comme je l'ai dit, il y a du bon et du mauvais. Il contient de très bons éléments. Tout ce que nous pouvons faire pour accélérer le processus est très bien. Je crois que l'une des choses dont nous devons nous rappeler, c'est qu'actuellement, 40 ou 50 p. 100 des gens qui font des demandes de statut de réfugié sont vraiment des réfugiés. Ces gens deviendront des Canadiens, et si nous les laissons dans l'incertitude ou dans cet enfer durant 18 mois ou plus avant que tout se règle, nous ne faisons pas en sorte que leur vie au Canada parte du bon pied. Je travaille aux services à l'enfance et à la famille et je suis très inquiet, en particulier pour certains enfants des demandeurs d'asile. Leur admissibilité est très limitée.
    En passant, je me permets de préciser qu'ici, à Calgary, pendant des années, il y avait très peu de demandes de statut de réfugié. Depuis deux ans, et en particulier l'an dernier et en ce moment, le nombre de demandes a beaucoup augmenté. Mon organisme est pratiquement le seul à Calgary qui dessert les demandeurs d'asile, ce qui explique pourquoi je suis ici.
    De toute façon, c'est vraiment tout ce que j'ai à dire. Je n'ai pas préparé de déclaration préliminaire parce que c'est seulement ce matin qu'on m'a demandé de venir ici.
    Avez-vous des questions?
(1925)
    Il y en aura peut-être, monsieur, mais pour quelqu'un qui est venu ici à la dernière minute, vous vous êtes très bien débrouillé.
    Eh bien, merci.
    Merci.
    M. Coderre du Parti libéral va vous poser quelques questions. Elle peuvent s'adresser à chacun d'entre vous.

[Français]

    Il y aura des questions pour tout le monde. Je vais partager mon temps de parole avec ma collègue Alexandra Mendes.
    J'aimerais signaler au passage qu'à mon avis, toute cette question de pays désignés constitue de plus en plus un problème qu'on devra régler. Je suis de ceux qui pensent que, chaque cas étant unique, commencer à généraliser provoque d'autres problèmes. En tout cas, on va en discuter lors de l'étude article par article.
    Je veux commencer par remercier les représentants de la Mission communautaire de Montréal. Vous êtes venus nous parler d'un point extrêmement précis et important. Il faut procéder plus rapidement, mais cela ne veut pas dire qu'il faille se hâter au point où on va manquer le bateau. J'aimerais qu'on se parle de façon plus précise. Je peux comprendre que, dans des cas comme celui de M. Kamara, une période de huit jours ne soit vraiment pas suffisante, parce qu'il faut le récupérer pour pouvoir coller les morceaux ensemble, bien l'entourer, et lui démontrer qu'il est hors de danger et qu'on va s'occuper de lui. C'est pourquoi je dis que chaque cas est unique et qu'on ne peut pas généraliser.
     On parle de huit jours. Supposons qu'on s'en donne plus et qu'on choisisse une quinzaine ou une vingtaine de jours. Sans s'arrêter au cas de M. Kamara, pensez-vous, monsieur Thibault, que ce pourrait être un amendement acceptable? Vous avez préparé le cas de l'appel à la Commission d’immigration et du statut de réfugié. Deux mois, c'est trop court. On devrait faire quelque chose — je ne sais pas, on devrait peut-être établir une durée de 90 jours. Au même titre, si on veut aider la personne, on doit aussi l'accueillir rapidement.
    Selon vous, quel devrait être l'ordre de grandeur? Si on disait 15 jours au lieu de huit jours, serait-ce satisfaisant?
(1930)
    Selon moi, avec le projet de loi, on parle de deux extrêmes. La moyenne est actuellement de 18 mois, ce qui est énorme. Je vois l'impact de ces 18 mois sur les gens qu'on suit et qui restent en contact avec nous. Il y a des effets très marqués sur ce plan. Des gens sombrent en dépression profonde parce qu'ils n'ont pas accès à la réunification familiale, entre autres. Ils n'ont pas non plus accès à l'ensemble des services, et ce, pendant 18 mois. Je connais une personne qui est arrivée à 17 ans et qui a aujourd'hui 21 ans. Il était mineur et non accompagné. Aujourd'hui, il n'a toujours pas comparu devant un commissaire. Pour moi, c'est inacceptable.
    Pour moi, proposer huit jours pour l'entrevue initiale de collecte d'information est aussi inacceptable. Je travaille dans un centre d'hébergement spécialisé pour les demandeurs d'asile vulnérables. Tout le monde n'a pas accès à nos services, tous ne sont pas référés au Projet Refuge. Il s'agit de gens qui ont été évalués par un CLSC de Montréal, le PRAIDA. Celui-ci nous envoie ces gens parce qu'il a détecté qu'ils sont peut-être plus vulnérables que la majorité des demandeurs d'asile.
    Établir une règle de huit jours, pour moi, va brimer la catégorie de personnes dont j'ai la responsabilité.
    C'est dans la réglementation, et non dans la loi. Cela veut dire qu'il peut y avoir une certaine flexibilité. Ainsi pourrait-on dire qu'on va augmenter la moyenne pour l'ensemble des cas, mais puisque votre réalité est particulière, on pourrait adopter un règlement particulier. Par exemple, on pourrait déterminer qu'un médecin ou un professionnel pourrait nous dire que le cas d'une personne est important et qu'on ne peut vraiment rien faire. Il faudrait se donner des balises et une certaine flexibilité. Cela permettrait de respecter le fait que chaque cas est spécifique. On pourrait donner une chance au réfugié plutôt que de lui dire que s'il ne se présente pas, c'est fini pour lui.
    Cela serait-il acceptable, selon vous?
    J'aimerais dire une chose avant de revenir sur la question des huit jours. Vous aviez parlé de la possibilité d'adopter un amendement et de décréter une durée de 15 jours. Vous aviez même parlé de 20 jours. Actuellement, les gens doivent remettre le formulaire de renseignements personnels, ou FRP, en moins de 28 jours. Je pense que ça fonctionne bien pour l'ensemble des demandeurs d'asile. Ça a bien fonctionné pour Kemoko et pour l'ensemble des personnes hébergées. Je parle de ceux du Projet Refuge, mais à la Romero House et à un autre refuge pour femmes à Montréal, c'est la même chose. Ça m'apparaît raisonnable parce qu'il s'agit aussi de la question des pièces d'identité, etc.

[Traduction]

    M. Bray ne cesse de faire signe de la main.
    Oui, et en fait, j'allais poser des questions à M. Bray.
    Puis-je intervenir à ce propos?
    Oui, j'allais terminer, mais d'accord, allez-y, monsieur Bray.
    Le délai, c'est une chose. Le plus important, c'est l'accès à des conseils sous une forme ou une autre. Comme j'ai déjà rempli ces formulaires de renseignements personnels, je sais que lorsque les demandeurs d'asile les remplissent eux-mêmes, très souvent, ils ont des problèmes. Si nous disposons de huit jours, si nous pouvons avoir recours à des conseillers compétents — voire un technicien juridique — qui aident le demandeur à comprendre ce qu'il doit inscrire, quelles questions lui seront posées et quels renseignements il doit obligatoirement fournir, essentiellement, le contexte culturel de ce qui se passera... Je ne sais pas si on peut le faire en huit jours. Ce que je veux dire, c'est que comme il y a les fins de semaine, les longues fins de semaine, etc., je crois que huit jours, ce n'est pas raisonnable. Une période de 16 jours serait préférable, une période de 21 jours, ce serait encore mieux, car il faut vraiment que le demandeur ait le temps de comprendre le processus par lequel il passera.
    L'autre chose, c'est que je n'en sais pas encore assez sur la nature de cette entrevue, le genre de questions qu'on posera aux demandeurs, la recevabilité de ce qui sera dit. Il nous faut plus de renseignements avant que nous puissions vraiment nous prononcer là-dessus.
(1935)
    Monsieur Bray, je ne veux pas vous interrompre indûment, mais je veux poser d'autres questions, et j'ai peu de temps. J'ai une question à vous poser. J'allais vous poser une question sur l'article portant sur les motifs d'ordre humanitaire qui est remis en cause dans ce projet de loi, ou en fait, qui est analysé de façon négative, à mon avis. Selon vous, comment devrions-nous nous y prendre avec les considérations humanitaires?
    Cela va quelque peu au-delà de ma compétence.
    Les considérations humanitaires constituent un élément extrêmement important de sécurité dans le système. La définition d'un réfugié est très restreinte, et il y a des personnes qui sont dans des situations difficiles et qui ont vraiment de très bons motifs de craindre pour leur vie, mais elles ne cadrent pas nécessairement avec la définition. Nous devrions conserver les considérations humanitaires. Si nous le faisons, il nous faut inclure la peur pour être en mesure de sauver des gens. Il ne faut pas qu'une autre Mexicaine se fasse tirer dessus après avoir vu sa demande refusée, même si on avait d'assez bonnes preuves qu'elle était en danger si on la renvoyait dans son pays, Ensuite, restreindre l'accès pour les gens qui viennent de pays sûrs, ce qui, je crois, est contenu dans le projet de loi, n'a pas de sens du tout, parce que c'est précisément les personnes qui viennent de ces supposés pays sûrs...
    Merci de votre réponse.
    Je veux seulement poser la question en français. Cela prendra deux secondes.
    Le président: D'accord.

[Français]

    Mme Alexandra Mendes: Monsieur Thibault, que pensez-vous de la question des considérations humanitaires? Est-ce un élément nécessaire pour protéger l'accès à des recours?
    Selon notre expérience, on a vu des gens qui ont été acceptés pour des considérations humanitaires. C'étaient des gens qui auraient probablement été acceptés s'il y avait eu un appel.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Monsieur Thibault, on a parlé de la question du délai initial pour l'entrevue. On a parlé des 28 jours existants. La plupart des groupes et des individus qui se sont présentés devant nous ont suggéré que de conserver les 28 jours serait plus approprié.
    Pour ce qui est du délai maximal, on peut le demander si nécessaire. On comprend tous que si des gens le veulent, ils peuvent faire accélérer les démarches et c'est tant mieux, mais c'est un délai qu'on laisserait à ceux qui en auraient besoin. Ainsi, plusieurs groupes nous suggéraient de porter le délai maximal jusqu'à 120 jours pour une première audience.
    Croyez-vous que ce soit une bonne limite à fixer pour l'audience devant le tribunal? Sinon, en avez-vous une autre à suggérer?
    Deux mois, c'est trop court. Il y a gens qui, en deux mois, n'ont pas le temps de réunir les pièces d'identité nécessaires à un commissaire pour accorder la protection à cette personne.
    Comme madame, j'ai accompagné beaucoup de personnes à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et la question de l'identité est cruciale pour le commissaire. Si le commissaire n'est pas convaincu que la personne qui comparaît devant lui est bien M. Untel, même s'il croit son histoire, même si tout ça est en place pour en faire une personne protégée, le commissaire ne pourra pas lui accorder le statut de réfugié et il va rejeter sa demande. Un délai de deux mois, pour certaines personnes, c'est beaucoup trop rapide. Je crains que la demande de certaines personnes ne soit refusée à cause de ça.
    Alors, dans ces conditions, il m'apparaît beaucoup plus raisonnable qu'on suggère 120 jours. Surtout par rapport au délai actuel de 18 mois, et même plus dans certains cas, un délai de 120 jours m'apparaît raisonnable.
    J'aimerais revenir sur la question de l'entrevue. Le gouvernement nous a souvent présenté ça comme une méthode plus amicale pour le demandeur, puisqu'il s'agit d'un contact humain: il raconte son histoire et, ainsi, il n'a pas besoin de remplir des formulaires de toutes sortes. Par contre, d'autres groupes nous ont dit que c'était plus intimidant que de remplir le formulaire en compagnie de son conseiller.
    Avez-vous une préférence quant au modèle de la collecte initiale de données?
(1940)
    En fait, ce que je comprends de l'entrevue dans les huit jours, c'est que ça se fait en une seule étape. On rencontre la personne le mardi après-midi et ça finit là. Ça dure une heure, une heure et demie ou je ne sais combien de temps, alors qu'avec le formulaire, le délai peut être de 28 jours. Je connais certains avocats qui rencontrent la personne deux fois, trois fois ou même plusieurs fois. La première fois, il y a des éléments qui lui échappent. L'histoire se construit au fur et à mesure de la réhabilitation de la personne.
    Donc, vous préféreriez garder le format écrit, plutôt que de procéder par entrevue.

[Traduction]

    Monsieur le président, puis-je...

[Français]

    En fait, s'il y avait une entrevue, je souhaiterais qu'elle soit enregistrée et que le verbatim soit remis aux trois parties: l'intervieweur garderait sa partie pour la remettre au gouvernement, le demandeur garderait la sienne pour lui et le décideur aussi pourrait avoir le verbatim de l'entrevue.
    Pour avoir accompagné à l'entrevue initiale, ce qu'on appelle l'entrevue d'admissibilité...
    Monsieur St-Cyr...
    Je voudrais juste entendre la fin de la réponse de M. Thibault.
    L'entrevue d'admissibilité devrait en principe se tenir dans un contexte neutre, mais ce n'est pas ce que je vois. Je crains que ça ne se passe de la même manière avec l'entrevue de collecte d'information. L'agent collecteur d'information pourrait être subjectif, faire une omission ou couper la parole à la personne et ne pas lui permettre de nuancer ses réponses.
    Je crains un peu cette entrevue parce que, comme je vous l'ai dit plus tôt, toute parole prononcée devant une autorité de l'immigration peut avoir des conséquences sur la suite du dossier. Alors, j'ai cette crainte.

[Traduction]

    Mme Leddy fait signe de la main.
    Allez-y, madame Leddy.
    Je crois que cette entrevue initiale ressemble beaucoup aux entrevues de point d'entrée auxquelles j'ai pris part plusieurs fois. Il y a des problèmes très graves, tout d'abord en ce qui a trait à la compétence des fonctionnaires. Lorsque nous vérifions les notes prises au point d'entrée que les fonctionnaires ont écrites au cours des entrevues, nous constatons très souvent qu'ils n'ont pas écrit correctement les acronymes des partis politiques, qu'ils ont mêlé les questions sur le contexte d'un pays. Étant donné l'incompétence actuelle de la fonction publique, si nous comptions sur leurs entrevues et leurs notes, qui sont souvent mal traduites, ce serait une très grave injustice, et cela nous préoccupe beaucoup. En fait, laisser le demandeur écrire son histoire dans ses propres mots, c'est une question d'équité fondamentale.
    Vous disposez d'une minute.
    Oui monsieur, allez-y.
    J'ai une remarque très brève.
    Tout d'abord, à certaines occasions, j'ai vu des entrevues visant à déterminer la recevabilité durer 14 heures. Si nous disons que les gens doivent raconter leur histoire, et que nous nous attendons à ce que les gens, qui ont peut-être été torturés, agressés sexuellement ou détenus dans une prison, divulguent à un fonctionnaire du gouvernement canadien des renseignements personnels sur les expériences difficiles et traumatisantes qu'ils ont vécues, je suis profondément inquiet des effets qu'aura ce type d'entrevues.
    Ce qui est bien avec le formulaire de renseignements personnels, c'est qu'on peut prendre le temps de le remplir soigneusement, de réfléchir. C'est neutre; on ne regarde pas quelqu'un dans les yeux lorsqu'on raconte qu'on s'est fait violer. Je suis inquiet à propos de ces entrevues.
    Monsieur Bray, Mme Chow va vous poser des questions, mais avant qu'elle le fasse, je veux savoir si ce qui est accroché au mur derrière vous, c'est bien un chandail de hockey?
    Oui, en fait, c'est bien un chandail de hockey.
    De quelle équipe? Ce n'est pas le chandail de l'équipe d'Ottawa.
    Je ne le sais pas.
    C'est un chandail des Flames.
    La parole est à Mme Chow.
    Je devrais invoquer le Règlement, monsieur le président, car c'est agaçant. Je viens de Montréal. Nous allons garder Cammalleri.
    Comme d'habitude, je suis désolé d'être intervenu.
    Au moins, votre équipe a participé aux séries éliminatoires.
    Mme Chow va vous poser des questions à tous.
(1945)
    Tout d'abord, je veux remercier Gift, M. Gutierrez et M. Kamara d'être venus nous parler de leur expérience. Merci beaucoup. Après tout, notre discussion porte vraiment sur les réfugiés, leur vie et ce qui se produirait s'ils étaient renvoyés dans leur pays d'origine.
    Je veux également prendre le temps de remercier Mary Jo Leddy, que j'admire depuis bon nombre d'années pour son travail.
    En ce qui vous concerne, monsieur Thibault, que je ne connais pas très bien, j'ai certainement entendu de bonnes choses sur le travail effectué par la mission.
    Monsieur Bray, j'ai entendu parler du travail que vous faites à Calgary.
    D'après vos propos, je crois qu'il est très clair que tous les trois, vous êtes d'avis qu'il est totalement injuste de désigner des pays sûrs et de refuser à des personnes venant de pays comme le Mexique ou le Nigeria le droit de faire appel. Ma supposition est-elle exacte? Est-ce bien cela? Est-ce l'article 109 que vous voulez supprimer? Ma supposition est-elle exacte? Je pense que c'est le cas.
    Comme vous pouvez le constater, les membres du comité s'entendent, je crois, sur le temps qu'il faut pour obtenir les renseignements, sur le fait qu'on ne doit pas précipiter les choses et sur le fait que les considérations humanitaires sont importantes.
    Je veux mettre l'accent sur la question des pays sûrs, car il s'agit d'une question de vie ou de mort. Je pense que c'est extrêmement important. Je suis très encouragée. J'ai entendu au moins trois membres du Parti libéral dire qu'ils ne voudront peut-être pas appuyer l'idée des pays sûrs. Toutefois, le porte-parole a dit qu'il le ferait. J'ai également entendu M. Ignatieff dire ceci:
Nous ne pouvons pas accepter les demandes de statut de réfugié venant d'un certain nombre de pays, car elles ne sont pas justifiées et les demandes venant de ces pays n'ont pas de motifs valables. C'est peu rudimentaire, mais autrement, il y aura des faux réfugiés, ce dont personne ne veut.
    C'est ce qu'il a déclaré à la Chambre de commerce de Saint John, le 13 août de l'an dernier.
    Arrêter l’horloge.
     Vous invoquez le Règlement, monsieur Coderre.
    Je ne fais que lire une citation.

[Français]

    Monsieur le président, après 14 ans à titre de député, je croyais que les règles de la Chambre des communes s'appliquaient également aux comités. Je ne trouve pas ça acceptable que ma collègue Mme Chow commence à dire des choses alors que le porte-parole n'est pas présent, qu'elle parle de quelqu'un en son absence.
    Qui plus est, nos trois groupes d'invités doivent savoir qu'on n'a pas cessé de parler contre la notion des pays désignés. J'aimerais donc obtenir une information à cet égard: a-t-on le droit de parler de quelqu'un en son absence?

[Traduction]

    Madame Chow, le rappel au Règlement est valable. Veuillez vous abstenir de répéter ce que vous avez fait.
    Oh, alors je ne dois pas en parler. Je lis une citation, et elle fait allusion à des gens provenant de pays prétendument sûrs.
    Madame Chow, le recours au Règlement visait à vous rappeler que vous ne pouvez faire allusion à un député qui n’est pas présent.
    Oh, je n’ai pas dit qu’il n’était pas ici.
    Je vous ai entendu le dire.
    Fort bien. Peu importe. Je ne soutiendrai pas cela.
     En fait, j’ai entendu des commentaires mardi. Je peux citer des gens. C’est ce qui me préoccupe énormément.
    Monsieur le président, je n’ai pas été en mesure d’entendre la citation, car deux conversations avaient lieu en même temps.
    Je n’essaie pas d’être déraisonnable. Cela m’inquiète parce que les propos disaient assez clairement que si une personne était originaire d’un certain pays, elle ne devrait même pas être entendue et que la règle était « dure et simple ». Si vous venez de ces pays et que vous n’avez pas de motifs valables, on ne devrait même pas vous entendre.
     Je ne suis pas d’accord avec cela. Je veux qu’au moins, ces personnes soient entendues et qu’elles puissent faire appel.
     Madame Chow...
     Arrêtez l’horloge.
     Madame Chow, j’ai effectivement dit à M. Dykstra que nous étions plutôt indulgents ici. Vous pouvez parler pendant la totalité des sept minutes qui vous ont été accordées et ne poser aucune question, mais ce qui est problématique, à mon avis, c’est que vous commencez maintenant à débattre du sujet. Ces audiences visent à interroger les témoins. Vous pouvez le faire simplement en formulant des observations et en demandant aux témoins d’y répondre. Malheureusement, vous entamez un débat, et je ne crois pas que ce soit le bon moment de le faire.
     Repartez l’horloge.
(1950)
    Je ne vais pas me lancer dans un débat. Je vais poser à Mme Leddy la question suivante. Si les gens avec lesquels vous travaillez n’ont pas la chance d’obtenir une audience, ou s’ils en obtiennent une, mais qu’on ne les autorise pas à faire appel, qu’est-ce qui pourrait se produire, par exemple?
    Me posez-vous la question?
    Oui. Pourquoi la notion de « pays sûr » est-elle problématique?
     Je pense que la notion de « pays sûr » nous cause un vrai problème en raison du nombre de Mexicains que nous hébergeons. C’est aussi une question de principe, parce que cette année c’est le Mexique mais, l’an prochain, ce sera un autre pays, puis un autre et un autre. D’ailleurs, comme nous l’avons constaté au cours de cette année, la principale difficulté consiste à trouver quelqu’un qui est en mesure de déterminer qu’un pays est sûr. En ce moment, dans le cas du Mexique, le ministre a déclaré publiquement que les réfugiés mexicains étaient des imposteurs, une déclaration qui a eu de graves conséquences. En effet, cela a poussé la Commission de l’immigration et du statut de réfugié à prendre des décisions en série. Ce que je veux dire, c’est que, si la liste des pays désignés est dressée par des politiciens, comme nous l’avons amplement constaté aujourd’hui pendant la visite du président Calderon, alors la liste sera complètement politisée et les droits de la personne seront relégués au second plan, après le commerce et le tourisme.
     Cette question est extrêmement problématique et, à mon avis, la seule façon de la régler est de confier la désignation des pays sûrs ou moins sûrs à un organisme complètement indépendant. Je pense qu’un autre témoin a dit — et je le crois complètement — que vous auriez un sérieux problème politique sur les bras si le gouvernement commençait à déclarer que certains pays étaient sûrs alors que d’autres ne l’étaient pas. Ce sera la pagaille.
    S’il vous plaît.
     J’ai une observation à faire à ce sujet. Je peux vous raconter une histoire très simple qui illustre la nature du problème. Il y a quelques années, un couple de Nicaraguayens vivait ici, au Canada. Il y avait beaucoup de violence familiale au sein du couple. D’ailleurs, le mari avait été reconnu coupable de voies de fait mais, comme cela se produit souvent dans les cas de violence familiale, le couple s’était réconcilié. Puis les sandinistes ont perdu le pouvoir — en fait, il y avait eu une élection —, et le couple est retourné au Nicaragua.
     Environ deux ans plus tard, elle est revenue au Canada. Comme elle avait été absente plus de six mois, elle avait perdu son statut de réfugiée au Canada. Elle a essayé de le revendiquer de nouveau, mais sa demande a été rejetée parce que le pays d’où elle venait était démocratique et respectait la primauté du droit et que, par conséquent, elle pouvait s’adresser à la police. Elle leur a fait remarquer que, son mari étant commandant adjoint de la force policière nationale, cela posait un problème. Il est très probable que, si elle était restée là-bas, elle serait morte. Elle a été en mesure de présenter une demande CH qui a été acceptée. Elle vit désormais au Canada et s’en tire très bien.
     Si le Nicaragua, qui est une démocratie et qui respecte la primauté du droit, avait figuré sur une liste de pays sûrs, elle n’aurait pas été en mesure de présenter une demande, et elle serait morte aujourd’hui. Voilà qui explique très clairement et concrètement pourquoi des gens mourront si nous restreignons les appels.
    Merci beaucoup, monsieur.
     C’est au tour de Mme Wong du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs, d’être venus participer à la séance du comité. Nous apprécions vraiment le temps que vous nous consacrez et les connaissances que vous nous communiquez.
     Avant d’aller plus loin, je veux d’abord faire quelques observations pour clarifier certains points. Premièrement, M. Bray a mentionné qu’il faudrait accorder des fonds supplémentaires. Oui, ce projet de loi prévoit des fonds supplémentaires pour deux secteurs. D’abord, on embauchera ce qu’ils appellent des agents de la CISR; ce seront des fonctionnaires, mais ces postes ne seront pas nécessairement occupés par les fonctionnaires actuels. Il est évident que vous n’êtes pas satisfait du système actuel, parce que vous êtes préoccupé par la qualité du personnel. Le président de la commission nous a assuré l’autre jour — et il reviendra nous voir — qu’ils ne recruteraient pas seulement des fonctionnaires déjà au service du gouvernement et que les recrues recevraient une formation intensive pour veiller à ce qu’elles connaissent la culture et les techniques employées dans le cadre des audiences de premier et de deuxième palier.
     Le directeur général des Affaires des réfugiés du ministère de l’Immigration est également venu plus tôt cet après-midi et nous a précisé que la première entrevue servait à recueillir des renseignements. De plus, certaines de vos suggestions font déjà partie de leurs recommandations. Le directeur général a dit que l’entrevue serait enregistrée, qu’un rapport écrit serait également produit, et que l’enregistrement et le rapport seraient remis au demandeur ainsi qu’à son avocat, s’il en avait un.
     En ce qui a trait au financement, j’ai mentionné précédemment que des fonds supplémentaires seraient alloués et que du personnel supplémentaire serait embauché pour effectuer le traitement du début, sans quoi il y aurait encore un arriéré. En outre, des fonds seront alloués pour les mesures d’expulsion parce que très souvent, lorsqu’on découvre qu’il s’agit de faux réfugiés, on ne peut pas les expulser, et ils finissent par demeurer ici.
    Ma question s’adresse à vous tous. Croyez-vous que le système actuel est préférable aux réformes?
(1955)
    Comme je l’ai dit, en un certain sens oui, et en un certain sens non. Les réformes proposées prévoient la création d’une section d’appel des réfugiés dont nous avons désespérément besoin. Si nous en avions une, il n’y aurait pas un tel arriéré de demandes CH et d’ERAR, et leurs résultats ne seraient pas aussi déplorables.
     Par contre, je trouve l’entrevue personnelle et les tiers pays sûrs problématiques. Certains aspects sont bons, et d’autres le sont moins.
    Encore une fois, en ce qui concerne les pays sûrs désignés, on nous a expliqué que certaines populations de certains pays seraient considérées comme vulnérables. En outre, avant de dresser la liste, des évaluations seront menées par des groupes d’experts, et nous obtiendrons les suggestions du Haut Commissaire des Nations Unies, qui enquêtera sur la situation au chapitre des droits de la personne.
     Je vais partager mon temps de parole avec M. Rick Dykstra.
     Gustavo, j’ai une question à vous poser. Le président du Mexique a parlé à la Chambre des communes ce matin, et il a dit, entre autres choses, qu’il espérait sincèrement que la solution que le Parlement étudiait en ce moment et qui découlait de vastes modifications apportées au droit des réfugiés agirait également comme un pont favorisant la reprise des échanges de visiteurs. Il soutient les changements que nous apportons à nos lois sur les réfugiés afin d’améliorer le processus.
     Je comprends votre point de vue et votre frustration mais, en 2009, nous avons reçu plus de 10 000 demandes d’asile de la part de Mexicains, dont 90 p. 100 ont été refusés parce qu’elles ne devaient pas être considérées…
     Mary Jo, j’aimerais simplement que Gustavo écoute ce que j’ai à dire, parce que c’est très important.
     Il fallait que nous prenions une décision. Nous ne cherchions pas à faire du mal à qui que ce soit; nous nous efforcions de désengorger un système. J’ai lu quelques renseignements sur votre passé, et je comprends que vous viviez dans la crainte au Mexique, mais je sais également qu’un certain nombre de Mexicains ont revendiqué le statut de réfugié bien qu’ils n’en soient pas. Nous voulons désengorger le système afin qu’il puisse aider les gens qui en ont besoin et qui doivent venir au Canada pour être en sécurité.
     Ce genre de systèmes ne vous a-t-il pas incité à venir au Canada, et ne voudriez-vous pas qu’il fonctionne?
    En ce qui concerne les chiffres de 2009, comme vous le savez, depuis 2007, la violence ne cesse d’augmenter au Mexique. Le nombre de demandeurs s’est accru pendant cette guerre, et bon nombre de gens ont été touchés par cette violence. Je ne peux pas dire si les demandes d’asile de 2009 étaient valides ou non, mais on peut constater que le nombre de demandeurs s’accroît au Mexique en raison de la violence croissante provoquée par cette guerre.
(2000)
    Vous êtes frustré par la lenteur du système. Ce problème est en partie imputable au fait qu’au Canada, des gens qui ne sont pas de véritables réfugiés revendiquent ce statut. C’est pourquoi nous tentons de rectifier le système. C’est le résultat que nous cherchons à atteindre. Je veux simplement que vous compreniez qu’une partie de ce que nous faisons en ce moment vise à améliorer le système.
     Monsieur Dykstra, pourrais-je dire quelque chose, s’il vous plaît?
     Pour suivre votre logique — et je ne crois pas que Gustavo dirait cela lui-même… Sa demande d’asile a été refusée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour la même raison que celle qui a été communiquée à tous les Mexicains, à savoir qu’ils étaient des imposteurs, que le Mexique était une démocratie et que les démocraties respectent les droits de la personne. Donc, en voulant régler ce que vous appelez un « arriéré », vous avez refusé de nombreux réfugiés légitimes, et vous les avez qualifiés d’« imposteurs ».
     Quand les Canadiens entendent l’histoire de gens comme Gustavo ou entendent parler de directeurs de banque, d’avocats, d’écrivains et de propriétaires d’entreprise qui sont venus ici et qui ont été traités de faux réfugiés, je ne crois pas que cela leur plaît. Donc, je comprends que…
    Mary Jo, selon les sondages que nous avons reçus, 80 p. 100 des Canadiens veulent que nous modifiions le processus d’asile, car il ne fonctionne pas.
     Ce que j’essaie de dire…
    Et 100 p. 100 des réfugiés le souhaitent également.
    Monsieur le président, j’invoque le Règlement...[Note de la rédaction: inaudible]
    Non. C’est mon…
    Arrêtez l’horloge — non pas que cela importe puisque nous avons largement dépassé le temps dont nous disposions.
     M. Karygiannis a invoqué le Règlement.
    Monsieur le président, je pense que, par courtoisie, nous devrions permettre au témoin de répondre aux questions sans être interrompu.
    Monsieur Dykstra, vous avez la parole.
    Des voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    Le président: Un peu de silence, s’il vous plaît?
    Mon temps est…
    Vous n’en avez plus. Vous avez seulement le temps de poser une question.
    Mary Jo, si ces décisions sont prises en série, comment expliquez-vous que 10 p. 100 des demandeurs aient reçu le statut de réfugié ici au Canada? Le reste du monde pense que notre système est excellent. Nous comprenons qu’il est nécessaire de le modifier. En vérité — et j’espère que j’arriverai au moins à vous le faire admettre —, il faut que nous améliorions notre système actuel parce qu’il ne fonctionne simplement pas.
    Monsieur Dykstra, j’admets que votre inquiétude est sincère, et nous la partageons tous, mais nous devons trouver une manière plus constructive de régler cette question que de la confier à un gouvernement qui se préoccupe du tourisme et de ses échanges commerciaux avec le Mexique, et qui fait fi de tous les rapports sur les droits de la personne dont le Mexique fait l’objet.
    Nous aimerions en entendre davantage mais, malheureusement, nous avons largement dépassé l’heure à laquelle nous devions terminer. Un autre groupe comparaît après vous.
    Mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier de la contribution que vous avez apportée au comité. Nous apprécions le temps que vous nous avez consacré et les observations que vous nous avez communiquées. Merci beaucoup.
    La séance est suspendue.

(2005)
    Nous allons poursuivre la séance.
     Mesdames et messieurs, nous nous rapprochons de la fin d’une séance de trois heures — en fait, cela fait six heures —, alors j’espère que nous n’aurons pas l’air trop étourdis. Nous nous efforçons d’entendre autant de témoins que possible.
     Ici, à Ottawa, nous accueillons Sharalyn Jordan qui représente le Rainbow Refugee Committee et, par vidéoconférence, nous saluons Huseyin Pinarbasi qui se trouve à Toronto et qui représente le Kurdish Community and Information Centre.
     Merci. Il faut simplement que je vous nomme, monsieur. Je ne suis pas très doué pour prononcer les noms.
     Nous saluons également Dogan Dogan, un analyste. Je vous remercie de votre présence.
    C’est exact, monsieur. Merci. Je vous en suis reconnaissant.
     Votre organisation et celle de Mme Jordan ont chacune sept minutes pour faire un exposé au comité.
     Nous allons commencer par Mme  Jordan du Rainbow Refugee Committee. Madame Jordan, vous avez jusqu’à sept minutes pour donner votre exposé. Je vous remercie d’être venue.

[Français]

    Au nom des gens du Rainbow Refugee Committee à Vancouver, je veux vous remercier de cette occasion de présenter notre perspective à l'égard du projet de loi C-11.

[Traduction]

    Le système de protection des réfugiés du Canada sert de modèle à d'autres, non parce qu'il est parfait, mais parce qu'il réussit mieux que la plupart à honorer les engagements internationaux que nous avons pris pour protéger la vie edemmentt la sécurité des personnes qui risquent d'être persécutées. Cette fin fondamentale doit se trouver au coeur de toute tentative de réforme.
    Le Canada est un chef de file mondial au chapitre de la protection des réfugiés qui risquent d'être persécutés en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre. Notre pays fut l'un des premiers à reconnaître que l'homophobie et la transphobie peuvent conduire à de la persécution; aujourd'hui, 21 pays font de même. La protection ainsi offerte est essentielle dans un monde où les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et allosexuelles sont toujours victimes de persécution dans au moins 80 pays.
    Rainbow Refugee appuie les efforts qui visent à accélérer le processus, ce qui réduirait le temps que les demandeurs passent dans l'incertitude. Nous considérons l'efficacité et l'équité comme des objectifs complémentaires. Toutefois, nous craignons que le projet de loi C-11 lèse l'équité et que les demandeurs d'asile lesbiens, gais, bisexuels et transgenres soient particulièrement désavantagés. Ces préoccupations sont fondées sur 10 ans d'expérience dans le domaine et sont partagées par d'autres groupes de soutien de réfugiés LGBT, soit SOY Express à Toronto et AGIR à Montréal.
    Nos membres ont fui des pays dans lesquels ils étaient surveillés ou s'étaient fait arrêter, emprisonner, extorquer et, dans certains cas, torturer en raison de leur sexualité ou de leur identité de genre. Pour survivre, ces personnes ont dû apprendre à vivre dans le silence, à être vigilantes et à rester cachées. Or, les répercussions de la persécution et des traumatismes, qui poussent les personnes à se taire, ne s'effacent pas dès leur arrivée. Je connais un homme qui a passé 27 jours en détention avant de trouver le courage de dire à son avocat de service qu'il était homosexuel. Qu'aurait-il dit pendant une entrevue après huit jours? Le délai accéléré proposé dans le projet de loi C-11 ne permettra pas aux demandeurs LGBT de bien se préparer, ni de bien préparer leurs documents. Le fait de tenir des audiences sans preuve solide mènera à des décisions mal fondées et à davantage d'appels — ce qui n'est ni juste, ni efficace.
    Nous accueillons favorablement la mise en oeuvre tant attendue de la Section d'appel des réfugiés. Le droit à un examen du fond est essentiel à l'équité. Aussi, l'appel devrait tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents, et non seulement des nouveaux ou de ceux qui n'étaient pas disponibles auparavant. Ce point a de l'importance pour nous parce qu'il est très difficile pour les demandeurs LGBT de trouver des preuves de la situation du pays. Nos membres emportent tous les éléments de preuve qu'ils ont à leurs audiences.
    Je connais un homme homosexuel qui a échoué son ERAR puisqu'on ne tient compte que des nouveaux éléments de preuve. Le Canada était prêt à expulser cet homme vers un pays qui criminalise l'homosexualité parce qu'il n'avait pas de nouveaux éléments pour prouver qu'il serait ciblé.
    Les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres qui risquent de subir des torts graves dans leur pays d'origine dépendent largement des filets de sécurité que constituent les demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire. Il est très difficile de déterminer à quel moment l'homophobie et la transphobie se transforment en persécution. Les commissaires ont de la difficulté à prendre cette décision. Les renseignements fiables sont rares, et il y a une grande différence entre les lois officielles et la situation sur le terrain.
    Prenez l'exemple d'une de nos membres dans le cas de laquelle les torts subis sont devenus persécution. Angela vient d'un pays d'Afrique occidentale. Lorsque son père a appris qu'elle est lesbienne, il l'a battue. Elle a été expulsée de son église. Les rumeurs se sont répandues. Les habitants de la ville ont commencé à lancer des pierres à sa fenêtre. Il est devenu impossible pour elle de sortir sans se faire harceler. Elle a aussi échappé de justesse à un groupe de jeunes hommes qui menaçaient de la violer, attaque au cours de laquelle elle a reçu un coup de couteau.
    Or, la protection ne lui a pas été accordée en vertu des articles 96 et 97. Le commissaire l'a trouvée crédible, mais il a jugé qu'elle serait protégée par l'État puisque les lois de son pays ne criminalisent que l'homosexualité masculine. Angela habite au Canada depuis plus de deux ans. Elle travaille dans un bureau et une de ses collègues est entrée dans sa vie. Elle a trouvé une église qui l'a accueillie à bras ouverts. Toutefois, les dispositions du projet de loi C-11 empêcheraient à Angela de faire une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire.
    Si nous avons l'intention de définir aussi rigoureusement les limites de la protection des réfugiés, nous devons alors permettre de porter appel pour des raisons d'ordre humanitaire. Je vous recommande fortement d'éliminer l'interdiction de déposer des demandes faites pour des raisons humanitaires et de retirer l'exigence insatiable de prendre le risque en considération dans le cadre de telles demandes.
    De plus, nous nous opposons fermement au fait d'accorder au ministre le pouvoir de créer une liste de pays désignés qui élimine le droit d'appel selon la nationalité. La liste est contraire aux principes d'égalité devant la loi, elle pourrait politiser la protection et elle place des décisions de vie ou de mort entre les mains d'une seule personne. La liste de pays désignés sûrs est extrêmement dangereuse pour les demandeurs lesbiens, gais, bisexuels et transgenres. Il serait terriblement facile de décider qu'un pays est sûr en se fondant sur des renseignements imprécis ou incomplets au sujet des conditions réelles sur le terrain.
(2010)
    Une liste de pays sûrs ne peut tenir compte de la complexité et des variations qui existent actuellement sur le plan de la persécution et de la protection des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou transgenres. Le Brésil pourrait-il figurer sur la liste? C'est là qu'a lieu le plus grand défilé de fierté gaie au monde — plus de trois millions de personnes participent aux célébrations —, mais c'est aussi le pays qui a le plus haut taux de meurtres homophobes au monde. Le Brésil serait-il sur la liste des pays sûrs parce que ces meurtres sont signalés ou serait-il sur la liste des pays dangereux parce que ces meurtres sont commis et la police semble incapable de les empêcher? De son côté, l'Afrique du Sud reconnaît le mariage homosexuel, et pourtant, les organismes de défense des droits de la personne qui s'y trouvent signalent 10 cas de viols correctifs de lesbiennes par semaine, et la police omet de mener des enquêtes. En outre, nous avons entendu un homme dire que Bogotá est une ville où il fait bon être gai, tandis qu'un autre nous a dit, après avoir passé 10 ans à se déplacer pour tenter d'échapper à des menaces de mort, que c'est une ville terrifiante. Ainsi, au sein d'un même pays d'origine, la vulnérabilité des gens et l'accès à la protection de l'État varient considérablement selon la classe sociale, la race, le sexe, la religion et les réseaux sociaux d'une personne. C'est justement lorsque la situation du pays semble sûre sur papier que les décisions relatives aux réfugiés lesbiens, gais, bisexuels ou transgenres sont les plus complexes et que le filet de sécurité que constitue le droit d'appel est essentiel.
    Pouvez-vous conclure, madame Jordan?
(2015)
    Les ministres affirment qu'il faut une liste de pays sûrs pour résoudre le problème des augmentations soudaines de demandes infondées. Or, une autre façon de régler la situation serait de permettre aux services frontaliers du Canada de désigner un pourcentage de demandes que la Commission du statut de réfugié entendrait en priorité. Cette solution est conforme à la position du UNHCR, contrairement à l'interdiction de porter appel.
    Au moment de vous atteler à la tâche importante de réformer le système de protection des réfugiés, je vous implore de ne pas oublier qu'avec toute décision relative au statut de réfugié se jouent la vie et la sécurité de quelqu'un. Les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et allosexuelles du Canada ont travaillé fort pour obtenir les droits qu'elles ont aujourd'hui. Nous prisons énormément ces droits et nous sommes très conscients du besoin de protéger les personnes dont la vie et la sécurité sont menacées par les formes les plus horribles d'homophobie et de transphobie. J'espère que vous donnerez du poids aux points de vue des personnes qui travaillent directement avec ces réfugiés et que vous créerez une mesure législative qui améliore le système tout en protégeant la vie et la sécurité des gens.
    Merci.
    Messieurs Pinarbasi et Dogan.
    Je vais commencer et si M. Pinarbasi veut continuer, il fera la prochaine partie.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, je me nomme Dogan Dogan. Je suis citoyen canadien d'origine kurde et j'habite à Toronto, en Ontario. Je travaille actuellement au Kurdish Community and Information Centre, où je présente des recommandations au président et au conseil d'administration sur des questions relatives aux Kurdes et à leur communauté. Je suis titulaire d'une maîtrise ès sciences en économie et finance internationales de l'Université Brandeis, à Waltham, aux États-Unis, ainsi que d'une maîtrise en administration des affaires de l'Université Suffolk, à Boston.
    Au nom du Kurdish Community and Information Centre de Toronto, je suis ici en compagnie de M. Huseyin Pinarbasi pour parler du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales.
    Le Canada est membre du G8. Son PIB par habitant, son niveau de vie, son système de soins de santé, son système d'éducation, sans compter...
    Monsieur Dogan, je suis désolé de vous interrompre. On traduit votre déclaration vers le français et on aurait besoin que vous ralentissiez un peu.
    D'accord.
    Merci.
    Certainement. Je vais reprendre le troisième paragraphe. Le Canada est membre du G8. Son PIB par habitant, son niveau de vie, son système de soins de santé, son système d'éducation, sans compter tout ce qu'il offre aux demandeurs d'asile et sa réputation en matière des droits de la personne sont tenus en grande estime de par le monde. Par conséquent, il s'agit d'une destination populaire, tant pour les demandeurs d'asile que pour les passeurs de clandestins et les trafiquants de personnes.
    Pour s'acquitter de son obligation morale, comme tous les pays développés, le Canada fournit un foyer sûr aux demandeurs d'asile conformément à la convention relative aux réfugiés de l'ONU, en vertu de laquelle les personnes qui fuient la persécution sont acceptées. Le Canada juge les demandes en se fondant sur la Convention de Genève de 1951, aux termes de laquelle un réfugié est une personne qui « crai[nt] avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».
    On peut justement s'attendre à ce qu'une partie des demandeurs d'asile qui arrivent au Canada soient faux et fabriqués par des éléments criminels organisés transnationaux. Pour cette raison, les objectifs du gouvernement visant à corriger le système dysfonctionnel de protection des réfugiés afin de décourager les passeurs de clandestins, les trafiquants de personnes et les faux demandeurs d'asile de faire du Canada leur destination sont peut-être raisonnables et bien vus. Toutefois, à titre d'organisme sans but lucratif qui connaît de nombreux réfugiés et demandeurs d'asile, qui comprend les difficultés qu'affrontent nombre d'entre eux et qui essaie d'aider certains d'entre eux à s'intégrer à la société canadienne pendant et après le traitement de leur cas, nous avons de la difficulté à accepter certaines des solutions comprises dans les réformes proposées.
    Au sujet des décisions accélérées, avec les modifications proposées, les personnes dont la demande d'asile est déférée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié rencontreraient un fonctionnaire de la commission dans les huit jours suivant le jugement de recevabilité. La question qui se pose alors est la suivante: est-il juste de demander à une personne qui fuit pour protéger sa vie, qui vient probablement d'un pays où la population ne fait pas confiance aux représentants du gouvernement et où il faut souvent les payer pour obtenir une décision favorable, qui ne parle probablement pas beaucoup ni français ni anglais, et qui ne comprend pas le système judiciaire canadien de pouvoir se présenter seule devant un fonctionnaire pour une entrevue visant à recueillir des renseignements huit jours après son arrivée au Canada? La réforme proposée demande aussi que les renseignements relatifs à la demande soient recueillis de manière appropriée au cours de l'entrevue en question et qu'ils soient complétés lors d'une audience devant un autre fonctionnaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui doit avoir lieu dans les 60 jours. La question qui se pose dans ce cas est la suivante: est-il juste de demander à une personne de préparer tous les documents exigés pour une audience qui doit avoir lieu dans les 60 jours? Sans un processus de présélection juste et solide servant à établir la validité de chaque cas, à notre avis, cette façon de procéder n'est tout simplement pas justifiable. Pour que tous les réfugiés soient traités de façon équitable, ces délais doivent être allongés. En outre, il faut respecter les obligations internationales relatives aux droits de la personne.
    En ce qui concerne les pays d'origine sûrs, la solution exhaustive et à long terme réformera peut-être le système de protection des réfugiés du Canada, mais la solution visant la désignation de pays sûrs est potentiellement troublante sur le plan moral. Dans le but de partager certains frais associés à chaque demandeur d'asile, le Canada pourrait adopter des mesures législatives qui permettraient au gouvernement de décider unilatéralement que certains pays sont sûrs. C'est peut-être vrai que ces mesures pourraient décourager une grande partie des trafiquants qui inondent les côtes canadiennes de faux réfugiés.
(2020)
    Toutefois, on n'a qu'à écouter les informations pour savoir que de nombreux pays, qui ont des constitutions qui garantissent la liberté de religion et d'autres droits que les Canadiens tiennent pour acquis, ignorent ces droits ou permettent à leurs citoyens de persécuter les personnes différentes. Par conséquent, nous croyons qu'il faut procéder au cas par cas. En effet, un même pays d'origine peut être sûr pour un et dangereux pour un autre.
    J'aimerais vous donner un exemple qui montre pourquoi la désignation de pays d'origine sûrs est discutable.
    Monsieur Dogan, j'ai l'impression que vous n'êtes pas prêt d'avoir terminé votre déclaration. Nous avons un problème de temps. Croyez-vous en avoir encore pour longtemps?
    Je vais me servir du temps de parole de M. Huseyin Pinarbasi. D'accord?
    Je sens que le comité est prêt à vous accorder un peu plus de temps. Continuez.
    Merci. Vous m'avez fait ralentir.
    Je sais. Je fais tout de travers. Je vais essayer de m'améliorer.
    Je vais présenter ce point, puis conclure.
    D'accord.
    Je veux vous donner un exemple qui montre pourquoi les pays d'origine sûrs sont discutables.
    Allez-y.
    Prenez l'exemple de la République turque.
    Continuez.
    Je vous présente l'exemple de la République turque. La Turquie veut se joindre à l'Union européenne. Elle est membre du G20, elle veut avoir de l'influence dans le monde, elle tente de servir d'intermédiaire entre Israël et la Syrie, et elle collabore avec le Brésil pour empêcher le monde de confronter l'Iran en raison de ses ambitions nucléaires malheureuses.
    Le comité pourrait donc considérer la Turquie comme un pays sûr. Or, il s'agit d'un pays où, au cours des 25 dernières années, presque tous les temples et églises de différentes religions ont été détruits; plus de 4 000 villages kurdes ont aussi été détruits; plus de 17 000 meurtres extrajudiciaires ont été commis; plus de 2 500 politiciens, représentants élus, maires et défenseurs des droits de la personne ont été emprisonnés sans diligence raisonnable; et plus de 400 enfants kurdes ont été tués par la police militaire, dont un hier.
    En outre, environ 3 000 enfants kurdes âgés de 7 à 16 ans sont emprisonnés actuellement pour la simple raison qu'ils étaient présents aux manifestations. Le fait de mettre la Turquie sur la liste des pays sûrs ne fait pas de la désignation une réalité. Pour qu'elle soit considérée comme sûre, votre comité doit ignorer la vérité et le gouvernement doit fermer les yeux sur les faits.
(2025)
    Merci.
    Je dois vous arrêter.
    M. Dogan Dogan: Je comprends.
    Le président: Monsieur Karygiannis.
    J'aimerais que le témoin poursuive sa déclaration; je lui cède mon temps de parole. Je m'intéresse particulièrement à ce qu'il a à dire au sujet de la Turquie. Les puissances occidentales essayaient de pousser la Turquie...
    M. Karygiannis vous donne sept minutes de plus. Vous pouvez finir votre déclaration.
    M. Dogan Dogan: Merci.
    J'aimerais poser une question.
    Le président: Un instant. Vous venez tout juste de dire que vous alliez lui donner votre temps.
    L'hon. Jim Karygiannis: J'invoque le Règlement, une question de privilège personnel. Mme Wong pourrait-elle expliquer pourquoi elle a dit « pas étonnant » quand j'ai dit  « au sujet de la Turquie »? Peut-elle expliquer cela?
    Monsieur Karygiannis, je n'ai pas entendu ce qu'elle a dit. Allez-vous laisser ces gens continuer ou non?
    Je pense que la députée aimerait...
    Je n'ai pas entendu ce qu'elle a dit, donc, ce n'est pas un rappel au Règlement recevable.
    Monsieur Dogan, poursuivez votre déclaration.
    Monsieur Young, nous allons terminer.
    Monsieur Dogan, allez-y et terminez votre déclaration.
    Merci, monsieur.
    Pour continuer ma plaidoirie au sujet du pays d'origine sûr, nous croyons que l'objectif devrait être de contrer le problème des demandes d'asile injustifiées avant qu'elles ne soient déposées par la mise en place d'un mécanisme de présélection. La désignation des pays d'origine sûrs n'est tout simplement pas une solution. Nous croyons que chaque demandeur devrait avoir le droit d'avoir accès à la loi et d'être traité équitablement, peu importe le pays d'origine.
    En ce qui concerne la Section d'appel des réfugiés, si une demande d'asile est rejetée, la plupart des clients auront le droit d'en appeler de la décision devant la nouvelle Section d'appel des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Les décisions relatives aux appels seront rendues par les personnes nommées par le conseil exécutif de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Au cours de la procédure d'appel, on examine la décision originale et — dans certains cas — tout nouvel élément de preuve. En raison du fait que le temps de préparation pour l'entrevue où l'on recueille des renseignements et pour l'audience est si court, la Section d'appel des réfugiés doit examiner toute la documentation de la décision originale et doit entendre tout nouveau témoignage que le demandeur désire présenter. Cela doit être fait dans tous les cas, et non seulement pour certains cas.
    Nous sommes d'accord pour dire que les nouvelles mesures qui modifieront le système en place devront être rapides et économiques. Cependant, elles doivent être équitables. Pour les demandeurs qui voient leur cause rejetée, l'examen des risques avant renvoi peut être critique et très important, mais cette clause pourrait engorger le système actuel et coûter plus cher aux contribuables. Ce n'est pas une solution bien conçue.
    Merci, monsieur. Je vous suis reconnaissant de nous avoir accordé du temps supplémentaire.
    Merci aux membres du comité.
    Monsieur Pinarbasi, vouliez-vous dire quelque chose?
     [Le témoin s'exprime en turc.]
    M. Pinarbasi serait heureux de répondre à vos questions, mais il n'a rien à dire pour le moment.
    D'accord.
    Vous avez un peu moins de cinq minutes, monsieur Karygiannis.
    Merci, monsieur le président.
    Pourriez-vous nous décrire et nous donner des exemples des traumatismes subis par les personnes avec lesquelles vous avez travaillé?
    Les huit jours dont mes collègues se vantent tant seraient-ils suffisants pour permettre aux gens de réunir les renseignements? Seraient-ils capables d'obtenir les renseignements de votre pays d'origine, la Turquie, et de les présenter à un responsable pour que leur première audience ait lieu et pour présenter leur premier témoignage? Huit jours suffiraient-ils?
    Avez-vous de la difficulté à obtenir des renseignements d'un pays qui aspire se joindre à l'Union européenne?
    Monsieur Karygiannis, je vous suis reconnaissant de poser cette question. Je crois sans aucun doute que huit jours ne suffisent pas pour toute personne qui a fui le pays que j'ai décrit pour se rendre au Canada, un refuge sûr, où l'on peut vivre paisiblement.
    Je voudrais vous donner un exemple pour le démontrer encore une fois. Pensez à une personne qui ne sait pas nager, mais qui tente d'atteindre le rivage. Quelqu'un lui vient en aide et elle atteint donc le rivage. Convient-il de demander à cette personne, quelques secondes après qu'elle a été secourue, d'expliquer les raisons de sa mésaventure? L'exemple suivant démontre la même chose. Vous demandez à une personne — qui a fui un pays où règne une oppression extrême et où on ne reconnaît aucun droit de la personne — de préparer en huit jours des documents faisant état de toutes les épreuves qu'elle a vécues. Je crois que ce n'est tout simplement pas possible de le faire dans les cas auxquels nous devons faire face.
    J'ai vu un homme qui est arrivé il y a quelques jours. Il ne fait pas assez confiance à qui que ce soit pour parler. Il ne voulait même pas me dire quel travail il avait fait. J'étais étonné. Comment cette personne pourrait-elle expliquer ce qui lui est arrivé en huit jours? Ce n'est tout simplement pas justifié.
    Merci.
(2030)
    Merci.
    Je me demandais si je pourrais poser les deux questions suivantes à Mme Jordan. Les gais et lesbiennes proviennent de différents pays, et en Europe, il y a des pays qui pourraient être désignés comme des pays d'origine sûrs. Connaissez-vous des pays de l'Union européenne où des personnes ont été victimes de coups ou d'injures, ou encore ont craint pour leur vie? Des responsables — anciens et actuels — nous ont dit qu'en Europe, les gens se déplacent d'un pays à l'autre. Votre organisme a-t-il des préoccupations à cet égard?
    Certainement. En ce moment, un des demandeurs vient de Pologne, où il a été hospitalisé à la suite d'une agression. La police était sur les lieux au moment de l'agression et n'a fait que regarder la scène. Cela se produit encore dans des pays membres de l'Union européenne. Nous ne voyons pas beaucoup de demandeurs de ces pays parce qu'ils peuvent trouver refuge dans d'autres pays de l'UE, mais l'idée même de pays désigné sûr pose un grave problème aux gens de la communauté GLBT. Cela n'existe tout simplement pas. En matière de vulnérabilité ou de sécurité dans un pays, l'expérience de chaque personne est unique.
    Aujourd'hui, quand on a demandé à un ancien responsable de nous dire combien de pays utilisent la désignation de pays d'origine sûr, il a dit qu'il y en avait environ 15.
    Quand on voyage en Europe, en arrivant à Heathrow, il y a une affiche qui dit: « Si vous avez l'intention de demander le statut de réfugié, faites-le immédiatement. » Nous nous dirigeons presque dans cette direction. Vous devez le faire dans les huit jours.
    Je me demande si vous pouvez nous parler de certaines des expériences vécues par des personnes en provenance d'Europe ou d'autres pays et des difficultés qu'elles éprouvent lorsque vient le moment de dire « Le saviez-vous? Je suis homosexuel, je suis lesbienne. » Elles ont honte.
    Tout à fait.
    Il est important de comprendre les répercussions de la persécution ainsi que celles liées au fait de se faire dire que votre identité fait de vous une personne atteinte de maladie mentale, une personne méchante ou pécheresse. Cela a pour effet de réduire ces personnes au silence et de les humilier profondément.
    Il est aussi important de comprendre que ces personnes ont tendance à être victimes de persécution homophobe ou transphobe dans le cadre de leurs relations les plus intimes, soit au sein de leur famille ou à l'école, puis aussi de la part des fonctionnaires. Par conséquent, la honte et la peur sont profondément ancrées.
    J'ai vu des gens prendre des mois pour rassembler le courage nécessaire pour pouvoir dire « je suis gai » ou « je suis lesbienne » à voix haute, et à plus forte raison, à voix haute devant un fonctionnaire, dans un édifice gouvernemental.
    Merci.
    Merci, madame Jordan.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    J'ajoute qu'il n'y a pas si longtemps, dans les écoles du Québec, on faisait des campagnes pour encourager les jeunes à le dire s'ils étaient gais ou lesbiennes. Dans les écoles de notre pays, encore à notre époque, certaines personnes hésitent à le dire, et elles se sentent rejetées si elles le font. J'imagine que la situation doit être pire dans plusieurs pays.
    Je dois souligner que vous avez fait une présentation très complète. Il n'est pas facile de vous poser des questions, car vous avez couvert presque tout le projet de loi. Toutefois, j'aimerais vous entendre parler d'un sujet particulier, vous et ensuite M. Dogan. Qu'arrive-t-il une fois que le processus est terminé et qu'une personne est déboutée? Il peut survenir certaines choses entre le moment où elle est déboutée et celui où elle est expulsée. Le processus actuel comprend l'examen des risques avant renvoi, l'ERAR, qui permet de traiter ce genre de cas.
    Or, presque tout le monde est d'avis que ce mécanisme ne fonctionne pas très bien, qu'il n'est pas très efficace. Plusieurs groupes, dont le CCR, sont venus témoigner et nous ont dit qu'on pourrait y renoncer s'il existait un autre mécanisme qui permettait aux gens qui sont déboutés de faire une demande à la Section d'appel des réfugiés, pour que leur dossier soit à nouveau ouvert lorsque la situation change dans leur pays. Une telle réouverture ne serait pas automatique, elle ne serait faite que pour les cas exceptionnels. Il faudrait prouver que la situation a changé de façon significative dans le pays d'origine, suffisamment pour croire que la décision qui serait prise serait différente de la précédente.
    Seriez-vous d'accord pour qu'on mette sur pied un tel mécanisme? Sinon, avez-vous une solution à proposer?
(2035)

[Traduction]

    Je pense que ce mécanisme en est un qui est important pour notre communauté, précisément pour les raisons que vous invoquez. Sur le terrain, la situation en matière de persécution homophobe et transphobe est en mutation. Nous sommes témoins d'un contrecoup lié au fait que tandis que les groupes s'organisent et revendiquent des droits, le niveau de violence augmente. Les pays qui se dirigent vers davantage de droits et de sécurité pour les GLBT pourraient changer. Il est donc très important qu'ils aient la possibilité de rouvrir un dossier dans ces circonstances.

[Français]

    Monsieur Dogan?

[Traduction]

    Les lois au Canada permettent à un revendicateur, une fois sa demande rejetée, d'avoir recours à d'autres mécanismes d'appel. Il se peut que certaines personnes profitent de ceux-ci pour prolonger leur séjour au Canada. Toutefois, il est vrai que certaines demandes sont rejetées à tort. Il arrive aussi que des demandes fondées soient refusées. Les personnes doivent alors se soumettre à un long processus.
    L'idée de réformer le système, de prévoir de nouveaux outils pour réduire les délais de traitement est tout à fait légitime. Toutefois, il faudrait d'abord qu'on mette sur pied une procédure de présélection pour éliminer les faux revendicateurs. Une fois que les personnes...

[Français]

    Je vais vous arrêter ici, monsieur Dogan, car ma question ne portait pas sur l'appel en tant que tel.
    Il arrive que des gens soient déboutés après avoir fait appel, parce qu'au moment où la décision est prise, ils ne sont pas des réfugiés. Or, entre le moment où cette décision est prise et celui où un individu est renvoyé, il peut arriver que la situation change dans son pays. Cet individu pourrait, dès lors, être considéré comme un réfugié.
    Le projet de loi actuel ne prévoit aucun mécanisme qui permette à ces gens de demander la réouverture de leur dossier. Seriez-vous favorable à ce que le comité demande qu'on amende le projet de loi pour y inclure un tel mécanisme? Ce mécanisme serait utilisé dans les cas exceptionnels où la situation dans le pays du demandeur aurait changé à un point tel qu'il serait raisonnable de croire que la décision serait maintenant différente.

[Traduction]

    Oui, vous avez raison. Est-il juste de laisser une personne qui croyait que son dossier avait été rejeté parce qu'elle n'avait pas réuni suffisamment d'éléments de preuve...? Si le fait de changer de pays d'origine peut contribuer à donner plus de poids à son dossier... le système devrait permettre à cette personne de rouvrir son dossier, de vivre au Canada sans crainte de représailles. Autrement, si elle est renvoyée dans son pays, sa vie sera en danger.
(2040)

[Français]

    Merci.
    Madame Jordan, je veux revenir sur la communauté gaie et lesbienne. Vous avez mentionné que la définition actuelle de réfugié était assez étroite. Heureusement, dans plusieurs cas, certains commissaires élargissent la définition de persécution pour tenir compte de l'orientation sexuelle, mais d'autres ne le font pas. Personnellement, je crois qu'une section d'appel serait une bonne chose. Il en découlerait une uniformisation de cette interprétation selon laquelle l'orientation sexuelle peut être une cause de persécution.
    Par ailleurs, ne craignez-vous pas que, en admettant ce principe de pays sûrs, ce ne soit dans les cas des pays dont la situation est ambiguë et floue qu'on effectue moins d'analyses et qu'on établisse moins de jurisprudence, alors qu'ils nécessitent justement plus de vérifications?

[Traduction]

    Vous soulevez un point très important. Il existe très peu de données au sujet de la persécution homophobe et transphobe. Il y a très peu de renseignements là-dessus. Donc, certains commissaires prennent des décisions de vie et de mort en se fondant sur des renseignements hautement douteux et parfois contradictoires. C'est ce que l'on constate notamment dans les pays où la situation évolue.
    On a mentionné la Turquie qui va vraisemblablement adopter, très bientôt, une loi contre la discrimination. Or, les homosexuels qui veulent faire carrière dans les forces armées, en Turquie, subissent des humiliations. Leurs photos sont publiées dans les journaux. Ils doivent déclarer publiquement qu'ils sont homosexuels. Ils ne peuvent devenir militaires. Mais l'information que nous avons à ce sujet est plutôt limitée.
    Autre exemple: j'ai assisté récemment à quelques audiences qui concernaient le cas de deux transsexuelles et d'une lesbienne, toutes du Mexique. Elles font partie des rares personnes du Mexique, 8 p. 100 au total, à être acceptées au Canada. Les audiences ont duré huit heures. Ensuite, les membres de la commission ont passé trois au quatre semaines à examiner les éléments de preuve, parce qu'il était très difficile de rendre une décision.
    Il est essentiel d'avoir un mécanisme d'appel quand les dossiers sont très complexes et qu'ils impliquent des décisions de vie ou de mort. La liste des pays désignés représente un mécanisme très lourd.
    Nous devons passer à quelqu'un d'autre. Je suis désolé.
    Madame Chow.
    Sur ce même point, j'aimerais en savoir plus sur votre association, le travail que vous faites. Vous pourriez peut-être nous donner d'autres précisions, nous dire qui vous représentez, les liens que vous entretenez avec différentes organisations — par exemple, ÉGALE, ainsi de suite. J'aimerais avoir un peu plus de détails.
    Volontiers. Le groupe Rainbow Refugee, basé à Vancouver, existe depuis environ l'année 2000. Nous organisons des réunions ouvertes à tous au centre communautaire des GLBT deux fois par mois. Le centre fournit essentiellement des renseignements aux gens sur le processus de détermination du statut de réfugié. Il cherche à encourager l'entraide sociale. Nous collaborons avec des organisations qui s'occupent de l'établissement des réfugiés et des avocats, car, comme nous l'avons mentionné, il est souvent difficile pour une personne de dire, « Je suis lesbienne et je veux présenter une demande de revendication du statut de réfugié. »
    Ces gens ont besoin du soutien des organismes qui offrent des services d'établissement aux réfugiés. Grâce à notre appui, il est plus facile pour eux d'obtenir de l'aide. Nous les dirigeons vers des avocats qui connaissent bien les dossiers de ce genre, car, encore une fois, il s'agit d'un domaine spécialisé. Les gens doivent pouvoir compter sur l'aide de personnes expérimentées. Souvent, ils arrivent à l'aéroport sans savoir qu'ils sont confrontés à des risques. Ils savent qu'ils sont en danger, mais ils ne comprennent pas que les risques et les dangers constituent une forme de persécution et qu'ils ont besoin de l'aide d'un avocat. Donc, nous veillons à les mettre en contact avec des avocats qui s'y connaissent en la matière.
    Avez-vous des bureaux à Toronto, Montréal et autres grandes villes?
    Oui. Il y a un groupe à Toronto qui s'appelle SOY Express. Leur bureau se trouve dans le centre de santé Sherbourne. Il existe, si je ne m'abuse, depuis 2002. Il est dirigé par Suhail Abualsameed. Je le connais bien. J'ai eu l'occasion de le rencontrer lors de conférences, par exemple.
(2045)
    Est-ce que ces groupes ont le même genre d'expérience que votre association?
    Oui. Le groupe AGIR, à Montréal, vient de voir le jour très récemment et il possède une expérience similaire à la nôtre.
    J'imagine que vous partagez tous les mêmes opinions pour ce qui est de la désignation des pays sûrs.
    Oui. Nous communiquons par téléphone et par courriel et nous discutons ensemble de ces préoccupations. Je sais que le groupe AGIR a déposé un mémoire. J'espère que vous allez le lire. Et oui, Suhail et moi avons longuement parlé de nos préoccupations et nos positions sont très similaires.
    Vous le savez peut-être ou non, mais le comité va mettre un terme à ses délibérations, à ses séances, lundi soir. Nous allons entendre le ministre et ensuite, mardi et jeudi, nous allons, pendant deux jours, examiner le projet de loi article par article, à huis clos. Le projet de loi, une fois adopté par le comité, va être renvoyé à la Chambre des communes où il va franchir l'étape du rapport final et de la troisième lecture. Il ne reste donc pas beaucoup de temps.
    Non, tout va très vite.
    Nous devons étudier le projet de loi à toute vapeur. Si vous avez d'autres renseignements à fournir aux autres députés, je vous encourage à le faire maintenant.
    Je tiens à vous remercier d'être venus.
    Est-ce qu'il me reste une ou deux minutes?
    Oui.
    Avez-vous communiqué avec d'autres députés pour leur faire part de vos vues? Avez-vous été en mesure de rencontrer vos représentants élus locaux, par exemple?
    Nous entretenons de très bonnes relations avec les députés qui représentent les circonscriptions de la plupart de nos membres. Nous avons eu l'occasion de parler à Mme Hedy Fry, par exemple, et à d'autres représentants locaux.
    Avez-vous l'intention d'avoir des discussions avec d'autres députés, vu qu'il reste si peu de temps, ici, pour examiner le projet de loi?
    Des rencontres sont prévues la semaine prochaine. Donc, oui, nous espérons avoir l'occasion de discuter plus à fond de la question.
    Très bien. Merci.
    Merci, madame Chow.
    Nous allons maintenant entendre M. Young.
    Merci d'être venus aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de vos commentaires.
    Je présume que vous savez que chaque année, au Canada, des milliers de personnes présentent de fausses demandes de statut de réfugié — peut-être jusqu'à la moitié de ceux qui soumettent des demandes. Donc, comment faites-vous la distinction lorsque les gens arrivent devant vous pour demander de l'aide? Distinguez-vous les vraies demandes des fausses en disant non à certaines personnes, ou agissez-vous comme des avocats en acceptant de défendre quiconque s'adresse à vous?
    Je reconnais tout à fait que certaines demandes qui sont présentées sont frauduleuses ou non fondées. Mais j'aimerais faire une mise en garde contre cette présomption selon laquelle une personne dont la demande a été rejetée... et en ce qui concerne le taux de refus de 50 p. 100. Les demandes sont rejetées pour un certain nombre de motifs, et pas seulement parce qu'on a soumis des demandes frauduleuses.
    Lorsque les gens se présentent chez nous, nous leur donnons des renseignements. Nous leur donnons des indications très claires sur la différence entre la discrimination et la persécution. Nous leur disons en quoi consiste le processus de détermination du statut de réfugié. Ils décident alors de présenter ou non des demandes.
    Quel est le pourcentage de gens qui, tout simplement, s'en vont et refusent...?
    Nous sommes un organisme doté d'un si petit budget que nous ne tenons pas de statistiques comme celles-là. Il y a peut-être 20 ou 25 p. 100 des gens qui viennent chez nous, qui obtiennent l'information dont ils ont besoin et qui décident que ce n'est pas pour eux.
    J'aimerais savoir si vous comprenez que, même en vertu de la politique sur le pays d'origine sûr, il y aura des exemptions pour certaines catégories de ressortissants...
    Oui. Cela me préoccupe fortement, en fait.
    ... de même qu'une règle permettant au ministre de désigner un groupe — selon l'orientation sexuelle, par exemple — d'un pays particulier? Vous le saviez?
    Je le sais, et je ne pense pas que cela fonctionnera...
    Pourrais-je simplement terminer ma question, car ça pourrait être utile?
(2050)
    Oui, bien sûr.
    Même sans exemption, les ressortissants des pays désignés comme sûrs auront encore accès à une audience devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et pourront toujours demander une révision judiciaire par la suite, comme c'est le cas en ce moment.
    En effet, et nous avons constaté que ça ne donne pas de très bons résultats.
    J'ai plusieurs réserves à cet égard. L'une d'elles est la préoccupation que j'ai soulevée dans mon allocution. Si les LGBT sont traités comme des exceptions à la règle, cela deviendra clairement un facteur qui incitera les gens à présenter des demandes frauduleuses. Cela ne nous aide pas, et ça n'aidera pas non plus le système de détermination du statut de réfugié. Donc, je ne le recommande pas.
    Accorder à quelqu'un une audience, et ensuite la possibilité d'une révision judiciaire si quelque chose ne va pas, est inapproprié. Nous voyons tout le temps des gens dont les demandes d'autorisation de contrôle judiciaire sont refusées; ce n'est pas la même chose qu'un appel. Les gens doivent pouvoir accéder à une audience et à un appel pleins et complets, surtout dans des situations complexes et changeantes.
    Les directives du HCR sont très claires là-dessus. Il est correct de désigner des pays pour accélérer le processus. On considère que cela respecte... Mais priver quelqu'un de son droit à l'équité procédurale — donc, lui refuser le droit d'appel — ne serait pas conforme à la position du HCR.
    En ce qui a trait à l'équité, en vertu du système en vigueur, on peut devoir attendre jusqu'à deux ans pour qu'une demande soit entendue. Il faut plus de quatre ans, dans certains cas, pour renvoyer un demandeur d'asile débouté, ce qui, à mon avis, est un autre type d'iniquité. Trouvez-vous que c'est juste?
    Absolument pas. À mes yeux, il est très clair que nous devons faire avancer les dossiers des gens plus rapidement qu'en ce moment. Dix-neuf mois, c'est un délai inacceptable. Une bonne partie de ce temps d'attente est attribuable au manque de personnel de la CISR. Maintenant qu'on a réglé le problème, je pense que nous assisterons à une accélération du traitement des demandes.
    Pour faire en sorte que les gens franchissent plus rapidement les étapes du processus, il existe de meilleurs moyens que de raccourcir les délais et de rejeter les demandes d'appel en fonction d'une liste des pays sûrs.
    Une fois qu'un demandeur a épuisé les divers moyens d'appel possibles, pourquoi ne devrait-il pas être renvoyé?
    Une fois qu'un demandeur aura eu droit à une audience et à un appel complets, et qu'il aura pu faire valoir des considérations d'ordre humanitaire, j'estime qu'il sera juste de le renvoyer.
    Merci.
    Souhaitiez-vous poser une question, ou je peux continuer?
    Bien sûr. Allez-y. J'ai quelques questions.
    Je ne suis pas certain qu'il vous restera du temps, alors vous feriez mieux d'y aller maintenant.
    D'accord, merci.
    Madame Jordan, votre exposé était excellent, soit dit en passant. Je trouve que vous avez fait du très bon travail sur le plan de la recherche en ce qui concerne vos propos à l'appui des changements que vous aimeriez voir adoptés. Je ne les approuve pas nécessairement tous, mais je trouve que vous avez fait du très bon boulot.
    Vous propos m'ont cependant amené à vous demander ce qui suit: pourriez-vous me citer des pays où, selon vous, les gais, les transgenres et les lesbiennes sont en sécurité?
    Nous bénéficions d'une bonne protection ici, au Canada. Ce qu'il faut regarder, c'est si des lois contre la discrimination sont présentes...
    Non. Je vous posais cette question à une fin précise. Nommez-moi un certain nombre de pays. Vous ne pouvez m'en donner seulement un, car vous vous retrouvez alors à prétendre que pratiquement tous les pays de la terre... Vous pourriez pratiquement présenter une demande de statut de réfugié au Canada au seul motif que vous risqueriez d'être maltraitée ou que votre vie pourrait être en danger dans n'importe quel autre pays, comme vous l'avez expliqué.
    Nous en vivons l'expérience ici même, dans ce pays, dans toutes nos communautés. Donc, ce n'est pas comme si nous étions le seul pays de la planète qui soit un bon endroit où vivre pour les gais. Il y a certainement d'autres pays qui...
    Absolument. Nous voyons très peu de demandes de statut de réfugié qui viennent de ces pays. Je crois cependant que la désignation d'un pays entier comme étant sûr demeure un problème fondamental, si l'on doit ensuite utiliser cette désignation pour refuser à quelqu'un l'accès à une procédure d'appel. À bien des égards, les États-Unis sont un pays progressiste pour les LGBT qui y vivent, mais il y a quand même une femme, une soldate américaine lesbienne, qui a présenté une demande.
    Oui; bon. C'est peut-être pour une raison un peu différente.
    La raison est différente, mais son orientation sexuelle...
    En fait, il y a un projet de loi d'initiative parlementaire qui porte sur cette question.
    Oui, je reconnais que c'est un sujet controversé...
    Mais même dans le cas des demandes provenant des États-Unis, 1 p. 100 des demandes ont été approuvées en 2009, alors ce n'est pas comme si ça ne pouvait pas arriver. Il s'agit d'une situation extrême, à l'évidence.
    Ce que je tente de faire valoir, je crois, c'est qu'il y a eu de la désinformation au sujet des pays d'origine sûrs. Il est évident, même lorsque vous regardez l'article 109.1 proposé, que même si le ministre doit être celui qui, en définitive, procédera à la désignation, il ne le fera pas sans avoir reçu au préalable une recommandation d'un comité d'experts interministériel sur la question. Je pense que nous avons l'occasion d'aller dans cette direction, car cela libère ceux dont les vies sont en danger, qui se retrouvent à devoir faire la file ou à ne pas pouvoir faire entendre leur demande ici, au Canada, parce que nous avons un certain nombre de demandes qui ne devraient tout simplement pas être des demandes de statut de réfugié.
(2055)
    Ce qui m'inquiète, c'est qu'il s'agit d'une manière très compliquée de libérer de l'espace. Regardez le cas des pays qui ont une liste de pays désignés: ils consacrent beaucoup de ressources et de temps à gérer cette liste et les contestations à l'encontre de celle-ci. Le Royaume-Uni en est un bon exemple. C'est une procédure rigide et fort encombrante.
    L'une des choses que nous ferons pour rendre ce processus moins lourd, c'est d'éviter de dire: « Voilà, il y a 200 pays dans le monde, et nous allons établir cette liste ». Nous allons commencer à examiner la question lorsque nous verrons qu'il y a une énorme quantité de demandes provenant d'un pays particulier, et que nous constaterons que le taux de rejet est plus élevé qu'il devrait l'être et que le taux d'acceptation est faible. Alors, même si nous commençons à parler d'une directive sur les pays d'origine sûrs, quand on regarde les choses de plus près, on constate qu'il s'agit vraiment d'un mécanisme visant à faire en sorte que ceux dont les vies sont menacées puissent obtenir une audience équitable et rapide dans ce pays, pour pouvoir être reçus en tant que véritables réfugiés.
    Absolument. J'appuie cet objectif. Mais je m'interroge sur le fait de changer le mécanisme, en faisant passer une liste pour laquelle le pouvoir est entre les mains du ministre... au lieu de conférer à l'Agence des services frontaliers du Canada le pouvoir d'accélérer certaines demandes. Elle distinguerait ces demandes sur une base individuelle, en fonction des recherches qu'elle accomplit...
    Je dois vous couper la parole à tous les deux. Je suis navré. Nous avons dépassé le temps imparti de deux minutes. Ces gens vont crier après moi.
    Messieurs Dogan et Pinarbasi, et madame Jordan, merci beaucoup de vos exposés. Ils étaient excellents. Nous vous remercions d'avoir pris le temps, en cette heure tardive, de témoigner devant notre comité. Nous vous en sommes reconnaissants. Merci beaucoup.
    Nous nous réunirons de nouveau le lundi 31 mai, à 18 heures. La séance est levée.
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