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Je déclare la séance ouverte.
Aujourd'hui, le mardi 1er juin 2010, nous tenons la séance 20 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
On vous a remis l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui au cours de laquelle nous poursuivrons l'étude du projet de loi, la Loi de Sébastien,
Mesdames et messieurs, nous avions prévu tenir une réunion à huis clos à la fin de cette séance. Compte tenu que les trois membres réguliers du parti libéral sont absents, je propose, avec votre permission, d'annuler le tout et de tenir cette réunion dans le cadre de notre prochaine séance prévue pour jeudi.
Je présume qu'aucun membre du parti libéral ici présent n'a reçu d'instructions visant une rencontre supplémentaire et toute autre activité de ce genre. Bien.
Je tiens à préciser que nous avons divisé la séance d'aujourd'hui en deux parties ou deux groupes. Le premier groupe que nous accueillons réunit un certain nombre d'organisations. Tout d'abord, il y a la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada, représentée par son directeur général, Peter Dudding. Bienvenue parmi nous. Comme le Barreau du Québec fera partie du deuxième groupe, nous accueillerons à la place Les Centres jeunesse de l'Outaouais, représentés ici par Yves Laperrière, chef des services de cet organisme. Bienvenue. Nous avons également parmi nous Megan Forward, avocate, Recherche en politiques, et Lwam Ghebarehariat, un étudiant d'été en droit, de l'African Canadian Legal Clinic. Bienvenue à cette séance.
On vous a déjà informés, je crois, que votre temps de parole est limité et que nous passons ensuite à une période de débat au cours de laquelle nos membres peuvent vous poser des questions pendant tout le reste de la séance.
Pourquoi ne pas commencer par vous, monsieur Dudding.
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Très bien. Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, je suis Peter Dudding, directeur général de la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada, la LBEC. J'apprécie grandement cette possibilité de partager avec vous notre point de vue sur les modifications proposées à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Au cours de mes 40 années d'intervention auprès des enfants vulnérables au Canada, j'ai travaillé avec des enfants dans le contexte de la Loi sur les jeunes délinquants et des textes de loi qui lui ont succédé. Cette expérience m'a démontré que bon nombre de dispositions de l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, la LJD, n'ont pas répondu aux besoins des enfants vulnérables et ne nous ont pas permis d'atteindre nos objectifs de société en matière de réhabilitation et de réintégration, puisque les mesures avancées étaient arbitraires et punitives.
Je me souviens plus particulièrement de sentences sévères imposées aux enfants en vertu de l'odieux paragraphe 8 de la LJD pour « incorrigibilité ». Les enfants dont le comportement était jugé dangereux et inacceptable par la société se voyaient imposer des sentences d'emprisonnement prolongé. On pourrait s'attendre à de piètres résultats; on créait ainsi des adultes dysfonctionnels et agressifs, et trop souvent des criminels de carrière qui constituaient une menace pour la sécurité publique toute leur vie.
En revanche, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la LSJPA, est l'un des premiers texte de loi canadien qui a été rédigé conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, signée et ratifiée en 1991.
Cette convention reconnaît que tous les enfants âgés de moins de 18 ans ont des droits spécifiques et immuables, qui tiennent compte de leur vulnérabilité en raison de l'âge, de leur place dans la société et de leur capacité d'évoluer.
La Loi de Sébastien contrevient malheureusement à ces droits, notamment l'article 3 qui stipule que les mesures prises à l'égard des enfants doivent tenir compte des meilleurs intérêts de ceux-ci.
Selon mon expérience, à mon avis, les modifications proposées à la Loi de Sébastien annuleront les progrès importants réalisés au Canada depuis la suppression de la Loi sur les jeunes délinquants. Plus précisément, c'est le système de justice pénale pour adolescents qui nuit aux enfants et non la loi.
Le gouvernement a l'intention de tenir responsables les jeunes récidivistes et contrevenants violents et de veiller à ce que la société soit protégée. Les modifications proposées par le gouvernement comportent certaines faiblesses décrites ci-après:
En effet, les dispositions de la LSJPA actuellement en vigueur abordent de façon satisfaisante les besoins et les problèmes que soulèvent les récidivistes et les contrevenants violents.
Les modifications proposées ont des répercussions qui vont bien au-delà de l'application à un petit groupe de récidivistes et de contrevenants violents, et feront en sorte que de plus en plus d'enfants seront coincés dans le système de justice pénale. Cette situation est préoccupante, car elle a des conséquences sur les enfants autochtones et issus des minorités visibles que l'on trouve déjà en trop grand nombre dans le système de justice pénale.
Enfin, les modifications proposées ne tiennent pas compte des recommandations qui ont été présentées au gouvernement dans le but d'améliorer la mise en application de la LSJPA.
Je vous explique maintenant de façon plus approfondie nos inquiétudes concernant les modifications proposées dans le projet de loi .
Ainsi, faire de la protection de la société l'un des principaux objectifs de la loi. Ce changement modifie fondamentalement l'objectif de la LSJPA afin que la « sécurité publique » remplace tout autre objectif de la loi et contrevienne à l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, la CRDE, de l'ONU. Cela va à l'encontre du principe de réhabilitation et de réintégration de l'enfant alors que l'on a intentionnellement mis l'accent sur l'enfant et non sur la sécurité publique en créant tout d'abord la LSJPA. La modification proposée comme « objectif principal » n'est pas cohérente avec la recommandation numéro 20 qui figure dans le rapport du juge Nunn.
Simplifier les règles de prédétention. Selon Statistique Canada, le nombre d'adolescents renvoyés ou en détention préventive est supérieur à celui des adolescents en détention — en 2008-2009, 52 p. 100 des enfants détenus l'étaient à titre préventif.
L'alinéa 37b) de la Convention relative aux droits de l'enfant stipule que l'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant ne doit être qu'une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible. Plutôt que d'emprisonner les enfants plus longtemps, il faudrait appuyer davantage le tribunal de la jeunesse afin de s'assurer qu'un plan de sécurité adéquat est en vigueur lorsque les enfants sont remis en liberté dans la communauté. La détention avant procès ne doit être utilisée que dans des cas de crimes violents et doit exclure les crimes contre les biens ou les crimes qui mettent la sécurité du public en danger.
Pour ce qui est de la dissuasion et de la dénonciation particulières, rien ne prouve que l'application de ces principes à l'emprisonnement constitue une méthode efficace ou adéquate. L'application de ces principes diminue l'importance du principe de proportionnalité. Ces principes d'emprisonnement vont à l'encontre du fondement même de la LSJPA et, plus important encore, à mon avis, c'est qu'ils nous renvoient à l'odieux article 8 de la Loi sur les jeunes délinquants.
Quant à ajouter à la définition de « crime violent » tout comportement susceptible de mettre en danger la vie et la sécurité d'autrui, disons que les dispositions actuelles de la LSJPA traitent déjà de ces sujets. En outre, je vous rappelle mon commentaire relatif à un plan de sécurité adéquat lorsque les enfants sont remis en liberté dans la communauté; un aspect très important sur lequel ce comité devrait se pencher.
Pour ce qui est de permettre d'imposer la détention aux adolescents qui ont tendance à être reconnus coupables ou qui font l'objet de sanctions extrajudiciaires, encore là, l'article 40 de la CRDE de l'ONU stipule expressément que tout enfant en conflit avec la loi doit être présumé innocent jusqu'à preuve du contraire. Au lieu d'emprisonner les enfants plus longtemps, il faudrait appuyer davantage le tribunal de la jeunesse afin de s'assurer qu'un plan de sécurité adéquat a été mis en oeuvre.
Quant à la question de veiller à ce que l'on étudie la possibilité d'imposer des peines pour adultes aux adolescents de 14 ans et plus qui commettent des crimes violents graves — meurtre, tentative de meurtre, homicide et agression sexuelle grave —, les dispositions actuelles de la LSJPA devraient être révisées afin de créer un mécanisme plus adéquat d'évaluation des peines imposées à tout enfant reconnu coupable d'un crime violent grave et de son application après l'âge de 18 ans. L'imposition de peines pour adultes ne doit pas être obligatoire.
Enfin, pour ce qui est de lever une ordonnance de non publication des noms de jeunes contrevenants reconnus coupables de « crime violent », lorsque des peines pour adolescents sont imposées, l'application des ordonnances de non publication est fondamentale pour atteindre les principaux objectifs de la loi, soit la réhabilitation et la réintégration du criminel d'âge mineur. Rien ne prouve que la sécurité publique est accrue lorsque l'on dévoile le nom d'un criminel d'âge mineur. En fait, une telle disposition contrevient aux articles 16 et 40 de la CRDE de l'ONU qui protège les droits des enfants à la vie privée. Encore là, les dispositions relatives à l'imposition d'une peine doivent être soutenues par un plan de sécurité.
Comme les membres de ce comité le savent, la LSJPA est entrée en vigueur en 2003. À cette époque, on avait prévu une révision à l'échelle nationale cinq ans plus tard, soit en 2008. J'ai l'impression que le ministre a procédé à une telle révision, bien que les consultations aient été limitées et qu'aucun rapport d'évaluation n'ait été rendu public.
Depuis 2008, la LBEC, en partenariat avec la Coalition pour la sécurité, la santé et le bien-être des communautés, a participé à trois consultations nationales. Cette coalition regroupe environ 28 organismes de justice, de santé, d'éducation et de services aux enfants et aux adolescents. Elle est chapeautée par l'Association canadienne des chefs de police. Le rapport sommaire et les comptes rendus sont annexés en tant que pièces 1, 2 et 3 de cette présentation. Ils contiennent plus de 70 recommandations visant des modifications au système de justice pénale au Canada, y compris des recommandations sur la santé mentale, l'abus d'alcool et d'autres drogues ainsi que la violence.
À l'occasion du premier symposium, il y a eu deux constats d'importance. On a reconnu et admis la prémisse de la LSJPA et l'attention qu'elle porte aux intérêts des victimes.
Les systèmes de soutien pour enfants étaient déjà surchargés avant l'entrée en vigueur de la LSJPA en 2003, et ne peuvent désormais plus s'occuper du nombre croissant d'enfants qu'on leur confie.
En plus des commentaires précis déjà émis dans le cadre de cette présentation, la LBEC se prononce concernant les changements relatifs à l'application de la LSJPA, et recommande ce qui suit: qu'une analyse détaillée de l'application de la LSJPA soit menée par Justice Canada en collaboration avec les provinces, les territoires et les principaux intéressés; que les dispositions relatives à la dissuasion et à la dénonciation ne soient pas incluses dans tout nouveau projet de loi sur la justice pénale; que Justice Canada assume le rôle de leader dans sa collaboration avec ses homologues provinciaux et territoriaux en matière de justice, de santé mentale, de dépendance, de services aux familles et aux enfants, de prévention de la violence et d'éducation, afin de répondre aux exigences des adolescents vulnérables qui ont des comportements délinquants; que le gouvernement fédéral élabore une stratégie nationale pour faire cesser la violence envers les enfants et les adolescents, suite aux recommandations de l'étude de l'ONU sur la violence envers les enfants.
Nous savons que si le gouvernement fédéral met en pratique ces quatre recommandations, le Canada sera en meilleure posture pour répondre aux besoins des enfants vulnérables, et créer une société plus saine, plus sécuritaire et plus productive.
Merci beaucoup.
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Bonjour, merci de l'occasion de me faire entendre aujourd'hui. Permettez-moi de me présenter. Je suis le chef de service responsable de l'application de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, la LSJPA, aux Centres jeunesse de l'Outaouais situés juste de l'autre côté de la rivière, sous l'autorité du directeur provincial.
J'oeuvre auprès des jeunes de l'Outaouais et de leur famille depuis plus de 20 ans. Je possède une longue expérience en matière de protection de l'enfant et en matière de délinquance juvénile. L'intervention directe auprès des jeunes et de leurs familles m'a permis d'être témoin privilégié des impacts de la pauvreté, de la toxicomanie, de la violence, des abus divers ainsi que de la détresse et de l'exclusion sociale qui sont souvent associés à l'éclosion de la délinquance chez nos adolescents.
Je suis présentement responsable du service LSJPA qui comprend l'équipe de délégués à la jeunesse responsable de toutes les étapes et avenues de traitement des dossiers de jeunes contrevenants. Je suis aussi responsable de l'unité de garde fermée qui recueille les délinquants de l'Outaouais soumis à une peine spécifique ou en détention provisoire à la résidence Apprenti.
Des représentants de l'Association des centres jeunesse du Québec, l'ACJQ, vous ont déjà présenté la position provinciale des centres jeunesse et des directeurs provinciaux, les DP. Je suis évidement favorable à cette position, mais je me présente à vous aujourd'hui afin d'apporter, je l'espère, un éclairage complémentaire à cette position en vous entretenant de la réalité qui se vit au quotidien par les adolescents et leurs familles qui habitent dans l'Outaouais
Parlons de la position de l'ACJQ, et des DP au Québec. Sensibles et empathiques à l'égard des victimes, l'ACJQ et les DP croient, tout comme plusieurs experts, que la protection du public est davantage assurée par la réadaptation et la réinsertion sociale des jeunes plutôt que par la répression. Le message du gouvernement fédéral actuel stipule le contraire et a pour effet de créer un faux sentiment de sécurité par la mise en place de mesures plus sévères. Une campagne d'information aurait d'ailleurs avantage à promouvoir un message éclairé auprès de la population à partir des études réalisées. La sévérité accrue des peines et une approche essentiellement punitive ou dissuasive n'ont jamais démontré d'efficacité auprès des adolescents.
L'ACJQ et les DP s'opposent vivement à la volonté d'établir la dénonciation et la dissuasion des comportements illégaux en fait de premiers objectifs de l'imposition des peines. Il s'agit de principes importés du système pénal adulte et transférés au système pénal pour adolescents. Jusqu'à présent, rien ne prouve que des peines plus sévères aient un effet dissuasif tant chez les jeunes que chez les adultes. L'effet véritable de cette avenue ferait en sorte que les adolescents seraient traités de façon similaire aux adultes.
Les jeunes adolescents ont en commun un sentiment d'invulnérabilité. Ils partagent la perception que rien ne peut leur arriver. C'est une belle caractéristique qui amène à la découverte à l'âge de l'adolescence, mais, pour certains, cette découverte va les amener dans le mauvais chemin. Ils ont l'impression qu'une conséquence ne peut qu'arriver à autrui. Si un adolescent, délinquant de surcroît, voit un pair se faire arrêter par les policiers, le raisonnement limité et les erreurs de pensée qui sont courantes chez l'adolescent l'amènera à croire que ce dernier fut victime de sa maladresse, d'une erreur ou simplement de malchance, et ce, peu importe la gravité des conséquences liées au geste délinquentiel, puisque ce jeune considère qu'il ne se fera jamais prendre de la même façon.
De plus, les peines sévères introduites par les amendements successifs dans les lois pénales pour adolescents sont rarement appliquées à leur maximum par les tribunaux. La jurisprudence, les pratiques juridiques, l'évaluation de la situation des jeunes et les facteurs de protection perçus par les instances de tous les niveaux se traduisent souvent par une certaine clémence des acteurs judiciaires à l'égard des jeunes. Nous croyons qu'il s'agit là d'une reconnaissance et prise en considération par l'appareil judiciaire que l'adolescent est en fait différent d'un adulte, que cette personne n'est pas entièrement construite, et l'application de sanctions à son égard doit être modulée en conséquence.
Plutôt que de seulement sévir à son égard tout en protégeant la société, on vise à offrir d'abord au jeune délinquant la possibilité, par l'entremise de services de réadaptation, d'acquérir des habitudes de vie pro-sociales. Les adolescents doivent être responsabilisés pour leurs gestes. Cela implique que des moyens soient mis en place en tenant compte de leur niveau de maturité, afin qu'ils comprennent l'ampleur et les impacts de leurs gestes, ainsi que les solutions de rechange à ces comportements.
Nous tenons aussi à rappeler que les crimes graves et violents, pour lesquels le gouvernement fédéral entend durcir les peines, ne constituent qu'une infime proportion de la criminalité chez les jeunes. L'expérience démontre également que ces jeunes ne sont pas nécessairement inscrits dans une trajectoire de délinquance distinctive. Des études démontrent d'ailleurs qu'ils présentent moins de risques de récidive après traitement, et de façon moins violente, que des jeunes ayant commis des délits contre la propriété.
Dans l'Outaouais, l'an dernier, nous avons offert des services à près de 900 jeunes délinquants, sur une population de 28 500 adolescents âgés de 12 à 17 ans.
La majorité des demandes furent traitées dans le cadre de sanctions extrajudiciaires, donc hors des tribunaux, avec un taux de succès de près de 95 p. 100. Parmi ceux qui se sont vu imposer une peine judiciaire, soit environ 274 jeunes, les deux tiers ont reçu une peine probatoire avec suivi, dont 15 probations intensives, 10 placements sous garde différés et, finalement, 33 placements sous garde, c'est-à-dire 33 jeunes en unité de garde. Sur 28 500, on comprend que, 33, c'est une minorité.
Plusieurs de nos jeunes en unité de garde fermée à la résidence Apprenti ont été sujets à de multiples courtes peines — la durée moyenne d'une peine est de 30 jours — en raison des critères de détermination de peines qui limitent le recours à la mise sous garde pour les jeunes dont la délinquance est émergente.
Au passage de la LJC, la Loi sur les jeunes contrevenants, à la LSJPA, nous avons perdu des possibilités d'intervention et de réadaptation significatives auprès des délinquants plus jeunes, pour lesquels la délinquance n'est pas encore un mode de vie cristallisé. Alors que nous pouvions intervenir pendant plusieurs mois et faire cheminer l'adolescent pendant une période qui reflétait ses besoins, l'accès à des peines plus longues ne nous est maintenant possible qu'en fin d'adolescence pour les jeunes dont le parcours est plus souvent enraciné. Souvenons-nous que les centres, les unités de garde, au Québec sont d'abord et avant tout des centres de réadaptation.
La loi comporte les outils nécessaires pour intervenir, mais l'accès à ces outils est limité, par exemple au niveau des critères de détermination de peines qui feront que l'accès au centre de réadaptation sera réservé à des jeunes ayant commis des crimes plus graves ou aux multirécidivistes.
En 2009, dans l'Outaouais, aucun jeune n'a reçu de peine pour meurtre, tentative de meurtre ou agression sexuelle grave. Tous ceux qui occupent des places en unité de garde pour des périodes plus longues sont des récidivistes en matière d'infractions contre la propriété ou liées à la drogue.
S'appuyant sur des données scientifiques et jurisprudentielles, l'ACJQ et les DP demandent au gouvernement fédéral de maintenir un système de justice pénale distinct pour les jeunes de 12 à 18 ans. L'adolescent en développement présente des besoins différents de ceux des adultes, et l'intervention doit ainsi être appropriée. Seule une intervention qui tienne compte à la fois, en plus de la nature du geste délinquant et de ses conséquences, du sens qu'il représente pour le jeune et des besoins particuliers est susceptible de porter ses fruits. Elle doit reposer sur une évaluation de l'adolescent et de sa situation, afin de déterminer la mesure la plus encline à assurer sa réadaptation et, en conséquence, de bien protéger la société.
Les jeunes délinquants ont presque tous un niveau de maturité en deçà de leur âge. Les personnalités de ces jeunes ne sont pas complètement construites. Une intervention précoce basée sur leurs besoins individuels se veut la clé d'une intervention efficace en la matière.
La Cour suprême du Canada a d'ailleurs rendu un important jugement en 2008. Elle déclare que les dispositions relatives à la présomption d'assujettissement des adolescents à une peine applicable aux adultes ainsi que la présomption de publication sont inconstitutionnelles. La cour reconnaît donc qu'en raison de leur âge, les adolescents sont plus vulnérables, moins matures, moins aptes à exercer un jugement moral. Cette décision donne sens à l'importance de distinguer le traitement des adolescents de celui des adultes.
Il est, par ailleurs, proposé de rendre public le nom des jeunes de 14 ans et plus reconnus coupables d'infractions violentes. La détermination de l'âge pouvant varier selon les provinces, la législation en vigueur au Québec ferait en sorte que cette loi s'appliquerait aux jeunes de 16 ans et plus.
À cet égard, l'ACJQ et les DP tiennent à ce que soit préservé l'anonymat des jeunes de 14 ans et plus afin de garantir leur adaptation et leur réinsertion sociale, et ainsi éviter le risque de récidive. Étiqueter, voire stigmatiser ces jeunes, rend plus difficile leur réinsertion sociale et l'acquisition de comportements prosociaux. La protection durable du public en serait ainsi fragilisée, puisque cette mesure pourrait accroître le risque de récidive du jeune qui verrait ses possibilités de réinsertion plus limitées.
L'ACJQ nous rappelle que le Québec est une figure de proue dans le monde et affiche le plus faible taux de criminalité au Canada. Le modèle québécois de réadaptation a fait ses preuves et a dépassé les frontières. Depuis plusieurs années, des délégations internationales rencontrent des intervenants québécois dans le but d'adapter ce modèle d'intervention dans leurs pays. En 2009, nous avons reçu, en Outaouais, des délégations de l'Amérique du Sud; nous avons été invités en Jamaïque pour présenter notre système. Nous avons un solide partenariat avec les milieux universitaires qui sont aussi sollicités en la matière à l'étranger.
L'ACJQ et les DP ont toujours prôné l'équilibre entre la protection du public et la réadaptation des jeunes. Le gouvernement devrait investir dans les services sociaux, notamment dans des mesures concrètes pour diminuer la pauvreté, mettre en place des programmes pour intégrer les jeunes à l'emploi et favoriser l'accès au logement, au lieu de poursuivre une approche de répression en durcissant les lois.
Nous avons fait face à un accroissement de la population dans notre région, donc des pressions accrues pour répondre à l'ensemble des demandes, et ce, sans investissement en soutien à l'intervention en matière de délinquance. Nous avons développé dans la dernière année un programme d'intervention intensif pour les cas à risque plus élevé de récidive suivis en milieu naturel. Ce programme se veut un bel exemple de collaboration avec des partenaires du réseau où chacun a accepté de contribuer pour mieux répondre aux besoins de nos jeunes et agir sur leurs facteurs de risque. Les interventions touchent à l'autonomie, l'employabilité, la toxicomanie, l'influence des pairs, la victimisation, la gestion de leur situation financière et légale.
Le gouvernement devrait investir dans de telles mesures, qui, elles, ont un impact direct sur la protection durable du public par l'entremise d'une réadaptation et réinsertion sociales encadrées et soutenues pour nos jeunes.
Je m'appelle Megan Forward. Je suis avocate spécialisée dans la recherche en politiques à la African Canadian Legal Clinic de Toronto.
J'aimerais remercier le comité permanent d'avoir invité la ACLC à venir présenter ses commentaires au nom de la communauté afro-canadienne.
Je m'excuse de ne pas avoir pu fournir l'information au comité à l'avance. Si, en examinant le document, vous avez des questions, n'hésitez pas à communiquer avec moi.
La African Canadian Legal Clinic est un organisme juridique sans but lucratif créé expressément pour lutter contre le racisme visant les noirs et d'autres formes de discrimination systémique et institutionnelle dans la société canadienne. En plus de fournir des services juridiques, la ACLC gère également un programme de justice destiné aux jeunes Afro-Canadiens, qui est très reconnu et qui offre des services d'aide judiciaire, des services de consultation, des programmes et du soutien à la réintégration en vue d'obtenir de meilleurs résultats pour les jeunes Afro-Canadiens dans le système de justice pénale.
Le racisme visant les noirs est indéniablement présent dans toutes les facettes de la société canadienne, mais il semble que ses effets soient plus prononcés et plus palpables au sein du système de justice pénale que nulle part ailleurs. Les jeunes Afro-Canadiens, qui sont impuissants et qui font l'objet de stéréotypes négatifs, sont particulièrement vulnérables à la discrimination à toutes les étapes du système. La fréquence à laquelle ils sont arrêtés, interrogés, harcelés et accusés n'est pas comparable à celle des jeunes de la population générale. Ce traitement discriminatoire s'étend aussi à la détermination de la peine. Les jeunes Afro-Canadiens reçoivent généralement des sanctions plus lourdes et davantage de peines comportant un placement sous garde que les autres jeunes.
À l'heure actuelle, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents porte essentiellement sur la prévention de la criminalité chez les jeunes par la réadaptation, la réintégration et la participation communautaire. Dans la loi révisée, alors qu'ils figurent toujours à l'article 3, ces principes sont relégués dans l'ombre par l'objectif premier de protéger le public. La ACLC redoute que l'intégration de ce principe légitimise les stéréotypes négatifs véhiculés à l'égard des jeunes Afro-Canadiens — notamment, qu'ils sont sujets à la violence et ainsi qu'ils devraient être évités et craints.
Par ailleurs, nous appréhendons que l'ajout de ces principes constitue pour les agents de police, les avocats et les juges un autre facteur discrétionnaire à prendre en considération pour décider de la manière de punir les jeunes contrevenants. Puisqu'on a recours au pouvoir discrétionnaire de façon disproportionnée au détriment des jeunes Afro-Canadiens, cette disposition justifiera inévitablement une augmentation des peines comportant un placement sous garde pour les jeunes Afro-Canadiens — au nom de la protection du public.
La protection du public est un objectif valable en vertu de la LSJPA, mais ce principe ne devrait pas être considéré comme un objectif prépondérant aux termes de l'alinéa 3(1)a) proposé. La ACLC suggère qu'il figure parmi les autres objectifs comme sous-alinéa 3(1)a)(iv).
La ACLC est également préoccupée par la proposition d'intégrer les principes de la dénonciation et de la dissuasion qu'un juge peut considérer au moment d'imposer une peine. Ces principes exigent des capacités cognitives et émotives dépassant celles de la plupart des jeunes. Tout comme la protection du public nous préoccupe, l'intégration de ces principes donnera aux agents du système de justice pénale deux facteurs discrétionnaires de plus sur lesquels baser leurs décisions en matière de détermination de la peine. La proposition d'ajouter ces principes prouve que le gouvernement est mal informé et qu'il ne comprend pas la dynamique de la criminalité chez les jeunes.
Nous croyons que pour lutter contre la criminalité chez les jeunes, le gouvernement doit tenir compte des conditions socioéconomiques qui incitent les jeunes à se livrer à des activités criminelles. En fait, rien ne prouve que l'imposition de peines plus sévères aux jeunes permettra de protéger davantage la société.
Pour ces raisons, les principes jumeaux de la dénonciation et de la dissuasion ne doivent pas être inclus dans la loi. La ACLC s'oppose vigoureusement au paragraphe 115(1.1) proposé, qui exigerait que les agents de police consignent toutes mesures extrajudiciaires prises au cours de rapports avec les jeunes. Étant donné la tendance des agents de police à faire preuve d'abus de pouvoir contre la communauté afro-canadienne, les jeunes Afro-Canadiens sont arrêtés, harcelés et interrogés par la police plus souvent que la population générale. Nous craignons que ces rapports accrus avec la police augmenteront la prise de mesures extrajudiciaires contre les jeunes Afro-Canadiens par rapport à d'autres groupes.
Cet effet, causé par les rapports accrus avec la police, est accentué par le pouvoir additionnel conféré à la police en vertu de cette disposition. Les agents de police ont le pouvoir de ne prendre aucune autre mesure, de donner aux jeunes un avertissement ou une mise en garde, ou de le renvoyer à un programme ou à un organisme. Nous craignons qu'en raison du pouvoir relatif à la prise de mesures extrajudiciaires, les dossiers créés en vertu de sa disposition peuvent être empreints de racisme ou des préjugés d'un agent de police envers un jeune Afro-Canadien. La ACLC est également inquiète au sujet des propos concernant le paragraphe 115(1.1) proposé, qui donnera aux agents de police les moyens de déterminer les modèles de comportement criminel.
Alors que les jeunes Afro-Canadiens sont déjà affligés de stéréotypes négatifs concernant leur propension à la criminalité, la ACLC craint que la présence de mesures extrajudiciaires au dossier des jeunes pourrait servir à valider et à promouvoir ce stéréotype. De plus, nous trouvons très inquiétant que les mesures extrajudiciaires puissent servir à justifier l'augmentation de la surveillance et du harcèlement dont les jeunes Afro-Canadiens sont victimes. La ACLC recommande que le paragraphe 115(1.1) proposé soit enlevé ou modifié pour limiter les pouvoirs discrétionnaires accordés à la police en vertu de cette disposition.
La ACLC est également préoccupée par l'alinéa 39(1)c) proposé, qui permettrait aux juges de considérer la présence des sanctions extrajudiciaires figurant au dossier d'un jeune comme une preuve de tendances criminelles dans la détermination de la peine. La ACLC aimerait éveiller l'attention du comité sur les répercussions constitutionnelles possibles de cette disposition, qui permet au juge d'incarcérer un jeune en se fondant en partie sur l'activité criminelle dont il n'a jamais été officiellement reconnu coupable. En outre, selon le paragraphe 10(4), les mesures extrajudiciaires constituent une preuve inadmissible contre un jeune dans le cas de poursuites civiles ou criminelles. La ACLC soutient que, afin que les sanctions extrajudiciaires permettent d'établir des tendances criminelles, le juge du tribunal pour adolescents doit accepter la présence des dites sanctions comme preuve selon laquelle le jeune contrevenant a commis les crimes. Nous ne croyons pas que ces deux dispositions puissent coexister dans la même loi, et affirmons que la constitutionnalité de cette disposition sera inévitablement contestée.
Nous pensons aussi que l'alinéa 39(1)c) proposé devrait être rejeté, car la présence de sanctions extrajudiciaires au dossier n'a peut-être rien à voir avec la propension d'un jeune à la criminalité. La présence de sanctions extrajudiciaires au dossier d'un jeune peut être le résultat de discrimination à une ou plusieurs étapes du processus pénal. Par ailleurs, les jeunes contrevenants peuvent accepter des sanctions extrajudiciaires parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers de contester les accusations devant le tribunal ou parce qu'ils ne comprennent pas entièrement leurs options.
Étant donné que la présence de sanctions extrajudiciaires au dossier d'un jeune ne reflète pas nécessairement ses tendances criminelles et peut être teintée de discrimination, la ACLC recommande que cette disposition soit enlevée.
La ACLC est vivement préoccupée par le paragraphe 64(2) proposé, qui créerait une obligation de la part du procureur général de considérer les peines applicables aux adultes dans tous les cas où un jeune de plus de 14 ans a commis une crime violent grave. Lorsqu'il est possible de condamner un jeune contrevenant au même titre qu'un adulte, on a recours au pouvoir discrétionnaire de manière disproportionnée pour justifier l'imposition de peines applicables aux adultes aux jeunes de couleur. Accroître le nombre de jeunes victimes de ce pouvoir discrétionnaire accentuerait presque certainement cet effet. Pour l'éviter, la ACLC affirme qu'on ne devrait envisager les peines applicables aux adultes que dans des cas extrêmes, par exemple, quand les faits sautent aux yeux et les accusés sont exceptionnellement matures.
La ACLC s'oppose également à ce qu'elle considère un élargissement des infractions admissibles à l'emprisonnement. Nous redoutons que l'expansion de la définition d'offenses graves pour inclure le crime contre les biens serve à justifier la détention avant le procès d'un nombre disproportionné de jeunes à faible revenu, y compris les Afro-Canadiens. Par conséquent, une telle expansion ne doit pas être permise. La ACLC s'oppose d'autant plus à l'expansion de la définition de « crime violent » pour inclure tout crime qui met en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne en créant une possibilité importante que des torts soient causés. Cette définition est beaucoup trop subjective et devrait être modifiée ou enlevée, afin d'éviter qu'on s'en serve pour cibler les jeunes membres de la communauté afro-canadienne.
Les Afro-Canadiens sont très préoccupés par la sécurité dans leurs communautés, mais bon nombre d'entre eux croient que ce genre d'approche visant à réprimer la criminalité n'est pas la réponse. La criminalité chez les jeunes doit être abordée au moyen de programmes de réadaptation, de réintégration et de participation communautaire. En fait, le pouvoir de ces principes a été confirmé grâce au succès du programme de la justice pour les jeunes Afro-Canadiens.
Les modifications en vertu du projet de loi représentent une dérogation notable au principe axé sur la prévention, ce qui augmentera la stigmatisation des jeunes Afro-Canadiens et la criminalisation chez ces jeunes selon la ACLC.
J'ai terminé. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie également tous les intervenants invités à prendre la parole aujourd'hui. Vous nous avez transmis des renseignements fort utiles.
Mon nom est Megan Leslie et je suis la députée d'Halifax.
J'aimerais tout d'abord remercier l'ACLC pour son témoignage. C'est incroyable de constater que nous en sommes à examiner ce projet de loi d'une optique raciale.
Les modifications proposées tentent d'enrayer le problème des récidivistes chroniques. Même si nous devons nous garder de désigner ainsi tous les jeunes contrevenants, certaines personnes nous ont dit que les récidivistes chroniques étaient toutefois responsables de la majorité des infractions commises par les jeunes.
Pour ce qui est de la détention avant procès, le juge Nunn soutient dans sa 22e recommandation qu'il conviendrait mieux de se pencher sur les tendances qui se dégagent des infractions plutôt que sur celles relatives aux déclarations de culpabilité, compte tenu de ce qui s'est passé avec Archie Billard dans l'affaire Theresa McEvoy.
Vous avez dit que les jeunes Afro-Canadiens étaient accusés, arrêtés et harcelés plus souvent que les autres. J'estime que le juge Nunn formule une recommandation éclairée lorsqu'il préconise de tenir compte des tendances qui se dégagent des infractions plutôt que des tendances relatives aux déclarations de culpabilité afin d'éviter des situations semblables à celle d'Archie Billard, mais je m'interroge quant aux répercussions sur les collectivités raciales, tout particulièrement sur les jeunes Afro-Canadiens et, j'irais même jusqu'à dire, sur les jeunes Autochtones.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette recommandation du juge Nunn et également des modifications qu'il est proposé d'apporter à la loi.
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Je vais parler de l'article 2.
Les modifications sont apportées aux définitions d'« infraction grave avec violence » et d'« infraction avec violence ».
Nous constatons que la nouvelle définition d'infraction avec violence englobera un très grand nombre d'infractions du Code criminel sur la base d'une probabilité marquée d'un résultat de lésions corporelles, ce qui n'est peut-être même pas envisagé par l'accusé au moment de la commission de l'infraction.
Quant aux infractions graves, la liste correspondant au critère de l'infraction comportant une peine maximale de cinq ans et plus est longue. Ainsi, le nombre d'adolescents auxquels cette étiquette pourra être appliquée sera disproportionné et inutile eu égard aux effets recherchés et au risque que cela influence les décisions prises en vertu des articles 29 et 75 de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescent.
Maintenant, les modifications apportées par le projet de loi à l'article 3 de la Loi sur le système de justice pénale ont pour effet d'élever au rang de principe la notion de protection du public. La réadaptation et la réinsertion sociale deviennent des modalités alors qu'actuellement elles sont considérées comme des principes importants qui guident les décisions prises en vertu de la loi.
La Cour suprême du Canada a reconnu l'importance de la déclaration de principe en indiquant qu'elle devait recevoir la force généralement attribuée aux dispositions de fond. Ainsi, en apportant un changement à cette déclaration, il est à craindre un glissement vers des principes de droit criminel applicables aux adultes, et on réfère ici à l'article 718 du Code criminel.
Le Barreau du Québec rappelle son appui à la spécificité du droit applicable aux jeunes qui doit cibler la réadaptation comme moyen de protéger le public à long terme. La modification proposée omet de reprendre la notion de protection durable du public. Le Barreau du Québec soumet que la notion de « protection du public » est reliée à la protection immédiate des citoyens et non à celle à long terme qui favorise la réhabilitation et la réinsertion sociale.
Le nouveau sous-alinéa 3(1)a)(ii) tel que proposé utilise le mot « promoting » dans la version anglaise qui est traduit par « encourager » en français. Ce sous-alinéa traite de la réinsertion sociale et de la réadaptation. Nous suggérons de remplacer « encourager » par « favoriser » qui se rapproche davantage de promoting.
Enfin, nous notons que la modification proposée à l'alinéa 3(1)b) reprend la notion de « culpabilité morale moins élevée » reconnue par la Cour suprême du Canada dans R. c. D.B.
L'article 4 concerne les modifications proposées au paragraphe 29(2) de la Loi sur le système de justice pénale et qui ont pour objet d'incorporer au texte de la loi certains alinéas de l'article 515 du Code criminel.
Le Barreau du Québec soumet qu'en matière de détention préventive autant qu'en matière de détermination de la peine, le tribunal doit disposer de moyens nécessaires pour lui permettre d'imposer la bonne peine au bon moment. Nous croyons que les dispositions actuelles de l'alinéa 39(1)d) de la Loi sur le système de justice pénale permettant au juge d'exercer sa discrétion judiciaire dans des circonstances exceptionnelles devraient être également applicables en matière de détention préventive. Nous soutenons que, ce faisant, le projet de loi répondrait de façon adéquate aux préoccupations mentionnées dans le rapport Nunn.
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L'article 7 du projet de loi ajoute au paragraphe 38(2) de la Loi sur le système pénal pour adolescents un alinéa prévoyant que celle-ci peut viser « à dénoncer un comportement illicite », ou « à dissuader l'adolescent de récidiver ». Rappelons que le paragraphe 38(2) établit les objectifs et les principes de détermination de la peine. Cette importation du Code criminel est contraire à l'objectif défendu par le Barreau concernant la spécificité du droit pénal applicable aux adolescents.
Nous notons également la volonté législative d'inclure à l'article 3 de la loi les notions de dénonciation et de dissuasion. Il est démontré par des études sérieuses que l'utilisation de la peine comme élément de dissuasion n'a aucun effet sur la criminalité.
L'article 8 du projet de loi modifie l'alinéa 39(1)c) en y ajoutant les sanctions extrajudiciaires comme éléments à évaluer lors de l'imposition d'une peine comportant le placement sous garde. Le Barreau du Québec s'oppose à cet ajout pour les motifs qui suivent. D'abord, les sanctions extrajudiciaires sont appliquées dans les cas où l'adolescent reconnaît les faits de l'infraction reprochée. Il bénéficie alors d'un traitement spécifique: la sanction extrajudiciaire. Ce type de sanction bénéficie d'un grand potentiel de réhabilitation, étant donné la reconnaissance des faits par l'adolescent. Le Barreau soumet qu'en ajoutant cet élément à la liste de ceux dont le tribunal doit tenir compte en matière de peine comportant un placement sous garde, le bénéfice recherché par l'imposition d'une sanction extrajudiciaire est perdu.
De plus, en ajoutant les sanctions extrajudiciaires aux facteurs à considérer, cela a pour effet de judiciariser une mesure qui avait pour objectif d'éviter le processus judiciaire. Le Barreau est d'avis que la distinction doit demeurer entre les sanctions extrajudiciaires et celles imposées à la suite d'une déclaration de culpabilité. Seules ces dernières devraient être considérées par le tribunal dans sa décision d'imposer une peine de mise sous garde.
Actuellement, les rapports prédécisionnels ne font pas mention des sanctions extrajudiciaires de plus de deux ans en application des dispositions de l'article 119 de la loi. Ce délai recevrait-il application dans le contexte des modifications apportées à l'alinéa 39(1)c)?
Enfin, le Barreau souhaite qu'avant d'ordonner le placement sous garde d'un adolescent, tous les moyens disponibles pour faciliter sa réhabilitation soient mis en oeuvre, dont les sanctions extrajudiciaires. En modifiant les conséquences de ce type de sanctions, ne risque-t-on pas d'assister à une sous-utilisation de ce moyen possédant un fort potentiel éducatif pour les adolescents?
L'article 11 du projet de loi propose d'obliger le procureur général à aviser le tribunal de son intention de ne pas présenter une demande d'assujettissement d'un adolescent à une peine applicable aux adultes, dans le cas où, « d'une part, l'infraction est une infraction grave avec violence et, d'autre part, l'adolescent l'a commise après l'âge de quatorze ans. » On prévoit que « le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par décret, fixer un âge de plus de quatorze ans mais d'au plus seize ans pour l'application de cette obligation.
Le Barreau s'est toujours opposé à toute forme d'intrusion dans l'indépendance professionnelle du poursuivant. Nous soumettons que l'avis précédant une demande d'assujettissement doit être donné afin de servir les fins de la justice, et de permettre aux intéressés d'agir en conséquence. La décision du poursuivant de ne pas demander l'assujettissement n'a pas d'utilité justifiant de donner un avis au tribunal.
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Bonjour, monsieur le président.
Bonjour, messieurs et mesdames les députés. J'en profite pour vous remercier de m'avoir invité.
Je vais commencer sur une note positive en disant que je suis passablement convaincu de partager des intentions semblables aux vôtres. Je ne suis pas venu ici en souhaitant que des personnes soient victimisées ou que des meurtres soient commis. Depuis 25 ans, je m'emploie avec ardeur à réduire la criminalité chez les adolescents dans l'ensemble de la société québécoise et canadienne. Je participe à plusieurs choses. Sur les intentions, je pense qu'on est d'accord. Notre opinion diverge peut-être au sujet de quelques données et moyens. Je suis donc bien heureux que la discussion soit possible et que vous la permettiez. Je vous félicite de tenir ces audiences.
Étant donné que le Regroupement des organismes de justice alternative n'est pas très connu, je vais vous dire quelques mots à son sujet.
Il s'agit d'une association provinciale qui réunit 37 organisations non gouvernementales québécoises. Celles-ci interviennent auprès des adolescents et des victimes d'actes criminels. Nous intervenons auprès de ces deux clientèles afin de protéger la société, et ce, dans le cadre des renvois par les policiers, des sanctions extrajudiciaires et de l'administration de plusieurs peines spécifiques prévues par la loi. Nous intervenons et offrons annuellement des services à environ 10 000 adolescents ainsi qu'à 5 000 victimes d'actes criminels. Nous estimons, d'une certaine manière, être un acteur clé dans le domaine de la justice pour les adolescents et les victimes. L'analyse du projet de loi nous a amenés à conclure que dans sa forme actuelle, ce dernier ne contribuera ni à améliorer la sécurité du public ni à améliorer le sort réservé aux victimes d'actes criminels.
Pour ce qui est de la sécurité du public, nous nous interrogeons sur la pertinence d'une modification à la loi. Elle est en vigueur depuis déjà sept ans, et je pense qu'il reste plusieurs modalités à développer. Certains aspects ne sont pas tout à fait mis en oeuvre. Ce sont surtout les arguments que vous faites valoir pour modifier la loi qui nous causent problème. L'ensemble des moyens utilisés pour recenser les cas de criminalité nous permettent d'observer, selon les chiffres, que l'état de la délinquance est soit stable soit en décroissance. Je pourrais citer des chiffres que vous avez certainement sous la main, notamment des données de Statistique Canada. Elles sont faciles à consulter. Il nous apparaît que, pour le moment, aucune donnée objective ne justifie les modifications à la loi actuelle qui sont proposées.
Pour sa part, le Québec — et le Canada également, à notre avis — a choisi de s'attaquer à la délinquance des adolescents en se penchant sur les causes de cette délinquance et en travaillant à la réadaptation des adolescents. Plusieurs programmes ont été créés dans une perspective de réparation des torts causés aux victimes d'actes criminels. Nous tenons à vous dire que lorsqu'elles sont conjuguées, les trois stratégies suivantes, soit la réadaptation, la réhabilitation et la réparation, sont reconnues comme étant les plus efficaces pour contrer la criminalité et la récidive chez les adolescents. À notre avis, la sécurité du public ne sera pas améliorée par l'application de mesures qui s'inspirent essentiellement de la détention et de la répression. À notre avis, il y a une incompatibilité entre les objectifs consistant à obtenir une meilleure sécurité du public et les moyens mis en oeuvre dans ce projet de loi. Veuillez nous excuser de vous donner des conseils, mais nous allons nous permettre de le faire.
Nous vous proposons plutôt de renforcer ce qui fonctionne déjà, soit la justice réparatrice et la réadaptation. À notre avis, il serait dommage que des considérations autres que des données objectives et des mesures qui fonctionnent entraînent des modifications importantes à la loi comme celles que vous proposez. À notre avis, le projet de loi constitue un recul en matière de justice pour les mineurs. Il est clair que l'objectif prépondérant de ce projet de loi est la protection du public plutôt que les besoins des jeunes et les mesures de réparation pour les victimes. Je pense que ce projet de loi fait fi des conclusions de plusieurs auteurs selon lesquels les mesures de dissuasion et de dénonciation sont inefficaces auprès des contrevenants. La perspective d'une sentence plus lourde n'a aucun impact sur eux au moment du passage à l'acte. La chose a été démontrée à maintes reprises. C'est donc dire que les adolescents ne sont pas plus rationnels que les adultes lorsqu'ils passent à l'acte.
Si reléguer des adolescents au système pour adultes, c'est aller à l'encontre des particularités et des besoins des adolescents, faciliter le prononcé des peines pour adultes, même en petit nombre, consiste à remettre en question de nombreux pans de notre système de justice pour les mineurs, système qui puise ses racines au XIXe siècle.
De plus, modifier une loi pour quelques cas particuliers nous semble inapproprié. Cela devient une politique générale touchant tous les adolescents, basée sur quelques adolescents. Pourquoi vouloir sévir pour les cas extrêmes alors que la présente loi permet déjà de rendre des sentences pour adultes? Il y a eu des illustrations autant par le Barreau du Québec que d'autres personnes qui sont venues témoigner ici des possibilités de la loi actuelle. Réprimer les comportements violents des adolescents, c'est déjà possible dans la loi actuelle.
Je passerai à la question du sort des victimes. Le ROJAQ se joint aux propos tenus ici par l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, le 13 mai 2010. On s'élève également contre l'instrumentalisation faite des victimes par ce projet de loi. Utiliser les droits des victimes pour légitimer un plus grand contrôle du crime est déplorable, à nos yeux. Les victimes ne sont pas toutes avides de sanctions. La vengeance n'est pas un leitmotiv victimaire. Renforcer la répression ne répondra pas nécessairement à la demande de toutes les victimes, même si certaines le souhaiteraient.
Comme le rappelle l'AQPV, Allan N. Young, en 2001, a certifié dans son étude pour le ministère de la Justice du Canada que rien ne prouve que les victimes cherchent des peines plus sévères. Ce biais avait été dénoncé par d'autres pays. Le ROJAQ déplore donc que le Canada suive ce chemin, malgré les dénonciations. Ce que veulent certaines ou la plupart des victimes, ce qui compte le plus pour elles, c'est d'obtenir des réponses à leurs questions, de pouvoir s'exprimer sur ce qu'elles ressentent, sur ce qu'elles ont vécu de par l'événement et obtenir réparation.
Le ROJAQ estime qu'il aurait été beaucoup plus pertinent que votre gouvernement propose une série de mesures susceptibles de favoriser la participation des victimes au processus judiciaire ou extrajudiciaire, ainsi que de soutenir le développement de la justice réparatrice au Canada et, donc, d'appuyer les dispositions actuelles de la LSJPA en cette matière.
Il aurait été également souhaitable d'annoncer une amélioration de l'aide aux provinces canadiennes afin de bonifier le système d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Je vous remercie, monsieur.
Merci aux membres du comité de m'avoir invité. Je m'appelle Michael Spratt. Je suis avocat de la défense en droit criminel chez Webber Schroeder Goldstein Abergel, ici à Ottawa. Je m'occupe des jeunes quotidiennement, comme la plupart des membres de notre organisation. La CLA regroupe plus d'un millier d'avocats de la défense en droit criminel qui s'occupent chaque jour de problèmes auxquels le projet de loi tente de remédier.
Avant de commencer, j'aimerais remercier Jennifer Myers et Ildiko Erdei de leur aide dans l'évaluation de ce projet de loi.
Ceci étant dit, et compte tenu du temps limité dont je dispose, je vais aller droit au but. Je suis sûr que vous m'arrêterai si je dépasse le délai prescrit.
Le projet de loi contient de bons éléments. Je vais vous dire ce qui, selon moi, comporte des points négatifs ou devrait être réexaminé, mais j'aimerais commencer par les points positifs: la correction des éléments contraires à la Constitution qui existaient auparavant et qui ont été relevés par la Cour suprême, et les dispositions comme celle qui prévoit que les jeunes purgeront leur peine dans un établissement pour jeunes. Je crois que nous considérons tous que ce point est avantageux, pourvu que les établissements pour jeunes reçoivent un financement adéquat.
Toutefois, le projet de loi comporte des problèmes majeurs: le remplacement du principe de réadaptation et de réinsertion sociale par le principe de dissuasion et de dénonciation; les problèmes relatifs au régime de mise en liberté provisoire par voie judiciaire; l'élargissement de la définition d'une infraction grave et les conséquences que cela aura sur le nombre de jeunes en détention préventive; l'élargissement de la définition de la violence et les répercussions que cela aura sur le nombre de jeunes qui sont détenus après une condamnation; la prise en compte des sanctions extrajudiciaires et la décision de condamner ou non un jeune à la détention; et les problèmes associés à la publication du nom des jeunes délinquants.
Avant que j'aborde les enjeux avec tous les détails que je peux donner, compte tenu du temps dont je dispose, je crois qu'il est important d'examiner le contexte de la loi proposée. Selon nous, la loi actuelle fait très bien l'affaire. Les actes criminels perpétrés par des jeunes sont à la baisse, surtout en ce qui concerne les crimes contre les biens commis par des jeunes. La LSJPA corrige le problème historique du recours trop fréquent à l'incarcération des jeunes, et elle a démontré que l'approche consistant à mettre l'accent sur la réadaptation et la réinsertion sociale fonctionne bien.
Le recours à l'incarcération pour les crimes contre les biens constituait un problème majeur avant l'adoption de cette loi. Bien entendu, le recours trop fréquent à l'incarcération des jeunes comporte un certain nombre de répercussions négatives, tant pour les jeunes que pour le système, et cela ne devrait pas être un objectif que nous recherchons.
Le ministre de la Justice a déclaré que la protection de la population est l'objectif primordial — et je ne peux qu'être d'accord avec cela — mais la protection de la population peut mieux se faire par la réadaptation et la réinsertion sociale, et non en abandonnant les principes en faveur des peines à court terme qui, en fin de compte, pourraient ne pas servir les objectifs qui ont de l'importance pour nous tous.
L'essentiel, c'est que le système fonctionne. Les jeunes qui commettent des crimes graves et qui ont un comportement violent peuvent être détenus en vertu de la loi actuelle. Il y a toujours des cas isolés qui prouvent le contraire, mais il ne faudrait pas abandonner ce qui fonctionne bien en raison de quelques incidents isolés.
J'aimerais aborder la question de la dissuasion et de la dénonciation. De nouveau, ces principes s'éloignent de ce qui fonctionne actuellement, et ils ne correspondent pas à ce que nous connaissons des jeunes. Je suis persuadé que les membres du comité ont entendu beaucoup de preuves à cet égard de la part de personnes qui s'y connaissent encore plus que moi sur la façon dont pensent les jeunes, sur leurs motivations, et sur la façon dont ils sont moins affectés par les sentences générales relatives à la dissuasion et à la dénonciation. Dans le résumé législatif du gouvernement, on trouve des études réalisées par le professeur Bala et le professeur Grondin et d'autres personnes qui soutiennent ce principe. Je recommande aux membres du comité de tenir compte de ces études et des preuves apportées par des spécialistes comme eux.
La dissuasion et la dénonciation ne sont pas des moyens efficaces auprès des jeunes. Nous savons que les jeunes sont plus vulnérables, moins matures et moins en mesure d'exercer un jugement. Le fait de réintroduire ces dispositions, qui vont à l'encontre de ce qui fonctionne dans la LSJPA, entraînera un plus grand nombre d'incarcérations, qu'il s'agisse de l'incarcération d'un jeune présumé innocent avant son procès ou d'une détention préventive après le procès. J'estime que plus d'emprisonnement mène à plus de crimes et, en bout de ligne, à moins de protection pour la population.
Au sujet de la prison, j'aimerais parler de la détention préventive. Au départ, le jeune est présumé innocent et devrait être détenu seulement lorsque c'est nécessaire. Encore une fois, le ministre de la Justice a déclaré que les récidivistes violents ne pouvaient pas être détenus en vertu de la LSJPA. C'est peut-être ce que croit le public, mais c'est faux. Il est vrai qu'actuellement il y a une présomption contre la remise en liberté, qui s'appuie sur des motifs très valables, mais dans le cas des crimes violents, les jeunes qui refusent d'obtempérer peuvent être détenus. On peut les placer sous garde s'ils ont commis une infraction grave.
En ce qui concerne la gravité des crimes, la nouvelle loi proposée donne une définition très large du terme « infraction grave ». En vertu de cette loi, un jeune peut être détenu s'il a commis une infraction grave. On s'entend tous sur la gravité de certains crimes violents; cependant, la loi va plus loin car elle inclut dans cette catégorie les délits contre la propriété. Comme d'autres lois qui s'appliquent aux jeunes nous ont permis de le constater auparavant, les délits contre la propriété causent des problèmes importants qui entraînent des excès en matière de détention. On inclurait donc dans les infractions graves le vol, le recel, la présence illégale dans une maison d'habitation, la fraude et la possession d'outils de cambriolage comme un tournevis.
La prison n'est pas l'endroit idéal pour la très grande majorité des jeunes. Il n'est pas souhaitable de les séparer des milieux familial et communautaire qui les soutiennent ni de perturber leur routine et leurs habitudes de vie. Évidemment, placer un jeune sous garde dans un établissement surveillé en compagnie de jeunes qui méritent probablement de s'y trouver n'est pas avantageux non plus. Les jeunes sont vulnérables et influençables. Ce projet de loi pourrait donc faire en sorte qu'un jeune qui a commis un crime contre la propriété se retrouve dans un établissement aux côtés de jeunes beaucoup plus violents qui méritent d'être détenus. Bien sûr, personne ne veut créer une école de formation pour jeunes criminels. On mise sur la réadaptation, et non sur l'entreposage des jeunes délinquants.
D'un point de vue pratique, le fait d'accroître les risques qu'un jeune ayant commis un tel crime se retrouve en détention préventive soulève bon nombre de problèmes. Je peux vous dire qu'il y aura davantage d'enquêtes sur le cautionnement, que les délais seront plus longs et que les coûts augmenteront. Je suis certain que si vous parlez à des procureurs de la Couronne, ils vous diront que les tribunaux sont actuellement débordés. Et je suis certain que les administrateurs des établissements correctionnels vous parleront des problèmes de financement de leur établissement.
Des litiges sont à prévoir. Étant donné la situation particulière des jeunes et leur stade de développement, s'il y a des excès en matière de détention, on pourra contester ces dispositions en vertu de l'article 7 ou d'autres articles de la Charte. Il y aura évidemment des répercussions sur l'ensemble de la Charte. Si les jeunes qui sont placés sous garde subissent en fin de compte un préjudice plus grand que s'ils avaient été remis en liberté comme le prévoyait la loi précédente, on pourra invoquer l'alinéa 11b), qui porte sur le droit d'être jugé dans un délai raisonnable. De plus, il est possible que les jeunes qui commettent des délits contre la propriété et qui pourraient être placés sous garde en vertu de ce projet de loi ne soient finalement pas condamnés à la détention, et selon mon expérience, il est peu probable qu'ils le soient.
Pour ce qui est des sentences, on ne tient plus compte de la gravité du crime et des circonstances dans lesquelles il a été commis; ces dispositions ont été éliminées. Mais on devrait en tenir compte. Les jeunes coupables d'un crime violent peuvent actuellement être condamnés à la détention ou à une peine applicable à un adulte.
Le fait d'élargir le terme « infraction avec violence » est également problématique. La définition est trop générale et pourrait inclure des crimes tels que les menaces. Évidemment, parce que cette définition emploie le terme « insouciance », la loi permettra la détention d'encore plus de jeunes. Quand il est question des jeunes, il ne faut pas oublier qu'ils n'ont pas la prévoyance d'un adulte ou à laquelle on est en droit de s'attendre de la part d'un adulte. Cette notion d'insouciance peut mener à la détention excessive des jeunes, pour qui une peine de détention, je le répète, ne sera pas bénéfique.
Des questions importantes se posent également au sujet de la prise en considération des sanctions extrajudiciaires au moment d'évaluer si un jeune doit être incarcéré ou non. Il ne s'agit évidemment pas d'une décision judiciaire, mais plutôt, dans une large mesure, d'une décision discrétionnaire. Le jeune est moins protégé sur le plan de la procédure, et par conséquent, il pourrait être puni plus sévèrement dans le futur parce qu'il a accepté la responsabilité de gestes commis dans le passé.
Encore une fois, ces dispositions sur les sentences entraîneront une augmentation du nombre de procès et dissuaderont les jeunes d'opter pour un règlement et d'assumer la responsabilité de leurs actes, ce qui aura une incidence non seulement sur les jeunes et leur réadaptation, mais aussi sur l'ensemble du système.
Je m'abstiendrai de parler des problèmes potentiels concernant la publication. Je crois que d'autres personnes en ont parlé, et leurs propos reflètent en bonne partie mes préoccupations.
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Bonjour, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président. Je tiens à vous remercier chaleureusement de bien vouloir me recevoir et m'entendre.
Comme tout citoyen, quand les médias rapportent un geste criminel odieux, qu'il soit commis par un adolescent ou par un adulte, ma première réaction est de souhaiter que le coupable de ce geste soit puni très sévèrement et parfois même de penser que I'expression « très sévèrement » ne serait pas suffisante par rapport à la gravité du tort causé aux victimes et à la colère que je ressens. Mais comme dans bien d'autres circonstances de la vie, notre première réaction impulsive est rarement la bonne et, dans bien des cas, parfois des conséquences complètement contraires à ce que nous souhaitions vont se produire. La vie nous apprend que, dans de telles circonstances, il importe de se donner le temps de réfléchir.
Je comprends bien ce besoin d'une partie de la population et de certains parlementaires de croire que le durcissement de la loi va mieux protéger les victimes de crimes commis par des adolescents, mais ce serait une très grave erreur de croire cet énoncé et de produire les gestes pour modifier la loi en ce sens.
Mon message central, c'est que la réhabilitation de I'adolescent contrevenant et la protection de la victime sont deux faces de la même médaille. Ce n'est pas l'une ou l'autre, comme le discours public veut actuellement nous le faire croire, mais c'est l'une et l'autre en ce qui concerne la protection de la victime et la réhabilitation de l'adolescent contrevenant. En d'autres termes, la meilleure protection de la victime passe par la réhabilitation de l'adolescent contrevenant. En ce sens, j'appuie fortement la position de M. Dudding de la Child Welfare League qui parlait tout à l'heure de l'article 3 de la loi.
À quel titre suis-je devant vous? À trois titres: d'abord comme chercheur sur le développement et I'évaluation des pratiques de pointe dans Ie domaine de la réhabilitation des adolescents contrevenants; deuxièmement, comme éducateur engagé dans la réhabilitation de jeunes contrevenants depuis plus de 40 ans et, troisièmement, comme citoyen et grand-père de petits-enfants.
Comme chercheur d'abord, rappelons certains faits. L'ensemble de la littérature sur l'intervention avec les adolescents contrevenants montre, premièrement, que presque tous les adolescents — je demanderais à certains d'entre vous de vous en souvenir — commettent au cours de leur adolescence au moins une infraction à une loi criminelle. Les données de recherche montrent très clairement que 95 p. 100 des garçons commettent un délit durant leur adolescence et 75 p. 100 des filles. Certains de ces délits sont parfois graves, et même très graves, mais la plupart de ces adolescents peuvent réparer leur geste, se développer, devenir des citoyens responsables et ne pas s'ancrer dans la délinquance. Seule une petite proportion d'entre eux, moins que 5 p. 100, vont poursuivre dans une carrière délinquante et criminelle quand ils seront rendus à l'âge adulte. Ainsi, il importe de se rendre compte que les trajectoires de développement des adolescents sont multiples et différentes et qu'il importe d'en tenir compte dans un système de justice pour adolescents.
Deuxièmement, contrairement à certaines croyances véhiculées dans les médias et ailleurs, la réhabilitation des adolescents contrevenants est possible et fonctionne. Il existe de très bons programmes et des méthodes efficaces pour y parvenir. Le Canada est même un leader dans le monde sur le plan de la prévention, des interventions de justice alternative et des interventions de réhabilitation. Ainsi, sur le plan de la réhabilitation en garde ouverte, il y a déjà plus d'une trentaine d'années, plus de 65 p. 100 des jeunes qui avaient participé au programme de Boscoville, à Montréal, ne présentaient aucune récidive un an après leur séjour dans cet établissement.
Dans une expérience plus récente de suivi de lourds cas de délinquance dans la communauté au Centre jeunesse de Montréal, nous avons obtenu des résultats semblables et même légèrement supérieurs. Des données de recherche démontrent donc, contrairement à ce qu'on a dit tout à l'heure, que les programmes de réhabilitation fonctionnent avec les délinquants si on y met des conditions. Par contre, quand on a établi ces chiffres, on a aussi mesuré des jeunes qui avaient été simplement placés en détention sans aucune mesure d'intervention ou de réhabilitation. Dans ce cas, plus de 90 p. 100 de ces jeunes ont présenté de la récidive quelques mois après leur placement.
L'utilisation des peines dissuasives — une foule de recherches le démontrent — mène à des résultats nuls et inverses à ce que l'on souhaite. Non seulement cela ne protège pas la société, mais ça empire la délinquance.
Pour que les interventions auprès des jeunes contrevenants soient efficaces, c'est-à-dire qu'elles parviennent à empêcher la récidive, qu'elles favorisent la réparation face aux victimes ainsi qu'une réintégration harmonieuse du contrevenant, il y a des conditions indispensables. Comme première condition, le système de justice pénale se doit d'être différent du système de justice adulte. L'ensemble de la littérature scientifique et professionnelle montre très bien à quel point l'adolescent n'est pas encore un adulte, qu'il n'a pas complété son développement non seulement sur le plan physique, mais aussi sur les plans cognitif et affectif et qu'en conséquence, il a des besoins différents de ceux de l'adulte.
La deuxième condition, c'est que l'ensemble du système de justice pénale soit guidé par le principe de l'intervention différentielle. Le principe de l'intervention différentielle, c'est que tous les jeunes contrevenants n'étant pas tous semblables et n'ayant pas tous les mêmes besoins, l'intervention doit tenir compte de ces différences. Par exemple, un adolescent présentant un profil de délinquance légère, qui serait placé dans une institution de garde fermée avec une intervention intensive, risque de sortir de ce programme avec un profil de délinquance plus grave. En parallèle, un adolescent avec un profil de délinquance grave qui serait soumis à une intervention légère aura de fortes chances de présenter une délinquance plus sévère par la suite.
Il a aussi été démontré que certaines méthodes d'intervention fonctionnent bien avec certains types d'adolescents contrevenants, mais sont inefficaces avec d'autres types de jeunes. C'est pourquoi il importe d'adapter ce type d'intervention au type de profil délinquant du jeune.
Si la loi se doit de sanctionner la gravité du délit, elle doit aussi permettre de tenir compte du profil de l'adolescent et de ses besoins. Une formule qui serait aussi un objectif a déjà été suggérée au Québec, à la suite du rapport d'étude du juge Jasmin, soit « La bonne mesure au bon moment pour le bon jeune ».
Des chercheurs ailleurs dans le monde et surtout ici, au Canada, ont développé des méthodologies d'évaluation qui permettent de mieux connaître les risques de récidives délictuelles et les besoins de ces adolescents contrevenants, Andrews et Bonta, entre autres. Ces méthodologies nécessaires existent et ont fait leur preuve. Il serait important, avant de décider d'une sentence, qu'il y ait place à l'utilisation de telles méthodologies pour procéder à I'évaluation de la situation de chaque contrevenant. Cela ferait en sorte que la sentence soit prise non seulement en fonction de la gravité du délit, mais aussi en fonction des besoins de chaque adolescent contrevenant et de ses chances de réhabilitation et de non récidive.
À la suite de cela, il importe que le système de justice pénale offre différentes formes d'intervention allant des mécanismes et des méthodes de justice alternatives, de médiation avec les victimes, de travaux communautaires, de réhabilitation en probation et mises sous garde ouvertes ou fermées, ce qui est actuellement possible selon la LSJPA sans qu'on la modifie.
En tant qu'éducateur, j'ai oeuvré pendant 20 ans comme psychoéducateur à Boscoville à Montréal. Boscoville a été pendant plusieurs décennies une institution phare dans le domaine de la réhabilitation des adolescents contrevenants. Cette institution a non seulement eu une grande influence au Québec, mais elle a aussi eu un rayonnement international extraordinaire. Mon expérience dans cette institution m'a permis d'accompagner et de connaître un grand nombre de ces jeunes qui ont vécu une réhabilitation et une réinsertion sociale des plus positives. C'est le cas de la plupart de ceux que j'ai connus. Certes, il y a eu des échecs très tristes. Ils sont devenus, pour la plupart, des citoyens responsables et bien intégrés. Ils sont actuellement ouvriers, commerçants, enseignants, dirigeants d'entreprises, artistes dans différents domaines. Il y en a plusieurs qui sont de bons pères de famille, heureux et fiers de venir présenter à nous, leurs anciens éducateurs, leur progéniture. Parmi ces jeunes qui ont réussi leur réhabilitation, la plupart ont aussi posé des gestes de réparation face à leur victime durant ou à la fin de leur processus de réhabilitation. Selon moi, une réhabilitation complète demande nécessairement une démarche de réparation directe ou indirecte face aux victimes.
II y a 50 ans, des éducateurs d'avant-garde allaient chercher des jeunes placés à la prison de Bordeaux, à Montréal, pour leur donner une chance de participer à un nouveau programme de réhabilitation qu'ils étaient en train de créer. Personnellement, au cours des années, j'ai pu visiter de jeunes adolescents placés dans des prisons d'adultes aux États-Unis, au Chili et dans d'autres pays. Chaque fois, j'ai été à même de constater à quel point c'était une terrible situation de dégradation et de non-respect des droits fondamentaux de ces jeunes. Ces conséquences sont terribles pour eux, pour leur victime et pour la société. Pour ces jeunes placés en prison, une des pires conséquences, c'est de se retrouver dans une situation désespérante qui ne peut que provoquer I'aggravation de leur délinquance et de leur violence.
Pour les victimes, cette dégradation humaine de l'adolescent contrevenant n'apporte aucun soulagement réel et risque même d'accroître leur crainte de la récidive de la violence de ce jeune à sa sortie de prison. Il en est de même pour la société en général.
Une loi juste ne doit donc pas se fonder exclusivement sur la gravité du délit pour juger d'un acte et décider d'une sentence pour un adolescent. C'est le glissement de l'actuel projet de loi. Une loi juste doit reposer sur un système complexe de justice pénale pour adolescents qui est continuellement à la recherche de ce difficile équilibre entre les besoins de la société et des victimes et ceux de l'adolescent contrevenant. Ce système complexe devrait comprendre — et c'est là qu'il y a peut-être un effort gouvernemental à faire — un système d'application de la loi dans lequel on retrouve une série d'éléments: premièrement, un processus d'évaluation différentiel basé sur le principe que chaque adolescent est différent, que chaque cas est différent; deuxièmement, un système d'intervention multimodal qui comprend des possibilités d'intervention de justice alternative, médiation, réparation avec la victime, etc., et de réhabilitation; troisièmement, un processus qui permet la participation des victimes et qui leur apporte le soutien dont elles ont besoin; quatrièmement, une organisation qui favorise la participation et l'implication des parents; cinquièmement, des programmes de réhabilitation en surveillance, en suivi intensif dans la communauté ainsi qu'en garde ouverte et fermée qui soient appliqués par du personnel compétent et, sixièmement, un investissement dans la recherche pour favoriser le développement des meilleures pratiques et pour évaluer les effets de la loi.
Pour terminer, comme citoyen et grand-père, j'ai la préoccupation que nos lois soient justes tant pour le bien-être de la société que pour la protection et le développement de mes petits-enfants et de ceux des autres. Si l'un de mes petits-enfants commettait un délit, je souhaiterais ardemment que l'on tienne compte non seulement de la gravité de son délit, mais de ses besoins. Mon voeu le plus cher serait qu'on l'aide à se réhabiliter et à réparer son ou ses gestes délinquants. Dans le cas où l'un de mes petits-enfants était victime, je crois que ma première réaction serait un désir de vengeance, mais cela étant passé, je voudrais profondément que son agresseur soit aidé et puisse se réhabiliter. Dans le cadre de ce dialogue sur le projet de loi , nous ne devons pas perdre de vue que le mieux-être du futur de notre société passe par le mieux-être de nos enfants et de nos petits-enfants.