Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Il s'agit de la 34 e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Aujourd'hui, en ce jeudi 4 novembre 2010, nous poursuivons notre étude du projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi. Nous traiterons essentiellement de l'élimination de la disposition de la dernière chance.
À la fin de la séance, nous avions prévu à l'horaire un autre examen de notre projet de rapport concernant l'étude sur le crime organisé. Par consensus, et d'après ce que les membres du comité m'ont appris, nous allons laisser tomber cela. Nous entendrons notre unique témoin au sujet du projet de loi S-6, puis nous ajournerons pour la journée.
Nous avons parmi nous Mme Kim Pate, qui représente l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Madame Pate, vous connaissez la procédure. Vous disposez de dix minutes, après quoi j'inviterai les membres à poser des questions.
Puisque j'ai appris hier soir que je comparaîtrais, vous comprendrez... Je suis navrée, je n'ai pas de déclaration écrite.
Néanmoins, notre position est que nous ne voulons pas qu'on impose des limites supplémentaires au recours à l'article 745 du Code criminel, qui porte sur les procédures de révision judiciaire. Ainsi que je l'ai indiqué lors de ma comparution devant le comité du Sénat, en ma qualité de directrice nationale de la Société Elizabeth Fry, j'ai travaillé avec la plupart des femmes admissibles à présenter une demande de révision en vertu de l'article 745. Je connais très bien la majorité de leurs cas, auxquels j'ai travaillé. Je serai donc heureuse de répondre à vos questions sur cette expérience.
J'ai cru comprendre qu'on souhaitait également en savoir plus concernant certains problèmes liés à la surpopulation et l'impact potentiel de cette mesure législative sur la surpopulation. J'ai demandé et reçu des renseignements du Service correctionnel du Canada. Je peux également vous parler de l'impact du point de vue des femmes qui sont déjà passées par la procédure de révision judiciaire, de la réussite de celles ayant réintégré la collectivité, ainsi que des défis auxquels elles ont été confrontées pour pouvoir vivre leur vie après leur incarcération.
Puisque je sais que vous avez une vaste expérience, j'aimerais que vous me parliez des impacts particuliers qui pourraient toucher ou non les femmes, par rapport à la population générale, puis en ce qui concerne spécialement les femmes autochtones.
Certainement. Pour ce qui est des femmes que je connais, les dispositions dans leur forme actuelle... Il y a des femmes qui, d'emblée, ne sont pas admissibles à une révision parce qu'elles faisaient partie de groupes de gens dans des situations où il y a eu plus d'une condamnation pour meurtre. Même dans le contexte où elles n'ont peut-être pas été l'acteur principal de ces meurtres, elles ont été, et sont tenues responsables.
Je vous dirais, en tout respect, que la plupart des gens, y compris ceux qui travaillent avec elles au sein des services correctionnels, seraient d'avis qu'elles ne posent pas un grand risque pour la collectivité. Toutefois, puisqu'elles ont été reconnues coupables de deux... Dans l'une de ces causes, une femme a plaidé coupable à une accusation de meurtre au premier degré dans les deux cas, pour éviter que ses enfants aient à témoigner. Et maintenant, elle n'est pas admissible à une révision judiciaire. J'estime que c'est un défi important.
Les chiffres ne sont pas élevés, car les femmes sont moins nombreuses que les hommes. Mais il ne fait aucun doute que, chez les femmes autochtones, certaines arrivent et... Il reste à voir à quel défi on sera confronté. Mais il est certain qu'un certain nombre d'entre elles sont très jeunes. La capacité d'accéder à une révision et de sortir de prison à un moment où elles ont... Elles sont arrivées dans le système à un âge où elles étaient très impressionnables. Même si une partie d'entre elles ont passé seulement cinq, six ou sept ans en prison, elles expliquent déjà que ce qu'elles doivent vraiment faire, c'est travailler pour sortir de prison et réintégrer la communauté. La perspective qu'elles restent en prison jusqu'à ce qu'elles aient à peu près mon âge, sans véritable possibilité digne de ce nom de faire des études postsecondaires et de pouvoir sortir de prison et contribuer à la collectivité, suppose des coûts humains, sociaux et fiscaux très élevés pour les contribuables, je dirais.
Je vais vous poser la même question que celle que j'ai posée au ministre.
Je sais qu'au cours des audiences du Sénat au sujet de ce projet de loi, des témoins de la Société John Howard, et peut-être aussi de la Société Elizabeth Fry, ont dit combien, pour un détenu, le processus de compilation des documents à l'appui d'une demande de révision judiciaire — afin de déterminer s'il y a lieu d'en saisir ou non un jury formé de membres de la communauté où le meurtre a été commis —, pouvait être long et fastidieux. En ce qui a trait au délai de 90 jours, on a proposé l'inclusion d'un certain pouvoir discrétionnaire pour que, sur demande et dans des circonstances atténuantes et exceptionnelles, advenant l'adoption de la loi, un juge soit autorisé à prolonger ce délai d'au plus 90 jours supplémentaires, disons, ce qui équivaudrait à un délai maximal de 6 mois.
Il a fallu un certain temps pour obtenir une réponse claire du ministre, mais il est finalement devenu très évident que, non, il n'approuverait même pas ce genre d'amendement qui permettrait à un juge d'exercer un pouvoir discrétionnaire dans des circonstances exceptionnelles, lesquelles pourraient être définies dans l'amendement au Code criminel.
Vous ou quelqu'un d'autre de votre organisation avez-vous déjà aidé une personne détenue à préparer une demande au titre de la disposition de la dernière chance?
Oui, c'est une activité à laquelle je participe directement, malgré une ou deux exceptions dues à la barrière de la langue. Je n'ai donc pas travaillé aux dossiers de deux femmes du Québec. Mais je me suis occupée des cas de toutes les autres — elles étaient 10 à s'être prévalues de la procédure —, dans une proportion plus ou moins importante, en fonction, très franchement, de leur capacité à organiser les documents et de la mesure dans laquelle leurs avocats peuvent y consacrer du temps supplémentaire car, habituellement, ils ne sont pas rémunérés pour la totalité du projet. Donc, je travaille normalement à ces cas.
En ce qui concerne les 90 jours, il fut un temps... On dirait que je m'apprête à vous raconter un conte de fée. Au début de ces révisions, nous bénéficiions de la collaboration exceptionnelle du Service correctionnel du Canada, et l'un des sous-commissaires régionaux de l'époque avait préparé un rapport soulignant la nécessité, pour le Service correctionnel, de participer activement à ces processus. Mais ce rapport est relégué aux oubliettes depuis longtemps, et mis à part l'évaluation qui est réalisée, il n'y a généralement plus le même degré de participation. Autrefois, par exemple, nous pouvions disposer d'un coin à l'écart pour passer une semaine ou plus à consulter la documentation. Dans un cas en particulier, j'ai même dormi dans une unité de visites familiales privées pendant plusieurs jours pour passer en revue la documentation avec l'avocat, et nous avons pu mettre au point la procédure.
Très franchement, je suis inquiète du caractère prohibitif des 90 jours, surtout en tenant compte des problèmes d'accès aux documents que nous éprouvons, et de la difficulté qu'ont les détenues à accéder à leurs propres documents, voire même à obtenir un crayon pour en faire la demande par écrit. Je reçois rarement des documents dans les 90 jours, même si l'exigence législative est de 30 jours. Habituellement, j'accepte une première et une deuxième prolongation, et ce n'est qu'après la troisième que je porterai plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée.
Donc, à partir de votre expérience personnelle d'assistance aux détenues pour préparer leurs documents à l'appui d'une demande au titre de la disposition de la dernière chance, que répondriez-vous à un commentaire qui a été fait, selon lequel les prisonniers ont toute la vie — qu'ils ont des années, 15 ans, pour être exacte — pour préparer un dossier de demande, de sorte que 90 jours suffisent amplement? Que répondriez-vous à une remarque de ce genre?
Je ne puis me prononcer sur ce qui se passe dans les pénitenciers pour hommes, mais il est certain que dans les prisons pour femmes, rares sont celles qui ont le droit de garder tous leurs documents dans leur cellule ou leur chambre, selon la description qu'on en fait. Elles sont censées avoir un coffret de sûreté où garder tous leurs dossiers. Parfois, si les détenues sont incarcérées depuis de nombreuses années, ces coffrets ne sont pas assez grands pour tout ce qu'elles ont à y mettre. Elles sont censées avoir accès à un deuxième coffret de sûreté, comme c'était le cas autrefois. Il s'agit littéralement de boîtes en métal munies d'un verrou, où elles peuvent conserver tous leurs papiers.
L'argument qu'on nous a présenté pour justifier de ne pas fournir leurs documents à de nombreuses femmes est la crainte, de la part de Corrections Canada, d'une violation de la confidentialité de l'information. Nous avons rétorqué que, si elles avaient un coffret de sûreté, les détenues étaient protégées. On craint aussi que l'information soit utilisée à des fins inappropriées; en cas d'atteinte à la confidentialité, les personnes pourraient faire l'objet de menaces ou ce genre de choses. Nous avons répondu, encore une fois, que si elles disposaient d'un lieu verrouillé, cela ne devrait pas poser problème.
En ce moment, je ne connais aucune femme qui ait en sa possession toute la documentation à laquelle elle a droit en vertu de la loi. En fait, c'est l'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. La semaine prochaine, j'assisterai à l'audience d'une détenue condamnée à perpétuité. J'y serai en partie parce que j'ai beaucoup de documents et qu'elle a eu bien du mal à en obtenir, même si son audience de libération conditionnelle a lieu mardi.
Bien souvent, on montrera des documents aux femmes, puis elles signeront un papier reconnaissant qu'elles en ont pris connaissance. Parfois, on considère que cela veut dire qu'elles en ont obtenu copie. Il arrive qu'elles aient des documents et les perdent, mais souvent, elles n'en ont pas obtenu d'exemplaire. Elles ont simplement admis avoir lu un document, ou avoir été informées de son contenu.
J'ai eu l'occasion de vous rencontrer à plusieurs reprises dans le cadre des affaires indiennes, au sujet des femmes autochtones. Je pense que votre centre travaille beaucoup auprès des femmes autochtones, en particulier auprès de celles qui sont en prison. Selon ce que vous dites, vous travaillez présentement à plusieurs dossiers. Voici la question que je me pose, et que je vous pose également: est-ce que le système actuel, soit celui de la dernière chance, fonctionne bien? Si vous avez besoin du moindre détail à ce sujet, je peux vous le fournir. Je parle ici du système qui consiste à présenter et mettre sur pied le dossier, comparaître devant le juge de la Cour supérieure, convoquer un jury, etc. Est-ce qu'il permet au criminel ou à la criminelle de soumettre ces demandes, mais également de protéger les familles des victimes? Hélas, dans les cas de meurtre, il y a toujours quelqu'un, en effet, qui subit de très lourdes conséquences.
Y a-t-il, selon vous, des choses qui ne fonctionnent pas bien et qu'on pourrait améliorer, plutôt que de tout bouleverser, comme c'est le cas actuellement?
Je m'excuse, mais je vais devoir répondre en anglais.
[Traduction]
Je dirais que, actuellement, on pourrait améliorer le système, certainement en le rendant plus accessible aux détenus. Je m'occupe de tous les cas intéressant des femmes, notamment parce que, lorsque nous avons commencé à faire le suivi des révisions, nous avons constaté que peu de femmes détenues présentaient de demandes, contrairement aux hommes. Parfois, c'était parce qu'elles n'étaient pas admissibles, et c'est légitime; parfois encore, parce qu'elles ne comprenaient pas le processus ou parce qu'elles n'étaient pas aidées.
Ayant voulu voir ce qui se passait chez les femmes, il nous est apparu évident que beaucoup d'entre elles n'avaient aucune idée de la façon de s'y prendre. Elles ne comprenaient pas la procédure. Nous nous occupons désormais de tous ces cas.
D'après moi, les moyens dont dispose la société pour se protéger fonctionnent vraiment. Le cas échéant, le portier du processus de révision en cour supérieure, le juge en chef de la juridiction, avertit probablement le détenu, dès cette étape, de l'impossibilité de la révision de son cas. Ensuite, le cas est soumis à un jury de la collectivité où le détenu a été inculpé. Dans la plupart des cas que je connais, les victimes n'ont pas seulement fait des déclarations percutantes et d'autres déclarations, mais elles ont également témoigné. On peut donc être sûr que, 15 ou 20 ans, peu importe, après les faits, elles sont capables de parler des conséquences durables ou des craintes qu'elles éprouvent encore.
Sur les dix femmes dont le cas a fait l'objet d'une révision, deux n'ont pas bénéficié d'une réduction de la période d'épreuve pour l'admissibilité à la libération conditionnelle, parce qu'elles étaient perçues comme posant un risque permanent. Quatre-vingt pour cent des femmes admissibles ont présenté une demande et ont bénéficié d'une réduction. Mais il s'agit, essentiellement, de huit femmes.
Ensuite, de ce nombre, une seule est retournée en détention. C'était celle qui souffrait de déficience intellectuelle. Elle avait été condamnée malgré son innocence. Elle avait mentionné qu'elle cherchait de l'aide pour faire cesser un abus. On ne sait pas très bien si elle avait tous ses esprits — manifestement, sa lucidité était suffisante, puisqu'elle a été condamnée, et c'était il y a longtemps — et on l'a amenée, en la dupant, à accepter de l'argent. Une fois les détails de ces faits démêlés, on a retiré toutes les accusations, et on l'a libérée.
Hormis ce cas de remise en liberté très courte, aucune autre femme ne s'est retrouvée en détention.
Je suis extrêmement préoccupé parce que, ici, le gouvernement nous dit que s'il arrive avec un nouveau projet de loi, en l'occurrence le projet de loi qu'on étudie actuellement, c'est pour diminuer la victimisation, c'est-à-dire le fait que les victimes — donc, bien évidemment, les familles des personnes décédées — doivent se présenter devant les tribunaux et revivre ce qui a entraîné le meurtre.
Je ne sais pas ce que vous en pensez. Êtes-vous aussi près des familles des victimes, en plus d'aider les femmes à préparer leur dossier?
Parfois, effectivement, parce que les victimes étaient leurs maris. Et je connais leurs enfants. Ce sont également des victimes. Cela dépend donc des circonstances individuelles.
Dans le cas d'une personne qui présente un risque permanent et qui ferait d'autres victimes, les mécanismes sont en place, et les mesures que le juge doit appliquer font sans doute en sorte qu'on s'arrête à l'étape du juge en chef. Si quelqu'un présente un tel risque permanent ou continue, d'une manière ou d'une autre, à causer ce genre de torts, on en tiendrait sans doute compte à cette étape. Les cas très médiatisés dont on a décliné la liste et qui se trouvaient à cette étape ne sont pas allés plus loin, à ce que je sache.
Il est certain que nous ne sommes pas intéressés à ce que personne ne soit victimisé ni victimisé à nouveau. En réalité, cependant, la raison d'être de ce mécanisme est de donner l'occasion à ceux qui... de profiter de la dernière chance que l'on faisait miroiter quand on a proposé l'article. Je pense que cette chance est plus ténue maintenant, en raison des modifications apportées au milieu des années 1990 et de l'exigence, par exemple, de l'unanimité du jury et ce genre de choses.
Vous travaillez dans ce milieu auprès des femmes depuis de nombreuses années. Si le projet de loi est adopté tel qu'il est actuellement, quelles sont, selon vous, les chances de réhabilitation de certaines des femmes dont vous vous occupez?
Quant aux femmes qui ne sont pas déjà admissibles, le personnel des établissements qui est en contact quotidien avec elles a reconnu ne pouvoir presque rien pour elles. Elles ont participé à tous les programmes possibles ou elles sont en attente d'en suivre, parce qu'elles ne sont pas autorisées à le faire en raison des dates éloignées de leur admissibilité à une libération conditionnelle. Le personnel dit que ces prisonnières vivent un sentiment de désespoir.
Or, cette situation n'amène pas ces femmes à faire du tort aux autres — bien que cela signifie qu'elles se morfondent dans une situation dont elles pourraient sortir pour en quelque sorte contribuer à quelque chose. Elles essaient certainement de le faire. Certaines d'entre elles ont mis sur pied des programmes de bénévolat, ce genre de choses, pour la collectivité.
Mais, dans les prisons d'hommes, je le sais pour avoir travaillé avec eux, quand il y a été question de la première révision — et, assurément, lorsque la disposition « de la dernière chance » a été introduite, avant que je n'exerce ce travail —, je comprends que beaucoup d'agents de correction et beaucoup de leurs cadres ainsi que des décideurs se soient inquiétés de leurs conséquences pour la diminution de l'espoir des prisonniers et des occasions de réhabilitation. Je pense donc que ce serait une cause permanente d'inquiétude.
Assurément, les femmes qui sont parvenues à faire réduire leur période d'épreuve, qui sont retournées dans leur collectivité, qui, dans certains cas, y apportent une contribution extraordinaire, si ce n'est à leurs familles ou à leurs petits-enfants, et qui, assurément, essaient de réparer les torts qu'elles ont causés, donnent à la société beaucoup plus que si elles étaient restées en prison encore 10 ou 15 ans.
Savez-vous combien parmi les 80 à 100 femmes seraient admissibles, actuellement — c'est-à-dire celles qui ont purgé 15 ans —, à présenter une demande de révision?
Eh bien elles ne seraient pas toutes en train de purger leur peine pour meurtre au premier degré. La ventilation était habituellement entre les condamnés pour meurtre au premier et au second degré. Je présume qu'elle existe encore, mais, en fait, je ne sais pas vraiment, je suis désolée.
Je sais que, actuellement, nous nous occupons de deux femmes admissibles de plus, ce qui portera leur nombre à 12. Depuis la mise en vigueur de la disposition « de la dernière chance », on a révisé le cas de 10 femmes, et deux de plus sont admissibles.
Permettez-moi de m'arrêter sur ce point quelque temps. M. Head, la dernière fois qu'il a comparu quand ce projet de loi est revenu sur le tapis avant de mourir, puis de ressusciter, nous a communiqué un tableau. Les renseignements qu'il contenait n'avaient pas encore été communiqués au comité, parce qu'ils étaient retenus par le cabinet du ministre. Il s'agissait de statistiques portant sur les cinq dernières années, c'est-à-dire de 2004 à 2008-2009, sur le nombre de libérations et sur la durée purgée de la peine.
Je tiens à savoir si les chiffres suivants vont vous étonner? En 2004-2005, les détenus avaient purgé 23 ans avant d'être libérés. En 2005-2006, 21 ans. En 2006-2007, 24 ans. En 2007-2008, 23 ans, et en 2008-2009, 25 ans.
Pour les femmes qui présentent une demande, les chiffres seraient-ils semblables? Ces chiffres vous étonnent-ils?
Ils ne m'étonnent pas, malheureusement. Chez les femmes, c'est un peu différent, parce que, encore une fois, nous travaillons sur les cas. Nous essayons donc, habituellement, de présenter les demandes le plus rapidement possible après le délai de 15 ans. La période la plus courte qui a précédé la présentation d'un dossier au tribunal a été de 1 an, puis il a fallu encore 6 mois, c'est-à-dire 18 mois en tout, pour obtenir la libération. Il s'agit d'un seul cas, cependant, et je ne sais pas...
Oui. Il s'agissait de l'une des femmes dont le cas avait été recommandé, pour révision, par Mme le juge Ratushny, pour cause de légitime défense. Vous comprendrez que le contexte différait beaucoup de celui de la plupart des cas, et, en l'occurrence, on prétendait qu'elle n'aurait jamais dû avoir été condamnée, en premier lieu.
Elle jouissait d'un appui extraordinaire. Son cas a été celui qui a été traité le plus rapidement parmi tous ceux dont j'ai été le témoin. En moyenne, on parle habituellement de trois ans entre le moment où le détenu est admissible et celui où il est libéré, quand on travaille avec ténacité pour faire aboutir le dossier. Il faut compter un certain temps pour le présenter au juge en chef. S'il l'approuve, il en faut encore, dès qu'il communique sa décision, pour se préparer à se présenter devant le jury, puis pour aller en audiences. Enfin les dates et la longueur du processus entrent en ligne de compte. Une fois la décision rendue, l'étape suivante consiste à s'adresser à la commission des libérations conditionnelles. Habituellement, Corrections Canada veut disposer d'au moins six mois pour s'acquitter de ses tâches administratives.
Pour la femme en question — elle était à l'Okimaw Ohci Healing Lodge —, nous avons convaincu le personnel de se mettre au travail pour que la demande de libération puisse être déposée dès le jugement. Si nous n'avions pas été prêts à enchaîner les étapes... On ne pouvait pas aller plus vite. D'après moi, ce record restera inégalable.
Il n'y a pas que cela. Il y avait la nature de l'affaire. Je ne pourrais pas réussir à convaincre les Services correctionnels du Canada de faire préparer les documents à remplir pour une demande de libération conditionnelle si la révision judiciaire se déroule bien. J'ai essayé, et ils ont refusé. Tant que la décision n'est pas rendue, ils ne touchent pas aux documents.
Il s'agissait d'un cas atypique où, en fait, tous étaient d'accord sur le fait qu'elle n'aurait pas dû être condamnée. C'est pourquoi, on a pris les devants avec les papiers, avant la révision judiciaire. Cela veut dire que tous voyaient à ce que les choses soient prêtes avant la prise des décisions. C'est pourquoi il a fallu 18 mois.
Vos réponses à mon collègue concernant le délai à respecter de trois mois n'étaient pas tout à fait claires. Vous nous avez cependant donné l'impression générale que, dans l'immense majorité des cas, il serait simplement impossible de respecter ce délai de trois mois.
J'avais prévu que quelqu'un pourrait s'intéresser à cette question. J'ai donc posé la question aujourd'hui à Corrections Canada. On m'a dit qu'il y avait actuellement une cellule en occupation double dans les pénitenciers de femmes.
J'ai contesté cette réponse, en disant que je savais que dans la plupart des unités de logement, une pièce qui avait été réservée à l'origine pour être habitable avait été transformée en chambre à coucher à deux lits. On m'a répondu que cela ne comptait pas comme de la double occupation.
D'après moi, si on compte toutes ces pièces, la plupart des prisons sont surpeuplées. Toutes, excepté Joliette. Et, même à Joliette, il y a une cellule en occupation double dans l'unité de sécurité maximale.
On prévoit cependant la double occupation de la plupart des unités à sécurité maximale pour très bientôt, si ce n'est pas déjà fait. Actuellement, on nous dit que c'est le cas d'une seule cellule. On m'a aussi dit que la commissaire avait signalé que, d'après ses estimations, on aurait besoin d'encore 152 cellules pour les femmes d'ici 2013.
Ce serait en fait de la double occupation. Les services correctionnels ne définissent tout simplement pas cette notion de cette manière. Vous devez nous donner une réponse.
D'accord. Ce serait assurément l'hypothèse que je formulerais, d'après ce qui se passe actuellement et d'après le fait qu'ils ne comptent pas comme étant de la double occupation les personnes qui occupent actuellement en double les maisons.
Par exemple, à Grand Valley, 20 femmes sont détenues. De temps à autre, on y loge des groupes de femmes dans l'unité de visites familiales privées, ce qui annule les visites familiales qui sont censées y avoir lieu. L'unité sert au logement et elle ne compte pas comme étant en occupation double, même si, parfois, des détenus dorment sur le sol ou sur le canapé. À un certain moment, à Grand Valley, on comptait six femmes dans une unité de visites familiales privées, transformée pour la circonstance en unité de logement.
Merci beaucoup, madame Pate, d'être ici aujourd'hui. Je tiens à dire, dès le départ, que j'admire et que je respecte le travail des sociétés Elizabeth Fry qui aident les femmes détenues à se réinsérer dans la société et à se réhabiliter, mais n'allez cependant pas croire que je suis d'accord avec la totalité de son discours.
Pour commencer, je vais vous demander si vous avez déjà assisté à des audiences de libération conditionnelle pour des femmes condamnées pour meurtre.
Et à combien de ces réunions ont assisté les victimes? En passant, contrairement à certains de mes collègues, je crois que les familles des victimes sont également des victimes. C'est d'elles que je parle. Les victimes ont assisté à combien des 20 audiences de libération conditionnelle de personnes reconnues coupables de meurtre?
Je dirais au quart, probablement. Elles ont certainement assisté à la dernière à laquelle j'étais présente, ainsi qu'aux dernières avant. Ce serait maintenant inhabituel qu'elles n'y assistent pas, depuis le déblocage de ressources pour faire venir les gens par avion.
Je dois vous avouer que je n'ai pas assisté à ces audiences, mais j'imagine que l'atmosphère doit y être très tendue, dans la plupart des cas, du moins, quand il s'agit, pour les victimes, de rencontrer le détenu dans des circonstances où il cherche à obtenir sa libération. Est-ce que ce serait une supposition exacte?
J'aurais tendance à le croire. Toute situation où l'on revient sur un événement malheureux, qui s'est terminé par la mort de quelqu'un, causerait ce genre de stress.
Oui, je dirais que c'est mon rôle. Il peut parfois exister un lien entre la victime et la détenue. Cela dépend donc de la situation. Parfois, je connaissais tous les protagonistes avant, parfois non et, moins souvent, j'étais observatrice. Habituellement, j'étais là pour aider la femme.
Mais je m'attendrais à ce que vous éprouviez un certain degré d'empathie pour les victimes qui sont présentes à l'audience pour s'opposer à la libération conditionnelle du condamné. Est-ce le cas?
On présume que les victimes s'opposent nécessairement à la libération des délinquants. Mais, dans les faits, elles sont parfois contre, parfois pour. Certaines viennent témoigner des bons changements dans la situation du délinquant et de ses efforts. Ça dépend.
Je me souviens d'un seul cas où la victime s'opposait activement à la libération du délinquant.
Alors, parlons de ce cas. Je crois qu'il doit être plutôt stressant pour une victime qui veut s'opposer à la libération du délinquant de ne pas savoir quand il fera une demande de libération conditionnelle. Diriez-vous comme moi que c'est plutôt stressant pour la victime?
C'est vrai, sauf que, dans le système actuel, le délinquant n'a pas à se plier à échéancier pour faire sa demande. Alors, la victime reste dans l'incertitude et attend que le délinquant se décide. Ai-je raison de dire cela?
Ce que j'essaie de vous dire, c'est que, si j'avais perdu un être cher, victime d'un meurtre, et si je croyais que le meurtrier ne devrait pas se voir accorder une libération conditionnelle, j'attendrais anxieusement, tous les jours, une fois les 15 premières années d'incarcération passées, qu'une demande de libération conditionnelle m'arrive par le courrier. Je suis certain que vous avez assez d'expérience avec les victimes pour comprendre que c'est le genre de chose qui peut leur peser. Êtes-vous de cet avis?
Il est possible que l'incertitude leur pèse, en particulier lorsque la personne ne connaît pas la procédure. Toutefois, je crois qu'on fait désormais des efforts accrus pour veiller à ce que les personnes concernées connaissent la procédure et comprennent la démarche suivie. J'ai certainement connu des victimes qui ont préféré ne pas participer.
Que l'on connaisse la procédure ou non, il reste qu'actuellement, après 15 ans, un délinquant, un individu reconnu coupable de meurtre, a le choix de demander ou non une révision du délai préalable à sa libération conditionnelle. La victime, elle, doit vivre dans l'incertitude. Est-ce une bonne chose? C'est ainsi que je pose la question.
Je parle de la demande adressée au juge en chef et de la suite éventuelle de la procédure. Présentement, le délinquant peut choisir le moment où il fait une demande. Est-ce bien exact?
Alors, une fois les 15 années passées, si ma femme a été assassinée, je sais ou, en tout cas, je devrais savoir — ce qui est particulièrement vrai dans mon cas, puisque je suis avocat — que le délinquant a le droit de faire une demande. Mais je ne sais pas quand il la fera et je ne sais même pas s'il en fera une. Je reste dans l'incertitude jusqu'à ce que la demande soit faite, n'est-ce pas?
À mes yeux, il s'agit d'un problème, et je me demande si vous avez un moyen à nous suggérer pour aider les victimes à résoudre ce problème.
En toute sincérité, je vous dirais que je commencerais à essayer de résoudre le problème bien avant cette étape. Comme certains membres du comité le savent, je travaille avec les victimes depuis longtemps, et ma fille a été élevée sans son grand-père, qui est mort assassiné. Compte tenu de cette expérience, je pense qu'il faut commencer à aider les victimes bien avant qu'on arrive à cette étape. L'aide doit venir très tôt.
Je pense que c'est théoriquement vrai. Cependant, en réalité, lorsqu'on sait que le délinquant n'a rien fait pour se réadapter et résoudre les problèmes qui l'ont amené à se retrouver en prison, on se doute pas mal qu'il ne fera pas de demande ou l'on sait que, s'il est admissible...
Qu'auriez-vous à dire au sujet de la nouvelle disposition qui, dès que le projet de loi entrera en vigueur, fera en sorte que la personne ayant déjà purgé 15 années d'une peine d'emprisonnement à perpétuité disposera d'une fenêtre de 90 jours pour faire sa demande et devra attendre cinq ans avant la prochaine fenêtre, si elle omet de faire une demande? Compte tenu de votre expérience, avez-vous l'impression que cette nouvelle règle établissant une fenêtre de 90 jours pourrait empêcher des délinquants devant s'y plier dès l'entrée en vigueur du projet de loi de se prévaloir de la procédure établie?
J'y vois un problème, car l'accès à l'aide juridique est de plus en plus difficile pour les détenus. Ceux qui ne sont pas admissibles risquent de ne même pas avoir accès à un avocat avant d'être admissibles. Malgré tout le respect que j'ai pour mes collègues — comme vous le savez, je suis avocate, moi aussi —, je dois dire que je ne connais pas beaucoup d'avocats qui ont la capacité de préparer une demande en bonne et due forme dans un délai de 90 jours, sans même disposer au préalable de la documentation produite par le Service correctionnel du Canada. Il me semble extrêmement inquiétant de voir le nombre de personnes qui risquent de ne pas pouvoir faire une demande à cause de cette fenêtre de 90 jours.
Lorsqu'il a comparu devant notre comité, le ministre nous a indiqué que, si l'on commençait la démarche visant à faire une demande dans les 90 jours, on aurait le temps de la terminer.
Je ne suis pas certain de l'interprétation qu'il faut donner aux propos du ministre. Connaissez-vous la démarche prescrite? Je suis certain que vous avez lu les dispositions en question.
Il nous a assuré que, si la démarche visant à faire une demande était commencée dans les 90 jours, elle pourrait se poursuivre après la fin de ce délai. Autrement dit, la préparation de la demande pourrait se poursuivre d'une manière ou d'une autre.
Je serais curieuse de savoir, en consultant les données du Service correctionnel du Canada, combien de personnes ont été capables de terminer la démarche en 90 jours. Je sais que, même avec l'aide de notre organisme, qui fait du travail de terrain pour faire avancer le traitement des dossiers, la démarche a pris beaucoup plus que 90 jours dans certains cas.
Compte tenu du texte du projet de loi, l'essentiel ne touchera directement aucun délinquant d'ici 15 ans, parce qu'il vise seulement les délinquants qui seront déclarés coupables après l'entrée en vigueur de la loi. Mais une disposition appliquerait rétroactivement la règle de la fenêtre de 90 jours aux personnes purgeant actuellement une peine d'emprisonnement à perpétuité.
La durée d'attente sera longue. Selon l'argument de vente qu'on nous sert, il s'agit d'éliminer la disposition de la dernière chance, mais, en pratique, de procéder à cette élimination dans 15 ans seulement.
Compte tenu de votre expérience, prévoyez-vous que les changements proposés auront des conséquences, bonnes ou mauvaises, sur la sécurité publique? Auriez-vous eu connaissance de quelque chose ou auriez-vous, au fil de vos réflexions, pensé à quelque chose que vous voudriez nous décrire et qui, dans les changements proposés, pourrait avoir une incidence sur la sécurité publique?
Je vois. Le titre abrégé du projet de loi est « Loi renforçant la sévérité des peines d’emprisonnement pour les crimes les plus graves ». Comprenez-vous ce que veut dire ce titre? Vous êtes dans le milieu depuis longtemps. Pensez-vous que ce titre est clair ou qu'il a besoin d'être quelque peu raffiné?
En tout respect, je vous dirais que le titre ressemble à une tentative de prêter au projet de loi des vertus qu'il n'a pas. Il pourrait avoir comme effet d'augmenter le temps que les gens passent en prison, c'est vrai, mais je ne pense pas qu'on obtienne ainsi, comme résultat, une amélioration de la sécurité du public.
Devrions-nous vérifier auprès du Service correctionnel du Canada la procédure normale à suivre pour ces demandes, de manière à déterminer si la démarche pourrait se faire à peu près dans la fenêtre de 90 jours qui est prévue, comme a semblé vouloir le dire le ministre.
Je suis désolée. Je souris parce que des employés du Service correctionnel du Canada me téléphonent habituellement pour me demander, à mesure que surviennent de nouveaux cas, quelle serait la procédure à suivre. Toutefois, mon travail concerne les femmes seulement, et on s'occupe certainement de leurs dossiers.
Vous pourriez demander au Service correctionnel du Canada combien de délinquants ont entrepris de faire une demande dans les 90 jours suivant leur date d'admissibilité. Je présume qu'il devrait être possible d'obtenir cette information, puisque le Service correctionnel du Canada est tenu de répondre aux demandes selon les règles d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels.
Effectivement, le projet de loi ne prévoit pas qu'on informe les détenus, hommes ou femmes, qu'ils disposent d'une période de 90 jours. Alors, il pourrait arriver que certains ratent l'occasion, mais alors...
On vous répondra vraisemblablement que la loi oblige les autorités à répondre. Néanmoins, nous venons justement de nous adresser à trois reprises à la Cour fédérale pour obtenir une série de dossiers. Malheureusement, je crains que les gens ne puissent même pas toujours obtenir leurs dossiers avant que la période se termine.
D'après ce que je comprends, une fois que la demande est terminée, il faut au moins un an et souvent davantage avant qu'on soit finalement entendu par un jury.
La durée d'attente dépend largement de la disponibilité du procureur chargé du dossier. Parfois, le procureur qui était chargé de la poursuite, dans le procès où le détenu a été déclaré coupable, veut s'occuper lui-même du dossier. La durée d'attente varie donc selon la charge de travail du procureur, selon la charge de travail de l'avocat de la défense ainsi que, manifestement, selon le temps qu'il faut pour constituer un jury. Donc, la durée varie. Il est difficile de vous donner une durée exacte parce que l'attente peut aller d'une seule année à plusieurs années.
Si le jury rejette la demande, un délai de 18 mois ou de deux ans va déjà s'être écoulé. C'est à compter du moment où la demande est rejetée que commence la période devant s'écouler avant qu'une autre demande puisse être soumise. Est-ce bien ça?
Les proches des victimes qui viennent témoigner s'opposent-elles toutes au fait que la personne bénéficie d'une libération conditionnelle avant le délai de 25 ans ou, dans le cas d'un meurtre au deuxième degré, de 10 à 25 ans?
Non, elles n'y sont pas toutes opposées. Certaines le sont et le font bien savoir, mais certaines ne le sont pas. Il arrive que des victimes assistent aux audiences sans demander à être entendues. Ce comportement est probablement plus courant que le fait de se dire ouvertement pour la libération conditionnelle, car les victimes subissent habituellement des pressions de la part d'autres personnes.
Pourriez-vous nous indiquer quelle est la proportion respective des gens qui s'opposent à cela, de ceux qui ne s'y opposent pas et de ceux qui y sont indifférents? Si vous n'êtes pas en mesure de le faire, ne le faites pas.
Sur les dix détenues avec lesquelles j'ai travaillé, il y en a cinq au sujet desquelles les victimes n'ont pas voulu s'exprimer, ce qui ne signifie pas que les victimes étaient nécessairement pour ou contre, bien que, dans certains cas, j'aie pu leur parler et les entendre me dire qu'elles ne s'opposaient pas à la libération conditionnelle. Les victimes ne voulaient tout simplement pas se mettre à prendre la défense de la détenue. Elles étaient parfaitement disposées à laisser le système déterminer si la détenue était prête à réintégrer la société. Dans un cas, je me souviens d'avoir entendu les victimes dire qu'elles préféraient s'en remettre au système pour prendre une décision, de manière à ce que, si la détenue était jugée apte à réintégrer la société, elle puisse mener une vie productive plutôt que de languir en prison.
Dans trois cas sur dix, les victimes étaient nettement opposées à la libération de la détenue. Dans deux de ces cas, la demande de la détenue a été refusée.
Elles ont essentiellement dit que ce qui s'était produit les attristait. Elles n'étaient manifestement pas heureuses que la détenue ait tué leur proche et ont parlé de la douleur qu'elles en avaient éprouvée, mais ont indiqué également qu'elles espéraient que la détenue puisse finir par mener une vie productive.
Une famille de victimes qui n'avait rien dit de ce genre, au départ, et certainement pas lors de la révision judiciaire, a exprimé ce point de vue lors d'une audience récente de libération conditionnelle. J'ai ma petite idée concernant les raisons qui peuvent avoir amené ces gens à exprimer ce point de vue. Ce pourrait être lié à d'autres interventions. Quoi qu'il en soit, je ne connais personne, pour ma part, qui ait formulé ce genre d'objection lors d'une audience.
Madame Pate, je vous remercie d'être présente aujourd'hui. Mes collègues et moi voudrions vous remercier du bon travail que vous faites pour aider des gens dans des circonstances difficiles.
Lors de la séance où vous êtes venue témoigner devant notre comité, la dernière fois que le projet de loi a été présenté, à une époque où il portait le numéro C-36, Mme Sharon Rosenfeldt faisait également partie des témoins. Elle est à la tête d'un groupe nommé Victims of Violence et a été elle-même victime d'un crime violent, je crois. L'un de ses enfants fait partie des victimes de Clifford Olson. Dans son témoignage, ce jour-là, elle a dit un certain nombre de choses assez intéressantes. Permettez-moi de vous en lire quelques extraits. Elle a dit ceci:
[...] lorsque [le] député responsable de [la disposition de la dernière chance] a parlé du gaspillage de la vie du délinquant qui reste 25 ans en prison, il a semblé oublié la vie innocente que le délinquant a sacrifiée lorsqu'il a décidé de commettre le meurtre. Il n'y a ni libération conditionnelle, ni révision judiciaire pour les victimes de meurtre et leur famille. Elles n'ont ni dernière chance ni échappatoire juridique pour abréger leur peine.
Elle a ajouté ceci:
La plupart des victimes sentent le besoin d'assister à toutes les instances qui concernent le délinquant qui les a privés d'un être cher. C'est avec un honneur empreint d'humilité et une ferme conviction que nous représentons cet être cher, car vous savez, peu importe le nombre des années, on n'arrive jamais à tourner la page lorsqu'un autre être humain a pris la vie d'un être cher. On ne se résigne jamais à la façon dont il est mort. Ce n'est pas naturel. Le résultat du meurtre est hideux. La blessure du crime de violence est toujours béante. Cela ne s'oublie jamais, même si la vie continue et si nous constatons avec les ans qu'il peut y avoir une vie après le meurtre d'un être cher. En réalité, la victime sait qu'on peut tourner la page à certaines étapes du système de justice, que les instances ont ou sont censées avoir quelque chose de définitif, et ce caractère définitif est une façon de tourner la page. Pour nous, ce semble la dernière forme de droit de la personne qui reste pour l'être cher. Voilà pourquoi nous, de la famille, voulons toujours être là pour le représenter.
Plus loin, elle a dit encore ceci:
[...] c'est simple pour nous: le délinquant et le système de justice ont peut-être oublié ces êtres chers, mais pas nous, les familles des victimes. La plupart d'entre nous seront toujours là pour les représenter et parler en leur nom. C'est pourquoi les familles assistent à toutes les audiences, même si, malgré le passage des années, cela rouvre des plaies. C'est ainsi.
Comme d'autres membres du comité l'ont souligné, les meurtriers incarcérés actuellement ont le droit d'invoquer la disposition de la dernière chance à la fin de la 15e, de la 17e, de la 19e, de la 21e et de la 23e année de leur incarcération. Chaque fois qu'ils font une telle demande, les familles des victimes ressentent le besoin de venir à l'audience de libération conditionnelle pour représenter l'être cher qu'elles ont perdu. Je voudrais simplement entendre ce que vous avez à dire à ce sujet. Que répondez-vous à Mme Rosenfeldt?
Oh, j'ai le plus grand des respects pour Sharon. Je connais Mme Rosenfeldt depuis 26 ou 27 ans. Je respecte le travail qu'elle accomplit et les efforts extraordinaires qu'elle fait au sein de son organisme, qui fournit de l'aide vraiment importante aux victimes.
En tout respect, cependant, je vous dirais que, si quelqu'un demande une révision judiciaire, demande qui doit être étudiée par le juge en chef, il n'y a pas d'audience de libération conditionnelle à ce stade. Si une personne fait une demande et que celle-ci est refusée, elle peut faire une autre demande plus tard, mais elle n'en fera pas nécessairement une tous les deux ans. Pour ceux qui sont...
Encore une fois, dans l'absolu, d'après ce que dit la loi, c'est possible, mais je devrais voir la situation de plus près. Habituellement, la personne ne serait pas appuyée et pourrait donc décider de ne pas poursuivre, ou elle pourrait être soutenue et procéder, mais normalement, cela ne devrait pas arriver tous les deux ans.
Je pense que cela dépend de l'étape à laquelle sont rendus les gens dans leur cheminement. Je ne sais pas comment je réagirais si mon enfant était victime de meurtre. Ce que je peux vous dire, c'est que la plupart des gens que je connais, qui ont « vécu » un homicide, ont des expériences toutes différentes les uns des autres. Par conséquent, je ne minimiserai jamais ce qu'a subi Mme Rosenfeldt, mais je ne nierai pas non plus ce par quoi sont passés tous les autres. Néanmoins, il y a aussi beaucoup de gens qui considèrent très fortement qu'une fois qu'une personne a dit que rien ne lui ramènera son être cher — et c'est le cas —, ils s'interrogent sur la nécessité de garder quelqu'un en prison, alors qu'il pourrait apporter sa contribution, d'une manière différente, à la communauté. C'est le cas de quelques-unes des femmes avec lesquelles je travaille, qui prennent soin de leurs petits-enfants ou sortent et font d'autres choses, comme participer au programme de guérison pour d'autres femmes et enfants... Ces initiatives ne pourraient pas exister autrement si ces femmes n'y avaient pas accès.
Le paragraphe 3(1) du projet de loi parle de ou fait référence à une demande envoyée par écrit au juge, et plus loin dans le projet de loi, on parle des délais de 90 jours. Selon le libellé, une personne peut « présenter une demande en vertu du paragraphe (1) ». Cela s'applique uniquement à la demande adressée au juge, n'est-ce pas?
Non, parce qu'il faut d'abord passer par le juge en chef, et ensuite par le jury, qui devra s'entendre pour limiter l'admissibilité. Ensuite, à la date qu'aura fixée le jury, la personne pourra présenter une demande à la commission des libérations conditionnelles. Mais entre-temps, il faudra respecter toutes les formalités administratives et procédures.
Je n'ai pas la réponse à cela. Je m'adresse à vous parce que vous avez de l'expérience dans le domaine. Est-ce que les victimes sont informées de ce type de demande au juge?
Ainsi, d'après votre expérience, les victimes ne sont informées qu'au moment où une demande d'admissibilité est présentée à la commission des libérations conditionnelles — c'est-à-dire après qu'un juge a donné le feu vert, si tant est que ce soit possible.
On a parlé, lors de séances précédentes de ce comité, de la rétroactivité de la mesure législative et de l'incidence que cela aurait sur la possible réhabilitation des gens actuellement incarcérés pour meurtre ou purgeant une peine de prison à vie pour meurtre.
Il me semble qu'on a fait valoir que si quelqu'un ne peut présenter une demande au bout de 15, 17, 19, 21 ou 23 ans, c'est parce qu'il n'est pas un bon détenu. Il n'a pas essayé de se réhabiliter. D'après moi, si vous avez deux chances, deux occasions de sortir, à la 15e et à la 20e année — sinon vous devrez attendre d'avoir fait vos 25 ans pour présenter à nouveau une demande —, vous allez travailler un peu plus fort pour vous réhabiliter et vous comporter davantage comme un prisonnier modèle.
Je crois que certains pensent ainsi, mais le problème, bien souvent, particulièrement pour les personnes condamnées à perpétuité, c'est qu'elles ne sont autorisées à participer à des programmes qu'une fois qu'elles ont atteint leur date d'admissibilité. Très franchement, ce que je crains, c'est que cela donne une excuse supplémentaire pour ne pas offrir ces programmes plus tôt.
Nous savons également que plus les gens passent de temps dans des conditions austères, sans bénéficier de ce type de programmes, plus ils se replient sur eux-mêmes. Je crois donc qu'il est dans l'intérêt de la sécurité publique que tous les prisonniers, particulièrement ceux qui purgent des peines de prison à vie, et ceux qui ont commis des crimes graves, participent à ces programmes plus tôt que plus tard et suivent un modèle différent.
Je crois tout simplement que les chiffres considérables dont nous parlons nous prouveront le contraire.
Je remarque que l'un des principes établis de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry est que les femmes criminalisées ne devraient pas être emprisonnées; que tous les efforts devraient être déployés pour empêcher ces femmes d'être incarcérées et pour faciliter leur réintégration dans la communauté, le plus rapidement possible. Je parle de femmes condamnées à une peine d'emprisonnement.
À votre avis, les femmes ne devraient jamais se retrouver derrière les barreaux?
À notre avis, la façon dont sont actuellement utilisées les prisons a pour effet d'exacerber les conditions mêmes qui ont conduit la plupart de ces femmes à commettre des crimes. Nous voudrions donc qu'il y ait des solutions de remplacement au mode d'incarcération actuel de ces femmes. Ainsi, celles qui sont dangereuses et doivent être séparées des autres ont besoin de modèles de séparation différents.
Comme tous les dirigeants des services correctionnels l'ont déterminé au milieu des années 1990, 75 p. 100 des personnes qui purgent actuellement des peines d'emprisonnement pourraient probablement se retrouver dans la communauté, devoir rendre des comptes et apporter quelque chose à la société d'une manière différente. Ensuite, nous pourrions nous concentrer sur les personnes qui nuisent véritablement à la communauté, et réfléchir à ce que nous pourrions faire différemment.
Par exemple, nous discutons activement de la possibilité d'avoir accès à la médecine légale, à des traitements en milieu fermé, pour plusieurs des femmes que je connais. Cela ne signifie pas que ces personnes se retrouveraient dehors, dans la communauté, mais qu'elles ne seraient plus confinées à des cellules d'isolement sans...
Vous avez parlé un peu plus tôt du nombre de femmes qui purgent actuellement une peine de prison à vie. Selon vous, quel pourcentage d'entre elles pourrait être libéré aujourd'hui?
Cela dépend. À un moment donné, je connaissais chaque femme qui se trouvait dans le système pénitentiaire fédéral, parce que j'allais tous les mois à la Prison des femmes.
Les services correctionnels disent que les personnes condamnées à perpétuité sont les plus faciles à gérer et les moins susceptibles de poser des problèmes dans le milieu carcéral; je me fonderais donc sur leurs recommandations. Le personnel qui travaille au quotidien avec ces gens dit que beaucoup d'entre eux pourraient se retrouver dans la communauté, mais étant donné la peine qui leur a été infligée, ils ne le peuvent pas. C'est ce que j'entends constamment lorsque je vais dans les prisons. Et je n'y vais plus si souvent, je ne m'y rends qu'une ou deux fois par année. C'est ce qu'affirment aussi les décideurs.
Souvent, les employés des centres pénitentiaires qui ont des condamnés à perpétuité dans leur unité disent que ces détenus sont les plus stables de tous.
Je sais que beaucoup d'employés des services correctionnels pensent la même chose des hommes se trouvant actuellement dans le système carcéral, pas tous, mais plusieurs; cela dépend du contexte.
Certes, le contexte dans lequel se trouvent beaucoup de femmes que je connais, qui ont été impliquées dans des homicides, est souvent très différent de mon expérience auprès des hommes.
Pourquoi pensez-vous que le tribunal leur a infligé une peine pour meurtre au premier degré si c'étaient des victimes elles-mêmes, et qu'elles ne représentent donc pas une menace pour la société? Est-ce qu'à votre avis, il faudrait qu'on songe à les libérer ou à les traiter autrement?
Je donne tout un cours là-dessus à la faculté de droit. Nous utilisons quelques-uns des cas sur lesquels j'ai travaillé et d'autres que je connais moins et qui sont encore devant les tribunaux. Lorsque vous avez affaire à une femme souffrant d'une déficience intellectuelle qui se fait battre et qui demande à quelqu'un d'autre de l'aide pour que cela cesse, et que ce quelqu'un lui demande 100 $ pour régler son compte à l'homme qui la bat, et qu'il commet l'irréparable, mais qu'ensuite la femme est accusée de meurtre au premier degré, je pense qu'il y a un problème. Presque tous ceux qui ont eu affaire à cette femme considèrent qu'il y a un problème. D'ailleurs, elle purge une peine pour meurtre au premier degré parce qu'elle a reconnu avoir commis ce crime. Elle ne comprenait pas les implications, que cela revenait à commettre un homicide à forfait, et c'est la raison pour laquelle elle purge une peine pour meurtre au premier degré.
Je vais tout simplement poursuivre dans la même veine que mes collègues pour ce qui est des questions, à la seule différence que je vais passer des principes aux objectifs: « Sensibiliser davantage le public et promouvoir la non-incarcération des femmes », et le second de vos quatre objectifs est: « Réduire le nombre de femmes qui sont criminalisées et incarcérées au Canada ».
Je pense que vous avez relativement bien répondu aux questions. Vous avez dit croire que — et j'ai pris quelques notes rapidement — que la plupart des femmes actuellement incarcérées dans nos prisons ne devraient plus s'y trouver.
Si je me fie à mon expérience de travail dans et autour du système carcéral auprès des jeunes, hommes et femmes, depuis 27 ans, je dirais que c'est le cas. C'est ce qui explique en partie pourquoi les femmes représentent le segment de la population carcérale qui augmente le plus rapidement, alors qu'elles ne sont pas perçues comme représentant le risque le plus grand pour la sécurité publique. Des femmes pauvres, qui commettent des actes répréhensibles afin de mettre de la nourriture sur la table, de payer le loyer, se retrouvent en prison. Nous savons que des femmes transportent de la drogue de l'étranger, pour toutes sortes de raisons, et se retrouvent en prison. Nous savons que la majorité de ces femmes ne sont pas considérées comme une menace continue pour la sécurité publique.
Cela ne signifie pas pour autant que nous croyons qu'elles ne doivent pas être tenues responsables de leurs actes. C'est pourquoi nous parlons d'options axées sur la communauté, en vertu desquelles ces femmes pourraient participer à la vie de la communauté et rendre des comptes, sans représenter un fardeau, comme celui dont a parlé le directeur parlementaire du budget lorsqu'on incarcère inutilement des gens. On devrait plutôt les tenir responsables de leurs actes et leur permettre de participer à la vie de la communauté de différentes façons.
Si je ne m'abuse, dans la plupart des tribunaux, avant qu'une personne soit condamnée, il y a un rapport prédécisionnel, et dans ce rapport, on ouvre normalement la porte à un examen du passé de la personne, y compris de son statut social et même des problèmes avec lesquels elle a dû composer pendant sa vie. Les tribunaux doivent tenir compte de ce rapport prédécisionnel dans la détermination de la peine. Ainsi, avant le prononcé de la sentence, ils savent déjà que certaines personnes appartiennent à des groupes socio-économiques défavorisés, viennent peut-être d'une famille dysfonctionnelle et ont consommé des drogues, ou que leur mari n'a peut-être pas été un bon mari et qu'elles n'ont pas eu la chance, jusqu'à un certain point, de profiter de la vie autant que d'autres. Le tribunal prend tout cela en considération lorsqu'il prononce la sentence, n'est-ce pas?
Je crois que c'est de moins en moins vrai. Si vous regardez le nombre de femmes emprisonnées, vous verrez que beaucoup d'entre elles ont plaidé coupables à des accusations pour toutes sortes de raisons. Parfois, elles considèrent qu'elles n'ont pas eu droit à un procès équitable. Elles prennent souvent un blâme qui dépasse leurs responsabilités. La Dre Patricia Montour et d'autres personnes travaillant au sein de l'Association des femmes autochtones, en particulier, se sont penchées sur ces questions. Il y a effectivement de plus en plus de recherche sur la tendance des femmes à s'hyper-responsabiliser — c'est-à-dire à prendre plus de responsabilités que nécessaire pour les gestes qu'elles ont commis, et même que la loi ne le prévoit.
En outre, à cause de restrictions dans les ressources, il y a des endroits, par exemple, où on ne peut même pas avoir accès aux rapports Gladue ou aux rapports prédécisionnels. Et si on a affaire à un cas plutôt inhabituel, cela devient de plus en plus difficile d'obtenir ce genre de rapports. Je pense que l'époque où nous utilisions plus souvent des rapports prédécisionnels, comme c'était d'ailleurs la coutume, est révolue. Aujourd'hui, la tendance a changé, en tout cas, dans beaucoup de juridictions.
Donc, si je me fie à ce que vous dites, non seulement les rapports présentenciels sont insuffisants, mais en plus, ces gens plaident coupables alors qu'ils ne le devraient pas. Dois-je en conclure qu'ils n'obtiennent pas les avis juridiques appropriés ou corrects de la part de leurs avocats...
Parfois, elles ont accès aux services d'un avocat, mais pas nécessairement au moment où sont prises ces décisions. Alors, par exemple, nous avons, juste pour parler de...
Mais si ces personnes ont accès à un avocat, j'imagine qu'elles doivent obtenir de bons conseils... Si elles plaident coupables, alors que vous croyez qu'elles ne le devraient pas... Et d'après vos explications sur les raisons pour lesquelles elles n'obtiennent pas les conseils juridiques appropriés, peut-être que c'est la raison pour laquelle vous enseignez actuellement à des jeunes qui veulent devenir avocats... C'est peut-être ce qui vous motive. C'est une supposition. C'est ce que je vois dans votre curriculum vitae, mais corrigez-moi si je me trompe.
Pour ce qui est de l'accès, nous savons que beaucoup de femmes avec lesquelles nous travaillons vont d'abord communiquer l'information à la police. Souvent, elles vont jusqu'à se livrer elles-mêmes. Elles voudront plaider coupables, elles pourront plaider coupables...
Pardonnez-moi de vous interrompre, madame Pate, mais vous parlez de façon générale.
En disant cela, vous laissez entendre qu'avant que ces personnes aient avoué quoi que ce soit, la police a pris leur déclaration, et ce avant même de leur avoir lu leur droit à se faire représenter par un avocat, comme le prévoit la Constitution?
Il n'est pas rare du tout — et je suis sûre que vous le savez si vous suivez la situation de près — que les gens fassent des déclarations bien avant de rencontrer un avocat. Parfois, même, ils ne savent même pas comment entrer en communication avec un avocat. Et c'est de plus en plus vrai; il est de plus en plus difficile d'obtenir de l'aide juridique. En fait, le juge en chef de la Cour suprême du Canada s'est inquiété du nombre croissant de personnes qui n'étaient pas représentées devant les tribunaux. Je crois donc qu'il y a lieu de s'en préoccuper.
Pour en revenir à votre autre commentaire, je dirais qu'il y a des cas où nous avons de bons rapports prédécisionnels, et une très bonne représentation. Bien sûr, beaucoup d'avocats font de leur mieux, malgré des moyens de plus en plus limités et des options toujours moins nombreuses. Avec les compressions dans les programmes sociaux, les soins de santé, l'éducation, il y a de moins en moins d'options dans la communauté. Vous avez parlé de nos objectifs, et une partie d'entre eux consiste à essayer de faire en sorte qu'au lieu d'injecter plus d'argent et de ressources dans les prisons, de drainer littéralement ces ressources hors de la communauté, où ces personnes retourneront un jour de toute façon, il faudrait consacrer ces ressources à la mise en oeuvre de solutions de remplacement dans la communauté.
Madame Pate, à un certain moment, M. Norlock vous a posé une question à savoir si on devrait criminaliser les femmes, et vous avez commencé à citer en exemple un cas précis, je crois, au sujet d'une femme qui n'avait peut-être pas accès à un avocat et des raisons qui expliquent pourquoi elle se serait dénoncée elle-même, qu'elle aurait accepté une responsabilité plus grande que ce dont elle était réellement responsable, ou peu importe. Pourriez-vous continuer? Parce que je sais que vous n'avez pas été capable de nous donner cet exemple.
Certainement. Eh bien, nous avons un certain nombre de cas, particulièrement depuis que la politique de mise en accusation et de contre-accusation obligatoire a été instaurée dans les cas de violence envers les femmes où, habituellement, c'est la femme qui appelle le 911, par exemple, pour signaler les événements, ou même déclarer qu'elle a frappé l'homme ou lui a lancé quelque chose pour essayer de se protéger contre lui. Quand la police arrive et prend les dépositions, elle a déjà déclaré l'avoir fait. Puis, quand on lui dit: « Donc, vous avez déjà commis une agression », elle répond souvent que oui. Je ne peux pas vous donner les chiffres exacts, mais je peux vous dire que cela se produit trop souvent, c'est un phénomène courant. Puis, elle plaide coupable à ces accusations, même dans les cas où l'agresseur principal ne plaide pas coupable.
Donc, nous observons une augmentation de ce qui semble être des crimes plus graves — je ne dis pas qu'une agression n'est pas un délit grave, toutes les agressions le sont, mais cela semblait être des crimes plus graves — et on a commencé à accumuler les accusations. Et les femmes à qui j'ai parlé deviennent très conscientes que de ce point de vue, ce n'est pas la peine de se battre, parce qu'on leur a dit qu'elles ont déjà fourni la preuve. Elles le croient.
Vous savez, ce n'est pas qu'un avocat évalue mal la situation; elles ont fourni la preuve avant même de le savoir... Parfois, dans leur appel au 911, elles ont déjà dit qu'elles l'avaient fait. Ou, à la première occasion, quand les policiers arrivent sur les lieux et que l'homme dit « Elle m'a lancé la bouteille de vin à la tête », ou l'assiette, peu importe, les policiers demandent à la femme si c'est vrai et elle répond que oui, et elle en accepte la responsabilité.
Donc, ce sont là certaines des accusations d'agression courantes — pas des « agressions courantes », mais des accusations d'agression courantes — que nous voyons aussi chez les femmes.
Puis, nous voyons un certain nombre d'autres cas, même des cas où ces personnes ont une défense, et on leur dit parfois qu'elles seront détenues pendant un certain temps s'il y a un procès. Je viens de m'occuper du cas d'une femme qui venait tout juste de sortir de prison il y a deux semaines. Elle avait gagné sa cause — et, manifestement, l'appel contre la peine aussi — contre l'accusation de meurtre au deuxième degré. On lui a immédiatement offert une réduction de peine correspondant au temps qu'elle avait passé en prison si elle plaidait coupable au chef d'accusation d'homicide involontaire coupable. Tout le monde le savait. L'avocat m'a demandé d'intervenir et de lui parler parce qu'elle avait immédiatement répondu « je vais accepter l'offre », et l'avocat a dit « Elle a un excellent dossier de légitime défense, nous le savons ». Elle le savait, mais elle ne pouvait pas payer la caution. Elle n'avait rien à mettre en garantie, parce qu'elle vivait dans une réserve. Si vous vivez dans une réserve, vous n'êtes pas propriétaire de votre maison. Et même si elle vous appartient, elle n'est pas à vous; elle appartient au conseil de bande. Donc, elle n'avait rien à mettre en garantie. Je lui ai même offert de mettre ma maison en garantie, et elle a refusé.
Elle a donc plaidé coupable à l'accusation d'homicide involontaire coupable dans un contexte où tout son entourage voyait bien qu'elle aurait pu invoquer la légitime défense. Et ce n'était pas parce qu'elle avait un mauvais avocat. Un très bon avocat a essayé de la convaincre, m'a demandé d'intervenir et d'essayer de la convaincre, et elle a tout de même choisi de plaider coupable au chef d'accusation d'homicide involontaire coupable.
Maintenant, elle est sortie de prison et elle est avec son enfant. Voilà pourquoi elle l'a fait: elle ne voulait pas risquer d'attendre deux ans avant de subir son procès. Même si elle était acquittée, elle serait séparée de son enfant pendant encore deux ans. Donc, elle a accepté de plaider coupable au chef d'accusation d'homicide involontaire coupable dans un contexte où, j'en suis convaincue, elle n'aurait pas dû être déclarée coupable.
Encore une fois, en ce qui concerne le point soulevé par M. Dechert, j'aimerais qu'il sache que la lettre dont on a parlé — où l'on indiquait le nombre de fois que les gens allaient devoir affronter le processus de demande — n'a pas été présentée au comité la dernière fois... Je ne sais pas si vous avez la preuve du contraire, madame Pate, mais parmi les demandes qui ont été faites, dont certaines ont été rejetées, seulement quatre personnes ont présenté une deuxième demande, et il n'y a jamais eu de cas où l'on a présenté une troisième demande. Jamais.
Avez-vous des raisons de croire que ces chiffres sont erronés?
La deuxième chose que je voudrais dire, en ce qui concerne les victimes de M. Olson, c'est qu'il y a une disposition du code qui ne permet pas aux auteurs de meurtres multiples de présenter une demande de libération conditionnelle anticipée.
Une dernière chose, à ce sujet: je ne suis pas certain, d'après les chiffres que vous nous avez donnés, mais vous nous laissez croire — soyons donc clairs à ce sujet — que dans les cas dont vous vous êtes occupée, dans 50 p. 100 ou moins des cas, les proches de la victime de meurtre ont assisté à l'audience devant le jury. Est-ce exact?
La dernière fois, on nous a dit, et je crois que je suis précis — je ne pouvais tout simplement pas retrouver ce renseignement dans mes notes —, que lorsqu'il s'agit d'hommes, quelque part entre 30 et 40 p. 100 des victimes assistent aux audiences devant jury. Cela vous semble-t-il exact également?
Oui, je ne vois aucune raison pour contester ces chiffres.
Je suppose que vous verrez ces chiffres augmenter, puisqu'on offre maintenant de l'aide financière pour s'y rendre. Je pense qu'une partie de la réalité, c'est qu'auparavant, les gens n'avaient pas les moyens de s'y rendre; donc, nous avons observé une augmentation depuis l'adoption des mesures d'aide.
À ce sujet, pour ce qui est de l'aide aux victimes — et encore une fois, on vous a empêchée de terminer votre réponse —, pourriez-vous nous expliquer ce que nous pourrions faire plus tôt pour réduire la victimisation, pour aider les victimes, les familles des victimes de meurtre, d'homicide, au pays?
Encore une fois, ce n'est que mon opinion, et il ne fait aucun doute que beaucoup de personnes ont une opinion différente. Mais les personnes qui travaillent dans le domaine des traumatismes et de la guérison parlent de l'importance de l'intervention rapide, le plus tôt possible, pour aider les personnes qui vivent le deuil, la perte, la colère — elles comprennent toutes ces émotions — pour essayer de les aider à se rendre à un endroit où elles peuvent, à tout le moins, reprendre le cours de leur vie.
La seule information que j'ai — et c'est certainement ce que nous avons essayé d'inculquer à notre famille —, c'est qu'il faut s'assurer de régler les problèmes dès qu'ils surgissent et de ne rien laisser en plan.
Il y a quelques exemples. Il y a eu un exemple, ce n'était pas un meurtre, mais cela concernait les victimes de vol au Royaume-Uni. Un programme a été mis en oeuvre par un corps policier là-bas; c'est un juge d'ici qui me l'a raconté, car un des membres de sa famille en a fait l'expérience. Après un délit et après l'enquête, une équipe était envoyée sur les lieux pour essayer de remettre la maison en état, de réparer ce qui était brisé, et une équipe essayait de fournir de l'aide psychologique aux victimes immédiatement après les événements, de façon à ce qu'elles puissent aller de l'avant du mieux qu'elles le pouvaient, composer avec des émotions bien réelles, mais aller de l'avant. C'est le meilleur conseil qu'on m'a régulièrement donné au sujet de ce que...
Je voudrais remercier Mme Pate d'être venue. Je voudrais souligner que vous êtes venue dans un délai très court, et je pense que nous vous en sommes tous reconnaissants. Merci.