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La séance est ouverte. Nous en sommes à la 21
e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Je précise, pour le compte rendu, que nous sommes le jeudi 3 juin 2010.
Mesdames et messieurs les députés, vous avez devant vous l'ordre du jour de la réunion d'aujourd'hui. Nous continuons notre examen du projet de loi , la Loi de Sébastien, une loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
J'espérais que nous pourrions tenir une réunion de planification à huis clos à la fin de la séance d'aujourd'hui, mais étant donné que nous commençons déjà en retard et que nous recevons trois groupes d'intervenants, cela pourrait s'avérer impossible. S'il nous reste du temps, nous discuterons de certains travaux du comité.
Comme je l'ai mentionné, nous recevons aujourd'hui trois groupes, et le premier est déjà avec nous. Nous accueillons tout d'abord William Trudell, qui représente le Conseil canadien des avocats de la défense, ainsi que Scott Bergman et Gaylene Schellenberg, qui représentent l'Association du Barreau canadien. Nous sommes heureux de vous avoir à nouveau parmi nous. Finalement, nous accueillons aussi, à titre personnel, Simon Fournel-Laberge. Je vous souhaite la bienvenue.
On a dû vous informer que chaque organisation ou intervenant dispose de dix minutes pour se présenter, après quoi nous passerons aux questions. Si vous prenez moins de dix minutes, nous aurons plus de temps pour les questions. Par ailleurs, vu le temps relativement limité dont nous disposons, je vous saurais gré de ne pas dépasser dix minutes.
Commençons avec Simon.
Je suis Simon Fournel-Laberge. J'ai été invité ici aujourd'hui à la suite d'un reportage auquel j'ai participé sur les ondes radio et télé de la société Radio-Canada. Ces émissions portaient sur les modifications que le gouvernement fédéral veut apporter à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Je tiens d'abord à vous dire humblement que je n'ai fait aucune étude poussée et que je n'ai pas la prétention d'avoir la solution au dilemme qui se présente à la société en ce qui concerne ce problème particulier. Je peux par contre partager avec vous mon expérience personnelle du système de justice.
Je constitue, aux yeux de beaucoup de gens, la preuve vivante que le système de justice pénale actuel, qui prône entre autres la conscientisation des jeunes par rapport à leurs crimes, la réhabilitation et la réinsertion sociale, fonctionne. Il m'aura fallu trois peines dans des centres de détention pour adolescents avant d'acquérir les outils nécessaires à une réinsertion sociale. J'ai aujourd'hui 24 ans, je termine mes études, je travaille, je paye mes impôts et je fais tout ce qui est possible pour devenir un membre acceptable, responsable et productif de notre société.
Que me serait-il arrivé si, à 16 ans, alors que j'étais toujours à la recherche de mon identité, on m'avait collé une étiquette de criminel récidiviste et que l'on avait affiché mon nom et mon visage à pleine page dans les médias? Quelle opinion aurais-je de moi aujourd'hui? Aurait-il été aussi facile de dénicher un emploi, de changer mon cercle d'amis ou de trouver le courage et l'estime personnelle nécessaires afin d'effectuer un retour aux études? Les hypothèses sont nombreuses.
Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il faut protéger les citoyens contre les crimes violents, mais les statistiques prouvent que la coercition, les mesures punitives, la répression, les peines d'emprisonnement plus longues n'empêchent pas la perpétration des crimes et n'amoindrissent pas les chances de récidive. Je crois à la prévention et à la rééducation plutôt qu'à la répression. Cependant, je ne suis pas contre les longues peines d'emprisonnement. La dernière peine dont j'ai écopé a été de près de deux ans, et elle a été pour moi la plus bénéfique de toutes. J'ai par le fait même pu disposer de plus de temps pour travailler sur moi, conjointement avec des psychoéducateurs et mes parents. J'ai pu ainsi prendre contact avec les victimes, faire des excuses sincères et réparer mes torts autant que faire se peut.
Cela m'a permis, avec le temps, de me pardonner et de tourner la page de façon définitive sur mon passé de délinquant. En serait-il de même si, par exemple, un adolescent de 17 ans ayant entamé un processus semblable au mien avait été transféré dès sa majorité vers un établissement pour adultes? Je crois que non. Je suis convaincu qu'il serait pénalisé à cause du manque de ressources dans le milieu carcéral. Les gardiens de prison ne sont ni formés ni mandatés pour venir en aide aux détenus.
La question qui demeure est la suivante: doit-on traiter les adolescents au même titre que les adultes en ce qui a trait aux crimes graves? Je ne suis pas de cet avis. Nous ne les traitons de cette manière dans aucune autre sphère de la société. Par exemple, une personne d'âge mineur n'a pas le droit de vote, car, selon la société, son jugement moral n'est pas assez développé. Un jeune de moins de 18 ans ne peut se procurer ni alcool, ni tabac, ni loterie, car on considère qu'il n'est pas en mesure de choisir ou de décider ce qui est bon ou mauvais pour lui. N'est-il donc pas un peu paradoxal de vouloir juger les jeunes en tant qu'adultes? Par contre, cela ne veut en aucun cas minimiser les torts infligés aux innocentes victimes par ces jeunes contrevenants. Ne serait-il pas préférable d'investir tout cet argent et toutes ces énergies à tenter de fournir des ressources adéquates aux détenus qui, dans la majorité des cas, sont aux prises avec de graves problèmes de dépendance ou de santé mentale, afin de leur offrir une meilleure chance de s'en sortir?
Durant toutes ces années difficiles qu'ont été pour moi l'adolescence, malgré la violence, les carences et toutes mes déficiences, la société québécoise et canadienne a cru en moi et m'a donné à la fois le coup de pied au derrière et le coup de pouce dont j'avais besoin pour m'en sortir. Grâce à cela, aujourd'hui, je peux prendre la parole devant vous et contribuer fièrement à bâtir notre société de demain.
Et détrompez-vous, je ne suis pas le seul jeune dans ce cas. Je prends la parole aussi au nom des nombreux autres jeunes qui s'en sortent chaque jour grâce au système actuel.
Je vous remercie de votre écoute.
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Bonjour à tous. Merci de nous permettre d'être ici aujourd'hui.
J'aimerais commencer en précisant que bien que l'ABC n'appuie pas l'adoption du projet de loi C-4 sous sa forme actuelle, plusieurs des modifications proposées sont positives et devraient être incorporées à la LSJPA. Par exemple, la reconnaissance de la culpabilité morale moins élevée des adolescents est un très bon pas dans la bonne direction. Nous appuyons aussi la modification visant à empêcher l'incarcération d'adolescents de moins de 18 ans dans des établissements pour adultes.
Cela dit, l'ABC ne peut recommander l'adoption du projet de loi sous sa forme actuelle. En mettant l'accent sur la détention avant procès et après condamnation des jeunes, ce projet de loi constituerait un recul pour la LSJPA. Le projet de loi s'éloigne brusquement des grands principes qui sous-tendaient la LSJPA — dont le succès est indiscutable — et de la reconnaissance que la plupart des cas où les adolescents ont des démêlés avec la loi relèvent d'incidents relativement mineurs et isolés.
La LSJPA reconnaît l'importance de détourner les mineurs du système de justice pénale en mettant l'accent sur les mesures extrajudiciaires comme les avertissements, les mises en garde, les renvois, la médiation et la concertation des familles. Elle insiste sur l'importance de la réadaptation et de la réinsertion sociale des jeunes délinquants, et ce, aussi bien dans l'ensemble du texte que dans son préambule et dans l'énoncé de ses principes et objectifs. L'un de ses principaux objectifs consiste à éviter d'emprisonner les jeunes contrevenants, à l'exception des pires contrevenants, des plus violents et des contrevenants chroniques. Dans le cas des contrevenants violents ou chroniques, la LSJPA ouvrait la porte aux peines pour adultes; elle l'ouvrait encore plus grande et peut-être à juste titre. C'était un pas dans la bonne direction.
Cela dit, le projet de loi est un retour aux jours sombres où les jeunes étaient incarcérés, un éloignement par rapport aux mesures extrajudiciaires, à la réadaptation et à la réinsertion.
Il semblerait que ce soit le rapport du juge Nunn, intitulé Spiralling Out of Control: Lessons From a Boy in Trouble, qui ait donné naissance à ce projet de loi. Cependant, le juge Nunn a lui-même dénoncé le recours excessif à la détention pour les jeunes, en disant récemment:
Nulle part en Amérique du Nord n'a-t-il, à ce que je sache, été démontré que le fait de maintenir des personnes en détention plus longtemps, de les punir plus longtemps, produise des effets bénéfiques pour la société. La détention devrait être l'option de dernier recours pour un enfant.
En effet, le juge Nunn mésestime certains aspects du projet de loi . Il a d'ailleurs déclaré récemment: « Ils sont allés au-delà de ce que j'ai fait et au-delà de la philosophie que j'ai acceptée. Je ne crois pas que ce soit judicieux. »
Selon l'ABC, le projet de loi va notamment au-delà des recommandations du juge Nunn en remplaçant la protection du public à long terme par le concept plus général de protection du public. On ne peut que présumer du caractère intentionnel de l'omission des mots « à long terme » après « protection du public », ce qui soulève de sérieuses préoccupations quant à l'emprisonnement des adolescents pendant de longues périodes, ce qui ne devrait être réservé qu'aux cas les plus graves.
Exception faite des cas récurrents et des cas les plus graves — j'ouvre une parenthèse pour signaler que M. Croisdale a récemment indiqué que le pourcentage de cas graves se situe entre 5 et 10 p. 100, et je crois qu'il a comparu devant ce comité le 13 mai —, il est dans l'intérêt à la fois de la société et de l'adolescent de mettre l'accent sur la meilleure façon d'assurer la réadaptation. Dans les faits, la vaste majorité des jeunes qui entrent en contact avec le système judiciaire le font à une ou deux reprises, et les chances qu'ils y reviennent par la suite sont infimes. C'est ce que moi et l'ABC avons compris du témoignage de M. Croisdale.
La proposition visant à ajouter la dénonciation et la dissuasion comme principes de détermination de la peine préoccupe grandement l'ABC. D'un côté, on cherche à modifier la LSJPA de manière à reconnaître la culpabilité morale moins élevée des jeunes par rapport aux adultes, alors que de l'autre, on ajoute la dénonciation et la dissuasion. Il s'agit clairement de principes de détermination de la peine qui ont été calqués sur ceux des adultes. De plus, il a été établi que l'incarcération s'avère généralement inefficace dans le cas des adolescents.
Depuis l'entrée en vigueur de la LSJPA en 2003, le taux de criminalité chez les jeunes a constamment baissé, tout comme le taux d'incarcération des adolescents. Les données empiriques semblent claires: la LSJPA produit les effets voulus. En quoi des modifications aussi radicales que coûteuses seraient-elles nécessaires en ce moment pour la société canadienne? L'ABC n'a rien trouvé qui justifie ces mesures. Avant d'investir d'énormes sommes d'argent dans ce qui semble être la réorganisation de certains aspects du système, il faudrait peut-être commencer par tenir une importante consultation publique.
La fiche d'information du gouvernement sur le projet de loi C-4 énonce, et je cite: « le système est souvent dans l'impossibilité de pouvoir placer en détention les adolescents violents et insouciants, même lorsqu'ils présentent un risque pour notre société. » Ici encore, l'ABC n'a rien constaté qui appuie cette proposition. En fait, l'actuelle LSJPA semble réussir sans problème à garder en détention les jeunes violents et dangereux avant leur procès.
Les modifications apportées à la détention avant procès — et tout particulièrement la nouvelle catégorie des infractions graves — ne permettront pas d'incarcérer davantage de jeunes violents et dangereux. Elles auront pour seules conséquences d'exposer un plus grand nombre d'adolescents à la détention avant procès, en incluant de nombreuses infractions non violentes et, dans certains cas, relativement mineures, comme les voies de fait simples, les menaces, les vols de plus de 5 000 $ et la possession d'une carte de crédit volée.
Comme tous les Canadiens, l'ABC pense que la détention avant procès est nécessaire pour les jeunes réellement violents qui posent de sérieux risques pour la sécurité du public. Cependant, les modifications proposées ne concordent pas avec cet objectif. Un jeune accusé d'une infraction grave, comme une bataille de cour d'école, pourrait se trouver en détention avant procès, soi-disant à des fins de protection du public.
Une infraction avec violence sera maintenant définie comme une infraction qui entraîne des lésions corporelles, ce qui englobe les menaces ou les tentatives de commettre une telle infraction. Le projet de loi C-4 élargira la définition d'infraction avec violence de façon à englober tout acte qui met en danger. Même si le comportement lui-même n'est pas violent et ne cause pas de lésions corporelles, le fait qu'il entraîne un risque de lésions ou qu'il mette en danger en ferait une infraction avec violence selon ce projet de loi. L'ABC croit que la définition d'infraction avec violence devrait à tout le moins comporter un élément d'intention ou de conscience du danger.
Il est contradictoire, selon nous, de dire d'un côté que les jeunes ont une culpabilité morale moins élevée et, de l'autre, d'établir une catégorie d'infractions graves qui inclut la mise en danger d'autrui par la création d'un risque substantiel de lésions corporelles. La notion même de culpabilité morale moins élevée s'appuie sur le fait que les jeunes ne pensent pas aux conséquences ou à la nature de leurs actes de la même manière que les adultes.
Le projet de loi C-4 contient certaines modifications importantes et positives, mais nous n'appuyons pas son adoption sous sa forme actuelle, parce que nous croyons qu'il minerait en fait la protection à long terme de la société. Dans la pratique, ce projet de loi ferait en sorte qu'un plus grand nombre d'adolescents soient emprisonnés, et qu'ils le soient pour des périodes plus longues. Il s'éloignerait du modèle de justice pour les adolescents axé sur la réparation et la réadaptation, en faveur d'un modèle plus punitif. Nous considérons qu'une telle évolution est à la fois inutile et contraire à une saine politique publique fondée sur des données bien établies des sciences sociales. Le prix social serait très élevé, et les coûts financiers ne s'en trouveraient pas diminués.
Merci de votre temps.
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Monsieur le président, je vous remercie et je remercie également les membres du comité. Je suis honoré que vous m'ayez invité à revenir devant vous. Je comprends que votre temps est limité; je vais donc abréger ma déclaration préliminaire.
Je vous présente Graeme Hamilton, qui est assis derrière moi. Graeme est un jeune avocat de Toronto qui nous a beaucoup aidé à préparer les exposés que nous vous présentons.
J'aimerais vous raconter quelques anecdotes pour vous décrire l'étendue du sujet d'aujourd'hui, mais tout d'abord, je voudrais féliciter le Parlement pour ce qu'il a accompli jusqu'à maintenant. Je constate que nous avons une loi qui fonctionne, toutes les études et le travail qui ont été réalisés, ainsi que toute l'information qui a suivi le prouvent. En effet, cette loi est le résultat de beaucoup de travail et de nombreuses réflexions. Alors, à certains égards, avant que vous en veniez vraiment à vous demander s'il faut changer l'essence de ce projet de loi, je vous invite à réfléchir sur les bienfaits de cette loi et à vous demander si, en favorisant plutôt la dénonciation et l'incarcération, on ne remplace pas des problèmes à court terme par d'autres à long terme.
Permettez-moi de vous lire deux petits messages. Tout d'abord, notre représentant du Yukon m'a envoyé ce qui suit:
À Whitehorse, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Yukon a mis sur pied un groupe d'experts sur la justice pour les jeunes. Ce groupe est unique au Canada. Il est chargé de décider si un jeune est admissible ou non à l'imposition de sanctions extrajudiciaires après la mise en accusation ainsi que les modalités de ces sanctions, le cas échéant. Le groupe d'experts est composé d'un agent de probation, d'un représentant du ministère de l'Éducation, d'un agent de la GRC, d'un défenseur de la jeunesse du Club garçons et filles, d'un représentant des premières nations, d'un représentant des services aux victimes, de l'avocat de la défense du jeune et d'un procureur de la Couronne désigné. Il constitue un exemple de l'utilisation des ressources de la collectivité pour aider les jeunes contrevenants à assumer les conséquences sérieuses de leurs actes dans la collectivité plutôt qu'uniquement au tribunal.
Même si un bon nombre de cas déjudiciarisés concerne des infractions contre la propriété, nous avons également réussi à déjudiciariser des affaires qui concernaient des crimes violents et des crimes sexuels. De plus, une personne a été mise sous contrat par le gouvernement afin d'animer des conférences de réconciliation entre les victimes et les contrevenants. Ces conférences permettent de réunir les victimes de crimes commis par des jeunes contrevenants qui, avec le soutien des adultes qui font partie de leur vie, devront réparer les dégâts qu'ils ont causés. On a utilisé ses conférences avec succès pour des infractions telles que des entrées par effraction, des voies de fait ainsi que des cas de violence dans les foyers d'accueil. Voilà le genre d'intervention qui réduit la criminalité à long terme. L'esprit de la loi existante a permis la création de ce programme qui connaît du succès au Yukon.
De son côté, notre représentant de la Saskatchewan nous a envoyé ce qui suit:
Il serait peut-être utile de prendre conscience du fait qu'il n'est pas normal pour les enfants canadiens d'être très en retard en matière d'éducation, d'avoir un handicap, d'être pauvre et d'avoir des troubles psychologiques psychiatriques, mais que ces troubles sont tout à fait courants chez les enfants incarcérés.
À mon avis, ce sont les deux extrêmes. Nous avons un programme couronné de succès au Yukon, où les principes de la loi sont appliqués, et nous avons l'exemple d'un de nos représentants en Saskatchewan qui, selon son expérience, nous parle de personnes qui sont incarcérées. Entre les deux, nous savons lequel choisir, et à mon humble avis, vous aussi.
Lorsqu'on examine les infractions graves telles qu'elles sont définies, on se rend compte qu'on étend la définition des crimes qui permettrait d'attraper ces types de jeunes. On ne traite pas particulièrement des auteurs des crimes violents, qui sont ceux qui nous préoccupent. Je vous demanderais donc d'examiner la définition de crime grave et de vous demander franchement si les personnes qui seront punies seront autant les personnes ciblées que les jeunes qui ne bénéficient pas de l'aide dont ils ont besoin.
La vie des jeunes se passe dans leurs têtes. Nous sommes tous passés par là. Quand ces jeunes se trouvent en prison, ils se replient encore plus, à moins qu'ils ne connaissent autant de succès que le jeune homme à ma droite qui a parlé de son expérience avec éloquence. Les jeunes se replient sur eux-mêmes. Si vous les mettez en prison, ils se replient encore plus. Ils se sont retirés de leurs collectivités. Ce n'est pas ce que nous voulons, parce qu'ils vont plutôt s'attacher à des groupes criminels en dedans. Nous ne voulons pas que cela se produise.
J'aimerais vous dire que... Je garderai ça pour vos questions, mais certains problèmes nous préoccupent beaucoup.
Il y a beaucoup de bons éléments dans ce projet de loi, qui est le reflet de changements qui sont peut-être nécessaires. À vous de décider. Mais à l'alinéa 3c) — à ce sujet, nous appuyons la position de l'Association du Barreau canadien —, on définit le terme « infraction grave » ainsi:
infraction commise par un adolescent au cours de la perpétration de laquelle il met en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne en créant une probabilité marquée qu’il en résulte des lésions corporelles.
Cette définition constitue une réponse directe au rapport du juge Nunn. Je vous suggère d'ajouter le mot suivant:
infraction commise par un adolescent au cours de la perpétration de laquelle il met sciemment en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne en créant une probabilité marquée qu’il en résulte des lésions corporelles.
Le terme « sciemment », dans un contexte de droit pénal, comporte un certain nombre de degrés. Il peut signifier qu'on sait tout, qu'on se ferme les yeux délibérément ou qu'on est insouciant. Toutes ces définitions s'appliquent au terme « sciemment ».
D'autres personnes ont appris qu'on avait suggéré l'ajout de l'expression « ou aurait dû savoir ». Je ne crois pas qu'un jeune... combien de fois ma mère m'a-t-elle dit: « Tu aurais dû le savoir. » Les jeunes ne savent pas. Je suggère donc d'ajouter « sciemment » à l'alinéa 3c). Ainsi, vous boucherez le trou dont parlait le juge Nunn tout en protégeant le principe selon lequel on doit attraper ceux qui prennent des chances. La personne n'a pas besoin de connaître la loi sur le bout des doigts. Elle peut être insouciante. Ça fait partie de la définition.
Il ne faut pas que les sanctions ou les mesures extrajudiciaires deviennent des pièges qui pourraient servir plus tard. Il ne s'agit pas de jouer les serpents et de tendre une pomme aux jeunes. On impose des mesures extrajudiciaires parce qu'on souhaite que le problème soit réglé par la collectivité. Je suis avocat de la défense et je serais très inquiet de voir qu'on accorde des mesures extrajudiciaires si je savais qu'elles finiraient par devenir obligatoires et servir à incriminer mon client dans le cas où ce dernier commettrait une erreur. En encourageant les mesures extrajudiciaires et en s'en servant comme bâton plus tard... La plupart de ces jeunes n'ont même pas la chance d'avoir un avocat pour les aider à y réfléchir. Ils vont en vouloir. À mon humble avis, ce n'est pas la direction que vous voulez prendre.
En dernier lieu, j'aimerais faire écho aux propos de l'Association du Barreau canadien et dire que nous n'avons pas besoin d'intégrer les principes de la dénonciation dans ce projet de loi. Nous avons une loi distincte pour les jeunes. Ce projet de loi, dans toute sa sagesse, reconnaît la notion de responsabilité morale. C'est suffisant. Nous n'avons pas à ajouter... Je pense qu'on risque de créer toutes sortes de problèmes. Lorsqu'un juge examinera le principe de dénonciation, celui-ci tiendra naturellement le haut du pavé. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.
Nous devons nous assurer de bien colmater les brèches qui doivent l'être tout en conservant l'esprit d'une loi qui a eu beaucoup de succès et qui peut servir d'exemple partout dans le monde.
J'ai terminé. Merci beaucoup.
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J'aimerais remercier les témoins.
[Français]
particulièrement vous, monsieur Fournel-Laberge. Votre témoignage est très important pour nous et très touchant.
J'ai quelques questions pour les représentants du Barreau canadien et pour M. Trudell à propos du projet de loi spécifique.
[Traduction]
Je vais commencer par une brève entrée en matière. Le gouvernement est allé beaucoup plus loin que les recommandations du juge Nunn. Il a clairement injecté sa propre philosophie dans ce projet de loi.
Cependant, le mémoire de l'ABC ainsi que M. Trudell suggèrent que nous apportions des modifications substantielles à la LSJPA. Les parlementaires doivent faire de leur mieux, ce qui ne veut pas dire que nous devons adopter ou rejeter toutes les dispositions en bloc. Je crois qu'il y a des éléments qui valent la peine d'être gardés. Comme nous devrons, d'ici un ou deux mois, regarder les modifications qui devront être apportées à cette loi pour la conserver, je voudrais que les membres du comité... En effet, dans le mémoire de l'ABC, aux pages 5 et 6, on admet que certains éléments valent la peine d'être mis en oeuvre. Je ne perdrai donc pas trop de temps sur ces éléments.
Au fait, même si ça ne fait pas partie de mes questions, vous aimeriez peut-être parler des interdictions de publication pour les jeunes. Je crois qu'elles peuvent être conservées, nous sommes d'avis que le juge doit avoir le pouvoir discrétionnaire de prendre des décisions en cette matière. C'est une étape positive. Après quatre ans et demi entre ces murs, je suis heureux de constater que le gouvernement réalise que la discrétion judiciaire est importante. Les critiques dans le mémoire sont exactes, mais il semble qu'on pourrait les atténuer en changeant quelques mots, en nous assurant que le juge envisagera seulement la levée des interdits de publication dans les cas où il y a eu des infractions très graves et violentes et lorsqu'on traite avec des récidivistes. On dirait que la discrétion du juge à cet égard constitue le coeur des critiques.
Je pense que comme moi, vous vous objectez également à ce qu'on dise que le juge « envisagera » la levée d'une interdiction de publication. Peut-être qu'il serait préférable de dire que le juge « peut envisager » de le faire. Je ne m'attends pas à une réponse à ce sujet, puisque nous pensons que des amendements pourraient être proposés afin de conserver quelques-uns de ces aspects.
Mais le hic, là où, la bataille philosophique aura lieu, comme le souligne M. Trudell, se trouve dans les termes « dénonciation » et « dissuasion ». Et c'est là que viennent mes questions à MM. Bergman et Trudell. Même si on n'en parle pas beaucoup ici, on trouve dans la LSJPA un préambule dans lequel on mentionne, en termes généraux, que les jeunes doivent prendre conscience de la gravité de leurs crimes et qu'ils doivent envisager des réparations. On ne trouve nulle part les termes « dénonciation » et « dissuasion », mais lorsqu'on joint cet aspect à la décision de la Cour suprême, on trouve un certain élément de dénonciation et de dissuasion sans que ces termes soient utilisés. Si je peux jouer les prophètes, vous l'entendrez également de la part de mes amis, qui vous diront qu'il existe un élément de dissuasion très précis et d'une grande importance pour les jeunes, et que la dissuasion en termes généraux est laissée au Code criminel.
Ce que je me demande, c'est jusqu'où pouvons nous aller en changeant le préambule sans aller aussi loin que le gouvernement le souhaite, bien entendu, mais assez loin pour tenir compte des considérations du juge Nunn, qui recommandait qu'on fasse de la protection du public un objectif prioritaire? Jusqu'où pouvons-nous aller pour améliorer l'aspect relatif à la responsabilité individuelle des jeunes, sans nécessairement dépasser, comme je l'ai dit de nombreuses fois, toute la notion de la justice criminelle pour les adultes? Comme je l'ai dit à un des témoins, si nous nous débarrassons de la quasi-totalité des dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pour appliquer les principes de dénonciation et de dissuasion, comme dans l'article 718 du Code criminel, pourquoi ne pas utiliser que le Code criminel?
Je vais commencer avec vous, monsieur Trudell. Jusqu'où pouvons-nous aller pour muscler un peu notre énoncé? De quelle manière énonceriez-vous cette idée?
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Je crois que vous recherchez tous un certain équilibre. Vous essayez donc d’insérer dans le préambule les mots qui selon vous en sont absents. Mais la notion de responsabilité, de tenir les jeunes responsables, figure déjà dans la loi. Vous pouvez importer une expression comme Protection du public, à condition de comprendre que ce n’est pas une notion étroite, que la protection du public consiste aussi à se pencher sur chaque contrevenant et sur ses besoins individuels.
Ce que vous pourriez faire, selon moi, c’est changer le préambule de manière à réaliser un équilibre. Vous pourriez dire dans ce préambule que les jeunes doivent être tenus responsables de la protection du public, dans le respect de la présomption voulant que les jeunes soient tenus à moins de... Vous connaissez parfaitement les mots qui conviennent ici. Vous pourriez insérer tout cela pour en arriver à un équilibre.
Si on se borne à employer le terme dénonciation, ce qui arrive en fait, c’est qu’on dénonce le crime mais qu’on s’écarte de l’esprit de la loi, c’est-à-dire qu’il s’agit en l’occurrence de jeunes personnes, et qu’il nous incombe de voir les choses de façon équilibrée avant de recourir à l’incarcération.
Il me semble que c’est peut-être la bonne façon de procéder. Insérez dans votre préambule tous les principes que vous cherchez à protéger, et qui sont la raison de l’adoption de cette loi, au lieu de simplement ajouter les mots dissuasion et dénonciation. Si vous procédez ainsi, les juges qui lisent ces mots peuvent alors se dire que ce qu’on attend d’eux, c’est la protection du public. Cela veut dire aussi qu’il faut protéger le public non seulement par une incarcération ferme, mais aussi par la prise en compte de l’esprit de la loi et de la responsabilité du jeune par rapport à cette loi.
Si vous mettez l’accent dans ce préambule sur la dénonciation, et si vous ne soulignez pas tout autant le caractère unique de cette loi, vous la videz de son esprit et vous éliminez le pouvoir discrétionnaire, qui est de grande importance. Ce n’est pas seulement le pouvoir discrétionnaire du juge, mais aussi la discrétion du procureur de l’État, par exemple, de prendre la décision.
Des expressions rigides engendrent un système rigide. Il me semble que la sagesse collective des personnes réunies autour de cette table devrait permettre de rédiger un préambule équilibré, qui répondrait aux préoccupations de chacun.
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Cela nous ramène aussi à la question de M. Murphy. Je tiens donc à répondre aux deux questions en même temps, parce qu’elles me paraissent très semblables.
Nous en sommes pour l’instant à un point d’équilibre solide. Il existe en fait un pouvoir discrétionnaire, dans le cas par exemple d’un jeune qui commet un crime d’une grande violence, est en cavale, si l’on peut dire, et pose un risque véritable au public parce qu’il est armé et dangereux, ou encore pourrait poser un risque au public. Le procureur de l’État et la police requièrent une ordonnance, l’interdiction de publier est levée — la durée de cette levée d’interdiction est surveillée de très près —, les médias sont alertés, le suspect est rattrapé — un jeune part rarement très loin, parce qu’il évolue dans un cercle très restreint — puis l’interdiction est retirée. Si par exemple le jeune en question reste introuvable après 24 heures, soit la durée d’exécution de l’ordonnance, on se présente à nouveau devant un tribunal, sous surveillance judiciaire, et une demande de prolongation de cette ordonnance est faite. C’est précisément ainsi que les choses se déroulent.
Dans de telles circonstances, le système fonctionne pour l’instant, et fonctionne probablement très bien, à mon avis.
Le problème que crée l’élargissement de l’interdiction de publier — je m’adresse ici un peu aussi à M. Murphy, et je crois que vous savez que le témoin assis là avait beaucoup de choses intéressantes à dire, en fonction de son expérience directe — est pour l’instant que la LSJPA est axée sur la réadaptation et la réinsertion, et que si on lève cette interdiction, on enlève toute possibilité de réinsertion du jeune en question. D’un certain côté, lever l’interdiction revient à saper l’un des principaux principes directeurs de la LSJPA, ce qui pose à mon sens un problème fondamental.
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Je vous remercie de me donner la chance de témoigner au sujet du projet de loi .
Statistiques Canada ne souhaite pas prendre position au sujet des amendements proposés au projet de loi. L'exposé que nous avons préparé présente nos données les plus récentes concernant la justice pénale pour les adolescents. Toutes nos sources de données sont indiquées ainsi que toute autre remarque pertinente au sujet des données. Nous vous avons distribué les plus récents Juristat qui concernent la criminalité chez les jeunes, les tribunaux de jeunesse ainsi que les mesures correctionnelles à l'endroit des jeunes. De plus, en juillet, Statistiques Canada va publier de nouvelles données sur la criminalité et les tribunaux de jeunesse. Ces données pourraient être utiles pour l'examen du projet de loi . Mes collègues, Mme Mia Dauvergne, Mme Rebecca Kong et M. Craig Grimes pourront également répondre aux questions.
En nous servant des données communiquées par les services policiers au Canada, nous pouvons étudier les tendances qui prévalent chez les jeunes accusés de crimes déclarés par la police. Au cours des 10 dernières années, il y a eu un changement important dans ces tendances, qui concernent les jeunes âgés entre 12 et 17 ans inculpés par la police. Le taux de jeunes accusés a diminué alors que le taux d'affaires classées a augmenté. Les affaires classées comprennent les sanctions judiciaires et l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la police.
Les crimes peuvent être séparés en deux catégories: les crimes violents et les crimes non violents. La majorité des crimes commis par les jeunes sont non violents. C'est une tendance constante depuis les 10 dernières années. En 2008, 7 jeunes sur 10 inculpés avaient commis un crime non violent. Le taux de crimes non violents commis par des jeunes au Canada a diminué au cours des 10 dernières années et le taux de crimes violents est resté relativement stable. Alors que le taux de criminalité chez les jeunes concerne majoritairement des crimes non violents, le taux de criminalité global tel que déclaré par les services policiers au Canada a également diminué au cours des 10 dernières années.
Les 10 principales infractions représentent 93 p. 100 des infractions déclarées par la police et commises par des jeunes âgés entre 12 et 17 ans en 2008. Sept des dix infractions démontrées sont définies comme des crimes non violents. L'infraction la plus commune déclarée par la police et commise par des jeunes en 2008 est le vol de biens d'une valeur de moins de 5 000 $. Celle-ci, ainsi que les crimes de méfait et de voie de fait de niveau 1, représentent à peu près la moitié des infractions rapportées par la police et commises par des jeunes en 2008.
Je vais maintenant vous parler de ce qui arrive aux accusations posées par la police une fois que les dossiers se rendent aux tribunaux de jeunesse au Canada. En 2006-2007, le vol était l'accusation la plus fréquente entendue dans les tribunaux de jeunesse, suivi des voies de fait de niveau 1 et des introductions par effraction. Le type de dossiers qui sont entendus en tribunal de jeunesse est en train de changer. Nous voyons de moins en moins de cas impliquant des infractions moins graves, tels que le recel, et une augmentation des infractions plus graves, telles que la profération de menaces et les infractions relatives aux armes. Depuis l'introduction de la LSJPA, il y a eu une baisse de 26 p. 100 dans les affaires entendues en tribunal de jeunesse. Toutes les provinces et les territoires ont été témoins d'une baisse de la charge de dossiers depuis l'application de la LSJPA bien que l'ampleur de cette charge varie selon les provinces et les territoires.
En plus de cette diminution du nombre total de dossiers, il y a également une baisse du nombre de dossiers donnant lieu à une condamnation dans les tribunaux de jeunesse. Bien que cette baisse ait commencé au début des années 90, l'introduction de la LSJPA coïncide avec une baisse tant du nombre total de dossiers entendus que du nombre de condamnations.
Parmi les 56 500 dossiers entendus dans les tribunaux de jeunesse au Canada en 2006-2007, 60 p. 100 ont mené à une condamnation. La plupart des condamnations étaient l'imposition d'une probation. Ces dernières années, la proportion de dossiers pour crimes violents donnant lieu à une mise sous garde a diminué. En 2006-2007, ces affaires étaient à leur niveau le plus bas depuis 15 ans. Depuis la première année de la LSJPA, toutes les provinces et les territoires ont été témoins d'une importante diminution tant du nombre que du taux d'affaires concernant les jeunes qui ont été condamnés et qui ont reçu une peine d'emprisonnement. Les peines d'emprisonnement ont également diminué pour toutes les catégories d'infraction.
La moyenne de la durée d'emprisonnement dans les affaires concernant les jeunes au Canada était de 72 jours comparativement à 124 jours pour les adultes. Si l'on sépare les crimes violents des crimes non violents, nous voyons alors une différence dans la longueur de la sentence imposée: 117 jours pour les crimes violents et 54 jours pour les crimes non violents.
Pour les homicides, la durée moyenne d'incarcération était beaucoup plus longue, soit 1 084 jours, ce qui représente presque trois ans. Derrière, on retrouve les tentatives de meurtre et les autres crimes contre la personne. En 2008-2009, on comptait environ 900 jeunes de 12 à 17 ans en détention présentencielle, soit une baisse de 8 p. 100 par rapport à l'année précédente et de 42 p. 100 par rapport à 2003-2004. En fait, ce nombre baisse chaque année depuis 1995-1996.
À la diapositive numéro dix, on peut constater que les jeunes en détention préventive sont plus nombreux que ceux qui sont en détention présentencielle. En 2008-2009, 52 p. 100 de tous les jeunes incarcérés étaient en détention préventive.
Les jeunes passent encore relativement peu de temps en détention préventive. Quatre des huit territoires qui nous ont fourni des données pour 2008-2009 ont indiqué que le nombre médian de jours passés par les jeunes en détention était d'une semaine ou moins. Depuis la mise en oeuvre de la LSJPA, le nombre médian de jours passés en détention varie selon les territoires. À l'échelle globale, en 2008-2009, 54 p. 100 des jeunes libérés ont passé une semaine ou moins en détention. Cette proportion varie entre 53 et 56 p. 100 depuis 2004-2005.
Sur le plan opérationnel, il existe deux niveaux de détention pour les jeunes: premièrement, il y a la garde en milieu ouvert, où les restrictions sont moindres. Les maisons de transition en sont un exemple. Ensuite, il y a la garde fermée, qui se déroule dans des installations sécurisées telles que les centres de détention. Dans les territoires qui nous ont fourni des données, le temps passé en garde en milieu ouvert et en garde fermée a varié.
Je remercie une fois de plus le comité de nous avoir donné la possibilité de présenter cet exposé. Merci.
Tout d'abord, essentiellement, ce que je voulais dire c'est que la Cour suprême du Canada a énoncé certaines constatations concernant les jeunes et la culpabilité morale moins élevée ainsi qu'au sujet de la façon dont les principes de justice fondamentale s'appliquent aux jeunes. Je tiens à féliciter le Parlement qui envisage de modifier la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents afin d'y intégrer ces constatations, lesquelles sont généralement liées à la culpabilité morale, à la définition d'une « infraction grave avec violence » et aux dispositions relatives au fardeau de la preuve, qui ne présument pas que les enfants seront traités comme des adultes.
Toutefois, Justice for Children and Youth est en désaccord avec les propositions visant à durcir la loi actuellement en vigueur étant donné qu'elle est efficace. En fait, c'est la législation actuelle qui a fait que le jeune homme que vous avez rencontré s'est vu infliger une peine qui, selon lui, s'est avérée bénéfique. C'est la législation actuelle qui lui a permis d'être là où il est aujourd'hui.
J'ai eu la chance de participer aux consultations à l'échelle nationale portant sur ce texte de loi. D'ailleurs, je crois qu'il y a eu des consultations dans chaque province. J'ai pris part à une consultation à laquelle participaient également un grand nombre de policiers, des procureurs de la Couronne, des responsables des libérations conditionnelles, des criminologues, des psychologues, des sociologues, des avocats de la Couronne et de la défense. Dans toutes ces consultations, chaque personne présente a affirmé que la législation actuelle fonctionne et cela, après maintes questions soulevées sur le sujet.
Je veux également signaler que, dans le cas de Sébastien, ce jeune contrevenant a reçu une sentence d'adulte. Une preuve que la législation actuelle fonctionne et qu'elle a permis de déterminer une sentence appropriée pour ce jeune contrevenant.
J'aimerais revenir sur les nombreux témoignages que vous avez entendus à l'effet que la dénonciation et la dissuasion ne fonctionnent pas. Ils ne peuvent pas fonctionner. À cet égard, je vous invite à consulter notre présentation écrite qui fait état non seulement de travaux de recherche en criminologie et psychologie menés jusqu'ici, d'ailleurs assez concluants, mais également de travaux de recherche plus récents menés par un neuroscientifique du ministère de la Justice. Dans le cadre de ses travaux, il a utilisé la technologie IRM pour photographier des cerveaux d'adolescents où il apparaît que le contrôle des impulsions est différent d'une personne à l'autre. Le fait de libeller ces éléments dans la loi n'empêchera pas leur cerveau de fonctionner différemment. Donc, la dénonciation et la dissuasion ne donneront pas les résultats visés.
De plus, si je relie tout cela aux grands principes généraux de la loi et aux éléments qui font que le système de justice criminel est perçu comme étant juste, alors les sentences infligées doivent être proportionnelles aux délits. Comme je l'ai dit dans ma présentation, il n'est pas juste de punir un jeune pour un acte qu'un autre jeune pourrait commettre ou de le punir pour ce qu'il pourrait faire dans le futur, un acte qu'il n'a pas encore commis. À mon avis, pour assurer cette proportionnalité, la dénonciation et la dissuasion ne peuvent être les principes sur lesquels repose la détermination des peines.
Deuxièmement, je tiens à dire que la protection à long terme du public doit être maintenue. Les jeunes, peu importe ce qu'ils ont fait, resteront plus longtemps en liberté qu'en détention. L'enjeu ici c'est la protection à long terme du public. Lorsque les jeunes en auront fini avec le système de justice pénale pour les adolescents, je souhaite qu'ils puissent contribuer positivement à la société. C'est l'objectif à long terme que nous devons poursuivre.
Tout le monde peut faire une erreur un jour. Rien ne peut garantir la protection à court terme du public si ce n'est d'enfermer les gens à double tour. À Toronto, les gens sont bousculés dans le métro et ce geste est considéré comme des voies de fait, voire des voies de fait délibérées. Ce n'est pas un acte que la plupart d'entre nous considérons comme un crime, mais ils doivent utiliser le métro et en seront victimes. Vous ne pouvez pas éliminer ce genre de situation.
J'aimerais également souligner qu'en cette période d'austérité, il est essentiel que le Parlement ne consacre pas d'argent à des mesures qui n'ont pas prouvé leur efficacité. Toutes les preuves avancées montrent que les amendements proposés ne seront pas efficaces. À ma connaissance, rien ne prouve le contraire. Selon moi, il serait irresponsable de dépenser l'argent des contribuables pour mettre en place des mesures servant uniquement à conforter certaines personnes dans l'idée qu'elles ont fait quelque chose. Sans preuve d'efficacité, nous ne devrions pas consacrer d'argent à tout cela.
Pour résumer, je suis d'avis que nous n'avons pas vraiment besoin d'amendements, même ceux que j'aime. Les avocats ne verraient pas d'inconvénient à ce que vous ne le fassiez pas, parce que la Cour suprême du Canada a déjà statué sur ces questions, mais je crois qu'il est bien d'amender la loi pour y intégrer ces décisions, car le monde n'est pas fait que d'avocats, heureusement. Nous ne lisons pas tous les décisions de la Cour suprême du Canada, et il est important que la loi en elle-même soit aussi claire que possible.
Si vous deviez apporter d'autres modifications, j'ai certaines mises en garde. J'hésiterais personnellement à exiger de la police de consigner les sanctions extrajudiciaires. Si un agent de police à une intersection notait par écrit chaque avertissement qu'il donnait aux gens pour qu'ils fassent attention aux véhicules venant en sens inverse, vous seriez surpris, et c'est un avertissement, n'est-ce pas? Il s'agit d'un rapport que vous avez avec la police, et c'est un avertissement.
Je ne crois pas qu'ils doivent tous être mis par écrit. Je crois que la plupart d'entre eux sont notés à l'heure actuelle, mais je crains que si vous rendez obligatoire la consignation, vous ayez également à rendre obligatoire la destruction de ces dossiers.
Si un jeune est accusé, va en cour, est reconnu coupable après un procès et reçoit la peine minimale, cette peine figure au dossier pendant deux mois. Quelle que soit la durée de conservation des dossiers de la police, elle devrait être plus courte lorsque la peine est moins grave. S'il faut conserver un dossier, je vous demande d'exiger qu'il soit détruit et scellé.
Selon les recherches, l'augmentation de la durée des peines ne change rien, ne réduit pas le récidivisme. Et comme je l'ai mentionné, les lois en vigueur peuvent déjà remédier à cela.
Bref, je demande aux membres de ce comité de demander et de lire les résultats de la consultation. J'étais présente dans des salles où on a demandé à chaque personne à plusieurs reprises si elles voulaient que la dissuasion soit un principe de détermination de la peine, et elles, y compris tous les agents de police, ont répondu non. Je vous demande de demander d'examiner les coûts de tout amendement proposé et d'examiner toutes les recherches sur les méthodes efficaces, car nous désirons tous que nos enfants qui ont commis une erreur puissent être réadaptés.
Je ne suis pas un avocat, mais un défenseur. Je vais commencer par la traduction d'une citation de Michele Landsberg: « C'est donc notre contradiction canadienne: chaque fois que nous sommes confrontés aux résultats de notre approche dysfonctionnelle visant à réprimer la criminalité chez les jeunes, nous demandons de punir plus souvent et plus sévèrement. » C'était en 1999 et ça n'a pas changé.
Je vous raconte une histoire sur laquelle je finirai. Au cours des 10 dernières années du siècle dernier, nous étions présents à chaque enquête portant sur le décès d'un enfant sous la tutelle de l'État. Petit à petit, nous avons découvert que le moyen de changer ce qui se produisait lors d'enquêtes et d'empêcher les gens de manipuler et de contrôler les preuves consistait à amener une équipe de jeunes pour écouter, des jeunes qui avaient les mêmes expériences que les personnes décédées en détention, pour donner à l'avocat des preuves qu'il pourrait utiliser dans l'enquête. Petit à petit, nous avons appris que c'était la façon d'obtenir la vérité, parce que tout le mur protecteur était tombé.
La dernière enquête était l'enquête Meffe à la fin des années 1990. Son résultat: le jury a demandé la fermeture immédiate du Toronto Youth Detention Centre, ce qui a été fait. Depuis, un autre important centre de détention a ouvert en Ontario, et ce centre a déjà recueilli de nombreux renseignements qui prouvent que l'emprisonnement des enfants est la dernière chose à faire — la toute dernière chose à faire. C'est dangereux, dispendieux, inutile, et ces enfants sont nos enfants.
À mon arrivée au Canada en 1959, je voulais travailler avec les délinquants, et j'ai été étonné. La première personne que j'ai rencontrée était un petit garçon de 14 ans, se traînant les pieds en raison des fers, au milieu de deux énormes gardiens armés de fusils. C'était Steven Truscott. Encore et encore... J'ai ouvert un petit endroit appelé White Oaks en Ontario, et nous y avons accueilli les enfants de moins de 12 ans — ils avaient tous moins de 12 ans —, ils provenaient de différents endroits de l'Ontario et avaient été condamnés à deux ans. Les deux premiers qui ont franchi la porte étaient deux petits frères de Red Lake, qui ne parlaient presque pas anglais, et ils étaient là pour une durée indéterminée. En fait, ils sont restés environ trois semaines, et nous leur avons redonné un foyer où ils auraient une vie décente.
C'était effrayant pour moi à l'époque, et je n'ai jamais cessé d'être choqué par tout ce que je vois lorsque je visite des personnes en établissement. Je travaille toujours avec des personnes qui sortent des établissements et je constate les dommages qu'elles ont subis, et qui sont attribuables à la culture.
Vous pouvez changer toutes les lois que vous voulez, mais si vous ne changez pas la culture des établissements et la culture de cette province par rapport à la criminalité et au comportement criminel, vous ne changerez rien du tout. Parce que cette culture s'empare de l'établissement et le contrôle. Comme nous avions l'habitude de dire aux gardiens: « Vous ne dirigez pas cet établissement. Vous savez qui le dirige. Les détenus le dirigent. »
Je terminerai ainsi, sauf que ce à quoi je m'oppose personnellement, et ce à quoi s'oppose DEI, c'est le caractère vindicatif de la loi, à notre avis. La façon de considérer les jeunes qui ne sont encore que des enfants, qui ont toujours moins de 18 ans, selon la Convention relative aux droits de l'enfant... Ce document, pour certaines raisons, semble avoir été mis en arrière-plan au Canada, même si pour moi il s'agit du document le plus fantastique dans l'histoire des droits humains que le monde ait produit. Le mettre en application pourrait changer beaucoup de choses, si c'était fait comme il se doit.
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Notre préoccupation générale est la suivante: ce projet de loi semble être axé sur la loi et l'ordre, visant à sévir contre les jeunes contrevenants. Nous croyons que le projet de loi tel qu'il est aura pour résultat d'augmenter le nombre de jeunes en détention, ce qui nous préoccupe vraiment.
J'aimerais aborder brièvement deux points. D'abord, les principes figurant au paragraphe 3(1) de la loi. Des gens en ont déjà parlé.
Nous nous éloignons de la priorité que sont les jeunes pour s'attaquer aux causes sous-jacentes de leurs infractions et les réadapter. L'accent est mis sur la sécurité publique, et même pas à long terme. Lorsqu'il est question de sécurité publique, on pense qu'il faut simplement incarcérer plus de jeunes, mais ce n'est pas ce qu'il faut faire.
Nous croyons que cet article change fondamentalement le sens de la loi. En mettant l'accent sur la sécurité publique plutôt que sur les jeunes, je crois que nous avons en quelque sorte perdu le sens premier de la loi. Je suggérerais donc qu'on étudie la question très sérieusement avant d'apporter des changements.
J'ai reçu certains commentaires selon lesquels il ne s'agit que d'une réorganisation du sens des principes. Si vous l'examinez attentivement, c'est plus que cela. Et s'il s'agit simplement d'une réorganisation, on ne devrait peut-être ne rien changer. Cela pourrait être une bonne chose.
En ce qui concerne les établissements, Les a un peu parlé de notre expérience. Mais dans les grands établissements, il y a deux groupes: les victimes et les intimidateurs. Et au sujet des victimes, lisez les enquêtes sur les enfants sous la tutelle de l'État en Ontario. Je vais parler de l'Ontario parce que c'est ce que je connais le mieux.
James Lonnie était un jeune homme qui restait 44 heures dans une boîte de béton visant à le séparer des autres prisonniers. On l'a placé avec un autre jeune homme agressif qui s'est imaginé que Lonnie était un rat et il l'a attaqué. Lonnie a passé ce temps à crier et à demander de l'aide, sans en obtenir aucune. Il a donc été battu à mort.
David Meffe a tant été intimidé dans un centre de détention de Toronto qu'il s'est pendu. L'équipe de l'enquête, qui n'était pas composée d'âmes sensibles, a entendu dire que les gens ordinaires étaient tellement épouvantés par les conditions qu'ils ont déclaré qu'il fallait fermer l'établissement. C'était leur première recommandation.
J'ai écouté le jeune homme ce matin et je ne voyais aucune raison pour laquelle les choses qu'il disait, l'aide qu'il a obtenue, ne pouvaient pas lui avoir été données à l'extérieur d'un lieu de détention. Il a parlé des relations avec les personnes et ainsi de suite. Je ne suis pas sûr que nous ayons besoin de mettre les gens en détention pour obtenir ce genre d'aide. Il faudrait vraiment connaître les raisons pour lesquelles les personnes sont incarcérées, et considérer la détention des enfants en dernier recours.
Il y a aussi les intimidateurs. Des enfants intelligents qui s'affilient au groupe le plus puissant de la place. Ils n'ont peut-être jamais battu personne ni volé de nourriture ni posé de gestes dégradants. Soudainement, ils se trouvent dans un établissement où, pour survivre, c'est ce qu'ils doivent faire.
Martha a parlé des personnes qui sont libérées et des enfants que nous voulons réadapter à long terme, et c'est la question de la sécurité. Si nous voulons y arriver, c'est ce que nous devons faire.
Les, vous avez le mot de la fin.
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L'année 1994 a été une bonne année parce qu'on a commencé à remarquer la Convention relative aux droits de l'enfant. C'est un document très bien rédigé qui porte à réflexion.
J'aimerais parler d'une conférence internationale pour les jeunes qui a eu lieu à Victoria, en 1994. Nous avions réuni des gens de partout dans le monde qui étaient intéressés par la convention. Il y avait un groupe quechua de Tena, en Équateur, des Maoris de Nouvelle-Zélande, des enfants de la rue de Vancouver ainsi qu'un jeune leader de Belfast. La conférence avait lieu dans un énorme auditorium de l'Université de Victoria. La dernière journée de la conférence a été marquée par la grande finale, qui était diffusée sur écran géant. C'était un spectacle à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, mettant en vedette des artistes professionnels qui célébraient les beautés du Canada et ce qu'elles pouvaient signifier pour tous les jeunes qui étaient là. Il y avait des chanteurs et des danseurs, et le message était que le Canada représentait une sorte de paradis pour tous les réfugiés qui ont échappé aux horreurs dans leur pays natal et qui vivent maintenant heureux au Canada.
Mais nous nous sommes rendu compte que le message ne passait pas. La foule semblait rétrécie. Les gens se regroupaient en petites enclaves. Au début, les conversations semblaient confuses. Par la suite, la confusion a cédé la place à la colère. Les organisateurs ont fait preuve d'un courage incroyable et ont coupé la communication avec Charlottetown, et les jeunes se sont lentement déplacés vers la grande plate-forme. Ce n'était pas organisé, ça s'est juste produit. Les gens allaient au micro et disaient quelques mots avant de céder une place. Ils racontaient leur histoire. Certains pleuraient. Je me sentais tellement privilégié; nous nous sentions tous privilégiés d'assister à une telle manifestation.
La colère avait envahi les esprits parce que la ville de Charlottetown essayait de nous vendre une fausse promesse, alors que nous savions tous que ce n'était pas un état de fait généralisé. Mais notre colère avait fait place à la stupéfaction. Nous avions des droits parce que nous nous étions approprié la promesse. C'est vraiment ce qui s'est passé, et si vous voulez une confirmation, passez un coup de fil au sénateur Landon Pearson. Elle a récité le Notre Père, et nous avons tous ressenti une grande paix.
C'est ce qui devrait ressortir des audiences — une paix qui pourrait apaiser la colère des jeunes contrevenants et guérir leurs blessures. Cette paix devrait atténuer la douleur des victimes et les aider à s'unir pour le bien des enfants qui auront la possibilité de rétablir la justice dans un monde qui leur appartiendra un jour.
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J'abonde dans le même sens pour ce qui est du peu de temps accordé à chaque témoin.
Nous avons vraiment apprécié les témoignages, et j'ai quelques questions.
Madame Mackinnon, j'ai aimé votre mémoire. Vous avez vraiment bien fait vos devoirs. La plupart des politiciens ne font que regarder la première et la dernière page. Vous aviez 13 recommandations, ce qui est bien. J'aimerais vous poser des questions sur deux ou trois d'entre elles, parce qu'elles nous ont déjà été soulevées pendant nos réunions.
En ce qui a trait aux questions, il semble que personne n'est en mesure de répondre à une question particulière par l'affirmative. Au point neuf, vous mentionnez que les modifications devraient être fondées sur des données probantes et des faits. Je suppose qu'on met la charrue devant les boeufs, puisque les meilleurs éléments de preuve proviennent de Juristat et de Statistique Canada. Mais, à votre avis, et en fonction des éléments probants dont vous disposez, comment répondriez-vous à ces questions? Premièrement, est-ce que les crimes violents perpétrés par les jeunes au Canada, dans certaines collectivités du Canada, sont en hausse? Deuxièmement, est-ce que des éléments de preuve montrent que l'incarcération, avec ou sans mesure de réadaptation appropriée, est efficace? Troisièmement, est-ce que les éléments législatifs dissuasifs ont vraiment un effet dissuasif sur les jeunes? On a beaucoup parlé de ce dernier point à l'échelle du pays. Comme vous l'avez fait remarquer de manière émouvante, leur cerveau est différent. J'ai trois adolescents à la maison, et je sais que leur cerveau est différent. Je n'ai pas besoin de voir des résultats d'examen par IRM, mais j'aimerais voir les éléments probants.
Je tiens à dire que je me sens très privilégié d'être ici, surtout compte tenu de la discussion qui vient d'avoir lieu au sujet des témoins et du temps. Je m'estime très privilégié, car je sais que de nombreux Canadiens s'intéressent de près au travail du comité et à ce projet de loi, y compris les jeunes.
Comme vous le savez, je suis l'intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes en Ontario et je suis accompagné aujourd'hui d'un des membres de mon bureau, Lee Tustin. Je peux vous dire qu'elle est l'une des plus grandes spécialistes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents au Canada et qu'elle a fait des travaux à ce sujet. Elle est aussi modeste. J'espère que notre exposé pourra vous être utile.
Pour commencer, je voudrais parler un peu du processus. Comme vous le savez, quand la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents a été créée, il y a eu des consultations et une participation à tous les niveaux, y compris au comité de la Chambre des communes. On a créé une stratégie de renouvellement du système de justice pénale pour les adolescents. Cela s'est traduit par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, en 2003, et cela après plusieurs années d'études, de consultations et de discussions qui ont eu lieu avant que le moindre changement ne soit apporté au système de justice pénale pour les adolescents. Je dirais que peu de jeunes ont été consultés au cours de ce processus quant aux changements qui pouvaient être utiles. Il y a néanmoins eu un processus de consultation.
En 2008, le projet de loi qui prévoyait des changements similaires à ceux du projet de loi a été présenté sans consultation préalable. D'autres intervenants provinciaux, car je n'occupais pas ce poste à ce moment-là, m'ont dit qu'il y a eu des tables rondes un peu partout dans le pays au sujet du projet de loi C-25, après sa présentation au Parlement. J'ai entendu dire de nouveau aujourd'hui, et je pense l'avoir vu dans des sites Web, que le rapport de ces consultations n'avait pas été rendu public. En tout cas, je ne l'ai pas vu, pas plus que les membres de mon personnel. Je trouve cela d'autant plus curieux que vous examinez le projet de loi C-4 qui, à mon avis, n'a pas fait l'objet non plus de véritables consultations. C'est surtout parce que les consultations n'ont pas été ouvertes et publiques et je crois qu'on n'a pas consulté les jeunes qui pourraient être touchés par le projet de loi que vous étudiez.
Je crois vraiment important que les jeunes et les personnes qui appliquent votre loi soit consultés. J'ai passé les 25 dernières années à travailler auprès des adolescents dans les systèmes d'aide à l'enfance et de justice pénale pour les adolescents et je peux vous dire que les choses les plus importantes que j'ai apprises ne m'ont pas été transmises à une conférence, par un professeur ou dans un livre. Elles venaient de l'expérience vécue et de la réflexion des jeunes. Avant que vous ne preniez de décision, je vous exhorte à découvrir ce que cette expérience vécue et cette réflexion peuvent vous apprendre. On dit que cette loi concerne, dans une certaine mesure, la sécurité du public. Je tiens à vous rappeler que les adolescents sont autant des membres du public que vous et moi, tout comme vos enfants, et qu'ils ont le droit d'être consultés également.
Je crois qu'il y a eu aussi certaines discussions concernant le rapport de la Commission Nunn quant au fait que la protection de la société devrait être l'un des principaux objectifs de la loi et qu'il faudrait donner un outil aux tribunaux pour qu'ils tiennent compte de la protection de la société. Toutefois, la Commission Nunn a dit aussi que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est une bonne loi et a émis des inquiétudes, dans son rapport, au sujet de toute dérogation aux principes enchâssés dans la loi. C'est pourquoi nous avons besoin d'un véritable processus de consultation avant de modifier ce qui semble être, comme le disent les gens, une bonne loi.
Même certaines des questions que je vous ai entendu poser aujourd'hui, et je sais que votre temps est limité… Qu'on puisse envisager de modifier une loi de façon fondamentale sans savoir certaines des choses que vous devez savoir — par exemple, des statistiques concernant les membres des différents groupes raciaux qui entrent dans le système de justice pénale pour les adolescents — me semble un peu irresponsable, même si c'est peut-être un mot un peu dur. Je vous exhorte donc à prendre votre temps et à consulter le maximum de gens.
J'ai beaucoup réfléchi à ce que je voulais dire. Je sais que je représente un des groupes de gens que vous allez rencontrer, et sans doute qu'à cause de mon poste et de mes antécédents professionnels, vous avez une bonne idée de ce que je vais dire. Toutefois, je tiens à aller plus loin.
Récemment, en Ontario, nous avons eu tout un débat au sujet d'un certain centre de détention pour adolescents, à l'extérieur de Toronto. Comme nous avons défendu les intérêts des enfants et des adolescents, surtout des jeunes qui ont été détenus dans ce centre, certains nous ont reproché — et ce sont leurs paroles et non pas les miennes — de trop aimer les délinquants ou d'avoir le coeur trop tendre. En face de nous, nous avions le « camp de la loi et l'ordre ». Je pense que la polarisation de ces deux camps est particulièrement difficile et je veux trouver un autre moyen de parler de la justice pénale pour les adolescents. Je pense que je dois le faire au nom des jeunes. La loi qui régit ce que je suis censé faire, me dit que je suis censé faire entendre la voix des enfants et des adolescents qui sont en conflit avec la loi.
Depuis un an ou deux, j'ai passé beaucoup de temps dans les centres de détention pour adolescents de l'Ontario où j'ai parlé aux jeunes, où je les ai rencontrés alors qu'ils avaient pris contact avec la dure réalité de la vie. Quand je les rencontre, je ne sais pas pourquoi ils sont là, mais je leur parle. Ce sont des enfants. Comme quelqu'un l'a dit, ce sont autant des enfants ou des adolescents que les enfants de tous ceux qui sont assis autour de cette table. Vous finissez par comprendre qu'ils ont des espoirs et des rêves. Et vous finissez par comprendre qu'ils représentent notre avenir. Vous leur demandez ce qu'ils veulent faire plus tard et ils veulent être plombiers, médecins, parents. Ils sont les fils ou les filles de quelqu'un. Ce sont des personnes.
Pour comprendre le problème dans ce contexte, s'ils étaient au centre de cette pièce, vous pourriez prendre des décisions différentes au sujet de la loi que vous examinez. J'en suis convaincu. Cela nous fournit également un terrain d'entente, car je crois que les gens qui sont dans mon « camp », ceux qui viennent vous dire ce qui ne va pas dans ce projet de loi, sont aussi convaincus que vous que nous voulons ce qu'il y a de mieux pour nos enfants et nos adolescents. Nous voulons également assurer la sécurité du public. Je pense qu'en parlant de ces jeunes et en les comprenant, nous pourrons agir différemment. Cela signifie aussi qu'il faut les écouter.
Je voudrais dire autre chose, et c'est ce que les jeunes pourraient souhaiter que je dise. Dans un des endroits que j'ai visités — et c'est arrivé souvent — j'étais avec des jeunes dans leur section et tout à coup il y a eu un confinement, ce que l'établissement appelait un « code bleu ». Tous les jeunes ont dû rentrer dans leur chambre dont la porte a été verrouillée. Le même genre de chose se passe dans les autres provinces. Lorsqu'ils sont ressortis, j'ai pu de nouveau parler à un jeune et quand je lui ai demandé ce qui s'était passé, il m'a répondu: « Nous avons été confinés dans nos chambres. Nous avons trois CD que nous sommes autorisés à écouter dans notre section. Un des CD avait disparu et ils ont dû verrouiller toutes les unités de l'établissement, pas seulement celle-ci, pour essayer de retrouver le CD. » J'ai trouvé cela bizarre. Pour retrouver le CD, ils ont fait des fouilles à nu. Ils enlèvent les vêtements de tout le monde, un à la fois. Ils vont fouiller les chambres à la recherche du CD.
Je ne les critique pas, et je ne travaille pas dans le système de justice pénale, et peut-être qu'ils pensent — je crois que c'était le cas — que le CD pourrait servir d'arme et que c'est une question de sécurité. L'adolescent à qui j'ai demandé avec quelle fréquence cela arrivait m'a répondu « deux ou trois fois par semaine ».
Je me suis dit que si, à tout moment, les gardiens qui gardent les édifices parlementaires pouvaient venir ici nous dire d'aller dans nos chambres et d'enlever nos vêtements parce qu'ils doivent chercher un objet qui a disparu… Si cela arrivait trois fois sans que nous en soyons avertis à l'avance, si nous sommes simplement habitués à ce que cela arrive, nous pourrions même penser que nous comprenons pourquoi cela a été fait. Quand vous êtes en détention, c'est une situation courante et c'est simplement un élément habituel de la détention. C'est une punition suffisante si nous cherchons à punir les jeunes. Toutefois, cela n'accomplit pas grand-chose et les jeunes vous le diront. Si vous y réfléchissez, c'est une simple question de bon sens.
Quand vous pensez à vos enfants, cela ne sert pas à grand-chose sur le plan de la réinsertion et des possibilités de réintégration. Par conséquent, moins nous placerons de jeunes, d'enfants, dans cette situation… Il est assez évident que nous ne devrions pas le faire.
C'est ce que je voulais dire. Je voudrais aussi parler un peu plus de certains éléments de la loi et je pense que nous pourrons en dire davantage à ce sujet, Lee et moi, quand vous poserez vos questions.
À mon avis, la déclaration de principe dont on a parlé, qui modifie l'idéologie à la base de la loi est importante, car elle ne tient absolument pas compte de certaines dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, qui est aussi mentionnée dans la loi et que le Parlement canadien et l'Assemblée législative ontarienne ont adoptée.
Je sais qu'on a discuté ici de l'utilité de cette convention, de la difficulté de l'appliquer et donc du fait qu'il n'y a peut-être pas lieu de trop s'en préoccuper. Toutefois, quel message cela envoie! Il est plutôt ironique, quand on examine une loi sur la justice pénale pour les adolescents, quand on est censé respecter ses engagements en tant que société et quand on enseigne à nos jeunes combien les lois sont importantes, qu'en même temps, en ce qui concerne une loi et une convention que le Parlement et les Assemblées législatives provinciales ont adoptées, nous disions qu'elles ne comptent pas vraiment vu qu'elles ne peuvent pas être appliquées. C'est vraiment ironique.
J'ai épuisé mon temps. J'aurais eu tellement de choses à dire. Il y a ici un groupe de jeunes qui ont été sous la tutelle des services d'aide à l'enfance. Hier, ils ont parlé aux sénateurs Pépin et Munson des difficultés qu'ils ont eu à grandir au sein de ce système, combien cela a été difficile. Ils avaient réussi à le faire ou étaient sur le point de réussir, mais certains d'entre eux vivaient dans des foyers de groupe. En vertu de cette loi, ils pourraient être accusés et se retrouver en détention et suivre une voie entièrement différente s'ils jettent un verre à quelqu'un, dans un foyer de groupe, parce que quelque chose dans ce foyer leur rappelle les mauvais traitements qu'ils ont subis. Vous ne devez pas les oubliez non plus.
Il ne me reste plus de temps, mais tel est mon message.
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Vous n'y avez pas participé.
Je suis entièrement d'accord avec ce que vous avez dit. Ce n'est pas faute de l'avoir demandé, mais cela fait plusieurs fois qu'on nous dit que certaines personnes, comme vous, n'ont pas participé aux discussions ou au processus de consultation dans chaque province, comme elles auraient dû le faire.
Nous avons également entendu des gens qui ont participé aux consultations. Une de ces personnes vient de dire — et vous étiez peut-être dans la salle — qu'elle n'a entendu aucune voix s'élever contre la façon dont la LSJPA fonctionnait.
Je crois donc, qu'en tant que membres du comité — et n'oubliez pas que les gens ont demandé au ministre et aux membres un rapport sur ces consultations — nous devons insister davantage sur ce point. Je vous remercie d'en avoir reparlé.
Ma question est la suivante. La LSJPA fonctionne de façon satisfaisante. Toutefois, ce projet de loi cherche, de prime abord, à combler certaines des lacunes de la loi de façon positive grâce à des changements sur lesquels la plupart d'entre nous sommes d'accord. Le gouvernement va peut-être un peu trop loin, dirais-je, en y incluant une idéologie à laquelle nous ne souscrivons pas nécessairement. Pour reprendre la phrase « jeter le bébé avec l'eau du bain », je crains que nous ne rejetions le tout, y compris certaines modifications utiles, ou que le tout soit adopté, ce qui causerait certains torts irréparables.
Je vais soulever un aspect très particulier, car nous avons eu un long débat sur certaines dimensions du problème. J'aimerais beaucoup savoir ce que vous pensez de l'interdiction de publication. Bien entendu, votre groupe se soucie beaucoup des adolescents, mais la loi cherche aussi à protéger le public et nous avons entendu dire que, dans certains cas, l'interdiction de publication devrait être levée.
Pensez-vous que si le libellé était un peu plus précis au sujet des infractions « avec violence » et « graves » commises par des récidivistes, même s'ils sont adolescents, et si le pouvoir discrétionnaire du juge était maintenu, cela pourrait être utile?