Passer au contenu
;

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 017 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Il s'agit de la 17e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Pour le compte rendu, je signale que nous sommes aujourd'hui le jeudi 13 mai 2010.
    Vous avez sous les yeux l'ordre du jour de la présente réunion. Conformément à un ordre de renvoi daté du lundi 3 mai 2010, nous poursuivons notre étude du projet de loi  C-4, la Loi de Sébastien, loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
    Nous recevons un certain nombre de témoins qui nous aideront dans notre étude. Nous entendrons tout d'abord M. Tim Croisdale, professeur adjoint, California State University. Nous entendrons ensuite Arlène Gaudreault, présidente, Association québécoise Plaidoyer-Victimes. J'espère que je n'ai pas fait d'erreur. Enfin, nous entendrons Mme Goyette, directrice, Association des centres de jeunesse du Québec.
    Je vous souhaite la bienvenue.
    Je crois que l'on vous a dit que vous disposiez chacun de 10 minutes pour présenter votre exposé, après quoi nous passerons à la période de questions.
    Au cas où certains d'entre vous ne connaissent pas la règle, je signale que vous devez éteindre vos téléphones cellulaires ou les régler en mode vibration, de manière à ce que nous ne soyons pas dérangés pendant la réunion.
    Monsieur Croisdale, je vous demande de donner le coup d'envoi. Vous avez 10 minutes.
    Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je m'appelle Tim Croisdale. Je suis professeur adjoint à la California State University, située à Sacramento. Je suis également professeur adjoint à l'école de criminologie de l'Université Simon Fraser, à Burnaby. En outre, je suis chercheur principal et professeur international invité à l'Institute of Canadian Urban Research Studies de l'Université Simon Fraser.
    Je suis ici aujourd'hui pour parler d'une recherche en relation avec le projet de loi C-4, lequel vise à dissiper les préoccupations liées aux jeunes contrevenants violents et dangereux et les jeunes contrevenants récidivistes. Durant mon exposé, je vous présenterai une vue d'ensemble de la recherche sur la récidive chronique et ferai état des résultats d'une recherche sur la récidive chronique et violente à laquelle j'ai participé et qui présentent un intérêt dans le cadre de l'étude du projet de loi C-4.
    La récidive chronique est souvent assimilée à la simple récidive. Cependant, la récidive chronique se définit non seulement par le fait, pour un délinquant, de commettre de nouvelles infractions, mais également comme une incapacité de cesser de commettre des infractions. Partant, le caractère chronique de ce type de récidive suppose que l'échec des mesures prises pour lutter contre la criminalité de l'individu pourrait entraîner ce dernier à commettre des infractions violentes.
    La recherche sur la récidive chronique se déroule dans le cadre plus vaste de la recherche sur la carrière criminelle, et porte notamment sur les questions liées au début de la carrière criminelle, à la fréquence et à la gravité des actes commis durant cette carrière et à la durée de celle-ci.
    Par « début » de la carrière criminelle, on fait référence à l'âge auquel un individu a commis sa première infraction. Cet âge est souvent déterminé par la date de la première arrestation de l'individu en question. Une personne qui commence sa carrière criminelle à l'adolescence, c'est-à-dire entre 13 et 17 ans, est considérée comme un jeune contrevenant. Une carrière criminelle précoce est une carrière qui commence à l'âge de 13 ou 14 ans.
    En ce qui concerne le début de la carrière criminelle, voici deux résultats de recherche: premièrement, plus la carrière criminelle débute tôt, plus le nombre d'infractions que commettra un délinquant sera élevé, et, deuxièmement, plus la carrière criminelle débute tôt, plus longue sera cette carrière. Par conséquent, le début précoce d'une carrière constitue un bon indicateur de la délinquance à venir. La recherche indique que les multirécidivistes ont commencé tôt à commettre des actes criminels; autrement dit, ils ont commencé leur carrière à un âge précoce.
    La fréquence des infractions concerne le nombre d'infractions commises par une personne, et, plus souvent qu'autrement, on la mesure par le nombre d'arrestations. Chez les jeunes adolescents, le nombre d'infractions augmente avec l'âge, de sorte que la fréquence des infractions d'un délinquant précoce suit une courbe ascendante jusqu'à la fin de son adolescence.
    Lorsqu'on examine la courbe de la criminalité selon l'âge, c'est-à-dire le nombre d'arrestations des adolescents en fonction de leur âge, on constate que le nombre d'arrestations est moins élevé au début de l'adolescence, qu'il augmente tout au long de l'adolescence et qu'il culmine à 18-19 ans, pour ensuite diminuer au début et tout au long de la vingtaine. Les délinquants chroniques commencent tôt à commettre des infractions, mais de plus, leur taux de criminalité au cours de l'adolescence et de la vingtaine est plus élevé que celui des autres délinquants.
    Le groupe des délinquants chroniques est moins nombreux que celui des autres délinquants, mais la part des actes criminels commis par les membres du premier groupe est disproportionnée par rapport à celle des membres du deuxième groupe. J'ai mené une analyse sur des données liées aux arrestations en Colombie-Britannique et constaté que, entre juillet 2001 et juin 2006, un petit groupe représentant 9,2 p. 100 de l'ensemble des délinquants comptait pour 36,2 p. 100 — plus du tiers — des arrestations effectuées dans la province.
    Au moment de mener une étude sur les récidivistes chroniques, nous devons aborder la question de la gravité des crimes, mais celle-ci ne devrait concerner non pas uniquement la gravité du crime en tant que telle, mais également le préjudice global occasionné par les multiples récidives.
    Les récidivistes chroniques commettent le plus souvent des infractions non violentes, mais représentent néanmoins une lourde charge pour les ressources du système de justice pénale. Toutefois, l'ampleur des ressources nécessaires pour lutter contre la délinquance chronique fait en sorte que même la petite criminalité chronique acquiert un certain caractère de gravité.
    Les jeunes délinquants chroniques ne se spécialisent pas dans un certain type de criminalité au fil du temps. Cependant, les délinquants chroniques commettent de plus en plus d'actes criminels au fil du temps, et, dans certains cas, cela peut mener à des infractions violentes.
    Par « renonciation à la criminalité », on entend la fin de la carrière criminelle, le fait de cesser de commettre des infractions. Pour établir la durée d'une carrière criminelle, on se fonde souvent sur la date à laquelle la première infraction a été commise et la date de la dernière arrestation. Toutefois, pour qu'il soit possible de conclure à une véritable renonciation, il faut qu'un délinquant ne soit plus en mesure de commettre un crime. Non seulement les délinquants chroniques commencent plus tôt que les autres délinquants à commettre des infractions et en commettent davantage que ceux-ci, mais en plus, ils commettent des infractions pendant une plus longue période. En d'autres termes, leur carrière criminelle est plus longue que celle des autres délinquants.
    Dans le cadre de ma propre recherche, je me suis principalement intéressé aux délinquants chroniques, à l'existence de la codélinquance chronique et aux modèles de réseaux de codélinquance chronique.
    Dans le cadre de deux études que j'ai menées en Californie, j'ai analysé la délinquance de longue durée. Le fait d'examiner la délinquance sur une longue durée, à savoir pendant 14 ans dans le cadre de l'une des études et pendant 18 ans dans le cadre de l'autre, accroît considérablement la portée des résultats, vu que l'importance des variations de courte durée dans les comportements criminels est réduite. En outre, le fait que ces deux études portaient sur d'importantes populations de jeunes délinquants contribuait à accroître davantage la portée des résultats.
    Dans le cadre de l'étude sur les délinquants chroniques et les réseaux de codélinquance que j'ai menée en Colombie-Britannique, j'ai examiné des délinquants sur une période de quatre ans et analysé notamment plus de neuf millions de fichiers de données. Voici quelques résultats importants de ma recherche sur la délinquance chronique: en moyenne, les adolescents avaient été arrêtés en moyenne 10 fois avant leur admission dans un établissement de correction; selon la courbe de la criminalité selon l'âge, c'est à 16-17 ans que la criminalité des jeunes délinquants chroniques atteint son point culminant, à savoir deux ans plus tôt que chez les autres jeunes délinquants; en moyenne, les jeunes délinquants chroniques sont admis pour la première fois dans un centre correctionnel pour jeunes à l'âge de 17 ans; un faible pourcentage de jeunes délinquants chroniques est responsable d'un important pourcentage des actes criminels commis; les délinquants chroniques commettent des actes criminels dans le cadre de réseaux criminels de codélinquance; enfin, les délinquants chroniques ayant été arrêtés 10 fois ou plus sont moins susceptibles d'être effectivement mis en accusation que les délinquants n'ayant été arrêtés qu'une seule fois.
    En quoi les délinquants chroniques diffèrent-ils des autres délinquants?
    La plupart des délinquants cessent de commettre des infractions après leur première expérience au sein du système de justice pénale. Chaque expérience au sein du système de justice pénale diminue le risque de récidive. En fait, la plupart des adolescents qui sont arrêtés une première fois ne se font plus arrêter par la suite, et la majorité des adolescents ayant été arrêtés deux fois ne se font pas arrêter une troisième fois.
    Les délinquants chroniques sont des personnes qui ne se laissent pas abattre, en ce sens qu'ils résistent aux interventions officieuses et aux sanctions officielles de tout acabit dont ils font l'objet, même lorsque ces interventions et sanctions deviennent plus sévères. Pour l'essentiel, le caractère chronique de la délinquance dénote une résistance aux interventions, aux mesures de réadaptation et, dans certains cas, aux sanctions. Ainsi, des arrestations répétées signifient des échecs répétés à amener le délinquant à renoncer à la criminalité. Par conséquent, au moment d'examiner la persistance du comportement criminel, les arrestations doivent être considérées non plus comme de simples arrestations, mais plutôt comme des tentatives d'intervention auprès d'un délinquant auxquelles ce dernier a opposé sa résistance.
    Même si de nombreux délinquants chroniques commettent des infractions non violentes, certains d'entre eux se mettent à commettre des crimes plus graves et plus violents. L'accroissement de la gravité des infractions est un autre indice de l'échec des interventions antérieures et de la résistance que leur a opposé le délinquant. La carrière criminelle des jeunes délinquants commence à un âge précoce, dure plus longtemps et est marquée par un plus grand nombre d'infractions que celle des autres délinquants, de sorte que les délinquants chroniques sont plus susceptibles que les autres de commettre des infractions criminelles tout au long de leur vie. La persistance du comportement criminel est un signe de la criminalité à venir. Des mesures doivent être prises afin de protéger le public des délinquants chroniques les plus dangereux et les plus violents.
    Ainsi, à quoi pouvons-nous nous attendre des adolescents qui persistent à commettre des infractions? Nous pouvons anticiper que leur carrière criminelle sera longue et active. C'est un fait que les délinquants chroniques commettent plus d'infractions que les autres délinquants, et ce, pendant une plus longue période. C'est un fait que le taux de criminalité des délinquants adultes ayant été des jeunes délinquants chroniques est plus élevé que celui des autres délinquants.
    Prenons, par exemple, le cas des jeunes délinquants chroniques que nous avons examinés dans le cadre de notre étude. Le nombre d'arrestations dont ils ont fait l'objet a atteint un nouveau sommet lorsqu'ils ont atteint l'âge de 21 ans, après qu'ils ont été libérés d'un établissement de correction, puis fait l'objet d'une libération conditionnelle. En outre, l'étude que nous avons menée en Californie a révélé que le taux d'arrestations des délinquants chroniques âgés de 21 à 24 ans était huit fois plus élevé que le taux d'arrestations national moyen des autres personnes du même groupe d'âge.
    Il faut toutefois mentionner que le taux de criminalité des délinquants chroniques ne demeure pas élevé tout au long de l'âge adulte. Le taux de criminalité des délinquants chroniques diminue graduellement avec l'âge, même s'il demeure plus élevé que celui des autres délinquants.
    En examinant les données factuelles touchant les délinquants chroniques, nous pourrions être tentés de conclure que les sanctions pénales qui leur sont imposées n'ont aucun effet sur eux. Cependant, des études ont démontré que les sanctions avaient une incidence sur la réduction de la criminalité.
(1110)
    Notre étude a révélé que le taux d'arrestations durant la période de libération conditionnelle demeurait relativement bas, ce qui donne à penser que la supervision du système de justice pénale a un effet positif sur le comportement criminel. En outre, même si le taux d'arrestations post-libératoires atteint un point culminant chez les jeunes délinquants âgés de 21 ans, le taux de criminalité diminue après l'incarcération dans un établissement de correction pour jeunes.
    En ce qui concerne les délinquants chroniques de notre étude qui ont été ultérieurement incarcérés dans des établissements correctionnels pour adultes, nous avons constaté que les taux d'arrestations diminuaient avec l'âge après la mise en liberté. Le taux de réarrestations de ces jeunes qui ont été de nouveau incarcérés à l'âge adulte était environ deux fois moins élevé qu'il ne l'était avant cette incarcération.
    Quel est l'utilité du projet de loi C-4? Il faut protéger la société des jeunes délinquants chroniques et violents. Le projet de loi C-4 vise à modifier certaines dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Ces modifications proposées, qui s'inspirent des expériences vécues par les victimes des jeunes délinquants chroniques et violents, ont été accueillies favorablement par les Canadiens. En outre, les modifications proposées s'inscrivent dans la suite logique des recherches qui ont été menées sur les jeunes délinquants chroniques et violents, et, à ce titre, elles constituent, pour le système de justice pénale, une intervention judicieuse et fondée sur des données probantes à l'égard des délinquants de ce genre.
    Un petit nombre de délinquants et de récidivistes dangereux commettent un nombre disproportionné d'infractions au Canada et occasionnent un préjudice à un nombre disproportionné de personnes. En conclusion, je tiens à souligner que, à mon avis, les modifications proposées de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents cible ce petit nombre de délinquants et de récidivistes dangereux desquels les Canadiens doivent être protégés.
    Merci.
(1115)
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Goyette. Vous avez 10 minutes.

[Français]

    Bonjour. Je voudrais tout d'abord remercier le comité d'avoir invité notre association à venir présenter son point de vue sur le projet de loi C-4.
    Mon nom est Michèle Goyette. Je suis criminologue. Je travaille au sein du réseau de la délinquance juvénile au Québec depuis plus de 30 ans. Je suis actuellement directrice des services aux jeunes contrevenants au Centre jeunesse de Montréal. Je suis membre du conseil d'administration de la Société de criminologie du Québec et de la section québécoise de la Ligue canadienne pour le bien-être à l'enfance du Canada. Je suis ici aujourd'hui pour représenter l'Association des centres jeunesse du Québec, afin d'exprimer notre position sur le projet de loi C-4.
    L'Association des centres jeunesse du Québec regroupe les 16 centres jeunesse présents dans les 16 régions administratives du Québec. Chacun de ces centres jeunesse offre des services à des enfants, à des adolescents et à leurs parents en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, et des dispositions du Code civil en matière d'adoption.
    La traduction semble faire défaut.

[Traduction]

    Oui, j'entends la traduction anglaise. Nous pouvons à présent entendre la version anglaise, oui.
    Veuillez poursuivre. S'il y a un problème, je vous interromprai de nouveau.
    Dois-je recommencer du début?
    Non.
    D'accord, je vais reprendre là où j'étais rendue.

[Français]

     Nous avons environ 13 000 employés dont près de 900 sont directement spécialisés dans l'intervention auprès des jeunes contrevenants. Notez aussi que les directeurs de la protection de la jeunesse qui officient dans les centres jeunesse sont aussi directeurs provinciaux en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. C'est donc dire que nous sommes très intéressés aux décisions qui seront prises dans ce Parlement, parce que l'intervention auprès des jeunes contrevenants, c'est notre métier et c'est notre quotidien.
    Avant de parler du projet de loi C-4 comme tel, nous tenons à préciser que nous attendions une réelle révision de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents en 2008, comme promis, avec une réelle consultation des instances impliquées auprès des jeunes contrevenants. Cette consultation vaste et ouverte n'a pas eu lieu, et nous souhaitons qu'elle se fasse de façon sérieuse en engageant largement les milieux qui oeuvrent au quotidien dans le secteur de la délinquance juvénile ainsi que les milieux de la recherche et les organismes qui défendent les droits des victimes.
    Cela dit, à la lecture des changements proposés par le projet de loi C-4, nous avons plusieurs objections majeures, que je compte vous exposer.
    La première objection a trait à l'article 3 du projet de loi qui vise à modifier l'article 3 de la loi. Nous considérons que le changement proposé à l'article 3, mettant en avant le principe de la proportionnalité de la peine avant tout autre, soit la prévention, la réadaptation et la réinsertion du contrevenant, constitue un recul de plus de 100 ans en matière de législation sur la délinquance juvénile. Que ce soit la victime du délit ou la société dans son ensemble, tous sont gagnants si le contrevenant modifie ses comportements positivement. Et ce n'est pas une logique mathématique de proportionnalité qui permet de le faire, mais des stratégies d'intervention individualisées pour chaque jeune en fonction bien sûr des aspects délictuels, mais aussi des caractéristiques propres à chacun de ces jeunes.
    À ce chapitre, le modèle québécois d'intervention prône une intervention différentielle, soit la bonne mesure au bon moment. Ce modèle a fait ses preuves pour ce qui est des résultats, puisque le taux de criminalité juvénile est plus bas au Québec que dans la plupart des autres provinces canadiennes.
    L'autre article qui nous pose problème est l'article 7 du projet de loi, où on ajoute la dénonciation et la dissuasion dans les critères de décision. Toutes les études réalisées jusqu'à maintenant démontrent que ces stratégies ne fonctionnent pas pour prévenir la délinquance juvénile, bien au contraire. Il s'agit de principes importés du système criminel adulte, qui ne tiennent pas compte des caractéristiques particulières des adolescents.
    Quelles sont-elles, ces caractéristiques particulières? Le niveau de maturité des adolescents est diffèrent de celui des adultes. Ça veut dire deux choses. Premièrement, ce qui les arrête avant de commettre un délit et ce qui les arrête après, c'est différent. Deuxièmement, dans le cas des jeunes contrevenants, la bonne mesure au bon moment signifie que la situation va être étudiée par des gens compétents en mesure de comprendre la situation particulière de chaque jeune. On n'est pas dans une logique mathématique, on est dans une logique d'évaluation psychosociale et criminologique du jeune. Les mesures touchant les adolescents doivent aussi faire appel à la participation des parents et à la préoccupation à l'égard des victimes. Ces principes sont ceux que nous mettons en avant dans le modèle québécois.
    L'autre article qui présente des problèmes importants, à notre avis, est l'article 20 du projet de loi, qui vient modifier l'article 75 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents en permettant au juge de lever l'interdit de publication du nom d'un jeune contrevenant dès qu'il est reconnu coupable d'un délit avec violence. Selon nous, ça n'aide personne, puisque ça limite considérablement les possibilités de réinsertion sociale d'un jeune contrevenant.
    Quel est l'avantage d'ostraciser un adolescent, de le priver de la possibilité de se reprendre en main positivement par un travail ou une scolarisation? N'est-ce pas là une façon de réduire ses options et de le maintenir dans le chemin de la délinquance, faisant ainsi de nouvelles victimes?
    Sensible et empathique à l'égard des victimes, l'Association des centres jeunesse et les directeurs provinciaux affirment que le gouvernent fait fausse route en prétendant que la protection de la société sera davantage assurée par la mise en place de mesures plus coercitives.
(1120)
    La loi actuelle permet déjà de traiter ces situations et d'assurer la protection du public. D'ailleurs, la situation de Sébastien, à laquelle renvoie le projet de loi, illustre bien les possibilités actuelles de la loi, puisque l'adolescent contrevenant concerné par ce délit a été assujetti à une peine pour adulte sur recommandation du directeur provincial à la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec. Aujourd'hui, le jeune ayant commis le meurtre de Sébastien purge sa peine dans une prison pour adultes.
    Cet exemple illustre bien que l'outil législatif pour protéger la société est déjà disponible et que les responsables de l'application de la loi prennent leurs responsabilités au sérieux et protègent la société.
    En somme, nous nous inquiétons beaucoup des effets à long terme des changements proposés. La perte de la protection de l'identité des adolescents, les peines exemplaires basées sur la dénonciation et la dissuasion, et avant tout proportionnelles au délit, sont à I'opposé de ce que nous avons construit comme modèle d'intervention en délinquance.
    Pourtant, ce modèle fait l'envie de nombreux pays qui viennent visiter nos installations, ou qui nous invitent à former leur personnel. Il a aussi fait ses preuves par son succès en ce qui a trait à la prévention de la délinquance, à la réadaptation des contrevenants et, de là, à la protection efficace de la société.
    Au lieu d'achever de démanteler un modèle qui fonctionne, pourquoi le gouvernement n'investirait-il pas dans des mesures concrètes pour diminuer la pauvreté et la misère sociale, notamment chez les Autochtones, pour favoriser l'accès à l'éducation, à l'emploi, au logement, au lieu de poursuivre cette approche de durcissement et de répression qui, selon nous, ne mène nulle part?
    Je vous remercie de votre attention.
(1125)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Gaudreault. Vous avez 10 minutes.

[Français]

     Monsieur le président, mesdames et messieurs, je m'appelle Arlène Gaudreault. Je suis ici à titre de présidente de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes. Je suis membre fondateur de cette association et j'en suis la présidente depuis 1988. Je suis très impliquée dans le champ de la victimologie depuis une trentaine d'années. J'enseigne à l'École de criminologie depuis 1993. Mon travail a été reconnu par le ministère de la Justice qui m'a attribué le Prix de la justice. J'ai reçu aussi un prix pour mon travail de la part de la Commission des services juridiques du Québec et de l'Association canadienne de justice pénale. Comme experte, je suis membre du comité consultatif rattaché au Centre de la politique concernant les victimes, du ministère de la Justice du Canada.
    Je veux vous remercier, au nom de l'association, de nous accueillir et de nous entendre dans le cadre de cette consultation. Je vais vous dire simplement que, depuis 1984, l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes travaille à la mise en oeuvre d'une justice plus équitable et plus humaine à l'endroit des victimes d'actes criminels. Au cours de toutes ces années, dans nos actions et nos représentations, nous avons toujours été préoccupés par le difficile équilibre que l'on doit maintenir entre la protection des victimes et la réhabilitation des contrevenants. Nous avons toujours gardé en perspective le respect des droits fondamentaux, à la fois ceux des victimes et ceux des contrevenants. Pour ces raisons, il nous est difficile d'adhérer aux visées du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
    Nous sommes d'avis que ce projet de loi marque un retour en arrière quant aux pratiques et à l'expertise que le Québec a développées dans la prise en charge et la réinsertion sociale des jeunes contrevenants. C'est aussi une rupture importante avec la philosophie de traitement de ces jeunes. Cela ouvre la voie à un glissement non souhaitable vers l'intégration, dans le système de justice pénale pour les adolescents, de mesures calquées sur le système de justice pour les adultes.
    Nous souhaitions rencontrer le comité principalement pour faire connaître nos inquiétudes et nos questionnements à propos de ce projet de loi en réponse aux besoins des victimes d'actes criminels. La protection de la société représente une valeur fondamentale à préserver. Compte tenu de notre mission, nous sommes particulièrement préoccupés par la sécurité des victimes.
    Nous ne croyons pas que le fait de réclamer un système de justice plus répressif se traduira automatiquement par une plus grande protection de la société en général, et des victimes en particulier. Nous ne sommes pas les seuls à le penser. D'autres organismes et personnes qui travaillent à la défense des droits des victimes au Canada partagent notre croyance. Dans son récent rapport intitulé « Pour un plus grand respect des victimes dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition », M. Steve Sullivan, qui est ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, a rappelé ceci:
Les victimes comprennent, plus que la plupart des gens, que presque tous les délinquants seront éventuellement remis en liberté. En raison de ce qu'elles ont vécu, elles connaissent bien les conséquences de la violence, et c'est pourquoi beaucoup de victimes souhaitent sincèrement que les délinquants soient réadaptés en prison. La meilleure façon de protéger les victimes, leur famille et la collectivité est de faire en sorte que le délinquant apprenne à modifier son comportement nuisible avant d'être mis en liberté.
    Je pense que ces commentaires sont pertinents si on les met en perspective avec le projet de loi actuellement à l'étude. Que veulent les victimes? Si les victimes se sentent encore marginalisées face au système de justice, si elles sont encore désillusionnées, cela ne s'explique pas seulement et principalement par la non-sévérité des sentences. Les réponses aux besoins des victimes doivent être abordées dans une perspective beaucoup plus large que la détermination de la peine. C'est ce que l'on souhaiterait entendre.
     En 1988, le rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne intitulé « Les droits des victimes — Participer sans entraver » résumait ainsi les aspirations légitimes des victimes. Elles demandent à participer à toutes les étapes des procédures, elles veulent être informées du fonctionnement du système de justice et elles veulent connaître les programmes qui leur sont accessibles. Elles déplorent l'inégalité de disponibilité des programmes et des services et elles espèrent qu'on corrige le déséquilibre qu'elles perçoivent dans le système de justice pénale.
    Or, justement, quand on parle des besoins des victimes lorsque l'auteur du délit est un mineur, comment répond-on à ces besoins lorsqu'on sait qu'une grande proportion des victimes sont des jeunes, à 52 p. 100, et que ces victimes sont, dans une proportion de 20 p. 100, un membre de la famille? Ces données sont tirées des statistiques de Juristat. Comment prend-on actuellement en charge les victimes de violences graves et les victimes qui ont perdu un être cher? Dans quelle mesure sont-elles soutenues au Canada dans leurs démarches?
(1130)
    Quels sont les services qu'on leur offre dans les palais de justice, dans la communauté? Comment les victimes au Canada peuvent-elles connaître le cheminement d'un jeune qui est en garde fermée, qui est en mesure probatoire? Comment peuvent-elles savoir si ce jeune a fait un cheminement dans son programme?
    Je vous dirais que nous connaissons mal les besoins particuliers des victimes qui font affaire avec le système de justice juvénile et le traitement qui leur est réservé. Nous n'avons pas de réponse à ces questions que je viens de poser et qui touchent pourtant le bien-être et la sécurité physique et psychologique des personnes victimes et de leur entourage. Nous n'avons pas de données non plus sur les services et les programmes qui permettent aux victimes de se rétablir. De plus, nous ne savons pas, au Canada, comment nous nous acquittons de nos obligations à leur endroit, et c'est un peu inquiétant.
    Le comité soulignait les déséquilibres entre les ressources pour les délinquants et les ressources pour les victimes. Nous nous demandons dans quelle mesure ces déséquilibres ne vont pas perdurer, voire s'amplifier, quand on voit les budgets qui vont être alloués aux activités liées à la répression du crime par comparaison avec ceux qui sont consacrés aux initiatives en faveur des victimes d'acte criminel.
    Les victimes ne forment pas un groupe monolithique. Elles n'ont ni les mêmes trajectoires, ni les mêmes besoins, ni les mêmes attentes face au système de justice. Elles doivent être entendues dans le respect de leurs différences. Prétendre le contraire est réducteur.
    Malheureusement, les victimes sont souvent associées à des programmes de répression de la criminalité. La cause des victimes est de plus en plus exploitée, instrumentalisée à des fins partisanes par les partis politiques de toute allégeance. Les droits des victimes sont utilisés pour légitimer un plus grand contrôle du crime, mais ce discours ne traduit pas la position de l'ensemble des victimes, avec les nuances qui s'imposent. Ça ne sert pas la cause des victimes et nous déplorons que le Canada s'engage dans cette voie, notamment avec ce projet.
    Comme le souligne le professeur et éminent juriste Allan Young, qui a mené une recherche pour le ministère de la Justice du Canada en 2001, aucune preuve n'appuie l'hypothèse selon laquelle les victimes cherchent toutes à obtenir des peines sévères. En fait, les études montrent le contraire. Les premières recherches réalisées auprès des victimes au début des années 1980 mettent en lumière le fait que les victimes ne sont pas excessivement punitives, pas plus que ceux qui ne sont pas victimes. C'est le cas aussi parmi les victimes de crimes violents.
    Dans une lettre adressée dernièrement au premier ministre Stephen Harper, M. Sullivan a rappelé que les mesures axées sur la répression des crimes et le durcissement des peines de prison ne font pas, et je le cite, une différence réelle dans la vie des victimes.
    En fait, chaque jour, nous entendons au téléphone que la réponse aux besoins des victimes ne se limite pas à garder les délinquants le plus longtemps en prison. Dans nos associations et dans nos groupes, nous entendons les victimes tenir le même discours. Elles sont davantage à la recherche de services pour leur venir en aide, d'informations pour les accompagner dans leurs démarches, particulièrement lorsqu'elles font affaire au régime d'indemnisation ou à d'autres programmes.
    Nous déplorons le fait que le projet de loi C-4 ait été mis en avant sans qu'on ait entrepris une véritable consultation auprès d'un large éventail de personnes, les victimes elles-mêmes et des organismes qui, depuis au moins trois décennies, s'impliquent à leurs côtés et ont adhéré à leurs causes partout au Canada.
    Le gouvernement actuel a encore beaucoup à faire pour actualiser les droits des victimes, pour leur assurer une grande participation au système de justice pénale et l'accès à des services.
    Des efforts encore plus importants doivent être déployés dans le réseau juvénile, particulièrement pour développer une culture provictime auprès de tous les acteurs de ce réseau. Les victimes dont l'auteur du délit est un mineur sont encore plus laissées pour compte. En voulant durcir les peines pour certaines catégories de délinquants, on veut envoyer le message rassurant qu'on s'occupe des victimes et qu'on se préoccupe de leur sort, mais en réalité, on ne s'attaque ni aux problèmes de fond ni aux solutions. On se donne bonne conscience.
    Le développement des initiatives à l'endroit des victimes et des contrevenants doit s'appuyer sur une vision à long terme et éviter toute visée électoraliste. Il est plus facile de modifier les lois que de financer des services.
    L'Association québécoise Plaidoyer-Victimes soutient que des mesures visant à aider les parents et les familles à réduire la pauvreté et les inégalités sont essentielles pour contrer et réduire la victimisation criminelle. Nous pouvons rétablir la confiance des victimes et des citoyens en général par d'autres moyens, par d'autres solutions que la répression.
(1135)
    Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions. Madame Mendes, vous êtes la première à avoir la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    J'aimerais vous remercier toutes trois de vos témoignages. Je pense que vous n'avez pas à travailler très fort, mesdames Goyette et Gaudreault, pour nous convaincre de votre position sur le projet de loi, surtout sur les lacunes qu'il nous fait voir, de façon assez évidente. Du côté du Parti libéral, nous sommes assez favorables aux questionnements et aux difficultés que vous soulevez.
    Il y a des victimes quand des actes criminels sont commis. Si on prévient ces actes criminels, les probabilités qu'il y ait des victimes sont beaucoup moins élevées. Cette équation est quand même assez simple. Il s'agit de mettre beaucoup plus l'accent sur la prévention et sur la lutte contre la pauvreté, entre autres. Mesdames Gaudreault et Goyette, vous l'avez toutes deux mentionné. À mon avis, la meilleure façon d'éviter qu'il y ait des victimes est de prévenir les actes criminels.
    À propos de ce que vous soulevez, entre autres au sujet de l'article 3 et des mesures proportionnées à la gravité de l’infraction, sur quoi vous fondez-vous pour dire que ce qui est proposé dans l'actuel projet de loi va à l'encontre de la prévention, que ça ne garantit pas une meilleure solution pour les victimes?
    Selon mon expérience en tant qu'intervenante sur le terrain — c'est davantage de cette façon que je me définis —, dans le cadre d'une décision prise par un juge relativement à un délit, la nature du délit et les circonstances sont importantes, mais si on veut que la décision soit de nature à inciter le jeune à modifier son comportement, il faut tenir compte d'un ensemble de circonstances. On ne peut pas se limiter à une logique mathématique.
    Prenons l'exemple de deux délits similaires commis dans des circonstances très différentes par des jeunes qui ont des besoins très différents. Dans un cas, il faut punir assez sévèrement parce que l'ensemble du profil du jeune et de ses antécédents indique une criminalité persistante, un peu comme ce que monsieur mentionnait. Une telle situation demande du temps. En effet, la délinquance persistante implique du temps. Toutefois, si le même délit est commis par une personne qui a plutôt agi dans des circonstances accidentelles ou particulières, par exemple pour des raisons liées à la santé mentale, on ne parle pas des mêmes besoins.
     Dans ces conditions, si les juges sont tenus d'appliquer un principe qui les amène automatiquement à faire de la jurimétrie, c'est-à-dire à statuer que tel délit implique telle peine, ils ne peuvent plus tenir compte des différences particulières. C'est pourquoi nous utilisons l'approche différentielle comme outil auprès des jeunes contrevenants. Nous voulons déterminer à qui nous avons affaire, quels sont les besoins, pourquoi ce jeune, précisément, commet des délits. Nous pouvons alors faire des interventions qui portent des fruits, qui amènent vraiment le jeune à se sortir de la criminalité. Dans une telle situation, tout le monde est gagnant.
    Je pense que les politiques et les mesures de prévention appliquées par le Québec en font la preuve depuis plusieurs années. On aborde les questions.
    Oui, les statistiques sur la criminalité juvénile donnent raison à notre modèle, si je puis dire.
    Madame Gaudreault, croyez-vous que toutes ces mesures de prévention, surtout en matière de criminalité juvénile, sont beaucoup plus efficaces à long terme que la stricte application d'une punition?
    C'est clair qu'il faut axer nos efforts sur des programmes qui vont empêcher les jeunes à risque de s'enliser dans des comportement antisociaux. Il faut venir en aide à des familles démunies. Il faut travailler en fonction de l'accès à l'éducation. Il y a beaucoup de criminalité ou de délinquance en milieu scolaire. On doit travailler à partir de programmes axés sur la résolution de conflits. Il faut aussi apprendre aux jeunes comment réagir et identifier la violence. Il y a des expériences très intéressantes à ce sujet. Il faut y consentir des ressources.
    Quand on travaille avec les victimes, on se préoccupe aussi de ce qu'on appelle la prévention, comment dirais-je... En fait, ce n'est plus de la prévention, parce qu'on se situe à un niveau tertiaire. Autrement dit, quand une personne a déjà été victime, il faut faire en sorte que les conséquences de la victimisation et de l'impact ne soient pas aggravées. C'est la raison pour laquelle, dans ma présentation, j'ai insisté sur l'importance d'humaniser le système de justice, d'accompagner les victimes et de donner de l'information.
    On a fait beaucoup de choses dans le système de justice pour adultes, par exemple avec la Loi sur les libérations conditionnelles, dans tout le système correctionnel, pour donner plus d'information, pour faire en sorte que les victimes sachent ce qui arrive. En ce qui concerne la prévention, une des préoccupations est l'état psychologique des victimes. On sait que le système de justice victimise souvent la personne de nouveau. Il y a beaucoup de victimisation secondaire parce qu'on ne travaille pas bien et qu'on ne sait pas comment traiter les victimes. Si on travaille mieux, on va éviter que des victimes aient cette image aussi négative du système de justice. Il faut qu'elles se sentent mieux traitées et qu'elle puissent continuer leur processus. L'état de victime est un état transitoire. On ne devrait pas rester victime toute sa vie. Une victime sort de son statut de victime quand elle se détache de l'auteur du délit. Pour l'aider à s'en détacher, il faut bien faire notre travail à toutes les étapes. C'est sur ce clou que cognent les organismes qui viennent en aide aux victimes. Il faut bien faire le travail à toutes les étapes. Ce n'est pas en enfermant les gens et en ne faisant rien que l'on va régler le problème des victimes d'actes criminels, car elle seront plus enragées. Il faut aussi voir à la question de la sécurité.
(1140)
    Je suis tout à fait d'accord avec vous, madame Gaudreault. Vous avez mentionné que vous n'avez pas toutes les réponses aux questions que les victimes se posent. Vous parlez aussi du manque de moyens pour permettre de chercher les meilleures réponses possible à ces questions.
    Croyez-vous que si le gouvernement fédéral mettait plus de ressources dans la recherche de moyens, de la meilleure façon de répondre aux attentes des victimes, cela pourrait être une façon de répondre à leurs...
    Je cours presque vers le micro pour vous donner ma réponse. Oui, en fait. Il n'y a pas d'évaluation des victimes qui transitent par le système de justice des mineurs.
    Hier, en préparation de cette consultation, j'ai parlé à Mme Kane, qui était directrice du Centre de la politique concernant les victimes, l'endroit au Canada où on fait le plus de recherche au sujet des victimes. Sur les questions que j'ai soulevées, il ne se fait pas de recherche. Par ailleurs, je dirai que le Centre de la politique concernant les victimes fait d'excellents travaux de recherche. Dernièrement, il y en a eu au sujet du dédommagement et de la déclaration de la victime, mais il n'y en a pas au sujet des questions que j'ai soulevées. On n'a pas d'évaluation de programmes. Il n'y en a pas beaucoup au Canada, mais particulièrement quand on parle du réseau juvénile.
    J'avance le fait que les victimes, lorsque l'auteur du délit est un mineur, sont davantage laissées en marge. On s'inquiète encore moins de nos obligations à l'endroit de ces victimes. Je dois nuancer mes propos. Au Québec, dans le cas des programmes extrajudiciaires, par exemple, on commence à avoir plus d'expérience de médiation avec les victimes. On commence à donner de l'information, mais il n'en demeure pas moins que l'on est en 2010 et qu'on a encore un important travail à faire.

[Traduction]

    Merci.
    C'est à votre tour, monsieur Ménard. Vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Vous avez déjà réalisé le peu de temps que nous avons pour vous questionner. Laissez-moi vous dire très rapidement, à toutes les trois, combien j'ai apprécié vos présentations. Je vais être obligé de me limiter à certaines choses. J'espère que d'autres comprendront ce qu'on comprend déjà quand on a vécu au Québec et qu'on connaît le système de traitement de la délinquance juvénile.
    Monsieur Croisdale, vous êtes devenu, pour ainsi dire, un expert des criminels persistants. Est-ce exact?

[Traduction]

    Oui, c'est exact.

[Français]

    Ces gens persistants représentent quel pourcentage de l'ensemble de la délinquance juvénile — pardon, la « délinquance juvénile », c'est mal dit —, ou plutôt de l'ensemble des jeunes qui commettent des crimes?

[Traduction]

    Nous avons constaté que, en Colombie-Britannique, de 5 p. 100 à 10 p. 100 environ des jeunes délinquants chroniques commettaient approximativement le tiers des infractions criminelles, ce qui concorde avec les résultats de toutes les recherches menées depuis une cinquantaine d'années. Les pourcentages varient peu: de façon générale, de 5 p. 100 à 15 p. 100 environ des jeunes délinquants chroniques commettent environ 30 p. 100 des crimes commis par des jeunes, pourcentage qui peut monter jusqu'à 70 p. 100.

[Français]

    Ai-je bien compris que, dans votre analyse, vous estimez que le projet de loi C-4 peut être utile pour traiter ces 5 à 6 p. 100 de délinquants?
(1145)

[Traduction]

    Oui, c'est exact.

[Français]

    Mais vous ne vous prononcez pas sur les autres 95 p. 100 de jeunes qui passent devant le système.

[Traduction]

    De façon générale, ces jeunes cessent de commettre des infractions après qu'ils ont fait l'objet d'une intervention, d'une sanction ou d'une première ou d'une deuxième arrestation. Ils n'ont pas besoin de faire l'objet des sanctions punitives que, selon moi, permettra de prendre le projet de loi C-4 à l'égard des délinquants qui commettent des infractions violentes et graves.

[Français]

     Vous avez peut-être suivi — j'ai remarqué que vous avez gardé l'appareil pour la traduction — ce qui a été présenté par les deux autres témoins. D'après ce que vous comprenez, leur approche est-elle bonne pour ces 95 p. 100 de jeunes?

[Traduction]

    Oui, elle l'est.
    Je crois beaucoup à la réadaptation et au traitement des délinquants. J'ai grandi dans l'Ouest du Canada. J'ai travaillé pour le SCC. J'ai mené des recherches pour le compte du SCC. J'ai été agent de correction dans un établissement correctionnel fédéral à sécurité moyenne réduite. À ma sortie de l'école, j'ai été affecté à cet établissement en raison de la conviction et de l'enthousiasme que je manifestais à l'égard du traitement des délinquants.
    Au Canada, nous dispensons de bons traitements aux délinquants, ou du moins, nous tentons de le faire. Alors, oui, cette approche aide beaucoup. Toutefois, des mesures spéciales demeurent nécessaires pour prendre en charge ce petit pourcentage de délinquants commettant des actes graves et violents et qui résistent continuellement aux sanctions et aux interventions prises aux échelons inférieurs.

[Français]

    Madame Gaudreault, je crois que vous — et peut-être Mme Goyette aussi — avez parlé de gens des pays étrangers qui viennent étudier la façon québécoise de traiter les jeunes contrevenants. Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce propos? Pouvez-vous nous dire de quels pays ils viennent, à quel rythme et ainsi de suite? Enfin, pouvez-vous nous en dire un peu plus?
    Nous recevons de façon régulière au Centre jeunesse de Montréal, comme dans d'autres centres jeunesse de la province, des délégations de pays d'Europe, d'Amérique du Sud et d'Afrique. Elles viennent voir ce qu'on fait exactement dans le traitement des jeunes contrevenants sur le plan de la réadaptation.
    En mars dernier, je suis allée moi-même au Brésil, où nous avons donné de la formation sur notre modèle d'intervention. Il y a beaucoup de respect et d'engouement pour ce qu'on fait ici, parce que cette approche, qui est valable au Québec, peut aussi se transposer dans différents pays. C'est un modèle qui fait l'envie de plusieurs pays. D'ailleurs, plusieurs pays, dans le cadre des travaux qu'ils mènent pour modifier leur législation — je pense entre autres au Chili et au Pérou —, viennent consulter des gens du Québec. On est donc reconnus à l'extérieur pour ce qu'on fait.
    Puisque je n'ai pas de temps, puis-je dire qu'on est mieux connu à l'étranger que dans le reste du Canada?
    On commence à se faire connaître un peu à l'extérieur du Québec. Je pense que beaucoup de gens à l'extérieur du Québec, au Canada, ont les mêmes opinions que nous, surtout les gens qui travaillent dans le domaine de la délinquance juvénile. On est en contact. Mon rôle au sein de la Ligue canadienne pour le bien-être à l'enfance m'amène à constater que beaucoup de collègues du Canada, à l'extérieur du Québec, pensent comme moi. Il n'y a pas qu'au Québec que les gens qui côtoient les contrevenants au quotidien et qui travaillent dans ce domaine pensent de cette façon.
    Par contre, je pense que le Québec a beaucoup investi dans le traitement. Les centres jeunesse relèvent du ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous ne relevons pas des services correctionnels. Il y a beaucoup de différence dans l'organisation des services et ça traduit l'investissement que chacune des provinces fait par rapport aux jeunes contrevenants.
    Madame Gaudreault ou madame Goyette, pouvez-vous nous parler des efforts qui sont faits pour que les jeunes comprennent qu'ils doivent faire quelque chose pour réparer le tort qu'ils ont fait aux victimes?

[Traduction]

    Répondez très brièvement.

[Français]

    Je vais laisser Michèle parler. Je connais le programme, mais cela concerne plutôt l'Association des centres jeunesse du Québec, même si je connais les projets-pilotes en cours.
(1150)
    Au Québec, il existe une entente-cadre entre les centres jeunesse et les organismes de justice alternative. Cette entente-cadre prévoit des sanctions extrajudiciaires. Il s'agit donc de sanctions prises en dehors du système judiciaire. La première mesure qui doit être envisagée est une mesure de réparation à la victime. Toutes les victimes de chacun de ces jeunes sont contactées. On veut savoir ce qu'elles ont subi comme dommages sur les plans physique et psychologique, et si elles sont prêtes à rencontrer le jeune et à être indemnisées par lui. Les victimes sont consultées systématiquement.
    J'aimerais souligner un autre point, en ce qui a trait aux rapports prédécisionnels. Comme la loi nous le demande, toutes les victimes sont contactées afin de connaître et de transmettre au juge toutes les informations relatives aux victimes. Je partage le point de vue de Mme Gaudreault, nous pourrions faire davantage. Étant dans un centre jeunesse, je vois quotidiennement des victimes qui manquent de soutien et d'aide. Je partage tout à fait le point de vue de Mme Gaudreault, il faut aussi investir sur le plan de l'aide aux victimes.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons passer à Mme Leslie, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup de vos exposés. Ils ont été très utiles.
    Mme Goyette a indiqué que les clauses 20 et 24, qui concernent l'interdiction de publication, lui posaient quelques difficultés. Je me demande si Mme Gaudreault et M. Croisdale ont des observations à formuler à propos de l'interdiction de publication.
    Monsieur Croisdale, en ce qui a trait aux délinquants chroniques, la levée de l'interdiction de publication aurait-elle un quelconque effet? Cela serait-il utile? Cela serait-il nuisible?
    Je ne me suis pas véritablement penché sur cette question d'un point de vue philosophique. Je pourrais présenter des arguments favorables aux deux points de vue. Je l'ignore.
    C'est une réponse honnête.
    Madame Gaudreault, avez-vous quelque chose à dire à propos de l'interdiction de publication?

[Français]

    Nous ne sommes pas à l'aise avec cette mesure et nous n'y sommes pas favorables. On ne croit pas que le fait de publier le nom des jeunes dans les médias donnera quelque chose de plus aux victimes, que ce soit sur le plan de la sécurité ou sur le plan du sentiment que le système de justice est plus humain ou plus équitable à leur endroit. Cette mesure stigmatise et on n'en voit pas l'utilité. C'est une mesure punitive qui ne donne pas de résultats.
    Nous avons eu une position semblable quand il a été question, par exemple, d'afficher le nom des pédophiles dans des endroits publics. Les groupes qui défendent les droits des victimes, dans l'ensemble, au Québec, ont une position assez nuancée et modérée. Ils ont toujours en tête cet équilibre entre le droit des victimes et celui des contrevenants. Il s'agit de jeunes et il faut penser à l'avenir et aux répercussions que cela peut avoir. S'il s'agissait de nos propres enfants, souhaiterions-nous qu'ils soient stigmatisés à vie? Ne voudrions-nous pas plutôt leur donner la chance de réintégrer la société comme citoyens?
    Merci.

[Traduction]

    Comme vous le savez, nous devons examiner ces modifications proposées. Elles découlent en grande partie de la commission Nunn, laquelle devait se pencher sur le cas d'un adolescent de la Nouvelle-Écosse qui avait commis plusieurs infractions. Les recommandations de la commission Nunn portent précisément sur ces délinquants chroniques.
    Ce jeune homme de la Nouvelle-Écosse faisait l'objet de plusieurs chefs d'accusation, mais aucune déclaration de culpabilité n'avait été prononcée contre lui — il s'agissait-là de l'un des principaux problèmes. Selon la recommandation 22 du commissaire Nunn, il conviendrait que, au moment d'établir le bien-fondé d'une détention présentencielle, l'on examine non pas si le délinquant a fait l'objet de plusieurs déclarations de culpabilité, mais s'il a commis plusieurs infractions. Cela permettrait de reconnaître l'existence de ces délinquants chroniques.
    Monsieur Croisdale, durant votre déclaration préliminaire, vous avez indiqué que les sanctions n'avaient aucun effet sur les délinquants chroniques, mais que les données disponibles montraient que la supervision de ces délinquants par le système de justice pénale pouvait effectivement réduire le nombre d'infractions subséquentes. D'après vos recherches, croyez-vous que la nouvelle clause concernant la dénonciation et la dissuasion pourrait entraîner une réduction de la récidive?
(1155)
    Les délinquants chroniques ont résisté à toutes les tentatives d'intervention dont ils ont fait l'objet. Le fait de les cataloguer ou de les ostraciser n'aura pas non plus de véritables effets sur eux. Je crois qu'il est important, en ce qui concerne ces délinquants, de prendre en considération non seulement les déclarations de culpabilité dont ils ont fait l'objet, mais également le nombre de fois qu'ils ont été arrêtés précédemment, car cela fait ressortir les antécédents criminels, même si ceux-ci ne sont pas caractérisés par des actes de violence. Les délinquants qui commettent de multiples infractions grèvent les ressources et nuisent à la société — il faut donc que le fait d'avoir commis plusieurs infractions soit pris en considération.
    Merci.
    Ma prochaine question, qui s'adresse à Mme Goyette, concerne la différence entre une infraction grave et une infraction avec violence. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents prévoit une présomption en faveur de la mise en liberté d'un adolescent jusqu'au prononcé de la peine. Toutefois, cette présomption ne s'applique pas dans quelques cas particuliers, notamment si l'adolescent est accusé d'avoir commis une infraction avec violence.
    Ainsi, le projet de loi propose que l'expression « infraction avec violence » soit remplacée par « infraction grave », et que la définition d'« infraction avec violence » n'englobe pas les infractions contre les biens, lesquelles seraient classées dans la catégorie des « infractions graves ». Si je ne m'abuse, la plupart des infractions décrites dans le Code criminel sont des « infractions graves » passibles d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus, et il s'agit d'actes criminels.
    Quelle sera l'incidence, sur votre travail quotidien auprès des adolescents, de la substitution de l'expression « infraction grave » à celle d'« infraction avec violence »?
    Je vous demanderais également de nous dire si vous pensez que le système est suffisamment souple. Le procureur de la Couronne doit convaincre le tribunal selon la prépondérance des probabilités, et le juge a un pouvoir discrétionnaire; ainsi, avec ces modifications, y a-t-il d'autres questions brûlantes dont nous devrions nous préoccuper? Le système est-il assez souple?

[Français]

    Personnellement, je prône la plus grande flexibilité possible, la plus grande discrétion des juges possible, et qu'on s'attarde à d'autres facteurs que seulement le type de délit, peu importe si on passe de « délit avec violence » à « délit sérieux ». Selon moi, ce n'est pas nécessairement l'acte qui fait l'agent, mais c'est plutôt l'ensemble de la situation du jeune.
    Je considère que le projet de loi ne doit pas restreindre le juge dans ce qu'il est possible pour lui de faire. La situation qui a mené à la Commission Nunn en Nouvelle-Écosse en est un bel exemple. Selon la loi telle qu'elle était écrite, le juge ne pouvait pas faire détenir ce jeune. Auparavant, la Loi sur les jeunes contrevenants établissait un bon équilibre, à mon avis, entre les besoins des adolescents et la nécessité de protéger la société. En vertu de cette loi, ce jeune aurait pu être détenu.
    Ainsi, plus on réduit les marges de manoeuvre judiciaires, qui sont propres à un système où on tient beaucoup compte de l'individu qui est amené devant le juge, plus on coince le système, et moins on peut réagir proprement à chacune des situations particulières.

[Traduction]

    Merci. Les sept minutes sont écoulées.
    Nous allons passer à M. Woodworth, pour sept minutes.

[Français]

    Merci à tous d'être présents aujourd'hui.
    J'aimerais poser de brèves questions, et j'aimerais avoir de brèves réponses, puisque je ne dispose que de cinq minutes.

[Traduction]

    Madame Goyette, dans le sous-alinéa 3(1)a)(ii) du projet de loi, on insiste sur ce qui suit:

[Français]

(ii) encourager la réadaptation et la réinsertion sociale des adolescents ayant commis des infractions [...]

[Traduction]

    Puis-je savoir si votre organisation est d'accord avec l'attention particulière qu'accorde ce projet de loi à la réadaptation et la réinsertion, comme l'indique ce sous-alinéa?

[Français]

    Ma réponse est la suivante. Si on hiérarchise les principes et qu'on place au premier rang la proportionnalité, le juge devra tenir compte tout d'abord de la proportionnalité et ensuite de la prévention pour prendre ses décisions. Je sais que la prévention, la réadaptation et la réinsertion font toujours partie des principes évoqués par la loi. Cependant, à partir du moment où on change la hiérarchie, on change le terrain dans lequel les juges prennent leurs décisions.
(1200)

[Traduction]

    Malheureusement, l'article 3 se borne à énoncer les trois principes, sans les classer par ordre de priorité.
    Au fait, le troisième principe, qui concerne l'objet de la loi, est rédigé en ces termes:

[Français]

(iii) contribuer à la prévention du crime par le renvoi des adolescents à des programmes ou à des organismes communautaires en vue de supprimer les causes sous-jacentes à la criminalité chez ceux-ci [...]

[Traduction]

    S'agit-il là d'une nouvelle exigence, à savoir celle d'aiguiller les adolescents vers des programmes ou des organismes communautaires, exigence que votre organisation verrait d'un bon oeil?
    Je ne crois pas qu'il s'agisse de quelque chose de nouveau. Si je ne m'abuse, cette exigence figurait ans la version précédente de la loi.
    Je suis désolé de vous interrompre. Il s'agit en fait d'un ajout. L'alinéa 3(1)a) ne figurait pas dans la loi précédemment.

[Français]

    La loi permettait déjà le renvoi des jeunes à des organismes dans la communauté, et c'est effectivement quelque chose qui se fait assez fréquemment au Québec.

[Traduction]

    Vous n'êtes donc pas rassuré du fait qu'il s'agisse à présent d'une exigence claire et précise.

[Français]

    Il n'y a aucun problème.

[Traduction]

    Il n'y a aucun problème.
    Madame Gaudreault, êtes-vous en mesure de me dire approximativement combien de personnes sont victimes d'actes criminels chaque année au Québec?

[Français]

    Elles sont de l'ordre de 50 000 au Québec.

[Traduction]

    Si je me fie à votre site Web, votre organisation compte 275 membres, tant des organisations que des personnes. Est-ce exact?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Pouvez-vous me dire combien de ces membres sont des personnes, et combien sont des organisations?

[Français]

    Franchement, je ne connais pas la proportion.

[Traduction]

    Quelle est votre point de vue en ce qui concerne...

[Français]

    Environ 80 p. 100 des membres de notre association sont des organisations. Tous les grands regroupements du Québec qui travaillent auprès des femmes victimes de violence et les centres d'aide aux victimes d'actes criminels sont membres. Il y a des policiers, des gens qui travaillent en prévention du crime, des thérapeutes privés.

[Traduction]

    Je vais vous interrompre pendant quelques instants parce que nous n'avons pas beaucoup de temps.
    Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, de façon générale, 80 p. 100 des membres de votre association sont des organisations, et le reste, à savoir 20 p. 100, sont des personnes. Est-ce exact?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    De ces 20 p. 100 de personnes qui sont membres de votre association, combien sont des victimes de crime?

[Français]

    Elles représentent une très faible proportion, puisque nous ne sommes pas une association de victimes. Nous sommes un organisme de concertation, un organisme de défense des droits des victimes. Ainsi, nous travaillons quotidiennement avec les femmes victimes de violence conjugale, avec les enfants, avec les proches des victimes. Nous ne sommes pas une association de victimes. Nos membres sont majoritairement des organismes.

[Traduction]

    Monsieur Woodworth, nous allons devoir nous arrêter ici. Merci.
    Le temps est écoulé? Est-ce un tour de cinq minutes?

[Français]

    Une voix: Sept minutes.

[Traduction]

    Je suis extrêmement désolé. Je viens tout juste de prendre le fauteuil et je croyais que nous étions rendus au tour suivant.
    Il vous reste deux minutes. Je vous présente mes excuses.
    Merci. Il n'y a aucun problème.
    Pouvez-vous me dire, à votre connaissance, combien de victimes d'actes criminels ont reçu de votre association un exemplaire du projet de loi C-4? Le savez-vous?

[Français]

    Je ne peux pas répondre à une telle question. Tous les membres qui font partie de l'association reçoivent le bulletin et ont donc été informés de ce projet de loi. Ils reçoivent l'information par l'entremise de leurs propres organisations, et comme tout citoyen, ils s'intéressent à ce qui se passe au Canada. Par ailleurs, ils doivent remplir leur devoir de s'informer.

[Traduction]

    Vous ne savez pas si votre organisation a envoyé à des victimes d'actes criminels un exemplaire du projet de loi C-4, projet de loi qui fait l'objet de notre réunion d'aujourd'hui.

[Français]

    Cette information est disponible sur le site Internet ainsi que dans notre bulletin électronique qu'on fait parvenir aux membres.
(1205)

[Traduction]

    Êtes-vous capable de me dire combien de victimes d'actes criminels ont présenté un mémoire concernant le projet de loi C-4 à votre association?

[Français]

    Je ne crois pas que les victimes de crimes suivent les débats relatifs au projet de loi C-4 autrement que par les médias. Il en va de même dans toutes les organisations quand il y a des projets de loi dans d'autres contextes. Les victimes sont des citoyens qui consultent les journaux et écoutent ce qui se dit à la télévision. On fait parvenir l'information qu'on a.

[Traduction]

    Je tente simplement de déterminer si les propos que vous avez tenus aujourd'hui étaient inspirés par un quelconque mémoire présenté par une victime d'actes criminels.

[Français]

    Notre conseil d'administration travaille avec de grands réseaux, soit les victimes de violence conjugale, les enfants victimes d'agression sexuelle, la Commission des droits de la personne, les centres jeunesse. Donc, on rejoint de grands réseaux. On est en contact quotidien par l'entremise de nos membres et de nos membres du conseil d'administration. On est aussi en contact avec les victimes d'actes criminels. On travaille quotidiennement avec des organismes comme les centres jeunesse et avec d'autres organismes qui sont dans le système correctionnel.

[Traduction]

    Puis-je poser une dernière question? Mon temps est-il écoulé?
    Non, vous ne pouvez pas poser une autre question. Votre temps est écoulé, pour vrai cette fois-ci. Je suis désolé.

[Français]

    Madame Mendes, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

    Vous auriez pu lui accorder une minute supplémentaire pour me laisser le temps d'avaler.

[Français]

    J'aimerais poursuivre avec ce que M. Woodworth essayait de vous faire dire. Si je comprends bien, vous représentez un organisme de défense des droits, comme vous l'avez bien dit, ce qu'on appelle en anglais « an advocacy group ». Donc, vous n'avez pas une clientèle directe de victimes. Ce n'est pas le but de votre organisation. J'imagine que quand vous nous dites que vous êtes un organisme-parapluie et que vous avez des organismes qui représentent les victimes de violence faite aux femmes, les dirigeantes de ces organismes vont avoir eu affaire avec des personnes qui sont des victimes. C'est exact?
    Je travaille tous les jours avec une clientèle de victimes. On fait aussi de la défense des droits à partir de demandes. On accompagne régulièrement des victimes dans des démarches sur le plan de l'indemnisation et des systèmes correctionnels.
    Donc, vous offrez des services?
    Bien sûr qu'on le fait.
    Vous offrez directement des services à des victimes.
    Moi-même, comme bénévole, je le fais quotidiennement et couramment. J'accompagne les victimes.
    Ce ne sont pas nécessairement des membres de l'organisme, mais ce sont des usagers de l'organisme.
    Pas nécessairement.
    Il y a quand même une nuance à faire.
    Je pense qu'au Canada, on a de la difficulté à comprendre ce que sont des organismes de défense des droits des victimes, si on en juge par la façon dont des groupes de femmes ont été...
    Il s'agit de défense des droits tout court. C'est malheureux et triste à dire, mais ce gouvernement comprend très mal cette notion de défense des droits.
    Absolument.
    Je reviens donc sur la question des usagers qui fréquentent votre centre, mais qui fréquentent aussi tous les autres organismes membres. Vous nous dites que les citoyens et même les victimes ne passent leurs journées à suivre les débats de la Chambre et les projets de loi qui arrivent devant nous, mais il y a quand même un certain intérêt suscité par les médias sur ces sujets.
    Avez-vous reçu, de la part de victimes qui font appel à vos services ou par l'entremise de vos organismes membres, des témoignages d'inquiétudes ou même des commentaires favorables à ce projet de loi?
    Ce qu'on présente aujourd'hui est alimenté par le travail qu'on fait avec les groupes de concertation.
    Il s'agit de la partie formelle de votre organisation, mais quelle est la situation parmi les victimes, par exemple, celles que vous accompagnez? Je vous pose la question.
    Il n'y a pas de victimes qui nous ont appelés pour nous dire qu'elles étaient heureuses que le gouvernement présente un projet qui allait durcir la Loi sur les jeunes contrevenants. Quand les victimes nous appellent — je l'ai dit dans ma présentation —, c'est parce qu'elles ont des problèmes avec les services et l'indemnisation. Je rappellerais d'ailleurs que le gouvernement fédéral a cessé de subventionner les provinces depuis 1993 pour les régimes d'indemnisation. C'est un gros problème au Canada.
    Je rappellerais aussi que le gouvernement fédéral n'a aucune loi qui définit de la même façon ce que sont les droits des victimes, la notion de victimes. Il y a un important travail à faire à cet égard. Quand les victimes s'adressent à nous, c'est parce qu'elles ont des difficultés dans leurs recours, qu'elles ne sont pas représentées par les avocats et qu'elles se battent contre le système de justice ou contre le système d'indemnisation. Ce n'est pas pour nous dire de tous les garder en prison. C'est sûr que certaines personnes ne sont pas contentes de temps à autre, mais ce n'est pas pour cette raison qu'elles nous appellent.
    Merci, madame Gaudreault. Vous avez répondu à ma question.
(1210)
    Maître Lemay, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Croisdale, j'ai écouté attentivement votre témoignage et j'ai besoin d'informations supplémentaires. Vous dites que vous avez analysé des statistiques. Depuis combien d'années le faites-vous?

[Traduction]

    En ce qui concerne les récidivistes et les délinquants ayant commis de nombreuses infractions, depuis 2004. Depuis cinq ou six ans.

[Français]

    Ces statistiques vous ont-elles été fournies uniquement par la Colombie-Britannique ou vous êtes-vous servi de celles du Canada en entier?

[Traduction]

    Non. Pour ce qui est du Canada, les données provenaient de la GRC de la Colombie-Britannique.

[Français]

    Avez-vous ces chiffres avec vous? Avez-vous un document au sujet des études que vous avez faites depuis 2004 ou 2005 au sujet des récidivistes?

[Traduction]

    Je ne les ai pas avec moi, non.

[Français]

    Pouvez-vous fournir ces statistiques aux membres du comité? Je veux bien qu'on fasse dire aux chiffres ce que l'on veut, mais je veux avoir les chiffres exacts.
    Je vais vous poser une question. Vous avez parlé de 10 à 15 p. 100 de récidivistes, peut-être même de 5 p. 100, on ne sait pas trop. Combien exactement cela représente-t-il par rapport au nombre total de crimes commis par des jeunes?

[Traduction]

    Oui. Je peux vous fournir cela. Bon nombre de ces statistiques proviennent, de façon générale, des recherches menées un peu partout dans le monde sur les multirécidivistes.

[Français]

    Ce qui m'intéresse, ce sont les chiffres au Canada.

[Traduction]

    Le rapport que je vais présenter portera là-dessus.

[Français]

    Alors, vous allez pouvoir nous faire parvenir ces chiffres, soit ceux que vous avez utilisés depuis 2004-2005? Est-ce que cela concerne uniquement ce que j'appellerais les criminels d'habitude, soit ceux qui sont difficiles à réintégrer?

[Traduction]

    C'est exact.

[Français]

    Merci.
    Madame Gaudreault, vous avez parlé du rapport Kane, est-ce bien ça?
    J'ai parlé de Mme Catherine Kane, qui est maintenant avocate principale au ministère de la Justice, mais qui, jusqu'à tout récemment, était directrice du Centre de la politique concernant les victimes.
    Parfait. Cette dame a-t-elle produit un rapport duquel vous vous êtes inspirée aujourd'hui? Avez-vous des notes? Peut-on retracer le document sur lequel vous vous appuyez?
    Non. Le document que j'ai évoqué, monsieur Lemay, n'est pas un document de Mme Kane. J'ai évoqué deux documents, soit celui du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels appelé « Pour un plus grand respect des victimes dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition », publié en mars 2010, et le rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne intitulé « Les droits des victimes — Participer sans entraver », publié en 1998.
    Ce dernier a été publié en 1998?
    C'est ça.
    Monsieur le greffier, pouvez-vous prendre note du fait que nous aimerions obtenir ces documents? J'aimerais beaucoup que l'on puisse les faire parvenir aux membres du comité.
    Ce que vous dites est très important.
    Madame Goyette, j'ai pratiqué le droit criminel pendant 30 ans, dont au moins 15 ans en protection de la jeunesse. Je vous mets au défi de nous envoyer des statistiques. En avez-vous? Je sais que vous représentez l'Association des centres jeunesse du Québec, mais avez-vous des statistiques? Je ne veux pas de noms, je veux des statistiques. M. Petit pense que l'on est incapable d'en avoir. Personnellement, je pense que vous en avez. Je voudrais des statistiques à propos des échecs de jeunes qui ont été placés sous protection, qui ont vécu la délinquance. Est-ce que vous avez ces chiffres?
    Malheureusement, je ne les ai pas avec moi aujourd'hui. Par contre, ce sont des chiffres que l'on pourrait procurer au comité par l'entremise des recherches qui se font un peu partout au Québec.
    Madame Goyette, pouvez-vous nous faire parvenir ces chiffres dans les plus brefs délais? En fait, je m'adresse aux trois témoins. On va se servir de ces chiffres pour interroger d'autres témoins. Vous pouvez imaginer comment on va s'en servir.
    Madame Goyette, vous avez une longue expérience de la situation au Québec. Selon vous, les échecs... Avec M. Croisdale, on a parlé de récidivistes dont on est incapable de venir à bout. Au Québec, combien peut-il y en avoir par année?
(1215)
    C'est très difficile à déterminer. Premièrement, il faut savoir ce qu'on entend par « échec ». Pour nous, le fait qu'un jeune devienne un citoyen productif dont la situation s'améliore ne signifie pas qu'il n'aura pas d'autres problèmes à un moment donné. Il faut donc préciser ce qu'on entend par « échec » et par « succès ». C'est la première question.
    Deuxièmement, comme l'a mentionné monsieur, la situation est très difficile dans le cas de certains jeunes. Je dirais qu'environ 10 p. 100 des jeunes avec qui nous travaillons fort finissent quand même par poursuivre leur trajectoire de délinquance et par se diriger vers le réseau criminel. Or je crois que ces jeunes sont déjà traités avec le maximum de sévérité possible.
     Je vais vous donner un exemple. Dans le cas de la victime dont on a baptisé ce projet de loi par le nom, le jeune délinquant est détenu dans une prison pour adultes, à l'heure actuelle. Il est impossible d'en faire davantage pour protéger la société. Or on le fait en vertu du contexte légal actuel. En ce qui concerne les jeunes dont le cas est très lourd, on a déjà tout ce qu'il faut pour protéger la société.
     Je partage le point de vue de monsieur sur le fait qu'un pourcentage de jeunes — et on pourrait discuter longtemps des chiffres — sont beaucoup plus réfractaires à notre intervention. Il reste qu'on a déjà les outils pour traiter ces jeunes.
    Merci beaucoup, maître Lemay. Je remercie aussi les témoins.

[Traduction]

    En ce qui concerne les documents qui ont été demandés, particulièrement à M. Croisdale, je tiens simplement à vous rappeler que, si vous nous transmettez des articles que vous avez rédigés et qui sont protégés par le droit d'auteur, vous devez également nous fournir un résumé de ces articles. Nous ne pourrons pas traduire et faire circuler des documents protégés par le droit d'auteur. Ainsi, si vous avez des documents à nous transmettre, fournissez-nous un résumé que vous aurez rédigé vous-même de manière à ce que nous puissions le faire traduire et le distribuer.

[Français]

    Pourrais-je ajouter, monsieur le président...
    Est-ce un rappel au Règlement?
    Oui. Quand les documents sont disponibles sous forme électronique, est-ce qu'ils pourraient nous être envoyées sous cette forme également? Ça nous permettrait de les consulter en tout temps.
    C'est une question de droit d'auteur qui va se régler entre la greffière et le professeur. La greffière va recevoir les documents et l'avis de l'analyste.

[Traduction]

    Vous comprenez ce que nous sommes en train de dire. Excellent.
    Nous allons passer à M. Norlock, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins de s'être présentés ici aujourd'hui. Il y a quelques sujets que j'aimerais aborder rapidement, si c'est possible.
    Monsieur Croisdale, chaque fois que je pose une question, je tiens pour acquis que des téléspectateurs nous écoutent. Dans le cas présent, je tiens pour acquis que des gens liront le procès-verbal de la réunion.
    Aurais-je raison d'affirmer que vos études ont été menées froidement — en d'autres termes, que vous avez examiné les chiffres indépendamment de votre point de vue philosophique sur le système de justice pénale ou sur le système de justice pénale pour les adolescents?
    Oui, c'est tout à fait exact. Il s'agit d'une recherche complètement objective de type universitaire. Il s'agit d'une recherche totalement impartiale.
    Ainsi, vous n'êtes affilié à aucun parti politique et n'adhérez à aucun type de...
    Non.
    D'accord, merci.
    Je me demande si vos études montrent l 'autre côté de la médaille. Nous parlons spécifiquement des multirécidivistes, de ces 5 à 10 p. 100 d'adolescents qui commettent des crimes en série. Les études que vous avez examinées, le tour d'horizon que vous avez effectué vous ont-ils permis de vous forger une quelconque opinion en ce qui concerne l'autre côté de la médaille, c'est-à-dire le sentiment ou les perceptions de la collectivité?
    Non. Il s'agissait de l'analyse d'une grande masse de données. Nous n'avons pas formulé d'hypothèses en ce qui concerne les victimes ou les répercussions sur la collectivité.
    D'accord. Ainsi, les données statistiques que vous nous avez fournies proviennent principalement de la Colombie-Britannique.
    Oui, les données touchant les multirécidivistes et leur mode général de fonctionnement, à savoir la codélinquance en réseaux, proviennent de la Colombie-Britannique. Deux importantes études sur les jeunes multirécidivistes ont été menées en Californie.
(1220)
    Les données provenant de la Californie semblent-elles similaires à celles provenant de la Colombie-Britannique?
    Oui. Même si les données provenant de la Colombie-Britannique concernent les adolescents et les données de Californie concernent l'ensemble des délinquants, elles sont compatibles, et elles concordent avec toutes les recherches qui ont été menées au fil du temps sur le multirécidivisme.
    Aurais-je donc raison d'avancer que vos études indiquent que les statistiques canadiennes et américaines touchant spécifiquement les jeunes multirécidivistes sont relativement similaires, malgré qu'elles proviennent de deux pays différents? Je demande cela parce qu'on a généralement l'impression que les Américains sont beaucoup plus portés que les Canadiens à commettre des actes criminels.
    Oui, j'estime que ces statistiques sont similaires.
    Bien sûr, vous êtes un universitaire, et vous tentez de mener vos études avec précision, mais serait-il excessif d'extrapoler et d'affirmer que, par conséquent, les chiffres que vous avez présentés seraient probablement les mêmes, ou à peu près les mêmes, dans le reste du Canada, vu qu'ils sont valables pour deux régions, même si celles-ci se trouvent toutes deux sur la côte Ouest?
    Je m'attendrais à ce qu'une étude menée dans le reste du Canada ou n'importe où ailleurs sur les multirécidivistes donne des résultats semblables. La cohérence des données dont nous disposons déjà nous permet de le croire.
    Au début de votre exposé, vous avez indiqué que, selon vous, le projet de loi C-4, plus précisément en ce qui concerne les multirécidivistes, semblait s'intéresser aux individus concernés — en d'autres termes, aux personnes qui semblent devoir être traitées de façon plus rigoureuse dans les établissements de correction ou faire l'objet de traitements de modification comportementale plus intenses. Est-ce exact? Avez-vous l'impression que le projet de loi va dans la direction que vous...?
    Oui. J'estime que le projet de loi cible les délinquants qui ont continué à commettre des infractions en dépit des interventions dont ils ont fait l'objet, et qu'il prévoit un plus grand nombre de sanctions.
    Ainsi, les sanctions révéleraient que les établissements doivent davantage surveiller... En effet, c'est d'incarcération dont il est question ici.
    Oui, ils devraient être davantage supervisés par les établissements. Au Canada, où nous sommes totalement sensibilisés à cet égard, des traitements sont disponibles. Ce n'est pas le cas aux États-Unis où les multirécidivistes incarcérés n'ont accès qu'à un nombre limité de traitements, voire à aucun, comparativement à ce que peut espérer un multirécidiviste au Canada.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Murphy, pour cinq minutes.
    Merci.
    Mes questions s'adressent à M. Croisdale. Vous avez obtenu un doctorat à l'Université Simon Fraser en 2008, d'après ce que je peux lire. Il s'agit d'un doctorat en quelle discipline? Sur quoi portait votre thèse? Quel sujet avez-vous abordé?
    J'ai obtenu mon doctorat en 2007. La deuxième étude que j'ai menée sur les jeunes délinquants chroniques en Californie constituait ma thèse de doctorat.
    J'imagine que vous vous considérez également comme une personne qui médite sur des questions comme la modélisation en systèmes complexes d'analyses de la criminalité, l'analyse appliquée de données, l'analyse computationnelle de métadonnées criminologiques, l'analyse géospatiale de la criminalité, la mobilité des délinquants et les profils de criminalité, et les voies qui mènent à la criminalité. À mes yeux, il s'agit là de termes universitaires plutôt techniques. Il me semble qu'ils concernent une population plus vaste que les seuls jeunes multirécidivistes.
    Est-ce que ce dont vous nous avez parlé aujourd'hui constitue le sujet sur lequel vous vous êtes principalement penché dans le cadre du travail que vous effectuez depuis que vous êtes devenu membre du corps enseignant en 2008 et depuis que vous avez décroché votre doctorat en 2007?
    Oui. Tout ces termes que vous avez lus — criminologie computationnelle, et toutes ces autres choses comme la modélisation de nouveaux systèmes, les systèmes informatiques, ce genre de choses — constituent des moyens qui nous permettent d'analyser d'énormes quantités de données contenues dans les divers ensembles de données qui doivent être fusionnées et traitées de manière à ce que les données puissent être analysées. J'ai utilisé toutes ces méthodes pour étudier le multirécidivisme, et à présent, je les utilise pour étudier les réseaux.
    Je veux simplement montrer qu'il s'agit bel et bien de votre domaine de spécialité. L'autre jour, le ministre a indiqué clairement que, selon lui, ces dispositions législatives contenaient des éléments dissuasifs visant concrètement les contrevenants adolescents, les jeunes. Je comprends bien ce qu'il veut dire par là, mais je pense que ce que vous dites, c'est que ces délinquants chroniques posent un risque pour la sécurité, la sûreté du public et devraient être incarcérés dans l'optique d'être soumis à un programme de traitement qui aurait un véritable effet. Peut-être que je me trompe, mais je ne crois pas vous avoir entendu dire que les mesures contenues dans ce projet de loi, à savoir un plus grand nombre d'incarcérations, constitueront un moyen concret de dissuasion.
    En fait, corrigez-moi si je me trompe, la thèse que vous avez formulée dans le cadre de votre exposé est la suivante: les moyens de dissuasion n'ont aucun effet sur le petit groupe des jeunes délinquants chroniques. Il est très difficile de les dissuader concrètement de poser des actes criminels. Est-ce exact?
(1225)
    Ils sont imperméables aux moyens de dissuasion puisqu'ils ont résisté à toutes les interventions dont ils ont fait l'objet et qu'ils continuent de le faire, mais il faut également souligner que, à l'heure actuelle, ils savent qu'il est très peu probable qu'ils soient incarcérés. Avec la loi en vigueur, la possibilité d'être incarcéré est faible, et, par conséquent, elle est peu dissuasive. Selon moi, le fait d'accroître la possibilité d'incarcération contribuera à rendre la loi un peu plus dissuasive.
    À mes yeux, l'impression qui se dégage de votre exposé, c'est que ces jeunes délinquants sont des personnes assez brillantes — le mot est peut-être un peu fort — et futées qui ne seront concrètement dissuadées de poser des actes criminels que si elles comprennent que la criminalité aura pour conséquence leur incarcération. Pourtant, partout au Canada, on entend dire que les adolescents, qui sont visés par une loi distincte de celle des adultes, sont incapables, selon le droit civil, de former une quelconque intention réfléchie et bien définie. À coup sûr, c'est la vision qui est contenue dans le droit civil. Dans de nombreux cas, les adolescents ne peuvent pas être tenus responsables de leurs actes en raison de cette capacité réduite de former une intention. Comment concilier ces deux points de vue?
    Je suis d'accord avec vous pour dire qu'aucun type de délinquant n'est supérieurement intelligent ou ingénieux.
    Pouvez-vous répéter la seconde partie de votre question?
    Un peu partout au pays, on entend dire que ce qui caractérise spécifiquement les adolescents, c'est qu'ils ne sont pas, c'est qu'ils sont moins... Je ne dirai pas capables, mais en tout cas, ce ne sont pas des adultes. Ils n'ont pas la même capacité que les adultes de former une intention. C'est la raison pour laquelle ils sont assujettis à une loi distincte de celle des adultes, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents: pour que le droit civil ne vienne pas réduire leur responsabilité. Si c'est le cas, comment peuvent-ils former une intention précise et agir de façon aussi futée dans le cadre du système actuel? Comment les moyens de dissuasion concrets dont parle le ministre peuvent-ils avoir un effet?
    Les adolescents ne peuvent peut-être pas former une intention précise, mais ils savent saisir les occasions qui se présentent à eux. Ils sont impulsifs, et, par conséquent, ils ne se livreront pas à des actes criminels plus complexes qui exigent une intention et une planification en bonne et due forme. Ils sont plus...
    Désolé, le temps est écoulé.
    Oui. Merci.
    Nous allons passer à M. Dechert, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, mesdames et messieurs, de vous être présentés ici aujourd'hui et de nous avoir fait part de vos points de vue.
    Pour poursuivre sur la question que mon honorable collègue vient tout juste de soulever, je crois — si j'ai bonne mémoire — qu'un certain nombre de témoins, plus particulièrement des policiers, mais également d'autres témoins, nous ont dit que des groupes du crime organisé comme les gangs de rue recrutaient beaucoup d'adolescents. S'ils le font, c'est précisément parce qu'ils savent que les jeunes délinquants sont assujettis à une loi différente que celle des adultes et que, par conséquent, ils se verront imposer des peines moins sévères en cas de condamnation. Dans de nombreux cas, de jeunes délinquants ont affirmé qu'ils voulaient participer à ce type particulier de criminalité, et qu'ils savaient que, s'ils se faisaient pincer avant d'atteindre un certain âge, ils se verraient imposer une peine moins sévère que s'ils étaient d'âge adulte. Je crois que les points de vue à ce sujet sont très variés.
    Plus précisément, monsieur Croisdale, j'aimerais parler de l'article intitulé « Persistent Criminality and Career Lengths », que vous avez corédigé et qui a paru en janvier 2007 dans une publication nommée Crime & Delinquency. Dans cet article, vous mentionnez que, selon certaines données et quelques études que vous avez examinées et auxquelles vous vous êtes référé, le comportement criminel — mesuré à l'aune du nombre d'arrestations — augmentait de façon spectaculaire avant les sanctions, et diminuait considérablement après une incarcération.
    Je me demandais si vous pouviez nous fournir des explications un peu plus poussées à ce sujet, et nous donner votre point de vue quant à l'incidence de plus longues peines d'emprisonnement sur les délinquants chroniques.
(1230)
    De toute évidence, les délinquants chroniques commencent à commettre des infractions et accroissent leur activité criminelle jusqu'à ce que celle-ci atteigne un sommet, et ce comportement se solde par leur incarcération. L'activité criminelle des délinquants diminue après une incarcération — on peut donc en déduire que l'emprisonnement a une certaine incidence. Je pense que beaucoup d'autres études doivent être menées à ce sujet. Nous ne disposons vraiment pas d'un nombre suffisant d'études sur les effets de l'incarcération sur la criminalité subséquente, mais quelques cas nous ont permis de constater que ces effets sont réels. Un délinquant peut récidiver après une incarcération, mais son taux de criminalité diminue. Si je ne m'abuse, dans ce cas précis, le taux de criminalité des jeunes délinquants avait diminué de moitié après l'incarcération.
    D'accord, merci.
    Dans le cadre de votre étude, vous êtes-vous penché sur le cas de ces jeunes délinquants qui commencent par poser des actes criminels relativement bénins et qui, au fil du temps, se livrent à des actes criminels de plus en plus graves et violents? Avez-vous examiné cela?
    Cette étude portait sur les jeunes délinquants accusés d'actes criminels de tout acabit. Nous ne nous sommes pas intéressés aux cas où la gravité des infractions s'accroissait.
    Pouvez-vous nous éclairer de quelque façon que ce soit en ce qui a trait aux modèles de comportement? Est-ce que les adolescents qui commencent par commettre des infractions relativement violentes ont tendance à commettre, à mesure que leur carrière criminelle progresse, des actes de plus en plus violents?
    Nous ne nous sommes pas penchés sur les différents types d'infractions commis au cours d'une carrière criminelle. Ce que les données que nous avons examinées nous ont permis de constater, c'est que les délinquants qui avaient commis des infractions avec violence avaient commis beaucoup moins d'infractions que les délinquants récidivistes avant leur incarcération dans un établissement pour adolescents.
    Les délinquants chroniques ayant fait l'objet de votre étude étaient-ils nombreux à avoir participé à des programmes de réadaptation lorsqu'ils étaient plus jeunes, au début de leur carrière criminelle, au moment où ils se voyaient peut-être imposer des peines d'emprisonnement moins longues?
    Nous ignorons cela. Nous ne savons pas ce qui a été fait dans la collectivité. Nous disposions seulement de données relatives à l'arrestation de ces adolescents et de données sur leur incarcération proprement dite dans l'établissement de correction pour les adolescents, à l'échelle de l'État.
    Plus tôt, vous avez mentionné que le système pénal canadien avait au moins l'avantage d'être doté d'importants programmes de réadaptation. À cet égard, quelles répercussions auront, selon vous, de plus longues peines d'emprisonnement? Si les peines sont plus longues, les adolescents suivront leur programme de réadaptation pendant plus longtemps. Selon vous, qu'est-ce que cela aura comme incidence sur le taux de récidive des adolescents après leur mise en liberté?
    Je m'attends à ce que l'accroissement du nombre et de la qualité des traitements ait pour effet de réduire le nombre de réarrestations. Il s'agit d'une corrélation négative — le nombre d'arrestations et le taux de récidive sont inversement proportionnels au nombre de traitements et à leur qualité.
    D'accord.
    Les résultats de l'étude sur les données provenant de la Colombie-Britannique sont-ils significativement différents de ceux de l'étude sur les données provenant de la Californie?
    Non. Les études sur les données de la Colombie-Britannique se limitaient à un examen de l'énorme masse de données concernant le multirécidivisme, à telle enseigne que j'ai recommandé que nous élaborions une définition de « multirécidivisme » aux fins de recherche en Colombie-Britannique. Toutefois, là encore, les études subséquentes, de même que les études sur les réseaux et l'établissement de correspondances entre les réseaux de codélinquance, présentent des résultats compatibles avec tous les résultats des recherches menées un peu partout ailleurs.
    Nous allons passer à M. Petit, pour cinq minutes.

[Français]

    Bonjour, madame Goyette et madame Gaudreault.
    Madame Goyette, une question vous a été posée plus tôt à propos des statistiques que vous allez nous faire parvenir, je crois. Vous connaissez l'existence du Programme de déclaration uniforme de la criminalité. C'est réalisé par Statistique Canada. Ça permet d'obtenir des renseignements sur les jeunes délinquants, notamment.
    Saviez-vous que dans la déclaration uniforme de la criminalité, on ne tenait pas compte de tout ce qui s'appelle trafic de drogue? Saviez-vous que tous les crimes reliés à la drogue n'étaient pas inclus dans la déclaration uniforme de la criminalité?
    Non, je ne le savais pas.
    Saviez-vous qu'aucun acte criminel relié aux infractions prévues dans le Code criminel ou le code de la route, par exemple le délit de fuite, la conduite avec facultés affaiblies, la conduite dangereuse provoquant la mort d'une personne, n'était comptabilisé dans la déclaration uniforme de la criminalité?
    Je vous renvoie maintenant à un autre document. Avez-vous entre les mains l'« Enquête sociale générale sur la victimisation »?
(1235)
    Je peux vous poser une question?
    Oui.
    La même chose s'applique partout au Canada, j'imagine. Si ce n'est pas comptabilisé au Québec, ça ne l'est pas ailleurs non plus.
    Je ne le sais pas. Je vous pose la question. J'arrive à la question importante.
    D'accord.
    Dans l'« Enquête sociale générale sur la victimisation », on apprend de Statistique Canada que la plupart des systèmes de police ou des organismes qui s'occupent des délinquants, adultes ou mineurs, ne font pas toutes les déclarations qu'ils sont tenus de faire en vertu de la loi.
    Selon l'« Enquête sociale générale sur la victimisation », seulement 34 p. 100 des cas impliquant des victimes sont déclarés. Il en manque donc 66 p. 100. Les statistiques pour le Québec comprennent-elles ces 66 p. 100 manquants?
    Je ne peux pas répondre à cette question.
    Est-ce parce que vous ne le savez pas ou est-ce parce que vous ne l'avez pas?
    Je ne l'ai pas.
    Vous ne l'avez pas.
    En fait, je ne sais pas comment les statistiques sont faites. Je sais qu'elles viennent de Statistique Canada et j'imagine que c'est la même chose partout.
    Quand vous vous prononcez sur le fait qu'il y a une différence entre le système du Québec et celui du Canada, quelles statistiques utilisez-vous?
    Je me base sur Juristat. J'ai une version qui date de 2006 et qui indique que le taux de criminalité au Québec par 100 000 habitants est à peu près le quart de celui de la province où c'est le plus important. Je me base là-dessus, cela vient de Statistique Canada.
    Si je comprends bien, c'est le même document que j'ai. Ce document s'appelle « Statistiques sur les tribunaux de la jeunesse, 2006-2007 ». C'est possiblement ce que vous avez entre vos mains et qui est basé sur la déclaration uniforme de criminalité de Statistique Canada.
    C'est probable.
    Je vous remercie.
    Par ailleurs, pourriez-vous aller à l'article 21 de la loi? L'avez-vous devant vous?
    J'ai la loi devant moi, oui.
    Je parle de l'article 21 qui est modifié.
    Il s'agit donc du projet de loi C-4.
    Oui, je parle du projet de loi C-4 et de l'article 21.
    On ne parle pas de la loi.
    Il est écrit, et je cite: « Aucun adolescent âgé de moins de dix-huit ans ne peut purger tout ou partie de sa peine dans un établissement correctionnel provincial pour adultes ou un pénitencier. »
     Vous comprenez ce que veut dire cette phrase.
    Je comprends très bien.
    Y a-t-il déjà eu au Québec une personne de moins de 18 ans qui est allée dans une prison provinciale ou un pénitencier? À votre connaissance, y en a-t-il eu?
    Cela a pu arriver, mais si c'est le cas, il y en a eu vraiment très peu. Cela dépend du nombre d'années dont vous souhaitez reculer. Je pourrais reculer de 30 ans. J'ai vu des mineurs, mais il y en avait très peu, en effet, peut-être quatre ou cinq en tout et pour tout.
    C'était au Québec. Êtes-vous certaine de cela?
    J'en suis assez sûre.
    Avez-vous vérifié?
    Au Québec, depuis 2003 — on parle donc des sept dernières années —, nous avons recommandé l'assujettissement pour 20 jeunes. Rien ne dit que ces 20 jeunes avaient moins de 18 ans. La seule information que je peux vous donner est qu'ils avaient commis leur délit avant l'âge de 18 ans, mais ils avaient peut-être plus de 18 ans au moment où l'assujettissement a été recommandé.
    Parlez-vous d'une décision que le juge rend après que le jeune a eu 18 ans? Il a comparu, le procès a tardé, il atteint l'âge de 18 ans et demi, et vous dites qu'il y aurait eu un assujettissement dans une prison pour adultes décrétée par le juge?
    Ce n'est pas tout à fait ainsi que ça fonctionne. Je peux vous expliquer. Quand un jeune commet un délit, parfois il est arrêté quelque temps après le délit, parfois immédiatement après le délit. Le procureur de la Couronne peut demander que soit utilisée la mesure d'assujettissement. Les procédures peuvent durer et c'est ce qui fait que, parfois, le juge prend sa décision après que le jeune a atteint l'âge de 18 ans. C'est souvent ce qui arrive. C'est pourquoi il est très rare qu'un jeune de moins de 18 ans soit assujetti à une peine pour adulte, au Québec en tout cas. Je ne peux pas parler pour le reste du Canada.
    Merci.

[Traduction]

    Nous allons passer à M. Rathgeber, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence et de leurs exposés.
    Mes questions s'adresseront plus particulièrement à Mme Gaudreault et à Mme Goyette. Je crois comprendre qu'il y a, au Québec, un modèle unique en son genre visant les adolescents. On l'appelle le modèle québécois de réadaptation. Je suppose avec certitude que vous adhérez toutes deux sans réserve à cette approche. Est-ce exact?
(1240)

[Français]

    C'est tout à fait exact.

[Traduction]

    Merci.
    Le projet de loi C-4 énonce expressément que le premier but est de protéger la société, et que le deuxième but est de faciliter la mise en détention...

[Français]

    On éprouve des problèmes avec la traduction.

[Traduction]

    Est-ce que c'est réglé?

[Français]

    Ça va, c'est comme la Cour suprême.

[Traduction]

    Le premier objectif énoncé du projet de loi C-4 est la protection de la société et le deuxième objectif est de rendre plus facile la détention des adolescents violents et insouciants. Ai-je raison de supposer que vous êtes en désaccord avec ces objectifs philosophiques du projet de loi C-4?

[Français]

    Non, au contraire, je pense que la protection de la société est un objectif très louable. Elle est davantage assurée par des mesures de réadaptation que par des mesures de répression, c'est la différence.

[Traduction]

    Si vous m'avez bien compris, j'ai dit que le « premier » but était la protection de la société. Là où je veux en venir... Dans le cadre du modèle québécois de réadaptation, c'est la réadaptation de l'adolescent qui devrait, selon vous, être le premier objectif. Est-ce raisonnable d'affirmer cela?

[Français]

    En fait, je pense que la réhabilitation du contrevenant vise principalement la protection de la société. On ne réhabilite pas les contrevenants pour le plaisir de le faire, on les réhabilite parce que l'on pense que la criminalité est quelque chose à quoi on doit s'attaquer. La criminalité met la protection du public en cause et c'est pour ça qu'on travaille à ramener ces jeunes dans le droit chemin. On pense que ça n'a pas de sens que la population se sente menacée par les jeunes contrevenants. La population sera beaucoup mieux servie, sur le plan de la sécurité, si on réussit à sortir ces jeunes de la délinquance. De plus, on en fera des citoyens productifs et positifs.

[Traduction]

    Madame Gaudreault.

[Français]

    Ce que souhaitent les victimes que l'on rencontre, c'est que le délinquant soit aidé, qu'il y ait des programmes et que le délinquant soit traité — c'est souvent le verbe que les victimes vont employer. J'ai accompagné beaucoup de victimes à des audiences de libération conditionnelle dans le cas de délits très violents. Les victimes voulaient être présentes, assister à l'audience, pour voir si le délinquant avait changé et savoir s'il s'était engagé dans les programmes. Je pense que c'est la même chose qu'elles souhaitent pour les jeunes. Quand ces délinquants seront remis en liberté, les victimes veulent avoir l'assurance qu'il n'y aura pas de représailles envers elles ou d'autres victimes. C'est pour cette raison que la réinsertion et les programmes de traitement sont plus garants.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Goyette, je crois comprendre que l'ensemble des centres de jeunesse accueille 105 000 adolescents.

[Français]

    Non, nous nous occupons de 15 000 jeunes contrevenants.

[Traduction]

    La lettre que vous avez soumise en vue de venir témoigner ici aujourd'hui indique que la mission de ces centres jeunesse était d'offrir des services psychosociaux et des services de réadaptation à quelque 105 000 enfants, adolescents et familles du Québec. Est-ce exact?

[Français]

    Nous offrons aussi des services à des jeunes qui ont besoin de protection et à des jeunes pour qui l'adoption est envisagée. Cela fait donc beaucoup plus d'enfants. La proportion des jeunes contrevenants est de 10 p. 100 du nombre total.

[Traduction]

    Ma dernière question est la suivante: quelles sont vos sources de financement? Comment les centres jeunesse du Québec sont-ils financés?

[Français]

    Nous sommes financés entièrement par le gouvernement du Québec.

[Traduction]

    Ce financement est-il établi en fonction de votre nombre de clients?

[Français]

    Évidemment, une proportion du financement est en fonction de notre clientèle, mais ce n'est pas uniquement cela. Je ne peux pas vous expliquer exactement de quoi est fait l'ensemble du financement des centres jeunesse. Évidemment, chaque centre jeunesse a un financement différent, en fonction de l'importance de sa clientèle. Toutefois, il n'y a pas que ça qui compte, il y a aussi d'autres éléments.

[Traduction]

    Bien sûr, mais vous recevriez moins de financement si vous accueilliez moins de jeunes. Êtes-vous d'accord avec cela?

[Français]

    Je m'excuse, mais je n'ai pas compris la traduction.

[Traduction]

    Moins de clients signifie moins d'argent. Est-ce exact?

[Français]

    En ce qui me concerne personnellement, je ne crois pas, non. Je toucherais le même salaire, peut-être davantage.

[Traduction]

    Je parle du financement que recevrait chaque centre de jeunesse.

[Français]

    Les centres jeunesse cherchent à exister le moins possible. Notre voeu dans la vie est qu'il y ait le moins possible de jeunes ayant un besoin de protection et le moins possible de jeunes en difficulté. Par contre, c'est une réalité. Personnellement, s'il n'y avait pas de jeunes contrevenants, je ferais autre chose avec grand plaisir.

[Traduction]

    Merci.
(1245)
    Merci.
    C'est la fin du tour de questions. Voulez-vous que nous poursuivions, ou que nous levions la séance? Je m'en remets à vous.
    Une voix: Levons la séance.
    Le président: Très bien, comme je n'entends pas d'avis contraire, nous allons lever la séance.
    Je veux remercier les témoins de s'être présentés ici. Leur présence aura été très utile. Vos témoignages feront partie du compte rendu qui sera rendu public, et votre contribution sera vraisemblablement mise à profit dans le cadre de l'élaboration du rapport que nous allons présenter.
    Merci.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU