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Cela me convient très bien, monsieur le président. Merci beaucoup.
D'abord, merci de me permettre de témoigner. J'espère aujourd'hui vous faire part de deux points de vue en un seul exposé sur le projet de loi et vous parler un peu de l'expérience du Nouveau-Brunswick.
J'apporte deux points de vue qui peuvent être utiles au comité. D'abord, je crois être le seul procureur général d'une province qui ait également la responsabilité des jeunes à risque dans un ministère à vocation sociale. Certaines mesures que nous prenons avec succès pour lutter contre la pauvreté, faire reculer la criminalité et atténuer la récidive chez les jeunes peuvent aider le comité à comprendre comment nous pouvons sévir contre le crime en prévenant le crime et en aidant les jeunes à risque à ne plus être à risque.
Deuxièmement, permettez-moi de dire clairement que, du point de vue du Nouveau-Brunswick, l'actuelle LSJPA fonctionne bien. La criminalité chez les jeunes diminue. Moins de jeunes récidivent. J'espère que nous pourrons vous expliquer un peu pourquoi notre province obtient ces résultats et aussi comment le projet de loi ne fait pas qu'ajouter un autre niveau de mesures à l'égard des adolescents, mais risque plutôt d'empêcher le Nouveau-Brunswick d'appliquer des mesures qui donnent des résultats. Notre province a eu des réussites et nous espérons qu'elles seront respectées dans ce processus.
Disons d'abord ceci: il semble absolument essentiel d'avoir un système de justice pour les adolescents qui vise à répondre aux besoins propres aux jeunes contrevenants. Une justice uniforme pour tous est vouée à l'échec. Ainsi, avec les jeunes, il y a plus de temps pour réformer les comportements. S'ils grandissent dans la pauvreté ou ont des problèmes de santé mentale, ou encore s'ils sont maltraités ou négligés au foyer, ces expériences peuvent être plus déterminantes et influer davantage sur le comportement que ce ne serait le cas chez un adulte qui a vécu davantage et a une perspective plus large.
Les jeunes sont aussi moins conscients des conséquences à long terme et y pensent moins. La dissuasion n'est pas aussi efficace auprès d'eux. Tout parent qui a dit à son enfant: « Si tu n'étudies pas, tu n'iras pas à l'université et tu n'auras pas un bon travail » sait qu'il répond: « Oui, oui, je sais ça, mais c'est plus tard. Je suis immortel et je suis jeune. »
Au Nouveau-Brunswick, nous avons été intransigeants avec le crime, mais cela ne s'est pas manifesté par ce que nous faisons une fois le crime commis, mais par ce que nous faisons pour éviter que le crime ne se produise. Voilà ce que c'est, pour nous, sévir contre le crime, et nous le faisons. Ainsi, nous avons légiféré pour autoriser la saisie de biens d'un propriétaire absent qui tolère que sa maison serve au narcotrafic ou à l'exploitation de la pornographie juvénile. Nous avons maintenant le pouvoir de saisir ces biens et de sévir contre les propriétaires absents. Nous avons une loi de protection des locataires qui permet à l'État d'éjecter ceux qui dégradent un quartier par un comportement antisocial. Voilà ce que c'est, sévir contre le crime.
Nous nous attaquons aussi aux causes du crime par une réforme dynamique de notre système d'aide sociale. Nous avons des interventions énergiques, dont des ressources plus importantes en santé mentale à un stade précoce, la formation des tribunaux et une prestation intégrée des services, avec des équipes d'intervention dans les écoles qui repèrent les enfants maltraités ou négligés au foyer et leur offrent des services intégrés, qu'il s'agisse de santé mentale, d'aide pour les parents au foyer ou d'aide dans le système d'éducation.
Si je peux, je vais énumérer rapidement cinq points du projet de loi qui risquent de nuire à ce que nous faisons au Nouveau-Brunswick et dont l'efficacité est avérée.
Je dirai d'abord ceci. L'article 8 du projet de loi est l'un des premiers cas où le Parlement du Canada propose de criminaliser l'intervention d'aide. En effet, le projet de loi permet aux juges, lorsqu'ils déterminent la peine, de tenir compte de la participation passée à des programmes de traitement pour la toxicomanie ou la santé mentale ou même de choses aussi simples que des avertissements de la police.
Voici pourquoi cela nous inquiète. Lorsqu'un jeune à commis une infraction sans violence et n'a pas délibérément causé un préjudice à autrui, nous voulons qu'il participe le plus rapidement possible à nos programmes d'intervention. Nous ne voulons pas faire intervenir les avocats ni avoir un long processus judiciaire. Nous voulons que le jeune participe à des programmes d'intervention. Si la loi dit que ces programmes risquent de jouer contre les jeunes, vous nous empêcherez d'appliquer des mesures efficaces.
Pourvu que les jeunes admettent leur responsabilité et participent aux programmes, nous pouvons amorcer un processus qui transformera leur vie. Si on dit que cette participation, qu'il s'agisse de cercles de détermination de la peine, de service communautaire ou de counselling, joue contre le jeune au moment de la détermination de la peine, il y aura plus de jeunes qui feront appel à des avocats, il y aura plus de procès, et les jeunes obtiendront de l'aide bien moins rapidement. Selon nous, ce serait une erreur de criminaliser la participation aux programmes dont il est prouvé qu'ils marchent bien au Nouveau-Brunswick pour assurer la sécurité de la population et éviter la récidive.
Deuxième sujet d'inquiétude, je dirais, le projet de loi risque d'aller à l'encontre de son propre objectif en brouillant la distinction entre crimes intentionnellement violents et comportement imprudent ou risqué. Si la définition d'une participation à un comportement risqué était appliquée à tous les jeunes, je ne suis pas sûr que la plupart d'entre nous n'auraient pas été épinglés à 16 ans. Je peux le dire dans mon cas.
En fait, il n'y a rien de mal, lorsqu'un jeune fait du mal à quelqu'un d'autre intentionnellement, volontairement, froidement, à le faire juger comme un adulte. C'est ce qu'il faut faire. Je suis père, moi aussi, j'ai des enfants et je veux qu'ils soient protégés. Mais mélanger les critères au point que l'infliction volontaire de préjudice serait traitée de la même façon qu'un comportement simplement imprudent ou risqué, dans lequel le jeune n'a pas décidé de blesser quelqu'un, cela va non seulement à l'encontre de tout ce que nous savons, mais risque aussi d'aller à l'encontre du programme de répression du crime qui sous-tend le projet de loi. En effet, au lieu d'être très précis et directif à l'égard des juges quant aux circonstances où les procureurs généraux peuvent ordonner à leurs procureurs de faire traduire tel adolescent devant un tribunal pour adulte, le projet brouille les eaux. La définition n'est plus claire pour les juges. Ils ont plus de latitude pour garder des délinquants dangereux dans le système pour les adolescents, et ce système s'en trouve détruit.
À dire vrai, je pense que, à cause d'un libellé très approximatif sur ce qu'il faut pour renvoyer un jeune dans le système pour adultes, je craindrais fort, comme procureur général, si le projet de loi est adopté, qu'il ne nous soit plus difficile de renvoyer un jeune vraiment dangereux dans le système pour adultes.
Troisièmement, je crains que le projet de loi ne fasse disparaître en grande partie la raison qui justifie l'existence d'un système pour les jeunes. Prenons par exemple l'article 7, qui ajoute la dissuasion aux facteurs à considérer. Les procureurs généraux essaient d'avoir très tôt le maximum de moyens de répondre aux besoins. Nous devons avoir un système pour adultes qui sévit contre le crime, insiste sur la responsabilité, qui s'attaque aux délinquants violents et les garde derrière les barreaux, où ils ne peuvent faire de mal à personne. Pas de doute. Il nous faut aussi un système pour les adolescents qui tient compte de leurs besoins propres. Cela veut dire en fait que nous insistons davantage sur la réadaptation. Bien franchement, nous savons que si un jeune de 16 ans vole une voiture, il ne sera pas enfermé à vie, mais retournera dans les rues.
Comme procureur général et comme père, ce qui m'intéresse, c'est ceci: quelle sorte de citoyen ce jeune sera-t-il lorsqu'il sera libéré, à 18, 19 ou 22 ans? Qu'aurons-nous fait pour modifier la suite des choses? Sévir contre le crime, ce n'est pas attendre qu'il ait 22 ans, qu'il cause encore un préjudice et soit enfermé de nouveau. C'est plutôt s'assurer que le crime n'a pas lieu.
En ajoutant la dissuasion et la dénonciation, en rapprochant le système pour les adolescents de celui qui est conçu pour les adultes, nous détruisons la raison d'être d'un système qui vise à empêcher les jeunes de récidiver, et il sera plus difficile de faire traduire des délinquants devant les tribunaux pour adultes.
Le système de justice pour les adolescents a sa raison d'être. Et plus on essaie de le faire ressembler au système pour adultes, plus on brouille la distinction. Si nous ne pouvons pas faire participer les jeunes aux bons programmes pour les réadapter, nous, procureurs généraux, perdons la capacité d'assurer une justice efficace, une justice qui protège les gens.
J'aurais une ou deux autres observations générales à faire qui ne sont pas liées au projet de loi.
[Français]
J'aimerais partager avec vous certaines des inquiétudes que nous éprouvons au niveau provincial.
Au sein du gouvernement du Nouveau-Brunswick, nous sommes d'avis que l'adoption de ce projet de loi ferait en sorte d'empirer la situation pour les jeunes et les citoyens de la province. Par exemple, au cours des derniers mois dans notre province, le gouvernement fédéral a coupé le Programme Option-Jeunesse. Il s'agit d'un programme d'intervention destiné aux jeunes qui sont à risque à l'intérieur du système scolaire et du milieu familial. Il permet de faire des interventions intensives afin de s'assurer qu'ils ne vont pas devenir des criminels.
[Traduction]
Si on oblige des provinces qui ne sont pas riches, comme le Nouveau-Brunswick, à dépenser de l'argent pour emprisonner des jeunes, il faudra réduire les programmes dont nous venons de parler. Comme les coupes fédérales dans des programmes comme Youth Options et des programmes intensifs comme Portage, qui nous permettent d'intervenir auprès de ceux qui ont des problèmes de drogue. S'il faut dépenser de l'argent pour mettre des gens en prison, je dirai que, au Nouveau-Brunswick, nous n'avons pas un seul dollar à consacrer à des mesures dont l'efficacité n'est pas prouvée. Vous allez nous obliger à réduire des programmes qui sont efficaces chez nous pour les problèmes de santé mentale et de drogue.
Ce serait de la négligence de ne pas vous parler du rapport de Bernard Richard, défenseur provincial des enfants et de la jeunesse, au sujet d'Ashley Smith. Il est parfois facile de se perdre dans des arguments idéologiques, mais il y a des risques à suivre la mauvaise approche en justice pour les adolescents.
Ashley était une jeune adolescente qui a été arrêtée au départ pour méfait. Elle lançait des pommettes aux gens du haut d'un arbre. Comme elle n'obéissait pas très souvent aux ordres donnés en prison, elle a été détenue dans des conditions de plus en plus sévères. Ce que nous savons maintenant d'elle, c'est que, en la confiant à un système qui n'avait pas le personnel, la formation ou les ressources pour déceler rapidement ses problèmes de santé mentale, nous ne l'avons pas aidée à se réadapter et nous n'avons pas assuré sa sécurité. Hélas, Ashley a fini par se suicider, et c'est dramatique. C'est parce que nous avons été trop prompts à la retirer d'un système doté des bonnes mesures de soutien pour la confier à un système qui ne mesure que l'obéissance aux ordres. Avec le recul, nous savons que, à cause de ses problèmes de santé mentale, cette façon de faire rendait cette issue presque inévitable.
Si nous nous trompons, il y a des gens qui meurent, que nous nous trompions en incarcérant trop lentement ou au contraire trop rapidement. Je pourrais peut-être proposer d'autres idées qui intéresseraient le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Donnons-nous deux systèmes distincts, l'un qui serait axé sur la réadaptation et l'autre où la détention et le châtiment seraient plus importants. Laissez-nous plus de latitude et non pas moins, pour orienter les jeunes vers un système et les délinquants violents vers le système pour adultes. Et collaborez avec nous. Aidez-nous à offrir les moyens d'agir. N'éliminez pas les programmes qui nous aident à intervenir auprès des jeunes, mais aidez-nous plutôt à nous doter des ressources voulues pour déceler les problèmes et intervenir, former le personnel concernant des sujets très variés comme la santé mentale, les mauvais traitements au foyer et la toxicomanie, qui peuvent mener à l'échec.
Je termine par la réflexion suivante, monsieur le président. Parfois, quand nous étudions des projets de loi comme celui-ci, nous sommes portés à prendre le mauvais exemple d'un jeune qui a mal tourné et à demander ce qui n'a pas marché. Si nous considérons les jeunes qui se sont réadaptés et demandons ce qui a bien marché, nous aurons probablement plus de chances de bien faire les choses à l'avenir. Le Nouveau-Brunswick finance des programmes qui donnent des résultats, et il ne veut pas perdre la possibilité d'appliquer ces programmes.
Là-dessus, je remercie le comité, et je suis prêt à répondre aux questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci de votre excellent exposé, monsieur le procureur général.
Je voudrais élucider un ou deux points. Vous avez un homologue fédéral, Rob Nicholson, procureur général et ministre de la Justice. C'est lui qui devrait défendre le projet de loi et comparaître ici, soutenant qu'on lui a demandé, que les procureurs généraux lui ont demandé ce genre de mesure. Trois petites questions à vous poser.
Sauf erreur, tous les procureurs généraux au Canada voulaient qu'on donne suite aux recommandations très sensées du rapport de la Commission d'enquête Nunn. On en retrouve des éléments dans ce texte de loi, mais la majeure partie du texte n'a rien à voir avec les recommandations de la commission. Il s'agit essentiellement d'un programme du gouvernement qui vise à ajouter des sanctions pénales pour adultes dans la LSJPA, comme vous l'avez dit.
Voici ma première question: estimez-vous que le projet de loi donne suite adéquatement aux recommandations Nunn et aux préoccupations des procureurs généraux au Canada, et plus spécialement à celles du Nouveau-Brunswick?
Deuxièmement, quel niveau de consultations avez-vous eues avec le procureur général du Canada?
Troisièmement, vous avez parlé de coupes fédérales directes dans un programme de Fredericton qui vous est très cher, un programme d'intervention précoce très axé sur la prévention. Par ailleurs, nous savons grâce aux travaux de Kevin Page, qui a établi les coûts de certaines mesures proposées par le gouvernement, que les coûts d'emprisonnement sont phénoménaux. Pour certaines des peines, il faudra compter sur les ressources des provinces. Or, aucune province ne nous a encore donné d'indications à ce sujet.
Comment cela touche-t-il des provinces comme le Nouveau-Brunswick? À combien estimez-vous les coûts du programme conservateur de lutte contre le crime pour votre province? Je suis parti de là ce matin. À moins de trouver du pétrole ou du gaz en mer, comment aurez-vous les moyens de payer?
Bonjour à tous présents ici, aujourd'hui.
Je m'appelle Line Lacasse et je suis accompagnée de mon mari, Luc Lacasse. Nous sommes les parents de Sébastien Lacasse qui a été assassiné le 8 août 2004 par un groupe de jeunes délinquants à Laval. Il était âgé de 19 ans seulement.
Notre fils nous a été arraché et volé avec une grande violence par une dizaine de jeunes sans scrupule et sans respect pour la vie. Il a été battu avec acharnement, poursuivi, arrosé de poivre de Cayenne, piétiné, sans qu'on lui ait donné une chance, même s'il demandait qu'on arrête, et finalement, poignardé à mort.
Aucun des 10 jeunes n'a cru bon d'appeler à l'aide. Tous sans exception ont quitté les lieux sans sentiment d'empathie pour le jeune homme qui baignait dans son sang et qui se mourait.
La vie pour nous n'aura plus jamais le même sens. Cela ne touche pas que nous, la famille proche, mais aussi les grands-parents, les oncles, les tantes, les cousins, les cousines, les amis et les voisins. La vie a basculé pour eux aussi. Sébastien était un boute-en-train, serviable, aimable, et tout le monde l'aimait.
Quand le médecin m'a dit le 7 août qu'elle ne pouvait plus rien pour Sébastien, pour moi, sa mère, c'est comme si on avait coupé une partie de mon corps. Je me suis mise en position foetale et je suis tombée dans un autre monde.
Son père, Luc, sa soeur, Julie, et moi sommes sortis à l'extérieur dans le stationnement de l'hôpital pour attendre l'arrivée de notre plus jeune fils, Maxime. Je me souviendrai toujours de son visage quand il nous a regardés de loin, après avoir compris et crié « non » avec une douleur intense. En se serrant les uns aux autres sans parler, nous savions que nous avions un long chemin de douleur, de tristesse, de colère et d'incompréhension à vivre avant de parvenir à la paix intérieure.
Des sentiments jamais jusque-là ressentis par aucun de nous ont fait surface: la colère, la rage, l'injustice, la détresse, l'esprit de vengeance et la peur.
Porter l'urne des cendres de Sébastien jusqu'à son dernier repos a été une douleur insoutenable. « Mon petit prout », comme j'aimais l'appeler, mon premier-né, n'était plus. La réalité nous a rattrapés assez vite. Maintenant, il faut apprendre à vivre avec son absence et sa mort tous les jours. La perte d'un enfant est inacceptable, surtout d'une façon si violente. En général, ce sont les parents qui devraient partir avant eux et non le contraire.
Pour ajouter à notre drame, quelques jours plus tard, certains événements inconcevables sont arrivés. Mes deux enfants, Maxime et Julie, ont reçu des menaces de toutes sortes. De plus, des balles de peinture de couleur ont été tirées sur notre maison à l'aide d'un fusil. On a cassé des vitres de notre voiture, nous avons eu des menaces d'intimidation au cours du procès. De plus, une chanson discriminatoire envers notre famille a été composée par des amis des accusés. Les paroles étaient méprisantes et très irrespectueuses à l'égard de la mort de Sébastien. Cette chanson circulait sur Internet.
Quelle est la valeur d'une vie aujourd'hui? Nous pouvons tous nous poser la question ici, autour de cette table.
Mon fils Maxime a de plus vécu deux autres expériences violentes et dangereuses qui ont mis sa vie en danger. Une des situations s'est produite en 2007, dans un stationnement près de chez nous. Rubens Alexandre, un des meurtriers de Sébastien, a menacé de battre Maxime. L'ami de Max, qui était champion canadien de boxe, s'est interposé et a avisé l'assaillant de partir, car il n'avait pas le droit de s'approcher de Maxime. L'assaillant a donc quitté et est revenu 10 minutes plus tard en fonçant dans le stationnement avec sa voiture et a tiré quelques coups de feu avec un fusil en direction de Maxime. Heureusement, il n'a pas réussi à atteindre sa cible.
Ce même Rubens Alexandre a provoqué une situation semblable à celle de Sébastien en poignardant un jeune homme de Brossard en sortant d'un bar. Ce dernier a heureusement survécu. Rubens Alexandre était accompagné de Maxime Renaud, lui aussi accusé du meurtre de Sébastien.
Depuis la mort de Sébastien, Rubens Alexandre s'est fait arrêté plusieurs fois. Maxime Renaud, pour sa part, a été arrêté pour contrefaçon de carte bancaire. Il y a trois semaines, Rubens Alexandre s'est évadé du centre de détention de Saint-Jérôme.
À la suite de tout ça, notre état de santé mentale et physique s'est détérioré: haute pression, angoisse, fatigue, impression de se battre inutilement. On se demande quand tout ça va arrêter.
Vous ne pouvez imaginer comment on peut se sentir quand on pense qu'un autre de ses enfants aurait pu mourir. La détresse dans notre famille, la peur pour Maxime, qui ne se confie pas afin de ne pas nous inquiéter, mais vit des angoisses intérieures extrêmes. J'ai subi un manque d'énergie qui m'empêchait temporairement de continuer à soutenir et aider les membres de ma famille.
Pour ajouter à l'odieux, les procédures judiciaires sont un vrai cirque. Nous avons passé trois ans de notre vie à suivre cette procédure interminable et très difficile sur le plan émotif. Nous devions revivre cette nuit d'horreur de façon répétitive, à chaque étape des procédures, pour les différents accusés dans le dossier du meurtre de notre fils. Il était très important pour nous de suivre toutes les étapes de ces procédures pour essayer de comprendre l'incompréhensible. Nous étions le corps et la voix de Sébastien, qui n'était plus là pour raconter l'histoire d'horreur qu'il avait subie. C'est une violence que même les animaux ne s'infligeraient pas entre eux. Il était important de s'assurer que les meurtriers recevraient une sentence à la hauteur de leur crime et de la gravité des gestes inhumains qu'ils avaient posés le soir du 7 août 2007. Finalement, une peine proportionnelle à la gravité de l'acte.
Il va sans dire que nous y avons laissé beaucoup de notre santé mentale et physique. Maxime, quant à lui, a quitté l'école par manque de concentration et à cause de cette trop grande peine. Julie a arrêté quelques cours temporairement pour les mêmes raisons.
L'aide apportée aux meurtriers est exceptionnelle. Ils ont droit à de l'aide médicale et psychologique et peuvent continuer leurs études tout en étant encadrés, tout cela aux frais de nos gouvernements. Toutefois, ce qui est pathétique, c'est l'aide apportée aux familles des victimes. Il n'y a aucun appui de la part de ces mêmes gouvernements, ou si peu. Ce ne sont vraiment pas les 600 $ offerts par le gouvernement qui peuvent nous aider à faire face aux problèmes financiers créés par une telle situation. Nous avons plutôt le sentiment qu'on manque de respect à notre égard et que nous ne sommes pas importants pour nos élus. Finalement, ce montant est dérisoire et représente un affront face à la famille éprouvée. Nous sommes laissés à nous-mêmes avec notre peine et tous les problèmes et soucis qui s'ensuivent.
Pour ce qui est des problèmes financiers, nous avons moins de revenus. Je ne pouvais pas travailler pour des raisons de santé. Luc travaillait moins afin de suivre le procès. Ce manque d'argent a fini par nous causer des soucis supplémentaires qui n'étaient vraiment pas nécessaires à ce moment-là. Heureusement que l’Association des Familles de Personnes Assassinées ou Disparues, l'AFPAD, existe. Elle nous a aidés et accompagnés au cours des procédures judiciaires. Nous avons également la chance d'avoir un ami avocat, qui nous a soutenu tout au long des procédures, et la famille, naturellement.
La « Loi Sébastien », en mémoire de notre fils et en l'honneur de notre détermination, nous met un peu de baume au coeur. C'est gratifiant et rassurant de voir qu'un gouvernement se penche sur ce problème. Pour nous, le plus important est que ces gens aient pris le temps de nous écouter, d'entendre toute notre histoire pendant des heures, histoire que je vous ai résumée ici aujourd'hui à cette table. Je peux vous affirmer que ce n'est que le quart de ce que nous avons réellement vécu.
Je sais que d'autres gouvernements se penchent beaucoup sur les statistiques, mais dites-vous bien qu'une seule vie perdue est déjà une vie de trop. Je ne souhaite à personne ici de vivre un tel drame. Je mets au défi toute maman ou tout papa qui a traversé une telle épreuve de s'opposer à ce projet de loi. Je peux vous assurer que si votre fils ou fille était battu à mort et tué aussi violemment, vous voteriez sans hésiter en faveur de ce projet de loi, qui permettra entre autres de punir des assassins, et ce, proportionnellement à la violence des actes qu'ils ont commis.
J'ai reçu une belle éducation. Mes parents m'ont toujours dit que dans la vie, nous subissions toujours les conséquences de nos actes. Aujourd'hui, avec le système qui prévaut, le message communiqué aux jeunes est qu'il n'y a pas vraiment de conséquences graves s'ils tuent quelqu'un ou le blessent gravement. La violence est banalisée, un peu comme dans un jeu vidéo.
Je trouve donc essentiel de renforcer la , entre autres pour qu'il soit possible de détenir les adolescents en attente de leur procès. Si cette loi avait été en vigueur, nous n'aurions pas subi l'odieux d'attendre dans un corridor avec les accusés.
Imaginez deux secondes que vous attendez à la porte avant d'entrer à la Cour et que les accusés du meurtre de votre fils attendent en ligne avec vous, et qu'en plus ces derniers peuvent pénétrer dans la salle sans fouille, alors que la famille de la victime et tous ceux qui l'accompagnent doivent passer à la fouille complète. C'est vraiment inconcevable à mes yeux. Il faut se rappeler que cette loi se rapporte à des crimes très graves.
J'aimerais revenir à mon fils Sébastien, qui est décédé des suites d'actes d'une grande violence. Son meurtrier, Maxime Labonté, alors âgé de 17 ans et huit mois et qui l'a poignardé à plusieurs reprises, a reçu une sentence à vie pour meurtre sans préméditation et sera admissible à une libération conditionnelle après sept ans d'incarcération. Il sera ainsi admissible à une libération conditionnelle en août 2011. Il va s'en dire que nous aurons à contester cette demande, qui sera fort probable dans son cas. Nous devrons donc l'affronter à nouveau et nous devrons convaincre les décideurs de ne pas laisser sortir ce criminel.
J'aimerais terminer en vous faisant réaliser que la famille a une sentence et une peine à vie quand elle perd un être cher de façon aussi cruelle et odieuse. Donc, si nous pouvons améliorer notre système de justice, soyons respectueux de la vie et sachons préserver la sécurité de tous en votant pour que ce projet de loi soit en vigueur le plus tôt possible. C'est évident que ça ne me ramènera jamais mon fils, mais au moins sa mort et son drame auront servi à quelque chose pour la société.
Merci de votre écoute.