:
Merci, monsieur le président.
Si j’ai présenté cette motion aujourd’hui, c’est parce que j’avais compris que le comité voulait réellement examiner ce projet de loi rapidement dans l’intérêt de la population. C’est évidemment une question très importante pour tous les gens que nous représentons et nous avions convenu de prolonger nos séances. Nous avions effectivement décidé d’ajouter une demi-heure à chacune de nos séances ordinaires. Personnellement, je serais tout à fait disposé à siéger à d’autres moments, si cela est nécessaire, parce que nous avons la date butoir du congé d’été qui arrive et cela me paraît être une question tellement importante pour les Canadiens, que nous devrions être prêts à lui consacrer du temps supplémentaire.
Nous avons entendu de nombreux témoins, dont un bon nombre, comme l’a fait remarquer M. Woodworth, représentaient des groupes d'intérêts très semblables. Nous avons encore le temps de convoquer à nouveau quelques témoins, si M. Comartin le souhaite, nous pourrions en convoquer un ou deux. Nous pouvons siéger en soirée et à d’autres moments pour entendre ces témoins. Il est très important pour la population du Canada que nous adoptions ce projet de loi, en particulier, étant donné, comme tout le monde le sait, qu’il y aura beaucoup d’autres projets de loi supplémentaires — des projets de loi d’origine parlementaire et d’origine gouvernementale — qui vont être présentés au comité. Nous devons également examiner des rapports. Je pense que nos travaux s'enlisent alors qu’il faudrait aller de l’avant.
J’avais compris que tout le monde avait déjà accepté de siéger une demi-heure de plus et d’essayer d’entendre les témoins que nous avons déjà convoqués avant la fin du mois de juin. Cela ne me paraît pas être une demande déraisonnable.
C’est pourquoi j’invite les membres du comité, dans l’intérêt des électeurs que nous devons tous servir, à prendre position et à dire qu’ils sont prêts à travailler un peu plus longtemps pour étudier ces importantes questions de justice qui nous sont soumises. C’est un projet de loi qui, à mon avis, protégera les citoyens canadiens et évitera d'autres victimes; il est très important pour la population canadienne que nous procédions rapidement à l'examen de ce projet de loi. Pour ces motifs, je demande à tous les membres du comité d’appuyer la motion pour qu’ainsi nous puissions terminer notre travail. Lorsque nous reviendrons en automne, nous pourrons examiner rapidement les autres projets de loi importants qui nous serons soumis, tant ceux d’origine parlementaire que gouvernementale, parce que je sais qu’ils seront transmis très bientôt au comité.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Il se trouve que je suis également membre du Comité de l’environnement et nous avons connu récemment des difficultés à ce comité. Je sais qu’il y a au moins un an et demi, nous avons lancé l’idée que, lorsque nous étions en train d’étudier un projet de loi ou certains sujets, nous choisirions des témoins représentant — trois ou quatre ou un nombre raisonnable — un groupe d'intérêts particulier, ayant un point de vue particulier, que ce soit des universitaires, des scientifiques ou des membres d’organisations non gouvernementales, quels que puissent être leurs intérêts. Nous allions les écouter et obtenir un point de vue équilibré de tous les groupes intéressés. Nous aurions une date limite précise et nous travaillerions en fonction d’elle. C’est ce que les Canadiens méritent de notre part, les parlementaires.
Ils ne méritent pas que l’on fixe une date limite et qu’ensuite on n’en tienne pas compte et qu’on la mette de côté. Il était prévu au départ que nous procéderions à l’étude article par article de ce projet de loi aujourd’hui, et il n’y a absolument aucune raison de ne pas procéder aujourd'hui à cette étude article par article du projet de loi. Nous avons déjà entendu des témoins pendant des heures. Nous avons maintenant un afflux de témoins — près de 40 témoins — qui représentent pour la plupart les mêmes groupes d’intérêts, qui ont le même point de vue, de sorte que cela n’est pas nécessaire. Maintenant, l’opposition nous dit qu’elle veut prolonger cette étude en convoquant à nouveau certains des témoins que nous avons déjà entendus.
Je ne vais pas aller jusqu’à essayer de deviner quels sont les motifs qui animent l’opposition, mais j’aimerais toutefois signaler que quelle que soit leur intention, ils ne pourraient pas trouver meilleure façon de bloquer les travaux du comité que d’appeler des douzaines, et des douzaines et des douzaines de témoins, représentant tous les mêmes intérêts, ce qui a finalement pour effet de bloquer un projet de loi qui est, de l’avis de nombreux Canadiens, tout à fait approprié et utile.
C’est pourquoi j’appuie la motion de M. Dechert.
:
Je vais procéder rapidement pour être en mesure de répondre à toutes les faussetés que je viens d'entendre. Il y en a eu beaucoup.
Rappelons quand même quelques vérités. Le gouvernement a choisi le moment où nous allions commencer à étudier ce projet de loi. Pourquoi ne l'a-t-il pas présenté pendant que nous étions libres, dès le début? Pourquoi a-t-il d'abord déclenché la prorogation? Aucune manoeuvre dilatoire n'a été effectuée. Nous avons accepté des résolutions au cours de la dernière réunion parce que les témoins ont dit ne pas être heureux du temps qui leur avait été alloué. On avait regroupé en même temps une foule de témoins. C'est à peine si on a eu le temps de poser une question à l'un d'entre eux. Ce sont les témoins qui nous ont signalé qu'ils n'étaient pas heureux de la façon dont les choses s'étaient passées alors qu'ils venaient parler de cet important projet de loi qu'ils avaient étudié à fond et au sujet duquel ils avaient des objections sérieuses.
Je vous rappelle entre autres que lors de la dernière réunion, des témoins de divers milieux, sans s'être consultés au préalable, sont tous venus nous dire qu'ils avaient été très malheureux de la façon dont s'étaient déroulées les consultations tenues par le ministre, qui, évidemment, n'en a aucunement tenu compte. Ils ont dit vouloir corriger les impressions que le ministre avait eues.
Je vous rappelle également que la loi actuelle, qui n'a que 13 ans, donne de bons résultats. La criminalité juvénile diminue. Les témoins qui sont venus ici et qui se sont plaints de ne pas avoir eu le temps d'intervenir sont convaincus que si nous revenons en arrière — et c'est ce que fait ce projet de loi sur certains points importants —, les taux de criminalité juvénile vont redevenir aussi élevés qu'auparavant. Tout n'est pas négatif dans ce projet de loi; certaines parties constituent même une avancée, et à l'égard de ces parties, nous allons vous appuyer.
Nous avons une conception différente de l'efficacité. Je vous l'ai signalé à plusieurs reprises. Il semble que la vôtre consiste à aller le plus rapidement possible, poser le moins possible de questions et faire venir des témoins qui diront ce que d'autres ont dit avant eux. Vous considérez que ça n'a pas d'importance, mais au contraire, ça en a. Par exemple, des représentants de nations autochtones viennent nous dire des choses semblables à celles qui ont été dites par les gens du Québec, qui ont le plus faible taux de criminalité juvénile en Amérique, je le rappelle. Ces gens voient que les mesures proposées par cette loi comportent des dangers. Ce n'est pas parce qu'une personne dit quelque chose de semblable que ce n'est pas efficace. L'efficacité ne consiste pas à demander aux témoins, quand ils sont d'accord sur une chose, de ne pas le dire.
Quoi qu'il en soit, nous avions pris une décision la dernière fois. À ce jour, le président l'a respectée. Je l'en félicite et l'en remercie. Nous allons vivre avec cette décision. Sinon, vous ouvrez une boîte de Pandore. Dans ces conditions, on prend une autre décision, une motion sans avertissement, etc. On va en présenter une autre dans une demi-heure, une autre dans une heure et une autre encore lors de la prochaine réunion.
Je vous avise également que si j'en présente, ce sera en français. Vous verrez, alors, si vous êtes satisfaits de la traduction.
:
Merci, monsieur le président et honorables membres du comité.
Je suis père d’un jeune garçon qui a presque été battu à mort par des jeunes délinquants en 1999. Je suis un père qui estime qu’il faut modifier le système — des changements pour les deux côtés de ce que nous voyons à l’heure actuelle, parce que c’est le résultat de confrontations violentes. J’ai étudié cette question au Canada et à l’étranger et j’ai consacré bénévolement plus de 11 000 heures à travailler avec les victimes, les familles, les policiers et des représentants de notre milieu médical.
Il y a peu d'aspects du système de justice pénale canadien qui ont fait l’objet d’un débat national et qui suscitent une insatisfaction aussi vive que le système actuel de justice pénale pour les adolescents. Il est toutefois absolument essentiel, pour mon exposé de ce matin, que tout le monde comprenne bien que ces préoccupations et cette frustration ne portent aucunement sur les dispositions qui traitent des crimes mineurs et des erreurs de jeunesse. Quiconque le prétend serait malhonnête avec le comité et avec les Canadiens.
Le véritable scandale national est que la loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est incapable de contrôler les psychopathes, les tueurs, les délinquants endurcis et violents de moins de 18 ans.
En janvier de cette année, j’ai organisé une conférence à Toronto qui regroupait les familles des enfants qui avaient été assassinés par des tueurs de moins de 18 ans. Il est triste de vous avouer que je n’ai eu aucune difficulté à trouver des participants. Ces familles ne demandaient pas le rétablissement de la peine de mort. Elles ne demandaient pas que l’on prenne des sanctions extrêmes ou machiavéliques à l’égard des adolescents qui avaient tué leurs enfants. Elles demandaient que l’on accorde une certaine valeur à la vie de leurs enfants. Elles demandaient que le Parlement canadien reconnaisse non seulement la perte tragique qu’elles avaient subie, mais le fait que leurs enfants ne pourraient pas à l’avenir apporter une contribution au Canada.
Que disons-nous à ces parents, ainsi qu’à l’ensemble du Canada, au sujet de la valeur que représente la vie de leurs enfants lorsque nous refusons d’imposer des sanctions sévères aux meurtriers? Ces parents veulent que les délinquants endurcis et violents soient séparés des enfants innocents pour empêcher que d’autres personnes connaissent l’horreur qu’elles vivent tous les jours. De plus, elles veulent que l’on consacre du temps à réadapter ces tueurs avant qu’ils soient libérés à nouveau, si cela est possible.
Au cours des 10 dernières années, j’ai parlé à des douzaines de psychologues et de psychiatres qui me disent qu’il faut environ trois ans d’interventions cliniques pour modifier un comportement criminel. Si nous ne décidons pas de rendre obligatoire ce type d’intervention clinique et d’accorder le temps nécessaire au déroulement de ces interventions, nous allons exposer les Canadiens à d’autres crimes que l’on aurait pu empêcher et nous n’aidons pas non plus ces jeunes délinquants en facilitant leur réinsertion sociale.
Les Canadiens qui obéissent à nos lois ont le droit sacré d’être protégés par ces mêmes lois. Les changements que propose le projet de loi ne consistent pas à renforcer la sévérité des peines; ils visent avant tout à protéger nos enfants et notre société. Il s'agit de reconnaître la valeur de la vie des enfants assassinés et aussi de donner aux auteurs de cette violence le temps dont ils ont besoin pour subir du renforcement positif et pour réintégrer la société canadienne comme des citoyens respectueux des lois. Je pense que les changements que propose le projet de loi vont par la suite diminuer la victimisation et surtout rétablir la confiance dans le système de justice du Canada.
Le système de justice n’appartient pas seulement aux avocats, aux criminels et aux juges. Il appartient aux Canadiens. Le système fonctionne bien lorsque les victimes signalent les crimes qui ont été commis contre elles et lorsqu’elles témoignent franchement lorsqu’on leur demande de le faire. Lorsque les citoyens n’ont plus confiance dans le système, mesdames et messieurs, il cessera d’exister et je peux vous dire que ce sont nos adolescents qui perdent le plus rapidement confiance dans notre système.
Au cours des trois dernières années, mon épouse et moi avons discuté avec plus de 32 000 jeunes de la province de l'Ontario, qui nous ont fait part de leurs plus grandes préoccupations. Ces jeunes sont inquiets, parce qu'on ne sévit pas pour les actes violents commis au sein de leurs groupes. Ils sont inquiets parce qu'ils voient la tyrannie qui s'exerce autour d'eux — et il s'agit ici en réalité de victimisation criminelle, de violence et d'agressions sexuelles — et parce que les écoles, les services de police et le système juridique ne font rien ou ont les mains liées par les lois existantes; il y a ces parents qui sont frustrés et fâchés de ne rien pouvoir faire. Les jeunes ont peur des groupes violents, dans leurs écoles et leurs collectivités; nous entendons des histoires selon lesquelles des groupes violents les persécuteraient, et selon lesquelles les représailles seraient devenues la norme lorsque les crimes sont dénoncés.
La toute dernière enquête canadienne sur les victimes de la criminalité indique que 88 p. 100 des crimes commis contre de jeunes Canadiens ne sont pas signalés — 88 p. 100. Je crois que si ces crimes ne sont pas signalés c'est que les jeunes ne font pas confiance au système qui devrait servir à les protéger. Voilà un résultat de l'actuelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
De nos jours, qui sont les victimes des jeunes contrevenants? La dernière enquête canadienne sur les victimes de la criminalité a montré qu'au Canada, 37 p. 100 des victimes de violence ont moins de 18 ans, et que la plupart des agresseurs de ces jeunes victimes étaient également âgés de moins de 18 ans. À qui profiteront les changements proposés dans le projet de loi ? Aux jeunes de ce pays, aux Canadiens de tous les horizons, ainsi qu'à notre système de justice et à toutes les institutions politiques.
À mon avis, l'objectif ultime du projet de loi est d'amener les citoyens à faire de nouveau confiance au système juridique canadien pour qu'ainsi, des services de « réadaptation » ou même d'« adaptation » puissent être offerts aux jeunes qui ont des tendances criminelles, de sorte que les jeunes qui respectent les lois puissent avoir un bel avenir et que les membres des collectivités soient plus en sécurité.
En 2000, j'ai préparé une pétition, que j'ai distribuée. J'espère que tout le monde en a une copie. Elle a circulé dans toutes les régions du Canada. À ce jour, 1 252 223 Canadiens l'ont signée. Les modifications mineures et les changements relatifs au projet de loi reflètent les divers points de cette pétition et, surtout, le fait que la vie des victimes des jeunes contrevenants violents a également une valeur.
À maintes reprises, des personnes ont dit être inquiètes au sujet des droits, de la vie et de l'avenir des auteurs d'actes de violence de moins de 18 ans; toutefois, ces personnes refusent catégoriquement de faire des commentaires sur les victimes ou les familles des victimes.
Depuis l'année 2000, j'ai travaillé avec des centaines de familles et de parents dont les enfants ont été victimes de meurtriers ou d'agresseurs de moins de 18 ans.
Dans ma pétition, on trouve le point numéro 5, formulé en 2000, qui dit que la protection des Canadiens et des collectivités doit être primordiale, et que la dissuasion et la dénonciation des jeunes contrevenants violents par les citoyens doivent être tout aussi importantes. Voilà le premier changement recommandé par le projet de loi , un changement qui bénéficie non seulement de l'appui des très nombreuses personnes qui ont signé la pétition, mais aussi de millions de familles canadiennes d'un bout à l'autre du pays.
Je suis ingénieur, pas avocat, mais je pense — et je crois que la plupart des Canadiens sont de cet avis — que les lois de ce pays sont des outils réactifs. Il ne s'agit pas de politique sociale. Nous ne devrions pas embrouiller les politiques et les programmes sociaux du Canada en y intégrant des mesures de droit pénal.
J'ai entendu dire que les changements proposés iraient à l'encontre de la Convention relative aux droits de l'enfant de l'Organisation des Nations Unies. Je dois dire qu'à mon avis, cela n'a aucun sens. Je soutiens que c'est plutôt la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qui va à l'encontre de la convention de l'Organisation des Nations Unies sur les droits des jeunes victimes et des jeunes contrevenants, tout spécialement en ce qui concerne les articles 13, 16 et 19; je donnerai plus de détails tantôt, si vous me demandez de le faire.
J'irais même plus loin en disant que les changements proposés dans le projet de loi s'harmonisent avec cette convention et qu'ils serviront à beaucoup plus qu'à simplement reconnaître la valeur intrinsèque de la vie des jeunes victimes. Soyons honnêtes: ils feront aussi valoir qu'un temps de détention raisonnable pourrait permettre la réadaptation des agresseurs.
En outre, je soutiens que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents va à l'encontre de la Convention relative aux droits des victimes de l'Organisation des Nations Unies, tout spécialement pour ce qui est des enfants victimes de jeunes contrevenants, et plus particulièrement en ce qui concerne les articles 4 et 5. Je parlerai de tout cela un peu plus tard, si le temps le permet.
Je voudrais également dire qu'à mon avis, il s'agit d'une violation — et je parle ici de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents existante — de la Charte canadienne des droits et libertés, tout spécialement pour ce qui est du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes. Cette disposition, la disposition 7 de la Charte, vous inclut, m'inclut et inclut nos enfants ainsi que toutes les victimes de crimes au Canada, et pas seulement ceux qui ont été accusés de crime. Il est vrai que cela n'a jamais été utilisé dans ce contexte, mais je crois que cela se fera très bientôt.
Le Canada est très fier de son indépendance judiciaire, et il y croit. Je vous demande d'aller en ce sens en appuyant le projet de loi C-4.
Les dispositions actuelles de la loi lient les mains des juges. Il n'y a pas très longtemps, un juge de Winnipeg a reconnu la culpabilité d'un jeune homme de 17 ans qui venait de battre à mort un homme de 22 ans avec une boule de billard glissée dans une chaussette. Pour ce crime, le juge a condamné le jeune à une journée en garde fermée. Pourquoi? Parce que la loi exige de lui qu'il impose les sanctions les moins sévères possible. Il a imposé cette sanction mais a demandé aux législateurs de lui donner le pouvoir d'imposer des sanctions plus sévères aux jeunes meurtriers. Or, à ce jour, aucun changement n'a été fait.
Ces propositions fourniront à nos tribunaux et à nos juges les outils dont ils ont besoin pour utiliser pleinement leur pouvoir judiciaire discrétionnaire et l'indépendance judiciaire se trouvant à leur portée. Je demande donc incessamment au comité d'appuyer les changements proposés dans le projet de loi C-4, comme l'ont fait des millions de citoyens canadiens comme nous, d'un bout à l'autre du pays.
:
Merci beaucoup. J'aimerais vous remercier d'avoir invité notre organisation à participer à ce débat et à se présenter devant le comité. Je connais certains d'entre vous. Je représente 26 associations membres de différentes régions du pays, soit des associations comprenant des milliers de bénévoles, qui forment à la fois notre collectivité de membres et notre comité de direction.
Il va sans dire que notre présidente s'excuse de ne pas être ici aujourd'hui. Elle aurait bien aimé être des nôtres, mais elle n'a pu se libérer.
Comme beaucoup d'entre vous le savez, notre organisation travaille avec des jeunes filles et des femmes de diverses régions du Canada qui vivent en institution, qui ont commis des crimes, qui ont été agressées et qui sont marginalisées; nous représentons ces femmes et ces filles. Nous sommes ici parce que nous sommes inquiets des effets que pourraient avoir certains des changements proposés sur la vie de ces femmes et de ces jeunes filles; nous avons peur que ces effets soient profonds, surtout pour certaines d'entre elles.
Après la mise en oeuvre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, nous avons constaté une diminution du taux d'incarcération, sans voir une augmentation correspondante du nombre de crimes — je crois qu'il s'agit-là d'un fait important — ni une augmentation du nombre de victimes, de ce que je comprends.
Nous croyons qu'il faudrait investir davantage dans les méthodes d'intervention précoce dont a parlé le témoin qui a pris la parole avant moi, notamment en ce qui concerne les techniques d'intervention précoce, les mécanismes de soutien, les services sociaux, les services d'éducation et les services de santé — tous ces outils et services qui sont de plus en plus rares et qui doivent être offerts pour éviter que les jeunes ne se retrouvent pris dans l'engrenage du système de justice pénale. Nous ne voyons pas la raison d'être de ces changements et, en fait, nous croyons que les nouvelles dispositions proposées par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et visant à ce que ces cas ne soient plus traités par le système de justice pénale et qu'ils soient plutôt dirigés vers un service approprié, que ce soit un service de santé mentale, des services sociaux ou des services d'éducation, sont raisonnables et qu'elles devraient demeurer telles quelles.
Nous croyons que bon nombre des changements proposés sont superflus. Il y a déjà des dispositions dans la loi qui permettent l'adoption de beaucoup des stratégies qui sont proposées. Nous croyons que l'on devrait appliquer la loi actuelle pour s'occuper au cas par cas de la majorité des questions soulevées et des inquiétudes exprimées en lien avec les modifications proposées, en utilisant le pouvoir judiciaire discrétionnaire dont on dispose.
Nous avons des inquiétudes, notamment en ce qui concerne l'idée qu'on ne puisse plus se prévaloir d'une présomption pour obtenir une mise en liberté conditionnelle — et ce même dans le cas de crimes contre des biens. Nous savons maintenant que pour les cas où il existe un risque réel de récidive avec violence, il y a déjà une disposition prévoyant le placement sous garde de délinquants, même si certains mécanismes utilisés se sont avérés inefficaces. Toutes ces possibilités existent encore.
Nous savons que plus on entrave le pouvoir discrétionnaire d'un juge, plus on risque de faire augmenter le nombre de cas tombant dans les mécanismes du système et d'amoindrir par le fait même les possibilités de traitement au cas par cas; songeons aux plans de réhabilitation et de réintégration qui sont si efficaces et qui ont fait leurs preuves, à notre avis, au titre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Nous croyons que d'inclure les éléments de dissuasion et de dénonciation, de même que l'élément de proportionnalité, vraiment, qui est suggéré pour les auteurs de crimes... Voilà des éléments qui sont plutôt subjectifs et difficiles à quantifier, et qui ne permettront pas nécessairement la pratique de meilleures interventions aux fins de réadaptation, ou en bout de ligne, de sécurité publique. En fait, ce que nous verrons sera probablement le reflet exact de ce que nous avons vu dans le cas du système pour adultes, soit un nombre accru de personnes entrant dans le système et attendant de plus longues périodes avant que leur cas ne soit évalué, sans même qu'une évaluation des risques ne soit validée pour les jeunes. Et il y aussi la difficulté qui découle de tout ça et qu'on éprouve lorsqu'on souhaite retirer ces personnes du système dans lequel la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a initialement été introduite pour tenter de faire avancer les choses et qui, en fait, a donné d'assez bons résultats.
Nous croyons que la définition des « infractions graves », qui inclut désormais les crimes contre les biens, est problématique et certainement trop vaste, et qu'en gros, elle réduit l'étendue du pouvoir discrétionnaire dont les juges disposent actuellement.
Nous croyons également que la suggestion d'annuler plus facilement les ordonnances de non-publication est superflue. Cela existe déjà dans la loi. Je crois que c'est à l'article 127. Il est déjà possible d'annuler une ordonnance de non-publication dans des circonstances extraordinaires.
Je constate qu'en cette période où l'on tient des débats et où l'on exprime des inquiétudes au sujet des activités relatives aux gangs, l'une des choses que nous savons, c'est que les jeunes avec lesquels nous avons travaillé, les jeunes femmes surtout, se sont souvent — et pardonnez mon franc-parler — retrouvés dans des histoires de viols collectifs, et ont essayé de s'extirper de ce cauchemar... En appliquant certaines de ces dispositions, on expose les jeunes femmes à tout cela, et cela devient très difficile pour elles de se sortir de ce monde, en ce sens que bon nombre des jeunes femmes avec lesquelles nous avons eu le privilège et la responsabilité de travailler ont dû, pour arriver à s'en sortir, trouver la force de vivre dans l'anonymat et de passer par-dessus tout cela pour poursuivre leur chemin; certaines ont même dû déménager. Néanmoins, si l'on ressent toujours le besoin d'annuler ces ordonnances de non-publication, il y a une procédure qui existe déjà à cette fin.
Nous croyons que le fait de publier davantage d'information et de révéler en cour qu'un jeune a fait l'objet de mesures extrajudiciaires pose également un problème, étant donné ce que nous savons déjà sur les statistiques de profilage racial et les questions de surreprésentation des jeunes de minorités raciales, notamment des jeunes Afro-Canadiens et des jeunes Autochtones, et le fait que ce type de mesure n'est pas nécessaire.
Tous les gens qui ont travaillé de près ou de loin dans le système judiciaire savent que si une personne a été victime d'un crime, reconnue coupable d'un crime ou incarcérée, cette information a des répercussions. Cela peut influer sur la détermination de la peine ou sur la décision de la détenir ou non en attendant son procès. Toutes ces mesures existent actuellement.
Nous sommes cependant en faveur de la reconnaissance du principe de culpabilité morale moins élevée énoncé dans le préambule. Nous sommes d'avis que beaucoup d'entre nous considéraient cette mesure comme implicite dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, mais il n'est pas mauvais de l'énoncer explicitement, d'autant plus qu'il a été suggéré que la dissuasion et la dénonciation en fassent également partie, alors que de récentes décisions des tribunaux montrent que ces mesures ne sont pas nécessaires et ne s'appliquent pas aux adolescents.
Nous estimons également que la disposition énoncée à l'article 21, qui stipule qu'aucun jeune âgé de moins de 21 ans ne doit être transféré dans un établissement pour adolescents, est très acceptable. Nous approuvons aussi la révocation de la présomption en faveur de sentences applicables aux adultes et son remplacement par l'attribution du fardeau de la preuve au procureur général.
C'est avec grand plaisir que nous répondrons à vos questions. Nous aurions bien sûr d'autres suggestions à faire, mais nous sommes heureux de céder notre place et nous ne voulons pas empiéter sur le temps alloué à nos collègues et aux autres témoins.
Merci.
:
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, de me donner la parole aujourd'hui.
Je m'appelle Paula Osmok, et je suis directrice exécutive de la Société John Howard de l'Ontario. Je viens aujourd'hui vous parler au nom de la Société John Howard de l'Ontario et de la Société John Howard du Canada. Notre directeur exécutif national est à l'étranger et ne pouvait pas être présent aujourd'hui.
Nous avons également un mémoire à vous présenter aujourd'hui, et je crois qu'il vous sera remis après avoir été traduit.
Comme vous le savez, la Société John Howard est un organisme qui compte 65 bureaux répartis dans tout le pays, et qui contribue à améliorer la sécurité de la population canadienne en travaillant auprès des personnes qui font face à la justice pénale ou qui risquent d'y faire face.
Notre mission consiste à lutter contre le crime et ses causes de façon efficace, juste et humaine, et notre travail se fonde sur la recherche de méthodes efficaces pour prévenir le crime et la récidive.
En qualité d'organisme qui possède des dizaines d'années d'expérience auprès de jeunes qui font face à la justice pénale et de communautés touchées par la criminalité, nous croyons occuper une position unique et privilégiée pour évaluer les points positifs et les faiblesses de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et donner notre avis sur les bienfaits et les dommages potentiels des modifications proposées.
C'est dans ce contexte que nous nous exprimons aujourd'hui au sujet du projet de loi . Nous désapprouvons la majorité des modifications que ce projet de loi apporterait à la LSJPA.
L'entrée en vigueur de la LSJPA a entraîné de nombreux changements favorables dans le système de justice pénale pour adolescents, comme la diminution importante du taux d'incarcération des adolescents, ce qui, comme vous l'avez entendu tout à l'heure, n'a pas causé d'augmentation substantielle du taux de criminalité.
Il est important de se rappeler qu'avant l'entrée en vigueur de la LSJPA, le Canada était tristement renommé pour son taux de détention chez les jeunes, qui était le plus élevé de tous les pays occidentaux industrialisés, y compris les États-Unis. Ces changements ont pu être accomplis parce que la loi a accordé la priorité à la réadaptation, à la réintégration et à la prévention.
Nous croyons que le projet de loi cherche à renverser ce fondement en réorientant le système de justice pénale pour les adolescents vers une approche punitive. Pour reprendre les mots du comité éditorial de la Gazette de Montréal, « l'objectif de ce projet de loi est malheureusement de s'éloigner de la réadaptation pour se tourner vers la répression ».
La punition et la répression sont incompatibles avec des approches solides et documentées en justice pénale qui permettent de réduire la criminalité et ses causes.
Plutôt que de prévenir la criminalité et la récidive chez les jeunes, ce projet de loi aurait plutôt pour effets d'augmenter le taux de détention chez les jeunes, qui recevraient par conséquent des sentences plus sévères et davantage de sentences applicables aux adultes, de réduire le recours aux sanctions extrajudiciaires et d'augmenter le coût du système de justice pénale pour adolescents imputé à l'ensemble des contribuables canadiens. Mais surtout, les modifications proposées n'amélioreraient en rien la sécurité de la population.
Comme vous le savez sans doute, la meilleure façon de prévenir la criminalité chez les jeunes est de s'attaquer à ses causes fondamentales, la pauvreté, le manque d'éducation de qualité dans la petite enfance, de services d'emploi, de loisirs, etc. Bien que cette démarche soit beaucoup plus lente, la prévention de la criminalité au moyen du développement social est la méthode la plus efficace et la plus avantageuse sur le plan économique pour améliorer la sécurité de la population canadienne.
J'aimerais maintenant céder la parole à ma collègue Else Marie Knudsen, analyste des politiques, qui abordera des modifications précises du projet de loi .
Les modifications proposées dans le projet de loi sont une grande source de préoccupations pour nous, en raison des effets néfastes qu'ils auront sur les adolescents qui auront affaire au système de justice pénale. Ces modifications proposées à la LSJPA ne contribuent pas à l'objectif d'améliorer la sécurité de la population. Elles seront également très coûteuses.
Je parlerai brièvement de nos trois principales préoccupations concernant le projet de loi et je vous demanderai de consulter notre mémoire pour obtenir l'analyse complète.
Un des éléments du projet de loi qui nous préoccupent le plus est l'élargissement des motifs qui justifient la détention d'un adolescent avant son procès. Dans le cas des jeunes, la détention avant procès devrait être une mesure de tout dernier recours et durer le moins longtemps possible. Des raisons importantes qui justifient une utilisation limitée de la détention préventive sont fournies par des sources variées, comme des études publiées, des principes liés aux droits de la personne ou des observations sur la responsabilité financière. Les études montrent en fait que le temps passé en détention est un facteur criminogène. En d'autres termes, la détention d'un adolescent augmente la probabilité de récidive. Les rapports sur le décès d'Ashley Smith révèlent les effets profondément néfastes de la détention sur les adolescents, particulièrement ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale, ainsi que le dangereux cercle vicieux de la détention préventive et des peines carcérales à répétition qui peut résulter d'une admission indue dans le système carcéral.
Le risque de peines plus sévères est également accru. Une étude du ministère de la Justice a démontré que le fait pour un jeune d'avoir été détenu, si on exclut tous les autres facteurs tels que les antécédents, augmente la probabilité d'un plaidoyer de culpabilité et de l'imposition de la sentence la plus sévère. Le nombre de peines carcérales est démesuré chez les jeunes à qui le tribunal a refusé la remise en liberté à leur première arrestation, tout comme chez ceux qui cumulent de multiples séjours en détention préventive. Par conséquent, si le système de justice pénale pour les jeunes vise à réduire les récidives, à protéger la population et même à réaliser des économies, la détention préventive ne devrait jamais être une option, à moins qu'elle constitue la mesure la moins restrictive qui soit.
L'assouplissement des critères justifiant la détention préventive pour les adolescents augmente également le risque que la police et les tribunaux aient recours à cette mesure pour servir d'avertissement ou secouer un peu les jeunes. Pourtant, la décision d'envoyer un jeune en détention préventive ne devrait jamais être prise dans le but de modifier son comportement avant qu'il soit déclaré coupable. Les jeunes Canadiens, comme nous tous, ont le droit constitutionnel de ne pas être punis pour un crime dont ils n'ont pas été reconnus coupables. Malgré ces considérations, le projet de loi cherche à accroître et à élargir le recours à la détention préventive, et nous sommes totalement en désaccord avec cette proposition.
Le projet de loi C-4 prévoit également l'ajout de la dissuasion et de la dénonciation parmi les principes de détermination de la peine. La Société John Howard s'oppose fermement à cette modification. Elle n'est appuyée par aucun fait et elle ne permettra pas de prévenir la criminalité ni de diminuer le nombre de cas de récidive. De plus, elle entraînera inévitablement une augmentation du nombre de peines carcérales et elle pourrait entrer en conflit avec le principe juridique de la proportionnalité. Comme vous le savez, les gens qui commettent des crimes ne tiennent généralement pas compte de la durée de la sentence qu'ils risquent quand ils prennent la décision, souvent en une fraction de seconde, de commettre le crime. Les adolescents sont particulièrement en proie à l'immaturité et à la spontanéité et ont tendance à se croire infaillibles. Il n'est pas surprenant que les recherches n'approuvent pas la dissuasion et la dénonciation comme moyens de prévenir ou de réduire la criminalité ou d'améliorer la sécurité publique. Les études suggèrent en fait que les problèmes liés à la criminalité chez les jeunes, comme les conflits familiaux, le manque de maîtrise de soi et les perturbations d'ordre scolaire, sont également associés à une forte impulsivité, à un manque d'autocontrôle, à des problèmes de santé mentale et à des dépendances, qui réduisent tous la capacité d'une personne à bien évaluer les conséquences de ses gestes, capacité essentielle pour que la dissuasion générale soit efficace.
Enfin, la Société John Howard s'oppose fermement à la modification énoncée à l'article 8, qui prévoit que les sanctions extrajudiciaires déjà reçues doivent être prises en compte dans la détermination de la sentence et faire pencher la balance en faveur d'une peine carcérale. Cette modification est inefficace et elle va à l'encontre du principe de réadaptation qui est à la base de la LSJPA. Elle ne peut qu'entraîner une diminution du recours aux sanctions extrajudiciaires pour les jeunes, ce qui serait extrêmement déplorable. L'importance accordée à ce type de sanctions dans la LSJPA a eu des effets très positifs, et cette mesure permet d'atteindre les objectifs de réparation et de diminution des récidives à un coût beaucoup plus bas et bien plus efficacement que le recours à la détention ou d'autres interventions traditionnelles.
Cette modification soulève également des questions quant aux droits légaux des jeunes. L'obligation pour les jeunes d'assumer la responsabilité de leurs actes quand ils acceptent des sanctions extrajudiciaires ne peut pas être considérée comme une déclaration de culpabilité en vertu de la loi, et il est dangereux de combiner les deux. La Convention relative aux droits de l'enfant stipule que les jeunes doivent être présumés innocents jusqu'à ce qu'ils soient déclarés coupables, et l'acceptation de sanctions extrajudiciaires n'équivaut pas à une déclaration de culpabilité sur le plan légal.
Cette modification menace de diluer l'objectif important de la LSJPA qui ne consiste ni à propulser inutilement les jeunes dans le système de justice pénale, ni à criminaliser inutilement des actes souvent très mineurs.
Bref, nous demandons au comité de renoncer à toute modification considérable au projet de loi qui pourrait nuire au bon fonctionnement du système de justice pénal pour les adolescents.
Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole aujourd'hui.
Les Aboriginal Legal Services of Toronto sont reconnaissants envers le comité de la justice de leur permettre de présenter leurs commentaires concernant le projet de loi .
Les ALST ont déjà comparu devant les comités de la justice de la Chambre et du Sénat qui ont étudié la LSJPA, et nous sommes fiers que nos comparutions devant ces comités aient mené à l'inclusion expresse du langage retrouvé dans l'alinéa 718.2e) du Code criminel dans la LSJPA.
De plus, nous étions intervenants auprès de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. B.W.P., où la Cour a confirmé que la dissuasion n'a pas de rôle dans la détermination des peines pour les jeunes contrevenants. Si le projet de loi que vous étudiez actuellement est adopté, ce principe sera renversé.
Dans le cadre de notre mémoire, nous n'avons pas l'intention de passer en détail toutes les modifications. Nous allons plutôt nous attarder sur l'impact de ces modifications, notamment qu'un plus grand nombre de jeunes seront incarcérés, soit comme résultat de leur condamnation, soit avant leur procès. Cependant, avant de donner son appui à une telle approche, nous demandons que le comité mette de côté la rhétorique et qu'il prenne en compte les réalités du système judiciaire pour adolescents.
En avril 2010, Statistique Canada a publié une étude dans Juristat intitulée « Les services communautaires et le placement sous garde des jeunes au Canada 2008-2009 ». Ce rapport met en évidence une tendance inquiétante qui s'est développée dans les années qui ont suivi l'entrée en vigueur de la LSJPA. Cette tendance est la surreprésentation croissante des jeunes Autochtones dans les centres de détention. En effet, la surreprésentation des jeunes Autochtones est beaucoup plus aiguë que la surreprésentation des Autochtones adultes en prison. Le projet de loi aura pour effet d'empirer une situation qui est déjà très grave.
En 2008-2009, les jeunes Autochtones représentaient 36 p. 100 de tous les jeunes qui sont détenus en raison de leur sentence, et ce, malgré le fait que les jeunes Autochtones ne représentent que 6 p. 100 des jeunes Canadiens. Cette surreprésentation n'est pas qu'une simple anomalie causée par la géographie du pays. Selon le rapport, on constate une surreprésentation dans tous les territoires et provinces étudiés. Le niveau de surreprésentation des jeunes Autochtones est même plus accru parmi les jeunes adolescentes. Au Canada, 44 p. 100 des jeunes adolescentes qui sont présentement détenues sous garde selon la sentence reçue sont autochtones.
En 1999, la Cour suprême du Canada, dans sa décision rendue dans l'arrêt R. c. Gladue, a constaté que la surreprésentation des Autochtones était « une crise au sein du système canadien de justice pénale ». Selon les statistiques actuelles, la surreprésentation des Autochtones dans les centres de détention pour les jeunes est beaucoup plus élevée qu'elle ne l'était pour les adultes en 1999, au moment où la Cour a rendu sa décision dans l'arrêt Gladue. Si la surreprésentation des Autochtones était reconnue comme étant une crise au sein du système judiciaire canadien en 1999, comment pouvons-nous décrire la situation actuelle, alors que ces chiffres n'ont fait qu'augmenter?
Parmi les problèmes que pose le projet de loi, à notre avis, soulignons qu'il autorisera les juges à utiliser l'élément de la dissuasion pour justifier les peines d'emprisonnement rendues contre les jeunes. Vous avez déjà entendu aujourd'hui, et avant cela aussi, que des études démontrent que les peines qui ont pour but de dissuader — que ce soit fait de façon générale ou au plan individuel — ne sont pas efficaces. Nous sommes d'accord sur les conclusions de ces études, mais nous soulignons de surcroît que la surreprésentation croissante des Autochtones démontre par elle-même que la dissuasion n'est pas efficace.
La surreprésentation croissante des Autochtones, tant dans le système judiciaire pour les adultes que celui pour les jeunes, signifie que les Autochtones connaissent mieux que personne le principe selon lequel quiconque enfreint la loi ira en prison. Pourtant, cette croissance démontre que la connaissance de ce principe n'a rien fait pour enrayer la délinquance. Si la dissuasion est un moyen efficace de diminuer la délinquance, nous devrions observer une baisse du nombre d'Autochtones jeunes et adultes incarcérés. Or, ce n'est pas le cas. Le projet de loi contribuera à la surreprésentation croissante des Autochtones en permettant aux juges d'incarcérer les jeunes contrevenants afin d'envoyer un message que personne ne va comprendre.
Soyons clairs: en permettant le recours à la dissuasion comme facteur de détermination des peines, le projet de loi fera en sorte que les jeunes contrevenants — les jeunes Autochtones de manière disproportionnelle — seront incarcérés, non pas afin de leur offrir un bienfait quelconque, mais dans l'esprit d'une croyance erronée selon laquelle un autre individu sera découragé d'entreprendre une activité criminelle à cause de ces peines.
En effet, il est cruel de punir un individu en le privant de sa liberté dans l'objet d'envoyer un message à un autre. C'est même plus cruel de poser ce même geste lorsque nous savons que personne ne va comprendre ce message.
Le projet de loi va également faciliter la détention des jeunes en instance de procès. Ceci aura un effet disproportionnel sur les jeunes Autochtones qui, à la surprise de personne, sont aussi surreprésentés parmi ceux en renvoi.
Pourquoi veut-on tant augmenter la population de jeunes en renvoi? Retournons à l'article de la revue Juristat. Nous constatons qu'en 2008-2009, pour la deuxième année de suite, il y avait plus de jeunes en renvoi que de jeunes détenus sous garde après sentence.
L'idée qu'il soit difficile de détenir un jeune contrevenant est trahie par les faits. En effet, un quart des jeunes détenus en renvoi l'étaient pour des infractions contre les biens. En facilitant la détention des jeunes en renvoi, le nombre de ces jeunes en détention continuera d'augmenter. Une plus grande dépendance sur le renvoi signifie que les dispositions de la LSJPA qui encouragent le recours à d'autres solutions que l'incarcération ne seront plus pertinentes, parce que les jeunes auront déjà purgé leurs peines d'incarcération avant la détermination de leur peine.
Dans sa comparution devant ce comité, le ministre de la Justice a fait référence aux consultations qu'il avait entreprises en 2008 pour la LSJPA. Les ALST ont assisté à la séance de consultation qui a eu lieu à Toronto le 16 juillet 2008 avec le ministre et le procureur général de l'Ontario. Les représentants de plusieurs organisations et la police y étaient également. Bien que le procès-verbal de cette séance n'a pas été rendu public, je peux vous dire qu'en tant que participant, nul n'a mis de l'avant l'idée que l'élément de la dissuasion devrait être inclus dans la LSJPA; nul n'a fait valoir que les autorités devraient avoir plus recours au renvoi; nul n'avait l'impression que la LSJPA était trop permissive.
Nous n'oserions jamais prétendre que l'opinion des Torontois représente l'opinion du pays entier, mais il importe de noter que les modifications qui sont proposées dans ce projet de loi ne répondent pas aux préoccupations qui ont été exprimées à cette séance de consultation.
Comme je l'ai déjà mentionné, nous constatons déjà que les centres de détention pour jeunes contrevenants au Canada deviennent surtout les centres de détention pour jeunes Autochtones. Dans certaines provinces, nous sommes déjà témoins de ce phénomène. À titre d'exemple, au Manitoba, 87 p. 100 des garçons et 91 p. 100 des filles en détention sont autochtones. Dans les centres de détention pour jeunes en Saskatchewan, 73 p. 100 des garçons et 93 p. 100 des filles sont autochtones. C'est une tendance inquiétante. Si le projet de loi est adopté, cette tendance ne fera que se prononcer.
Est-ce que ces changements rendront les communautés plus sécuritaires? Est-ce qu'ils s'attaqueront aux causes de la délinquance autochtone? La réponse à ces deux questions est « non ». Nous devons nous rendre compte qu'au Canada, tant dans le système judiciaire pour les adultes que celui pour les jeunes, nous réservons de plus en plus l'incarcération, notre peine la plus sévère, aux Autochtones. Lorsque les législateurs décident de rendre le système judiciaire plus sévère, cela se traduit presque toujours dans un plus grand nombre d'Autochtones en prison. Les modifications proposées ici ne font pas exception.
Lorsque des décisions importantes sont prises au sein d'une communauté autochtone, les aînés rappellent souvent à ses membres de penser aux conséquences de leurs décisions pour les sept prochaines générations de leur communauté. Nous savons que c'est difficile pour les politiciens, qui doivent régulièrement faire campagne pour se faire réélire, de penser même dix ou quinze ans dans l'avenir. Mais la réalité troublante — la tragédie — de la surreprésentation des Autochtones dans le système judiciaire peut être mieux comprise en partie grâce au fait que les décideurs n'ont pas souvent pris le temps de réfléchir aux conséquences de leurs décisions sur les communautés autochtones.
Nous vous conseillons vivement de résister aux pressions exercées par ceux qui croient que le système judiciaire pour jeunes contrevenants n'est pas assez sévère. Résister à ces pressions parce que céder ne mènera qu'à la perpétuation de pratiques inefficaces. Ce sont des pratiques qui mènent à la continuation de l'incarcération disproportionnelle des Autochtones. Ce sont des pratiques qui ne font rien pour changer le comportement de ceux qui commettent des infractions. Enfin, ce sont des pratiques à court terme qui n'améliorent pas la sécurité des communautés, mais plutôt rendent celles-ci plus dangereuses en faisant entrer les jeunes Autochtones dans un cercle vicieux au sein du système pénal.
Merci, thank you, meegwetch.
Je voudrais d'abord m'adresser à M. Wamback.
Monsieur Wamback, je crois que vous avez vécu une grande douleur dans votre vie. Elle est palpable encore aujourd'hui. Tout d'abord, j'aimerais vous offrir d'autres marques de sympathie, en plus de celles qui vous ont été données dans votre vie, soit les miennes, les plus sincères.
J'ai été chanceux, car rien de tout cela ne m'est arrivé, et mes enfants me comblent de joie. Je n'ai pas vérifié, mais je crois que tous ceux qui sont ici sont des parents. Personnellement, je suis grand-père depuis près d'un an; ma fille m'a fait la joie de mettre au monde des jumelles. Mon fils vient de m'informer que son épouse est enceinte. Vous pouvez être certain que si un individu touchait à ces enfants, il faudrait qu'on me tienne loin de lui, car je ne crois pas que je pourrais me contrôler. J'éprouve énormément de sympathie à votre égard. Même si je n'ai jamais vécu cette souffrance très profonde, je n'ai pas de difficulté à l'imaginer.
Vous conviendrez, comme nous, que nous ne mettrons jamais complètement fin à la délinquance et à la délinquance juvénile. C'est une réalité de la vie. N'est-ce pas?
:
J'apprécie le fait que vous ayez cité l'exemple du Québec.
[Français]
Je m'excuse de ne pas pouvoir répondre en français.
[Traduction]
Je pense que le fait que le Québec a des services sociaux plus complets, en commençant par les services de garde d'enfants qui sont plus facilement accessibles à tous — pas accessibles à tous, mais plus facilement accessibles à tous — et le fait que le Québec met l'accent sur les composantes du développement social auxquelles les autres témoins ont fait allusion sont l'une des principales raisons pour laquelle cette expérience a bien fonctionné au Québec.
Quant à certaines mesures proposées, lorsqu'on commence à parler de dissuasion et de dénonciation, même si on prévoit des mesures de réadaptation et qu'on continue de mettre l'accent sur la réadaptation, chacun sait que le développement cognitif des jeunes, même avant l'âge de 18 ans, n'a pas, la plupart du temps, atteint le niveau qui permet aux jeunes de réfléchir à des concepts abstraits et de planifier comme nous voudrions qu'ils le fassent. En tant que mère, j'aimerais bien que mon jeune de 19 ans soit mieux en mesure de planifier, mais ce n'est pas la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui.
Actuellement, des jeunes sont tenus responsables. Lors de la détermination de la peine, on met l'accent sur la réadaptation et la réinsertion sociale. Il arrive occasionnellement que d'excellents programmes intensifs de réadaptation et de traitement soient offerts — possibilités de PSPIR. Toutefois, ces possibilités ne sont pas suffisamment offertes. Les changements qui sont proposés nous inquiètent dans la mesure où ces possibilités seront encore moins souvent offertes. Il y aura moins de possibilité, et on mettra davantage l'accent sur l'évaluation des risques, comme c'est le cas dans le système pour adultes, au détriment des possibilités de traitement. Comme mes collègues l'ont mentionné, il existe suffisamment d'exemples de jeunes qui ont été abandonnés par le système.
:
En réponse à votre question sur les peines applicables aux adultes, monsieur Comartin, l’une des fausses idées les plus répandues au Canada est qu’une personne de moins de 18 ans qui commet un crime grave — meurtre au premier ou au deuxième degré —, et qui reçoit une peine applicable aux adultes, purge une longue peine en milieu carcéral, alors que la réalité est qu’elle passe beaucoup plus de temps en détention si elle est jugée en tant qu’adolescente.
Ce qui nous préoccupe au sujet de ces gens... Un membre du comité a demandé à savoir le nombre de personnes en cause. J’admets que le nombre de personnes de moins de 18 ans qui commettent ces crimes atroces et aberrants est faible. Mais notre pays ne s’est pas doté de la capacité, dans son droit criminel, de s’occuper comme il faut de ces gens, de prévoir les peines qui garantiront que les jeunes personnes violentes bénéficieront de la réadaptation qui semble tenir tellement à cœur à tout le monde ici.
Nous représentons avant tout ceux qui ont connu la violence extrême, et qui ont ensuite vu les assassins de leurs enfants remis en liberté en l’espace de moins de 18 mois, sans avoir été assujettis au moindre counselling, à une réadaptation ou à un soutien. Ils sont de retour dans la rue, porteurs d’une réputation de courage plus grande qu’auparavant, et semant le désordre parmi les jeunes.
C’est cela qui nous préoccupe, et c’est la raison de notre présence aujourd’hui — essayer d’exprimer notre point de vue et celui de millions de Canadiens, qui se sentent très frustrés par...
Je me range de votre avis concernant les jeunes Autochtones et la surreprésentation de certains groupes. J’espère avoir l’occasion un jour de collaborer avec vous pour redresser ou régler ce problème social. On peut en dire autant de gens qui sont sous les autres rapports... Mais nous devons pouvoir nous en occuper, et c’est impossible.