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Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je suis ravie d'être ici cet après-midi et d'avoir cette chance de vous rencontrer et de discuter de ma nomination comme ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels.
Permettez-moi d'abord de dire que j'ai été à la fois honorée et extrêmement enthousiaste d'accepter ce poste et de mettre ma passion au service des victimes d'actes criminels. Je crois que cette organisation a vraiment la capacité de changer les choses pour le mieux et de sensibiliser certains aux défis difficiles auxquels sont confrontées les victimes au Canada.
Vous m'avez invitée ici aujourd'hui pour parler des compétences et des capacités qui me permettent de m'acquitter de mon travail d'ombudsman. Permettez-moi de dire que je crois que la sélection de dirigeants d'organisations comme la nôtre est importante et que je soutiens pleinement sans réserve les mesures prises à cette fin.
Pour faciliter votre examen, je vous donnerai cet après-midi un bref aperçu de mes antécédents et de mon expérience, y compris des compétences et des capacités que je mettrai à contribution dans ce poste. Je vais aussi partager avec vous un peu la passion particulière qui m'anime à ce sujet et mon style de direction.
[Traduction]
J'aimerais d'abord prendre quelques instants pour vous parler un peu de moi et de mes origines.
Je suis née et ai été élevée ici à Ottawa, et j'appartiens à une famille de six enfants. Mes parents ont inculqué à chacun d'entre nous le sens élémentaire du bien et du mal, l'importance de l'honnêteté, de l'intégrité, du respect d'autrui et de l'éthique. Leur règle d'or était simplement que si l'on peut aider quelqu'un, il faut le faire.
Je vous fais part de cela cet après-midi car ce sont là les valeurs fondamentales qui me guident dans ma vie tant personnelle que professionnelle. Je définis mon style de leadership comme centré sur les principes; autrement dit, faire la bonne chose pour la bonne raison.
Mon expérience professionnelle remonte à presque 30 ans. J'ai reçu mon diplôme de l'Université Carleton en avril 1981 et j'ai commencé comme agente de police un mois plus tard. Je suis entrée dans la police car je voulais aider les gens et faire une différence dans ma collectivité.
J'ai commencé ma carrière comme patrouilleuse et j'ai travaillé à la Division de la patrouille, puis à la Division des enquêtes criminelles et au Soutien opérationnel. J'ai pu voir de première main l'effet destructeur que les actes criminels peuvent infliger aux victimes: des parents à qui l'on apprend que leur enfant a été tué par un chauffard ivre; conduire un entretien avec des enfants agressés sexuellement; enquêter sur des crimes dont la victime souffre de déficience et peut être incapable de communiquer; voir la victime d'une agression familiale devoir ramasser ses enfants, quelques affaires et se réfugier dans un foyer pour sa sécurité et celle de ses enfants; voir des familles et des victimes s'efforcer de naviguer dans notre complexe système de justice pénale.
Dans tous ces rôles, je me suis rendue compte aussi que, pour répondre aux besoins des victimes, il faut la collaboration d'organismes multiples, de façon à les soutenir dès le contact initial à travers toutes les étapes du système de justice pénale et au-delà.
Après cette expérience, je suis passée aux Services de patrouille, où j'ai été promue inspectrice de district, puis inspectrice de service. À ce titre, j'étais responsable de me rendre sur les lieux d'incidents majeurs et à haut risque et de commander les opérations. Ce poste m'a aidé à rester calme lors d'une crise et à agir de manière stratégique, et surtout, avec flexibilité. Il m'a appris qu'il est important de rechercher des solutions originales et d'évaluer toutes les options et résultats possibles avant d'agir.
Au milieu des années 1990 j'ai été détachée au Collège canadien de police, où j'ai eu l'occasion de travailler pendant un an dans une unité des aptitudes de communication et une autre année dans l'unité de formation de cadres. Mais j'ai eu surtout une occasion particulière — et certains d'entre vous se souviendront du rapport Rix Rogers sur l'abus sexuel des enfants —, celle de diriger une initiative de formation policière nationale en matière de prévention de la violence familiale et j'ai corédigé et contribué à plus de 10 rapports nationaux concernant la formation policière relativement aux victimes vulnérables.
En 2001, j'ai été nommée chef adjointe du Soutien opérationnel et ai pu travailler à quelques projets importants, notamment la gestion des situations d'urgence. J'ai travaillé sur le plan quinquennal de gestion des situations d'urgence de la municipalité. J'ai été coprésidente du programme des urgences d'origine chimique, biologique et nucléaire ici, dans la région de la capitale nationale.
J'ai été cadre supérieur responsable du programme de promotion du respect dans le milieu de travail du Service de police d'Ottawa, programme qui a été déployé sur cinq ans et qui s'attaque à l'un des objectifs les plus difficiles de toute organisation, soit la création d'un cadre de travail sain et sûr. J'ai également été partie prenante au partage d'information entre partenaires gouvernementaux en vue de contrer les atteintes à la sécurité, ainsi qu'à la prévention de la criminalité et à l'élaboration de la stratégie relative aux jeunes du Service de police d'Ottawa. Et j'ai eu aussi la grande chance de participer à la refonte de la gestion du stress dû à des incidents critiques suite, malheureusement, à de nombreux suicides d'agents au sein de notre organisation.
En 2006, j'ai occupé le poste de chef adjointe des Opérations de patrouille, où j'ai pu faire preuve de nouveau de leadership dans le domaine de la planification stratégique, en particulier à titre de présidente des deux plans d'activité du service de police d'Ottawa.
J'ai terminé ma carrière comme chef adjointe du Soutien opérationnel, où j'ai joué un rôle de premier plan dans l'élaboration et l'exécution d'un programme appelé « Opération Intersect », joué un rôle de leadership comme présidente de l'Association des anciens du cours de leadership en contre-terrorisme, qui est un réseau international de hauts dirigeants policiers travaillant sur des enjeux tels que le leadership, le renseignement et les opérations en rapport avec le terrorisme, un domaine de plus en plus important tant dans notre ville que notre pays.
Au-delà des aptitudes à la gestion et au leadership, le poste de chef adjoint exige également de ne pas avoir peur de s'attaquer aux problèmes difficiles. Souvent il n'y a pas de précédent aux décisions qu'il faut prendre. Dans ce poste, et tout au long de ma carrière, j'ai milité pour le progrès, afin de continuer d'avancer et de trouver des façons nouvelles et efficaces de résoudre des problèmes de plus en plus complexes.
Je ne m'attribuerai jamais le crédit du bon travail fait par la police d'Ottawa, car la vérité est que le travail ne vaut que ce que vaut l'équipe derrière vous, et j'ai eu le privilège de travailler avec certaines des meilleures équipes. Je dirais, cependant, que les compétences que j'ai acquises en travaillant avec ces équipes et en les dirigeant me seront très précieuses dans mes nouvelles fonctions.
Notre temps ensemble est limité, et je vais peut-être essayer d'illustrer mon style de leadership et mon expérience au moyen de deux exemples précis.
Le premier dont j'aimerais vous faire part — et je l'ai mentionné plus tôt — est l'Opération Intersect. Elle est le résultat de mon travail avec des leaders dans le domaine du contre-terrorisme.
Dans la région de la capitale nationale, il fallait établir un cadre trigouvernemental, un cadre de collaboration et de partage de l'information entre les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral; autrement dit, faire en sorte que, lorsque des décisions difficiles doivent être prises face à des menaces, ces décisions s'appuient sur les meilleurs renseignements disponibles, des renseignements devant être partagés entre les divers organismes.
Nous étions confrontés à six menaces différentes et le cadre autorisait une action planifiée de la part de tous les intervenants de façon à atténuer les effets de la crise, d'une manière qui alerte sans alarmer et accroît la sécurité et la sensibilité du public en période d'instabilité et d'incertitude. L'Opération Intersect est maintenant en place et a servi à l'occasion de nombreux événements majeurs dans la région de la capitale nationale et elle a été déployée à l'occasion de grands procès de terroristes comme Khawaja. Je pourrais continuer à l'infini.
L'Opération Intersect met en jeu plus de 32 organisations.
[Français]
Le programme est aussi disponible dans les deux langues officielles.
[Traduction]
La réussite de ce programme a été mise en évidence, je pense, lorsque j'ai été invitée à représenter l'organisation à l'occasion d'une conférence internationale sur le contre-terrorisme au printemps dernier à Londres, en Angleterre, pour faire une communication sur le genre de travail que fait notre collectivité pour démanteler les silos que l'on rencontres dans un environnement à organismes multiples.
Le deuxième exemple que j'aimerais mettre en lumière — et la raison pour laquelle je mentionne l'Opération Intersect est que ce programme est le fruit de cinq années d'excellent travail. Il s'agissait de mieux coordonner la réponse face aux victimes du crime ici, dans la ville d'Ottawa, et c'est un programme connu sous le nom de Programme de coordination de l'aide aux victimes. Il résulte de la prise de conscience du fait que si nous voulons réellement répondre aux besoins de toutes les victimes, cela ne peut être le fait d'un seul organisme, et qu'il faut collaborer de manière stratégique pour mettre à profit les moyens de toute l'organisation pour soutenir les victimes et satisfaire leurs besoins particuliers.
Si je puis le dire, ce programme met à profit également toutes les leçons tirées de l'Opération Intersect et rassemble, comme je l'ai mentionné, des représentants des trois niveaux de gouvernement afin de fournir le soutien voulu aux victimes ici, dans la ville d'Ottawa. Ce programme en est encore à ses débuts. Je ne doute pas que le travail accompli va résulter en des changements positifs pour les victimes, localement et au-delà.
Lorsque ce poste m'a été offert, je l'ai considéré comme taillé sur mesure pour moi. J'ai considéré que mon expérience dans la police au cours des 30 dernières années m'a conféré une profonde sensibilité pour les répercussions immédiates et claires de la criminalité sur les victimes. Le traumatisme, le désarroi, la force et la résilience des victimes que j'ai vues et aidées ont toujours été pour moi une source d'inspiration dans mon travail au sein de la collectivité et continueront de m'inspirer à titre d'ombudsman.
Je suis ravie de cette occasion d'utiliser mon expérience pratique et tout ce que j'ai appris auprès des victimes que nous avons assistées, afin de faire une différence pour tous les Canadiens. Pour moi, c'est l'occasion de boucler la boucle de mon travail et d'aider ceux qui sont les plus touchés par la criminalité, les victimes. Il ne fait aucun doute qu'à titre d'ombudsman j'ai une responsabilité beaucoup plus large enver les victimes d'actes criminels au Canada. C'est pourquoi j'ai travaillé très fort pour me mettre à niveau et me familiariser avec les limites, les capacités et le rôle d'un ombudsman dans l'administration fédérale. Je continuerai à parfaire ces connaissances à l'avenir.
Je conclurai en vous faisant part de ma vision pour ce bureau et le travail que nous pouvons accomplir. En tant qu'ombudsman, je considère que mon rôle est d'amener des changements positifs pour les victimes. J'ai la responsabilité envers à la fois les victimes et le gouvernement de faire en sorte que notre bureau soit responsable envers les victimes, que nous soyons à l'écoute des problèmes que les victimes soulèvent et que leurs voix soient entendues au niveau fédéral.
Il existe de nombreuses façons d'accomplir cela, mais mon approche préférée est de garder ouvertes les lignes de communication et de donner à tout un chacun la possibilité de contribuer à la solution. Nous devons trouver un terrain d'entente entre les pouvoirs publics, les ONG et les victimes de façon à rendre possible le changement.
Je ne serai pas toujours d'accord avec le gouvernement, et lorsque je serai en désaccord, je le ferai savoir. Cependant, il ne s'agit pas de critiquer... Ce qui me tient à coeur, c'est de faire la bonne chose pour les bonnes raisons et d'améliorer le sort des victimes du crime au Canada.
Monsieur le président et membres du comité, j'espère vous avoir apporté cet après-midi les renseignements dont vous avez besoin pour avoir confiance en moi dans mes fonctions d'ombudsman des victimes d'actes criminels. Je crois apporter à cette fonction un passé avéré de travail acharné, d'intégrité et de leadership.
[Français]
Je me suis orientée vers le domaine de l'application de la loi pour aider les gens. Aujourd'hui, dans ce nouveau poste, je continue à travailler au service du public et j'espère bien continuer à le faire pendant les trois prochaines années.
[Traduction]
Étant donné mes 30 années d'expérience pratique, mon style de leadership et ma vision pour ce bureau, je pense avoir ce qu'il faut pour poursuivre l'oeuvre de ce bureau et faire pencher la balance en faveur des victimes.
Je me ferais un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir. Merci.
[Français]
Je vous remercie.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de me donner la possibilité de m'adresser à vous aujourd'hui pour parler du projet de loi S-6 et de la disposition de la dernière chance. J'ai pris connaissance des propos de plusieurs témoins importants qui ont comparu devant le comité et ont abordé la question sous de nombreux angles très différents.
Il est clair que le sujet n'est pas simple et qu'une foule d'arguments valables peuvent être présentés pour ou contre la disposition. Cependant, je ne suis pas ici pour analyser ces arguments. Je suis ici en ma qualité d'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels afin de jouer un rôle qui est notre raison d'être: donner une voix aux victimes.
Je vais vous faire part de ce que nous disent les victimes pour que vous puissiez en tenir compte dans vos délibérations.
[Traduction]
J'ai eu l'occasion récemment de parler à quelques victimes et groupes de défense des victimes de cette question. Malheureusement, je n'ai pas procédé à des consultations poussées à ce stade, le temps ne me l'ayant pas permis. Aussi, les vues que je vais vous répercuter sont celles des groupes avec lesquels j'ai eu l'occasion de parler, mais elles ne peuvent être considérées comme représentatives de l'opinion des victimes dans leur ensemble.
Au cours de mes entretiens, il m'est apparu très clairement qu'il existe un fort soutien au projet de loi sur la base des trois grands principes qu'il épouse: responsabilisation, transparence et compassion.
Le premier, la responsabilisation, est prépondérant. Ceux qui ont perdu des proches victimes d'actes de cruauté horribles et brutaux veulent avoir la certitude que leur auteur sera traduit en justice et purgera une peine de prison. Selon leur perspective propre, les victimes peuvent considérer cette peine comme un moyen de réadapter le coupable et de l'aider à devenir un membre amendé et productif de la société. Dans une autre optique, la victime peut juste vouloir garantir que le coupable ne se promène pas en liberté et qu'il paye pour la vie qu'il a prise. Dans l'un ou l'autre cas, quelle que soit l'optique, il importe à la victime que le coupable purge sa peine et que cette responsabilisation soit préservée.
Dans ces conditions, on peut comprendre qu'il soit difficile pour une victime de comprendre pourquoi un contrevenant, condamné à une peine de 25 ans, recevrait la possibilité de sortir plus tôt, de payer une dette moindre à la société pour le crime commis et, en substance, puisse payer un prix de rabais pour la vie qu'il a enlevée.
Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas des arguments convaincants dans l'autre sens, fondés sur l'impact que cette perte d'espoir peut avoir sur la réinsertion du contrevenant. C'est un débat important et je suis sûre que vous allez le tenir ici, mais je vous présente pour ma part le point de vue de la victime.
Le deuxième élément, la transparence, fait intervenir la mesure dans laquelle les victimes sont informées de la clause de la dernière chance en général, de la demande présentée par un contrevenant le cas échéant et de leur droit de participer au processus. Comme vous le savez, la notification et son caractère obligatoire ou facultatif dépend de la province. Par exemple, nous croyons savoir qu'en Ontario les victimes n'ont pas de droit légal d'être informées lorsqu'un contrevenant demande l'application de la clause de la dernière chance, ni du moment où cette demande est entendue par un jury. Cela ne signifie pas forcément que la notification n'est pas donnée dans la pratique, mais elle est discrétionnaire et ne constitue pas un droit. Les victimes n'ont aucun recours si elles ne peuvent pas réellement être partie prenante au processus.
Je ne m'attarderai pas trop là-dessus, car c'est là une fonction provinciale. Je dirais, cependant, que toutes les victimes méritent d'être tenues informées et de jouer un rôle véritable au sein du système de justice pénale si elles le souhaitent.
Le troisième principe est la compassion, et c'est vraiment là le noeud de l'affaire pour les victimes. La souffrance qu'éprouvent les victimes est dévastatrice et pour les personnes suffisamment fortes pour essayer d'avancer dans la vie, l'obligation de revivre le crime ravive, encore et encore, la pire souffrance qu'ils aient jamais connue. Oui, les victimes peuvent choisir de ne pas assister à l'audience, mais comme tout le monde, les victimes ressentent souvent une forte compulsion à être là en personne et à défendre la personne même qui ne le peut pas — la victime.
Même avant l'audience, l'incertitude peut causer des dégâts. Certaines victimes diront que le pire est tout simplement de ne pas savoir quand ou si le meurtrier va faire la demande et, si c'est le cas et qu'elle est rejetée, s'il va essayer de nouveau et dans combien de temps. Cet état d'incertitude est une source d'angoisse et de tension supplémentaire à celle qu'ils connaissent déjà. Dans le système actuel, les victimes peuvent avoir à faire face à ces audiences jusqu'à cinq fois au cours d'une peine à perpétuité, soit après 15, 17, 19, 21 et 23 années de détention.
Ce problème pourrait être réglé de différentes façons. Celle proposée dans le projet est de supprimer carrément la clause du dernier espoir. Une autre façon pourrait être d'appliquer les dispositions préconisées pour les contrevenants déjà incarcérés à tous les délinquants, soit limiter rigoureusement le nombre de demandes pouvant être présentées en exigeant un intervalle d'au moins cinq ans entre chaque demande de libération anticipée.
[Français]
Dans le fond, tout ce que veulent les victimes c'est que d'autres ne vivent pas ce qu'elles ont vécu. Elles veulent que le contrevenant soit tenu responsable de son crime. Elles veulent participer au processus à part entière, si elles le souhaitent, et elles ne veulent plus revivre le crime à répétition pour pouvoir se tourner vers l'avenir et la guérison.
Le projet de loi sous sa forme actuelle répond à certains de ces souhaits, mais il ne constitue pas nécessairement l'unique solution pour régler le problème.
Au nom de mon bureau, je réitère mon appui aux victimes que nous représentons et j'encourage les députés à appuyer le projet de loi aussi rapidement que possible.
Thank you. Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux commencer par vous remercier de votre présence parmi nous, madame O'Sullivan.
Je dois dire que je ne siège à ce comité que depuis 15 ou 16 mois environ, mais pendant ce temps j'ai réfléchi à certains des enjeux récurrents auxquels nous sommes confrontés. À mon avis, l'un d'entre eux est que, parfois, les besoins des victimes sont en contradiction avec ceux des contrevenants.
Je prends un peu de recul pour dire que sur le plan des principes généraux, chaque réinsertion d'un contrevenant est une bonne chose pour les victimes. Donc, selon cette perspective très générale, les besoins des victimes et ceux des contrevenants convergent au niveau de la réinsertion. Mais à certains autres égards, les victimes ont des besoins qui ne correspondent pas toujours à ceux des contrevenants. J'ai donc été très heureux d'entendre votre témoignage car vous avez très bien exprimé cela lorsque vous avez catégorisé ces besoins comme étant la responsabilisation, la transparence et la compassion. Je suis on ne peut plus d'accord avec vous, encore que j'aurais apporté un surcroît de précision en disant que les victimes ont besoin de tourner la page, de certitude, de protection contre une victimisation ultérieure et du sentiment d'être traitées équitablement par rapport au traitement des contrevenants. Et, bien sûr, parfois ils souhaitent aussi dénoncer.
Fois après fois nous nous retrouvons assis dans ce comité et nous n'entendons que la voix des délinquants. Il faut lire entre les lignes et tous les membres ne semblent pas recevoir le même message que moi. J'ai été donc très heureux de votre témoignage aujourd'hui.
Je sais qu'au début des années 2000, l'ancien gouvernement a modifié la disposition de la dernière chance de façon à en exclure les auteurs de meurtres multiples. Après avoir entendu mon collègue dire tout à l'heure que son parti exige toujours des preuves, je me suis demandé si votre recherche aurait mis à jour des éléments probants sur lesquels l'ancien gouvernement, ce parti, se serait appuyé aux alentours de 2003 pour apporter ce changement, je suppose pour favoriser d'une certaine façon les victimes?
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Merci, monsieur le président, et merci de nous recevoir. Je suis heureux d'être de retour devant le comité et d'avoir cette possibilité de vous aider lors de vos délibérations sur le projet de loi .
Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de M. Zinger. Je dirais quelques mots et ensuite M. Zinger prendra aussi la parole.
Par ailleurs, je crois savoir que le comité a reçu les transcriptions de notre témoignage antérieur au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en juin dernier. Cela étant, et ne voulant pas abuser de votre temps, je vais résumer rapidement quelques éléments saillants de ce témoignage antérieur, afin de passer directement à la période des questions.
Du point de vue de mon bureau, ce projet de loi doit être étudié dans le contexte d'autres lois récemment proposées et adoptées qui se traduiront par une augmentation substantielle de la population carcérale et de la durée des peines purgées. Cumulativement, ces mesures auront une incidence sur le taux, le coût, la durée et la distribution des peines d'incarcération.
La durée moyenne d'une peine d'emprisonnement pour meurtre au Canada est plus longue que dans la plupart des autres démocraties avancées du monde. L'imposition d'une période automatique d'inadmissibilité à une libération conditionnelle de 25 ans aux délinquants condamnés à la prison à perpétuité fait qu'il sera plus difficile, du fait des limitations de l'infrastructure et des soins, de répondre aux besoins associés au vieillissement dans un pénitencier fédéral. Les coûts cumulatifs, en augmentation constante, liés à l'incarcération d'un plus grand nombre de délinquants pour une durée plus longue avant qu'ils ne soient admissibles à la libération conditionnelle s'étendront sur plusieurs années.
Sur la base des chiffres d'aujourd'hui, chaque année d'incarcération supplémentaire coûte en moyenne 100 000 $. Par comparaison, la surveillance d'un délinquant dans la collectivité, lorsque cela est approprié, équivaut à un quart des dépenses encourues pour sa détention.
Je vais maintenant demander à M. Zinger d'étoffer un peu le contexte et cette perspective avant de poursuivre.
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Comme l'a souligné M. Sapers, la durée moyenne d'une peine d'emprisonnement pour meurtre au premier degré est plus longue au Canada que dans d'autres démocraties.
Au Canada, la durée moyenne d'une peine d'emprisonnement pour meurtre au premier degré s'élève à plus de 28 ans, tandis que dans d'autres démocraties semblables au Canada, comme la Nouvelle-Zélande, l'Écosse, la Suède et la Belgique, la durée moyenne d'une peine d'emprisonnement pour ce même délit est en deçà de 15 ans.
De plus, les délinquants qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité au Canada passent d'office au moins deux ans dans un établissement à sécurité maximale, quel que soit le risque qu'ils représentent.
Au Canada, une peine d'emprisonnement à perpétuité porte bien son nom. Il ne faut pas oublier que les délinquants condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité et à qui l'on accorde une libération conditionnelle sont sous l'autorité du Service correctionnel du Canada qui les surveille jusqu'à leur décès.
S'il est adopté, le projet de loi imposera une période automatique d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans aux délinquants condamnés à la prison à perpétuité pour meurtre au premier degré.
Pour les délinquants condamnés pour meurtre au deuxième degré, la période d'inadmissibilité imposée par le juge, laquelle varie entre 15 et 25 ans, ne sera plus assujettie à un nouvel examen en vertu du projet de loi .
Près de 20 p. 100 des 13 800 hommes et femmes actuellement détenus dans un établissement carcéral fédéral purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité. Ces délinquants, dont l'âge moyen est de 33 ans, deviendront vraisemblablement des personnes âgées avant qu'on n'étudie la possibilité de leur accorder une libération conditionnelle.
Le pourcentage de délinquants plus âgés, ceux de 50 ans et plus, a augmenté de 50 p. 100 au cours de la dernière décennie. Cette proportion de la population carcérale a des besoins différents et souvent coûteux en ce qui a trait à l'hébergement, aux services de santé, aux programmes et aux soins palliatifs.
Le Service correctionnel du Canada devra aussi corriger les limites imposées par son infrastructure vieillissante, laquelle a été conçue, initialement, pour une génération de délinquants au profil bien différent et plus jeune.
Monsieur Sapers, c'est à vous.
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Comme vous le savez, le rapport annuel de mon bureau pour l'année 2009-2010 a été soumis au Parlement il y a deux semaines environ. Ce rapport dépeint l'intérieur des établissements carcéraux fédéraux: un milieu hostile, tendu, bondé, explosif et stressant.
Comme je l'écris dans ce rapport, les conditions actuelles à l'intérieur de nos pénitenciers fédéraux mettent en péril la capacité du Service correctionnel du Canada d'assurer une détention sécuritaire et efficace. L'accès aux programmes de traitement de ces facteurs qui contribuent au crime, en particulier l'abus de substance, la violence familiale, des antécédents de violence et de traumatisme, demeure un problème, sachant que seulement 2 p. 100 des 2,5 milliards de dollars en dépenses annuelles sont utilisés à cette fin.
L'augmentation du taux d'incarcération qui résultera nécessairement de la réduction ou de la suppression de l'admissibilité à la libération conditionnelle doit être soigneusement pesée à la lumière des difficultés que rencontre déjà l'autorité correctionnelle canadienne sur le plan de la capacité d'accueil, de l'intervention et des programmes.
La clause de la dernière chance est liée à l'abolition de la peine capitale en 1976. Elle était destinée à motiver les délinquants purgeant des peines d'emprisonnement de longue durée. Elle ne garantit pas que le contrevenant bénéficiera d'une libération conditionnelle. La notion même de dernière chance reconnaît expressément la possibilité pour un délinquant de changer, de s'amender et de devenir un citoyen responsable et respectueux de la loi, et ce même après avoir commis une infraction parmi les plus graves.
En toute probabilité, le projet de loi augmentera le nombre d'années que les délinquants purgeant une peine d'emprisonnement de longue durée devront attendre avant de pouvoir accéder à un programme correctionnel. Des longues périodes d'inactivité vont certainement nuire à la motivation et à la capacité de ces détenus de participer à des programmes, surtout lorsqu'ils avancent en âge et que leur santé se détériore inéluctablement.
Enfermer davantage de détenus pendant plus longtemps, pour les relâcher ensuite sans le bénéfice d'interventions efficaces, est non seulement coûteux, c'est aussi inefficace.
En conclusion, il me semble qu'il faut examiner les projets de loi relatifs à la justice pénale dans le contexte du maintien d'un équilibre adéquat entre les mesures de répression et de dissuasion et les principes tout aussi importants de réinsertion et de réadaptation.
Je répondrai volontiers à vos questions.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, merci d'être venus nous rencontrer et de nous faire part de vos avis.
Monsieur Sapers, vous concluez vos remarques liminaires en disant qu'il faut établir un équilibre entre les mesures visant à réprimer et dissuader et les mesures qui promeuvent les principes de la réinsertion et de la réadaptation.
Ma perception de ce projet de loi, et celle du gouvernement, est qu'il n'est pas conçu pour réprimer ou dissuader. Nous cherchons à réaffirmer les droits des victimes et à promouvoir le respect des victimes, de leurs familles et de leurs collectivités. Nous cherchons à restaurer la confiance dans notre système de justice pénale. Et nous cherchons à faire en sorte que les peines imposées par les tribunaux soient effectivement purgées par les auteurs de meurtre au premier degré. Voilà la raison d'être de ce projet de loi.
Nous ne prétendons nullement que ce projet de loi va réprimer ou dissuader. De toute évidence, il va réprimer dans la mesure où les auteurs de meurtre au premier degré vont passer un peu plus de temps en prison. Ils ne pourront pas commettre un autre délit pendant qu'ils seront en prison. Mais ce n'est pas là l'objectif.
J'espère que tous les Canadiens comprennent la raison d'être de ce projet de loi. Nous voulons concevoir un système qui respecte les victimes. L'ombudsman des victimes vous a parlé tout à l'heure de l'immense angoisse que vivent les familles des victimes lorsqu'elles s'attendent à devoir affronter une audience sur la clause de la dernière chance, puis une audience d'une commission de libération conditionnelle. Il se peut qu'elles soient confrontées à cela à de multiples reprises, obligées chaque fois de revivre les pires heures de leur vie.
Pour chaque meurtrier, il y a au moins une victime. Mais pour chaque victime, il y a de nombreux membres de la famille et amis. Des collectivités entières sont touchées. Certains de ces crimes horribles commis récemment traumatisent des collectivités entières. Ces collectivités vont être traumatisées fois après fois lorsque ces demandes au titre de la dernière chance sont déposées.
Peut-être pourriez-vous réfléchir un peu à cela.
Vous nous avez donné une liste de pays qui, à votre avis, connaissent des périodes d'incarcération plus courtes que le Canada. Vous avez mentionné la Nouvelle-Zélande, l'Écosse et la Suisse, et c'est très intéressant. Mais vous n'avez pas mentionné les États-Unis qui, d'après ce que je sais de l'histoire, est la plus ancienne démocratie de l'ère moderne, notre plus grand partenaire commercial et plus proche voisin. Vous n'avez pas mentionné la durée moyenne d'incarcération des responsables de meurtre au premier degré dans ce pays. Je sais que certains États appliquent la peine de mort, mais beaucoup ne le font pas. Peut-être pourriez-vous nous informer de cela.
En outre, je me demande si vous pourriez nous parler de l'Inde. C'est la plus grande démocratie du monde, avec 1,3 milliard d'habitants, et comme nous membre du Commonwealth. Nous avons plus d'un million de Canadiens d'origine indienne. Je me demande si vous pourriez nous citer les chiffres pour l'Inde.