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Merci de nous avoir invités. C'est avec plaisir que je comparais devant le comité au nom de la CanPak Chamber of Commerce. Je m'appelle Shahid Hashmi, et je suis le président de la CanPak Chamber of Commerce. Je suis accompagné, ce soir, du directeur administratif, Sohabe Hashmi. Je tiens, d'entrée de jeu, à remercier les membres du comité pour les efforts qu'ils déploient en vue d'améliorer la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Mon travail au sein de la collectivité m'a permis de rencontrer de nombreux réfugiés et immigrants dont le cas me laisse perplexe, car je me demande comment le système peut les traiter d'une telle façon. D'où la première question: pourquoi met-on tellement de temps à prendre une décision? Les longs délais coûtent très cher aux contribuables.
D'après le rapport de la vérificatrice générale, l'assistance sociale consentie aux revendicateurs coûte 100 millions de dollars par année au gouvernement fédéral, et 100 millions de dollars par année aux provinces. Je présume que le montant est encore plus élevé maintenant en raison de l'arriéré qui s'accumule.
La réponse à cette question est habituellement la suivante: le système n'arrive pas à traiter les revendications en raison du volume de dossiers en arriéré. Or, cet arriéré coûte aux contribuables canadiens plus d'argent que ce que coûterait l'embauche d'employés qualifiés pour l'éliminer. Une telle mesure permettrait de créer des emplois pour les Canadiens au chômage. En tout cas, ce serait mieux que d'accorder inutilement une aide à des gens qui ne constituent peut-être pas un atout pour le Canada ou qui profitent du système.
Par ailleurs, je me demande pourquoi les décisions varient tellement. Elles semblent être prises de manière imprévisible et dépourvues d'objectivité. Le niveau de compétences et de connaissances en gestion ne satisfait pas aux exigences, les responsabilités dans ce domaine s'apparentant à celles que doivent assumer un juge et un tribunal. Imaginez un peu si l'Agence du revenu du Canada, par exemple, prenait des décisions de la façon décrite par la vérificatrice générale dans son rapport. Elle dit, et je cite:
Les agents d'immigration décident de la recevabilité d'une revendication sans avoir toute l'information nécessaire. Par ailleurs, l'information recueillie lors de la réception de la revendication ne répond pas adéquatement aux autres étapes du processus.
J'ai l'impression qu'il s'agit là d'une tendance généralisée qui nuit au processus de traitement. Celui-ci coûte très cher. Il refuse des gens qui ont besoin d'aide, et en laisse d'autres passer entre les mailles du filet. À mon avis, le traitement des revendications se fait de manière beaucoup trop subjective. Les dossiers qui sont laissés de côté pendant des mois, voire des années, ne peuvent passer efficacement par les étapes du processus quand l'information est transmise à d'autres autorités. Lorsqu'un dossier est examiné après un très long délai, il faut beaucoup de temps pour se familiariser de nouveau avec les particularités de celui-ci. Un système d'échange d'information peu efficace crée des dédoublements, aboutit à des décisions peut-être différentes pour les réfugiés, et prolonge inutilement les délais de traitement.
Je voudrais vous faire part d'un cas sur lequel Hameed Ahmed, Javed Zaheer et moi avons beaucoup travaillé. Nous n'en sommes toujours pas revenus. Bien qu'on ait tranché en faveur des réfugiées, cet exemple démontre les lacunes que présente le processus décisionnel. Farouqe Rashida et Noorunissa Begum ont revendiqué le statut de réfugié en 2001 au motif qu'elles pourraient être victimes de violence familiale en Inde. Leur audience...
Farouqe Rashida et Noorunissa Begum ont revendiqué le statut de réfugié en 2001, en raison des actes de violence familiale dont elles pourraient être victimes en Inde. Leur audience a eu lieu le 30 septembre 2002. Leur revendication a été rejetée le 11 novembre 2002. Elles avaient 30 jours pour interjeter appel. Toutefois, comme il leur a fallu du temps pour rassembler les éléments de preuve et les documents, l'appel a été déposé le 31 e jour et donc rejeté, le délai n'ayant pas été respecté. Leur dossier a été fermé. Elles étaient angoissées à l'idée de retourner en Inde parce qu'elles craignaient pour leur sécurité.
En février 2003, elles ont revendiqué le statut de réfugié pour des motifs d'ordre humanitaire. Deux ans plus tard, en 2005, on leur a demandé de fournir des renseignements à jour sur leur situation. Puis, plus rien. Tout à coup, en 2007, elles ont reçu de la part d'un agent d'examen des risques avant envoi une lettre demandant une rencontre. Quand elles se sont présentées à l'agent, elles se sont fait dire que leur requête avait été rejetée, qu'elles devaient quitter le Canada et rentrer en Inde. On leur a dit qu'elles pouvaient interjeter appel de la décision et on leur a remis un formulaire.
Entre-temps, Hameed Ahmed est entré en contact avec le bureau de CIC à Scarborough pour savoir où en était la demande pour motifs d'ordre humanitaire, mais il est resté sans réponse.
Rashida et Noorunissa ont ensuite soumis le formulaire d'ERAR et, plus tard, ont reçu une lettre de l'agent même qui avait rejeté leur revendication. Il a dit qu'il allait examiner le formulaire d'ERAR et la demande présentée pour des motifs d'ordre humanitaire. Il a encore une fois rejeté la demande de Rashida et de Noorunissa, parce que d'après lui, leur vie n'était pas en danger. Comment pouvait-il, seul, prendre une telle décision?
Peu de temps après le rejet de leur revendication, elles ont reçu une ordonnance d'expulsion datée du 14 août 2007, ainsi qu'un billet d'avion de la compagnie aérienne russe. L'agent d'ERAR a envoyé leurs passeports à l'ambassade de l'Inde pour que celle-ci les renouvelle. Pendant ce temps-là, avec l'aide de leur frère et de leur oncle, Hameed Ahmed, elles ont interjeté appel de la décision de l'agent auprès de la Cour fédérale. Toutefois, comme elles ne pouvaient se permettre un avocat et que leurs arguments étaient faibles, l'appel a été rejeté. Elles ont de nouveau présenté, séparément, une revendication pour motifs d'ordre humanitaire, bien que celle-ci ait été refusée dans un premier temps.
Plusieurs années plus tard, après de nombreux refus et problèmes, elles ont eu droit à une aide juridique et retenu les services d'un excellent avocat appelé Jack Martin. Hameed Ahmed a dû leur donner 1 000 $ de sa poche pour les aider à payer les frais d'avocat et autres dépenses.
Elles auraient dû être déportées, mais elles sont restées au Canada en raison du temps qu'a mis l'ambassade de l'Inde à renouveler leurs passeports. Ce contre-temps leur a permis, avec l'aide de leur avocat, d'interjeter appel pour motifs d'ordre humanitaire. Cette fois-ci, grâce à l'aide juridique qu'elles ont reçue, Jack Martin, Hameed Ahmed, Javed Zaheer et moi avons été en mesure de venir en aide à Rashida et Noorunissa. La Cour fédérale leur a fait parvenir une lettre indiquant que si elles retiraient leur appel pour motifs d'ordre humanitaire, leur revendication serait reconsidérée. Elles ont donc retiré leur appel, et l'ordonnance d'expulsion a été annulée. Quelques mois après la réception d'une lettre leur annonçant que leur dossier avait fait l'objet d'un réexamen, et avec l'appui de Jack Martin, Rashida et Noorunissa ont été acceptées comme immigrantes.
Vous noterez le cheminement irrégulier qu'a suivi ce dossier... nous sommes curieux de savoir comment fonctionne le processus et quels éléments ont servi de base aux décisions administratives qui ont été prises. Comment expliquer qu'on ait été capable de prendre une décision claire en quelques mois, mais non dans les années passées? En tout cas, les personnes incompétentes qui aident les revendicateurs et les réfugiés auraient besoin de conseils juridiques. Cela permettrait d'accélérer le traitement d'un grand nombre de dossiers.
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J'ai l'impression que l'on s'inspire de l'expérience britannique, ce qui constitue un problème. J'ai beaucoup de renseignements là-dessus.
S'il y a une chose que je déplore, c'est que le projet de loi C-11 ne permet pas de considérer l'intérêt supérieur des enfants des revendicateurs, une exigence que prévoit la Convention relative aux droits de l'enfant. La CISR a été saisie du cas de trois enfants mexicains orphelins. Ils n'ont pas été reconnus comme réfugiés en vertu de la définition qui a été utilisée. S'ils n'avaient pas eu le droit de présenter une demande pour motifs d'ordre humanitaire ou s'ils n'avaient pas eu le droit d'interjeter un appel, ils auraient été renvoyés au Mexique, là où leurs parents ont été tués.
Il est important d'avoir une procédure d'appel efficace, de pouvoir compter sur des gens bien formés et compétents, pour éviter les appels à répétition. Dans l'exemple que je viens de vous donner, les enfants ont dû interjeter appel à plusieurs reprises. Mais pourquoi ne pas rendre une bonne décision en première instance?
Le système fait l'objet de beaucoup de critiques.
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J'ai en main les recommandations du Conseil canadien pour les réfugiés. Je ne suis pas affilié à cet organisme, mais ses recommandations sont très bonnes. Je ne sais pas si votre comité les connaît. Quoi qu'il en soit, permettez-moi de vous les lire.
Les recommandations sont les suivantes: nommer les commissaires de la CISR par un système de sélection fondé sur le mérite qui ne se limite pas aux fonctionnaires; éliminer la désignation du pays d’origine sûr; laisser plus de temps aux demandeurs pour se préparer à leur audience; éliminer l’interdiction pour les demandeurs de présenter une demande pour considérations humanitaires.
Voici en outre des recommandations que j'aime: reconnaître que la détermination du statut de réfugié est difficile, car il n’est pas évident de savoir qui est un réfugié; évaluer chaque cas selon ses mérites individuels; investir dans la qualité des décisions initiales, c'est-à-dire bien faire les choses la première fois; conserver le caractère apolitique des décisions en les confiant à un organisme indépendant; favoriser la simplicité; mettre en place les ressources nécessaires pour éviter les arriérés; ne pas oublier que des vies humaines sont en jeu.
Le monde nous regarde. Nous sommes toujours considérés comme des chefs de file dans ce domaine. Je ne veux pas être la risée des autres pays, si je peux me permettre cette expression.
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Vous m'avez mal compris quand j'ai dit qu'il fallait plus de temps.
Oui, on doit avoir un système. Je vais vous donner un exemple. Si la demande était déposée seulement un jour plus tard... Nous venons de mentionner qu'un des dossiers avait été déposé en retard. Il faut certes mettre en place un système et une procédure, sinon on n'en viendra jamais à bout. Mais, en l'occurrence, une demande a été rejetée parce qu'elle était en retard d'une journée. On a utilisé l'argent des contribuables pour garder ces deux réfugiés au pays pendant cinq ans, et le processus n'en finissait plus. Je ne pense pas que ce soit juste.
L'autre recommandation, c'est d'embaucher plus de gens qualifiés pour éliminer les retards. L'arriéré coûte cher aux contribuables. Nous devons embaucher plus de gens en cas d'arriéré. Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial dépensent chacun 100 millions de dollars pour assurer le bien-être des réfugiés, ce qui est beaucoup moins élevé que le montant consacré aux employés. Si vous dépensiez ces fonds pour l'embauche d'un plus grand nombre d'employés, les Canadiens auraient plus d'emplois et, en même temps, les décisions seraient prises beaucoup plus rapidement. Je suis sûr que si vous assigniez un agent par cas — même si, dans certains cas, vous auriez à changer cette formule —, ce serait probablement plus approprié, plus efficace et plus juste.
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Nous pouvons commencer. Je déclare la séance ouverte.
Nous reprenons nos travaux. Nous accueillons trois groupes, dont l'un — celui de Calgary — ne s'est pas encore joint à nous par vidéoconférence. Nous avons parmi nous, à Ottawa, Sylvain Thibault de la Mission communautaire de Montréal. Bonsoir, monsieur. Il est accompagné de Kemoko Kamara. M. Thibault est le coordonnateur du Programme Projet Refuge, et Kemoko Kamara est un bénévole.
Par ailleurs, nous accueillons par vidéoconférence, de Toronto, Mme Mary Jo Leddy.
Madame Leddy, je vous prie de préciser les groupes que vous représentez. Dans l'avis de convocation, on mentionne la Romero House mais, si je comprends bien, il y a un autre groupe de témoins: Gustavo Gutierrez et Gift Ogi.
Je vous laisse commencer, madame Leddy. Vous avez, tous les trois, sept minutes pour nous présenter un exposé, après quoi les membres du comité auront probablement des questions à vous poser.
On vous écoute.
j:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Mary Jo Leddy et je vis et travaille avec les réfugiés depuis plus de 20 ans à la Romero House, un centre d'accueil pour les réfugiés. J'enseigne également la théologie à l'Université de Toronto et je suis membre de l'Ordre du Canada.
J'ai assisté à des centaines d'audiences de demande d'asile et à des centaines et des centaines d'entrevues avec des agents d'immigration. Je suis persuadée qu'à la Romero House, nous possédons maintenant une sagesse collective sur le système d'immigration, sur ses failles et sur la façon dont il pourrait et devrait fonctionner. Cette sagesse, nous l'avons acquise au fil des ans, mais nous n'avons pas le temps de la présenter en détail aujourd'hui.
Au cours des 20 dernières années, j'ai également été un membre actif de l'Ontario Sanctuary Coalition, qui fait partie du National Sanctuary Movement, organisme qui compte parmi ses membres des églises partout au pays. Avec les années, diverses églises ont servi de refuges pour des demandeurs d'asile qui risquaient d'être déportés dans des pays où leur vie serait en danger.
Faute de temps, je m'attarderai brièvement sur trois points. Premièrement, le projet de loi , tel que proposé, entraînera une hausse massive du nombre de personnes qui cherchent refuge dans des églises.
Deuxièmement, il est impératif d'instaurer un processus décisionnel plus rapide et plus équitable.
Troisièmement, nous aimerions parler des conséquences imprévues de la liste de pays désignés.
Pour ce qui est du premier point, compte tenu des raisons énoncées dans le rapport sur les refuges, nous prévoyons que le projet de loi , à moins d'être modifié, entraînera une hausse massive des demandes de refuge. Ce ne sont pas toutes les demandes qui seront accordées, mais seulement certaines — et il y en aura beaucoup plus que maintenant. Notre expérience révèle que des groupes très ordinaires offriront un refuge à des personnes dont la vie est en danger.
Je suis ici pour vous dire ceci: si le projet de loi n'est pas modifié, les demandes de refuge dans les églises augmenteront. Ne vous y trompez pas. Je suis également ici pour vous dire, au nom du Sanctuary Movement, que nous préférerions de beaucoup que le projet de loi soit modifié.
Passons maintenant au deuxième point: un processus plus rapide et plus équitable pour la détermination du statut de réfugié. On a souvent l'impression que cette question ne préoccupe que le gouvernement, mais chaque réfugié s'en inquiète aussi. Tous les jours, ces gens subissent les revers d'un processus qui est lent, encombrant et irréalisable.
J'invite Gift Ogi, qui est membre de la Romero House, à expliquer la situation en ses propres mots.
Notre troisième point concerne la liste de pays désignés.
La question cruciale qui se pose, comme vous le savez sans doute, c'est de savoir qui désigne un pays comme étant sécuritaire et pourquoi. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, accorderait ce pouvoir au ministre et aux représentants du gouvernement. Cette approche politiserait encore plus le processus de détermination du statut de réfugié et finirait par le discréditer davantage. Les Canadiens ont souvent ridiculisé les nominations au sein de la CISR parce qu'ils les considèrent comme étant teintées de favoritisme politique. L'utilisation de la liste de pays désignés ne ferait que compromettre davantage l'indépendance du processus de détermination du statut de réfugié.
Tant que ce processus ne sera pas complètement séparé des intérêts politiques, il ne sera pas crédible — ni pour les réfugiés ni pour les citoyens canadiens.
Les intérêts politiques liés à la liste de pays désignés sont nombreux. Aujourd'hui, nous avons entendu le président Calderon du Mexique tenter de convaincre le gouvernement canadien que le Mexique est un pays sécuritaire. Demain, ce sera au tour d'un autre pays.
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Je suis heureux de faire notre présentation avec un représentant du Romero House, un de nos partenaires de Toronto.
Monsieur Ie président Tilson, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, nous sommes devant vous aujourd'hui à titre de représentants de la Mission communautaire de Montréal, qui célèbre cette année 100 ans d'accueil des réfugiés de tous les horizons.
Nous souhaiterions vous remercier de l'occasion que vous nous offrez aujourd'hui de présenter notre point de vue sur Ie projet de loi . Je suis responsable du Projet Refuge, un centre d'hébergement spécialisé pour hommes et jeunes mineurs non accompagnés en besoin de protection internationale.
Notre mandat est d'offrir des services psychosociaux spécialisés aux demandeurs d'asile les plus vulnérables. Je suis donc un témoin privilégié de cette grande vulnérabilité de l'être humain en situation de perte de repères à la suite de persécutions répétitives.
Notre clientèle est souvent porteuse de lésions psychologiques profondes. Ces lésions à vif vont moduler leurs pensées, leurs comportements et altérer leur capacité à se remémorer les événements en lien avec la persécution.
À leur arrivée, les intervenants mettent en place les éléments qui favoriseront l'émergence des forces de la résilience. Ces éléments permettront à la personne de pouvoir se raconter dans un climat de confiance, sans craindre d'être traumatisée de nouveau. En tant qu'observateurs privilégiés, nous sommes particulièrement inquiets de certains points du projet de loi C-11, plus spécifiquement l'entrevue de collecte d'information dans les huit jours suivant la réception de la demande d'asile, entrevue tenue par un agent fonctionnaire de la CISR.
Nous sommes très préoccupés par la capacité de nos résidents à se présenter dans les meilleures conditions psychologiques et physiques. Nous Ie savons — et vous le savez aussi —, toute déclaration à l'une ou l'autre des instances impliquées dans une demande d'asile peut avoir des répercutions dramatiques. Dans certains cas, une personne pourra se voir retourner vers la persécution, la torture ou la mort, si sa demande est refusée.
Nous pensons que les personnes vulnérables ont besoin de plus de temps pour retrouver leurs forces et ainsi pouvoir exprimer plus clairement ce qu'elles ont vécu dans leur pays. Pour plusieurs, on parle de persécution liée à un aspect de leur personne et parfois même un aspect allégué. Les conséquences de telles persécutions laissent des traces indélébiles sur le plan psychologique, vous en conviendrez.
Les premiers jours suivant l'arrivée sont très difficiles pour la majorité des individus. Nous rencontrons des personnes qui ne parviennent même pas à répondre de façon cohérente à des questions qui sont pourtant bien simples. Le but de la violence organisée est de mettre les gens en état de peur constant et de détruire les liens de confiance envers les autres. Inévitablement apparaît la peur de l'autorité. Plusieurs ont des sautes d'humeur et parfois des élans de colère intense en lien direct avec la violence dont ils ont été victimes. Certains auront des idées suicidaires dans les premiers jours ou les premières semaines.
Maintenant coupés de leurs liens sociaux et spirituels, arrivés dans un climat d'hostilité à leur égard, obligés de replonger dans cette histoire qu'ils ont vécue, certains trouveront un baume à cette douleur en se réfugiant dans le déni et dans la dissociation de la réalité. On les oriente vers des services médicaux qui les médicamentent, avec tous les effets secondaires que cela provoque.
Je suis venu accompagné de Kemoko, qui a accepté d'être le porte-parole de nos résidents. Au cours des 20 dernières années, plus d'un millier de personnes sont passées par nos résidences. Je lui ai demandé s'il aurait été prêt pour une entrevue de collecte d'information avec un agent de l'immigration huit jours après son arrivée. Je vais laisser Kemoko répondre à la question.
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Monsieur le président Tilson, vos excellences les membres du comité, mesdames et messieurs, bonjour.
Je n'ai pas beaucoup de temps, mais je vais faire de mon mieux. Je suis très honoré, en tant que réfugié, de comparaître devant vous aujourd'hui pour témoigner du caractère critique de la motion relative à l'entrevue initiale et qui vise à remplacer le délai de 28 jours par un délai de huit jours.
Me basant sur mes propres expériences, je parlerai des obstacles qui ne m'auraient pas permis d'être prêt pour cette entrevue. Je suis arrivé au Canada avec des séquelles physiques et psychologiques, comme vous pouvez le voir, causées par des actes de violence dans mon pays d'origine.
Avant tout, j'avais besoin d'un soutien psychologique, pour m'apprendre à accepter les choses que je ne pouvais pas changer et être en mesure de parler de ce que j'avais vécu. En ce sens, il aurait été presque impossible d'être obligé de parler de ce que j'ai vécu immédiatement après mon arrivée.
Hormis l'obligation légale et légitime de raconter mon histoire, la réalité que j'ai vécue n'est pas une réalité que j'aurais du plaisir à raconter et à me remémorer. Les nouvelles réalités légales constituent plus ou moins un fardeau. Elles étaient plus ou moins un fardeau pour moi et venaient s'ajouter à d'autres qui composent mon quotidien. J'avais besoin de développer un certain degré de confiance en moi et en les autres.
De plus, le Canada était un nouveau territoire pour moi, un nouveau terrain à apprendre à connaître. À mon arrivée, j'étais sujet à un choc culturel considérable, défini par ce que je voyais, ce que j'entendais et ce qui m'entourait. Le désir de découvrir les attitudes de mes nouveaux voisins et de m'y adapter était presque immédiat. Ces faits devenaient pour moi une sorte de médicament pour m'aider à me remettre de mon violent passé.
M'avoir privé de cette occasion de guérir psychologiquement en me forçant à me concentrer sur l'entrevue dans les huit jours n'aurait pas aidé ma réhabilitation.
Le fait que j'étais confronté à une nouvelle réalité était une préoccupation suffisante pour moi, sans avoir à me soucier d'autre chose. De plus, quand je suis arrivé ici, en raison de mon apparence, partout où je passais, à l'hôpital par exemple, on me disait que j'avais besoin de médicaments. On pensait que j'avais des problèmes mentaux. On me donnait des médicaments qui me mettaient dans tous mes états. J'ai été obligé d'arrêter la plupart de ces médicaments.
Dans mon cas, les huit jours auraient été un problème. Même maintenant, je ne suis pas prêt. Je suis en train d'apprendre comment fonctionne le système d'immigration canadien et je suis en train de m'intégrer. La Maison Haidar a été un soutien pour moi aussi, tout comme mon avocat.
Je pense que je pourrais citer beaucoup de choses pour vous faire comprendre que vraiment, mesdames et messieurs, ces huit jours ne seront pas suffisants. Je suis une seule personne, mais beaucoup de réfugiés vous diront que ces huit jours ne sont pas assez pour nous.
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Je ne le ferai pas. Je n'ai pas vraiment beaucoup de choses à dire. Pour être plus précis, j'en ai beaucoup à dire, mais vous avez déjà tout entendu, parce que vous avez eu l'avis du UNHCR, du Conseil canadien pour les réfugiés et d'Amnistie Internationale. Comme je répéterais en grande partie les propos de ces organismes, je n'irai pas tellement dans les détails.
Je voulais commencer par dire quelque chose qui ne se rapporte pas vraiment à notre sujet; je veux seulement dire à quel point nous sommes heureux qu'Immigration Canada ait décidé d'augmenter le nombre de réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé et de réfugiés parrainés par le gouvernement. Antoinette m'a demandé de vous en faire part.
En ce qui concerne le projet de loi, vous avez entendu les différentes questions qu'il soulève. À mon avis, il y a du bon et du mauvais. Il contient de très bons éléments, mais d'autres qui, à mon avis, peuvent poser problème.
En ce qui concerne les délais de traitement des demandes d'asile, ils sont très bons. Compte tenu de la situation actuelle où des gens restent dans l'expectative pendant 18 mois ou plus, c'est très bien.
La question de mener l'entrevue initiale dans les huit jours me préoccupe un peu moins que celle de tenir l'audience de la CISR dans les deux mois. Je m'occupe de certains dossiers présentement. Il y a celui d'un Tamoul qui doit obtenir certains documents d'identification, alors qu'il ne sait même pas si les membres de sa famille sont en vie, et encore moins s'il peut communiquer avec eux. Une autre personne, un Congolais, se trouve dans le même genre de situation. J'ai le sentiment que nous en arriverons à ce que de toute façon, les deux mois soient prolongés continuellement. Je ne sais pas s'il est vraiment nécessaire que nous fixions une limite rigide. Si c'est le cas, il faudrait peut-être que nous prolongions un peu la période de deux mois.
L'autre question qui me pose problème concerne l'accélération du traitement. De façon générale, le problème présentement pour tous les aspects de l'immigration, et pas seulement pour ce qui est de la reconnaissance du statut de réfugié, mais aussi du traitement des demandes au gouvernement et dans le secteur privé, et des questions d'immigration en général, c'est que le système dans son ensemble manque de ressources. Si nous voulons atteindre le type d'objectifs contenus dans ce projet de loi, il nous faudra dépenser beaucoup d'argent. Il nous faudra embaucher beaucoup plus d'agents, plus de commissaires et de commis à la CISR, etc. On ne peut pas vraiment fixer des objectifs à moins d'être disposé à fournir les ressources nécessaires. À l'heure actuelle — et cela ne date pas d'hier, c'est comme cela depuis 20 ans —, beaucoup de problèmes dans le système ne sont pas causés par des problèmes structurels du système, mais simplement par le manque important de ressources.
L'autre problème majeur pour moi, c'est la liste de pays sûrs. Ce qui me pose problème, ce n'est pas tellement la question de savoir s'il y a des pays sûrs ou non. Ce qui me préoccupe au sujet de cette liste de pays sûrs, c'est que cette question en devienne une politique et soit intégrée aux relations diplomatiques du Canada. Le fait de supprimer un pays de la liste ou d'en ajouter un aura des répercussions sur bien d'autres aspects que la réalité des simples réfugiés. Je crois que nous mettrons vraiment les pieds dans les plats si nous nous engageons sur cette voie.
L'un des très bons points de ce projet de loi, qui me réjouit vraiment, c'est la mise sur pied de la section d'appel des réfugiés, et pas seulement parce qu'on la met en place, mais parce qu'elle sera renforcée. Je crois que c'est une très bonne initiative. C'est très important et je suis très heureux de voir cela.
Mon dernier point porte sur les limites imposées en ce qui a trait aux appels pour des raisons d'ordre humanitaire et aux examens des risques avant renvoi. J'ai des réserves à ce sujet. Je ne suis pas avocat, mais d'après ce que je connais de la décision Singh et de la jurisprudence, je dirais que la première fois que ces questions seront soulevées en cour, elles ne seront pas tolérées.
Comme je l'ai dit, il y a du bon et du mauvais. Il contient de très bons éléments. Tout ce que nous pouvons faire pour accélérer le processus est très bien. Je crois que l'une des choses dont nous devons nous rappeler, c'est qu'actuellement, 40 ou 50 p. 100 des gens qui font des demandes de statut de réfugié sont vraiment des réfugiés. Ces gens deviendront des Canadiens, et si nous les laissons dans l'incertitude ou dans cet enfer durant 18 mois ou plus avant que tout se règle, nous ne faisons pas en sorte que leur vie au Canada parte du bon pied. Je travaille aux services à l'enfance et à la famille et je suis très inquiet, en particulier pour certains enfants des demandeurs d'asile. Leur admissibilité est très limitée.
En passant, je me permets de préciser qu'ici, à Calgary, pendant des années, il y avait très peu de demandes de statut de réfugié. Depuis deux ans, et en particulier l'an dernier et en ce moment, le nombre de demandes a beaucoup augmenté. Mon organisme est pratiquement le seul à Calgary qui dessert les demandeurs d'asile, ce qui explique pourquoi je suis ici.
De toute façon, c'est vraiment tout ce que j'ai à dire. Je n'ai pas préparé de déclaration préliminaire parce que c'est seulement ce matin qu'on m'a demandé de venir ici.
Avez-vous des questions?
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Il y aura des questions pour tout le monde. Je vais partager mon temps de parole avec ma collègue Alexandra Mendes.
J'aimerais signaler au passage qu'à mon avis, toute cette question de pays désignés constitue de plus en plus un problème qu'on devra régler. Je suis de ceux qui pensent que, chaque cas étant unique, commencer à généraliser provoque d'autres problèmes. En tout cas, on va en discuter lors de l'étude article par article.
Je veux commencer par remercier les représentants de la Mission communautaire de Montréal. Vous êtes venus nous parler d'un point extrêmement précis et important. Il faut procéder plus rapidement, mais cela ne veut pas dire qu'il faille se hâter au point où on va manquer le bateau. J'aimerais qu'on se parle de façon plus précise. Je peux comprendre que, dans des cas comme celui de M. Kamara, une période de huit jours ne soit vraiment pas suffisante, parce qu'il faut le récupérer pour pouvoir coller les morceaux ensemble, bien l'entourer, et lui démontrer qu'il est hors de danger et qu'on va s'occuper de lui. C'est pourquoi je dis que chaque cas est unique et qu'on ne peut pas généraliser.
On parle de huit jours. Supposons qu'on s'en donne plus et qu'on choisisse une quinzaine ou une vingtaine de jours. Sans s'arrêter au cas de M. Kamara, pensez-vous, monsieur Thibault, que ce pourrait être un amendement acceptable? Vous avez préparé le cas de l'appel à la Commission d’immigration et du statut de réfugié. Deux mois, c'est trop court. On devrait faire quelque chose — je ne sais pas, on devrait peut-être établir une durée de 90 jours. Au même titre, si on veut aider la personne, on doit aussi l'accueillir rapidement.
Selon vous, quel devrait être l'ordre de grandeur? Si on disait 15 jours au lieu de huit jours, serait-ce satisfaisant?
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Cela va quelque peu au-delà de ma compétence.
Les considérations humanitaires constituent un élément extrêmement important de sécurité dans le système. La définition d'un réfugié est très restreinte, et il y a des personnes qui sont dans des situations difficiles et qui ont vraiment de très bons motifs de craindre pour leur vie, mais elles ne cadrent pas nécessairement avec la définition. Nous devrions conserver les considérations humanitaires. Si nous le faisons, il nous faut inclure la peur pour être en mesure de sauver des gens. Il ne faut pas qu'une autre Mexicaine se fasse tirer dessus après avoir vu sa demande refusée, même si on avait d'assez bonnes preuves qu'elle était en danger si on la renvoyait dans son pays, Ensuite, restreindre l'accès pour les gens qui viennent de pays sûrs, ce qui, je crois, est contenu dans le projet de loi, n'a pas de sens du tout, parce que c'est précisément les personnes qui viennent de ces supposés pays sûrs...
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Deux mois, c'est trop court. Il y a gens qui, en deux mois, n'ont pas le temps de réunir les pièces d'identité nécessaires à un commissaire pour accorder la protection à cette personne.
Comme madame, j'ai accompagné beaucoup de personnes à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et la question de l'identité est cruciale pour le commissaire. Si le commissaire n'est pas convaincu que la personne qui comparaît devant lui est bien M. Untel, même s'il croit son histoire, même si tout ça est en place pour en faire une personne protégée, le commissaire ne pourra pas lui accorder le statut de réfugié et il va rejeter sa demande. Un délai de deux mois, pour certaines personnes, c'est beaucoup trop rapide. Je crains que la demande de certaines personnes ne soit refusée à cause de ça.
Alors, dans ces conditions, il m'apparaît beaucoup plus raisonnable qu'on suggère 120 jours. Surtout par rapport au délai actuel de 18 mois, et même plus dans certains cas, un délai de 120 jours m'apparaît raisonnable.
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J'ai une remarque très brève.
Tout d'abord, à certaines occasions, j'ai vu des entrevues visant à déterminer la recevabilité durer 14 heures. Si nous disons que les gens doivent raconter leur histoire, et que nous nous attendons à ce que les gens, qui ont peut-être été torturés, agressés sexuellement ou détenus dans une prison, divulguent à un fonctionnaire du gouvernement canadien des renseignements personnels sur les expériences difficiles et traumatisantes qu'ils ont vécues, je suis profondément inquiet des effets qu'aura ce type d'entrevues.
Ce qui est bien avec le formulaire de renseignements personnels, c'est qu'on peut prendre le temps de le remplir soigneusement, de réfléchir. C'est neutre; on ne regarde pas quelqu'un dans les yeux lorsqu'on raconte qu'on s'est fait violer. Je suis inquiet à propos de ces entrevues.
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Tout d'abord, je veux remercier Gift, M. Gutierrez et M. Kamara d'être venus nous parler de leur expérience. Merci beaucoup. Après tout, notre discussion porte vraiment sur les réfugiés, leur vie et ce qui se produirait s'ils étaient renvoyés dans leur pays d'origine.
Je veux également prendre le temps de remercier Mary Jo Leddy, que j'admire depuis bon nombre d'années pour son travail.
En ce qui vous concerne, monsieur Thibault, que je ne connais pas très bien, j'ai certainement entendu de bonnes choses sur le travail effectué par la mission.
Monsieur Bray, j'ai entendu parler du travail que vous faites à Calgary.
D'après vos propos, je crois qu'il est très clair que tous les trois, vous êtes d'avis qu'il est totalement injuste de désigner des pays sûrs et de refuser à des personnes venant de pays comme le Mexique ou le Nigeria le droit de faire appel. Ma supposition est-elle exacte? Est-ce bien cela? Est-ce l'article 109 que vous voulez supprimer? Ma supposition est-elle exacte? Je pense que c'est le cas.
Comme vous pouvez le constater, les membres du comité s'entendent, je crois, sur le temps qu'il faut pour obtenir les renseignements, sur le fait qu'on ne doit pas précipiter les choses et sur le fait que les considérations humanitaires sont importantes.
Je veux mettre l'accent sur la question des pays sûrs, car il s'agit d'une question de vie ou de mort. Je pense que c'est extrêmement important. Je suis très encouragée. J'ai entendu au moins trois membres du Parti libéral dire qu'ils ne voudront peut-être pas appuyer l'idée des pays sûrs. Toutefois, le porte-parole a dit qu'il le ferait. J'ai également entendu M. Ignatieff dire ceci:
Nous ne pouvons pas accepter les demandes de statut de réfugié venant d'un certain nombre de pays, car elles ne sont pas justifiées et les demandes venant de ces pays n'ont pas de motifs valables. C'est peu rudimentaire, mais autrement, il y aura des faux réfugiés, ce dont personne ne veut.
C'est ce qu'il a déclaré à la Chambre de commerce de Saint John, le 13 août de l'an dernier.
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J’ai une observation à faire à ce sujet. Je peux vous raconter une histoire très simple qui illustre la nature du problème. Il y a quelques années, un couple de Nicaraguayens vivait ici, au Canada. Il y avait beaucoup de violence familiale au sein du couple. D’ailleurs, le mari avait été reconnu coupable de voies de fait mais, comme cela se produit souvent dans les cas de violence familiale, le couple s’était réconcilié. Puis les sandinistes ont perdu le pouvoir — en fait, il y avait eu une élection —, et le couple est retourné au Nicaragua.
Environ deux ans plus tard, elle est revenue au Canada. Comme elle avait été absente plus de six mois, elle avait perdu son statut de réfugiée au Canada. Elle a essayé de le revendiquer de nouveau, mais sa demande a été rejetée parce que le pays d’où elle venait était démocratique et respectait la primauté du droit et que, par conséquent, elle pouvait s’adresser à la police. Elle leur a fait remarquer que, son mari étant commandant adjoint de la force policière nationale, cela posait un problème. Il est très probable que, si elle était restée là-bas, elle serait morte. Elle a été en mesure de présenter une demande CH qui a été acceptée. Elle vit désormais au Canada et s’en tire très bien.
Si le Nicaragua, qui est une démocratie et qui respecte la primauté du droit, avait figuré sur une liste de pays sûrs, elle n’aurait pas été en mesure de présenter une demande, et elle serait morte aujourd’hui. Voilà qui explique très clairement et concrètement pourquoi des gens mourront si nous restreignons les appels.
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Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs, d’être venus participer à la séance du comité. Nous apprécions vraiment le temps que vous nous consacrez et les connaissances que vous nous communiquez.
Avant d’aller plus loin, je veux d’abord faire quelques observations pour clarifier certains points. Premièrement, M. Bray a mentionné qu’il faudrait accorder des fonds supplémentaires. Oui, ce projet de loi prévoit des fonds supplémentaires pour deux secteurs. D’abord, on embauchera ce qu’ils appellent des agents de la CISR; ce seront des fonctionnaires, mais ces postes ne seront pas nécessairement occupés par les fonctionnaires actuels. Il est évident que vous n’êtes pas satisfait du système actuel, parce que vous êtes préoccupé par la qualité du personnel. Le président de la commission nous a assuré l’autre jour — et il reviendra nous voir — qu’ils ne recruteraient pas seulement des fonctionnaires déjà au service du gouvernement et que les recrues recevraient une formation intensive pour veiller à ce qu’elles connaissent la culture et les techniques employées dans le cadre des audiences de premier et de deuxième palier.
Le directeur général des Affaires des réfugiés du ministère de l’Immigration est également venu plus tôt cet après-midi et nous a précisé que la première entrevue servait à recueillir des renseignements. De plus, certaines de vos suggestions font déjà partie de leurs recommandations. Le directeur général a dit que l’entrevue serait enregistrée, qu’un rapport écrit serait également produit, et que l’enregistrement et le rapport seraient remis au demandeur ainsi qu’à son avocat, s’il en avait un.
En ce qui a trait au financement, j’ai mentionné précédemment que des fonds supplémentaires seraient alloués et que du personnel supplémentaire serait embauché pour effectuer le traitement du début, sans quoi il y aurait encore un arriéré. En outre, des fonds seront alloués pour les mesures d’expulsion parce que très souvent, lorsqu’on découvre qu’il s’agit de faux réfugiés, on ne peut pas les expulser, et ils finissent par demeurer ici.
Ma question s’adresse à vous tous. Croyez-vous que le système actuel est préférable aux réformes?
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Gustavo, j’ai une question à vous poser. Le président du Mexique a parlé à la Chambre des communes ce matin, et il a dit, entre autres choses, qu’il espérait sincèrement que la solution que le Parlement étudiait en ce moment et qui découlait de vastes modifications apportées au droit des réfugiés agirait également comme un pont favorisant la reprise des échanges de visiteurs. Il soutient les changements que nous apportons à nos lois sur les réfugiés afin d’améliorer le processus.
Je comprends votre point de vue et votre frustration mais, en 2009, nous avons reçu plus de 10 000 demandes d’asile de la part de Mexicains, dont 90 p. 100 ont été refusés parce qu’elles ne devaient pas être considérées…
Mary Jo, j’aimerais simplement que Gustavo écoute ce que j’ai à dire, parce que c’est très important.
Il fallait que nous prenions une décision. Nous ne cherchions pas à faire du mal à qui que ce soit; nous nous efforcions de désengorger un système. J’ai lu quelques renseignements sur votre passé, et je comprends que vous viviez dans la crainte au Mexique, mais je sais également qu’un certain nombre de Mexicains ont revendiqué le statut de réfugié bien qu’ils n’en soient pas. Nous voulons désengorger le système afin qu’il puisse aider les gens qui en ont besoin et qui doivent venir au Canada pour être en sécurité.
Ce genre de systèmes ne vous a-t-il pas incité à venir au Canada, et ne voudriez-vous pas qu’il fonctionne?
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Monsieur Dykstra, pourrais-je dire quelque chose, s’il vous plaît?
Pour suivre votre logique — et je ne crois pas que Gustavo dirait cela lui-même… Sa demande d’asile a été refusée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour la même raison que celle qui a été communiquée à tous les Mexicains, à savoir qu’ils étaient des imposteurs, que le Mexique était une démocratie et que les démocraties respectent les droits de la personne. Donc, en voulant régler ce que vous appelez un « arriéré », vous avez refusé de nombreux réfugiés légitimes, et vous les avez qualifiés d’« imposteurs ».
Quand les Canadiens entendent l’histoire de gens comme Gustavo ou entendent parler de directeurs de banque, d’avocats, d’écrivains et de propriétaires d’entreprise qui sont venus ici et qui ont été traités de faux réfugiés, je ne crois pas que cela leur plaît. Donc, je comprends que…
Au nom des gens du Rainbow Refugee Committee à Vancouver, je veux vous remercier de cette occasion de présenter notre perspective à l'égard du projet de loi .
[Traduction]
Le système de protection des réfugiés du Canada sert de modèle à d'autres, non parce qu'il est parfait, mais parce qu'il réussit mieux que la plupart à honorer les engagements internationaux que nous avons pris pour protéger la vie edemmentt la sécurité des personnes qui risquent d'être persécutées. Cette fin fondamentale doit se trouver au coeur de toute tentative de réforme.
Le Canada est un chef de file mondial au chapitre de la protection des réfugiés qui risquent d'être persécutés en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre. Notre pays fut l'un des premiers à reconnaître que l'homophobie et la transphobie peuvent conduire à de la persécution; aujourd'hui, 21 pays font de même. La protection ainsi offerte est essentielle dans un monde où les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et allosexuelles sont toujours victimes de persécution dans au moins 80 pays.
Rainbow Refugee appuie les efforts qui visent à accélérer le processus, ce qui réduirait le temps que les demandeurs passent dans l'incertitude. Nous considérons l'efficacité et l'équité comme des objectifs complémentaires. Toutefois, nous craignons que le projet de loi lèse l'équité et que les demandeurs d'asile lesbiens, gais, bisexuels et transgenres soient particulièrement désavantagés. Ces préoccupations sont fondées sur 10 ans d'expérience dans le domaine et sont partagées par d'autres groupes de soutien de réfugiés LGBT, soit SOY Express à Toronto et AGIR à Montréal.
Nos membres ont fui des pays dans lesquels ils étaient surveillés ou s'étaient fait arrêter, emprisonner, extorquer et, dans certains cas, torturer en raison de leur sexualité ou de leur identité de genre. Pour survivre, ces personnes ont dû apprendre à vivre dans le silence, à être vigilantes et à rester cachées. Or, les répercussions de la persécution et des traumatismes, qui poussent les personnes à se taire, ne s'effacent pas dès leur arrivée. Je connais un homme qui a passé 27 jours en détention avant de trouver le courage de dire à son avocat de service qu'il était homosexuel. Qu'aurait-il dit pendant une entrevue après huit jours? Le délai accéléré proposé dans le projet de loi C-11 ne permettra pas aux demandeurs LGBT de bien se préparer, ni de bien préparer leurs documents. Le fait de tenir des audiences sans preuve solide mènera à des décisions mal fondées et à davantage d'appels — ce qui n'est ni juste, ni efficace.
Nous accueillons favorablement la mise en oeuvre tant attendue de la Section d'appel des réfugiés. Le droit à un examen du fond est essentiel à l'équité. Aussi, l'appel devrait tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents, et non seulement des nouveaux ou de ceux qui n'étaient pas disponibles auparavant. Ce point a de l'importance pour nous parce qu'il est très difficile pour les demandeurs LGBT de trouver des preuves de la situation du pays. Nos membres emportent tous les éléments de preuve qu'ils ont à leurs audiences.
Je connais un homme homosexuel qui a échoué son ERAR puisqu'on ne tient compte que des nouveaux éléments de preuve. Le Canada était prêt à expulser cet homme vers un pays qui criminalise l'homosexualité parce qu'il n'avait pas de nouveaux éléments pour prouver qu'il serait ciblé.
Les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres qui risquent de subir des torts graves dans leur pays d'origine dépendent largement des filets de sécurité que constituent les demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire. Il est très difficile de déterminer à quel moment l'homophobie et la transphobie se transforment en persécution. Les commissaires ont de la difficulté à prendre cette décision. Les renseignements fiables sont rares, et il y a une grande différence entre les lois officielles et la situation sur le terrain.
Prenez l'exemple d'une de nos membres dans le cas de laquelle les torts subis sont devenus persécution. Angela vient d'un pays d'Afrique occidentale. Lorsque son père a appris qu'elle est lesbienne, il l'a battue. Elle a été expulsée de son église. Les rumeurs se sont répandues. Les habitants de la ville ont commencé à lancer des pierres à sa fenêtre. Il est devenu impossible pour elle de sortir sans se faire harceler. Elle a aussi échappé de justesse à un groupe de jeunes hommes qui menaçaient de la violer, attaque au cours de laquelle elle a reçu un coup de couteau.
Or, la protection ne lui a pas été accordée en vertu des articles 96 et 97. Le commissaire l'a trouvée crédible, mais il a jugé qu'elle serait protégée par l'État puisque les lois de son pays ne criminalisent que l'homosexualité masculine. Angela habite au Canada depuis plus de deux ans. Elle travaille dans un bureau et une de ses collègues est entrée dans sa vie. Elle a trouvé une église qui l'a accueillie à bras ouverts. Toutefois, les dispositions du projet de loi C-11 empêcheraient à Angela de faire une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire.
Si nous avons l'intention de définir aussi rigoureusement les limites de la protection des réfugiés, nous devons alors permettre de porter appel pour des raisons d'ordre humanitaire. Je vous recommande fortement d'éliminer l'interdiction de déposer des demandes faites pour des raisons humanitaires et de retirer l'exigence insatiable de prendre le risque en considération dans le cadre de telles demandes.
De plus, nous nous opposons fermement au fait d'accorder au ministre le pouvoir de créer une liste de pays désignés qui élimine le droit d'appel selon la nationalité. La liste est contraire aux principes d'égalité devant la loi, elle pourrait politiser la protection et elle place des décisions de vie ou de mort entre les mains d'une seule personne. La liste de pays désignés sûrs est extrêmement dangereuse pour les demandeurs lesbiens, gais, bisexuels et transgenres. Il serait terriblement facile de décider qu'un pays est sûr en se fondant sur des renseignements imprécis ou incomplets au sujet des conditions réelles sur le terrain.
Une liste de pays sûrs ne peut tenir compte de la complexité et des variations qui existent actuellement sur le plan de la persécution et de la protection des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou transgenres. Le Brésil pourrait-il figurer sur la liste? C'est là qu'a lieu le plus grand défilé de fierté gaie au monde — plus de trois millions de personnes participent aux célébrations —, mais c'est aussi le pays qui a le plus haut taux de meurtres homophobes au monde. Le Brésil serait-il sur la liste des pays sûrs parce que ces meurtres sont signalés ou serait-il sur la liste des pays dangereux parce que ces meurtres sont commis et la police semble incapable de les empêcher? De son côté, l'Afrique du Sud reconnaît le mariage homosexuel, et pourtant, les organismes de défense des droits de la personne qui s'y trouvent signalent 10 cas de viols correctifs de lesbiennes par semaine, et la police omet de mener des enquêtes. En outre, nous avons entendu un homme dire que Bogotá est une ville où il fait bon être gai, tandis qu'un autre nous a dit, après avoir passé 10 ans à se déplacer pour tenter d'échapper à des menaces de mort, que c'est une ville terrifiante. Ainsi, au sein d'un même pays d'origine, la vulnérabilité des gens et l'accès à la protection de l'État varient considérablement selon la classe sociale, la race, le sexe, la religion et les réseaux sociaux d'une personne. C'est justement lorsque la situation du pays semble sûre sur papier que les décisions relatives aux réfugiés lesbiens, gais, bisexuels ou transgenres sont les plus complexes et que le filet de sécurité que constitue le droit d'appel est essentiel.
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Je vais commencer et si M. Pinarbasi veut continuer, il fera la prochaine partie.
Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, je me nomme Dogan Dogan. Je suis citoyen canadien d'origine kurde et j'habite à Toronto, en Ontario. Je travaille actuellement au Kurdish Community and Information Centre, où je présente des recommandations au président et au conseil d'administration sur des questions relatives aux Kurdes et à leur communauté. Je suis titulaire d'une maîtrise ès sciences en économie et finance internationales de l'Université Brandeis, à Waltham, aux États-Unis, ainsi que d'une maîtrise en administration des affaires de l'Université Suffolk, à Boston.
Au nom du Kurdish Community and Information Centre de Toronto, je suis ici en compagnie de M. Huseyin Pinarbasi pour parler du projet de loi .
Le Canada est membre du G8. Son PIB par habitant, son niveau de vie, son système de soins de santé, son système d'éducation, sans compter...
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Certainement. Je vais reprendre le troisième paragraphe. Le Canada est membre du G8. Son PIB par habitant, son niveau de vie, son système de soins de santé, son système d'éducation, sans compter tout ce qu'il offre aux demandeurs d'asile et sa réputation en matière des droits de la personne sont tenus en grande estime de par le monde. Par conséquent, il s'agit d'une destination populaire, tant pour les demandeurs d'asile que pour les passeurs de clandestins et les trafiquants de personnes.
Pour s'acquitter de son obligation morale, comme tous les pays développés, le Canada fournit un foyer sûr aux demandeurs d'asile conformément à la convention relative aux réfugiés de l'ONU, en vertu de laquelle les personnes qui fuient la persécution sont acceptées. Le Canada juge les demandes en se fondant sur la Convention de Genève de 1951, aux termes de laquelle un réfugié est une personne qui « crai[nt] avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».
On peut justement s'attendre à ce qu'une partie des demandeurs d'asile qui arrivent au Canada soient faux et fabriqués par des éléments criminels organisés transnationaux. Pour cette raison, les objectifs du gouvernement visant à corriger le système dysfonctionnel de protection des réfugiés afin de décourager les passeurs de clandestins, les trafiquants de personnes et les faux demandeurs d'asile de faire du Canada leur destination sont peut-être raisonnables et bien vus. Toutefois, à titre d'organisme sans but lucratif qui connaît de nombreux réfugiés et demandeurs d'asile, qui comprend les difficultés qu'affrontent nombre d'entre eux et qui essaie d'aider certains d'entre eux à s'intégrer à la société canadienne pendant et après le traitement de leur cas, nous avons de la difficulté à accepter certaines des solutions comprises dans les réformes proposées.
Au sujet des décisions accélérées, avec les modifications proposées, les personnes dont la demande d'asile est déférée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié rencontreraient un fonctionnaire de la commission dans les huit jours suivant le jugement de recevabilité. La question qui se pose alors est la suivante: est-il juste de demander à une personne qui fuit pour protéger sa vie, qui vient probablement d'un pays où la population ne fait pas confiance aux représentants du gouvernement et où il faut souvent les payer pour obtenir une décision favorable, qui ne parle probablement pas beaucoup ni français ni anglais, et qui ne comprend pas le système judiciaire canadien de pouvoir se présenter seule devant un fonctionnaire pour une entrevue visant à recueillir des renseignements huit jours après son arrivée au Canada? La réforme proposée demande aussi que les renseignements relatifs à la demande soient recueillis de manière appropriée au cours de l'entrevue en question et qu'ils soient complétés lors d'une audience devant un autre fonctionnaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui doit avoir lieu dans les 60 jours. La question qui se pose dans ce cas est la suivante: est-il juste de demander à une personne de préparer tous les documents exigés pour une audience qui doit avoir lieu dans les 60 jours? Sans un processus de présélection juste et solide servant à établir la validité de chaque cas, à notre avis, cette façon de procéder n'est tout simplement pas justifiable. Pour que tous les réfugiés soient traités de façon équitable, ces délais doivent être allongés. En outre, il faut respecter les obligations internationales relatives aux droits de la personne.
En ce qui concerne les pays d'origine sûrs, la solution exhaustive et à long terme réformera peut-être le système de protection des réfugiés du Canada, mais la solution visant la désignation de pays sûrs est potentiellement troublante sur le plan moral. Dans le but de partager certains frais associés à chaque demandeur d'asile, le Canada pourrait adopter des mesures législatives qui permettraient au gouvernement de décider unilatéralement que certains pays sont sûrs. C'est peut-être vrai que ces mesures pourraient décourager une grande partie des trafiquants qui inondent les côtes canadiennes de faux réfugiés.
Toutefois, on n'a qu'à écouter les informations pour savoir que de nombreux pays, qui ont des constitutions qui garantissent la liberté de religion et d'autres droits que les Canadiens tiennent pour acquis, ignorent ces droits ou permettent à leurs citoyens de persécuter les personnes différentes. Par conséquent, nous croyons qu'il faut procéder au cas par cas. En effet, un même pays d'origine peut être sûr pour un et dangereux pour un autre.
J'aimerais vous donner un exemple qui montre pourquoi la désignation de pays d'origine sûrs est discutable.
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Je vous présente l'exemple de la République turque. La Turquie veut se joindre à l'Union européenne. Elle est membre du G20, elle veut avoir de l'influence dans le monde, elle tente de servir d'intermédiaire entre Israël et la Syrie, et elle collabore avec le Brésil pour empêcher le monde de confronter l'Iran en raison de ses ambitions nucléaires malheureuses.
Le comité pourrait donc considérer la Turquie comme un pays sûr. Or, il s'agit d'un pays où, au cours des 25 dernières années, presque tous les temples et églises de différentes religions ont été détruits; plus de 4 000 villages kurdes ont aussi été détruits; plus de 17 000 meurtres extrajudiciaires ont été commis; plus de 2 500 politiciens, représentants élus, maires et défenseurs des droits de la personne ont été emprisonnés sans diligence raisonnable; et plus de 400 enfants kurdes ont été tués par la police militaire, dont un hier.
En outre, environ 3 000 enfants kurdes âgés de 7 à 16 ans sont emprisonnés actuellement pour la simple raison qu'ils étaient présents aux manifestations. Le fait de mettre la Turquie sur la liste des pays sûrs ne fait pas de la désignation une réalité. Pour qu'elle soit considérée comme sûre, votre comité doit ignorer la vérité et le gouvernement doit fermer les yeux sur les faits.
Pour continuer ma plaidoirie au sujet du pays d'origine sûr, nous croyons que l'objectif devrait être de contrer le problème des demandes d'asile injustifiées avant qu'elles ne soient déposées par la mise en place d'un mécanisme de présélection. La désignation des pays d'origine sûrs n'est tout simplement pas une solution. Nous croyons que chaque demandeur devrait avoir le droit d'avoir accès à la loi et d'être traité équitablement, peu importe le pays d'origine.
En ce qui concerne la Section d'appel des réfugiés, si une demande d'asile est rejetée, la plupart des clients auront le droit d'en appeler de la décision devant la nouvelle Section d'appel des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Les décisions relatives aux appels seront rendues par les personnes nommées par le conseil exécutif de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Au cours de la procédure d'appel, on examine la décision originale et — dans certains cas — tout nouvel élément de preuve. En raison du fait que le temps de préparation pour l'entrevue où l'on recueille des renseignements et pour l'audience est si court, la Section d'appel des réfugiés doit examiner toute la documentation de la décision originale et doit entendre tout nouveau témoignage que le demandeur désire présenter. Cela doit être fait dans tous les cas, et non seulement pour certains cas.
Nous sommes d'accord pour dire que les nouvelles mesures qui modifieront le système en place devront être rapides et économiques. Cependant, elles doivent être équitables. Pour les demandeurs qui voient leur cause rejetée, l'examen des risques avant renvoi peut être critique et très important, mais cette clause pourrait engorger le système actuel et coûter plus cher aux contribuables. Ce n'est pas une solution bien conçue.
Merci, monsieur. Je vous suis reconnaissant de nous avoir accordé du temps supplémentaire.
Merci aux membres du comité.
Il est important de comprendre les répercussions de la persécution ainsi que celles liées au fait de se faire dire que votre identité fait de vous une personne atteinte de maladie mentale, une personne méchante ou pécheresse. Cela a pour effet de réduire ces personnes au silence et de les humilier profondément.
Il est aussi important de comprendre que ces personnes ont tendance à être victimes de persécution homophobe ou transphobe dans le cadre de leurs relations les plus intimes, soit au sein de leur famille ou à l'école, puis aussi de la part des fonctionnaires. Par conséquent, la honte et la peur sont profondément ancrées.
J'ai vu des gens prendre des mois pour rassembler le courage nécessaire pour pouvoir dire « je suis gai » ou « je suis lesbienne » à voix haute, et à plus forte raison, à voix haute devant un fonctionnaire, dans un édifice gouvernemental.
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J'ajoute qu'il n'y a pas si longtemps, dans les écoles du Québec, on faisait des campagnes pour encourager les jeunes à le dire s'ils étaient gais ou lesbiennes. Dans les écoles de notre pays, encore à notre époque, certaines personnes hésitent à le dire, et elles se sentent rejetées si elles le font. J'imagine que la situation doit être pire dans plusieurs pays.
Je dois souligner que vous avez fait une présentation très complète. Il n'est pas facile de vous poser des questions, car vous avez couvert presque tout le projet de loi. Toutefois, j'aimerais vous entendre parler d'un sujet particulier, vous et ensuite M. Dogan. Qu'arrive-t-il une fois que le processus est terminé et qu'une personne est déboutée? Il peut survenir certaines choses entre le moment où elle est déboutée et celui où elle est expulsée. Le processus actuel comprend l'examen des risques avant renvoi, l'ERAR, qui permet de traiter ce genre de cas.
Or, presque tout le monde est d'avis que ce mécanisme ne fonctionne pas très bien, qu'il n'est pas très efficace. Plusieurs groupes, dont le CCR, sont venus témoigner et nous ont dit qu'on pourrait y renoncer s'il existait un autre mécanisme qui permettait aux gens qui sont déboutés de faire une demande à la Section d'appel des réfugiés, pour que leur dossier soit à nouveau ouvert lorsque la situation change dans leur pays. Une telle réouverture ne serait pas automatique, elle ne serait faite que pour les cas exceptionnels. Il faudrait prouver que la situation a changé de façon significative dans le pays d'origine, suffisamment pour croire que la décision qui serait prise serait différente de la précédente.
Seriez-vous d'accord pour qu'on mette sur pied un tel mécanisme? Sinon, avez-vous une solution à proposer?
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Je vais vous arrêter ici, monsieur Dogan, car ma question ne portait pas sur l'appel en tant que tel.
Il arrive que des gens soient déboutés après avoir fait appel, parce qu'au moment où la décision est prise, ils ne sont pas des réfugiés. Or, entre le moment où cette décision est prise et celui où un individu est renvoyé, il peut arriver que la situation change dans son pays. Cet individu pourrait, dès lors, être considéré comme un réfugié.
Le projet de loi actuel ne prévoit aucun mécanisme qui permette à ces gens de demander la réouverture de leur dossier. Seriez-vous favorable à ce que le comité demande qu'on amende le projet de loi pour y inclure un tel mécanisme? Ce mécanisme serait utilisé dans les cas exceptionnels où la situation dans le pays du demandeur aurait changé à un point tel qu'il serait raisonnable de croire que la décision serait maintenant différente.
Madame Jordan, je veux revenir sur la communauté gaie et lesbienne. Vous avez mentionné que la définition actuelle de réfugié était assez étroite. Heureusement, dans plusieurs cas, certains commissaires élargissent la définition de persécution pour tenir compte de l'orientation sexuelle, mais d'autres ne le font pas. Personnellement, je crois qu'une section d'appel serait une bonne chose. Il en découlerait une uniformisation de cette interprétation selon laquelle l'orientation sexuelle peut être une cause de persécution.
Par ailleurs, ne craignez-vous pas que, en admettant ce principe de pays sûrs, ce ne soit dans les cas des pays dont la situation est ambiguë et floue qu'on effectue moins d'analyses et qu'on établisse moins de jurisprudence, alors qu'ils nécessitent justement plus de vérifications?
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Vous soulevez un point très important. Il existe très peu de données au sujet de la persécution homophobe et transphobe. Il y a très peu de renseignements là-dessus. Donc, certains commissaires prennent des décisions de vie et de mort en se fondant sur des renseignements hautement douteux et parfois contradictoires. C'est ce que l'on constate notamment dans les pays où la situation évolue.
On a mentionné la Turquie qui va vraisemblablement adopter, très bientôt, une loi contre la discrimination. Or, les homosexuels qui veulent faire carrière dans les forces armées, en Turquie, subissent des humiliations. Leurs photos sont publiées dans les journaux. Ils doivent déclarer publiquement qu'ils sont homosexuels. Ils ne peuvent devenir militaires. Mais l'information que nous avons à ce sujet est plutôt limitée.
Autre exemple: j'ai assisté récemment à quelques audiences qui concernaient le cas de deux transsexuelles et d'une lesbienne, toutes du Mexique. Elles font partie des rares personnes du Mexique, 8 p. 100 au total, à être acceptées au Canada. Les audiences ont duré huit heures. Ensuite, les membres de la commission ont passé trois au quatre semaines à examiner les éléments de preuve, parce qu'il était très difficile de rendre une décision.
Il est essentiel d'avoir un mécanisme d'appel quand les dossiers sont très complexes et qu'ils impliquent des décisions de vie ou de mort. La liste des pays désignés représente un mécanisme très lourd.
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En effet, et nous avons constaté que ça ne donne pas de très bons résultats.
J'ai plusieurs réserves à cet égard. L'une d'elles est la préoccupation que j'ai soulevée dans mon allocution. Si les LGBT sont traités comme des exceptions à la règle, cela deviendra clairement un facteur qui incitera les gens à présenter des demandes frauduleuses. Cela ne nous aide pas, et ça n'aidera pas non plus le système de détermination du statut de réfugié. Donc, je ne le recommande pas.
Accorder à quelqu'un une audience, et ensuite la possibilité d'une révision judiciaire si quelque chose ne va pas, est inapproprié. Nous voyons tout le temps des gens dont les demandes d'autorisation de contrôle judiciaire sont refusées; ce n'est pas la même chose qu'un appel. Les gens doivent pouvoir accéder à une audience et à un appel pleins et complets, surtout dans des situations complexes et changeantes.
Les directives du HCR sont très claires là-dessus. Il est correct de désigner des pays pour accélérer le processus. On considère que cela respecte... Mais priver quelqu'un de son droit à l'équité procédurale — donc, lui refuser le droit d'appel — ne serait pas conforme à la position du HCR.
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Mais même dans le cas des demandes provenant des États-Unis, 1 p. 100 des demandes ont été approuvées en 2009, alors ce n'est pas comme si ça ne pouvait pas arriver. Il s'agit d'une situation extrême, à l'évidence.
Ce que je tente de faire valoir, je crois, c'est qu'il y a eu de la désinformation au sujet des pays d'origine sûrs. Il est évident, même lorsque vous regardez l'article 109.1 proposé, que même si le ministre doit être celui qui, en définitive, procédera à la désignation, il ne le fera pas sans avoir reçu au préalable une recommandation d'un comité d'experts interministériel sur la question. Je pense que nous avons l'occasion d'aller dans cette direction, car cela libère ceux dont les vies sont en danger, qui se retrouvent à devoir faire la file ou à ne pas pouvoir faire entendre leur demande ici, au Canada, parce que nous avons un certain nombre de demandes qui ne devraient tout simplement pas être des demandes de statut de réfugié.