:
Je déclare la séance ouverte.
Il s'agit de la 54e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le lundi 21 mars 2011.
Avant de passer à l'ordre du jour, je dois vous informer qu'on a demandé d'ajouter un point à l'ordre du jour, c'est-à-dire l'étude des travaux du comité. Avez-vous une objection à ce que nous ajoutions 15 minutes à la fin de la séance? Nous pourrions en discuter tout de suite après avoir examiné le projet de rapport sur le crime organisé.
Y voyez-vous un inconvénient? Non? Très bien. Nous allons consacrer 15 minutes à l'étude de cette question.
Selon l'ordre du jour, nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi .
À titre indicatif, sachez que nous siégerons à huis clos durant la deuxième heure pour continuer de rédiger le rapport sur le crime organisé.
Aujourd'hui, deux témoins nous entretiendrons du projet de loi . Tout d'abord, arrivant tout droit de la Saskatchewan et de la municipalité rurale de Beaver River, nous accueillons le préfet, Murray Rausch. Soyez le bienvenu.
Nous recevons aussi Mme Thérèse McCuaig, à titre personnel. Je vous souhaite également la bienvenue.
J'imagine que vous savez que vous disposez de dix minutes pour présenter votre exposé. Nous enchaînerons ensuite avec la période de questions.
Monsieur, je vous invite à prendre la parole.
:
Quoi qu'il en soit, je suis déterminé à me rendre plus souvent dans les tribunaux pour observer le déroulement et ainsi avoir une meilleure idée des difficultés auxquelles ils sont confrontés.
La lettre du conseil faisait référence à certains éléments qui, selon nous, découlent des lois actuelles et de la réticence, semble-t-il, à imposer des peines d'emprisonnement à de jeunes délinquants récidivistes. On perçoit notamment une tendance ou une obligation à ne pas tenir compte des dossiers cumulatifs des jeunes récidivistes ou à les rendre inadmissibles; une tendance à imposer des périodes de probation ou des peines à purger dans la collectivité, ce qui fait en sorte que le jeune délinquant réintègre immédiatement son milieu dysfonctionnel et qu'on délègue les responsabilités de supervision à la GRC; l'utilisation créative de la jurisprudence pour compliquer les procédures et profiter des lacunes en matière d'enquête et de préparation; et les ajournements répétitifs et interminables où le délinquant doit respecter des conditions entre ses comparutions, ce qui donne lieu à d'autres accusations pour bris de condition et qui multiplie les comparutions devant les tribunaux. Des accusations non classées s'accumulent, et le jeune contrevenant doit désormais faire face à beaucoup plus d'accusations.
Comme je n'ai pas toujours été témoin directement des tendances ou des éléments dont je viens de parler, j'ai voulu trouver un exemple régional d'un dossier du tribunal qui relève du domaine public qui pourrait contribuer à étayer les préoccupations du conseil.
Le dossier que j'ai trouvé renferme cinq pages d'accusations, plus précisément 53 accusations portées contre un seul individu, de novembre 2008 à février 2011. Onze des accusations concernaient des vols de véhicule à moteur, d'une valeur inférieure, égale ou supérieure à 5 000 $. Dans la plupart des cas, il s'agissait de véhicules tout-terrain. Sur les 42 autres accusations, bon nombre ont été portées pour conduite dangereuse des mêmes véhicules. Pendant que j'examinais le dossier de ce jeune délinquant, j'ai remarqué qu'il avait été accusé de conduite avec facultés affaiblies, avec un taux d'alcoolémie supérieur à 0,08 p. 100, le 12 septembre 2008. Ce jeune délinquant n'a pas été reconnu coupable avant le 10 août 2009, soit près de 11 mois après les événements.
Malgré un dossier bien rempli, ce jeune délinquant s'est vu imposer une période de probation assortie de conditions, une interdiction de conduire pendant un an et l'obligation de suivre un programme de traitement. Durant l'année au cours de laquelle il lui était interdit de conduire, ce contrevenant a accumulé pas moins de trois autres condamnations relatives à des véhicules tout-terrain, de même que des amendes, il a été reconnu coupable de 20 infractions au Code criminel et a fait l'objet de cinq accusations en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, ce qui a donné lieu à quatre condamnations et une suspension d'instance.
Comme vous pouvez le constater, 15 autres accusations se sont ajoutées au dossier de ce jeune contrevenant et, en toute honnêteté, je dois admettre que j'ai un peu perdu le compte des infractions. Cependant, ce dont je suis certain, c'est que la majorité de ces VTT volés appartenaient à mes amis et à des habitants de ma municipalité. La conduite dangereuse et, à une occasion, la conduite avec facultés affaiblies de ces véhicules ont sans aucun doute créé de l'anxiété au sein de la municipalité et fait perdre de la valeur aux propriétaires, tout en posant une menace réelle à la sécurité publique.
Cet exemple de dysfonction représente forcément d'innombrables heures de préparation, de recherche et de documentation, puisque chacune des 53 accusations doit suivre son cours dans le système. Si d'autres jeunes contrevenants, ne serait-ce que quelques-uns, commettent des actes semblables, notre détachement local de la GRC, avec ses ressources limitées, pourrait rapidement se retrouver débordé.
Le conseil de la municipalité rurale numéro 622 affirme son appui au paragraphe 2(3) du présent projet de loi, étant donné qu'il pourrait s'appliquer aux récidivistes chroniques.
Dans le système de santé, si je ne me trompe pas, il y a un programme d'intervention précoce. Un tel programme vise à déceler les problèmes liés au développement cognitif dès la petite enfance afin d'y remédier rapidement. Le programme vient en aide aux jeunes enfants aux prises avec des problèmes, possiblement des troubles de langage. Il semble logique qu'un programme d'intervention précoce serait bénéfique auprès des jeunes contrevenants récidivistes et pour la société en général.
La nécessité d'une intervention et d'une réhabilitation a été soulevée par le juge Allard, durant son entrevue à CBC le 15 décembre 2010, au cours de laquelle il a indiqué qu'il fallait isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société afin de contribuer à leur réhabilitation. Pour être au courant de la situation de nos voisins américains, dans cette entrevue, le juge a fait référence à l'État du Texas, où on a conclu que les peines obligatoires ne permettaient pas nécessairement de réduire le taux de criminalité.
En même temps, au sein de notre municipalité, la majeure partie de la supervision des jeunes délinquants en probation revient à la GRC. Notre conseil reconnaît le travail remarquable du détachement local pour remédier aux conditions qui contribuent au comportement dysfonctionnel des jeunes récidivistes, notamment les discussions avec les chefs communautaires, la promotion de la réforme sociale, la consultation familiale, la facilitation d'équipes de ressources humaines pouvant contribuer au développement positif des jeunes et l'élaboration de stratégies destinées à dissuader les délinquants et à reconnaître les attitudes et les comportements positifs.
Si je puis me permettre respectueusement, en résumé, notre conseil municipal estime que le principe de protection de la société est à la base de tout amendement législatif; il favorise la simplification des règles afin de placer les jeunes contrevenants violents et récidivistes en détention jusqu’à leur procès, au besoin; il appuie un examen des antécédents du jeune contrevenant pouvant indiquer une escalade de son activité criminelle et la nécessité d’une peine comportant un placement sous garde; il soutient l’imposition d’une peine d’emprisonnement pour comportement imprudent mettant la vie et la sécurité d’autrui à risque; il est favorable à une réforme du système de cautionnement qui favorise la récidive chez certains contrevenants chroniques; et enfin, il encourage les programmes de traitement et les libérations sous caution adaptés en vue de faire cesser ces comportements délinquants et dissiper les préoccupations liées à la sécurité publique.
Même si nous vous demandons d’améliorer la gestion de ces délinquants et de simplifier les règles, nous sommes conscients que le système doit répondre aux besoins particuliers de chacun et tenir compte de la diversité qui fait de notre nation ce qu’elle est. Dans son livre Bad Medicine: A Judge’s Struggle for Justice in a First Nations Community, le juge à la retraite de la Cour provinciale de l’Ontario, John Reilly, soutient que le but ultime de l’imposition d’une peine est de contribuer au maintien d’une société juste et sûre.
Cela dit, sachez que nous vous respectons et que nous vous appuyons dans cette démarche.
Merci.
Merci de m'avoir invitée.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invitée au comité aujourd'hui.
[Traduction]
En 1995, mon petit-fils de 17 ans, Sylvain Leduc, a été enlevé de chez lui avec ses deux petites cousines de 16 ans et son ami par un gang de rue appelé Ace Crew. De ce gang, les cinq membres qui, à ma connaissance, ont comparu en cour étaient de jeunes délinquants. Les autres avaient plus de 18 ans.
Les jeunes ont été enfermés dans le compartiment arrière d'un camion Jimmy, où ils ont été battus et menacés. Les délinquants leur ont dit qu'ils leur infligeraient une telle raclée que les résidants d'Ottawa auraient peur de sortir sur la rue, et ils ont tenu parole. Pendant la demi-heure qu'a duré le trajet en camion, quelqu'un armait et désarmait constamment un fusil à proximité de leur tête, leur affirmant qu'ils allaient mourir. « Aujourd'hui, c'est mercredi, une journée propice pour mourir. » C'était un jeune de 15 ans qui dirigeait ce gang. À cet âge, c'était lui qui menait le bal.
Arrivés à destination, ils ont fait descendre les victimes l'une après l'autre. Dans le véhicule se trouvaient des jeunes de 25, 24 et 19 ans, des durs qui allaient montrer aux jeunes comment traiter ceux qui les offensent. Les victimes ont été emmenées l'une après l'autre dans un appartement où se trouvaient 12 personnes.
Quand les victimes entraient à tour de rôle, ce sont les jeunes délinquants qui ouvraient la porte et s'empressaient de leur lier les mains, les pieds et le cou, de les bâillonner et de leur bander les yeux. Ils ont enfermé l'un des enfants dans un placard tapissé de sacs à déchets verts, où ils comptaient mettre les cadavres des victimes. Ils ont traîné mon petit-fils jusque dans la chambre des maîtres, enfermé un garçon dans la salle de bain et emmené une jeune fille dans la même pièce que mon petit-fils.
À tour de rôle, les délinquants, qui étaient parfois deux ou trois, ont battu Sylvain à mort. Pendant ce temps, d'autres infligeaient des brûlures à ma nièce avec un fer à friser extrêmement chaud, appliquant l'appareil sur ses mollets et à l'arrière de ses genoux et de ses épaules. Puis ils l'ont retournée, lui ont retiré ses jeans et ses culottes, et pendant que deux jeunes lui écartaient les jambes et qu'une jeune fille lui maintenait la tête, ils l'ont brutalement violée avec le fer à friser. Elle a perdu conscience et quand elle est revenue à elle, elle entendait Sylvain respirer laborieusement, à l'agonie.
Dieu merci, un homme habitant à l'étage en dessous avait entendu les enfants arriver sous la menace d'une arme. Caché derrière les rideaux, il a attendu qu'ils soient tous à l'intérieur de l'appartement pour appeler le 9-1-1. Quand la police est arrivée, les 12 membres du gang ont fuit les lieux. Les agents, faisant preuve d'une grande perception, ont toutefois réussi à en arrêter quatre ou cinq dans le hall pendant que les autres s'enfuyaient.
Je suis furieuse à la seule pensée de ce qui s'est passé ensuite et de vous le raconter. Les agents de police seraient probablement arrivés à temps pour sauver Sylvain, mais les jeunes qu'ils retenaient dans le hall ont refusé de dire dans quel appartement ils devaient aller. Il leur a fallu 45 minutes pour trouver Sylvain, et il était alors trop tard, bien sûr.
La jeune fille a été emmenée en ambulance à l'hôpital, où elle est restée trois mois. Les médecins ne savaient pas comment la soigner, n'ayant jamais été confrontés à des blessures pareilles. Plusieurs professionnels ont alors fait équipe et ont réussi à sauver son utérus — autrement dit, son corps, sa vie.
L'autre jeune garçon a été hospitalisé pendant un mois, souffrant d'une commotion et d'une dépression grave. La jeune fille a pour sa part été confiée aux services psychiatriques, où elle est toujours.
Ce sont des crimes atroces, horribles, qui ont certainement choqué la population d'Ottawa, particulièrement les membres de nos trois familles. Vous pouvez imaginer notre peine, notre haine et notre rage.
J'ai pris sur moi d'assister au procès. Je n'ai pu m'empêcher de rire quand vous avez dit qu'un juge avait déclaré n'avoir jamais vu ces jeunes dans sa salle d'audience. Eh bien, je fréquente les salles d'audience depuis 15 ans. Dans notre cas, il a fallu deux ans, ou trois ans en comptant les délais de procédure, pour juger tout le monde. Par la suite, je suis devenue une personne-ressource au bureau de Victimes de violence. J'ai assisté à quantité d'audiences, de procès, d'audiences préliminaires et de procédures.
Dans notre cas, la loi stipulait à l'époque que l'on ne peut « punir » quelqu'un qui a commis un crime, pour employer un terme qui n'est jamais utilisé. En effet, il ne faut pas punir, mais bien dissuader les coupables ou en faire des exemples. Cette philosophie s'applique aux adultes. D'après ce que l'on m'a dit, dans le cas des jeunes, le juge n'a qu'à tenir compte de leur réinsertion dans la société.
Oh.
Je me souviens du jour où ma fille s'est rendue au salon funéraire pour organiser les funérailles de son fils. Elle ne pouvait évidement pas se payer de service haut de gamme. Mais je me rappelle qu'elle a touché une urne magnifique, qu'elle voulait ardemment pour son fils, mais que nous ne pouvions évidement pas nous permettre. J'étais vraiment furieuse, considérant que ce sont ces gens qui auraient dû payer les funérailles. Ils auraient dû être obligés de s'occuper au moins de cela, mais rien n'était prévu à cet effet.
Au tribunal, on nous a remis un formulaire de déclaration des répercussions sur la victime, où l'on décrit l'impact du crime. À l'endos du formulaire, on nous demande si l'on fait une réclamation pour les torts subis. J'ai répondu « Oui, Seigneur, oui. Je fais une réclamation pour des funérailles, une urne, le service de réponse téléphonique auquel nous avons dû adhérer parce que nous recevons des appels de menace, et le changement des serrures de notre domicile. » Le juge n'en a jamais tenu compte, parce que les jeunes délinquants sont intouchables, je suppose. Ils n'ont aucune somme à verser, aucune excuse à présenter. Ils ne se sont même pas excusés pendant les audiences.
Avant de prononcer sa sentence, le juge leur a demandé s'ils avaient quelque chose à dire. Ils nous ont ri au nez tout au long du procès.
C'est à ce moment que j'ai découvert comment la Loi sur les jeunes contrevenants s'était appliquée au fil des ans. J'ai été stupéfaite d'apprendre que les jeunes peuvent commettre crime après crime sans que cela n'ait d'importance. Ils s'en tirent toujours avec une probation. Tant qu'ils n'infligent pas de blessure physique à une victime, ils évitent la prison. Ce n'est que s'ils commettent un crime violent qu'ils sont incarcérés.
Pendant notre procès, la mère de la jeune fille de 17 ans qui avait maintenu la fille au sol pendant qu'elle se faisait brûler est venue en cour. C'était une mère responsable, une bonne mère qui, depuis trois ans, suppliait la police d'incarcérer sa fille, qui était incontrôlable et violente. Elle causait du tort aux gens. Mais les agents persistaient à dire qu'ils ne pouvaient rien faire tant que sa fille n'avait pas commis de crime violent. Désespérée, la mère a harcelé sa fille jusqu'à ce que cette dernière lui casse un bras et la roue de coups de pieds. Elle a enfin eu des motifs valables pour faire incarcérer sa fille, mais même dans ce cas, ce ne fut que pour une semaine.
Je me souviens très bien que cette jeune fille avait reçu l'ordre de ne pas s'approcher d'une autre jeune femme parce qu'elle avait un casier judiciaire. Mais elle a enfreint constamment cette condition, allant jusqu'à se présenter en cour avec elle.
Elle avait 17 ans et avait commencé à avoir des problèmes à 13 ans. Elle s'était adonnée au trafic de drogue, avait battu des agents de police, fracassé la vitre d'une auto-patrouille, craché sur des policiers et résisté à son arrestation. On avait dû l'asperger de poivre de Cayenne à de nombreuses reprises pour la calmer assez longtemps pour procéder à son arrestation, et pourtant, les intervenants se contentaient de lui imposer une probation. Rien n'a été fait pour la dissuader d'agir ainsi ou pour l'obliger à rendre compte de ses actes.
Ce qui me fâche le plus dans cette affaire, c'est que ces jeunes n'avaient même pas connu la pauvreté ou une vie difficile. C'était les enfants d'enseignants, de médecins. Et pourtant, c'est nous, mesdames et messieurs, qui payons leur aide juridique. J'ai demandé qu'on m'explique pourquoi nous devions payer ces services quand les parents occupent de bons emplois, bien rémunérés. Il appert qu'une fois que les parents se sont déchargés de leurs responsabilités envers leurs enfants, nous n'avons pas le choix. Comme c'est merveilleux.
J'ai également découvert, à ma grande colère, que pendant leur séjour en prison — il a fallu attendre un an et demi pour qu'un jugement soit prononcé —, ces jeunes pouvaient se prévaloir des allocations familiales. Indignée, j'ai écrit aux responsables, qui ont répondu que tant que les jeunes n'avaient pas été reconnus coupables, ils pouvaient garder l'argent. Or, pour recevoir ces allocations, il faut vivre à la maison et fréquenter l'école. Ces jeunes étaient en prison et refusaient d'aller à l'école, mais ils pouvaient réclamer ces allocations. Ils recevaient une certaine somme toutes les semaines où ils s'étaient bien comportés.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos deux témoins de comparaître.
Je commencerai par vous, madame McCuaig.
Vous avez traversé une épreuve terrible, et je veux vous dire, au nom des libéraux et, je crois, de tous les membres du comité, à quel point je suis désolé pour vous et votre famille.
Je souhaite également remercier le préfet de témoigner aujourd'hui. Ayant déjà travaillé dans le monde municipal, je sais qu'il s'agit là du premier échelon de la démocratie. C'est souvent là que l'on entend l'opinion de la population avant qu'elle ne monte — ou descende, selon le point de vue — jusqu'au Parlement et aux assemblées législatives.
Je veux vous remercier tous les deux d'être ici. Je n'ai que quelques questions à vous poser.
La première s'adresse à vous, monsieur Rausch. Je me demande si vous pourriez approfondir certaines observations formulées dans votre exposé, qui était des plus convaincants. Vous avez cité l'exemple de l'État du Texas, où l'imposition de sentences minimales obligatoire n'a pas eu l'effet escompté. C'est, je crois, ce que vous nous avez dit. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à cet égard.
Je vous poserais également la question suivante. Vous, ou la MR, convenez parfaitement que la protection de la société devrait être un principe important de la loi. Je veux que vous répondiez à l'observation suivante. Le principe directeur de la LSJPA est encore un peu ambigu, mais disons simplement que la modification proposée ferait de la protection de la société le premier — et le seul — principe de la loi. Considériez-vous qu'il serait sage d'en faire un principe important, égal à la réinsertion et à la sécurité publique, plutôt que simplement le principe premier?
En 1995, la loi en vigueur prévoyait une peine maximale de trois ans dans le cas d'une infraction d'homicide involontaire coupable. Il a fallu 14 mois avant que l'affaire ne soit portée devant les tribunaux. Saviez-vous qu'avant d'être déclarés coupables, ils ne sont pas tenus de recevoir des soins psychiatriques? Ils peuvent refuser toute l'aide qui leur est offerte.
Les psychologues et les psychiatres ne pouvaient forcer ces jeunes à suivre une thérapie, et je suis certaine que ce n'est pas un cas isolé. Alors, à la moitié de la peine... Ils ont été condamnés à trois ans de prison, mais la sentence a été prononcée après 18 mois. Il ne restait donc que 18 mois pour faire quelque chose avec eux, ou avec l'un deux, à tout le moins. On a toutefois appris tout de suite après qu'il était admissible à une libération conditionnelle. On le laisse sortir les week-ends, et s'il affiche une bonne conduite, le juge peut décider de l'envoyer en garde ouverte.
Aujourd'hui, il n'y a plus de possibilité de garde ouverte. D'après ce que j'ai compris, la peine maximale pour homicide involontaire est de trois ans, et il y a possibilité de libération après 18 mois. Où sont passés les traitements? Qu'est-ce qui incite les contrevenants à reprendre leur vie en main? C'est inacceptable. S'il y a négociation de plaidoyer et que l'accusation passe de meurtre au deuxième degré à homicide involontaire, l'accusé s'en tire avec une peine d'emprisonnement de 18 mois, même s'il a commis un meurtre au deuxième degré. Pensons-y. Il faut y réfléchir très sérieusement. Ce n'est pas assez...
J'ai discuté avec un psychiatre qui fait souvent des apparitions à la télévision. Il est bien connu et parle souvent des jeunes, de la criminalité juvénile, etc. Je lui ai demandé comment il procédait pour déterminer le temps nécessaire pour réhabiliter un jeune, si trois ans lui paraissait suffisant pour y arriver. Il m'a répondu que oui.
Je lui ai demandé s'il savait que le système leur permettait d'être libérés après 18 mois. Il a semblé très surpris. J'ai poursuivi en lui disant que cela devait être très frustrant pour les personnes qui travaillent avec les jeunes de voir qu'il est temps de les renvoyer à la maison, alors que les traitements commençaient à porter fruit. Il m'a répondu que c'était en effet très fréquent.
Donc, que faisons-nous? Est-ce vraiment la chose à faire?
:
Merci, monsieur le président, et merci, madame McCuaig et monsieur Rausch, d'être ici.
Je sais que c'est difficile, madame McCuaig. Vous êtes déjà venue témoigner devant nous, alors je sais que ce que vous et votre famille avez vécu est horrible. Mais j'aimerais faire valoir quelques points qui vous pousseront peut-être à revoir votre position à l'égard de cette loi. D'après les communiqués de presse du gouvernement et ses déclarations à la Chambre, l'intention du projet de loi est de corriger les lacunes dans la loi, en ciblant particulièrement les récidivistes, les personnes qui ont commis cet horrible crime dont les membres de votre famille ont été victimes.
Cependant, nous avons eu comme témoins trois procureurs de trois provinces différentes (les procureurs principaux traitant avec des jeunes contrevenants). Ils nous ont dit que cette loi faisait exactement le contraire de ce qui était attendu pour trois secteurs clés. En fait, si la loi devait être adoptée, il serait encore plus difficile pour nos procureurs et nos juges de juger les jeunes contrevenants dans un tribunal pour adultes, de les garder en détention, et... Pardonnez-moi, j'oublie malheureusement le troisième secteur. Soit dit en passant, je ne m'attends pas à une réponse de votre part; je voulais tout simplement vous mettre au courant de ce fait.
Jusqu'à maintenant, le gouvernement a refusé les amendements... Je ne sais pas ce qu'il fera plus tard cette semaine ou la semaine prochaine, mais il a négligé de s'en occuper. Nous allons donc nous retrouver avec une loi qui prétend, en surface, s'attaquer à ce très grave problème (ce nombre relativement restreint de jeunes récidivistes extrêmement violents), quand en réalité elle compliquera la tâche aux intervenants du système de justice pénale qui doivent traiter avec eux. Je tenais à ce que vous le sachiez. Je le répète, vous n'avez pas à me répondre, mais vous voudrez peut-être aller consulter le témoignage de ces trois procureurs, car je crois qu'ils ont été très éloquents.
C'est tout, monsieur le président. Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Madame McCuaig, je me joins à mon collègue, M. Murphy, et à tous les membres du comité pour vous exprimer mes sympathies et celles du gouvernement. La perte de votre petit-fils fut terrible, et lui et votre nièce ont subi d'atroces sévices. Je vous remercie d'avoir raconté votre histoire au comité, car je crois qu'il est important que les gens comprennent et entendent ce qui arrive aux victimes, et à quel point elles et leurs familles peuvent en souffrir. Je crois que les familles sont aussi victimes des crimes commis contre leurs proches, et il est important de le comprendre.
Notre comité entend trop souvent les témoignages de professionnels qui représentent les contrevenants, de professionnels qui travaillent à des programmes de réhabilitation pour les contrevenants, et de personnes travaillant avec les contrevenants en prison pour rendre leur séjour plus confortable et moins inhumain, mais il est rare que nous entendions les témoignages des victimes elles-mêmes. J'estime qu'il est très important d'avoir le point de vue des victimes, et je sais qu'il est difficile pour vous de nous raconter cette histoire, alors je vous remercie de l'avoir fait.
Je voudrais vous poser une question, et je poserai la même à M. Rausch, car je pense qu'il est important que les gens entendent votre réponse.
À votre avis, comment l'indulgence, je pense que c'est le terme que vous pourriez employer, de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents envers les récidivistes influe-t-elle sur la confiance du public dans le système de justice pénale du Canada?