Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Ceci est la 37 e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes aujourd'hui le mardi 23 novembre 2010. Vous avez devant vous l'ordre du jour de la séance. Nous allons poursuivre l'examen du projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi; cela concerne la disposition de la dernière chance.
Avant de passer à l'examen du projet de loi S-6, je tiens à vous dire que votre comité de direction s'est réuni un peu plus tôt aujourd'hui et qu'une copie du rapport vous a été remise. Est-ce que tout le monde est prêt à adopter ce rapport du comité de direction?
Monsieur Dechert en fait la proposition.
(La motion est adoptée.) [Voir Le procès-verbal]
Le président: Nous allons maintenant passer à l'examen du projet de loi S-6. Pour nous aider dans cette étude, nous avons le plaisir d'accueillir M. Patrick Altimas, directeur général de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, qui sera avec nous pendant la première heure.
Soyez le bienvenu. Je crois qu'on vous a dit que vous disposiez de sept minutes pour nous livrer votre allocution. Quand vous aurez terminé, les membres du comité vous poseront des questions. Allez-y.
Merci, monsieur le président. Je vous garantis que ce sera moins de 10 minutes. Je ne vous inonderai pas de statistiques, que vous avez certainement déjà eues, et je vais limiter mes commentaires.
D'abord, au nom de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec et de ses 60 organismes communautaires membres, je vous remercie de l'invitation faite par le comité de partager avec vous nos réflexions concernant le projet de loi S-6.
Notre association, créée en 1962, regroupe aujourd'hui 58 organismes communautaires actifs auprès de la clientèle contrevenante adulte dans presque toutes les régions du Québec ainsi que deux regroupements d'organismes. Le réseau communautaire que je représente est composé de plus de 800 employés qualifiés et au-delà de 500 bénévoles actifs dans le domaine de la prévention de la criminalité et de la réinsertion sociale des personnes contrevenantes.
Nos organismes sont reconnus et accrédités selon des normes rigoureuses par les différents services utilisateurs. Sur le plan économique, leurs activités représentent une somme s'approchant de 50 millions de dollars par année. Au total, année après année, le réseau dessert environ 35 000 personnes judiciarisées, dont un certain nombre ont été condamnées à perpétuité.
Si vous me demandiez de déposer un bref commentaire concernant le projet de loi S-6 qui vise à éliminer la clause de la dernière chance, il se résumerait à la question suivante: pourquoi? En effet, lorsqu'on constate l'expérience vécue depuis l'inclusion de cette clause en 1976 par rapport aux objectifs qui étaient visés à l'époque on peut définitivement parler de succès. Alors, pourquoi vouloir changer quelque chose qui fonctionne? Comme on dit en anglais: If it's not broken, don't fix it.
Comme je l'ai dit plus tôt, je ne reprendrai pas ici un énoncé de toutes les statistiques déjà déposées devant ce comité. Je me bornerai à constater que celles-ci laissent voir qu'il n'y a pas eu d'abus si l'on considère que seules, selon les chiffres que j'ai consultés, 180 causes de révision devant juge et jury ont été entendues sur une possibilité de 1 067, ce qui représente un pourcentage de 17 p. 100. De ce nombre, 33 causes furent rejetées, soit à peine 3 p. 100 du total des causes admissibles. Finalement, la très grande majorité des délinquants remis en liberté suite à une révision judiciaire continuent à vivre en tant que citoyens respectueux des lois. De façon plus importante, on ne déplore aucun cas de récidive de meurtre. Alors, pourquoi?
Un des éléments intéressants qu'on éliminera si on enlève la possibilité de révision judiciaire est l'occasion donnée à des représentants de la communauté, c'est-à-dire les membres du jury, de se prononcer sur la réhabilitation possible d'un membre de cette communauté. Naturellement, la question des droits des victimes et du souci des victimes revient souvent dans le discours et l'argumentaire du gouvernement. Or, il semble bien que celui-ci est davantage intéressé à entretenir le conflit entre la victime et le contrevenant qu'à apaiser ce conflit afin de permettre une certaine guérison, si vous me permettez l'expression.
Que les victimes et leurs proches aient besoin et aient droit à des services et à une assistance durant tout le processus de judiciarisation, tout le monde en convient, y compris notre association. Nous devons nous questionner en quoi l'élimination de la clause de la dernière chance aidera les victimes ou les proches de celles-ci. En quoi le maintien en incarcération, prolongé au-delà d'une certaine période considérée acceptable depuis 1976, contribuera-t-il à apaiser le conflit entre contrevenants et victimes et leurs proches, et permettra-t-il une certaine guérison?
(1535)
L'expérience vécue par les organismes communautaires membres de l'ASRSQ, en rapport avec la clientèle visée par la clause de la dernière chance, reflète en tous points le succès dénoté de l'application de cette clause.
L'ASRSQ ne voit donc aucun argument valable militant en faveur de son élimination et recommande que le comité propose de retirer le projet de loi S-6.
Je vous remercie de m'avoir écouté et je répondrai à vos questions.
Merci, monsieur le président. Je doute avoir besoin de sept minutes, mais je vais commencer par cette question.
Monsieur, avez-vous eu l'occasion de parler à des gardiens de prison ou à leurs représentants pour leur demander ce qu'ils pensent des avantages éventuels de ce projet de loi? Avez-vous des informations à nous communiquer à cet égard?
À la page 1 de votre exposé, la première phrase se termine comme suit... Je vais la lire et vous demander de la commenter. Je vous cite:
En vérité, l'ASRSQ est d'avis que ce projet de loi fait malheureusement partie d'une stratégie électorale consistant à faire de fausses promesses pour renforcer la sécurité publique.
J'imagine que vous faites référence au Parti conservateur, et je me demande si vous pouviez nous donner des exemples et préciser ce que vous entendez par là.
Non, ce n'est pas grave. Je ne siège pas à ce comité. Je fais référence à un document qui m'a été remis et que j'ai lu, dans lequel il y avait cette phrase.
En vérité, l'ASRSQ est d'avis que ce projet de loi fait malheureusement partie d'une stratégie électorale consistant à faire de fausses promesses pour renforcer la sécurité publique.
Pas vraiment. Je n'ai rien à dire là-dessus, parce que je considère que c'est une question d'opinion. Je ne m'occupe pas des opinions; ce qui m'intéresse, ce sont les faits.
Dans ce cas... Et je tiens à rappeler que je ne siège pas à ce comité, je ne suis donc pas ici pour donner une opinion, je veux simplement savoir ce que vous en pensez. Vous considérez que c'est un mauvais projet de loi, manifestement, puisque vous avez demandé qu'il soit retiré. À votre avis, pourquoi ce projet de loi a-t-il été déposé?
Si je ne m'abuse, lorsque cette mesure législative a été déposée pour la première fois en 1976, c'était à une époque où le gouvernement avait décidé de supprimer la peine capitale. Dans les débats qui se sont tenus à la Chambre des communes à ce moment-là, on était arrivé à un compromis selon lequel l'élimination de la peine de mort serait compensée par l'application d'une peine de sûreté de 25 ans, ce qui, dans certains cas, était considéré comme trop sévère. Autrement dit, il y a des circonstances où une personne peut être admissible à une libération conditionnelle avant 25 ans sans représenter un risque pour la société. Il s'agit également d'offrir aux personnes condamnées à 25 ans d'emprisonnement l'espoir qu'elles pourront sortir, et cet espoir aide à maintenir — comment dire...
[Français]
Cela leur permettrait d'avoir de l'espoir et donc d'avoir un meilleur comportement pendant ces années. Il y aurait donc un incentive, comme on dit, à maintenir un bon comportement.
Si on enlevait cet espoir, cela pourrait créer une situation de danger plus élevée, en ce qui a trait aux comportements des détenus, à l'intérieur des établissements.
Aussi, la notion de la réhabilitation et la notion qu'une personne peut changer sont très présentes dans notre Code criminel et les lois.
Voilà pourquoi je vous ai demandé si vous aviez interrogé des gardiens de prison, si vous aviez discuté de cela avec eux. Vous avez parlé de la conduite dans les prisons, et je me demandais si vous aviez un avis sur la façon dont ces changements pourraient affecter la sécurité des gardiens de prison et d'autres personnes travaillant dans les établissements pénitentiaires.
Eh bien, je vous dirais qu'il est très difficile de prévoir les choses avec certitude. Toutefois, on peut supposer que si quelqu'un n'a pas d'espoir de libération conditionnelle avant 25 ans, il y a moins de chances qu'il conserve un comportement acceptable. Ces changements pourraient entraîner une augmentation du niveau de violence dans les institutions.
Selon vous, quel problème le gouvernement a-t-il tenté de résoudre? Qu'est-ce qui a conduit le gouvernement à proposer cette mesure législative à l'époque?
Je ne vois pas de problème en tant que tel. Mon collègue de la Société John Howard a fait remarquer, quand il a comparu devant votre comité, si vous me permettez de citer ses propos: « Il semble que ce que nous avons ici soit un projet de solution à la recherche d'un problème ». C'est exactement ce que nous pensons.
Vous savez que la loi actuelle a été modifiée par l'ancien gouvernement libéral pour durcir les conditions d'admissibilité et faire en sorte que les demandeurs se présentent devant un juge pour obtenir une approbation, puis passent devant un jury qui devra rendre une décision unanime. Vous connaissez tout le système, n'est-ce pas?
Je ne trouve pas que la procédure soit facile, étant donné tout le travail de préparation qu'il faut faire avant de se présenter devant un juge et un jury. D'ailleurs, le simple fait de se présenter devant un juge et un jury constitue en soi tout un défi. Je pense que lorsque le juge et le jury sont saisis d'une affaire, c'est parce qu'auparavant, beaucoup de gens, au Service correctionnel, ont procédé à une évaluation extrêmement minutieuse du dossier. Personnellement, je considère que ce n'est jamais une situation facile que de se retrouver devant un juge et un jury pour démontrer que sa conduite justifie qu'on soit éventuellement admissible à une libération conditionnelle. Et en admettant que le juge et le jury rendent une décision favorable, il faudra encore passer devant la Commission des libérations conditionnelles avant de pouvoir être relâché. Là non plus, d'après mon expérience, le processus n'est pas sans embûches.
Par conséquent, il s'agit d'un processus très rigoureux et très sérieux. Je crois d'ailleurs que les statistiques démontrent que c'est ainsi depuis des années.
Pas directement. Pour ce qui est de préparer un détenu à comparaître devant un juge et un jury, non, je ne l'ai jamais vécu. J'ai déjà travaillé en service correctionnel, mais à cette époque, il n'y avait pas encore eu de cas à soumettre à un juge et à un jury. Je n'ai jamais eu à soumettre de cas.
La mission des organismes que nous représentons est d'abord et avant tout la réinsertion sociale des personnes contrevenantes. Toutefois, ça ne veut pas dire que ces organismes ne se préoccupent pas des victimes, et que dans certains cas, ils n'entrent pas en contact avec les organismes qui viennent en aide aux victimes. C'est seulement que ce n'est pas leur mission première.
Dans l'exercice de vos fonctions, vous arrive-t-il d'avoir à encourager des victimes à entrer en contact avec les prisonniers ou à accompagner celles qui acceptent de le faire pour amener les contrevenants à réparer d'une certaine façon ce qu'ils ont fait?
Il y a au moins un organisme membre de l'ASRSQ qui accompagne les victimes et les contrevenants. Par contre, les victimes ne rencontrent pas leur offenseur direct.
C'est le Centre de services de justice réparatrice, qui est situé à Montréal. Des efforts sont faits à Montréal, et peut-être aussi à Québec, pour faire un rapprochement entre les contrevenants et les victimes. À ma connaissance, toutefois, les contrevenants ne rencontrent pas leurs victimes directes, car c'est quand même assez compliqué. Ce n'est pas évident d'organiser cela.
À ma connaissance, au cours des rencontres entre les victimes et les contrevenants, certains parmi ceux-ci avaient été condamnés pour meurtre. Ce n'était peut-être pas la majorité, mais certains étaient incarcérés depuis un certain temps et suffisamment conscientisés pour participer à ces rencontres.
En somme, je comprends parfaitement votre position et, honnêtement, je la partage pleinement. C'est vraiment une solution qui cherche un problème.
Toutefois, n'y a-t-il pas plus que cela? Cette solution mettrait fin à quelque chose qui, à votre avis, est un élément positif du système carcéral canadien.
En effet, nous considérons que le fait de mettre fin à la clause de la dernière chance voudrait dire mettre fin à quelque chose de positif et qui a fait ses preuves. On ne peut pas dire qu'il y a eu des abus et que la sécurité du public a été mise en danger par cette clause.
Malgré cela, pourrait-on y ajouter quelque chose pour alléger le stress vécu par certaines victimes lorsqu'elles sentent s'approcher du moment où le meurtrier qui est responsable de la mort de leur proche pourrait faire une demande de révision en vertu de cette loi?
On peut comprendre que pour certaines familles de victimes, cela peut être un événement qui fait revivre toutes sortes de choses difficiles. Ces personnes ont besoin d'appui pendant cette période et cet appui devrait être disponible. Selon moi, il existe des programmes pouvant offrir un soutien à ces victimes, mais ils sont peut-être insuffisants. Nous reconnaissons amplement le fait qu'elles aient besoin de soutien. Nous savons que le plus difficile pour les victimes est le fait que les contrevenants impliqués dans le crime ne sont pas nécessairement ceux qui vont obtenir la révision judiciaire. Certains contrevenants n'obtiendront pas de révision judiciaire ni de libération conditionnelle après 25 ans.
La question qui se pose est celle-ci. Fait-on des lois pour des personnes individuelles ou pour la société, la population canadienne?
Si je comprends bien, d'après les résultats, seule une très faible proportion de personnes condamnées pour meurtre ont demandé et obtenu cette dernière chance de voir raccourcir le temps d'incarcération qui leur a été imposé.
Merci, monsieur Altimas, d'être présent parmi nous.
Vous avez dit que l'on n'a pas assez de programmes pour aider les familles des victimes quand elles font face à une demande de révision de la part du contrevenant. Avez-vous des suggestions pour améliorer nos programmes?
Je suis d'accord avec vous, les programmes existent, mais ils ne sont pas suffisants. Pourrions-nous faire autre chose, particulièrement pour aider et protéger les familles des victimes?
Je sais que le Service correctionnel du Canada a mis en place différentes initiatives qui s'adressent aux victimes. Il existe déjà une base qui pourrait être améliorée et mieux financée. Que cela provienne du Service correctionnel du Canada ou d'autres organismes qui viennent en aide aux victimes, du financement pourrait être débloqué pour aider ces personnes. Je sais que le gouvernement fait des efforts dans ce sens et que cela devrait être poursuivi pour que ces personnes ne soient pas toutes seules lorsque arrivent ces événements.
C'est une question de perception et d'opinion. Selon moi, peu importe qu'une personne soit incarcérée 10 ans, 15 ans, 20 ans ou 30 ans, cela n'élimine pas le tort qui a été causé et la peine que les familles peuvent ressentir. Je ne pense pas que c'est ça qui va réduire le tort causé. Je pense qu'il y a d'autres solutions, plus positives, pour y arriver.
Comme je le mentionnais plus tôt, en éliminant de telles dispositions dans nos lois, on exacerbe le conflit entre les victimes, ou les familles des victimes, et les contrevenants. Ne devrait-on pas plutôt essayer d'apaiser ce conflit, d'arriver à une certaine conciliation ou d'en venir à ce que j'appelais une certaine « guérison ». Je mets ce mot entre guillemets parce que M. Boisvenu nous dirait qu'il ne faut pas dire ça, mais je n'ai pas trouvé de meilleur terme.
Vous allez entendre les conservateurs émettre les mêmes opinions dans quelques minutes. M. Head, du Service correctionnel du Canada, nous disait que les communications entre le Service correctionnel du Canada et les familles des victimes doivent être intensifiées.
Seriez-vous favorable à ce qu'on donne plus d'information aux familles des victimes? Est-ce que ça va les aider?
Je vais vous donner un exemple. En ce moment, si une personne, après 15 ans de détention, ou à la première occasion de faire une demande, décide de ne pas en faire, les familles des victimes n'obtiennent pas cette information. Si on leur donnait cette information, elles sauraient que pour au moins deux ans ou cinq ans, si des amendements étaient adoptés, elles n'auraient pas l'obligation de faire face à cette demande.
Leur donner cette information va-t-il les aider à continuer à vivre sans le défunt?
Oui, ça peut certainement les aider à ne pas ressentir du stress à l'idée qu'elles vont peut-être être obligés de passer par un processus de juge et de jury. Ce n'est que ça, je pense, parce que ça n'apaisera pas la peine ou réduire le tort, mais ça va réduire le stress qu'elles pensent vivre dans cette situation. D'ailleurs, je dirais que ça va probablement varier d'une famille à une autre, d'une personne à une autre. La manière de vivre cette situation varie grandement d'une personne à une autre.
Savez-vous s'il existe des études, ailleurs dans le monde où la disposition de la dernière chance n'existe pas, dans lesquelles on s'est penché sur le stress et la souffrance des familles des victimes et on est arrivé à des conclusions différentes de celles auxquelles on a abouti au Canada, où nous appliquons la disposition de la dernière chance? Avez-vous déjà vu des études de ce genre?
J'ai été quelque peu surpris, lorsque vous avez demandé pourquoi il fallait éliminer la disposition de la dernière chance. Je ne sais pas si je dois vous prendre au sérieux et si vous ne voyez vraiment pas ce qui pousse le gouvernement à vouloir éliminer cette disposition.
Je comprends ce qui motive le gouvernement. Simplement, j'aime m'appuyer sur les faits, et rien n'indique en ce moment qu'il faut éliminer la disposition.
D'après les témoignages des victimes, Mme O'Sullivan a conclu que le projet de loi était justifié. Êtes-vous au moins d'accord pour dire qu» e le gouvernement peut se fonder là-dessus?
Vous dites qu'il y a des victimes qui sont pour le retrait de la disposition. Toutefois, il y en a sans doute bien d'autres qui sont contre, mais nous n'en entendons pas parler.
Je crois que le député juge mal les propos de l'ombudsman. En fait, Mme O'Sullivan a dit qu'elle avait recueilli le témoignage de deux ou trois personnes et d'un ou deux groupes. Elle n'a pas mené de consultation exhaustive, mais selon les témoignages recueillis, elle a recommandé de supprimer la disposition de la dernière chance.
Je reconnais que l'ombudsman a recueilli des témoignages de victimes et qu'elle parle en leur nom.
Je ne représente pas les détenus ou les victimes, mais des organisations communautaires, qui travaillent à la fois dans la prévention du crime et le droit pénal. Selon moi, les lois et les politiques en droit pénal devraient se fonder sur autre chose que quelques témoignages concordants.
Je suis d'accord. À vrai dire, je comprends très bien que vous travaillez à la réadaptation des délinquants. Néanmoins, en tant que législateur, je dois non seulement considérer les droits et les intérêts des délinquants, mais aussi ceux des victimes.
Par exemple, avez-vous songé aux victimes qui, après 15 ans, doivent s'attendre à ce que l'agresseur présente, d'un jour à l'autre, une demande de remise en liberté en vertu de la disposition de la dernière chance?
Si vous avez l'occasion, je vous recommande fortement d'examiner le témoignage de Mme O'Sullivan, qui a dit que le projet de loi était légitime du point de vue de la reddition de comptes, de la transparence et de la compassion. Je pense que, si vous lisez son témoignage, vous comprendrez mieux pourquoi les victimes soutiennent le projet de loi du gouvernement.
Je n'ai pas d'autres suggestions à vous faire. S'il me reste du temps, je le donne avez plaisir à M. Dechert.
Je n'ai qu'une question à vous poser, monsieur Altimas. Saviez-vous qu'en 1997, on a modifié les dispositions de la dernière chance pour exclure les tueurs en série comme Clifford Olson, Paul Bernardo, Robert Pickton et Russell Williams? Saviez-vous que le gouvernement précédent avait modifié la loi?
Savez-vous si le gouvernement précédent a présenté une étude sur les victimes, à ce moment-là? Ce gouvernement avait sans doute la même préoccupation que nous, à l'égard des victimes.
Merci beaucoup de votre présentation. Je l'ai énormément appréciée. J'apprécie également l'approche que votre association adopte, soit celle de baser son point de vue sur des faits, sur la science; « evidence-based », comme vous l'avez dit.
Il y a deux aspects dans ce projet de loi. Un de ces aspects concerne un certain contrôle qui est imposé au processus de demande pour un détenu qui est condamné à perpétuité. Il y aurait une période de 90 jours accordée après les 15 ans purgés.
Nous avons entendu plusieurs témoignages, y compris ceux des gens des services correctionnels. Selon ces témoignages, même si la majorité des demandeurs avaient suffisamment de temps pour remplir et obtenir tous les documents à l'appui de leur demande de libération hâtive, il pourrait y avoir des circonstances hors du contrôle des détenus qui empêcheraient certains de ceux-ci de compléter leur demande à l'intérieur des 90 jours accordés.
En ce qui concerne cet aspect, seriez-vous d'accord pour dire que le délai devrait être prolongé?
Oui, effectivement. Lorsqu'on examine les délais présentés dans l'ordre — je n'ai pas étudié la loi dans ses détails puisque ce n'était pas le but de notre exercice à nous —, on constate qu'ils sont assez contraignants.
Les libéraux vont proposer un amendement, justement pour accorder au juge le pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai de 90 jours jusqu'à 180 jours, et ce, lorsque le détenu est en mesure de démontrer que des circonstances hors de son contrôle l'ont empêché de respecter le délai de 90 jours.
Je comprends très bien que votre association ne soit pas en faveur de l'amendement du gouvernement voulant qu'on abolisse le droit à la dernière chance des personnes condamnées pour meurtre au premier degré, et ce, à partir du jour même de l'adoption du projet de loi, et par la suite. Votre raisonnement est très clair.
Vous avez posé une question à mon collègue M. Comartin concernant un avis qui serait envoyé aux familles des victimes disant que le détenu ne se serait pas prévalu de son droit de faire une demande, et que la prochaine fois qu'il pourrait jouir de ce droit serait dans cinq ans, à une date donnée. Pardonnez-moi, mais je n'ai pas compris si vous étiez ou non en faveur de cette mesure.
D'abord, pour que les choses soient bien claires, j'entends voter contre cet article. Ensuite, je veux que chaque disposition fasse l'objet d'un vote oral. Évidemment, je vais voter contre en raison de tous les arguments invoqués par les témoins, y compris le dernier. De tous les projets de loi et systèmes que j'ai examinés en tant que porte-parole en matière de justice, le régime que nous avons est celui qui fonctionne le mieux et celui qui se rapproche le plus des objectifs que nous visons en matière de justice pénale.
Ce projet de loi... On laisse entendre que l'on veut abroger la clause de la dernière chance pour mieux protéger les victimes. C'est carrément faux. Ce n'est pas ce qui risque de se produire si le projet de loi est adopté. Les victimes vont continuer d'être exposées au même stress. Or, on peut atténuer ce stress et cette souffrance en améliorant la communication au sein du système correctionnel, en renseignant de manière plus efficace les victimes, leurs familles, leurs amis. Ces mesures permettraient grandement de régler le problème. Cet article-ci ne change rien à la situation, car le fait de savoir qu'un contrevenant peut présenter une demande de libération conditionnelle au bout de 25 ans de prison provoque essentiellement le même genre de stress.
Comme nous l'ont indiqué les témoins, une personne peut obtenir une libération après avoir purgé entre 21 et 25 ans de prison.
Concernant le titre du projet de loi, le gouvernement veut faire croire aux victimes que les changements proposés vont leur fournir du soulagement, ce qui est essentiellement faux. On les induit en erreur. Leur souffrance, en fait, va être encore plus vive quand elles vont se rendre compte de ce qui les attend. Il faut mettre en place de meilleurs mécanismes de communication et d'information au moment de la déclaration de culpabilité et par après, soit lorsque la personne a la possibilité d'être remise en liberté, et ce, dans le but d'apaiser l'anxiété ressentie par les victimes de meurtre.
Cela dit, monsieur le président, je vais voter contre tout le projet de loi et appuyer les amendements présentés par le Parti libéral. Toutefois, je tiens à ce que chaque article soit soumis à un vote.
Je n'aurai pas l'occasion de le redire, mais je trouve, comme criminaliste, qu'on s'apprête aujourd'hui à démolir un système qui a toujours très bien fonctionné, un système qui a fait ses preuves. J'espère que vous vous en souviendrez et que tous, surtout les membres du Parti conservateur, vous garderez en mémoire la phrase suivante: « Et si l'absence d'espoir annihilait le désir de réhabilitation d'un condamné et accroissait du coup la violence et les problèmes dans les prisons? » C'est exactement ce qu'on s'apprête à faire. Il est donc tout à fait évident que nous allons voter contre ce projet de loi. Par contre, nous allons voter en faveur des amendements parce que nous pensons que c'est la seule façon dont nous disposons pour amoindrir le choc qui va être vécu ici.
Mes derniers mots seront pour les libéraux, qui se préparent à démolir un système qu'ils ont eux-mêmes mis en oeuvre en 1976 en abolissant la peine de mort. Vous serez responsables, messieurs, mesdames, de la disparition d'un système qui fonctionnait vraiment très bien. Au cours des derniers jours et des dernières semaines, tous les témoins que nous avons entendus nous ont prouvé que ce système fonctionnait très bien. Pourtant, vous vous préparez à le sacrifier sur l'autel de la politique pour éviter de faire face à je ne sais quel problème politique.
Cela dit, je n'irai pas plus loin. Je vais toujours continuer à croire que le système actuel défendait très bien les victimes. J'en suis profondément convaincu, n'en déplaise à mes amis conservateurs, et je vais le répéter sur toutes les tribunes.
Concernant le projet de loi S-6, le Parti libéral ne s'oppose pas au désir du gouvernement et de certains intervenants d'instaurer dans le système des contrôles efficaces à l'égard des détenus condamnés à perpétuité pour meurtre au premier degré qui se prévalent de la clause de la dernière chance. Le gouvernement ne supprime pas, ou ne tente pas de supprimer, un droit déjà acquis aux détenus condamnés à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Ces derniers peuvent, en vertu du régime de la dernière chance, présenter une demande de libération anticipée après avoir purgé 15 ans de leur peine.
Par conséquent, les libéraux ne s'opposent pas aux mesures que cherche à mettre en place le gouvernement, étant donné qu'un détenu peut exercer un tel droit après 15 ans. Toutefois, il devrait y avoir un délai au cours duquel un détenu peut présenter une demande. Nous estimons, tout comme d'autres témoins, que le délai fixé par le gouvernement est trop court dans certains cas et qu'il devrait être assoupli. C'est pourquoi nous avons proposé des amendements. Je vais en discuter quand ils vont être présentés.
Pour ce qui est de l'idée d'abroger la clause de la dernière chance dans le cas des contrevenants déclarés coupables d'une infraction commise à la date d'entrée en vigueur du projet de loi ou par la suite, le Parti libéral n'est pas d'accord. Cependant, le Bloc sait très bien, tout comme le NPD, qu'aucun des deux partis... Le premier n'a pas la prétention ou le souhait de former un gouvernement; le deuxième n'a jamais pris le pouvoir et ne le prendra probablement jamais, du moins pas dans un proche avenir. Par ailleurs, je tiens à ajouter que l'abrogation de cette disposition ne prendra effet que 15 ans après l'entrée en vigueur du projet de loi, un point qui mérite quand même d'être souligné.
Les membres du Parti libéral n'appuient pas l'article 2, mais nous allons nous abstenir de voter, car nous croyons qu'il existe une fenêtre de 15 ans pour corriger le projet de loi.
Je suis d'accord avec M. Lemay, et je le remercie d'avoir dit que le système de justice pénale fonctionne bien. En fait, il a été mis en place par les libéraux. Si la clause de la dernière chance est abrogée, les libéraux pourront, je l'espère, lorsqu'ils auront regagné la confiance des Canadiens et repris le pouvoir, procéder à une refonte non seulement de la loi, mais aussi de l'ensemble du système de justice pénale afin de l'adapter aux réalités du XXIe siècle.
Cela dit, comme je l'ai mentionné, les libéraux ne se prononceront pas pour ou contre l'article 2. Ils vont s'abstenir de voter.
Je ne reprendrai pas les paroles de M. Comartin et de mon collègue M. Lemay, avec qui je suis entièrement d'accord. Il reste que je suis vraiment étonné par la position des libéraux.
Vous nous invitez à participer à un vote qui va démolir un système que vous croyez juste, et vous nous dites qu'il va être possible, dans un avenir plus ou moins rapproché, de réparer les choses. Je comprends parfaitement vos motivations, ce qui vous anime: c'est la crainte de la démagogie. Vous savez en effet ce dont les conservateurs sont capables en matière de démagogie. Moi aussi, je connais très bien cette attitude. Elle est présente jusque dans le titre des lois qu'ils nous proposent de même que lors des périodes de propagande. Cette démagogie est commune en Amérique du Nord.
Toutefois, il me semble que si on a la conviction qu'un système fonctionne bien, laisser passer une loi dont l'effet est notamment de détruire ce système n'est pas une position souhaitable. En vous abstenant, vous la laissez passer. C'est ce que vous faites. Vous dites que nous aurons l'occasion de rétablir plus tard ce système que va en quelque sorte détruire cette loi. Honnêtement, je trouve que c'est un pari insensé.
Je tiens tout simplement à dire que j'ai trouvé les propos de Mme Jennings fort intéressants. Je me demande si elle peut confirmer au comité que le rajout de la clause de la dernière chance dans le Code criminel va faire partie du programme du Parti libéral aux prochaines élections.
Comme je l'ai expliqué au dernier témoin que nous avons entendu avant que nous ne passions à l'étude article par article du projet de loi, d'après bon nombre des témoignages recueillis, les procédures et contrôles que le gouvernement souhaite instaurer par l'entremise du projet de loi S-6 risquent, par inadvertance, d'empêcher un détenu de se prévaloir de la clause de la dernière chance — dans certains cas, pas tous. De plus, le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne permet absolument pas aux autorités de prolonger le délai prévu si, en raison de circonstances extraordinaires ou exceptionnelles indépendantes de sa volonté, le détenu ne peut présenter une demande à l'intérieur de l'échéance fixée par le gouvernement dans le S-6. L'amendement proposé par les libéraux donnerait au juge en chef compétent ou à son remplaçant le pouvoir discrétionnaire de porter le délai à un maximum de 180 jours si le détenu, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, n'est pas en mesure de présenter la demande dans les 90 jours prévus.
Le détenu serait tenu d'expliquer au juge en chef ou à son remplaçant, en s'appuyant sur des arguments solides, pourquoi il n'a pas été en mesure de respecter le délai de 90 jours. Le juge en chef ou son remplaçant déciderait alors si les arguments invoqués justifient l'octroi d'un nouveau délai. Le juge en chef pourrait dire qu'il accorde, par exemple, 15 jours ou 30 jours de plus au détenu. Quoi qu'il en soit, le délai maximal pouvant être accordé par le juge en chef ou son remplaçant serait de 180 jours en vertu de cet amendement, ce qui veut dire qu'il pourrait uniquement prolonger le délai actuel, fixé à 90 jours, de 90 jours.
Cette proposition, à notre avis, est tout à fait raisonnable et nous espérons que le parti ministériel va l'appuyer. Elle se fonde sur les témoignages que nous avons entendus et ne s'appliquerait, comme je l'ai mentionné, que si le juge était convaincu que les circonstances étaient indépendantes de la volonté du détenu. Le juge, ou son remplaçant, déciderait à ce moment-là du nombre de jours dont le délai devrait être prolongé.
Je m'oppose à l'amendement pour deux raisons. D'abord, le Service correctionnel du Canada nous a dit que les contrevenants intéressés sont avisés un an à l'avance qu'ils peuvent se prévaloir du régime de la dernière chance. Le contrevenant reçoit donc, au bout de 14 ans, un avis officiel qui l'informe du fait qu'il dispose d'un an pour présenter une demande de libération en vertu de la clause de la dernière chance. Il est ensuite accompagné dans sa démarche, étape par étape, aux frais du contribuable.
Le Service correctionnel du Canada a également indiqué au comité sénatorial qu'il compte modifier les procédures à l'interne pour tenir compte des exigences de la nouvelle loi. Autrement dit, les contrevenants vont maintenant être avisés 90 jours plus tôt, ce qui porte le délai à un an et 3 mois. Donc, après avoir purgé 13 ans et 9 mois de prison, ils vont recevoir un avis les informant qu'ils disposent de 15 mois pour présenter une demande de libération anticipée.
À mon avis, cela leur donne amplement de temps pour préparer une demande. J'imagine mal qu'un détenu accusé de meurtre au premier degré passe 14 ans en prison sans envisager la possibilité qu'il puisse être remis en liberté. Il me semble qu'il a beaucoup de temps pour y réfléchir.
Ensuite, les amendements de fond proposés au projet de loi vont devoir être renvoyés au Sénat pour approbation, ce qui va entraîner un autre délai important. Or, ce projet de loi qualifié d'opportun doit être mis en place le plus tôt possible.
Malheureusement, chaque jour, chaque semaine, il y a des gens qui sont tués au Canada. Je ne veux pas que les contrevenants aient la possibilité de présenter une demande de libération, car il n'est pas dans l'intérêt du Canada et des victimes de leur permettre de faire une telle chose. Ce n'est pas non plus de cette façon que nous parviendrons à maintenir la confiance des Canadiens dans le système de justice pénale.
Pour ces raisons, je vais voter contre l'amendement.
Je veux poser une question aux représentants du ministère, car je tiens à ce que les choses soient claires. Si cet amendement est adopté, le délai de 90 ou de 180 jours va s'appliquer aux demandes qui sont présentées entre le moment où le projet de loi entre en vigueur et les 15 ans de prison qu'un meurtrier doit purger avant de pouvoir se prévaloir de ce droit. Est-ce bien cela?
Je ne sais pas si ma question est claire. Est-ce que cette disposition va s'appliquer immédiatement? Elle ne s'appliquera pas uniquement dans 15 ans.
Pour répondre à la question de M. Comartin, l'amendement va s'appliquer à toutes ces personnes. Un délai pourra être accordé à toute personne qui purge actuellement une peine d'emprisonnement, qui a commis une infraction mais qui n'a pas encore été déclarée coupable ou qui a été déclarée coupable mais qui n'a pas encore subi de procès.
La personne disposera, au bout de 15 ans de prison, de 90 jours pour présenter une demande, délai auquel viendra s'ajouter une autre période de 90 jours si elle n'a pas été en mesure de respecter la première échéance. Je présume que les détenus intéressés vont être informés du changement et du fait qu'ils doivent présenter leur demande à l'intérieur de cette période.
Encore une fois, pour que les choses soient claires, comme l'a indiqué M. Dechert, ces personnes vont... Le détenu qui, dans quelques mois, va avoir purgé 15 ans de sa peine va pouvoir bénéficier d'un délai de 90 ou de 180 jours pour présenter une demande si le projet de loi entre en vigueur dans les six mois à venir. C'est bien cela?
Oui, je veux répondre aux arguments invoqués par M. Dechert, au nom des conservateurs, pour rejeter l'amendement libéral qui propose de porter de 90 à 180 jours le délai fixé par le projet de loi S-6.
M. Dechert a laissé entendre que l'examen de l'amendement va retarder le processus d'adoption, qu'il va falloir renvoyer le tout au Sénat, que ce projet de loi important arrive à point nommé, qu'il faut agir vite.
Or, si le projet de loi est à ce point important, s'il constitue une priorité telle pour le gouvernement qu'il ne peut être renvoyé au Sénat même pour quelques jours, pourquoi a-t-il fallu attendre 99 jours à l'étape de la première lecture avant qu'un ministre ou un secrétaire parlementaire ne se lève en Chambre pour proposer la deuxième lecture du projet de loi, entamer le débat et renvoyer celui-ci en comité? L'opposition n'a pas retardé le débat à l'étape de la deuxième lecture. Après 99 jours d'attente, le gouvernement s'est enfin décidé à demander que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Nous n'avons eu que deux jours pour en discuter à la Chambre. Donc, le premier argument invoqué pour justifier le rejet de l'amendement ne tient pas.
Pour ce qui est de la deuxième raison avancée, à savoir que le Service correctionnel informe les détenus un an avant qu'ils aient purgé 15 ans de leur peine, il a raison. Toutefois, d'autres personnes nous ont dit qu'elles aident les détenus à préparer leur demande. Kim Pate, par exemple, a déclaré que dans certains cas — dans certains cas seulement —, en raison de la complexité de la question, du fait qu'il faut réunir des documents, les faire traduire, obtenir des réponses des provinces et territoires autres que ceux où le détenu purge sa peine, il faut plus d'un an pour préparer un dossier. Parfois, il en faut deux. Donc, le deuxième argument ne tient pas non plus, à mon avis.
J'invite le gouvernement à repenser sa position, le caractère urgent du projet de loi n'ayant pas été démontré. Il a attendu en fait 99 jours après la première lecture avant de demander à la Chambre que le projet de loi soit lu pour une deuxième fois. Grâce à la collaboration des partis de l'opposition, il n'a été débattu que pendant deux jours en seconde lecture avant d'être renvoyé à un comité. Le gouvernement devrait repenser sa position et appuyer l'amendement libéral.
Je suis d'accord avec M. Dechert. Il peut être dangereux, ces jours-ci, de renvoyer quelque chose au Sénat, compte tenu de ce qui est arrivé la semaine dernière au projet de loi de la Chambre des communes. Il a été rejeté par la majorité conservatrice à l'autre endroit avant même de faire l'objet d'un débat.
Des voix: C'est honteux.
M. Derek Lee: Je suis soulagé de m'être vidé le coeur.
Je tiens à dire que M. Dechert a décrit le délai d'un an, l'avis donné après 14 ans d'emprisonnement, comme étant une sorte de délai de prescription, sauf que ce n'en est pas un. Ce n'est pas du tout un délai de prescription, mais un avis d'un an qui est donné au détenu pour l'informer du fait qu'il aura l'occasion de se prévaloir du régime de la dernière chance pour modifier les restrictions relatives à sa libération conditionnelle, bien que 83 p. 100 des détenus ne présentent jamais de demande en vertu de cette clause. Il s'agit d'un avis qui a pour objet d'informer les détenus qu'ils peuvent commencer à préparer une demande, s'ils le désirent. Voilà l'explication qu'il faut retenir.
D'accord. Cet amendement libéral découle du témoignage de Sue O'Sullivan, ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. Elle a affirmé qu'elle était favorable à l'idée d'aviser les familles des victimes lorsqu'un contrevenant n'exerce pas son droit de présenter une demande en vertu du régime de la dernière chance. Les représentants des victimes ont dit la même chose. M. Dechert, M. Norlock et d'autres membres du Parti conservateur au sein du comité n'ont cessé de répéter que certaines familles éprouvent beaucoup d'anxiété à l'approche de la quinzième année de la peine d'emprisonnement, sachant que cette clause existe.
Nous croyons donc raisonnable de proposer que, lorsqu'un détenu n'exerce pas son droit de présenter une demande de libération anticipée en vertu du régime de la dernière chance et que le délai est expiré, le juge en chef de la province où a eu lieu la déclaration de culpabilité, ou son remplaçant, en avise aussitôt par écrit l'un des parents, l'enfant, l'époux ou le conjoint de fait de la victime ou, s'il est impossible de les aviser, un autre membre de sa famille. L'avis précisera la date à laquelle la personne déclarée coupable sera de nouveau admissible à présenter une telle demande.
Cette idée de les aviser de la nouvelle date d'admissibilité vient des témoignages que nous avons entendus, mais aussi des commentaires formulés par nos collègues conservateurs : ils ont mis en évidence l'anxiété qu'éprouvent les familles de victimes du fait qu'elles ne savent pas si un contrevenant va présenter une demande de libération anticipée en vertu du régime de la dernière chance, ou encore quand il va le faire, vu qu'aucun délai n'est fixé. D'où l'amendement que nous proposons. Et nous avons l'appui du Parti conservateur, du Bloc et du NPD à cet égard.
Monsieur le président, si l'amendement dont on débat actuellement était adopté, un nouveau paragraphe serait créé. Il ne s'agirait plus du paragraphe (2.7) de l'article 3, mais du paragraphe (2.8). Il faudrait l'indiquer et, bien sûr, l'insérer après le paragraphe (2.7).
Nous allons d'abord examiner l'amendement libéral no 3. Nous allons ensuite passer à l'article modifié et vous pourrez faire vos commentaires à ce moment-là.
J'aimerais poser une question. J'ai l'intention d'appuyer la motion, mais je présume, à la lecture de celle-ci, que le paragraphe modifié permet au juge en chef ou à son remplaçant d'avoir accès aux renseignements dont il a besoin pour communiquer avec la personne mentionnée ici. Je présume qu'il trouverait un moyen de la rejoindre.
Par ailleurs, je suppose que dans le cas d'un détenu qui n'est pas admissible à une libération conditionnelle avant 25 ans, deux avis seraient donnés: un premier après 15 ans d'emprisonnement, et un deuxième, après 20 ans d'emprisonnement. Au bout de 25 ans, le détenu pourrait présenter une demande de libération conditionnelle à n'importe quel moment, la clause de la dernière chance n'entrant pas en ligne de compte. Il présenterait tout simplement une demande après avoir purgé 25 ans de sa peine. Est-ce que ce raisonnement est juste?
Je vais d'abord répondre à la première partie de la question concernant les obligations imposées au juge en chef. Je comprends l'intention qui sous-tend la proposition d'aviser les victimes. Toutefois, le juge en chef de la province où a eu lieu l'infraction n'aurait pas ces renseignements en main. À l'heure actuelle, les victimes s'inscrivent auprès du Service correctionnel du Canada une fois que le contrevenant est déclaré coupable. Cela leur permet d'avoir accès à tous les renseignements le concernant, le SCC ayant tous les numéros de contact sous la main. Il se peut, par ailleurs, que les victimes demandent à obtenir les renseignements par l'entremise d'un tiers, d'une adresse de poste restante, par voie de courriel. Les renseignements sont tous conservés dans le registre. Ils ne sont pas remis au juge en chef.
Je ne dis pas qu'il faut donner au Service correctionnel du Canada le pouvoir d'aviser automatiquement le juge en chef de la province où l'infraction a été commise que le détenu va bientôt avoir purgé 15 ans de sa peine. Il est peut-être possible de le faire d'une autre façon. On arrive à le savoir, dans une certaine mesure, par l'avis que le SCC donne aux victimes qui sont inscrites. Il faudrait demander à nos collègues du SCC et des associations des juges en chef si cette démarche est faisable. Autrement, il pourrait être difficile d'imposer une telle obligation aux juges. Voilà pour le premier volet de la question.
En ce qui concerne l'avis lui-même — en supposant que le contrevenant est admissible à une libération conditionnelle après 15 ans —, il faudrait qu'il soit donné aux victimes avant que les 15 ans de prison ne soient purgés, bien que cette date, d'après certaines des discussions que nous avons eues avec elles au fil des ans, soit bien ancrée dans leur esprit. Elles sont au courant de l'existence de ce délai, et elles le voient arriver beaucoup trop rapidement. Toutefois, l'avis serait donné une première fois lorsque le détenu aurait purgé 15 ans de sa peine, et une deuxième fois, cinq ans plus tard.
Êtes-vous en train de dire que le SCC informerait de toute façon la victime inscrite que le contrevenant a purgé 15 ans de sa peine, et que si cet amendement est adopté, un deuxième avis serait envoyé par le juge en chef pour indiquer aux victimes que le détenu n'a pas présenté de demande, une fois le délai maximal expiré?
Ce que je dis, c'est que les victimes qui sont inscrites reçoivent du Service correctionnel, et ce, très tôt dans le processus, des renseignements concernant la peine purgée par le contrevenant. Les victimes inscrites obtiennent un avis au sujet de la libération prochaine d'un détenu. Celles qui ne sont pas inscrites ne reçoivent peut-être pas d'avis. Toutefois, je ne peux vous dire avec certitude qu'un juge en chef de la province aurait en main les renseignements lui permettant de remplir cette obligation.
Les propos de Mme Kane sont justes pour ce qui est de l'information transmise dans la situation où le prisonnier — le meurtrier reconnu coupable — dépose une demande. Mais à l'heure actuelle, si la personne signale aux agents des services correctionnels qu'elle ne présentera pas de demande, aucune information n'est communiquée. C'est ce que changera l'amendement de Mme Jennings.
J'aimerais savoir si elle serait prête à considérer un amendement qui consisterait à retirer ce pouvoir au juge en chef, à éliminer cette partie du paragraphe pour dire simplement que M. Head, le commissaire du Service correctionnel du Canada, sera chargé d'envoyer cet avis. Le Service correctionnel le fait déjà lorsqu'une demande est présentée. Si aucune demande n'est déposée, il ne le fait pas.
Mme Jennings me signale qu'elle serait d'accord avec un tel amendement, monsieur le président.
Oui, « ou son remplaçant ». On éliminerait cela pour dire: « le commissaire du Service correctionnel du Canada ou son remplaçant en avise aussitôt par écrit ».
Je ne sais pas si les membres s'en souviennent, mais M. Head a indiqué que le Service correctionnel du Canada procédait à une révision de sa politique concernant le niveau de communication de l'organisme avec les victimes et leurs familles, lesquelles sont plus élargies que les membres de la famille immédiate dont on parle ici. On examine la question.
Bien évidemment, cela fait partie d'une révision globale, mais je pense que nous devons en tenir compte. Encore une fois, c'est l'une des manières de procéder que nous pouvons mettre en place et qui, dans les faits — contrairement à ce que le gouvernement prétend pour tout le reste du projet de loi —, réduira une partie du stress qu'éprouvent les membres des familles. Avoir connaissance de cette information aidera beaucoup à atténuer leur stress. Donc, cette disposition sera très utile, surtout lorsqu'on regarde les chiffres, qui révèlent que près de 84 p. 100 de tous les individus reconnus coupables de meurtre au premier degré ne présentent jamais de demande. On pourra ainsi dire aux victimes qu'elles n'ont pas à se faire du souci, et que l'individu n'a pas présenté de demande.
Oui; ils concernent le paragraphe 745.6(2.4). J'ignore si le gouvernement le comprend mais, mais l'on se fie au scénario habituel que nous avons constaté grâce à toutes les données probantes que nous avons recueillies, on aura là une conséquence non voulue en ce qui a trait aux demandes déposées pour être libéré plus tôt.
Si vous regardez les statistiques sur les personnes ayant été mises en liberté et la durée de temps qu'il aura fallu avant leur libération, et surtout, si vous vous rappelez le témoignage de M. Sauvé quant au temps que cela a pris — il était l'un de ceux ayant fait une demande peu après les 15 années — vous vous rendrez compte qu'il aura fallu deux ans dans son cas.
Si on examine le scénario habituel, il en ressort très nettement que c'est lorsque le détenu approche de la 20e année — vers la 18e ou la 19e année — qu'il songe à présenter une demande. Mais dans les faits, beaucoup de ces détenus ne présentent pas de demande avant la 23e année. C'est le point où en sont rendus la grande majorité d'entre eux.
Il suffit de faire le calcul: la durée d'incarcération moyenne est de 25 ans, et il faut environ deux ans avant que les détenus soient libérés — c'était du moins le cas en 2009. Cela veut dire que le détenu moyen incarcéré pour un meurtre au premier degré dans ce pays n'aura pas présenté de demande avant la 23e année.
Cette disposition aux termes de laquelle on pourra présenter une demande une fois seulement — en fait, une seule demande est possible dès qu'on a franchi le cap des cinq années suivant la période de 15 ans — aura comme conséquence qu'un nombre bien plus élevé de détenus présenteront une demande pour être libérés plus tôt, parce que, comme ils approchent de la 19e année, ils le feront maintenant, autrement ils devront attendre à la 25e année. Nous verrons, j'en suis convaincu — et toutes les preuves vont dans ce sens —, qu'un nombre largement supérieur de demandes seront présentées non pas à la 23e, mais à la 20e année. On peut présumer que la grande majorité des requérants seront traités de la même manière que maintenant: un certain pourcentage se verra opposer un refus, mais la majorité d'entre eux sortiront de prison plus tôt que s'il n'y avait pas eu ce paragraphe.
C'est à cause de ce genre d'approche adoptée par le gouvernement, qui ignore les faits et les preuves probantes dont nous disposons, que nous nous retrouvons avec cette conséquence imprévue. Ce n'était certainement pas la conséquence souhaitée; on veut que les personnes soient détenues pendant toute la durée des 25 ans. Mais voilà ce qui se produira: il est tout à fait inévitable qu'au lieu de ce qu'on avait en 2009, lorsque le détenu moyen était libéré au bout de 25 ans, nous verrons que la durée de l'incarcération descendra à 22 ou 23 ans en moyenne.
Cet amendement vise seulement à rendre conforme le reste du projet de loi. Il était fondé sur l'espoir qu'il y aurait dans ce comité un appui suffisant envers la prolongation du délai de 90 jours à un maximum de 180 jours. Étant donné que la modification en ce sens a été adoptée par la majorité du comité, cet amendement est une suite logique de l'article 7 sous sa forme actuelle. Puisque l'article 6 parle d'un délai de 90 jours, cet amendement n'est qu'une simple correction pour qu'on y lise plutôt « 180 jours », comme c'est le cas également avec l'amendement libéral no 5.
Je pense qu'on avait demandé que nous nous occupions de ces amendements au moyen de votes distincts. Il s'agit d'amendements séparés, alors traitons-les comme tels par souci d'uniformité.
Nous sommes saisis de l'amendement libéral numéro 4. Y a-t-il d'autres remarques?
(L'amendement est adopté par six voix contre cinq.) [Voir le Procès-verbal]
Le président: Nous allons maintenant aborder l'amendement libéral numéro 5 qui, c'est tout à fait juste, a le même effet.
Nous allons maintenant nous pencher sur l'article 1, le titre abrégé. On a soumis un amendement, c'est-à-dire l'amendement LIB-1. J'ai une décision à rendre là-dessus.
L'amendement vise à modifier le titre abrégé. Aux pages 770-771 de la seconde édition de l'ouvrageLa procédure et les usages de la Chambre des communes, on peut lire ce qui suit: « Le titre ne peut être modifié que si les amendements apportés au projet de loi le justifient ».
De l'avis de la présidence, le projet de loi n'a subi aucune modification qui justifierait un changement au titre abrégé; par conséquent, l'amendement proposé est inadmissible. Cette décision est conforme à d'autres décisions que j'ai déjà rendues.
Donc, cet amendement est irrecevable. Ce qui veut dire que nous allons passer au vote sur l'article 1. Le titre abrégé est-il adopté?
Ceci est un vote par appel nominal.
(L'article 1 est rejeté par six voix contre cinq.)
Le président: Cela signifie que le projet de loi se retrouve sans titre abrégé.
Passons maintenant au titre lui-même. Le titre est-il adopté?
(Le titre est adopté par huit voix contre trois.)
(Le projet de loi S-6 modifié est adopté par huit voix contre trois.)
Le président: La présidence peut-elle faire rapport du projet de loi modifié à la Chambre?
Une voix: Non.
Le président: Nous pouvons certainement en arriver à une entente, ici.
Voulez-vous que nous recourions à un vote avec dissidence?
Une voix: Non.
Le président: Vous voulez un vote par appel nominal. D'accord.
(La question est adoptée par huit voix contre trois.)
Avant d'ajourner, je souligne qu'à notre prochaine séance, nous étudierons le projet de loi C-21. La greffière a demandé que, si possible, vous lui fassiez parvenir vos amendements au projet de loi C-21 d'ici demain midi, afin que nous puissions les examiner et, j'espère, les soumettre à notre conseiller juridique également.