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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai le plaisir d'être accompagné aujourd'hui du sous-ministre adjoint, Don Piragoff. Je comparais de nouveau devant vous pour vous aider dans votre examen du projet de loi qui apporte des modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Les réformes proposées à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qui figurent dans le projet de loi C-4, la Loi de Sébastien (protection du public contre les jeunes contrevenants violents), se fondent sur ce qui a été dit au cours des consultations pancanadiennes sur les décisions des tribunaux et les opinions exprimées par les Canadiens qui s'intéressent à ces questions, soit dans des mémoires écrits ou à l'occasion de discussions avec moi et d'autres personnes.
Pour élaborer ces réformes, j'ai tenu des consultations avec divers intervenants du système de justice pour adolescents dans chaque province et territoire du pays. De plus, j'ai demandé et reçu des mémoires écrits, par la poste et par courrier électronique, avant de déposer le projet de loi.
Pour placer les choses dans leur contexte, après plus de cinq ans d'expérience avec la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, j'ai lancé un réexamen de la loi en février 2008. Cela a commencé par une réunion avec les procureurs généraux des provinces et des territoires pour discuter de la portée de cet examen et inviter les ministres provinciaux et territoriaux à mettre en lumière les problèmes reliés à la loi qu'ils jugeaient les plus importants.
En mai 2008, j'ai commencé une série de tables rondes, aux quatre coins du pays, qui étaient généralement présidées par des ministres des provinces et des territoires, pour entendre le point de vue des spécialistes du système de justice pénale pour les adolescents, des intervenants de première ligne et des autres personnes intéressées au sujet des questions problématiques et des améliorations qui pouvaient être apportées aux dispositions et aux principes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Nous avons également cherché à obtenir les opinions des personnes et des organismes intéressés par l'entremise du site Web du ministère de la Justice, ainsi qu'à l'occasion de réunions en personne, ou par écrit.
Cet examen et les autres consultations ont permis de recueillir et d'examiner toutes sortes de points de vue différents, y compris ceux de la police et du milieu juridique, des Autochtones, des jeunes qui se retrouvent dans le système de justice pour les adolescents et des autres intéressés.
Les résultats montrent que la plupart des provinces et des intervenants croient que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents fonctionne bien pour la majorité des adolescents qui commettent des actes criminels; ils ont toutefois émis des préoccupations au sujet du petit nombre d'adolescents qui commettent des crimes graves et violents ou qui sont des récidivistes
Également, même si le but de la loi est d'appliquer aux jeunes délinquants des sanctions, autres que la prison, qui favorisent leur réadaptation, certains estiment que la loi a imposé des obstacles qui pourraient empêcher les tribunaux d'ordonner la détention d'un adolescent qui devrait recevoir cette peine. Également, ils estiment que même s'il est possible d'imposer des peines pour adultes aux adolescents âgés de 14 ans et plus lorsque c'est approprié, cette possibilité n'est pas toujours envisagée, même dans les cas les plus graves. Des inquiétudes ont été exprimées au sujet des jeunes qui commettent des actes de violence ou des infractions répétées et qui peuvent avoir besoin d'une approche plus ciblée pour que le public soit protégé.
Par exemple, certains s'inquiétaient que des adolescents violents puissent éviter la détention grâce à la mise en liberté sous caution. On craint que ces adolescents puissent commettre une infraction grave ou avec violence en attendant leur procès. La loi actuelle au sujet de la détention avant le procès est jugée trop compliquée aux yeux de certaines personnes. Ces complications augmentent le risque que des adolescents, qui devraient être placés sous garde en attendant leur procès, soient libérés et récidivent, parfois avec des conséquences fatales.
Comme vous le savez pour avoir entendu le témoignage du juge Nunn et d'autres témoins qui ont comparu au sujet de ce projet de loi, en Nouvelle-Écosse, la Commission d'enquête Nunn s'est penchée sur le cas d'un adolescent qui après avoir été libéré, a volé une voiture et a été impliqué dans un accident d'automobile dans lequel une personne a été tuée.
Les réformes proposées simplifieraient beaucoup le processus de mise en liberté provisoire. La nouvelle loi inclura un critère très simple. Si l'adolescent est accusé d'avoir commis une infraction grave, il peut être détenu en attendant son procès s'il semble probable qu'il mettra le public en danger en commettant une autre infraction grave s'il est libéré.
Dans l'ensemble, compte tenu de tout ce qui a été dit au cours des discussions en table ronde, de même que dans le site Web, par écrit et verbalement, nous avons estimé que même si la loi fonctionne bien pour la plupart des adolescents, certains de ses éléments doivent être renforcés pour que les jeunes qui commettent des infractions graves, violentes ou répétées fassent l'objet de peines et d'autres mesures en rapport avec la gravité de leurs actes et leur degré de responsabilité.
Les réformes proposées répondent à ces préoccupations. Les principes de la loi seront modifiés de façon à faire de la protection de la société un objectif explicite. La dissuasion et la dénonciation feront partie des principes de détermination de la peine. Non seulement les adolescents qui commettent des infractions avec violence ou qui récidivent pourront faire l'objet d'une peine de détention, mais cela s'appliquera également à ceux qui ont déjà fait l'objet, à plusieurs reprises, de sanctions extrajudiciaires.
La définition d'une « infraction avec violence » sera élargie pour inclure les infractions dans le cadre desquelles un adolescent inflige, cherche à infliger ou menace d'infliger des lésions corporelles ou met le public en danger. Pour faire en sorte que des peines pour adultes soient imposées si les circonstances le justifient, dans les cas où l'adolescent est reconnu coupable d'avoir commis une infraction grave avec violence, ce qui est défini dans le projet de loi comme un meurtre au premier ou au deuxième degré, une tentative de meurtre, un homicide involontaire coupable ou une agression sexuelle grave, la poursuite devra déterminer s'il y a lieu de demander une peine applicable aux adultes, et si elle décide de ne pas le faire, elle devra en aviser le tribunal. Les provinces auront la possibilité de continuer à fixer l'âge auquel s'appliqueront ces exigences à 14, 15 ou 16 ans.
Des changements seront également apportés aux dispositions concernant la publication. En plus de maintenir la levée de l'interdiction de publication lorsqu'une peine applicable aux adultes est imposée à un adolescent, la nouvelle loi exigera que les juges déterminent s'il y a lieu de lever l'interdiction de publication dans le cas de toute condamnation pour infraction avec violence faisant l'objet d'une peine applicable aux adolescents.
D'autre part, il faudra tenir un dossier des mesures extrajudiciaires prises par les corps de police. Ce dossier permettra d'établir plus facilement la récidive. Cette disposition est reliée aux modifications visant la détermination de la peine en ce qui concerne les sanctions extrajudiciaires.
Un autre changement porte sur les adolescents qui purgent une peine de placement sous garde. Le projet de loi précise clairement qu'aucun jeune âgé de moins de 18 ans ne sera incarcéré avec des criminels endurcis dans un établissement pour adultes. Bien entendu, les adolescents peuvent toutefois être transférés dans un établissement pour adultes lorsqu'ils deviennent adultes. Tous les jeunes âgés de moins de 18 ans purgeront toute peine de placement sous garde dans un établissement pour adolescents, à l'écart des délinquants adultes.
En plus des opinions exprimées à l'occasion des consultations avec les intervenants, les décisions des tribunaux ont joué un rôle essentiel dans l'élaboration du projet de loi . En particulier, les modifications qui répondent à la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans la Reine c. D.B. suppriment les dispositions concernant les infractions désignées et clarifient quels sont les critères et qui a le fardeau de la preuve pour l'imposition de peines applicables aux adultes.
En mai 2008, la Cour suprême du Canada a jugé que certaines dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents violaient l'article 7 de la Charte. Ces dispositions obligeaient l'adolescent déclaré coupable d'une infraction désignée à démontrer pourquoi il fallait lui infliger une peine applicable aux adolescents plutôt qu'une peine applicable aux adultes et pourquoi il fallait maintenir l'interdiction de publication. Les modifications que nous proposons supprimeront de la loi les dispositions prévoyant des infractions désignées ainsi que d'autres articles inopérants.
La loi sera également modifiée de façon à clarifier les critères pour l'imposition d'une peine applicable aux adultes et fera en sorte que ce soit à la Couronne de convaincre le tribunal que ce type de peine est approprié. Nous proposons aussi des modifications pour assurer l'application des dispositions de calcul de la réduction de peine lorsqu'un adolescent, qui a atteint l'âge adulte, est transféré dans un établissement correctionnel pour adultes pour y purger le reste de sa sentence.
Pour conclure, les réformes prévues dans ce projet de loi se fondent sur l'ensemble des opinions qui ont été exprimées un peu partout dans le pays: les consultations, les décisions des tribunaux et les opinions des Canadiens qui s'intéressent à ces questions et qui ont été exprimées soit par écrit, soit à l'occasion de discussions avec moi-même ou d'autres personnes. Ces modifications doteront notre pays d'un système de justice pénale pour les adolescents plus équitable et plus efficace qui obligera les jeunes à assumer les conséquences de leur comportement criminel et favorisera leur réadaptation et leur réinsertion sociale afin d'améliorer la protection du public.
Merci.
Je voulais seulement bien préciser quelles questions j'ai l'intention de poser et avertir les membres du comité que si nous n'obtenons pas la réponse à ces questions — pas la totalité aujourd'hui, bien sûr, mais en temps voulu — j'ai l'intention de proposer une motion à cet égard.
Pour être plus précis et en guise de préambule, voici les six questions pour lesquelles je voudrais obtenir une réponse. Je vais les poser au fur et à mesure.
Merci d'être venu ici aujourd'hui.
Pour commencer, monsieur le ministre, j'ai quelques réserves au sujet des dates. Vous avez tenu vos audiences entre mai 2008 et août 2008. Vous êtes allé dans chaque province et territoire. Je suppose que vous vous être rendu dans un seul endroit à chaque fois, mais cela fait partie de ma question, car je voudrais savoir si vous êtes allé dans plusieurs villes d'une même province ou d'un même territoire. J'ai l'impression — et c'est une question que je vous pose — que le rapport a été préparé, en fait, le 5 mars 2009. Il y a une date au bas de la page, mais pourtant, vous ne mentionnez pas que ce rapport est daté du 5 mars 2009 dans la lettre que vous avez envoyée, avec le rapport, à M. Fast.
Voici ma première question: ce rapport a-t-il effectivement été préparé en mars 2009? Ce rapport a-t-il été préparé le 5 mars 2009? Si c'est le cas, pourquoi avons-nous dû proposer une motion le 17 juin 2010 et attendre votre comparution en décembre 2010? Monsieur le ministre, je sais que les beaux discours abondent à l'autre endroit, à la Chambre, et que tout le monde se laisse un peu emporter par un certain lyrisme, mais le mot « retard » est un euphémisme que vous utilisez souvent. Il y a eu un sérieux retard, c'est le moins qu'on puisse dire. Si les audiences ont pris fin en août 2008, le rapport aurait pu être préparé — et il semble qu'il l'ait été — en mars 2009. Nous l'avons demandé en juin 2010 et c'est seulement maintenant, en décembre 2010, qu'on parle de nous donner des réponses précises.
A-t-il été effectivement préparé en mars 2009?
Tout d'abord, pour répondre à votre première question, nous avons commencé nos audiences à Vancouver, en Colombie-Britannique, en mai 2008. De là, je suis allé à Edmonton, Regina, Winnipeg, Halifax, Montréal, Toronto, St. John's, Charlottetown, Moncton, le Nunavut, Yellowknife et Whitehorse et j'ai terminé ma tournée le 22 août 2008.
Qui y a participé? J'ai invité les ministres des provinces et des territoires à se joindre à moi pour être les hôtes de cette consultation dans chaque province et territoire. La plupart d'entre eux ont pu le faire, mais pas tous. Les participants représentaient la magistrature; les avocats de la Couronne; les avocats de la défense; les services d'aide juridique; la police; la GRC; les universitaires; les ONG; les chercheurs; les psychologues; les défenseurs des droits des enfants; les spécialistes de l'enfance et de la santé mentale; les programmes de justice pour adolescents ainsi que les autorités municipales, provinciales et territoriales.
Les participants n'avaient pas l'obligation de présenter un mémoire écrit. La plupart d'entre eux sont venus discuter de leur expérience du système de justice pénale pour les adolescents. Ils ont fait des suggestions au sujet de ce qu'il fallait modifier ou ne pas modifier, mais nous en avons discuté.
Comme je l'ai dit, le rapport que vous avez sous les yeux est une compilation des résultats et des opinions que nous avons reçus.
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Monsieur le ministre, vous avez choisi, pour le titre abrégé de cette loi, le nom de Sébastien.
Le jeune Sébastien Lacasse, un résidant de ma circonscription, a subi une attaque très vicieuse de la part de plusieurs jeunes, dont un seul avait moins de 18 ans. Pourtant, c'est lui qui a donné les coups de couteau fatals au jeune Sébastien. Ce jeune a comparu devant le Tribunal de la jeunesse, mais on lui a imposé une peine d'adulte.
Or, l'article 18 de votre projet de loi vise à modifier l'article 72 de la loi pour que les juges ne puissent imposer une peine pour adulte que s'il n'existe aucun doute raisonnable. Donc, vous prenez un cas qui démontre que la loi fonctionne, puisque le jeune a reçu une peine pour adulte. Cependant, plusieurs personnes à qui j'ai parlé, qui connaissent bien la cause en question, m'ont dit que, selon le projet de loi proposé, il serait plus difficile, voire improbable, que le juge impose une peine d'adulte.
Quelle est l'idée de modifier une loi qui fonctionnait bien et de lui donner le nom de Sébastien?
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Vous avez mentionné la page 3 du document et il y a eu ensuite beaucoup de discussions concernant les délinquants récidivistes et violents, ce qui amène certaines personnes à penser qu'il est nécessaire de modifier la LSJPA pour renforcer la notion de sécurité publique.
En fin de compte, monsieur le président, la responsabilité repose sur les épaules de ceux qui sont au gouvernement et qui doivent faire preuve de leadership. Il n'y a pas toujours un consensus total sur toutes ces questions et même si j'ai dit, en présentant ce projet de loi au Parlement, qu'en général le système fonctionne bien et qu'il y a un grand nombre d'éléments très positifs dans le système de justice pénale pour les adolescents au Canada, des changements doivent être apportés et je suis prêt à les proposer. Ma tournée pancanadienne au cours de laquelle j'ai consulté les gens au sujet de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents s'inscrit dans cette démarche.
Bien entendu, des gens ont adressé des mémoires à moi-même, au ministère, à mes collègues et aussi à vous, j'en suis sûr, pour suggérer les changements qu'ils désiraient ou formuler des observations, des critiques ou des compliments à l'égard du système existant. Nous avons le rapport Nunn, qui est l'une des études déterminantes dans ce domaine et, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, lorsque la Cour suprême du Canada invalide des articles ou fait certaines observations, nous sommes dans l'obligation d'y répondre.
Tout cela entre en ligne de compte, mais finalement, il s'agit de faire preuve de leadership et d'agir pour améliorer le système de justice pénale de notre pays.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je suis très contente que vous soyez ici, car j'ai une certaine expérience dont je voudrais vous faire part, si vous le permettez. Avant d'être élue députée, j'étais policière et j'ai eu le plaisir d'être choisie par le chef de police de Winnipeg pour être l'un des formateurs pour l'application de la LSJPA lorsqu'elle a été promulguée.
J'ai donc travaillé en collaboration étroite avec les procureurs de la Couronne, etc., qui ont appliqué la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents dans notre province. Ils ont dû prendre des décisions à partir des lignes directrices au sujet des formulaires de renonciation et de ce genre de choses. J'ai eu le plaisir d'être consultée sur un certain nombre de facettes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Comme j'ai formé les policiers du Service de police de Winnipeg, j'ai pu voir, je dois le dire, que cette loi allait nous causer énormément de problèmes avec nos adolescents.
Nous pouvions voir, dès le départ, que nos adolescents seraient victimes de certaines lacunes, qu'il y aurait énormément de paperasserie, que ce ne serait pas dans l'intérêt de nos adolescents et qu'ils seraient exploités par des adultes qui verraient la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents comme un moyen d'utiliser nos enfants pour commettre des infractions graves pour lesquelles ils s'exposeraient à de lourdes sanctions. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents allait leur permettre d'utiliser les enfants pour commettre ces infractions en sachant très bien qu'il n'y avait pas de dissuasion, pas de dénonciation et pas de sanction. Malheureusement, nos prédictions se sont confirmées.
Je dois dire que c'est sans doute une des pires lois auxquelles j'ai été confrontée en tant que policière qui devait appliquer la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Je me réjouis donc de participer à cette discussion, en tant que députée, car j'espère pouvoir revenir avec des outils que je pourrais utiliser pour protéger nos enfants — tous nos enfants — car certains de ceux qui ont des démêlés avec la justice ne le font pas volontairement. C'est parce qu'ils ont été exploités.
Je voudrais vous expliquer exactement ce qui se passait lorsque les avertissements, les mises en garde et le programme de renvoi est entré en jeu dans le cadre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. J'arrêtais un enfant pour une affaire de drogue. La loi disait que je devais l'avertir. Avez-vous déjà vu un policier donner un avertissement, monsieur?
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C'est tout. Si vous voulez voir à quoi ressemble un avertissement, en voici un: Donne-moi ta drogue, je te conduis chez toi et ne recommence plus.
Je dois dire que cela me brisait le coeur. Je savais que ces jeunes allaient servir de mules. Cmise'est ce qui est arrivé. Nous avions des criminels adultes qui disaient à ces enfants vulnérables: « Je vais te donner 50 $ si tu vas voler un tube de dentifrice chez Safeway. » Le pauvre enfant vulnérable, qui n'a peut-être pas mangé depuis deux jours, fait exactement ce qu'on lui demande et reçoit 50 $, ce qui est une somme énorme pour ces enfants.
Ensuite, le criminel dit à cet enfant: « Tu auras 50 $ si tu viens avec moi dans cette maison; nous allons aller voler un tube de dentifrice ». C'est ce qui se passe. Ensuite, ce sera: « Tu auras 50 $ de plus si tu y vas seul. Tu auras 100 $ si tu livres ce paquet. » L'enfant est maintenant un vendeur de drogue.
En vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les jeunes délinquants, chaque fois que j'attrapais un jeune en possession de drogue, il ne recevait pas de punition. Il n'y avait aucun facteur de dissuasion pour ce jeune. Il n'y avait rien. Cela a convaincu un grand nombre d'adolescents à continuer. J'avais pitié d'eux, mais nous avons continué à jouer notre rôle de policier parce que nous étions chargés d'appliquer la loi.
Je vous ai parlé de la Loi de Sébastien. Récemment, j'étais au tribunal avec des voisins que je connais depuis mon enfance. Leur fils été assassiné. Il a été tué par un jeune de 17 ans. Deux mois après avoir été reconnu coupable, ce jeune a été libéré sous caution et, à 18 ans, il a poignardé quelqu'un d'autre, qui a failli en mourir.
Je vous demande, monsieur le ministre, ce qu'il serait advenu de cet accusé de 17 ans si la Loi de Sébastien avait été en vigueur à ce moment-là. Que se serait-il passé s'il s'agissait d'un adolescent ayant déjà un casier judiciaire, qui était accusé d'avoir tué une autre personne? Aurait-il retrouvé la liberté au bout de deux mois ou les conditions rigoureuses de libération sous caution que vous proposez auraient-elles pu éviter que la prochaine victime, qui a failli mourir, soit blessée?
Pour ce qui est du rapport, et c'est la raison pour laquelle vous êtes ici aujourd'hui, monsieur le ministre — et je vous remercie — les passages cités par M. Ménard et M. Comartin sont extraits de ce rapport. Ce rapport prétend refléter fidèlement ce qui a été dit pendant ces consultations qui ont eu lieu de mai 2008 à août 2008, pour répéter les dates que vous nous avez données.
Les deux dernières phrases de la page 1 du rapport sont ainsi formulées:
Une loi ne peut ni prévenir ni réduire la criminalité, ni protéger la population. Le fait de modifier une loi ne modifiera pas les comportements. On ne devrait pas modifier la LSJPA pour le simple plaisir du changement.
Et par-dessus le marché:
Le consensus indiscutable, c'est que les lacunes perçues ne sont pas dans la loi, mais dans le système.
Ce n'est pas moi qui le dit. Ce n'est pas M. Ménard qui le dit. Ce n'est pas M. Comartin qui le dit. C'est le rapport qui prétend refléter fidèlement ce qui a été dit au cours de ces consultations dans chaque province et territoire au sein du groupe de participants dont vous avez parlé. Sans citer le nom des organismes et des personnes en question, ce rapport précise bien:
Le consensus indiscutable, c'est que les lacunes perçues ne sont pas dans la loi, mais dans le système.
Je tenais à le souligner.
Deuxièmement, j'ai entendu Mme Glover relater son expérience de policière du Service de police de Winnipeg chargée d'appliquer la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Si l'on parle aux policiers, que ce soit ceux de la Police municipale du Québec ou de la Police provinciale du Québec, ce n'est pas ainsi que les choses se passent lorsqu'ils arrêtent des adolescents en possession de drogue douce. Ils ne disent pas: « Donne-moi la drogue. Je vais te conduire à la maison. S'il te plaît, ne recommence pas ». Ce n'est pas le cas.
Pourquoi n'est-ce pas le cas? C'est parce qu'avec l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants, le Québec a mis en place tout un système de prévention, pour travailler avec les enfants et les familles à risque, ainsi que le programme de services sociaux, les programmes de santé et la police et c'est pourquoi, quand la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est entrée en vigueur, nous avions déjà les services externes que la majorité des participants ont jugé nécessaires, d'après ma lecture du rapport. Le problème est que les ressources ne sont pas allées là où elles auraient dû aller pour assurer l'efficacité de cette loi, c'est-à-dire vers les services à la famille, la protection de l'enfance et les programmes de santé. Il y avait un manque de ressources.
Au Québec, c'est difficile, mais les ressources ont été mises en place et les programmes existent. Il n'y en a peut-être pas autant que nous le souhaiterions, mais les policiers ne vont pas dire et faire ce que Mme Glover a dit qu'on faisait à Winnipeg, et je m'en réjouis.
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C'est dommage, monsieur le ministre. J'aime vous écouter, parce que vous savez exactement où aller puiser pour nous faire enrager. C'est exactement ce que vous faites et c'est très brillant.
C'est dommage que ma collègue Mme Glover n'ait pas lu le rapport. Si elle l'avait lu, elle se serait rendu compte que la réalité dont elle dit être témoin au Manitoba — moi, je n'y suis pas, mais elle y est — ne correspond pas du tout à ce que j'ai lu.
On parle beaucoup des Autochtones, par exemple. On parle beaucoup des difficultés et des crimes violents. Toutefois, il ne faut pas seulement prendre un paragraphe isolé comme vous le faites, monsieur le ministre. Il faut aussi lire l'ensemble.
Par exemple, le rapport dit ceci: « Des participants ont exprimé leurs préoccupations à l'égard de la surreprésentation des jeunes Autochtones dans le système judiciaire pour les jeunes. » C'est bizarre, mais je ne vois pas du tout, mais pas du tout, d'où Mme Glover a tiré les informations qu'elle a données dans son exposé.
Je vous ai écouté et vous avez dit que ceux qui étaient présents, dans le cadre de votre tournée ministérielle partout au Canada, sont ceux qui sont engagés au quotidien dans l'application de la loi. Alors, ils vous parlent de « messages cohérents de l'ensemble des provinces et des territoires » et de « [p]eu d'appui en faveur de modifications de la LSJPA pour le moment ». Cela ne vient pas de moi; c'est écrit dans le rapport.
Il y a toute une section qui s'intitule: « Nécessité d'un filet de sécurité sociale solide à l'appui de la mise en oeuvre de la LSJPA ». C'est le fruit de vos consultations, monsieur le ministre. Il y en a une autre intitulée « Appui en faveur de l'examen des dispositions visant la détention préalable au procès ». Cela fait votre affaire. Il y a des petits bouts intéressants. Or plus loin, on dit ceci, et écoutez bien, car j'insiste: « Aucun appui en faveur de l'adoption de la dissuasion à titre de principe de détermination de la peine ». Ce n'est pas moi qui le dis. Wow! monsieur le ministre.
On dit aussi que « [le]s programmes sont essentiels à l'efficacité » et on fait le « [r]ésumé des autres opinions ». Il faut lire tout le rapport. Je l'ai lu trois fois et, juste au cas où, par malheur, la version anglaise ne serait pas bonne, je l'ai lu en français et en anglais. Je peux vous assurer que ce rapport n'abonde pas dans le sens de votre projet de loi.
Je vous pose ma question. Pourquoi ne pas vous inspirer, même si je sais que cela ne fait pas votre affaire, de la situation du Québec qui connaît un succès phénoménal, comme c'est écrit partout dans le rapport, en réhabilitation des jeunes contrevenants? Je vous pose la question. Pourquoi défaire quelque chose qui fonctionne bien? Tout le monde vous demande de ne pas toucher à cette loi. Donnez-lui le temps de vivre. Cinq ans, c'est trop court. Ce sont les juges qui vous le disent, monsieur le ministre.
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Merci, monsieur le président. Je sais que j'ai seulement peu de temps à ma disposition, mais j'ai tellement de choses à dire.
En ce qui concerne ce que Mme Jennings a dit, de toute évidence, elle ne comprend pas ce qu'est l'avertissement, la mise en garde et le renvoi parce que ce n'est pas une arrestation. C'est un très long processus. Je décrivais seulement ce que nous faisons lorsque nous avertissons et nous mettons en garde.
Il est très frustrant pour des policiers d'avoir à appliquer la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, car il faut en moyenne environ six à huit heures pour traiter le cas d'un jeune délinquant. En vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, il y a différentes étapes à suivre, y compris un formulaire de renonciation de deux pleines pages que vous devez examiner avec l'adolescent je ne sais combien de fois. Cela prend énormément de temps. Les adolescents ont le sentiment d'être soumis à des pressions trop fortes. Cela ne les aide vraiment pas.
Je tiens à préciser que cela prend environ six à huit heures. Nous n'avons pas six à huit heures à consacrer à une arrestation, mais quand vous donnez un avertissement ou faites une mise en garde à un adolescent, personne, ni le juge, ni le gouvernement, n'a le droit de dire aux parents qu'ils doivent prendre certaines mesures. Nous ne pouvons pas leur dire de s'adresser à certains services. Nous pouvons seulement faire des recommandations; nous leur donnons la liste des ressources, mais quand il s'agit d'un avertissement et d'une mise en garde, rien n'oblige ces enfants à suivre un programme utile.
De plus, la loi prévoyait que chaque province créerait des programmes, mais dans ma province, aucun programme n'a été créé alors que la LSJPA est en place depuis plusieurs années. Les policiers n'ont donc pas d'endroits où diriger ces jeunes. N'oubliez pas non plus que le gouvernement a décidé d'augmenter chaque année de 3 p. 100 les paiements de transfert social. Je pense que nous en sommes arrivés à une augmentation de 30 p. 100. S'il n'y a pas de programmes, nous devrions questionner les provinces à ce sujet.
Je voudrais en revenir au rapport. M. Lemay se trompe. Tous ces jeunes à qui j'ai confisqué la drogue sont les jeunes Autochtones, les enfants vulnérables qui se sont retrouvés en prison parce qu'ils ont été exploités par les criminels, et c'est inacceptable. Voilà pourquoi la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est un énorme échec: ces enfants autochtones n'auraient jamais été exploités si nous avions eu pour priorité la dissuasion, la dénonciation et la sécurité du public.
Le rapport dit exactement ce que vous dites, monsieur. Il dit: « La surreprésentation des jeunes Autochtones au sein du système de justice est une préoccupation » parce qu'ils ont été exploités à cause de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Quoiqu'il en soit, je voudrais reparler de Paul Cherewick et du meurtre de mon voisin. La recommandation concernant la sécurité publique, que vous venez de citer, monsieur le ministre, est extrêmement importante. Pour ce qui est de la sécurité publique, le jeune homme de 17 ans qui était responsable de ce meurtre a été libéré sous caution et quand il est sorti il a presque tué une autre personne. Si l'on avait tenu compte de la sécurité publique, pensez-vous que cela aurait pu être évité?
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Madame Glover, je fais très attention à ne jamais parler d'un cas précis. Quand vous avez abordé cette question avec moi, j'en ai parlé en termes très généraux, comme je le fais toujours en pareille circonstance.
Je pense toutefois que vous avez soulevé un excellent argument en ce qui concerne les Canadiens autochtones, car ce rapport dont nous citons seulement des passages ici, dit à la page 9: « Les politiques et les programmes doivent être adaptés aux différences culturelles et il faut accorder davantage d'attention à la participation des jeunes Autochtones à toutes les étapes. » C'est une des raisons pour lesquelles je donne raison au gouvernement d'avoir alloué de l'argent au Fonds du système de justice pour les jeunes et pour la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones qui relève du ministère de la Justice. J'ai toujours appuyé ces initiatives.
Vous pouvez peut-être critiquer certains aspects de ce que font les provinces, mais j'ai toujours soutenu et apprécié ce qu'elles font. Contrairement à ce qu'a dit M. Lemay, je suis très satisfait de ce que fait le Québec et j'ai pris grand soin, en élaborant cette loi, de ne pas nous ingérer dans ce que la province fait à cet égard. J'ai été très attentif à cela, car tout ce que font les provinces… Comme vous l'avez constaté quotidiennement, ce sont les gens comme vous, les forces de police municipale et provinciale qui ont affaire à ces jeunes.
Oui, le gouvernement fédéral accorde son soutien. J'ai le plaisir de dire que, chaque année, le gouvernement fédéral accorde un financement de 177 millions de dollars pour les services à la jeunesse; je suis pour. Je suis pour cela tout comme je suis pour l'augmentation du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, car je veux que cet argent serve à aider les jeunes. À part le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, j'approuve tout à fait l'octroi de ces 177 millions de dollars aux provinces, car je veux soutenir leurs programmes dans ce domaine.
Je suis un ardent défenseur de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones et du financement du Fonds du système de justice pour les jeunes. Pourquoi? C'est parce que nous voulons aider ces personnes, parce que nous croyons qu'il est plus facile de réadapter un jeune de 17 ans qu'un délinquant de 47 ans. Nous voulons que tous mènent une vie productive dans la société, mais plus nous aidons les gens quand ils sont jeunes…
Par conséquent, j'ai toujours apprécié que les provinces travaillent dans leurs champs de compétence; j'ai toujours été pour. Et c'est ce que j'ai fait valoir aux procureurs généraux des provinces: dans la mesure où vous mettez en place des programmes adaptés aux jeunes Autochtones et aux autres, dans la mesure où vous faites le nécessaire dans ces domaines et où vous consacrez des ressources…
Je les ai beaucoup soutenus et ils n'ont pas seulement reçu une carte de Noël de moi ou du gouvernement. Nous veillons à ce qu'ils obtiennent des fonds du gouvernement fédéral et je pense que c'est de l'argent dépensé à bon escient. Nous dépensons de l'argent pour aider ces jeunes.
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Nous reprenons la séance. Nous procédons à l'étude article par article du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale en conséquence.
Des fonctionnaires du ministère de la Justice et du ministère de la Défense nationale sont ici pour nous aider. Il y a d'abord, John Giokas, du ministère de la Justice, qui est avocat à la Section de la politique en matière de droit pénal.
C'est un plaisir de vous revoir.
Il y a également, Bruce MacGregor, du ministère de la Défense, qui est directeur juridique de la Justice militaire, politique et recherche.
C'est également un plaisir de vous revoir.
Vous avez sous les yeux deux amendements, LIB-1 et LIB-2 et nous allons les désigner comme tels.
Tout d'abord, conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, l'examen de l'article 1 a été différé et nous en sommes à l'article 2
Tout le monde est-il prêt à procéder à l'étude article par article?
Voulez-vous discuter de l'article 2?
Monsieur Comartin.
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Merci, monsieur le président.
Au cours des témoignages, nous avons été frappés, je pense, par le fait que dans certains cas, nous aimerions qu'un juge ait la possibilité, comme le prévoit le projet de loi, d'aller jusqu'à 50 ans — et je parlerai en premier des meurtres au premier degré — pour l'inadmissibilité à la libération conditionnelle, s'il y a eu deux meurtres, par exemple.
Toutefois, le juge devrait avoir le choix entre 25 ans et 50 ans dans le cas d'un meurtre au premier degré. Nous avons entendu le témoignage très révélateur d'un avocat de la défense expérimenté et je ne pense pas qu'il ait fait preuve de parti pris quand il a dit que s'il a le choix entre 25 et 50 ans, dans la plupart des cas, le juge choisira les 25 ans au nom du principe de la retenue judiciaire. Je me suis dit qu'on risquait de perdre de vue l'essentiel. Si nous voulons conférer aux juges un véritable pouvoir discrétionnaire, il faudrait qu'ils puissent choisir entre 25 et 50 ans.
Je n'oublie pas, et c'est ce que diront mes amis d'en face, qu'un grand nombre d'autres témoins — particulièrement les représentants des victimes — souhaitent maintenir cette période à 50 ans. Je le comprends, car ils veulent que la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle soit plus longue. Je dirais ceci. En tant que législateurs, n'oublions pas que nous ne répondrons peut-être pas aux désirs des victimes en faisant ce qu'ils nous demandent de faire. Si vous savez que le principe de la retenue judiciaire interviendra, un juge pourra choisir les 25 ans au lieu des 50 ans.
Je voudrais citer de nouveau l'exemple, dont je vous ai souvent parlé, des deux policiers de ma région qui en 1974, ont été tués, assassinés de sang-froid, de façon préméditée, de la façon la plus haineuse qui soit et ont été enterrés dans une fosse peu profonde. J'ai grandi avec un de leurs enfants. Il est devenu joueur de hockey dans la NHL et c'est un très bon gars. Mais cette affaire a été vraiment horrible pour la population locale. Je pense que s'il en avait eu l'occasion, le juge aurait pu choisir les 50 ans. C'est très bien, mais dans de nombreux cas de double meurtre, comme il en était question dans les témoignages, il s'agit de crimes passionnels, de meurtres reliés à la drogue, ce qui n'excuse rien, mais un juge peut exercer son pouvoir discrétionnaire et choisir entre 25 et 50 ans, dans certains cas. À mon avis, cela permet de réaliser ce que le gouvernement désire faire, c'est-à-dire donner, apparemment, un pouvoir discrétionnaire aux juges pour prolonger la période d'inadmissibilité. Si cet amendement n'est pas adopté, je pense que le gouvernement n'atteindra pas son objectif qui est d'essayer de prolonger la période d'inadmissibilité dans certains cas, parce que les juges feront preuve de retenue. En fait, il s'agit de voir si vous croyez que les juges feront preuve de retenue judiciaire. D'après ce que nous avons entendu dire, je pense que oui.
Voilà ce que j'ai à dire au gouvernement, car je crois savoir comment tout cela va se dérouler. Le problème que je vois en ce qui concerne la réponse que je prévois, c'est que si vous voulez que ce projet de loi soit moins puissant — comme on le dira, je suppose — vous allez voter contre mon amendement, car vous savez que les juges feront preuve de retenue judiciaire. Par conséquent, attendez les discours, mais c'est un amendement que le gouvernement devrait envisager, selon moi.
Je ne sais pas comment expliquer cet amendement si ce n'est en disant qu'il s'agit de 10 à 20 ans et, dans certains cas, de 10 à 35 ans et de 25 à 50 ans ou n'importe quelle période intermédiaire. Je n'ai certainement pas rédigé cela moi-même. J'ai reçu beaucoup d'aide des esprits les plus brillants de la Bibliothèque du Parlement et je suis donc assez convaincu que c'est le bon libellé. Cela correspond à l'objectif du projet de loi du gouvernement et bien entendu, je suis tout à fait pour.
Merci. Désolé d'avoir parlé aussi longuement.
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Je comprends très bien le problème qui a été soulevé par les libéraux et je le vois de la même façon. Je crois que nous devrions tous le voir de la même façon.
Je l'ai examiné pendant au moins une bonne demi-heure. Ce n'est pas facile de s'assurer que le projet de loi atteint bien le but qu'il poursuit. Or le but qu'il poursuit est clair. S'il y a deux meurtres et que le juge a le choix entre imposer une peine de 25 ans et en imposer une de 50 ans, il y un risque que les juges qui aimeraient pouvoir donner une peine de 35 ans ou même de 40 ans choisissent celle de 25 ans plutôt que celle de 50 ans. Et c'est ce que fait la loi actuellement: elle donne le choix entre une peine de 25 ans et une de 50 ans.
C'est vrai aussi qu'on remarque que la majorité des meurtres multiples sont des crimes passionnels. Ce sont des situations familiales pour lesquelles il y a certainement des explications psychologiques profondes qui ne correspondent pas au degré de maladie mentale nécessaire pour excuser la personne de sa responsabilité.
Nous avons eu deux cas de ce type au Québec au cours de la dernière année. Il y a eu celui d'un chirurgien marié à une femme médecin, qui formaient apparemment un très bon couple. Le chirurgien, en particulier, était extrêmement apprécié dans sa communauté. Elle décide de le laisser. Quand elle part, il tue les deux enfants. On voit bien qu'il y a là une réaction excessive de passion ou quelque chose de maladif, même si cela ne l'excuse pas. À mon avis, un juge penserait imposer une peine de 25 ans à 50 ans. Il va choisir quelque chose de plus près de 25 ans, mais il pourrait donner un peu plus.
Il y a également le cas d'un couple désespéré, au Lac-Saint-Jean, je crois. Les parents ont cherché à obtenir de l'aide auprès d'amis, de la famille, mais finalement ils étaient désespérés, bien à tort probablement, car je pense que le système de sécurité sociale aurait pu les aider davantage. De toute façon, ils prennent la décision à deux de tuer toute la famille. Alors, ils accumulent suffisamment de sédatifs pour toute la famille. Ils en prennent tous, ils s'endorment, et il y en a trois qui ne se réveillent pas. La mère se réveille malgré tout. Encore là, ce sont des crimes passionnels. Ce ne sont pas des bandits. Toutefois, c'est de trois meurtres qu'elle est accusée.
Il y a beaucoup de degrés, généralement, dans la gravité des crimes passionnels. Je suis absolument convaincu que dans ces cas, les juges ne donneraient probablement qu'une peine de 25 ans. Par contre, il y a des degrés entre ces cas extrêmes et le cas de bandits comme Mom Boucher.
Mom Boucher est chanceux parce quand celui à qui il avait demandé de tuer deux gardiens de prison est arrivé pour tuer le deuxième, son arme s'est enrayée. Alors, Mom Boucher a été condamné pour un seul meurtre. De toute façon, cela ne veut pas dire que même s'il était admissible à une libération conditionnelle après 25 ans, il l'obtiendrait.
Quand les libéraux avaient expliqué cela, je ne l'avais pas compris, mais maintenant je comprends parfaitement, comme eux, que plutôt que de donner aux juges le choix entre imposer une peine de 25 ans et en imposer une de 50 ans, donnons-leur la possibilité d'imposer une peine supérieure à 25 ans, c'est-à-dire d'ajouter 5 ans, 10 ans, 15 ans ou encore 25 ans à la peine initiale de 25 ans.
Je vous dis que ça prend du temps, quand on lit les amendements, pour s'assurer qu'on atteint bien l'objectif poursuivi. Ça m'a pris une demi-heure, mais je suis satisfait. Je pense qu'on atteint bel et bien l'objectif. C'est pourquoi je vais voter en faveur de cet amendement.
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Je n'ai pas de déclaration à faire au sujet de la politique de ce projet de loi, mais comme chacun sait — et le comité en a discuté — les circonstances dans lesquelles des meurtres multiples sont commis sont assez variées. Les critères qui ont été inclus dans le projet de loi visent à reconnaître que l'état mental de ceux qui tuent, et même de ceux qui tuent plus qu'une fois, peut entraîner divers degrés de culpabilité morale et divers degrés de remords.
Les critères prévus dans le projet de loi visent à militer contre l'imposition de ce genre d'ordonnances, sauf dans les cas les plus extrêmes de tueurs en série sans remords ou de tueurs du crime organisé dont M. Ménard vient de parler. Ce sont des gens qui ont peu de chances d'obtenir la libération conditionnelle, de toute façon.
Je dirais que les critères prévus dans le projet de loi limiteront le nombre de fois où un juge rendra ce genre d'ordonnance. C'est une question technique en rapport avec les critères dont j'ai parlé lorsque j'ai témoigné la dernière fois.
Je ne suis pas rédacteur et j'ai seulement reçu cette motion peu de temps avant de venir ici, mais je dirais que si cette motion est adoptée telle qu'elle est libellée, je vois trois problèmes d'ordre rédactionnel et je demanderais au comité de bien vouloir me laisser les décrire. Ce ne sera pas très long.
Le premier problème que je constate, à première vue — et je répète que je ne suis pas rédacteur et qu'il faudrait que je discute avec nos rédacteurs — est que lorsqu'on examine les sous-alinéas 745.51(1)b)(i) et (ii) proposés où il est dit, dans le cas d'un meurtre au premier degré, dans le sous-alinéa (i) proposé que la période ne peut pas excéder 25 ans et, au sous-alinéa (ii) proposé, dans le cas d'un meurtre au second degré, que la période doit être d'au moins 10 ans mais d'au plus 25 ans, il est très possible, à première vue, qu'un juge puisse ordonner un an pour un meurtre au premier degré et 10 ans pour un meurtre au second degré, sur la foi de ce libellé.
La toute première période d'inadmissibilité pour le premier meurtre serait de 10 à 25 ans selon qu'il s'agit d'un meurtre au premier ou au deuxième degré. Si le second meurtre est un meurtre au premier degré, le juge pourrait ordonner un an d'inadmissibilité, car ce serait une période « d'au plus 25 ans », selon le libellé du sous-alinéa (i) proposé. Toutefois, s'il s'agissait d'un meurtre au second degré, le juge serait obligé d'ordonner un minimum de 10 ans d'inadmissibilité.
Je vois là une anomalie.
Deuxièmement, je soulignerais que le libellé de la motion mentionne… par exemple, à l'alinéa 745.51(1)b) proposé:
mais que la période se rapportant à la condamnation qui fait l'objet de la sentence prononcée conformément à l'article 745 soit fixée à la durée qu'il estime indiquée dans les circonstances
Comme je l'ai expliqué la dernière fois, l'article 745 est obligatoire, ce qui veut dire qu'à mon avis, la mention de l'article 745 s'accompagne de la période de 25 ans obligatoire dont j'ai parlé quand j'étais ici la dernière fois.
Également, je crois que le même problème se pose à l'égard du sous-alinéa (ii), car il mentionne aussi l'article 745.4. L'article 745.4 mentionne la période fixée par un juge dans le cas d'un meurtre au second degré. Il est dit dans cet article « au moment de prononcer la peine conformément à l'article 745 ». Par conséquent, là aussi, l'article 745.4 apporte avec lui le caractère obligatoire de l'article 745.
L'alinéa 745.51(1)b) proposé dit qu'un second, troisième ou quatrième meurtre au deuxième degré entraîne automatiquement une période d'inadmissibilité de 25 ans, mais nous disons ici qu'un juge peut ordonner une période allant de 10 à 25 ans.
En troisième lieu, je mentionnerais que si cette motion est adoptée, il faudrait apporter d'autres amendements au projet de loi . Il faudrait modifier les articles 3 et 9 pour donner à la Couronne un droit d'appel, car étant donné leur libellé actuel, la Couronne peut seulement faire appel de l'imposition de l'ordonnance et non pas de la durée de la période.
Le libellé des dispositions d'appel concernant l'infraction est un peu différent. Si le juge rend cette ordonnance, je suppose — mais je me trompe peut-être — qu'il voudra lire aux jurés un avis leur demandant leur opinion au sujet de la durée. Cela exigea un autre amendement à l'article 4, car le juge posera deux questions au jury: « Dois-je rendre l'ordonnance et si je la rends, quelle période dois-je ordonner? »
Comme je l'ai dit, c'est une hypothèse de ma part, et je me trompe peut-être.
Pour conclure, comme je l'ai dit, je n'ai pas eu l'occasion de parler aux rédacteurs et ce n'est donc pas une opinion définitive, mais c'est mon opinion préliminaire d'après ce que j'ai pu voir en examinant cette motion.
Merci.
Dans ce cas, monsieur le président, je dirais que je n'appuie pas l'amendement pour trois raisons.
La première raison est que, comme l'a souligné M. Giokas, le projet de loi demande aux juges d'envisager ces périodes supplémentaires d'inadmissibilité à la libération conditionnelle lorsqu'ils se trouvent devant un tueur en série sans remords ou un tueur à gages. Ce sont les crimes les plus graves qui sont commis dans notre pays. Nous cherchons à modifier la politique publique et la loi pour tenir compte du fait que ce sont les crimes les plus affreux qu'une personne puisse commettre contre une ou plusieurs victimes dans notre pays.
Nous voulons faire comprendre que la vie de chaque victime a la même valeur et pour que le public ait confiance dans le système de justice pénale, nous devons permettre aux juges d'ordonner des périodes multiples d'inadmissibilité à la libération conditionnelle dans le cas de tueurs en série sans remords comme Clifford Olson, Robert Pickton, Russell Williams et, malheureusement, quelques autres. Ce genre de cas ne se produit pas très souvent, mais quand il se produit, le public veut que nous punissions ces gens sévèrement et que nous donnions aux juges la possibilité d'imposer ce genre de peines.
En tant que député, j'ai fait de nombreuses enquêtes auprès de mes électeurs à ce sujet. Mes commettants me disent toujours que ce genre de peines est nécessaire pour ce type de meurtres particulièrement haineux. Pour cette raison, j'estime qu'il serait irresponsable de notre part d'appuyer cet amendement.
Troisièmement, nous avons dit dès le début que nous sommes ici pour tenir compte des préoccupations des victimes et de leurs familles. Nous avons entendu les victimes. Nous avons entendu deux des familles des victimes de Clifford Olson. La question leur a été posée et elles ont dit très clairement qu'elles n'étaient pas d'accord avec ce genre d'amendement. Nous avons posé la même question à l'ombudsman des victimes, Sue O'Sullivan, qui représente toutes les victimes du pays et qui a demandé à un grand nombre de victimes ce qu'elles pensaient de ce projet de loi. C'est un policier de carrière et elle a dit qu'elle non plus n'appuyait pas ce genre d'amendement.
Pour toutes ces raisons, j’encouragerais les membres du comité à rejeter l’amendement.
Merci.
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Cela dit, je suis d'accord avec mon collègue, M. Dechert, quant au fait que les membres du comité devraient voter contre cet amendement pour les raisons que M. Dechert a expliquées.
Tout l'argument selon lequel les juges hésiteront à ordonner une peine supplémentaire de 25 ans est non seulement exagéré, mais nous n'avons entendu aucun témoignage à cet effet. Nous avons entendu quelques hypothèses de la part d'un éminent avocat de la défense, mais nous n'avons certainement pas entendu des juges, par exemple ceux qui ont comparu devant le comité, reconnaître qu'ils pourraient hésiter à le faire.
Ce projet de loi vise les criminels les plus haineux. Nous savons tous de qui il s'agit: Olson, Pickton et Williams.
Les cas qui ont été cités étaient des crimes passionnels ou des affaires de drogue qui ont mal tourné et qui ont pu faire plus d'une victime. Les situations de ce genre sont couvertes par les pouvoirs discrétionnaires inclus dans le projet de loi non modifié grâce auxquels un juge qui ne veut pas ordonner des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle n'est pas tenu de le faire, mais peut le faire pour les criminels les plus haineux.
En terminant, je rappellerais simplement à tous les membres du comité le témoignage très convaincant de Mme Rosenfeldt, qui est venue ici mardi, je crois. Quand ma collègue, Mme Jennings, lui a demandé si elle appuierait un amendement qui permettrait de fixer de zéro à 25 ans la durée des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle en cas de meurtres multiples, elle a répondu sans équivoque qu'elle n'appuierait pas cet amendement. Elle appuie le projet de loi tel qu'il est libellé, et moi aussi.
Merci, monsieur le président.
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Monsieur le président, j'aborderai deux points.
En ce qui concerne Mme Rosenfeld, qui est venue témoigner, c'est sûr que ce projet de loi ne pourra malheureusement pas s'appliquer à elle, même s'il a été adopté à toute vapeur, parce que M. Olson a déjà purgé sa peine pendant plus de 25 ans. C'est donc clair qu'il peut revenir. Et de toute façon, ce projet de loi n'est pas rétroactif.
Cependant, je vous avoue que les propos de Me Giokas m'ont un peu ébranlé, il faut que je l'admette. Moi aussi, comme mon collègue Me Ménard, j'avais étudié ça avec attention. Il me semblait que ça pouvait répondre à plusieurs appréhensions, mais que ça répondait surtout à l'objectif... Autrement dit, le juge pourrait — et je ne voudrais pas reprendre tous les propos de mon collègue Me Ménard — « graduer », conformément à l'alinéa 745.21b) qu'on propose d'ajouter par l'entremise de l'amendement LIB-1.
Dès le départ, c'est certain que l'amendement LIB-1, en ce qui concerne l'alinéa 745.21a) qu'il propose d'ajouter, porte sur des peines consécutives. Par conséquent, les périodes d'admissibilité sont consécutives.
Sauf erreur, maître Giokas, il me semblait que lorsque j'interprétais l'amendement LIB-1 et les alinéas 745.21a) et, par la suite, les sous-alinéas 745.21b)(i) et (ii) qu'il propose d'ajouter, ça remplissait ou, enfin, ça évitait ce que vous aviez fait remarquer.
J'aimerais vous entendre sur cette question. Je n'ai peut-être pas bien saisi. Cependant, il me semble qu'on doit interpréter l'alinéa 745.21a) de l'amendement LIB-1 et, par la suite, les sous-alinéas 745.21b)(i) et (ii).
Je voudrais proposer cet amendement.
Cet amendement obligerait le juge, qu'il décide de rendre une ordonnance en vertu du paragraphe 745.51(1) proposé ou de ne pas rendre cette ordonnance, à motiver sa décision, oralement ou par écrit. La seule chose qu'il change dans le projet de loi c'est que, pour le moment, le projet de loi exige seulement que le juge motive sa décision oralement ou par écrit lorsqu'il décide de ne pas ordonner que les périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle soient purgées consécutivement lorsqu'il y a une seconde condamnation ou une condamnation ultérieure pour un meurtre au premier degré, par exemple. Par conséquent, si ce projet de loi était adopté tel qu'il est libellé, le juge qui ordonne que la période d'inadmissibilité de 25 ans pour une deuxième condamnation pour meurtre au premier degré ou une troisième condamnation pour meurtre au troisième degré sera purgée concurremment, il devra motiver sa décision oralement ou par écrit. Toutefois, si le juge dit que ces peines seront purgées consécutivement, étant donné la façon dont le projet de loi est actuellement libellé, le juge n'a pas cette obligation.
Par conséquent, mon amendement dit simplement que dans les cas de condamnations multiples pour meurtre au premier degré, peu importe que le juge ordonne que les périodes d'inadmissibilité à une libération conditionnelle soit purgées concurremment ou consécutivement, dans les deux cas, le juge devra motiver sa décision oralement ou par écrit.
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Nous étudions l'amendement LIB-2 et je vais le mettre au voix.
(L'amendement est adopté. [Voir Procès-verbal ])
(L'article 5 modifié est adopté avec dissidence.)
(Les articles 6 à 11 inclusivement sont adoptés.)
Le président: Le titre abrégé est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le projet de loi modifié est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Avec dissidence.
Le président: La présidence doit-elle faire rapport du projet de loi, modifié, à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Des voix: Avec dissidence.
Le président: Le comité doit-il ordonner la réimpression du projet de loi, modifié, à l'usage de la Chambre à l'étape du rapport?
Des voix: D'accord.
Des voix: Avec dissidence.
Le président: Je remercie nos témoins.
La séance est levée.