Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 022 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 juin 2010

[Enregistrement électronique]

  (1140)  

[Traduction]

    Nous allons reprendre la séance.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins qui comparaissent dans le cadre de notre étude du projet de loi C-4. Nous continuons notre examen de la loi de Sébastien, Loi modifiant la Loi sur le système de justice pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
    Nous accueillons aujourd'hui, tout d'abord, Clive Weighill, chef du Service de police de Saskatoon. Bienvenue.
    Nous avons également Sylvie Godin et Claire Bernard qui représentent la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Bienvenue.
    Judy Smith et Wendy Galpin représentent l'Association des Familles d'accueil du Nouveau-Brunswick. Bienvenue à toutes deux.
    Nous avons également les Foyers de la jeunesse de Moncton Inc., représentés par Mel Kennah.
    Ensuite, à titre personnel, nous allons entendre Nicholas Bala, professeur de droit à la faculté de droit de l'Université Queen's.
    Bienvenue à tous. Je pense que vous savez que vous avez 10 minutes pour présenter un exposé à titre de représentant d'une organisation ou à titre personnel et nous passerons ensuite aux questions.
    Nous allons commencer par le chef Weighill.
    Merci, monsieur le président.
    Je m'appelle Clive Weighill et je suis le chef de police de la ville de Saskatoon. J'aimerais remercier le comité de me permettre de témoigner aujourd'hui.
    La criminalité chez les jeunes, ainsi que les solutions que l'on pourrait apporter à ce problème, est une question très grave et très controversée en Saskatchewan. Il existe, à l’échelon national, une tendance qui montre que la criminalité chez les jeunes a diminué ces dernières années, mais la Saskatchewan a un problème grave relié à la criminalité des adolescents. Les dernières comparaisons du Centre canadien de la statistique juridique pour 2008 établissent clairement que le taux de criminalité chez les jeunes est beaucoup plus élevé en Saskatchewan que dans n’importe quelle autre province. En Saskatchewan, le taux des jeunes accusés de 12 à 17 ans s’établit à 9 255 par 100 000 habitants. C’est deux fois le taux de la province la plus proche, le Manitoba, qui a un taux de 4 692 par 100 000 habitants. Par comparaison, le taux de la Saskatchewan est près de quatre fois supérieur à celui de l’Ontario, qui s’établit à 2 718 par 100 000 habitants. En chiffres réels et non pas pour les taux, la Saskatchewan, avec une population d’un million de personnes seulement, a inculpé 8 052 jeunes contrevenants, comparé à la Colombie-Britannique, où 5 343 adolescents ont été inculpés sur une population de 4,5 millions d’habitants.
     Je crois que l’on peut dire que les praticiens qui travaillent dans le système de justice pénale en Saskatchewan connaissent très bien la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. La loi actuelle comporte des aspects positifs ainsi que plusieurs domaines qui font problème.
    J’ai témoigné devant le comité le 30 mars 2010, et je crois que j’ai indiqué au comité que je croyais beaucoup en la justice sociale. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il suffit d’enfermer les gens et de jeter la clé. Cette époque est bien révolue. À l’époque, j’avais mentionné au comité que la principale raison de l’existence de bandes actives en Saskatchewan était la marginalisation que subissait la population autochtone de notre province. Un fort pourcentage de la population autochtone vit dans la pauvreté, dans des logements malsains, elle fait face au racisme, aux retombées des pensionnats et à une Loi sur les Indiens contraignante. Je dirais également qu’en Saskatchewan, l’ampleur de la criminalité chez les jeunes découle principalement de ces mêmes facteurs.
    La marginalisation et les changements sociaux qu’il faudrait opérer expliquent en partie le nombre élevé des adolescents qui entrent en contact avec le système de justice pénale, mais je parlerai aujourd’hui de l’adolescent qui ne fait pas qu’entrer dans ce système, mais qui a adopté un style de vie criminel. Comme pour la plupart des crimes, la règle générale est qu’il y a 5 p. 100 de la population qui est la cause de 95 p. 100 du problème. Lorsque les jeunes ont adopté un style de vie criminel, ils ne sont plus touchés par les mesures de prévention et risquent de devenir des criminels endurcis. C’est de ce 5 p. 100 d’adolescents que je vais vous parler aujourd’hui.
    D’une façon générale, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents donne d’excellents résultats pour ce qui est d’aider la police à prendre des mesures de déjudiciarisation, à distribuer des avertissements officiels et à obliger les jeunes à rendre des comptes. C’est pour ce petit pourcentage de 5 p. 100 des contrevenants qui sont des récidivistes confirmés ou des contrevenants violents qu'il faudrait modifier la LSJPA.
    À titre d’exemple susceptible d’illustrer ce problème, on a arrêté récemment à Saskatoon un jeune contrevenant âgé de 17 ans et un adulte âgé de 18 ans qui auraient commis 40 vols qualifiés commis au hasard dans la rue et plusieurs introductions dans des maisons, armés d’une machette et d’une arme de poing. Il est allégué qu’au cours d’une seule soirée, celle qui a précédé leur arrestation, ils ont tiré sur un jeune de 17 ans pendant qu’ils le dévalisaient dans la rue , ce qui a entraîné la paralysie de la victime de la poitrine jusqu’aux jambes, ils se sont introduit dans une maison et ont dévalisé huit personnes; ils ont donné un coup de machette sur la jambe d’une victime qu’ils dévalisaient dans la rue. Ces deux jeunes ne sont pas issus du groupe marginalisé dont j’ai parlé plus tôt; ils viennent de familles de la classe moyenne.
    D’autres affaires du genre comprennent ce qui suit. Des jeunes faisant partie d’une bande et commettant des vols qualifiés au hasard dans la rue auraient tué une victime à coups de couteau pendant qu’ils volaient une caisse de bière. Un jeune et des adultes ont donné 26 coups de couteau à la victime, parce que celle-ci leur avait fait une remarque désobligeante. Les jeunes qui volent des voitures sont régulièrement remis en liberté après avoir été inculpés, ils commettent de nouvelles infractions et poursuivent leurs activités jusqu’à voler plus de 40 véhicules. On parle, dans la collectivité, des portes tournantes de la justice.
    Je dois souligner que mes commentaires d'aujourd'hui concernent ce type de crime et de victimisation, et non pas sur les 95 p. 100 d’affaires qui peuvent être traitées de façon appropriée dans le cadre de la LSJPA.
    J’appuie totalement certaines modifications envisagées par le projet de loi C-4. Bien souvent, il faut transmettre au délinquant d’habitude un message axé sur la dissuasion. Les crimes violents créent tous des victimes.
    Il faut protéger la société contre les individus qui commettent des crimes violents et planifiés, même si la personne qui commet le crime est un adolescent. Des cas comme celui du jeune homme mentionné plus tôt, qui est maintenant paralysé, et de l’homme qui a perdu la vie pour une caisse de bière volée dans la rue, ne sont pas inhabituels à Saskatoon.
    Je souscris au principe que l’on trouve dans la loi actuelle selon lequel la détention avant le procès des jeunes contrevenants doit être, en général, une mesure de dernier recours. Je ne suis toutefois pas d’accord pour appliquer ce principe au jeune qui commet régulièrement des infractions contre les biens et des infractions violentes. Il y a un moment dans la vie où il faut obliger ces jeunes à rendre compte de leurs actes et prendre en considération la protection de la population. Lorsqu’on remet en liberté régulièrement un délinquant d’habitude, la société perd confiance dans le système de justice pénale. Malheureusement, lorsque la population n’a plus confiance dans le système, elle est tentée d’adopter des solutions draconiennes et de les appliquer à l’ensemble du système de justice pénale pour les jeunes, pénalisant ainsi les jeunes qui auraient pu bénéficier des aspects positifs de cette loi.
    J’irais même encore plus loin. Nous constatons régulièrement que les membres des bandes ont recours à l’intimidation pour tenter d’empêcher les témoins et les victimes de témoigner ou d’aider la police. Les actes d’intimidation comprennent souvent le fait de pointer une arme à feu sur quelqu’un, d’agresser physiquement une personne ou de la menacer, en brandissant des couteaux ou des machettes. Ces manœuvres d’intimidation compromettent gravement la capacité du système de justice pénale de protéger les témoins et les victimes. Le souci de protéger les témoins et les victimes pour qu’ils puissent témoigner en sécurité sans être intimidés est un élément central de notre système de justice. J’estime qu’il faut intervenir pour empêcher les délinquants d’habitude et violents de nuire davantage.
    J’appuie l’idée que l’on retrouve dans le projet de loi C-4 qui permet de prendre en compte les condamnations et les accusations pendantes concernant un adolescent pour décider de sa mise en liberté avant le procès, en particulier lorsque le contrevenant a entre 16 et 17 ans. Je suis également en faveur de la recommandation que l’on trouve dans le projet de loi C-4 qui permet de publier le nom d’un jeune contrevenant s’il a été déclaré coupable d’une infraction avec violence et si le poursuivant réussit à convaincre le tribunal qu’il existe une probabilité marquée que le jeune délinquant commette une autre infraction avec violence. En fait, je pense qu’il faudrait même aller un peu plus loin. Lorsque les policiers cherchent à arrêter un jeune contrevenant violent qui représente, d’après eux, un danger réel pour la population, on devrait pouvoir publier son nom pour avertir la population du risque qu’il fait courir aux citoyens ou pour que ces derniers facilitent son arrestation. Là encore, il ne faudrait utiliser cette possibilité que lorsque le jeune a atteint l’âge de 16 ou 17 ans.
    Pour ce qui est des peines, je n’appuie pas la recommandation qui prévoit la prise en compte des mesures extrajudiciaires au moment de la détermination de la peine. À Saskatoon, nous enregistrons toutes les mesures et sanctions extrajudiciaires de façon à pouvoir guider nos agents lorsqu’ils interviennent auprès d’un jeune contrevenant. Par exemple, on peut penser à un jeune qui est pris en train de commettre une infraction mineure et qui est ramené chez lui par des policiers pour que ses parents le reprennent en main. Par la suite, le même jeune est arrêté en train de commettre un vol à l’étalage et reçoit un avertissement officiel de la part de la police plutôt qu’une accusation pénale. Ces deux incidents sont enregistrés dans nos banques de données et sont utilisés pour décider s’il y a lieu de porter des accusations pénales dans le cas où le jeune commettrait d’autres infractions.
    J’estime que les sanctions extrajudiciaires constituent un élément utile pour décider de porter des accusations, mais pas pour fixer la peine. J’estime que dans ce dernier but, il faudrait uniquement utiliser un casier judiciaire contenant les décisions des tribunaux. Les mesures et les sanctions extrajudiciaires constituent un élément essentiel de la LSJPA et ne sont utilisées que pour les affaires mineures. Elles ne joueraient pas un rôle important dans les dossiers des contrevenants violents ou d’habitude dont je parle aujourd’hui.
    Je n’ai pas de commentaires à faire au sujet des recommandations concernant le transfert des jeunes devant les tribunaux pour adultes ou leur placement dans des établissements de détention pour adolescents ou pour adultes dans les cas extrêmes. Je n’ai pas d’expérience dans le domaine des services correctionnels et je pense que ce sont les agents correctionnels qui seraient les mieux placés pour parler de ce sujet.
    Encore une fois, je remercie le comité de me donner la possibilité de présenter des commentaires sur cette question et je serai, bien sûr, heureux de répondre à vos questions.

  (1145)  

    Je vous remercie.
    Madame Godin.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, bonjour.
    Je suis Sylvie Godin, vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, et je suis accompagnée de Me Claire Bernard, conseillère juridique à la Direction de la recherche.
    En vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et de la Loi sur la protection de la jeunesse, la commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec est chargée de veiller à la protection de l'intérêt de l'enfant, et d'assurer, par toutes mesures appropriées, la promotion et le respect des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse et par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
     À ce titre, la commission est investie de la mission de s'assurer que les modifications introduites à la législation relative au système de justice pénale applicable aux adolescents sont conformes aux droits qui leur sont reconnus. La Commission assume notamment sa mission en veillant à ce que soient respectés les engagements internationaux que le Canada a contractés en matière de droits des enfants, en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant et des autres traités applicables.
    L'analyse que fait la commission du projet de loi C-4 s'appuie sur la convention, ainsi que sur les recommandations que le Comité des droits de l'enfant a adressées au Canada en 2003, lors de l'examen du deuxième rapport du Canada sur la mise en oeuvre de la convention, et sur l'observation générale que le comité a rendu publique en 2007 concernant le système d'administration de la justice applicable aux mineurs.
    Le Comité des droits de l'enfant a recommandé que le Canada intègre pleinement, dans sa législation, dans ses politiques et dans sa pratique, les dispositions et les principes de la convention, en particulier les articles qui concernent l'intérêt supérieur de l'enfant, les mesures relatives à la privation de liberté, les droits de l'enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale, et la réadaptation et la réinsertion, ainsi que les autres normes internationales applicables dans ce domaine.
    Plus précisément, le comité invitait instamment le Canada: à veiller à ce qu'aucun individu de moins de 18 ans ne soit jugé comme un adulte, quelles que soient les circonstances ou la gravité de l'infraction commise; à garantir que les opinions des enfants soient dûment prises en considération et respectées dans toutes les procédures judiciaires les intéressant; à veiller à ce que le droit au respect de la vie privée de tous les enfants en conflit avec la loi soit pleinement respecté; et à prendre les mesures qui s'imposent, par exemple des mesures de substitution à la privation de liberté ou la libération conditionnelle, pour réduire considérablement le nombre d'enfants en détention et veiller à ce que la détention ne soit imposée qu'en dernier ressort et pour une période aussi brève que possible, et à ce qu'en tout état de cause, les enfants soient toujours détenus séparément des adultes.
    D'autre part dans son observation générale de 2007, le Comité des droits de l'enfant adressait des directives et des recommandations à tous les États parties à la convention, afin que leur système d'administration de la justice applicable aux mineurs soit conforme à la convention.
    Nos commentaires porteront donc sur les modifications proposées par les articles 3, 4, 7, 25, 8, 20 et 21 du projet de loi C-4.
    Le projet de loi propose de modifier l'article 3 de la loi afin de faire de la protection du public l'objectif prioritaire de la loi. Le Comité des droits de l'enfant reconnaît que « la préservation de la sécurité publique est un but légitime du système de justice ». Cependant, il « estime que le meilleur moyen d'y parvenir consiste à respecter et appliquer pleinement les principes conducteurs et généraux relatifs au système de justice pour mineurs tels qu'ils sont énoncés dans la Convention ». D'ailleurs, le Canada a lui-même récemment fait valoir, dans le cadre de sa contribution à un rapport produit par le Conseil des droits de l'homme sur l'administration de la justice, que la loi pénale canadienne applicable aux mineurs garantit que la détention est une mesure de dernier recours et que la réadaptation et la réintégration doivent faire partie de toute décision. Les principes de réadaptation et de réintégration doivent constituer des objectifs prioritaires de la loi et non seulement des moyens, ainsi que le propose le projet de loi.
    L'article 4 du projet de loi propose d'élargir les possibilités de recourir à la détention avant procès. La commission rappelle que, selon les droits garantis aux enfants en droit international, la détention doit être une mesure de dernier recours et sa durée doit être aussi courte que possible.

  (1150)  

    À cet égard, le Comité des droits de l'enfant a souligné fermement que « le système de justice pour mineurs devrait offrir de vastes possibilités de traiter les enfants en conflit avec la loi en recourant à des mesures d'ordre social et/ou éducatif, et restreindre rigoureusement le recours à la privation de liberté, en particulier à la détention avant jugement, en tant que mesure de dernier ressort. »
    L'article 7 du projet de loi propose d'introduire deux nouveaux principes aux principes de détermination de la peine, la dénonciation et la dissuasion. Bien qu'il ne s'agisse plus d'inscrire un principe de dissuasion générale visant tous les adolescents, comme dans le projet de loi C-25, il n'en demeure pas moins que les objectifs de dénonciation et de dissuasion spécifiques contredisent les objectifs de réadaptation et de réinsertion qui doivent rester au coeur du système de justice pénale pour les adolescents. Selon le Comité des droits de l'enfant, afin de respecter le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant: « les objectifs traditionnels de la justice pénale, comme la répression/rétribution, doivent céder la place à des objectifs de réadaptation et de justice réparatrice dans le traitement des enfants délinquants. Cela est conciliable avec le souci d'efficacité dans le domaine de la sécurité publique. » D'ailleurs, plusieurs études concluent que les mesures visant la dissuasion s'avèrent inefficaces.
    L'article 25 du projet de loi propose d'obliger les corps de police à tenir un dossier à l'égard des mesures extrajudiciaires prises à l'endroit de tout adolescent. Du point de vue du respect des règles de droit international, cette modification ne pose pas de problème en soi, à condition toutefois que les dispositions régissant l'accès à ce registre et l'utilisation des informations qu'il contient ne soient pas modifiées.
    Or une modification proposée par un autre article du projet de loi, soit l'article 8, vise justement l'utilisation de l'information concernant une catégorie de mesures extrajudiciaires, soit les sanctions extrajudiciaires. Le tribunal pourrait dorénavant imposer une peine de placement sous garde à un adolescent en tenant compte des sanctions extrajudiciaires antérieures alors que, actuellement, il ne peut prendre en compte que les déclarations de culpabilité antérieures.

  (1155)  

[Traduction]

    Madame Godin, pourriez-vous ralentir un peu?
    Ralentir?
    Oh je suis désolée. Je voulais simplement tout dire en 10 minutes.
    Est-ce qu'il me reste un peu de temps?
    Le président: Oui.
    Mme Sylvie Godin: Je vais ralentir.
    Très bien, allez-y.

[Français]

    Cette modification irait à l'encontre d'une directive formulée à ce sujet par le Comité des droits de l'enfant dans son observation générale.
    Le comité avait effectivement insisté sur le fait que l'aveu donné par un enfant dans le contexte de mesures de déjudiciarisation ne doit pas être « exploité à son détriment dans une éventuelle poursuite judiciaire ».
    En vertu de l'article 20 du projet de loi, il reviendrait au procureur général de convaincre le tribunal d'autoriser la publication de renseignements permettant d'identifier les adolescents condamnés à des peines pour adolescents selon certains critères définis. Si cette modification améliore dans une certaine mesure la portée de la protection du droit à la vie privée, la catégorie d'adolescents dont le nom pourrait être divulgué serait par contre élargie.
    En effet, la nouvelle disposition viserait l'adolescent déclaré coupable d'une « infraction avec violence », une infraction dont la portée est plus large que l'actuelle infraction désignée. Par conséquent, on élargirait la catégorie d'adolescents qui pourraient être privés du droit au respect de leur vie privée. Cette protection vise à prévenir toute stigmatisation, ce qui contribue à réaliser un objectif prioritaire du régime juridique distinct mis en place pour traiter la délinquance juvénile, soit la réinsertion sociale de l'adolescent, comme l'a souligné le Comité des droits de l'enfant.
    En vertu de l'article 21 du projet de loi, un adolescent âgé de moins de 18 ans ne pourrait plus purger sa peine dans un établissement pour adulte même lorsqu'il est condamné à purger une peine applicable aux adultes.
    Cependant, d'autres exceptions contenues dans la loi, telles que celle qui vise la détention avant procès, ne seraient pas modifiées et continueraient donc de pouvoir s'appliquer. Par conséquent, le Canada continuerait à ne pas pouvoir se conformer à l'obligation de détenir les enfants séparément des adultes.
    Rappelons que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est intervenue à plusieurs reprises depuis 1996, tant devant le Parlement que devant le gouvernement fédéral, afin de faire valoir les droits reconnus par la Convention relative aux droits de l'enfant et par les autres normes des Nations Unies applicables au système de justice pénale des mineurs.
    La commission est intervenue dans le renvoi présenté par le gouvernement du Québec devant la Cour d'appel afin d'appuyer la position du procureur général du Québec, en particulier sur l'incompatibilité de certaines dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents avec les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Cour d'appel s'est appuyée sur les principes de droit international pour conclure que les dispositions de la loi relatives à la présomption d'assujettissement, à une peine applicable aux adultes, des adolescents accusés d'une infraction désignée et à la présomption de publication étaient inconstitutionnelles. La Cour suprême a confirmé l'interprétation de la Cour d'appel, en 2008 dans l'affaire R. c. D.B., en se fondant également sur la convention et sur les autres normes internationales pertinentes.
    En conclusion, la commission exhorte le législateur à respecter les dispositions et les principes de la Convention relative aux droits de l'enfant. Elle l'engage à ce propos à tenir compte dans l'examen du projet de loi C-4 des recommandations et directives formulées par le Comité des droits de l'enfant. Le comité souligne un élément qui nous semble fondamental quand on considère certaines motivations exprimées pour justifier plusieurs des modifications proposées dans le projet de loi C-4.
    Je résumerais par un extrait de l'Observation générale no 10 du Comité des droits de l'enfant qui se lit comme suit:
    « [...] la réinsertion exige l'absence de tout comportement susceptible d'entraver la pleine participation de l'enfant à la vie de sa communauté, tel que la stigmatisation, l'isolement social ou le dénigrement de l'enfant. Traiter un enfant en conflit avec la loi de manière à promouvoir sa réinsertion exige que toutes les actions concourent à l'aider à devenir un membre à part entière et constructif de la société. » 

  (1200)  

    Merci de votre attention.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à Judy Smith pour 10 minutes.
    Au nom de l’Association des familles d’accueil du Nouveau-Brunswick, nous aimerions remercier les membres du comité de nous avoir invités à vous parler des changements que l'on se propose d'apporter à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    L’association du Nouveau-Brunswick est un groupe de parents d’accueil qui travaille en étroite collaboration avec notre gouvernement pour le compte des familles d’accueil et des enfants placés dans ces foyers pour faire de leur séjour une expérience positive. L’association du Nouveau-Brunswick ne peut parler que des changements qui touchent les adolescents du Nouveau-Brunswick et nous ne pouvons que vous expliquer comment cela toucherait les jeunes avec qui nous vivons, et nous vivons avec divers types d’enfants.
    Toutes les provinces ne disposent pas d'installations ou de ressources communautaires professionnelles qui permettent de répondre aux besoins de certains de ces jeunes, en particulier des jeunes qui souffrent de la gamme des troubles causés par l’alcoolisation fœtale — troubles pour lesquels il est très difficile d’obtenir un diagnostic — et d’autres troubles de santé mentale comme la maladie d’Asperger, les troubles bipolaires, etc.
    Qui décide qu’un adolescent respecte les règles? Ce sont toutes les personnes qui s’occupent de cet adolescent qui devraient le surveiller. Lorsqu’un adolescent est dans un centre de détention, il peut être en contact avec six personnes différentes: gardiens, psychologues, agents de probation, parents d’accueil ou parents. Chacun de ces professionnels a un lien différent avec cet adolescent, de sorte qu’en regroupant leurs points de vue, il est possible d’obtenir une bonne évaluation des progrès de l’adolescent.
    Il ne faudrait pas détruire les fiches génétiques correspondant à des infractions graves avec violence. Lorsqu’un adolescent a manifesté ce genre de comportement à l’âge de 14 ans ou plus jeune, il est très probable qu’il va continuer à se comporter de cette façon lorsqu’il sera adulte et c’est pourquoi il est utile et nécessaire de conserver les échantillons d’ADN.
    La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est dans l’ensemble une bonne loi, mais elle contient de nombreuses échappatoires que les adolescents connaissent mieux que les adultes. Notre société considère certains comportements comme normaux, ce qui transmet un mauvais message à nos adolescents.
    Pour terminer, l’Association des familles d’accueil du Nouveau-Brunswick aimerait que les responsables interviennent plus rapidement auprès des adolescents, parce que cela pourrait empêcher la perpétration de crimes plus tard; il faudrait davantage de tribunaux spécialisés en santé mentale qui ont le pouvoir d’imposer un traitement comme alternative à l’incarcération. Lorsque le tribunal rend une ordonnance de probation ou une autre forme de sanction, alors il faut obliger l’adolescent à respecter son engagement. Si le projet de loi oblige les adolescents à respecter des règles, alors il faut que l’inobservation de ces règles ait des conséquences.
    Merci.
    Merci d'avoir respecté votre temps de parole de 10 minutes.
    Monsieur Kennah est le suivant. Vous avez 10 minutes, monsieur.
    Je tiens à remercier le comité de me donner la possibilité de présenter des commentaires au sujet des changements proposés à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    Je suis le directeur exécutif des Foyers de la jeunesse de Moncton et je travaille pour cette ONG depuis bientôt 25 ans. C’est la plus grande organisation sans but lucratif de ce genre au Nouveau-Brunswick, et elle emploie près de 180 personnes qui fournissent 19 services différents aux jeunes en danger et à leurs familles dans l’ensemble de la province. De plus, j’ai été un parent d’accueil pendant 20 ans et j’ai travaillé avec les jeunes qui ont des démêlés avec la loi ainsi qu’avec les adolescents qui sont pris en charge de façon permanente par le ministre du Développement social.
    Il est encouragent de constater que votre comité étudie la LSJPA pour essayer d’en faire une loi plus efficace. Le principal but des changements proposés est de renforcer la protection de la société, une réforme qui semble convaincante et bien intentionnée. Qui ne voudrait pas renforcer la sécurité de la collectivité? On peut par contre se demander si le fait de privilégier la répression est la meilleure façon d’atteindre cet objectif positif et largement accepté.
    Ce qui m’inquiète, c’est que les changements proposés semblent renforcer la sécurité des collectivités, mais que les conséquences réelles des changements qui vont élargir le recours à l’incarcération risquent d’avoir l’effet contraire.
     Le profil d’un adolescent en danger est celui d’une personne qui est déjà marginalisée et qui fait face à de nombreux obstacles sur la route qui lui permettrait de devenir un citoyen équilibré et actif dans la société. Les facteurs de risque comprennent, notamment, les problèmes de santé mentale, la toxicomanie, l’absence de domicile fixe, les échecs familiaux et scolaires, les démêlés avec la loi, la prostitution, et toute une séquelle de problèmes relationnels.
    Le recours accru à l’incarcération qui est proposé ici coupe l’adolescent de ses systèmes de soutien communautaires et des relations importantes qu’il a dans sa vie. Je suis convaincu qu’un adolescent qui a réussi à établir au moins une bonne relation avec quelqu’un a une chance de s’en sortir. L’adoption d’une approche plus répressive va réduire la possibilité d’établir des relations enrichissantes et je crains que cela nuise à la réadaptation de ces adolescents.
    La prison, la punition et les mesures répressives ont toutes pour effet de compliquer la réadaptation. Le recours accru à l’incarcération, la publication dans les journaux de l’identité des adolescents, le fait de les juger comme des adultes même lorsqu’ils n’ont que 14 ans ne me semble pas renforcer la sécurité de la société. Ces mesures vont isoler davantage les jeunes, les marginaliser encore plus qu’ils le sont à l’heure actuelle et aggraver les défis auxquels ils font face.
    Le fait d’étiqueter un jeune dans un journal risque en fait d’amener celui-ci à accepter cette étiquette et de voir là une description définitive de son avenir. Les peines d’emprisonnement plus fréquentes et plus longues vont diminuer les possibilités de réussite que peuvent avoir les adolescents. Elles vont très probablement amplifier et multiplier les facteurs de risque actuels et elles ne vont pas faciliter l’acquisition de compétences. Le fait de traiter un adolescent comme un adulte dans ces circonstances, ne va pas en faire une personne plus mature, plus responsable ou mieux en mesure de prendre des décisions.
    Tous les adolescents qui font l’objet d’un placement sous garde en milieu fermé retourneront un jour dans la société. L’adoption d’une approche plus punitive va décourager les adolescents de s’investir dans la société et aura pour effet de réduire encore leurs possibilités d'épanouissement.
    La décision de privilégier l’incarcération et d’y affecter des ressources financières aura des coûts sociaux et économiques que la société aura peut-être du mal à assumer.
    Je ne connais aucune étude qui démontre clairement qu’un adolescent risque moins de récidiver parce qu’il a passé davantage de temps en prison. Il existe par contre de nombreuses études qui montrent que les investissements axés sur l’intervention rapide et les services communautaires risquent davantage d’amener les jeunes à adopter un comportement plus responsable. En investissant dans des services communautaires adaptés aux jeunes et en leur offrant de nouvelles possibilités, les adolescents peuvent avoir accès aux services, aux compétences, aux personnes, aux renseignements pertinents dont ils ont besoin, ainsi qu’à leurs propres désirs et possibilités qui les aideront à aller de l’avant et à les détourner des comportements inefficaces qui les entraînent dans une spirale dangereuse.
    Si nous voulons des collectivités plus sûres, il faut créer davantage de services communautaires et recourir plus fréquemment à des peines communautaires. Il n’existe pas suffisamment de services pour les adolescents au Nouveau-Brunswick, en particulier dans les petites collectivités rurales. C’est en investissant du temps, de l’énergie et des ressources dès le départ que l’on pourra obtenir de meilleurs résultats à long terme. En décidant d’investir dans les services communautaires de première ligne pour les jeunes en danger, cela allégera la charge des services de lutte contre la toxicomanie, les services hospitaliers, l’aide sociale et l’incarcération. Cet investissement favorisera la réadaptation et aidera à obliger les jeunes à rendre compte de leurs actes. Plus l’intervention est précoce, meilleures sont les chances de succès et plus grandes sont les économies, tant sur le plan social qu’économique.
    Je vais vous raconter une petite histoire de ce qui m’est arrivé avec les adolescents dont je m’occupais la fin de semaine dernière. Une toilette était bouchée et j’ai essayé de la réparer. Cela n’a pas très bien fonctionné. Le problème s’est rapidement aggravé; il y a eu une inondation et j’ai travaillé avec le plombier pendant le restant de la soirée.

  (1205)  

    Le plombier a conclu que le problème venait de notre conduite principale qui reliait la maison à la fosse septique. Cette conduite s’était effondrée et j'allais devoir creuser dans la cour. Je lui ai dit: « Je vais le faire et vous reviendrez quand j’aurai dégagé la conduite. »
    Je suis allé voir mes enfants d’accueil et je leur ai dit: « J’aurais besoin d’un peu d’aide. Est-ce qu’il y en a qui veulent faire quelque chose? » Ils ont tous répondu: « Oui, nous serions heureux de le faire. » Le samedi matin, nous sommes allés dans la cour et nous avons travaillé ensemble pendant trois ou quatre heures. Je peux vous dire qu’après ce travail, ils avaient de grands sourires. Je n’aurais pas pu leur offrir une meilleure occasion de se valoriser et d’être utiles, si je les avais amenés au cirque cette journée-là. Pourquoi? Je crois que c’est parce qu’ils ont eu le sentiment d’aider à résoudre un problème immédiat et collectif. Ils ont constaté que leurs efforts donnaient des résultats. Ils ont appris à travailler en équipe et à communiquer, ce qui leur a donné un fort sentiment d’avoir fait quelque chose de bien.
    Il faut faire des choses valorisantes pour renforcer l’estime de soi. Je crois que l’importance accrue accordée à la punition va empêcher cette croissance et qu’en privilégiant les solutions et les services communautaires, nous favoriserions beaucoup mieux cette croissance. Comme le Président Roosevelt l’a dit: « Il n’est pas toujours possible de construire un avenir pour nos jeunes, mais nous pouvons toujours former nos jeunes pour l’avenir. »
    En conclusion, je vais faire quelques brèves remarques sur le projet de loi C-4, que j’appuie tout à fait. Premièrement, j’appuie la disposition qui interdit que les adolescents soient détenus dans des établissements correctionnels pour adultes. J’ai en fait été surpris d’apprendre que cela ne se faisait pas déjà.
    J’ai quelques hésitations à mentionner le deuxième point. L’article 25 du projet de loi C-4 oblige les services de police à tenir un registre des mesures extrajudiciaires prises à l’endroit des adolescents. Je pense que la tenue d’un registre contenant ces renseignements sera bien souvent utile lorsqu’il s’agira de prendre une décision par la suite au sujet d’un adolescent.
    J’aimerais faire un dernier commentaire un peu disparate, mais qui découle des discussions que j’ai eues avec un de nos juges du tribunal pour adolescents et un procureur de la Couronne. Cela concerne les adolescents qui violent régulièrement leur probation et les engagements pris devant un juge. Dans ces circonstances, dans certains cas, je dirais qu’une brève peine d’incarcération a déjà donné de bons résultats pour certains adolescents.
    J’espère que le comité tiendra compte de mes commentaires et qu’il réussira à maintenir cet équilibre très important entre la protection de la société et l’appui accordé aux jeunes en danger.
    Je vous remercie.

  (1210)  

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Bala pour 10 minutes.
    Merci. C’est un privilège d’être invité à comparaître devant vous.
    Je pense que vous avez tous des copies du mémoire que j’ai présenté. Il expose mon point de vue de façon plus détaillée.
    Je suis professeur de droit à l’Université Queen's. Je pense que j’ai fait plus de recherches et produit plus de publications au sujet de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents que tout autre universitaire canadien. J’ai également témoigné pendant quelques jours devant la Commission Nunn. J’ai participé à la formation de policiers, de juges et d’avocats au sujet de cette loi et je fais constamment de la recherche, la plupart du temps avec des criminologues et des représentants d’autres disciplines. Je devrais également mentionner qu’à Kingston, où je vis, je travaille aussi avec les victimes et les jeunes contrevenants.
     Pour ce qui est de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, il me paraît important de rappeler que cette loi concerne les adolescents, les jeunes de 12 à 18 ans. Il y a une chose que nous connaissons mieux aujourd’hui qu’il y a 20 ou 30 ans, c’est le développement du cerveau. Nous savons qu’au moins jusqu’à l’âge de 18 ans, le cerveau n’est pas entièrement développé. Lorsque les gens disent: « Eh bien, ce jeune n’a pas agi de façon rationnelle ou responsable; on dirait qu’il n’a rien dans la tête ». Et bien la réponse est la suivante: « C’est probablement vrai et vous pouvez peut-être le constater vous-même. » Malheureusement, c’est la partie du cerveau qui est le siège du jugement et de la planification pour l’avenir qui est bien souvent la plus lente à se développer.
     Il arrive que des adolescents commettent des infractions tout à fait horribles, mais ce ne sont pas des adultes. Même s’ils commettent des crimes très graves, ils ne devraient pas être traités exactement comme des adultes. Cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas les obliger à rendre des comptes, ni même dans certains cas à purger des peines pour adultes.
     Un des défis que pose ce domaine est qu’il est vrai que nous pouvons toujours regarder en arrière — disons à l’âge de 20 ans — et dire que certains adolescents sont devenus des délinquants endurcis et récidivistes; le problème est que lorsqu’on regarde un jeune de 14 ou 15 ans, il est difficile de prédire avec précision quels sont ceux qui vont se retrouver dans ce petit groupe. Il est beaucoup plus facile d’être un « hypophète » qu’un prophète.
     Je pense que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a été une réussite, même s’il faut faire quelques réserves. J’ai préparé quelques diagrammes et statistiques qui montrent que nous avons réduit sensiblement le recours au placement sous garde et aux tribunaux sans constater d’augmentation dans la criminalité des jeunes au Canada. Notre taux de placement sous garde est encore relativement élevé si on le compare à celui de la Nouvelle-Zélande et de certains pays d’Europe de l’Ouest. Ce taux a diminué, mais il est encore beaucoup plus élevé que dans certains autres pays.
     Le placement sous garde a manifestement un rôle à jouer, tant sur le plan de la responsabilité de l’adolescent que de la protection du public, mais il faut également savoir que le placement sous garde entraîne des coûts. L’un de ces coûts est financier. Le coût — il y a plusieurs prévisions — de l'incarcération d'un adolescent dans un établissement pour jeunes va de 40 000 à 100 000 $ par an. C’est donc très cher. C’est parfois approprié.
     De plus, lorsqu’un adolescent est placé sous garde, il est habituellement stigmatisé dans sa collectivité. Les gens parlent beaucoup des bandes, mais ce sont dans les établissements correctionnels que les bandes recrutent principalement leurs membres. Il faut faire très attention de ne pas sur ou mal utiliser le placement sous garde.
    Je pense que le projet de loi C-4, considéré comme une révision de la loi, vient tout à fait à son heure. Certaines de ses dispositions sont tout à fait appropriées, d’autres soulèvent des préoccupations.
     Je vais revenir à des aspects précis; pour ce qui est du changement dans la déclaration de principes, l’article 3, je m’inquiète du fait que la protection durable du public soit supprimée de cette version du projet de loi. Rien n’empêche de reformuler certains principes, mais il est très important de garder à l’esprit la protection durable du public, l’aspect qui est le plus susceptible d’être touché par la réinsertion sociale.
     Comme l’ont fait remarquer à peu près tous les témoins, les adolescents qui sont placés sous garde, même pour de longues peines comparables à celles des adultes, vont un jour recouvrer leur liberté. La question à laquelle il faut répondre est de savoir s’ils vont représenter, au moment de leur mise en liberté, un danger moindre ou pire pour la collectivité? La réadaptation des jeunes contrevenants est une préoccupation centrale.
     Je pense que l’alinéa 3(1)b) proposé, qui ajoute la présomption de culpabilité morale diminuée est une modification utile et très importante. Je suis tout à fait en faveur de cette mesure.
     Je vais maintenant passer aux définitions et en particulier à celle de l'infraction avec violence; je sais que c’était une des préoccupations du juge Nunn dont il a fait état dans son rapport. Je suis en faveur de ce changement, même si la formulation exacte de cette définition soulève certains problèmes. Le juge craignait que la Cour suprême du Canada ait jugé, dans l’affaire C.D., que l’adolescent qui avait, notamment, été poursuivi par la police dans une ville, ne commettait pas, en l’absence d’un accident, une infraction avec violence et ne pouvait donc être placé sous garde. Je pense que les infractions qui font courir un danger à la population, et même à l’adolescent lui-même, devraient être considérées comme des infractions avec violence.

  (1215)  

    Avant que la Cour suprême se prononce sur ce point, il y avait eu d’autres affaires. La Cour d’appel de l’Alberta, par exemple, avait adopté une notion plus large de la violence. Je pense que cette recommandation, qui reflète ce que disait le juge Nunn, est tout à fait appropriée, même si je pense qu’il faudrait ajouter un élément de connaissance, d’insouciance ou d'imprévoyance de la part de l’adolescent qui a commis l’infraction, et j’ai proposé une formulation précise de cette définition.
     La question de la détention avant le procès est extrêmement importante. Comme les graphiques placés dans les documents l’indiquent, nous détenons à l’heure actuelle davantage d’adolescents avant le procès qu’après une condamnation. Autrement dit, nous envoyons davantage d’adolescents qui ne sont pas coupables ou n’ont pas encore été déclarés coupables dans les établissements de détention que nous envoyons d’adolescents qui ont été déclarés coupables. C’est un problème grave non seulement sur le plan de la présomption d’innocence, mais également pour ce qui est des programmes que l’on pourrait leur offrir.
     D’après ce que je comprends de l’article 29, je dirais qu’il s’attaque à cette question et pourrait peut-être apporter à ce problème une solution qu’appuierait le juge Nunn, de sorte que je suis en faveur du paragraphe 29(2) proposé.
     Pour ce qui est des sanctions extrajudiciaires et de leur utilisation, j’ai été très heureux d’entendre ce qu’a dit à ce sujet le chef de police. J’appuie totalement sa position et celle des autres policiers et poursuivants qui font remarquer que les sanctions extrajudiciaires ne peuvent être assimilées à des déclarations de culpabilité et risquent de compliquer la prise de certaines décisions si elles sont traitées de la même façon. C’est pourquoi j’estime qu’il n’est pas souhaitable d’apporter ces changements.
     Enfin, pour ce qui est de la modification des principes de détermination de la peine qu’apporte le projet d’alinéa 38(2)f) sur la dénonciation et la dissuasion, je peux dire qu’à un certain niveau, je peux comprendre pourquoi la dénonciation et la dissuasion devraient être des éléments pris en compte pour la détermination de la peine pour les adolescents, mais ce sont des termes qui ont un sens précis et qui auront sur le système de justice pénale un effet qui me paraît non souhaitable.
     Nous aimerions tous dissuader les adolescents de commettre des crimes et il faut reconnaître que le fait d’arrêter un adolescent et de l’amener devant le tribunal pour adolescents a, à lui seul, un certain effet dissuasif. Mais ce changement me préoccupe. Dans le document, je fais référence à une autre étude que j’ai effectuée avec M. Cesaroni, et une des choses que nous avons apprises est que lorsque l’on met le mot « dissuasion » dans une disposition législative, cela influence les juges. Les juges du tribunal pour adolescents vont imposer aux jeunes des peines plus longues — cela nous le savons — mais si vous pensez que cela va dissuader les adolescents de commettre des crimes, je dois vous dire que malheureusement, ce n’est pas ce qui se passe.
     Il existe beaucoup de données sur le fait que les longues peines n’ont pas d’effet dissuasif sur les adolescents. Le problème vient du fait que les adolescents qui commettent des infractions ne pensent jamais à l’avenir. Ils ne pensent pas qu’ils se feront prendre. Ils ne pensent pas aux conséquences de leur acte. Le fait de savoir que, s’ils sont arrêtés, traduits devant les tribunaux, ils risqueront de recevoir dans six mois une peine deux fois plus forte, ne va pas modifier leur comportement. Ce serait une excellente chose que cela le modifie, mais il existe une quantité d’études impressionnante qui prouvent le contraire.
     Les adultes rationnels pensent que le fait d’envoyer en prison les comptables qui commettent des fraudes contre les sociétés pour lesquelles ils travaillent a un effet sur le comportement des comptables. Ce sont des adultes rationnels, ils savent ce qui se passe, de sorte que leur comportement en tient compte. Le problème est que les adolescents ne sont pas influencés par les longues peines. Il y a des études qui montrent qu’ils sont influencés, par exemple, par des services de police plus actifs, de sorte que le fait de risquer davantage d’être arrêtés peut influencer leur comportement. Par contre, si la durée de la peine augmente, cela ne modifie pas leur comportement. Je signale entre parenthèses que c’est la raison pour laquelle la Cour suprême des États-Unis a aboli la peine capitale pour les adolescents. Elle a constaté que cela ne protégeait pas la société.
     De la même façon, la dénonciation est un terme qui a un sens juridique. Je pense que le fait d’assumer ses responsabilités est tout à fait justifié, mais si nous affirmons que les adolescents ont une responsabilité limitée en raison de leur développement moral, comme le propose l’alinéa 3(1)b), il ne faudrait pas du même coup dénoncer leur comportement. Nous devrions les obliger à rendre des comptes; la dénonciation a un sens qui aura simplement pour effet d’allonger les peines imposées.
     Enfin, pour ce qui est de la publication du nom des adolescents qui n’ont pas fait l’objet de peines pour adultes, dans certains États américains, il n’est pas rare que l’identité d’un adolescent soit rendue publique dès son arrestation. En fait, il y a même des adolescents arrêtés qui aiment cette publicité. Ils se promènent avec des journaux pour les montrer à leurs amis en détention et leur disent: « Eh, tu vois un peu ce que je suis capable de faire? » Le problème que pose la publication des noms est que cela ne modifie pas leur comportement, cela ne les rend pas plus responsables de leurs actes, mais lorsqu’ils sont remis en liberté, il est alors plus difficile de les réadapter et de les réintégrer dans la collectivité.
     Si nous leur imposons des peines pour adultes, il semble équitable de publier leur identité, mais si nous décidons de les traiter comme des adolescents et de les envoyer dans des établissements pour adolescents, la publication de leur nom dans les journaux ne va pas améliorer la protection de la population; elle va simplement rendre plus difficile leur réadaptation.

  (1220)  

    Merci.
    Merci. Vous êtes arrivé pile à 10 minutes.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Je vais utiliser mon pouvoir discrétionnaire et décider que nous allons faire un tour de six minutes et nous en ferons ensuite un second de quatre minutes. Cela vous convient-il?
    Puisqu'il n'y a pas d'objection, nous allons donner la parole à monsieur Murphy.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins pour leurs témoignages.
    Je veux d'abord vous dire, monsieur Kennah, qu'étant donné que je suis un ancien maire, vous m'avez un peu troublé lorsque vous avez commencé à parler de systèmes d'égout défectueux. J'étais prêt à comprendre qu'il s'agissait d'une fosse septique privée et non pas d'un élément du système que j'avais laissé, je crois, en bon état.
    Pour relier tout ceci, il semble qu'il y ait dans ce projet de loi des éléments positifs et nécessaires et d'autres qui sont très contestables. J'aimerais aborder certains éléments qui étaient un peu limite pour que le projet de loi, monsieur Kennah, ne soit pas complètement perdu. Cela touche deux aspects: le registre des sanctions extrajudiciaires et la levée de l'interdiction de publication.
    Je dois dire aux témoins que nous avons des principes qui sont très différents lorsqu'il s'agit des grandes questions, comme la dénonciation et la dissuasion. N'imaginez donc pas que nous ne le savons pas. Mais j'aimerais aborder certains points précis. Entre la position de M. Bala et celle du chef Weighill, je crois qu'il pourrait y avoir un terrain d'entente.
    Premièrement, pour ce qui est du registre, j'aimerais vous demander rapidement, chef, s'il n'y a pas, à l'heure actuelle, dans les différents services de police du Canada, la possibilité de tenir un registre dans les cas où vous pensez, du moins je le suppose, que cela serait utile pour la protection de la société. Le projet de loi tel que présenté rendrait un tel registre obligatoire. Considérez-vous qu'il s'agisse là d'une amélioration? Dans quel cas la décision de tenir un registre est-elle prise, et pourquoi est-il nécessaire de rendre la tenue d'un tel registre obligatoire?
    Je peux uniquement parler au nom du Service de police de Saskatoon. Chaque fois que nous intervenons auprès de quelqu'un, nous enregistrons des données dans notre banque de données pour en conserver une trace. Cela nous aide dans notre travail. Si à l'avenir, nous revoyons le même adolescent, nous connaissons un peu ses antécédents et nous pouvons, je crois, intervenir de façon plus appropriée parce que nous avons des données écrites le concernant. Il ne s'agit pas de ouï-dire ou de ce que quelqu'un pense ou de ce que quelqu'un sait, mais nous avons des éléments qui nous indiquent les mesures qui ont déjà été prises à l'égard du jeune. Cela facilite notre travail avec les agences sociales, lorsque nous essayons d'obtenir de l'aide pour l'adolescent. Encore une fois, si l'acte est suffisamment grave pour que nous portions des accusions pénales, alors ces données nous aident à connaître le contexte.
    Je me souviens, monsieur Kennah, que vous avez dit que ce n'était pas une mauvaise idée.
    Par contre, monsieur Bala, je crois que vous avez dit qu'un tel registre n'était pas nécessaire et que le pouvoir discrétionnaire qui existait déjà dans ce domaine était suffisant. Maintenez-vous cette position? Avez-vous des éléments qui vous indiquent que les services de police font usage de leur pouvoir?
    Premièrement, je pense que la pratique varie d’une région à l’autre pour ce qui est de la constitution de registres, en particulier lorsqu’il s’agit de mesures extrajudiciaires, et dans une mesure moindre, de sanctions extrajudiciaires. Ce sont là les deux catégories. De plus, la façon dont ces renseignements sont partagés et conservés par les services de police soulève certaines questions.
    Une de mes préoccupations concerne, si vous voulez, les principes. Pourquoi nous attachons-nous à cette disposition et pourquoi sommes-nous en train de dire aux services de police que nous ne pensons pas qu’ils font bien leur travail et qu’ils devraient avoir un tel registre. Je crois qu’en principe, il est souhaitable que les services de police tiennent ce genre de dossiers. Bien sûr, de plus en plus, avec l’informatique, ils ont toutes sortes de dossiers, pas seulement ceux qui concernent les sanctions extrajudiciaires. Chaque fois qu’ils parlent à quelqu’un dans la rue, cela figure dans leur banque de données.
    Je m’inquiète du message symbolique qu’une telle mesure transmet, premièrement, en disant aux services de police ce qu’ils doivent faire et deuxièmement, au sujet de la nature des programmes de déjudiciarisation qui évitent de traiter leurs infractions comme si elles étaient de nature pénale. Cette mesure transmet un message ambigu. C’est ma principale préoccupation.

  (1225)  

    Je vous comprends.
    Restons-en alors à la question de la publicité; ce projet de loi énonce que le tribunal doit « examiner » s’il y a lieu de lever l’interdiction. À mon avis, cette disposition laisse un certain pouvoir discrétionnaire aux tribunaux.
    Monsieur Kennah, vous devriez savoir que M. Bala a déclaré que certains adolescents voyaient là une sorte de médaille, mais que cela touchait les familles et allait à l’encontre du but recherché dans la mesure où cela ne favorise pas la réinsertion sociale. Je pense que le chef Weighill dirait que cela constitue peut-être une légère amélioration parce qu’elle renforce la sécurité de la population dans certains cas. Ce sont vous les gens de première ligne.
    Combien de temps me reste-t-il? J’aimerais que chacun des trois témoins réagisse à l’idée de laisser aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire de lever l’interdiction de publication dans certains cas.
    Vous avez une minute et demie.
    Cela donne 30 secondes chacun. Parfait.
    Eh bien, je...
    Excusez-moi, monsieur Bala, mais j'aimerais entendre ce qu'ont à dire les représentants des trois groupes communautaires.
    Je ne vois aucun avantage à publier le nom d’un adolescent dans le journal. Il y a des étiquettes dont il est difficile de se débarrasser. Comme cela a été mentionné, il y a même des jeunes qui s’en servent comme d'une médaille. Je ne pense pas que cela renforce la sécurité de la collectivité; je vois davantage d’inconvénients que d’avantages à la publication des noms.
    Pensez-vous que les juges utiliseraient ce pouvoir discrétionnaire de façon appropriée, parce que c'est ce qu'ils font ici?
    Je pense qu’ils l’utiliseraient de façon appropriée. Je ne pense pas qu’il soit vraiment utile qu’ils soient obligés de rendre une décision sur ce point à une certaine étape de la procédure. Je ne vois pas l’avantage que l’on pourrait en retirer, c’est pourquoi je préférerais que cela ne dépende pas de leur pouvoir discrétionnaire.
    Le groupe des foyers d'accueil?
    Il y a deux aspects à cette question. Si nous donnons au juge un pouvoir discrétionnaire… tant qu’il est prêt à écouter les personnes qui s’occupent de l’adolescent, parce que je vis avec des adolescents qui vont souvent en prison et c’est effectivement pour eux une sorte de médaille. Ils se rapprochent des bandes lorsqu’ils sont dans le système carcéral; c’est une façon pour eux de se protéger dans ce système. Je parle d’expérience, de sorte qu’ils verraient eux un avantage à voir leur nom publié dans les journaux.
    Madame Godin.

[Français]

    Merci.
    Nous avons clairement une position contraire, c'est-à-dire que nous sommes contre toute forme de levée de publication, toute forme de discrétion à ce sujet.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Ménard, pour six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     M. Weighill, malheureusement, nous n'avons pas reçu votre exposé au préalable. Il n'a pas été traduit, et vous l'avez présenté avec une certaine rapidité. Je voudrais quand même vérifier quelque chose qui m'apparaît très important dans ce que vous avez dit. Vous avez parlé d'une soirée épouvantable où un jeune, avec quelqu'un d'un peu plus de 18 ans, je crois, a commis plusieurs crimes. Ils ont tiré sur quelqu'un, il me semble; les détails m'ont échappé. Il y a cependant une chose que je n'ai pas saisie. Ce jeune a-t-il été référé à une cour pour adultes?

[Traduction]

    Non, la personne n'a pas encore été renvoyée devant les tribunaux pour adultes.

[Français]

    Yet, vous dites?

[Traduction]

    Pas encore — c'est une décision que le poursuivant n'a pas encore prise.

[Français]

    C'était donc décidé?

[Traduction]

    Non, c'est la raison pour laquelle je suis prudent. Ce sont uniquement des allégations et l'affaire dont je parle est encore devant les tribunaux.

[Français]

     Ce que vous avez raconté me semble encore plus grave dans le domaine des horreurs — parce que c'en est une autre — que ce qui est arrivé au jeune Sébastien Lacasse. Le tueur de ce dernier était un jeune, et les autres participants à l'agression avaient plus de 18 ans. Ceux qui ont eu les pires peines ont écopé de quatre ans, et le jeune qui l'a tué a été envoyé à la prison pour adultes et a reçu une peine d'emprisonnement à perpétuité.
    En ce qui concerne les jeunes dont vous parlez, vous attendez-vous normalement à ce que ça se passe ainsi, c'est-à-dire qu'ils soient référés à une cour pour adultes?

  (1230)  

[Traduction]

    Je pense que l'affaire sera transférée à un tribunal pour adultes. L’un avait 17 ans et l’autre 18, de sorte qu’ils ont à peu près le même âge. L’un est un adulte et l’autre sera probablement transféré.
    Je pense, et je ne devrais peut-être pas parler ainsi, que notre société est insensibilisée à la violence; on entend des choses horribles tous les jours et ça entre par une oreille et ça ressort par l’autre. Nous semblons oublier les victimes. Oui, je crois beaucoup à la justice sociale et à donner à chacun une chance, mais il y a des gens qui, pour le bien de la société, doivent être mis hors d’état de nuire. Quelqu’un doit leur dire d’arrêter, parce que cela compromet la sécurité de la population. Nous voyons cela tous les jours dans les rues au Canada. Je crois en la justice sociale et je crois qu’il faut donner à chacun une chance, mais il y a des jours où il faut mettre le holà.

[Français]

    Merci, monsieur Weighill.
    Madame Godin, le Canada a-t-il signé la convention dont vous parliez? C'est la Convention relative aux droits de l'enfant, n'est-ce pas?
    Oui. La Convention relative aux droits des enfants a été adoptée il y a 20 ans. Le Canada a été un des grands promoteurs et un des premiers signataires. À l'heure actuelle, de tous les pays, seuls les États-Unis et la Somalie ne sont pas signataires, mais le Canada a été signataire dès le début. Les rapports auxquels je faisais référence sont les rapports de mise en oeuvre qui sont faits occasionnellement par le Canada. Ils portent sur la mise en oeuvre des principes reconnus par la convention.
    Dans le remarquable mémoire que vous nous avez soumis, M. Bala, et qui a été traduit — malheureusement, j'ai reçu la traduction très tard et je n'en ai lu que la moitié —, vous m'avez convaincu que vous êtes en effet l'une des personnes les plus compétentes au Canada dans le domaine du traitement de la délinquance juvénile.
    Vous dites être souvent consulté par le gouvernement fédéral. Avez-vous été consulté dans l'élaboration du projet de loi qui est devant nous?
    Merci de vos gentilles paroles.

[Traduction]

    Le gouvernement fédéral a tenu une série de consultations dans toutes les régions du Canada avec différents groupes et individus; j’ai participé à un certain nombre de ces réunions, mais je crois pouvoir dire que le projet de loi ne reflète pas vraiment les consultations auxquelles j’ai assisté et il existe des points de divergence très importants non seulement par rapport à ce que j’ai dit, mais par rapport à ce que d’autres ont dit et à ce que contient le projet de loi. Je dirais qu’il y a des parties du projet de lois qui semblent contraires non seulement à la recherche que j’ai résumée et aux études dans ce domaine, et aux consultations, mais également à la recherche effectuée dans d’autres pays. Il y a donc des parties qui font problème.
    Je suis tout à fait d’accord avec vous lorsque vous dites qu’il y a des adolescents qui doivent être incarcérés — cela est certain — mais nous devons sérieusement réfléchir à la question de savoir qui nous voulons envoyer en prison, aux raisons pour lesquelles nous le faisons, à la durée de l’emprisonnement, et aux mesures que nous allons prendre pour que, lorsqu’ils sortent de prison, ces adolescents aient moins tendance à commettre des infractions.

[Français]

    Vous ne le dites pas dans votre rapport, mais j'imagine que vous connaissez la philosophie québécoise, que le juge en chef résumait dans ces termes: la bonne mesure, au bon moment, à la bonne personne.
    Croyez-vous que la modification qui est proposée sur l'article 3 va encore permettre au Québec de poursuivre cette philosophie particulière qui, je crois, vous le reconnaîtrez vous-même — d'ailleurs vous donnez des statistiques —, donne des résultats remarquables en ce qui a trait aux jeunes contrevenants? Croyez-vous que ça va le forcer à modifier cette philosophie?

[Traduction]

    Je reconnais tout à fait que le Québec et en fait d’autres provinces — la Colombie-Britannique et dans une mesure moindre l’Alberta — ont des programmes qui sont vraiment axés sur la réadaptation des adolescents et qui cherchent à leur éviter de passer devant les tribunaux. Le rôle des provinces dans l’application de la loi est très important.
    Je pense que chaque province continuera à avoir des principes et des programmes différents, mais lorsque vous modifiez une loi fédérale, cela a des répercussions sur le système. C’est pourquoi je pense que les différences vont demeurer, mais je m’attendrais à ceci, compte tenu de ce qui est arrivé avec la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. En effet, une fois que cette loi est entrée en vigueur, les taux d’incarcération ont chuté dans toutes les provinces. De la même façon, si nous mettons en œuvre ces amendements, les taux d’incarcération vont augmenter dans toutes les provinces, mais dans une mesure différente selon la province, compte tenu des différences qui existent à la fois en matière de taux de criminalité, mais également sur le plan des principes appliqués par les gouvernements provinciaux.
    Merci.
    Madame Leslie, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous pour vos témoignages. Ils ont été fort utiles.
    Monsieur Bala, j’ai une question à laquelle vous pourrez répondre, je pense, rapidement. Nous avons entendu des représentants de la African Canadian Legal Clinic et ils nous ont donné un point de vue très intéressant sur l’influence de l’origine raciale, si vous tenez compte du fait que les jeunes noirs sont arrêtés plus fréquemment, inculpés plus fréquemment, qu’il y a un effet disproportionné sur les jeunes noirs lorsqu’il s’agit de la détention avant le procès, etc.
    Lorsque les représentants de Statistique Canada étaient ici, je leur ai demandé s’ils avaient des chiffres au sujet de l’origine raciale des jeunes placés sous garde et inculpés, et ils m'ont dit qu’il n’y en avait pas. Je me demande si vous possédez des données de ce genre dans votre recherche.

  (1235)  

    Statistique Canada ne rassemble pas ce genre de données.
    Oui.
    Cet organisme s'intéresse uniquement à l'origine autochtone et je dois signaler en passant que les jeunes autochtones sont grossièrement surreprésentés dans le système de justice pour les adolescents.
    Il y a des études ponctuelles, des études démographiques, qui portent sur des établissements précis et qui démontrent que le taux de détention en particulier des jeunes afro-canadiens et de certaines autres minorités est très clairement… Il y a de la recherche qui confirme ce genre de chose. Nous n’avons pas de données à l’échelle nationale. Comme vous l’avez mentionné, cela soulève de nombreux problèmes et nous nous sommes demandé au Canada si nous devions conserver des données classées selon l'origine raciale, comment définir la race, et ce genre de chose. Mais il y a des études qui ont porté sur les interventions policières, la détention et le placement sous garde, et il est très clair que les groupes composés de membres de minorités visibles sont surreprésentés à toutes les étapes du processus.
    Il y a une controverse à ce sujet. Certains disent que c’est parce qu’ils commettent davantage de crimes. D'autres disent que c’est à cause d’un biais systémique. Je dirais qu’il y a probablement un peu de deux, et que l’on pourrait sans doute trouver des données qui confirment ces deux explications.
    Comment voyez-vous la situation, lorsque nous pensons à des choses comme la détention avant le procès et la prise en compte des antécédents criminels, ainsi que du genre d’infractions qui ont été commises, même lorsque l’adolescent n’a pas encore été déclaré coupable? Pensez-vous que l’article 4 risque d’avoir un effet disproportionné sur les jeunes issus des minorités visibles?
    Je pense que certains changements vont sûrement toucher de façon disproportionnée les jeunes défavorisés en général, y compris en fonction de leur race, de leur origine autochtone, et certaines minorités visibles. En fait, un des paradoxes tragiques de ce projet de loi est que nous avons enregistré une diminution des taux d’incarcération, alors que pour les jeunes autochtones, les adolescents pour lesquels nous disposons des meilleures données, ce taux est en augmentation.
    Très bien. Merci.
    Ma question suivante touche la recommandation 22 de la Commission Nunn — que je peux vous expliquer — et son rapport avec l’article 4. Je viens de la Nouvelle-Écosse et l’enquête Nunn a vraiment frappé l’imagination de la population de la Nouvelle-Écosse. Avec cette situation, cette enquête, nous avons eu un adolescent qui n’avait pas encore été déclaré coupable, mais qui avait commis toute une série d’infractions. La recommandation 22 énonce, et je peux vous la lire, que lorsqu’on envisage la détention avant le procès, il faudrait pouvoir prendre en compte non seulement les antécédents judiciaires comme les déclarations de culpabilité, mais aussi le genre d’infractions qui ont été commises par le jeune ou une formulation semblable, pour se prononcer sur le caractère approprié de la détention avant le procès dans son cas.
    J’ai posé cette question à un bon nombre de témoins qui m’ont déclaré que la LSJPA donnait de bons résultats sur ce point et qu’il n’était pas nécessaire de la modifier. Je n’en suis pas tout à fait convaincue. Je me demande ce que vous pensez de l’équilibre à établir entre ce très petit groupe de délinquants endurcis dont il faut nous occuper et l’immense majorité des délinquants qui se font prendre une fois ou deux et ne recommencent pas.
    Comme je l'ai mentionné, j’ai comparu devant la Commission Nunn et j’ai en fait eu le privilège de rencontrer quelques membres de la famille McEvoy — la famille de la femme qui avait été tuée. Je mentionne en passant qu’ils étaient très préoccupés par ce qui était arrivé dans cette affaire et ils voulaient que certaines choses soient changées, mais ils reconnaissaient tout à fait que les changements à apporter pour renforcer notre sécurité devaient principalement porter sur notre système scolaire, notre système de service social et sur les interventions auprès des adolescents.
    Quant à la question juridique précise que vous avez posée, je dirais que le projet de loi aborde cette question de façon un peu différente de ce qu’avait envisagé le juge Nunn, mais d’une façon qui me paraît compatible avec l’esprit de sa recommandation. La modification apportée à la définition du mot « violence » engloberait, d’après moi, la situation précise qui l’inquiétait, ainsi que des situations comparables. La modification de la définition de « violence », combinée au changement du critère applicable à la détention avant le procès, permettrait de régler ce genre de situation. On aurait pu procéder différemment, mais à moins de rédiger à nouveau un certain nombre d’articles du projet de loi et de restructurer l’ensemble, il serait difficile de reprendre les termes exacts qu’il a utilisés.

  (1240)  

    Ma question suivante allait être la suivante. Si nous regardons le sous-alinéa 4(2)a)(i) proposé, existe-t-il une probabilité marquée que cet adolescent ne comparaisse pas devant le tribunal si la loi le lui ordonne? J’imagine que cela s’applique aux déclarations de culpabilité antérieures, mais également aux infractions. Je vois là l'essentiel de la recommandation 22.
    Je crois que vous avez probablement raison.
    Je dirais que ce genre de choses est toujours intéressant. En tant que chercheur, j’ai été invité à un certain nombre de ces audiences et le Parlement… en tant que groupe, vous partagez un certain nombre d’idées. Il est possible que dans cinq ans les juges constatent que cela ne va pas… C’est la raison pour laquelle je pense qu’il est excellent de prévoir un examen périodique.
    Pour être franc, je dirais que dans l’arrêt C.D., la Cour suprême du Canada, et c’est ce qui explique en grande partie le problème, a adopté une approche beaucoup trop étroite. Quels que soient les mots utilisés, il faudra voir comment les tribunaux les interprètent, aussi bien les cours d’appel que les tribunaux de première instance, et quel sera l’effet global des changements législatifs.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Woodworth pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Et merci à tous les témoins qui sont venus aujourd'hui.
    C’est un projet de loi important. Je sais que l’on pense surtout à critiquer les dispositions du projet de loi, mais j’aimerais inviter les témoins qui veulent proposer des amendements susceptibles de corriger les lacunes de la loi actuelle à me les envoyer pour que je les étudie.
    J’aimerais poser certaines questions au chef Weighill. Je vous remercie pour votre exposé qui m’a paru très équilibré, une qualité rare; il a porté sur les aspects positifs de la loi et sur des choses que nous pourrions faire différemment. J’ai été particulièrement intéressé par vos commentaires au sujet de l’intimidation des victimes et des témoins. Cela m'a interpellé, parce que nous avons entendu une mère dont le fils a été battu à mort. Elle avait un deuxième fils qui était terrifié parce qu’il lui est arrivé au moins une fois qu’une personne s'approche de lui en voiture et commence à lui tirer dessus dans son quartier.
    Nous avons entendu des témoins qui ont affirmé que quel que soit le caractère violent du comportement d’une personne ou le caractère dangereux de ce comportement, si nous ne pouvons pas établir l’intention, alors nous ne pouvons pas dire qu’il y a violence. Comme l’a fait remarquer un autre témoin, le cerveau des adolescents n’est pas complètement développé avant l’âge de 18 ans, de sorte que nous ne savons même pas si nous pouvons prouver qu’il savait ou aurait dû savoir que telle activité allait mettre en danger une autre personne. Mais sans cette preuve, les témoins ont déclaré que nous ne devrions pas dire qu’un acte ou un comportement est violent.
    La mère de la victime dont je vous ai parlé plus tôt avait un point de vue différent; elle pensait que peu importe que la personne qui a déchargé une arme à feu près de l’endroit où se trouvait son fils ait eu l’intention… ou aurait dû savoir que cela était dangereux, et elle pensait que c’était là un acte violent. Elle aurait aimé que le juge ait le pouvoir discrétionnaire d’imposer un placement sous garde dans ce genre de situation.
    J’ai tendance à préférer le point de vue de la mère, mais je me demande ce que vous en pensez, d’après votre expérience, en particulier par rapport à la question de la preuve de l’intention.
    Je suis d’accord avec ce que tout le monde a dit au sujet des pulsions des adolescents, qui sont à l’origine, en partie, de ces problèmes. J’aimerais également que les juges disposent d’un certain pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de jeunes contrevenants.
    La plupart du temps, je ne me base pas sur un incident isolé. Je me base davantage sur les tendances que l’on constate dans la vie d’un jeune pour voir sur quoi doivent porter les changements. Bien évidemment, s’il s’agit d’un acte isolé, il faut quand même toujours penser à la victime. Mais je m’inquiète davantage de ce que je vois tous les jours — l’intimidation, la violence qui règne chez les jeunes — et cela continue, ce sont toujours les mêmes qui provoquent cette violence, et ce sont avec eux que nous devons travailler.

  (1245)  

    Pour ce qui est de la définition de la violence, pensez-vous qu’il soit acceptable d’accorder au juge le pouvoir discrétionnaire d’envisager une peine de placement sous garde lorsqu’il n’y a pas d’autre alternative raisonnable pour une personne qui a commis un acte violent, qu’il ait eu ou non l’intention de le commettre?
    Non, je pense qu'il faut une certaine forme d'intention. Je pense que c'est là un principe fondamental du droit.
    Monsieur Kennah, je remarque que vous représentez un organisme résidentiel pour les jeunes. Cela fait quelques années que je ne me suis pas occupé de cela, mais il y avait auparavant le placement sous garde en milieu ouvert et en milieu fermé. Votre organisme s’occupe-t-il de résidences pour les jeunes qui sont placés sous garde?
    Nous avons qu'un seul foyer pour les jeunes qui font l'objet d'un placement sous garde en milieu ouvert.
    Pensez-vous que cela aide les adolescents à se réadapter à la société et à se réintégrer?
    Énormément. Il se fait que ce foyer particulier — et il y en a un autre à Saint John — est devenu davantage une ressource provinciale qu’une ressource communautaire, à cause de la diminution du financement que lui accorde le ministère de la Sécurité publique.
    Néanmoins, en permettant aux adolescents de rester — idéalement dans leur collectivité d’origine, mais au moins en restant dans la communauté, l’avantage est que les jeunes ont accès à de nombreux systèmes de soutien tout en purgeant leur peine. Nous obtenons des résultats bien meilleurs que si l’adolescent était détenu en milieu fermé et privé de tous ces services. Dans certains cas, c’est presque comme s’ils allaient à l’école du crime, parce que lorsqu’ils sortent, ils sont davantage marginalisés et ils ont appris toutes sortes de choses qu’ils n’auraient pas dû apprendre.
    Quel sont, d'après vous, les types de jeunes contrevenants qui pourraient bénéficier d'un placement sous garde dans le foyer dont vous avez parlé?
    Eh bien, nous avons eu des gens qui ont eu toutes sortes de démêlés avec la loi — dans certains cas des conflits très graves avec la loi — dans certains cas, ce foyer est utilisé comme un établissement de transition, pour les jeunes qui quittent un établissement de garde en milieu fermé. C’est une bonne façon de les réintégrer dans la collectivité.
    Je dirais que la plupart des crimes commis sont des crimes reliés au vol, mais il y a à peu près tout ce que vous pouvez imaginer.
    Très bien. Merci.
    J'ai une question...
    Merci. Vous avez épuisé votre temps de parole.
    Monsieur LeBlanc, quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais être bref. J'ai deux questions précises.
    Monsieur Bala, j’ai beaucoup aimé votre exposé. J’espère vraiment que le document que vous avez remis au comité va inspirer notre réflexion lorsque nous allons examiner les amendements et poursuivre notre étude. Je vous remercie donc pour les documents que vous avez présentés.
    Vous n’avez pas eu le temps, je crois, ou alors je ne vous ai pas entendu, de parler de la disposition qui oblige la Couronne à envisager de demander une peine pour adultes. Je me demande si vous vouliez commenter cet aspect particulier. Il semble, à première vue, tout à fait bénin. Cela ne vise pas le juge; cela vise le procureur de la Couronne qui doit motiver sa décision.
    Je me demande si vous pouvez expliquer pourquoi vous ne pensez pas que c’est une modification particulièrement positive.
    Je vous remercie de me donner l’occasion d’aborder ce sujet, parce que je ne l'ai pas encore fait.
    Je pense que cela concerne en partie la façon dont nous concevons le rôle du législateur par opposition à celui des professionnels qui mettent en œuvre la loi, qu’il s’agisse des policiers ou des procureurs de la Couronne. Quel est le message que nous voulons transmettre aux procureurs de la Couronne? Et ensuite, quel sera l’effet de ce genre de disposition?
    Un premier commentaire est que le projet du paragraphe 64(1.1) aura, tel que formulé, une portée très large. Autrement dit, le procureur de la Couronne sera tenu d’examiner la question d’une peine pour adultes dans de très nombreux dossiers. Je pense que cela dépasse largement les dossiers pour lesquels il est réaliste d’envisager de demander une peine pour adultes.
    Je m’inquiète du fait que ce sera parfois une décision très difficile à prendre et je ne peux pas imaginer qu’il y ait au Canada un procureur de la Couronne qui n’envisage pas cette possibilité lorsque l’affaire s’y prête. Il peut y avoir des raisons pour lesquelles il ne faut pas présenter une telle demande — les preuves ne sont pas suffisamment solides, ou alors le jeune a des chances de se réadapter — mais il me paraît inconcevable de penser que les procureurs de la Couronne ne réfléchissent pas à cette possibilité. Cette disposition soulève donc cette question.
    Et je m’inquiète ensuite — parce que ce sont des décisions difficiles — qu’ils décident que tout bien considéré, il n’y a pas lieu de demander une peine pour adultes. Le fait qu’ils soient obligés de mentionner cela dans le dossier ou d’en parler de cette façon peut entraîner une discussion dans laquelle le juge va essayer d’intervenir ou alors ce sont les médias qui vont compliquer la situation. Il n’est pas possible de mentionner des renseignements signalétiques, mais il y a aussi le fait qu'on ne dit rien. Vous savez, on peut se demander pourquoi le procureur de la Couronne agit-il ainsi?
    C’est la raison pour laquelle il ne convient pas que le législateur adopte une telle mesure Et en fait, cela n’existe nulle part ailleurs. Nous n’obligeons pas le procureur de la Couronne à justifier pourquoi il a décidé de procéder par déclaration sommaire de culpabilité et non par acte d’accusation pour poursuivre un adulte. Nous disons simplement que nous confions ce genre de décisions aux procureurs de la Couronne.
    Je pense bien sûr qu’il incombe aux procureurs de la Couronne d’informer, en particulier les victimes et les familles des victimes, des raisons pour lesquelles ils prennent une telle décision, mais le fait d’enregistrer cette décision dans le dossier ne devrait pas être demandé par le législateur. Je crains que cela entraîne une augmentation injustifiée du nombre des demandes de peine pour adultes.
    Je pense que les dispositions relatives aux peines pour adultes donnent d’excellents résultats. Il y a bien sûr des affaires horribles, et il y a des adolescents qui devraient se voir imposer des peines pour adultes, et dans l’ensemble, c’est ce qui se passe. C’est un aspect inquiétant.
    Je dirais, pour revenir… Quelqu’un a fait remarquer que certaines des propositions contenues dans le projet de loi — par exemple, au sujet de l’interdiction de placer des adolescents dans des établissements pour adultes — étaient excellentes. Ce projet de loi contient donc d’excellentes choses.

  (1250)  

    Merci.
    Est-ce M. Lemay ou M. Ménard?
    Monsieur Lemay.

[Français]

    J'ai quelques questions.
    Chef Weighill, j'aimerais savoir: combien y a-t-il d'habitants à Saskatoon?

[Traduction]

    Deux cent cinquante milles.

[Français]

    Sur cette population de 250 000 habitants, combien y a-t-il d'Autochtones?

[Traduction]

    Environ 20 000.

[Français]

    En ce qui concerne le taux de criminalité, quel pourcentage de crimes seraient commis par les Autochtones dans la région de Saskatoon, selon vous?

[Traduction]

    Les taux seraient d'environ 80 p. 100 pour les premières nations et les Métis. Je dirais qu'environ 80 p. 100 des personnes incarcérées sont des membres des Premières nations ou des Métis, une surreprésentation considérable.

[Français]

    Ce sont les chiffres en ce qui concerne les Autochtones.
    Est-il possible de nous faire parvenir ces chiffres? Si on parle des jeunes contrevenants — ils sont ceux à qui le projet de loi s'intéresse —, diriez-vous que le pourcentage est le même?

[Traduction]

    Non, ils sont surreprésentés dans la population autochtone. Ce n'est pas comme si...

[Français]

    Il y a donc beaucoup plus de jeunes Autochtones accusés de crimes.

[Traduction]

    Oui, parmi les jeunes délinquants qui sont inculpés, il y en a beaucoup plus qui sont d'origine autochtone.

[Français]

    D'accord.
    Croyez-vous que le projet de loi, tel que proposé, avec les amendements soumis, est adapté à la criminalité chez les jeunes Autochtones?

[Traduction]

    C'est une question difficile. Dans mon travail, j'interviens une fois que le crime a été commis et je m'occupe des gens qui ont déjà commis le crime. Il faut travailler à partir de la réalité et ensuite, essayer d'en tenir compte. Je ne sais pas s'il y a une réponse à cette question. Je ne le sais vraiment pas.

[Français]

    Professeur Bala, vous m'intéressez beaucoup. Vous serez probablement sur ma liste de témoins à revoir en comité. J'ai une question à vous poser. Si vous ne pouvez y répondre tout de suite, je vous demanderais d'y réfléchir.
    En ce qui concerne les jeunes contrevenants autochtones, avez-vous des chiffres? Avez-vous fait des analyses dans tout le Canada sur la justice pénale pour adolescents s'appliquant aux jeunes Autochtones?

[Traduction]

    Je pense qu'il y a beaucoup d'études sur les jeunes autochtones et sur leur surreprésentation dans le système de justice pour les adolescents. Aux paliers national et provincial, nous avons les données de Statistique Canada qui sont ventilées en fonction de l'origine autochtone dans chaque province et l'on peut comparer le taux absolu avec le taux basé sur la population.
    Il y a ensuite la recherche qui porte sur les projets d'intervention auprès des jeunes. Nous avons également des études sur certains facteurs sociaux, comme le syndrome de l'alcool foetal, qui entraînent des taux de criminalité très élevés chez les jeunes. Comme avec les autres problèmes, il y a une interaction complexe entre les facteurs sociaux et les facteurs juridiques.
    La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents fait expressément référence au statut d'autochtone. C'est un élément qui doit être pris en considération au moment de la détermination de la peine, mais cela ne se fait pas toujours. Pour les agents de probation, il y a dans le rapport la partie que l'on appelle la partie Gladue, qui doit normalement porter sur cet aspect. Cette partie n'est pas toujours remplie.

  (1255)  

    Nous avons dépassé l'horaire.

[Français]

    Préparez-vous, car vous allez revenir.
    Vous aussi, madame Godin, car je voulais vous poser ces mêmes questions.
     J'inscris vos noms sur ma liste.

[Traduction]

    Je remercie les témoins d'être venus devant le comité. Vos témoignages vont être intégrés à nos délibérations et à notre étude du projet de loi.
    Je vais vous demander de quitter la salle assez rapidement parce que nous allons maintenant siéger à huis clos.
    Monsieur Bala, vous et les représentants du ministère de la Justice pouvez rester ici pour le moment.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU