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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 004 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 mars 2010

[Enregistrement électronique]

(1010)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    C'est la quatrième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne; nous sommes le 25 mars 2010. Nous poursuivons notre étude sur le crime organisé.
    Je mentionne pour le compte rendu que nous avons voyagé dans l'ensemble du Canada pour solliciter les idées des Canadiens. Nous sommes déjà allés à Halifax, Montréal et Vancouver. Aujourd'hui, nous voulons entendre les bonnes gens à Toronto, en Ontario. Nous accueillerons plusieurs témoins au cours de notre séance de ce matin.
    Nous avons tout d'abord l'Association canadienne des libertés civiles, représentée par Graeme Norton.
    Bienvenue une fois de plus.
    Nous allons également entendre le Conseil canadien des avocats de la défense, représenté par William Trudell.
    Nous vous souhaitons également la bienvenue encore une fois à notre séance.
    Nous allons entendre M. Henry de la Hoodlinc Youth Organization qui arrivera un peu plus tard.
    Entre-temps, nous allons commencer. Je pense que la plupart d'entre vous connaissent la formule. Vous avez chacun 10 minutes pour présenter votre exposé et nous passerons ensuite aux questions des membres du comité. Qui veux commencer?
    Monsieur Norton.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Au nom de l'Association canadienne des libertés civiles, je vous remercie de nous avoir invités à vous transmettre nos réflexions.
    Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas bien l'Association canadienne des libertés civiles, je dirais que nous sommes un organisme national et sans but lucratif de défense et de surveillance des libertés civiles qui a été créé en 1964. Notre mission consiste essentiellement à promouvoir le respect et l'observation des libertés civiles et droits de l'homme fondamentaux et de veiller à protéger l'exercice de ces droits et libertés au Canada. Nos activités sont diverses: recherche, défense de droits, contentieux et éducation publique. Nous avons plusieurs milliers de membres de toute origine.
    L'ACLC reconnaît que le crime organisé nuit gravement à la société. Cette criminalité porte atteinte au tissu social de nos collectivités et menace notre sécurité économique et personnelle. Elle peut déboucher sur la prolifération de la violence et entraîne des coûts considérables et tragiques pour tous ceux qui sont touchés par elle, tant directement qu'indirectement.
    L'ACLC n'a pas de position officielle sur le crime organisé. Nous pensons néanmoins que toute mesure visant à lutter contre ce phénomène doit, comme toutes les autres lois, être nécessaire et efficace et porter atteinte le moins possible aux droits et libertés des Canadiens.
    C'est de ce point de vue que nous avons examiné plusieurs propositions et outils de lutte contre le crime organisé dont l'étude a été confiée au comité. Je vais traiter brièvement de trois de ces propositions dans mes commentaires ce matin et je ferais de mon mieux pour répondre aux questions que vous avez au sujet des autres moyens de lutter contre le crime organisé que vous avez examinés dans le cadre de votre étude.
    Premièrement, j'aimerais parler des peines minimales obligatoires, une question que, je le sais, le comité a examiné de façon approfondie, tant dans le contexte du crime organisé qu'au-delà. L'adoption récente des projets de loi C-2 et C-14 a eu pour effet d'introduire au Canada d'autres peines minimales obligatoires, dont quelques-unes visent directement les infractions de crime organisé. En outre, le gouvernement a l'intention de présenter un texte législatif sur les crimes liés aux drogues qui était auparavant le projet de loi C-15 et qui va attirer encore l'attention sur la question des peines minimales obligatoires dans les mois qui viennent.
    Pour ce qui est des peines d'emprisonnement minimales obligatoires, l'ACLC estime que ces peines ne sont pas appropriées pour lutter contre le crime au Canada. C'est là notre position, quelle que soit l'infraction pour laquelle la peine est imposée, et notre position est fondée sur trois éléments principaux.
    Premièrement, les peines minimales obligatoires peuvent amener le tribunal à imposer une peine prédéterminée dans une affaire où cette peine est trop sévère. Résultat, le contrevenant reçoit une peine trop lourde, ce qui constitue une injustice.
     Deuxièmement, les peines minimales obligatoires ne sont pas efficaces. En fait, la plupart des études qui ont examiné la question concluent qu'il y a peu de gens qui sont au courant des peines minimales obligatoires et que, lorsqu'elles sont en vigueur, il n'a pas été démontré qu'elles avaient un effet dissuasif.
    Troisièmement, les peines minimales obligatoires altèrent le système de justice parce qu'elles transfèrent aux policiers et aux poursuivants le pouvoir discrétionnaire accordé auparavant aux tribunaux. Lorsqu'un tribunal n'a d'autre choix que d'imposer une peine donnée, la véritable décision au sujet de la punition qui sera infligée au contrevenant découlera de décisions qui ont été prises avant que le procès ne commence, comme par exemple, la décision de porter des accusations ou de procéder par mise en accusation ou par procédure sommaire.
    Compte tenu de ces réalités, l'ACLC invite le comité à ne pas recommander que les peines minimales obligatoires soient utilisées pour lutter contre le crime organisé.
(1015)
    Monsieur Norton, je vais vous demander de ralentir votre débit. Les interprètes ont du mal à vous suivre. Nous voulons que tout ce que vous dites soit correctement enregistré.
    Je vous demande de m'excuser de ne pas être capable de parler dans les langues officielles, et je vais faire de mon mieux pour parler à une vitesse appropriée dans l'une de ces langues.
    La deuxième question dont j'aimerais parler est celle des textes relatifs à l'accès légal. Cela fait près de 10 ans que circulent des propositions destinées à élargir l'accès légal au Canada et le gouvernement a manifesté l'intention de proposer encore une fois, au cours de la législature actuelle, un nouveau projet de loi sur l'accès légal. Nous ne sommes pas contre l'idée de donner aux organismes d'application de la loi les moyens de suivre l'évolution de la technologie, mais nous nous interrogeons sur les mesures législatives proposées et sur la façon dont elles cherchent à atteindre cet objectif.
    Notre principale préoccupation concerne l'affaiblissement des conditions à respecter pour avoir accès à des renseignements qui seraient autrement privés. Dans certains cas, les conditions d'obtention d'un mandat sont passées de l'obligation d'avoir des motifs raisonnables de croire à celle d'avoir des motifs raisonnables de soupçonner. Dans d'autres cas, l'autorisation judiciaire préalable n'est plus exigée. Ces pouvoirs peuvent être exercés quelle que soit la nature de l'infraction qui fait l'objet de l'enquête et le niveau d'urgence de celle-ci. Ces dispositions élargissent considérablement l'accès des services de police à des renseignements privés qui peuvent contenir des données très personnelles.
    L'ACLC trouve très inquiétante cette érosion des protections dont bénéficie la vie privée. Le respect de la vie privée est un droit essentiel et de plus en plus complexe qui est au cœur de notre démocratie constitutionnelle. Il doit bénéficier d'une robuste protection et toute exception à ce droit doit être nécessaire et assujettie à un contrôle judiciaire étroit.
    Du point de vue de l'ACLC, les pouvoirs en matière d'accès légal qui ont été proposés sont beaucoup trop intrusifs et beaucoup trop larges. Ils ne répondent pas aux préoccupations légitimes qu'ont soulevé les organismes d'application de la loi et ils vont bien au-delà de ce qui est nécessaire pour moderniser le régime d'accès légal canadien. C'est pourquoi l'ACLC invite le comité à recommander que ce projet de loi ne soit pas mis en oeuvre tant qu'il n'aura pas été modifié pour concilier les besoins des organismes d'application de la loi et le respect de la vie privée.
    Enfin, j'aimerais aborder la question de l'établissement d'une liste des organisations criminelles, qui, je le sais, a été proposée au cours des audiences précédentes que le comité a tenues au sujet du crime organisé. Il n'y a pas eu à notre connaissance de proposition précise indiquant exactement comment fonctionnerait une telle liste; nous nous posons toutefois des questions sur la forme qu'elles pourraient prendre une telle liste.
    D'après notre expérience, et d'une façon générale, les listes de ce genre se sont avérées très lourdes à administrer et difficiles à tenir à jour. Elles imposent fréquemment des conséquences ou des sanctions fondées sur une décision exécutive plutôt que sur une décision judiciaire, ce qui soulève des interrogations au sujet de l'opacité du processus utilisé pour ajouter un élément à la liste.
    Comme nous l'avons constaté avec les listes d'interdiction de vol, ce genre d'entreprise échappe rapidement à tout contrôle, crée des problèmes graves pour ceux dont le nom se trouve à tort sur une liste donnée. Les personnes inscrites à tort éprouvent souvent de grandes difficultés à faire supprimer leurs noms de cette liste, et en attendant d'y parvenir, elles doivent souffrir de graves atteintes à leur liberté personnelle.
    C'est la raison pour laquelle l'ACLC estime qu'il ne serait pas souhaitable de créer une liste des organisations criminelles. Cependant, si le comité proposait la création d'une telle liste, l'ACLC recommanderait qu'elle soit au moins assortie des mesures suivantes de façon à réduire autant que possible ses conséquences négatives.
    Premièrement, nous recommandons qu'une organisation ne puisse être rajoutée à cette liste que si un tribunal a vérifié qu'elle est bien visée par la définition d'organisation criminelle du Code criminel.
    Deuxièmement, nous recommandons que cette liste soit régulièrement révisée pour faire en sorte que tous les groupes qui y figurent répondent toujours à la définition.
    Troisièmement, il faudrait mettre sur pied un mécanisme qui permettrait à tout groupe inscrit sur cette liste de demander que soit supprimé son nom s'il estime ne pas devoir y figurer. Dans le cadre d'une telle demande, les membres du groupe concerné devraient avoir accès aux preuves sur lesquelles était fondée l'inscription sur la liste.
    Enfin, la liste ne devrait être utilisée que dans leur seul but avancé pour la justifier: réduire les redondances dans la poursuite des infractions d'organisations criminelles.
    Je vais conclure ici et vous remercier encore une fois de m'avoir invité aujourd'hui. Je serai très heureux de répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à monsieur Trudell.
    Je remercie le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux d'avoir été invité à nouveau pour représenter le Conseil canadien des avocats de la défense et pour changer, c'est moi qui vous souhaite la bienvenue à Toronto.
    J'aimerais vous parler aujourd'hui d'un aspect central de la lutte contre les organisations criminelles, l'évolution des textes législatifs, et la façon dont le système de justice pénale aborde ces questions, plutôt que de vous présenter des commentaires précis sur certaines questions. Par exemple, nous avons déjà fait connaître notre position officielle sur les peines minimales qui limitent le pouvoir discrétionnaire des tribunaux et nous avons parlé de cette question à de nombreuses reprises.
    Il me semble que l'élément essentiel ici est la collaboration. À la lecture des témoignages fort utiles que vous avez entendus dans les différentes régions du pays, je note qu'il en ressort un thème commun. Je dois dire que cette dernière année, la collaboration entre la police, la Couronne, la défense, les collectivités et les gouvernements a joué un rôle de plus en plus important pour ce qui est d'étudier les problèmes, de mieux administrer le système de justice pénale, de mieux cerner les causes du crime et de gérer la participation des collectivités.
    Je tiens à utiliser le mot « collaboration » et estime qu'il est absolument essentiel que les différents partenaires du système de justice pénale, et même les éléments qui n'en font pas partie, collaborent. Il faut qu'il y ait de la collaboration entre les gouvernements. Il doit y avoir de la collaboration entre les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral pour ce qui est du financement, des services de police, de la communication de l'information, et sur le plan des problèmes qui touchent les collectivités, comme par exemple la participation communautaire, un aspect très important.
    Tous les paliers de gouvernement doivent s'intéresser à la participation communautaire, parce que c'est un aspect très important. Il faut qu'il y ait de la collaboration au sein des collectivités. Il faut que les collectivités comprennent la situation. J'ai été vraiment très impressionné par le témoignage que vous a livré à Halifax, le chef Beazley, au sujet de la participation des policiers à la vie communautaire.
    Il faut premièrement que les différents paliers de gouvernement collaborent. Il faut que le partage des responsabilités, notamment financières, soit clair. Il faut que les différents secteurs gouvernementaux collaborent. Il n'est pas possible de fonctionner de façon isolée, parce que la justice pénale n'est pas en mesure de résoudre les problèmes de santé, les problèmes de toxicomanie et de santé mentale qui peuvent découler des activités du crime organisé, en particulier pour ce qui est de la prolifération des drogues dans les collectivités. Il faut que les services sociaux et de santé mentale ainsi que les autres secteurs de service travaillent avec vous pour s'attaquer aux problèmes liés à la justice.
    Une société ne peut fonctionner de façon isolée. Il faut que les divers secteurs collaborent. Voici un bon exemple de ce que je veux dire. Je pense que de nombreux policiers vous diraient que faire accompagner un récidiviste chronique à l'hôpital par quatre ou cinq agents de police, au lieu de leur demander de patrouiller les rues, est une perte de temps. Cela intéresse la santé mentale, les services sociaux et les différents ministères, de sorte qu'il est important de parler de la santé lorsque l'on parle de collaboration.
    Il faut également de la collaboration au sein des collectivités. Il faut que les membres de la collectivité collaborent avec les organismes policiers, la Couronne, la défense et les tribunaux. Il faut que le public comprenne la situation. Si nous pensons aux différents types de crime organisé, il y a les gangs de rue qui sont en fait des organisations territoriales au sein des collectivités. Ils diffèrent sur certains aspects des Hells Angels traditionnels. Il y a des guerres de territoire. Ils se trouvent dans les collectivités. Bien souvent, nous avons un problème dans certains quartiers de la ville. Dans la plupart de ces quartiers, il y a des familles monoparentales et les gangs se livrent des guerres de territoire. Nous avons besoin d'une participation communautaire, nous avons besoin de collaboration dans ce domaine.
    Il faut que la Couronne, la défense, les tribunaux et la police collaborent. Il est arrivé une chose remarquable l'année dernière; grâce au travail du Comité directeur national sur l'efficacité et l'accès en matière de justice et également grâce au symposium national, qui a été mis sur pied par l'Association nationale des chefs de police, les intéressés se sont réunis pour identifier certains problèmes que pose la lutte contre le crime et améliorer le système; et nous avons constaté que nous avons davantage de choses en commun dans ce domaine que sur d'autres plans.
(1020)
    J'estime également qu'il faut collaborer lorsqu'il s'agit de réfléchir. Vous avez accueilli des personnes extrêmement intéressantes, de sorte que vous avez un point de vue général sur les causes des activités criminelles et du crime organisé. Je me souviens que quelqu'un a parlé de piraterie — et de tout le reste. Le crime organisé est une réponse aux personnes qui n'aiment pas la loi — ou les besoins.
    C'est pourquoi je vous demande de réunir toute l'information que vous ont fournie les savants professeurs qui ont témoigné devant vous et d'adopter une approche axée sur la collaboration pour résoudre les questions qui touchent le crime organisé et le système de justice pénale.
    Il faut adopter une approche axée sur la collaboration pour l'éducation. Nous, les intéressés, la défense, la Couronne, la police, ne prenons pas toujours la peine de bien comprendre nos points de vue respectifs. Par exemple, vous avez entendu à plusieurs reprises que la question de la divulgation faisait problème. La divulgation n'est pas le problème; c'est l'accès à la divulgation, la structure de la divulgation, et la transmission des documents qui le sont. C'est pourquoi il faut adopter une approche éducative axée sur la collaboration pour les agents de police, les jeunes avocats et les procureurs de la Couronne sur les raisons pour lesquelles la divulgation est une chose nécessaire. Elle est garantie par la loi, il faut donc la respecter et mieux gérer le système. La seule façon de le faire est d'adopter une approche axée sur la collaboration.
    Il ne suffit pas, si vous me permettez de le dire, de parler des peines minimales et de la façon dont nous nous attaquons au problème. Il est probable que nous n'allons jamais résoudre l'évolution historique des activités criminelles et du crime organisé, en insistant simplement sur la répression. Comprendre les problèmes, les motifs profonds et la façon dont le système les gère est peut-être une des solutions magiques que vous allez tirer de cette multiplication des audiences.
    Je vous félicite vraiment de vous rendre dans les différentes collectivités. Je suis certain que certaines choses que vous avez entendues — les idées que présentent les services de police pour éviter d'avoir un système trop rigide... Parce qu'un système rigide ne permet pas de régler les problèmes sous-jacents. C'est le message que j'aimerais vous laisser aujourd'hui, au nom du Conseil canadien des avocats de la défense. La lutte contre le crime organisé et l'utilisation à cette fin du système de justice pénale passe nécessairement par une approche axée sur la collaboration.
(1025)
    Je vous remercie.
    Je remarque que M. Henry est arrivé pour représenter Hoodlinc. Vous avez 10 minutes pour présenter un exposé et nos membres vous poseront ensuite des questions.
    Encore une fois merci et bonjour à tous. Je suis heureux d'être ici. Il est très rare que quelqu'un comme moi ait la possibilité de parler à un comité comme le vôtre et j'apprécie beaucoup le privilège que vous m'accordez d'être ici ce matin.
    Comme je l'ai déjà dit, je suis le directeur exécutif de Hoodlinc Youth Organization, un organisme de base sans but lucratif de la région Scarborough est de Toronto. Je vais parler uniquement d'un point de vue communautaire. Je ne suis pas un expert en criminalité, ni même en crime organisé, mais dans le cadre de mon travail, je suis souvent en relation avec le système de justice pénale, plus précisément le système de justice pénale pour les jeunes.
    Les membres de nos collectivités, en particulier à Scarborough, pensent tous qu'il y a beaucoup de gangs et de crime organisé ici. Je suis venu vous dire que ce n'est pas le cas.
    Il est vrai qu'à un certain niveau, certains membres de la collectivité, en particulier des jeunes, finissent par appuyer le crime organisé, qu'il s'agisse de drogues ou d'armes à feu qui sont introduites dans les collectivités et qui sont ensuite, par les points centraux de ces collectivités, disséminées dans un secteur plus large... Mais ce que nous voyons dans notre collectivité, c'est principalement des jeunes qui commettent des crimes mineurs et qui appuient le crime organisé. Ce sont des jeunes qui ont été repoussés par la société, qui ont été marginalisés et, pour résumer, qui ont du mal à subvenir à leurs besoins dans nos collectivités et qui commettent des actes de désespoir lorsqu'ils commettent des crimes pour se procurer de l'argent et vivre à leur façon.
    Pour une bonne partie de nos jeunes gens, le crime et les drogues sont simplement un moyen de survivre. Je suis donc venu vous dire qu'il n'y a pas de gangs ou de crime organisé dans notre collectivité, même si nous avons appuyé... Il y a simplement des groupes de jeunes qui ont grandi ensemble, qui ont parfois partagé le même lit et mangé dans la même assiette, qui sont venus à s'entraider et qui finissent par exercer des activités criminelles, faute d'avoir d'autres possibilités.
    Cela fait sept ans que notre organisation essaie d'amener notre collectivité à apporter des solutions à certains problèmes. Nous avons mis sur pied un certain nombre de programmes qui ont été de grandes réussites, en particulier dans le secteur Malvern de l'est de Scarborough.
    En 2005, lorsque la ville de Toronto et Centraide essayaient d'identifier les collectivités à risque — je crois qu'on parlait de 13 collectivités prioritaires, dont faisait partie Malvern, celle où je réside — Malvern était une des pires collectivités pour ce qui est de la criminalité chez les jeunes, du vandalisme chez les jeunes, et il y avait un taux de décrochage particulièrement élevé chez les étudiants des écoles secondaires. Je suis heureux de pouvoir vous affirmer que, quatre ans plus tard — et bientôt cinq ans — la situation a complètement changé, ou presque. Malvern qui était une des pires collectivités fait maintenant partie des meilleures.
    La solution a été pour nous d'amener les jeunes et les collectivités à agir ensemble. Il ne s'agissait pas seulement de participation, mais de donner à ces collectivités les moyens d'assumer leurs responsabilités. Nous nous sommes introduits dans certaines collectivités et avons amené les jeunes à jouer un rôle de mentors et de leaders pour d'autres jeunes. Nous avons réussi à mobiliser les ressources locales, les conseils scolaires plus particulièrement, les services de police locaux et les agences locales pour qu'elles participent en collaboration et amènent des ressources à ces jeunes, en particulier dans le domaine de l'éducation.
    Lorsque j'ai commencé à travailler dans ma collectivité, quatre jeunes sur 10 seulement terminaient leurs études secondaires; un sur 10 suivait des études postsecondaires. C'était une situation qui appelait une intervention. Il y avait trop de jeunes qui se trouvaient à l'écart de la société pour ce qui est des études et qui devaient se débrouiller seuls dans la collectivité.
    Nous avons réussi à former des partenariats avec le conseil catholique et à créer des écoles alternatives destinées à ces jeunes. Et nous avons connu des succès. Nous avons mis sur pied des programmes de nutrition pour nourrir les jeunes et des programmes sociaux et culturels pour développer leur imagination et leurs intérêts. Tous les programmes ont été offerts grâce à la collaboration d'un certain nombre d'agences de la collectivité de Scarborough et ils ont eu des effets très importants.
(1030)
    Je ne voudrais pas vous faire croire qu'aujourd'hui tout est rose dans notre collectivité. Ce n'est pas le cas. Mais nous n'avons pas de gang et je ne voudrais pas que l'on dise que ma collectivité abrite de nombreux gangs, parce que cela laisse entendre aux gens qui élaborent les politiques que c'est une simple question de services de police. Il y a effectivement quelques personnes dans la collectivité qui doivent être incarcérées pour qu'elles puissent vraiment changer, mais il faut savoir adopter une approche à deux niveaux: la première est le niveau policier, qui vise à prévenir les crimes, mais il faut également comprendre que l'immense majorité des jeunes qui vivent dans ces collectivités à haut risque dans la région de Toronto ont entre 12 et 21 ans et en toute probabilité, viennent de familles monoparentales.
    En fait, nous ne parlons plus de familles dans nos quartiers. Nous parlons maintenant d'unités de survie, parce que c'est essentiellement ce qu'elles sont, elles comprennent une mère et un certain nombre d'enfants qui font tout ce qu'ils peuvent pour survivre.
    Une partie du problème peut être réglée par les services policiers et la prévention par l'incarcération, mais la principale solution consiste à trouver des ressources susceptibles d'offrir des possibilités aux jeunes dans le domaine de l'éducation, de l'emploi et du changement social.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité.
    Monsieur Murphy, pourquoi ne commenceriez-vous pas?
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus. Les déclarations de M. Henry m'ont beaucoup intéressé. Je pense que nous devrions tous nous pencher sur cet aspect. Je consacrerai le deuxième tour de questions à cet aspect très intéressant.
    Mais pour ce qui est du premier tour, j'aimerais poser à M. Trudell et M. Norton les mêmes questions. Je résumerai en disant que, dans leur domaine qui est la protection de la charte et des libertés civiles, qu'il faut concilier avec la nécessité d'assurer la sécurité de la société — un aspect sur lequel tous les membres du comité sont d'accord, la nécessité d'assurer la sécurité de la population — il me semble qu'il ressort de ces audiences certains thèmes sur lesquels tout le monde s'entend. Les commentaires qu'a faits M. Trudell au sujet de la collaboration et du travail conjoint des intervenants — les forces communautaires, les forces policières, les poursuivants, etc. — me paraissent très justes. C'est une façon d'améliorer l'efficacité du système.
    Il me semble que les représentants des services d'application de la loi nous disent également qu'il faut disposer d'outils plus précis dans notre lutte contre le crime. L'idée que pourrait avoir un conseil municipal, qu'il faut tout simplement que les policiers patrouillent est dépassée depuis longtemps. Tout cela n'est que de la vulgaire politique. Mais, ces personnes nous disent qu'il faut diriger les ressources vers des activités policières ciblant des problèmes particuliers et que c'est la façon dont le Parlement peut être utile.
    Je vais vous poser des questions sur trois domaines. Le premier concerne un projet de loi qui pourrait obliger les sociétés de télécommunications, les fournisseurs de services Internet et les fabricants d'appareils à utiliser un matériel qui facilite les interceptions. Je prends très au sérieux ce que vous avez dit tous les deux au sujet du contrôle judiciaire et du respect de la vie privée, mais à l'heure actuelle, le crime organisé utilise des appareils pour transmettre des messages qu'il est impossible d'intercepter. Le juge peut bien rendre une ordonnance, mais c'est une ordonnance qui n'a aucun effet. J'aimerais donc savoir si vous pensez que les protections judiciaires constituent une garantie suffisante.
    Le deuxième aspect est la confiscation des produits de la criminalité. Il y a des provinces qui font de l'excellent travail dans ce domaine et nous avons appris qu'à Vancouver il est très efficace de saisir l'argent que possède le crime organisé. Il s'agit effectivement de faire ce genre de chose. En 2005, le gouvernement libéral a renversé le fardeau de la preuve et obligé l'accusé à démontrer qu'il était injustifié de confisquer ses biens. Je me demande ce que serait, d'après vous, aller trop loin en matière de confiscation des produits de la criminalité, que ce soit après une déclaration de culpabilité, en attendant ou pendant un procès.
    Le dernier aspect, si vous avez le temps, est que le projet de loi C-4 va bientôt être proposé, pour apporter des modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents; nous disons que les jeunes sont — et je suis tout à fait d'accord — des pions pour de nombreuses organisations criminelles. Oui, on les utilise et certaines dispositions de ce projet de loi visent précisément à contrer les groupes de crime organisé qui les utilisent comme des pions, en levant les interdictions de publication des noms de certains de ces jeunes et en prenant des mesures extrajudiciaires pour lutter contre ce problème.
    J'aimerais connaître quelles sont les implications de ces trois domaines sur les libertés civiles et la charte.
(1035)
    Premièrement, j'aimerais répondre d'une façon générale à une question qui a constamment été soulevée devant vous, à savoir celle des ressources. Il est certain que le comité doit toujours se demander s'il existe suffisamment de ressources pour que la police puisse essayer de rester au niveau du crime organisé, voire même le dépasser, en particulier dans le domaine du vol d'identité et de l'utilisation d'Internet, qui représente une nouvelle ère pour nous, une nouvelle époque. Il me semble qu'il faut, au départ, veiller à ce que la police dispose de ressources appropriées pour qu'elle puisse être à jour sur la technologie qu'elle a besoin d'utiliser pour lutter contre ce nouveau genre de crime.
    Je mentionne en passant qu'il est très important, lorsque j'utilise le mot « collaboration », que les services policiers collaborent entre eux. J'ai lu dans un des rapports trois paragraphes qui mentionnaient que certaines organisations policières avaient besoin de financement. Il faut donc s'occuper des ressources d'une façon globale et de veiller à ce que les policiers n'en manquent pas.
    Par contre, il ne me paraît pas possible de prendre les trois exemples que vous avez présentés et essayer de trouver une solution qui puisse s'appliquer à toutes les circonstances. Je ne veux pas utiliser le mot « inapproprié », mais il ne faudrait pas apporter une réponse rigide à ce qui nous paraît constituer des problèmes.
    Parlons d'obliger les sociétés de télécommunications à faciliter les choses. Je crois pouvoir affirmer que certaines choses ont déjà été faites dans ce domaine, mais comment faut-il procéder? Il est très important de concilier les différents intérêts et de savoir qui est responsable de ces aspects en dernier ressort. Il est certain qu'à une époque où les téléphones sont jetables, etc., apparaît un nouveau type de comportement criminel qui n'est pas provincial, pas fédéral, mais international. C'est sans doute un aspect qu'il conviendrait vraiment d'examiner. Comment amener les fournisseurs de ces services à s'intéresser davantage à ce problème, en tant que collectivité, qui est bien ce qu'ils sont, n'est-ce pas? Je pense qu'il est donc possible d'examiner plus à fond cette question.
    Pour ce qui est de la confiscation, je dirais que cela dépend en fait de ce dont vous voulez parler. Il existe plusieurs formes de ce que j'appellerais le crime organisé. Mon ami, M. Henry, a parlé de façon très éclairante du fait qu'il n'y avait pas de crime organisé dans ces collectivités. Il y a, par contre, des personnes qui se réunissent parce qu'elles se cherchent une identité ou un genre de culture. Il existe un autre type de crime organisé dont nous avons sans doute commencé à parler il y a environ 15 ans; ce sont les motards, les organisations criminelles qui sont motivées par la recherche de l'argent. C'est bien ce que c'est; c'est une activité commerciale qu'ils ont décidé d'exercer parce que le gouvernement la réglementait. À mon avis, c'est un autre type de groupe que nous pourrions peut-être cibler.
    Mais la confiscation soulève toutes sortes de difficultés reliées à la protection de la vie privée. Quels sont les intérêts auxquels nous nous attaquons? Il faut qu'il y ait un intéressé et il faut en arriver à un certain équilibre. Je serais très inquiet que l'on puisse confisquer des biens avant qu'un tribunal ait condamné l'accusé, parce que c'est bien souvent un tiers innocent qui doit réparer les pots cassés.
    Ce sont de bonnes idées, ce sont des idées intéressantes, mais il faut les examiner d'un point de vue global. Il faut être sûr des personnes que l'on veut viser, il faut en arriver à un équilibre par rapport à la présomption d'innocence et à la propriété des biens, parce que les personnes qui sont touchées par une confiscation immédiate et par certaines de ces mesures ne sont pas toujours celles que nous voulons cibler. C'est un tout; ce sont des gens qui sont, en fait, sous certains aspects, des victimes dans la collectivité.
    Quel était le troisième domaine, monsieur Murphy?
(1040)
    La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    En fait —
    Mon temps de parole est écoulé.
    Tour suivant.
    Votre temps de parole est écoulé, mais vous pourrez intervenir pendant le deuxième tour, vous avez raison.
    Nous allons maintenant passer à M. Ménard. Vous avez sept minutes.

[Français]

    Il y a ici des gens de deux organisations qui comprennent depuis longtemps que non seulement les sentences minimales n'ont aucun effet dissuasif, mais qu'en plus, elles obligent parfois les juges à faire ce qu'ils estiment être des injustices. Pour justifier les sentences minimales, on nous donne souvent l'exemple de cas pour lesquels, en apparence, la sentence était grossièrement insuffisante.
     Je sais que les sentences minimales donnent lieu à beaucoup de négociations de plaidoyer et que, par conséquent, ces choses ne sont pas publiques. Cependant, les juges disent parfois avoir les mains liées par la sentence minimale alors même qu'ils la considèrent injuste.
    Faites-vous un relevé de ces cas, à l'Association canadienne des libertés civiles et au Conseil canadien des avocats de la défense? Sinon, seriez-vous en mesure de le faire à l'avenir?
(1045)

[Traduction]

    Je peux répondre à cette question. Nous n'avons pas effectué une étude générale de la mise en oeuvre des peines minimales obligatoires. Nous avons examiné certains contextes particuliers dans le cadre de certains projets de loi. Dans le cas du projet de loi C-15, nous avons présenté un mémoire au comité au printemps dernier, il y a presqu'un an.
    Nous avons examiné certaines affaires qui ont été jugées récemment par les tribunaux, des affaires dans lesquelles les accusés n'ont pas reçu les peines qu'ils auraient reçues autrement. C'étaient des affaires dans lesquelles les tribunaux n'ont pas imposé les peines qu'ils seraient peut-être obligés d'imposer maintenant. C'était également des affaires où les tribunaux avaient fixé des peines qui étaient plus sévères que celles qu'ils seraient obligés d'imposer avec des projets de loi.
    Pour ce qui est des recherches universitaires sur cette question, je pense qu'il existe de nombreuses études universitaires et en sciences sociales, qui portent sur les peines minimales obligatoires. Je ne sais pas très bien ce que pourrait apporter une nouvelle étude globale. Je pense que les études effectuées depuis de nombreuses années vont à peu près toutes dans le même sens. Je dirais que certains aspects dont j'ai parlé dans mon exposé ont été tirés de toutes les études qui ont été effectuées à ce sujet dans le domaine des sciences sociales.
    Monsieur Ménard, le Conseil canadien des avocats de la défense a, comme vous le savez, des représentants dans toutes les régions du pays et dans le nord. Il est trop tôt pour pouvoir mesurer l'impact des nouveaux projets de loi imposant des peines minimales obligatoires. Nous avons décidé d'essayer de réunir des données sur l'impact qu'ils auront et pour voir si les aspects négatifs l'emportent sur les aspects positifs. Nous ne sommes pas encore en mesure d'évaluer ces effets.
    Je crois pourtant qu'il est bien connu que la nomination des juges s'accompagne de beaucoup d'éclat. Nous choisissons des juges expérimentés. Nous nous félicitons de leur nomination. Nous restreignons ensuite leur capacité de faire leur travail. Cela n'est pas bien. Les preuves qui montrent que les juges ne sanctionnent pas sevèrement les auteurs d'infractions sont tout à fait pointillistes
    Je pense que l'imposition des peines minimales obligatoires est peut-être une déclaration politique. Ces peines vont-elles changer les comportements? Vont-elles avoir d'autre effet que d'entasser ces personnes? Vont-elles améliorer le fonctionnement du système de justice pénale? Absolument pas. Ont-elles pour effet de frustrer les juges? Bien sûr que c'est le cas. Elles sont en réalité tout à fait injustes, si vous me permettez de le dire.

[Français]

    J'ai lu avec intérêt l'étude de Julian Roberts, commandée par le ministère de la Justice en 2005, sur les sentences minimales dans les pays du Commonwealth. Vous la connaissez peut-être. J'ai constaté que ces sentences sont appliquées dans tous les pays du Commonwealth. En général, environ 65 p. 100 des gens y sont favorables, mais à l'égard de cas précis qu'on leur soumet, ils n'appliqueraient pas ces peines.
    Je vais passer à ma deuxième question. Si nous décidons de faire, judiciairement, une liste d'organisations criminelles, qui pourra se déclarer défendeur dans le cadre d'une telle procédure judiciaire, selon vous?

[Traduction]

    Monsieur, pourriez-vous préciser votre question?

[Français]

    Si nous établissons une procédure judiciaire pour déterminer, par exemple, si une organisation criminelle va figurer sur la liste des organisations criminelles, qui pourra se déclarer défendeur, selon vous? Si on poursuit plus tard une personne pour avoir été membre d'une organisation criminelle, ne produira-t-on pas alors une preuve obtenue en l'absence de cette personne, qui n'aura pas pu la contester?
(1050)

[Traduction]

    Oui, c'est une possibilité. Je pense que l'idée d'une liste risque de soulever un grand nombre de problèmes. Je comprends parfaitement pourquoi certains proposent cette mesure, s'il y a des doubles emplois dans la situation actuelle et si les procureurs doivent constamment refaire le même travail. Je peux comprendre qu'une telle situation soit décourageante et problématique.

[Français]

    Je n'ai pas beaucoup de temps. Je vais y revenir.
    Dans l'étude que j'ai lue, j'ai noté que dans presque tous les pays du Commonwealth, sauf au Canada, on avait recours à ce qu'on appelle en anglais une saving clause lorsque le juge trouvait la sentence minimale injuste. Cette disposition permet au juge de ne pas appliquer la sentence, mais celui-ci doit expliquer, par écrit ou oralement, de sorte que ce soit inscrit dans le dossier, les raisons pour lesquelles il n'applique pas la sentence minimale dans ce cas particulier.
    Si nous étions obligés d'appliquer des sentences minimales, croyez-vous que nous devrions procéder comme les autres pays du Commonwealth?

[Traduction]

    Nous avons en fait proposé quelque chose de ce genre au cours d'une audience antérieure. Je pense que c'est effectivement une bonne chose. Cela crée un équilibre, fait passer un message, tout en permettant au juge d'exercer son pouvoir discrétionnaire et d'expliquer pourquoi dans les circonstances particulières de telle affaire impliquant cette personne ou ce groupe, la peine minimale qui aurait dû normalement être appliquée ne le sera pas. Cette décision est bien sûr susceptible d'appel..., mais cela établit un équilibre très créateur et supprime la rigidité d'une situation qui ne l'est pas.
    Les divers témoins que vous entendez ne possèdent pas toutes les réponses. Il n'y a rien de rigide, il faut donc donner aux parlementaires la possibilité de dire: « Un instant, nous pourrions peut-être changer la loi sur ce point. » Il faut donner aux juges la possibilité de dire: « Très bien, j'ai compris le message, mais on me demande maintenant de protéger la société, de protéger la collectivité, ce qui peut comprendre la famille de ce jeune homme ou les personnes qui seront touchées par la peine minimale. »
    Permettez-moi d'ajouter une autre chose pour que vous le sachiez. Une peine minimale imposée à Toronto est très différente d'une peine minimale imposée à Pond Inlet, parce que la collectivité est complètement bouleversée et que la personne originaire de Pond Inlet n'ira pas dans une prison locale. Elle sera envoyée à l'extérieur de sa collectivité. De cette façon, l'effet collaboratif de la situation est perdu.
    Je dirais donc, monsieur Ménard, que c'est un équilibre délicat, si je peux utiliser cette expression.
    Merci.
    Monsieur Comartin.
    M. Henry et M. Trudell, je pense que c'est la première fois que j'entends dire cela à l'extérieur d'Ottawa — dans les autres collectivités que nous avons visitées jusqu'ici — que les gangs de rue, comme nous les appelons, ne font pas partie du crime organisé.
    Les autres collectivités les considèrent comme un autre niveau du crime organisé, à côté de la mafia stéréotypée, la Cosa Nostra, le modèle traditionnel qui est historiquement apparu en premier dans la plupart de nos collectivités du XXe siècle, ensuite les motards à la fin du XXe siècle, et maintenant, ce sont les gangs de rue qui prennent la relève. Il existe des moyens de les reconnaître ou ils s'identifient eux-mêmes. Ils portent leurs couleurs bien souvent. Ils semblent s'emparer de territoires. Il arrive qu'auparavant ces territoires aient été contrôlés par des motards, même si je ne veux pas dire que ces territoires ne sont pas encore utilisés par les motards ou par les gangs à l'ancienne et le crime organisé.
    J'essaie de comprendre pourquoi on ne les considère pas comme une partie du crime organisé comme nous le pensons au comité de la justice et dans la plupart des services de police. J'admets que certains groupes de petite taille ne correspondent pas à cette notion. Mais si vous pensez aux Crips ou à certains gangs de rue de Toronto et de Vancouver, vous constaterez qu'ils répondent à la plupart des critères, voire à tous, qui définissent une organisation criminelle.
(1055)
    Permettez-moi de dire, M. Comartin, qu'il s'agit là d'une question complexe parce que nous sommes en train d'étiqueter des groupes. Pensons à un groupe qui se constitue dans une collectivité pour refléter des différences culturelles, et à un autre groupe qui, en l'absence de figure de père, se réunit pour avoir un sentiment d'appartenance. Bien souvent, lorsque ces jeunes comparaissent à leur enquête sur cautionnement, il n'y a jamais d'hommes qui se portent caution pour eux; ce sont des mères.
    Certains groupes se réunissent parce qu'ils veulent avoir un sentiment d'appartenance, et cela me fait penser à West Side Story, mais ils utilisent plutôt des armes à feu que des couteaux. C'est un autre genre de groupe, et les raisons pour lesquelles ils participent à ce groupe sont peut-être les aspects visés en fait par les activités qu'exercent M. Henry. Il n'est pas possible de placer l'étiquette du crime organisé sur ces groupes et d'affirmer ensuite, voilà comment l'on peut régler ce problème.
    Il peut arriver qu'il y ait dans la collectivité un groupe qui est un peu mieux organisé, qui porte des couleurs plus raffinées, et qui s'occupe davantage d'activités commerciales — propriété, contrôle de la distribution des drogues, etc. C'est un autre phénomène, mais s'il est issu de la collectivité, nous devons intervenir différemment.
    Troisièmement, c'est la notion classique dont nous avons parlé.
    Vous dites, eh bien, ils marchent comme des canards, ils font le même bruit que les canards, ce doit donc être des canards, mais ce n'est peut-être pas le cas. Je pense que le crime organisé, qui vient de se lancer, à l'heure actuelle, sur le plan international, dans le vol d'identité, est bien différent par sa nature qu'un groupe de six ou sept jeunes d'une collectivité qui viennent peut-être d'un autre pays et qui se regroupent parce qu'ils ont la même culture. Ils se réunissent peut-être parce qu'ils n'ont pas d'autre endroit où aller, qu'il n'y a rien à espérer et qu'il n'y a pas de services. De sorte que, lorsque nous essayons de trouver les moyens de lutter contre le crime organisé, il est évident qu'une solution ne peut s'appliquer à toutes ces manifestations. C'est une des raisons pourquoi il faudra revenir sur l'idée d'une liste. Quelqu'un va dire que nous avons commis une erreur avec cette liste; c'est parce que nous n'avions pas toutes les données.
    Il est facile de dire qu'un groupe est organisé et qu'il a l'air d'être organisé. Il y en a quelques-uns qui font semblant d'être organisés, le savez-vous? C'est le problème auquel nous faisons face, d'après moi.
    De mon point de vue, lorsque je pense au crime organisé, je pense davantage aux groupes de motards.
    Vous parliez il y a un moment de chefs, de subordonnés, et comme l'a dit M. Trudell, leur seule motivation est de se procurer de l'argent. Ce qui existe dans nos collectivités est loin d'être aussi bien organisé. Encore une fois, il y a des exceptions et des groupes de jeunes adultes plus âgés qui s'organisent jusqu'à un certain point pour travailler en collaboration et gagner leur vie grâce au crime. Il est évident que cela appelle une intervention policière. Mais je dirais que l'immense majorité, 95 à 98 p. 100 de ce que nous voyons dans notre collectivité, concerne simplement des jeunes qui ont quitté l'école, qui se réunissent de temps en temps pour manger et pour pouvoir dormir. Il y a effectivement des individus parmi ces groupes de jeunes qui finissent par commettre des crimes, mais ils ne rendent des comptes à personne. L'argent qu'ils gagnent dans la collectivité, ils ne le remettent pas à une personne de l'extérieur. Ils ne partagent pas des ressources dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle, d'après ce que je vois dans ma collectivité, il n'y a rien qui indique que nous avons un problème de gang ou de crime organisé chez nous.
    Pour la plupart de ces jeunes, lorsqu'ils ont des démêlés avec le système de justice pénale, il n'y a personne qui leur fournit un cautionnement; ils n'ont pas les moyens de payer un avocat 500 $ pour qu'il les représente à l'enquête sur cautionnement. Ce sont des gens comme moi qui doivent se rendre en prison s'ils sont détenus pour peut-être leur donner 50 $ pour qu'ils puissent manger quelque chose. Ces jeunes ne bénéficient d'aucun appui qui pourrait les amener à espérer que... J'ai connu des cas où un des membres d'un groupe de motards était arrêté et les autres motards retenaient pour lui les services d'un avocat et obtenait sa libération sous caution. Avec les jeunes dont je m'occupe dans nos collectivités, la plupart du temps — comme l'a dit M. Trudell — c'est leur mère qui s'occupe de tout et elle n'est même pas toujours capable de le faire.
    C'est pourquoi encore une fois je ne pense pas que le crime organisé soit un problème grave dans la plupart des quartiers de Toronto.
(1100)
    Permettez-moi de répondre aussi, M. Comartin. Je réfléchissais à ce problème. Prenons les services de police, nous leur demandons d'intervenir aux deux niveaux de ce que nous appelons le crime organisé: les motards et la collectivité. Dans le premier cas, les policiers essaient d'infiltrer le groupe et, dans l'autre, dans la collectivité, ils veulent intervenir. Je ne parle pas d'un groupe ancien et dont certains membres sont des criminels. Je pense que ce que nous voulons faire en augmentant la présence policière est que si je suis un policier et que je veux lutter contre le crime organisé, je vais essayer d'infiltrer cet organisme et faire des arrestations. Si je suis un policier qui essaie d'empêcher les gens des collectivités d'exercer des activités criminelles quelles qu'elles soient, je vais probablement essayer d'être actif dans la collectivité, pas simplement infiltrer le milieu, mais participer. Dans un cas, nous pouvons parfois résoudre les problèmes, et dans l'autre, il faut agir et continuer à lutter. C'est ce que je pense.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Norlock.
    Merci aux témoins d'être venus ce matin. Comme d'habitude nous apprenons beaucoup de choses et nous continuons à le faire. Je vous en remercie.
    M. Trudell, je m'attendais un peu à entendre ce genre de chose: quoi que fasse le gouvernement, c'est mauvais, ça ne sera pas conforme à la charte et vous vous y opposez, parce que vous préférez le statu quo. Je suis heureux de voir que vous avez abordé une autre question, une question qui me paraît très importante.
    Je reconnais que vous avez parlé de choses tout à fait positives, comme la collaboration, la nécessité de collaborer pour les services policiers, la nécessité pour les gens du milieu de la justice — les juges, les avocats, les procureurs de la Couronne et les agents de police — de poursuivre leurs discussions. Je pense que c'est cela que vous entendez par collaboration.
    Vous êtes allé plus loin et avez parlé de collaboration entre les différents niveaux de la collectivité. Je vous en remercie, parce que je crois que c'est comme cela que l'on fait avancer les choses — à partir de la base, pour ainsi dire — au lieu de demander à ces soi-disant experts de nous donner les raisons théoriques pour lesquelles nous ne devrions pas intervenir. En fin de compte, ce sont les personnes qui vivent ces situations tous les jours — et c'est la raison pour laquelle je crois que M. Henry est ici — qui sont les mieux informées et qui connaissent parfois les meilleures solutions.
    Je me demande, M. Trudell, si vous et peut-être M. Henry, pouvez me dire si ces choses se passent vraiment. Je suis presque certain que c'est le cas. J'ai écouté CFRB et je suis au courant de certaines choses qui se passent dans la région de Scarborough. Je crois que la situation s'améliore, je le dis en passant.
    M. Trudell, pour en revenir à votre sujet, le ministre de la Justice a été invité à participer à une table ronde dans le comté de Northumberland pour parler de questions de sécurité publique et de justice. Nous avons entendu des représentants de tous les services policiers de la région, des groupes de victimes, les conseils des services policiers, les comités communautaires de police et les représentants des jeunes — des groupes de jeunes. Les discussions étaient pratiquement les mêmes d'un groupe à l'autre.
    Vous dites que nous devons essayer de savoir ce qu'ils pensent. Dans le cas des produits de la criminalité, les services de police locaux estiment que les produits de la criminalité qui proviennent de notre collectivité doivent être remis au service de police de cette collectivité, peut-être par l'intermédiaire du gouvernement municipal, parce que ces services peuvent les utiliser pour offrir toute une gamme de programmes de prévention du crime et pour mettre sur pied des groupes d'aide aux victimes. Je me demandais donc si vous pensez que ce serait une bonne chose et si M. Henry pense que c'est une bonne chose.
    Ils ont également parlé de la nécessité d'investir davantage dans les stratégies de lutte contre les drogues et contre le crime chez les jeunes. Parallèlement, ils ont affirmé qu'il fallait punir plus sévèrement les récidivistes. Nous sommes donc passés de la justice réparatrice qui se développe dans cette collectivité et qui, je crois, donne d'excellents résultats — comme nous le savons, cela a commencé en Nouvelle-Zélande avec les Indiens Maori et cette idée a été progressivement introduite dans notre système de justice. À mon avis, cela fonctionne très bien. Mais pour le pire des cas, les personnes qui sont arrêtées aux termes du projet de loi C-4 — qui ne vise même pas les premières ni même les deuxièmes infractions. Ce projet de loi vise les personnes qui se sont retrouvées très souvent devant les tribunaux et qui continuent à commettre des infractions graves, habituellement des infractions ayant causé des lésions corporelles. Nous ne nous occupons donc pas de ce groupe.
    Quant à la collaboration, quand j'ai quitté le milieu de la police... À la suite de la série de meurtres commis par Bernardo, nous avons appris pourquoi cette enquête avait pu déboucher. Les services policiers fonctionnaient antérieurement en vase clos et ne transmettaient pas les renseignements qu'ils possédaient, alors qu'avec les opérations conjointes qui sont mises sur pied actuellement... Je dirais, M. Trudell, que la collaboration entre les différents intervenants ne fait que s'améliorer, et qu'elle existe même au palier international.
    J'ai donc parlé de différentes choses. Je me demande si vous pouvez faire quelques commentaires sur tout cela, tout en laissant un peu de temps à M. Henry pour qu'il parle des rapports entre sa collectivité et le service de police.
(1105)
    Existe-t-il un groupe communautaire chargé des relations avec la police qui collabore avec celle-ci pour examiner les aspects socio-économiques ainsi que la justice sociale...?
    Pour ce qui est des produits de la criminalité qui sont confisqués par les tribunaux, avec toutes les garanties existantes, ce serait, je crois, une bonne utilisation — les redonner à la collectivité et que cela se sache. J'en suis certain. Nous devrions proposer ce genre de chose. Et c'est peut-être quelque chose dont vous voudrez vous occuper.
    Il y a des criminels. J'en ai rencontré. J'en ai probablement défendu quelques-uns. Mais en fin de compte, il y en a quelques-uns qu'il faut isoler. Il faut les incarcérer et les incarcérer pendant longtemps. Si ce sont des récidivistes qui se fichent de tout, et non pas des récidivistes chroniques qui souffrent de troubles qui n'ont pas été réglés, alors il faut les traiter durement. Et je crois que c'est ce qui se passe.
    Je ne vais pas m'adresser à un tribunal pour dire que quelqu'un qui se fiche de tout et qui commet des infractions violentes devrait être traité comme un délinquant primaire. Ce n'est pas mon travail. Ce n'est pas juste. Je suis un membre de ma collectivité. Cela est donc certain. Mais je veux aussi vous dire que je pense qu'il y a très peu de criminels dangereux. Mais il y en a quelques-uns et les tribunaux ont les moyens de s'occuper d'eux.
    Je ne suis pas sûr que vous ayez posé cette question, mais je vais y répondre de toute façon. Il existe un mouvement — comme vous l'avez fait dans Northumberland — qui invite les gens de la collectivité à participer à certaines activités. Les services de police sont vraiment à la pointe de ce mouvement. Tout le monde fait quelque chose, non seulement les policiers et la collectivité, mais aussi les avocats de la défense et les juges qui viennent dans les collectivités expliquer —
    Je vais juste ajouter ceci. Il y avait effectivement deux membres du barreau, ici à Northumberland.
    Oui, j'en suis certain. Et cela est proposé par le symposium national, qui a vraiment très bien démarré et qui est organisé par l'Association canadienne des chefs de police.
    J'aimerais mentionner une autre chose dont nous n'avons pas parlé, mais qui est vraiment importante. Les gens sont parfois frustrés, non pas tant par ce qui semble être le résultat des procès, mais parce qu'ils ne comprennent pas le système. Nous devrions améliorer le fonctionnement du système de justice pénale en collaborant encore davantage.
    Pour ce qui est des affaires de crime organisé, l'apparition des mégas procès, toutes ces questions sont en train d'être réglées. Et elles sont réglées parce que les intervenants de première ligne ont décidé de collaborer. Nous demandons aux policiers d'être des avocats, et de décider quelles sont les preuves qui devraient être présentées. Les procureurs de la Couronne essaient maintenant d'aider les policiers au début des enquêtes. Tout cela améliore vraiment la situation.
(1110)
    Merci.
    Je vais revenir à monsieur Murphy pour qu'il pose une autre question. Vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Une voix: Est-ce que M. Henry pourrait...?
    Lorsque vous posez des questions pendant cinq minutes et que vous espérez obtenir des réponses globales de plusieurs témoins, nous avons un problème.
    De sorte qu'au deuxième tour, M. Henry, quelqu'un d'autre pourra vous reposer la question. Vous aurez d'autres possibilités d'y répondre, je vous le garantis.
    C'est très bien.

[Français]

    Je suis d'accord, parce que nous avons le temps.

[Traduction]

    Je ne renonce pas à deux minutes de mon temps de parole.
    D'autres veulent poser des questions, de sorte que quelqu'un d'autre pourra lui poser cette question. Il aura la possibilité d'y répondre, je vous le garantis.
    Monsieur Murphy, prenez vos cinq minutes.
    Très bien. Et le chronomètre démarre maintenant. Bon.
    Nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour que M. Norton parle des questions reliées aux libertés civiles et à la charte et qu'il réponde aux questions précises concernant la possibilité de demander aux fabricants d'appareils utilisés par les FSI de nous donner au moins les moyens d'intervenir, avec un contrôle judiciaire. J'aimerais que vous répondiez à cette question.
    J'aimerais également que vous répondiez comme l'a fait M. Trudell à la question de la confiscation. Ce sont là des aspects que tous les intéressés examinent de très près, les outils permettant de mieux armer les agents de police.
     Et enfin, il y a les questions touchant les droits civils des jeunes, parce qu'il va avoir des modifications à la LSJPA... Nous savons que ces amendements vont être présentés, parce que nous souscrivons à beaucoup de choses que mentionne le juge Nunn dans son rapport. Il est possible que certaines des mesures contenues dans le projet de loi portent atteintes aux libertés civiles. Nous aimerions avoir votre opinion à ce sujet.
    Pour ce qui est de la première question qui portait sur l'accès légal, vous souhaitez que les FSI intègrent à leur infrastructure la capacité de saisir et de conserver certaines données.
    Et aussi les fabricants d'appareils.
    Oui, il pourrait aussi y avoir les fabricants d'appareils.
    Nous ne sommes pas nécessairement contre ce genre de chose. S'il y a des données qui disparaissent dans l'atmosphère et que certains responsables ont légitimement besoin de ces données, alors il pourrait être justifié d'intégrer ce genre de capacité dans l'infrastructure. Un tel appareil pourrait conserver ces données, pour le temps nécessaire, de façon à pouvoir effectuer des enquêtes policières légitimes.
    Le projet de loi C-47 précédent contenait, je crois, des dispositions qui obligeaient les sociétés à se doter de cette capacité. Le projet de loi C-46 contenait des dispositions qui attribuaient le pouvoir d'ordonner la conservation de certaines données en attendant que les policiers s'adressent à un tribunal qui déciderait si ces derniers avaient le droit de les consulter.
    L'aspect conservation ne nous pose aucun problème, pourvu que ce soit pour peu de temps. Les données peuvent ensuite être détruites lorsque le tribunal a décidé si les services policiers ont besoin ou non d'en prendre connaissance. Si c'est le cas et si cette décision est prise en fonction d'une norme appropriée, alors c'est très bien. Si ce n'est pas le cas, alors les données peuvent être détruites comme elles l'auraient été autrement. Il n'est pas nécessaire de les conserver pendant six ou sept ans.
    Il vous reste à peu près deux minutes pour les deux autres questions, en particulier la question reliée à l'utilisateur.
    En résumé, c'est mon évaluation de la situation.
    La confiscation civile est un aspect qui fait problème depuis pas mal de temps. Elle met en jeu, comme vous l'avez mentionné, une norme de preuve moins stricte, la prépondérance des probabilités. Nous avons participé à l'affaire Chatterjee, qui s'est rendue devant la Cour suprême du Canada, qui a confirmé la validité de la loi ontarienne et l'a déclarée constitutionnelle. Nous pensons toutefois que la norme de la prépondérance des probabilités n'est pas suffisamment stricte pour ce qui peut en fait se comparer à une sanction pénale prise contre un particulier.
    Lorsqu'il s'agit de sommes d'argent considérables ou de biens d'une valeur énorme que l'on va prendre à quelqu'un, il faudrait exiger, d'après nous, une norme supérieure à la simple prépondérance des probabilités pour démontrer qu'il s'agit bien de produits de la criminalité.
    Troisièmement, étant donné que j'avance très rapidement ici, il y a le projet de loi C-4. Nous aurons une autre possibilité d'examiner en profondeur les dispositions du projet de loi C-4. Notre position générale est que les adolescents sont moins coupables de leurs crimes que les adultes — c'est un principe que les tribunaux ont en général accepté — et ils doivent être traités différemment par le système de justice.
    Quant à savoir ce que fait exactement le projet de loi C-4, je ne suis pas en mesure de formuler des commentaires précis. Je sais qu'il soulève la question de la publication des noms et ce genre de choses. Je ne sais pas très bien à quoi cela servirait, mais j'aimerais examiner de plus près le projet de loi et voir exactement ce qui est proposé.
(1115)
    M. Trudell, que pensez-vous des dispositions du projet de loi C-4 qui traite de la suppression de l'interdiction de publier les noms de certains jeunes contrevenants ou adolescents?
    Tant que c'est le tribunal qui rend cette décision, je ne m'y oppose pas.
    L'avez-vous examiné?
    Pas en détail.
    Parce qu'il semble y avoir un très grand nombre de garanties judiciaires. On dirait qu'ils sont en quatrième année d'université; ils ont appris à ne pas toucher au pouvoir discrétionnaire des tribunaux. D'une façon générale, si ce pouvoir discrétionnaire est conservé, cela vous plaît davantage. Est-ce bien exact?
    Cela me plaît beaucoup plus.
    Très bien. Merci.
    Merci.
    Madame Guay.

[Français]

    Merci beaucoup. Je vous suggère de mettre vos écouteurs.
    Je ne vous parlerai pas comme une avocate, parce que je crois qu'il y en a assez autour de la table. Je vous parlerai donc comme une députée qui travaille avec des organisations dans son comté depuis des années, c'est-à-dire depuis 16 ans déjà.
    Je travaille, notamment, avec la police de quartier. J'habite en région et, à mon avis, cette police fait un travail extraordinaire. Elle réussit à s'approcher des jeunes et même à les connaître par leurs prénoms et à leur faire confiance. Cette confiance devient mutuelle. De cette façon, la police de quartier a pu faire de la prévention auprès des jeunes.
    À mon avis, on ne peut pas négliger le travail de prévention. Il faut absolument faire de la prévention auprès des jeunes, sinon on n'y arrivera pas. Lorsque des jeunes vieillissent et se joignent à des gangs de rue ou à des groupes criminels, c'est qu'ils sont très souvent laissés à eux-mêmes, qu'ils n'ont plus de famille et qu'ils admirent ces gens qui gagnent beaucoup d'argent et qui commettent des crimes. Ces jeunes ne sont pas nécessairement responsables. Bien sûr, je ne parle pas des plus vieux et des récidivistes.
    J'aimerais vous poser quelques questions. Y a-t-il à Toronto, des organisations qui font de la prévention et qui travaillent dans ce but? Au Québec, il y en a. Entendez-vous beaucoup parler d'invasion de domiciles, ici? Chez nous, ce crime est assez répandu et on en entend beaucoup parler. Les personnes âgées prennent les jeunes en grippe et pensent qu'ils constituent aussi un groupe criminel, un groupe organisé contre les personnes âgées.
    Comment cela fonctionne-t-il exactement? Qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus? Selon vous, le projet de loi C-4 représente-t-il une solution? Sinon, peut-on faire autre chose pour aider notre communauté à avancer sur ce plan?
    Je vous laisse maintenant la parole. Monsieur Henry, je vous laisse parler en premier.

[Traduction]

    Merci.
    J'aimerais bien connaître ce projet de loi C-4, mais ce n'est pas le cas. Cela dit, je suis convaincu qu'on peut prendre des mesures concrètes pour éviter que les jeunes commettent des infractions, pour éviter qu'ils en arrivent à l'étape suivante, qui est le crime organisé. Si nous n'intervenons pas lorsqu'ils sont jeunes, c'est éventuellement ce qu'ils feront.
     Je suis heureux de pouvoir dire qu'il existe un certain nombre de mesures concrètes que nous pouvons prendre dans la collectivité pour favoriser la prévention. Une des choses que nous avons très bien réussi à faire dans les collectivités de Malvern et de Scarborough, c'est de redonner des pouvoirs aux quartiers. Ce vieux proverbe qui dit qu'il faut un village pour élever un enfant est tout à fait vrai, en particulier dans le contexte des collectivités. Comme je l'ai déjà mentionné, il y a tant de pères manquants et tant de parents célibataires qui n'arrivent pas à s'en sortir.
    Vous avez également parlé des organismes qui font un travail essentiel. Il y a Tropicana, Hoodlinc Youth Organization, bien sûr, et il y a Operation Springboard. Il existe un certain nombre d'organisations dans le Grand Toronto qui font un travail essentiel en matière de prévention.
    La Loi ontarienne sur la sécurité dans les écoles a été qualifiée, à quelques reprises, de loi sur le recrutement des membres de gang. Les jeunes qu'accueille le système ne sont pas ceux dont les enseignants et le personnel administratif scolaire ont l'habitude de s'occuper. Avec eux, il faut adopter des stratégies d'apprentissage différentes. Étant donné que le personnel administratif scolaire et les écoles n'ont pas accès à ces stratégies d'apprentissage, ces jeunes se retrouvent dans la rue après avoir décroché.
    Il faut créer d'autres modèles scolaires qui répondent aux besoins des jeunes issus de collectivités à risque ou à risque élevé. Pour ce qui est des réussites, nous avons, à l'heure actuelle, un programme ROSE — possibilité réelle de réussir dans les études — qui est un modèle scolaire alternatif qui a été élaboré en collaboration avec le Toronto Catholic District School Board. Nous avons obtenu beaucoup de succès avec ce modèle. Je dirais que sur 10 enfants qui suivent ce modèle, neuf obtiennent leur diplôme de fin d'études secondaires. En fait, les seules raisons pour lesquelles ces jeunes abandonnent l'école, c'est parce qu'ils sont en prison ou décédés.
    De mon point de vue, un individu ou une organisation peut faire un certain nombre de choses, sur une base quotidienne, pour améliorer la vie d'un adolescent et l'empêcher d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale. Ce sont des choses simples. Il suffit d'agir comme un parent, de jouer un rôle de parent, et de veiller à ce que le jeune déjeune le matin. Il y a des jeunes dans mon quartier qui passent toute la journée à l'école sans avoir mangé quoi que ce soit. Il faut simplement leur donner un repas le matin.
    Le fait de leur fournir une structure a aidé beaucoup de jeunes de ma collectivité qui pensent qu'ils n'arriveront jamais à rien. Ils sont encore marqués par les échecs répétés qu'ils ont connus jusqu'ici . Ils n'ont pas une attitude positive. Ils ne pensent pas qu'ils peuvent réussir quoi que ce soit.
     Vous, en tant qu'individu ou organisation, pouvez les aider à obtenir leur permis de conduire, à s'inscrire à l'école, les aider, s'ils font l'objet d'une poursuite pénale, à obtenir les services d'un avocat pour les aider à se retrouver dans ce système légal. Ce sont des petites choses. Veiller à ce qu'il y ait un club pour les devoirs et qu'ils se rendent dans ce club; veiller à ce qu'il existe des activités de loisir et des activités sociales après l'école. Ne les laissez pas traîner dans la rue et faites-leur faire des choses positives.
(1120)

[Français]

    Cela fait partie de la prévention, vous avez tout à fait raison.
     J'aurais aimé entendre M. Trudell et M. Norton.

[Traduction]

    En fait, vous avez largement dépassé les cinq minutes. Nous en sommes à six minutes et demie. Désolé.
    Nous allons passer à M. Rathgeber.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de nous avoir communiqué leurs pensées et leurs explications.
    M. Norton, de l'Association canadienne des libertés civiles, si je vous ai bien entendu — et je veux m'en assurer — vous avez déclaré que votre organisme s'oppose aux peines minimales obligatoires quelle que soit l'infraction. Vous ai-je bien compris?
    Oui.
    Je dois donc en déduire que vous vous opposez à la peine minimale d'emprisonnement à perpétuité pour le meurtre au premier degré?
    Je pourrais peut-être apporter une précision. Je pourrais exprimer des points de vue qui ressemblent beaucoup à ceux qu'a exprimés M. Trudell il y a un instant. Nous ne sommes pas contre le fait que le Parlement fixe des règles pour certaines choses. Par contre, nous n'aimons pas les règles absolues, mais c'est pourtant ce que fait le Parlement. Nous nous opposons à toute situation qui prévoit une peine minimale obligatoire, y compris des peines de 25 ans à perpétuité pour le meurtre au premier degré. C'est le caractère obligatoire et absolu de la peine. C'est peut-être une peine tout à fait appropriée dans 99,9 p. 100 des cas imaginables, mais nous nous opposons à l'idée d'une règle absolue.
    Nous préférons un système où le tribunal peut toujours écarter la peine recommandée et, dans des circonstances tout à fait imprévues, imposer une peine qui peut être inférieure à la peine minimale obligatoire.
    Je sais que c'est peut-être un point technique qui est particulièrement approprié dans le contexte des infractions liées aux drogues, au meurtre et à ce genre de choses, mais c'est notre position de principe.
    Très bien.
    J'ai écouté avec une certaine curiosité les commentaires que vous avez formulés au sujet de l'accès légal. Je crois que nous allons entendre des policiers cet après-midi, et nous allons certainement le faire lorsque nous irons dans ma ville, Edmonton, lundi. Bien entendu, ils demandent le genre de choses qui vous préoccupent.
    Vous avez accordé beaucoup d'importance au fait qu'on soit passé des « motifs raisonnables de croire » aux « motifs raisonnables de soupçonner ». Sans me lancer dans un débat métaphysique, je dois vous dire que je ne comprends pas très bien la différence que cela fait en pratique.
    Je comprends que le mot « croire » fait appel à une connaissance plus approfondie que « soupçonner », mais j'aimerais entendre votre point de vue, de l'un ou de l'autre. Vous êtes avocat, M. Norton, et M. Trudell, vous êtes un criminaliste expérimenté.
    En pratique, dans votre travail de tous les jours, quelle est la différence, lorsqu'on demande un mandat de perquisition, entre le fait d'avoir des « motifs de croire » et des « motifs de soupçonner »?
(1125)
    D'après les décisions que j'ai examinées, je dirais qu'il n'y a pas beaucoup de jurisprudence sur ce point, de sorte que vous n'êtes peut-être pas le seul à encore vous poser des questions à ce sujet.
    Vous avez raison de dire qu'un soupçon est certainement une norme plus faible qu'une croyance. Quant à la façon dont la norme a été modifiée, je dirais qu'il ne s'agit pas là d'un exercice scientifique parfait. Je crois que c'était le juge Binnie, de la Cour suprême du Canada, qui a fait récemment un commentaire dans une des affaires de chien renifleur de drogue — je crois que c'était l'affaire Kang-Brown — dans laquelle il a apporté quelques précisions et mentionné que soupçonner est un critère moins exigeant que croire.
    Excusez-moi, quel est le nom de cette affaire?
    Je pense que c'est Kang-Brown. Il y avait deux affaires reliées qui traitaient des perquisitions effectuées par des chiens renifleurs de drogue. L'une était A.M. et l'autre Kang-Brown.
    C'est une de ces deux affaires; la décision contient un bref paragraphe sur la différence entre ces deux notions. Le fait de croire est une norme plus stricte. Elle exige davantage sur le plan des preuves et de la compréhension des événements. Un soupçon est une norme moins stricte. La décision précise ces notions, opposant le soupçon à la croyance, mais ce n'est pas une norme scientifiquement différente.
    M. Trudell, je tiens pour acquis que vous vous êtes opposé à l'admissibilité des mandats. Vous pourriez peut-être m'aider dans ma quête métaphysique de la différence entre croyance et soupçon.
    Cela touche la fiabilité des renseignements. Si vous me dites quelque chose, je peux alors affirmer la croire parce que vous me l'avez dite, étant donné que j'ai une connaissance de première main. Si vous me dites quelque chose que vous avez appris parce que vous avez parlé à d'autres personnes, cette information est moins fiable, parce qu'elle est fondée en partie sur des renseignements fournis par des tiers, etc. Si je suis un déposant et que j'ai participé personnellement aux événements à propos desquels je dépose, je possède des renseignements et des motifs de croire qu'ils sont survenus. Si ce n'est pas le cas et si je m'appuie sur un informateur, par exemple, la situation est peut-être différente.
    Est-ce que le ouï-dire — se fier à un informateur — constitue un soupçon?
    Oui, dans certaines circonstances.
    Très bien.
    Combien me reste-t-il de temps?
    Il vous reste une demi-minute.
    Très rapidement, au sujet de votre opposition à l'établissement d'une liste des organisations criminelles, est-ce que l'Association des libertés civiles s'oppose de la même façon aux listes des organisations terroristes?
    Nous avons eu de mauvaises expériences avec les listes en général. Les listes des organisations terroristes semblent un peu mieux contrôlées que pourrait l'être celle des organisations criminelles. Le comité a entendu des témoins qui ont affirmé qu'il y avait près de 900 organisations criminelles au Canada. Avec la définition d'organisation criminelle, il est possible de penser que cette liste contiendrait plus de 900 groupes.
    Nous nous opposons en général aux listes. Nous ne pensons pas que ce soit une bonne façon de faire les choses, de déterminer à l'avance qui fait partie de la liste et qui n'en fait pas partie. C'est peut-être une chose qu'il faut démontrer au moment où il est important de savoir si quelqu'un fait partie de la liste ou non.
    Merci beaucoup à tous.
    Merci.
    Nous allons maintenant revenir à monsieur Murphy. Vous avez quatre minutes.
    Merci.
    J'aimerais revenir à la question des jeunes, la commission Nunn, Theresa McEvoy, les situations particulières, tout... Et peut-être, M. Trudell que, dans votre rôle d'éminence grise, vous pourriez nous réexpliquer pourquoi les enfants et les jeunes devraient relever d'un système distinct. Il me semble que la première fois que la LSJPA a été réformée, cette réforme a principalement consisté à introduire la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents dans le Code criminel, ou en fait à les unifier, parce que les réformateurs ont adopté les principes de l'article 718 qui font que...
    Avec cette nouvelle loi, telle qu'elle est rédigée, les tribunaux conservent un pouvoir discrétionnaire qui leur permet de décider, comme c'est le cas actuellement, si certains crimes et certaines personnes seront traitées comme des adultes, soit au moment du procès, soit par la suite. C'est pourquoi je crois que nous devons entendre des témoignages au sujet des adolescents.
    Je ne me suis pas encore adressé à vous, monsieur Henry, mais vous pourriez peut-être me parler de cette question. Il y a des individus qui vieillissent rapidement, qui vivent des expériences difficiles et qu'il conviendrait peut-être de traiter différemment.
    J'aimerais avoir les commentaires de nos deux témoins sur cette question, parce que nous allons devoir trouver des solutions.
    J'espère que, lorsque vous examinerez le projet de loi C-4 et d'autres qui traitent de la justice pour les jeunes, vous adopterez la suggestion que j'ai faite il y a quelque temps et qui est d'écouter, à huis clos, ce qu'ont à dire, des juges qui s'occupent de ces questions, parce que ce sont les mieux placés pour vous dire ce qui se passe.
    D'une façon générale, ils ne peuvent pas voter pour vous tant qu'ils n'ont pas atteint un certain âge. Ils ne peuvent pas conduire un véhicule à moteur tant qu'ils n'ont pas un certain âge. Il y a des règles qui ont été adoptées par la société et nous avons décidé, de façon tout à fait arbitraire, qu'un jeune qui a moins de tel âge est un enfant. Ils n'ont pas le même niveau de développement, de maturité et de discipline. Il y en a, bien sûr, qui sont plus disciplinés que certaines personnes de mon âge. Mais il faut admettre que ces personnes sont des enfants et il n'y a rien de mal à dire qu'ils sont des enfants, parce que savez-vous quelque chose? Si vous aviez un enfant de 20 ans qui partait quelque part sans vous dire où, vous voudriez savoir ce qu'il va faire parce que vous ne pensez pas qu'il soit équipé pour faire face à... et prendre des décisions.
    Nous les traitons différemment parce qu'ils sont différents. Ils ont des droits différents. Ils n'ont pas autant de droits que les adultes. La raison principale est qu'ils ne possèdent pas encore une expérience de vie suffisante pour prendre de bonnes décisions. La plupart des jeunes recherchent une gratification immédiate. Ils sont branchés sur Internet; il y a Facebook s'ils peuvent se le permettre — toutes ces choses que nous leur donnons. Mais il n'y a personne qui leur dit: « Attend une seconde, comprends-tu vraiment ce que tu regardes à la télévision? »...
    Les jeunes — et nous avons choisi l'âge de 18 ans — n'ont pas la discipline qui leur permettrait de s'arrêter et de se dire: « Je regarderai cela dans deux ans. » Nous avons déjà parlé de cette question. Les jeunes qui se trouvent dans un véhicule à moteur et qui veulent faire la course à un signal d'arrêt ne pensent pas à la peine minimale obligatoire. Ce n'est pas du tout ce à quoi ils pensent. Ils ne pensent pas aussi loin. Ils n'ont pas la discipline. Ils recherchent un plaisir immédiat, ce qui fait partie de la jeunesse, et nous avons déjà parlé du fait que, parfois, certaines mesures sont proposées dans un but de gratification immédiate, d'un point de vue législatif. Elles veulent faire passer un message.
    Les personnes les mieux placées pour vous aider à prendre une décision au sujet des jeunes, ce sont les juges qui s'en occupent tous les jours, et je vous invite vivement à écouter des juges à huis clos pour qu'ils vous disent ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Vous allez entendre des juges qui vont dire: « Nous voyons parfois des jeunes très endurcis », mais vous allez également entendre des juges qui vont vous raconter des histoires qui vont vous glacer le sang lorsqu'ils vous parleront des situations dans lesquelles se retrouvent ces jeunes et sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle.
(1130)
    M. Henry.
(1135)
    Je vais juste prendre un de mes exemples personnels. Vous avez dit qu'il y avait des gens qui vieillissaient plus rapidement que d'autres. Quand j'étais adolescent, j'ai eu des démêlés avec la Loi sur les jeunes contrevenants et le système de justice pénale. À l'école secondaire, tout le monde disait que j'étais brillant. J'étais le capitaine de l'équipe de football, je faisais partie du comité de publication de l'annuaire de l'école, et j'ai fait toutes ces choses, mais j'avais un problème parce qu'il m'arrivait de battre les gens. Il a fallu que je me retrouve en prison et dans une situation difficile pour que je sois obligé d'examiner ma vie et de me poser la bonne question: « Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour me retrouver ici? »
    Cela venait de ma vie en Guyana, le pays où je suis né, avant de venir ici, et de tous les gestes de violence contre les femmes dont j'ai été témoin, contre les jeunes qui m'entouraient, de l'absence de protection que donnent des policiers ou une organisation juridique, de la violence familiale dans ma propre famille, entre ma mère et mon père pendant que mon père était là.
    Je suis ensuite arrivé au Canada et tout cela a continué. Il y avait ma mère qui me battait de temps en temps. Il semble que toute ma vie, j'ai connu la violence. Tout ce qui m'est arrivé était violent et j'ai porté toutes ces cicatrices tant affectives que physiques. J'ai finalement compris que j'avais appris un certain comportement et que ma situation n'aurait pas pu être différente, compte tenu des structures dans lesquelles j'avais été élevé.
    Je vois très souvent ce genre de chose dans les jeunes de ma collectivité. D'un côté, vous pensez que certains d'entre eux devraient être inculpés comme des adultes, parce que les peines sont plus sévères. Ils sont exclus de la collectivité pendant une période plus longue et vous n'avez plus à vous en occuper. Mais il faut, à mon avis, bien comprendre que la situation à laquelle font face ces jeunes reflète ce qu'ils ont vécu pendant des années, et que leur développement affectif et physique n'est pas le même que celui d'un jeune qui n'a pas vécu tout cela.
    Un âge établi par un chiffre est une très mauvaise mesure pour déterminer la maturité affective et mentale d'un adolescent, et c'était bien le cas avec moi. Une bonne partie de ces comportements sont des comportements appris et, en fin de compte, il faut en tenir compte et amener ces jeunes à les modifier. C'est une façon plus intelligente d'intervenir à mon avis, et elle donne de meilleurs résultats à long terme.
    Monsieur Murphy, puis-je ajouter très rapidement une chose au sujet de...
    Monsieur Trudell, nous avons déjà pris deux minutes de plus. Vous aurez une autre occasion d'intervenir.
    Une précision, c'est un tour de quatre minutes et nous aurons le temps d'entendre les questions de M. Woodworth, M. Dechert et M. Petit.
    Monsieur Woodworth.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je vais commencer par vous dire, monsieur Trudell, que je reconnais avec vous qu'il faut insister sur la collaboration, et je sais que notre gouvernement le pense aussi, parce qu'il vient récemment d'accorder 3,2 millions de dollars dans ma circonscription de Kitchener Centre au Conseil pour la prévention du crime et la sécurité de la collectivité de la région de Waterloo pour qu'il puisse mettre au point une stratégie de prévention à l'égard des gangs de jeunes. Cette organisation est bien connue au Canada comme un modèle de collaboration communautaire.
    Monsieur Norton, à cause du peu de temps dont je dispose, je crois que je vais passer directement au sujet que je veux aborder avec vous. Je suis tout à fait en désaccord avec votre idée qu'il faudrait supprimer d'une façon générale les peines minimales obligatoires, et je vais vous dire pourquoi. C'est parce que les peines n'ont pas uniquement comme objectif la dissuasion et que la population a besoin d'un régime de peines qui introduise une proportionnalité entre la peine et la gravité de l'infraction. Par exemple, si nous parlons d'une infraction comme la traite de personnes ou la traite d'enfants, il faut que les Canadiens sachent que les peines imposées sont proportionnelles à la gravité de l'infraction, quelles que soient les autres circonstances — et proportionnelles au préjudice subi par les victimes.
    Il y avait dans ce qui était auparavant le projet de loi C-15, une utilisation très ciblée et limitée des peines minimales obligatoires pour le trafic des drogues dans les cas où, par exemple, les drogues étaient vendues à un jeune ou apportées dans un lieu situé à proximité d'une école ou lorsque la production de drogues met en danger des enfants. C'est un projet de loi très ciblé.
    Il se trouve que j'ai avec moi un document intitulé What Makes a City Great?. Il contient la vision du maire David Miller pour Toronto, et on peut lire: « Dans la vision qu'a David Miller de Toronto, il n'y a pas de gangs ni de revolvers. »
    Il parle également des réalisations concrètes qu'il a faites, et l'une d'entre elles est l'adoption d'une approche plus agressive envers les armes à feu et les actes de violence commis par les gangs. Il déclare:
Grâce au travail qu'a effectué le Service de police de Toronto l'année dernière, plusieurs gangs importants ont été supprimés et leurs chefs emprisonnés.
    Il déclare:
Dans sa vision de Toronto en 2010, le maire David Miller veut encore renforcer la sécurité de notre ville qui est déjà très sûre. Pour punir les criminels et dissuader la population de commettre des crimes, le maire Miller fera ce qui suit... refuser la mise en liberté sous cautionnement à toute personne qui a commis un crime alors qu'elle était en possession d'une arme à feu, que l'arme à feu ait été utilisée ou non. Le maire Miller va demander au gouvernement fédéral d'adopter une telle approche vis-à-vis des armes à feu pour que ces criminels — et leurs armes à feu — ne se retrouvent pas dans la rue le jour des audiences sur cautionnement...
    J'aimerais savoir si votre organisation appuie ces commentaires de David Miller. Votre organisation est-elle sur la même longueur d'onde que le maire David Miller dans sa vision de Toronto?
(1140)
    Je dois vous dire franchement que c'est la première fois que j'entends ce commentaire du maire.
    Je vais réagir à certaines choses que vous avez dites avant de revenir sur ce commentaire, au sujet des peines minimales obligatoires. Je souscris à la plupart des choses que vous avez dites. Les peines devraient être proportionnelles aux crimes, et il faut que la population constate que les tribunaux imposent des peines justes, compte tenu des circonstances. À notre avis, il n'est pas nécessaire d'avoir des peines minimales obligatoires pour atteindre ces objectifs.
    Vous avez fait directement référence au projet de loi C-15 et à certaines circonstances aggravantes qui étaient contenues dans ce projet de loi. Ce projet de loi contenait des exemples de peines qui étaient probablement tout à fait conformes à ce qu'elles devraient être. Il y en a probablement d'autres — plus précisément, il y avait un exemple de culture à des fins de trafic qui concernait cinq plants de marihuana. Il y a peut-être des gens qui font ce genre de choses et qui ne mériteraient pas pour autant de passer six mois en prison —
    Puisque je viens de vous lire ces choses, êtes-vous d'accord avec ce qu'a dit le maire David Miller?
    Je suis tout à fait d'accord avec lui lorsqu'il dit qu'il ne devrait pas y avoir de revolvers dans les rues de Toronto. J'appuie tout à fait les mesures qui ont été prises pour mettre fin à ce genre d'activité. La suggestion à laquelle je crois que vous faites référence est... Pourriez-vous la répéter en fait? C'est refuser la mise en liberté sous cautionnement pour les personnes...
    C'était quelqu'un
... qui a commis un crime alors qu'il était en possession d'une arme, que cette arme ait été utilisée ou non. Le maire Miller va demander au gouvernement fédéral d'adopter une approche sévère à l'égard des armes, pour que ces criminels — et leurs armes — ne se retrouvent pas dans la rue le jour même où se tiennent les enquêtes sur cautionnement.
    Pour être franc, ce n'est pas une suggestion tout à fait déraisonnable. Ce à quoi je m'oppose, encore une fois, c'est à l'idée d'une règle absolue. Nous ne pouvons pas appuyer des mesures législatives qui contiennent des règles absolues. Si l'on décide de s'engager dans cette voie, en sachant que les tribunaux ont la possibilité de s'en écarter si les circonstances l'exigent, alors ce serait quelque chose qui nous paraîtrait très utile, mais —
    Me reste-t-il une autre minute? Mon temps de parole est-il écoulé?
    Merci.
    Monsieur Dechert, vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, merci d'être ici ce matin.
    Je vais également adresser ma première question à M. Norton. Vos commentaires m'ont beaucoup intéressé.
    Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais il y a quelques années, dans la région du Grand Toronto, ou au cours des deux dernières années, on a arrêté, dans la région de Toronto, un des grands chefs de l'organisation criminelle internationale qu'est la mafia. Je pense qu'il a été extradé vers l'Italie ou qu'il est en train de l'être pour subir son procès en Italie pour ses activités de crime organisé. Il a déclaré — et vous pourrez le vérifier — qu'il avait décidé à l'époque de gérer son organisation criminelle internationale à partir du Canada parce que le Canada était un des pays qui avait un des systèmes de justice pénale le moins sévère au monde pour ce qui est des peines et des probabilités d'être condamné.
    Compte tenu de ce commentaire d'un chef d'une organisation criminelle internationale, comment justifiez-vous votre affirmation selon laquelle les peines minimales obligatoires n'ont pas d'effet dissuasif? Cette déclaration ne va-t-elle pas complètement à l'encontre de votre point de vue sur cette question?
    Premièrement, je ne sais pas très bien à quel moment nous avons commencé à nous fier aux déclarations des grands criminels pour —
    Mais il a choisi le Canada pour exercer ses activités internationales, qui s'exerçaient pour la plupart à l'étranger, en se fondant sur une comparaison des lois, croyez-le ou non, sur une comparaison des lois du Canada, des États-Unis et de l'Europe. Quel endroit choisir pour exercer ses activités internationales? Il a choisi le Canada. C'était un pays accueillant pour les affaires.
    C'est peut-être la perception qu'a eue ce criminel particulier. Je ne suis pas certain que cela soit conforme aux perceptions des universitaires et des spécialistes des sciences sociales qui ont étudié la question. Je ne pense pas que —
    Ce gars-là avait une expérience directe. Ne pensez-vous pas que c'est plutôt intéressant?
    Il savait peut-être quelque chose que les spécialistes des sciences sociales ne savaient pas, mais —
    Il savait quelles étaient les probabilités qu'il soit condamné ici.
    Mais peut-être qu'il s'est aussi trompé, parce qu'en fin de compte il a été capturé et finalement extradé... on dirait — je ne connais pas le nom de l'affaire exact, mais d'après ce que vous m'avez dit —
    J'ai compris de ce qu'il m'a dit que, si le Canada avait eu un système de justice pénale plus répressif, il aurait peut-être choisi d'aller exercer ses activités ailleurs. Nous voulons que les gens viennent au Canada pour toutes sortes de raisons, mais peut-être pas pour celle-ci.
    J'aimerais préciser que nous ne soutenons pas que le comité devrait recommander l'adoption d'une attitude attentiste et de laisser-faire à l'égard du crime organisé. Nous reconnaissons que c'est un problème grave et qu'il faut agir. Il faut simplement prendre des mesures efficaces.
    Je pense que les idées qui ont été proposées ici au sujet de la collaboration entre les collectivités et les services de police peuvent s'avérer très utiles. Lorsqu'il s'agit d'organisations criminelles puissantes, il faut utiliser des outils bien adaptés pour lutter contre elles et cela peut vouloir dire mettre sur pied une unité policière très spécialisée, mais je ne pense pas que l'on puisse se fonder sur le commentaire qu'a fait quelqu'un pour choisir l'approche à adopter dans ce domaine.
(1145)
    Cela m'a paru être un commentaire intéressant. Je vous remercie de votre réponse. J'aimerais poser une question à monsieur Henry.
    Monsieur Henry, je tiens à vous remercier pour l'organisation et les programmes que vous avez mis sur pied. J'aimerais beaucoup vous entendre nous en parler en détail. Vous avez mentionné les drogues et dit que c'était une façon qui permettait aux gens de gagner leur vie lorsqu'ils ne pensaient pas qu'il existait d'autres moyens de le faire. Dans ma région de Mississauga et de Peel, il existe de nombreuses installations de culture de marihuana dans des collectivités où habitent des gens. Le service de police de Peel m'a déclaré qu'en général ces installations étaient financées par des organisations internationales. Habituellement, elles demandent à quelqu'un d'acheter une maison de 400 000 $ pour le compte de l'organisation, elles l'équipent avec des dizaines de milliers de dollars de matériel, elles font plusieurs récoltes de marihuana, en retirent des bénéfices d'un million de dollars ou plus, et elles abandonnent ensuite la maison pour en acheter une autre.
    Voici ma question: d'où viennent les drogues que les jeunes vendent à Scarborough et ailleurs? Comment cibler et punir les personnes qui fournissent ces drogues? Il y a dans ma région de Peel près de 1,3 million d'habitants. C'est une région en pleine croissance et ethniquement diversifiée. Elle comprend également l'aéroport de Toronto, qui est un des grands points d'entrée d'un bon nombre de ces drogues. Ne devrions-nous pas concentrer nos efforts sur ces organisations internationales? Pensez-vous qu'il s'agit bien d'organisations internationales? Comment faire pour les empêcher de fournir des drogues aux gens qui les vendent à Scarborough et ailleurs?
    J'aimerais commencer par dire que cela s'applique également aux revolvers. La multiplication des armes à feu dans mon quartier et ma collectivité est également un problème grave.
    Ces armes viennent de l'étranger.
    Tout à fait. Tout comme la plupart des drogues. C'est très simple, en particulier si vous pensez que ce sont les jeunes de ces quartiers qui s'occupent de distribuer ce qu'ils ont, que ce soit des drogues ou des revolvers. Il arrive très souvent que les services de police effectuent des arrestations tout à fait justifiées dans mon quartier ou ma collectivité parce qu'ils ont trouvé des drogues et des armes. Je crois que ce sont là les deux principales raisons pour lesquelles les jeunes se font arrêter.
    Je pense que, lorsque les policiers procèdent à ces arrestations, ils devraient accorder plus d'importance à la collecte de renseignements. Il serait également utile de revenir à la police communautaire, dans laquelle les policiers qui travaillent dans notre collectivité — et qui sont, pour la plupart, excellents, qui sont jeunes eux-mêmes et qui sont des personnes avec lesquelles nous aimerions discuter, parce qu'elles ont un bon sens de l'humour et peuvent être très drôles —, viennent dans notre collectivité en particulier l'été, pour établir des rapports avec les jeunes et les membres de la collectivité, mais surtout les jeunes.
    Encore une fois, il y a beaucoup de désespoir dans ces quartiers. Les jeunes pensent qu'ils peuvent se procurer de l'argent grâce aux drogues et aux revolvers.
    Comment cibler les organisations internationales qui leur fournissent les drogues?
    Je pense qu'il faut simplement suivre le circuit. Si vous réussissez à établir une relation avec un jeune —
    Devrions-nous imposer des peines plus sévères à ces criminels?
    Nous avons déjà dépassé le temps prévu, je vous demande donc de répondre brièvement.
    Les jeunes qu'on arrête savent bien où ils se procurent ce qu'ils vendent. Il suffit de remonter la filière. Mais il est essentiel que le policier qui procède à l'arrestation ne semble pas être uniquement intéressé à punir les gens ou à enfoncer ce jeune, et que cet adolescent pense quelque part que le policier ou l'agence concernée agit dans son intérêt. Je pense qu'il serait disposé à fournir cette information au policier — tout comme ils sont disposés à me la transmettre — et c'est ensuite au service de police de suivre la filière pour voir où elle le conduit. Je pense qu'il faut commencer à la base et remonter ensuite la chaîne d'approvisionnement après cette arrestation.
    Si nous retrouvons ces personnes, les fournisseurs internationaux de drogue, pensez-vous qu'il faudrait les emprisonner pour une longue durée?
    Pour une très longue durée, monsieur.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Petit, vous disposez de quatre minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question pour vous, monsieur Trudel. On se voit régulièrement devant le comité. J'apprécie surtout ce que vous avez mentionné concernant la coopération et la collaboration entre les différents groupes. Quand on étudie le crime organisé, bien souvent, je suis obligé d'écouter les témoins ou de me référer à des statistiques pour voir exactement si les lois que nous allons promulguer ou que nous avons l'intention de présenter vont avoir les effets escomptés ou vont sécuriser la population.
    J'ai obtenu certains renseignements. J'aimerais vous poser une question sur une chose étrange, qui a trait à Statistique Canada. Ainsi, lorsqu'un prévenu est condamné pour fraude, Statistique Canada calcule qu'il y a eu un crime. Si un fraudeur fait 9 200 victimes, comme c'est arrivé au Québec, sans donner de nom, Statistique Canada calcule qu'il n'y a eu qu'une seule infraction. Il y a 9 200 victimes, mais il y a une infraction. Cela veut dire que si, au cours d'une année, il y avait 10 fraudeurs et que chacun d'eux avait fait une victime, 10 cas seraient répertoriés. Si, au cours de l'année subséquente, il y avait 8 fraudeurs et qu'un 9e faisait 9 200 victimes, Statistique Canada dirait qu'il y a eu une baisse du nombre de fraudes.
    D'autre part, il est question du crime organisé. La question la plus grave est celle du meurtre. La plupart du temps, lorsqu'on trouve le corps, on recense un cas. Si un meurtrier a commis 2 meurtres, ce sera 2 cas. Dans tous les cas de personnes disparues, 41 p. 100 de ces personnes disparues sont retrouvées et 59 p. 100 d'entre elles ne sont pas retrouvées. Il y a des cas de meurtres par la pègre, la mafia, etc.
    J'aime beaucoup quand vous comparaissez, car vous nous faites part de ce qui se passe sur le terrain, ce que je ne connais pas vraiment. J'essaie de savoir si les activités du crime organisé ont augmenté ou non et si on devrait adopter de nouvelles lois, mais quand je regarde ce qu'on me donne, je flotte dans le vide.
    Je m'adresse maintenant à M. Henry. Dans le cas des jeunes délinquants, au Québec, tout comme en Ontario, beaucoup de juges n'ont pas tous les renseignements pertinents, parce que beaucoup de jeunes sont décriminalisés. Ils ont des signalements. Rien n'apparaît hors du système judiciaire. Je ne veux pas connaître les noms, mais je veux savoir quels crimes sont commis pour savoir s'il faut modifier certaines lois. Vous voyez, je suis un peu dans l'inconnu.
    Monsieur Trudell, j'aimerais savoir si vous avez constaté la même chose que moi. Quand je regarde les statistiques, il manque beaucoup de choses qui pourraient m'aider. J'aime quand vous venez témoigner, parce que vous travaillez sur le terrain.
(1150)

[Traduction]

    Et pourtant, lorsque je lis les témoignages précédents et étant donné que j'ai comparu plusieurs fois devant le comité, je peux dire que la qualité des statistiques dépend de celles des données et des statisticiens. Il nous sera donc impossible de résoudre ce problème tant que nous ne nous entendrons pas sur les questions à examiner.
    Prenez, par exemple, le cas de la fraude, d'une fraude mondiale qui a fait 10 victimes. Si l'on veut refléter le nombre des victimes d'une infraction donnée, il faut formuler la question statistique dans ce but.
    C'est ce qui explique que les statisticiens qui cherchent des données — et là je ne les critique pas — ne connaissent pas la question qu'il faudrait poser. À qui sont destinées ces statistiques? Vont-elles être transmises à la Chambre des communes pour qu'elle puisse se faire une idée générale de la situation, ou vont-elles apporter une réponse à une question précise?
    C'est pourquoi je pense qu'avant de nous baser sur les statistiques, il faudrait presque expliquer clairement à la personne qui va effectuer le travail quels sont les renseignements recherchés. Je pense souvent que les statistiques sont présentées de façon à indiquer que la criminalité augmente alors qu'il est fort possible que les données montrent qu'elles diminuent — au moins pour certains crimes. De quels crimes parlons-nous?
    Nous devons disposer de données précises si nous voulons que les statistiques soient fiables. Je ne suis pas certain — et je ne pense pas que vous en soyez vous-même convaincu — que les données statistiques que vous recevez vont vous apporter la réponse. Cela vient du fait que la formulation de la question et l'objectif recherché dépendent du statisticien. Il est possible qu'il recherche des renseignements d'un certain point de vue et que nous les utilisions pour un autre.
    Merci.
    Je vais faire un commentaire et poser une question et je propose qu'ensuite nous accordions trois minutes à chacun de nos trois témoins pour qu'ils concluent, ou peut-être pour nous mentionner un aspect dont ils n'ont pas pu parler jusqu'ici. Cela vous convient-il? Très bien.
    Un simple commentaire. Je crains que, lorsque nous parlons des peines minimales obligatoires, nous passions tout notre temps à parler de leur effet dissuasif et non pas de leur effet prophylactique.
    Je vous invite tous les deux à étudier le travail qu'a effectué la faculté de criminologie de l'University of the Fraser Valley. Je ne sais pas si vous connaissez John Martin. Vous connaissez sans doute Darryl Plecas. Leurs travaux semblent indiquer que ce sont les contrevenants récidivistes qui font problème.
    Monsieur Trudell, vous avez affirmé dans vos commentaires que les tribunaux étaient équipés pour s'occuper des récidivistes. Leur recherche semble contredire votre affirmation. Ils sont très favorables aux peines minimales obligatoires si elles sont utilisées de façon très ciblée contre les récidivistes chroniques.
    Monsieur Henry, j'ai beaucoup aimé votre témoignage, parce que je crois que vous vous attaquez au problème auquel la plupart d'entre nous font face dans nos collectivités. Vous vous intéressez aux petits criminels qui ne font pas toujours partie du crime organisé, même si notre étude a pris de l'ampleur au point où elle englobe également ce genre de situation.
    Vous avez parlé des familles monoparentales comme étant des unités de survie. Quel est le nombre de ces unités de survie qui sont dirigées par des mères?
(1155)
    Presque toutes — je ne connais qu'une seule unité monoparentale dans la collectivité de Scarborough qui soit dirigée par un homme.
    Je craignais d'entendre cette réponse. Je crains que si nous ne tenons pas compte de cet aspect et des hommes qui refusent d'assumer leurs responsabilités, toutes les solutions dont nous parlons ne seront que des solutions ponctuelles.
    Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, mais que faire pour amener ces pères à assumer leurs responsabilités vis-à-vis de leurs enfants?
    Il semble qu'il s'agisse principalement de jeunes couples et que ces jeunes gens n'assument pas leurs responsabilités parentales.
    Il n'y a pas très longtemps, j'étais un jeune père et je pensais que j'étais un fardeau pour ma famille. Je n'avais pas la possibilité de travailler ni celle d'étudier. Je pensais que, si je restais à la maison, j'utiliserais les ressources qui s'y trouvaient — nourriture, chaleur, eau — et que ma présence à la maison serait un fardeau pour ma famille. C'est une des raisons pour lesquelles les jeunes hommes sont absents.
    Une autre raison pour laquelle les jeunes pères sont absents est qu'il y a une sorte de cycle. Ils ont grandi sans père. Ils ne savent pas très bien ce que veut dire être un homme ou un homme responsable. C'est un aspect qu'il convient d'aborder dès qu'ils sont jeunes et à mesure qu'ils grandissent, pour qu'ils comprennent l'importance de cet aspect et d'avoir une figure de père à la maison.
    Merci.
    Je vais vous accorder à chacun trois minutes pour conclure.
    J'aimerais conclure en disant, comme je l'ai mentionné en réponse aux questions de M. Dechert, que nous ne nions pas que le crime organisé pose un problème. On vous a confié une tâche très difficile. Quelqu'un vous dit: « Il faut régler la question du crime organisé. Comment allons-nous le faire? » Il n'est pas très facile de répondre à cette question.
    Je ne suis pas certain, et notre organisation ne l'est pas non plus, que c'est en accentuant la sévérité des lois que nous allons y parvenir. Si vous créez de nouvelles lois qui ciblent le crime organisé mais qui ont une application plus large, vous allez détourner les ressources du système du crime organisé vers des personnes qui sont peut-être des criminels moins dangereux. Il y a peut-être des situations où il faut modifier les lois. Il y a peut-être des cas où il faut ajuster les lois — peut-être le renforcer dans certains cas et peut-être ne pas le faire dans d'autres. C'est votre mandat et il n'est vraiment pas facile de savoir quels sont ces cas-là.
    Mais j'estime qu'une réponse trop brutale du système de justice pénale ne serait pas nécessairement la bonne réponse. Je pense qu'il faut penser collaboration, comme cela a été proposé ici, et que les collectivités travaillent avec les services de police; les membres des collectivités doivent également trouver le moyen d'empêcher que des jeunes exercent des activités criminelles et se joignent au crime organisé.
    On pourrait comparer cela au système médical où on commence maintenant à insister sur la médecine préventive. Au lieu d'attendre que quelqu'un soit malade pour s'attaquer à son problème, il faut le résoudre avant que cette personne ne tombe malade. Je pense que l'on peut comparer le système de justice pénale à ce qui se passe dans un hôpital lorsque quelqu'un doit être examiné et qu'on essaie de trouver le meilleur traitement. Il serait peut-être préférable d'utiliser les ressources des services policiers et de la collectivité pour empêcher que les gens se retrouvent dans ces situations.
    Une fois qu'ils s'y trouvent, il serait peut-être temps de cibler davantage les ressources policières sur les criminels les plus endurcis, plutôt que de cibler les crimes liés aux drogues. Il faut chercher à savoir qui sont les gros trafiquants et essayer de les arrêter plutôt que d'aborder une situation en prenant des mesures très générales alors qu'il faudrait davantage cibler les interventions. Je vais donc terminer sur cette note.
    Merci encore une fois de nous avoir invités. Je vous souhaite bonne chance pour votre étude.
    Merci.
    Monsieur Henry.
(1200)
    Merci.
    On a parlé de l'été 2005 comme étant « l'été des armes » ici, dans la ville de Toronto, et je crois que cela a entraîné la mobilisation de ressources considérables dans le domaine de la prévention et des programmes communautaires.
    Depuis cette époque, un certain nombre d'années se sont écoulées et une partie des ressources qui ont été offertes dans des buts de prévention sont en train de disparaître. En tant qu'organisation de base qui travaille dans la région de Scarborough, près de Toronto, j'estime que notre principal souci, pour l'avenir, est de trouver les moyens de poursuivre ce que nous avons commencé à faire.
    Je pense que les gens recommencent à être satisfaits d'eux. Nous avons connu tellement de changements dans notre collectivité que les gens ont commencé à oublier ce qui nous avait amenés à agir. C'est pourquoi nous retombons dans la situation à l'origine de notre problème, pour ce qui est de l'état de nos quartiers. J'espère que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial s'intéresseront davantage au travail qui a été fait ces dernières années dans notre collectivité, pour ce qui est de prévenir la criminalité et la violence chez les jeunes, et que ces ressources seront accordées à ces organisations pour que nous puissions poursuivre ce travail.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Trudell.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, c'est toujours un honneur d'être ici. Je dois vous dire que je me sens particulièrement honoré d'être ici avec M. Henry aujourd'hui. C'est ce dont il parle, les modèles, et les collectivités ont vraiment besoin de modèle. J'aimerais presque le kidnapper et le faire assister à toutes vos prochaines audiences. Il dégage beaucoup d'énergie.
    J'aimerais remettre mon chapeau d'avocat de la défense, parce que je ne vous ai pas parlé de la divulgation. Cette question a fait l'objet d'un certain nombre de discussions, pour ce qui est de certains témoignages que j'ai lus.
    La divulgation n'est pas un problème. La divulgation est obligatoire. C'est ce que dit la loi. Nous ne devrions pas nous demander ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas. Il faut effectuer ce travail dès le début pour qu'il soit fait comme il faut. Les problèmes découlent des rapports entre les policiers et la Couronne. Qui est responsable de cet aspect? Qui va en assumer les coûts? Il faut donc adopter une approche axée sur la collaboration, ce qui se fait maintenant, lorsqu'il s'agit de structurer la divulgation et de veiller à ce qu'elle s'effectue correctement. Les procureurs de la Couronne peuvent dire ce qui leur paraît ne pas être pertinent pour les accusations et demander ensuite l'avis des policiers.
    Le problème ne réside donc pas dans la divulgation. Les gens qui affirment que la divulgation cause toutes sortes de problèmes se trompent. Personne n'est de cet avis. Je ne pense pas que les services de police soient de cet avis. Il s'agit plutôt de savoir qui en est chargé, comment les intervenants peuvent la structurer et procéder à la divulgation le plus tôt possible.
    Comme le juge LeSage et maintenant le juge Code l'ont déclaré dans leur rapport, c'est un problème qu'il faut régler, et il ne faut pas dire que c'est un problème qu'il convient de limiter. C'est comme un médecin qui doit effectuer une opération. Il obtient les radiographies. Cela correspond à la divulgation. Lorsqu'on a les radiographies, on sait quoi faire, plaider coupable ou non.
    Je vous demande de ne pas accepter les critiques ponctuelles qui veulent démontrer que la divulgation fait problème. La divulgation n'est pas un problème; c'est la façon dont elle est structurée et effectuée au départ qui fait qu'elle soulève des problèmes depuis quelque temps. Je pense que les policiers, la Couronne et les avocats de la défense travaillent tous sur cette question.
    Et un dernier aspect, du point de vue d'un avocat de la défense, c'est que les tribunaux devraient pouvoir prendre des décisions avant le procès. Le juge doit être juge d'un tribunal compétent pour pouvoir accorder la réparation prévue par la charte. Nous devons envisager de modifier le Code criminel pour que le tribunal puisse rendre des décisions en matière de divulgation, peut-être même pour ce qui est des questions liées à la charte, avant de commencer le procès. C'est une question qui fait l'objet de discussions et je vous invite à l'examiner au cours de vos travaux futurs.
    Nous ne devrions pas avoir à attendre le procès pour que le tribunal prenne certaines décisions. Il faudrait un juge qui a le droit de rendre des décisions en matière de divulgation, et même sur la charte, avant le procès. Cela facilitera grandement le fonctionnement du système et les gens seront ainsi informés beaucoup plus tôt.
    Je vous remercie, monsieur.
    Merci.
    Merci à tous d'avoir assisté à l'audience. Tous les témoignages ont été très intéressants et feront partie du rapport que nous publierons à la fin de notre étude.
    La séance est levée. Nous reprendrons nos travaux à 14 h.
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