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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 023 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 juin 2010

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Nous tenons aujourd'hui la 23e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. J'aimerais préciser, pour le compte rendu, que nous sommes le jeudi 10 juin 2010. La réunion est télévisée.
    Vous avez en main l'ordre du jour. Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-4, la Loi de Sébastien, Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
    Nous entendrons plusieurs témoins, qui nous donneront un coup de main pour l'examen de la loi. En premier lieu, nous accueillerons Bernard Richard, qui représente le Bureau de l'ombudsman du Nouveau-Brunswick.
    Ensuite, ce sera Katherine Vandergrift, qui représente la Coalition canadienne pour les droits des enfants, qui prendra la parole.
    Par la suite, nous entendrons Cécile Toutant, qui représente l'Institut Philippe-Pinel de Montréal.
    Et, pour terminer, nous aurons Miguel LeBlanc et Merri-Lee Hanson, qui représentent l'Association des travailleurs sociaux du Nouveau-Brunswick.
    Bienvenue à vous tous.
    Chaque organisation a droit à un exposé de dix minutes; nous passerons ensuite aux questions.
    Pourriez-vous commencer, s'il vous plaît, monsieur Richard?

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Cela me fait bien sûr plaisir de participer à cette séance et à vos délibérations en ce qui concerne le projet de loi C-4.
    J'ai déjà envoyé une soumission écrite, un mémoire, et je n'ai pas l'intention d'en faire la lecture ni même d'en faire le survol. Je vais tout simplement résumer mes inquiétudes face au projet de loi, pour laisser autant de temps que possible à mes collègues et pour les échanges avec les membres du comité.

[Traduction]

    J'aimerais d'abord vous parler un peu du travail que nous faisons, pour vous situer.
    Je suis un défenseur des droits des enfants et des jeunes ainsi que l'ombudsman au Nouveau-Brunswick et, en ce moment, le commissaire à l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels. J'espère qu'il y aura un autre commissaire pour cette fonction bientôt.
    Depuis environ novembre 2006, je travaille sur des cas relatifs à des jeunes et à des enfants, y compris des jeunes qui sont visés par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et par des mesures du système judiciaire. Alors notre expérience est très concrète. Plusieurs personnes travaillent avec moi — des avocats, des travailleurs sociaux et d'autres personnes dans différents domaines. Nous intervenons dans différents cas. Nous participons à des conférences de cas et rencontrons des familles et des jeunes. Nous avons donc une bonne expérience sur le terrain.
    De plus, nous avons publié deux rapports assez récemment. Il y a deux ans, nous avons publié un rapport intitulé Connexions et déconnexion, qui était vraiment axé sur les jeunes ayant des problèmes de santé mentale et de graves troubles du comportement ainsi que sur leur expérience et celle de leur famille pour ce qui est des fournisseurs de services au Nouveau-Brunswick. Nous avons fait une série de recommandations. Nous avons suivi sept jeunes et leurs familles. Les jeunes souffraient de diverses affections, y compris du trouble bipolaire, d'autisme ou de troubles du spectre autistique ainsi que de schizophrénie. Malheureusement, un des jeunes s'est suicidé. Mais nous avons suivi la situation des autres pendant deux ans. Nous avons rencontré leurs familles et nous avons publié un rapport présentant des recommandations.
    Nous avons aussi consacré passablement d'énergie et de ressources à l'examen des trois années qu'Ashley Smith — que vous connaissez — a passées dans notre Centre pour jeunes du Nouveau-Brunswick. Elle a fait des allées et venues pendant trois ans — la plupart du temps elle était dans le centre. Nous avons examiné 6 000 pages de documents et regardé 40 heures de séquences vidéo. J'ai affecté cinq enquêteurs à ce cas. Ce qui s'est passé est tragique; comme vous le savez, elle est morte au sein du système fédéral. Mais un bon nombre de problèmes dans ce système étaient similaires à ceux que l'on trouve dans le système provincial.
    Pendant ces trois ans, Ashley a passé les deux tiers de son temps isolée, c'est-à-dire en isolement cellulaire dans une cellule de 8 par 10, environ 23 heures sur 24, et la cellule était éclairée 24 heures sur 24. Si elle ne souffrait pas de maladie mentale lorsqu'elle y est arrivée, c'était sûrement le cas lorsqu'elle en est sortie — et c'est ce qui me serait arrivé aussi, monsieur le président, si je puis dire.
    Elle a dû faire face à 501 accusations d'infractions disciplinaires pendant ces 3 ans et à 70 accusations au criminel pendant toute son existence; plus de la moitié des incidents ont eu lieu à l'intérieur des établissements, pas à l'extérieur. Elle a tenté 168 fois de se faire du mal et elle a reçu des décharges de Taser à deux reprises avant l'âge de 19 ans, dans une prison pour adultes, pendant qu'elle attendait son transfert vers un établissement fédéral.
    Nous avons fait 25 recommandations dans ce rapport.
    Je crois que nous avons une assez bonne idée de la manière dont ça marche sur le terrain. C'est en partant de ce principe que j'ai accepté votre invitation à comparaître.
     Je sais que les opinions varient beaucoup concernant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. En fait, au cours d'une réunion, j'ai entendu que l'abréviation du titre anglais de la loi, YCJA, pouvait signifier, selon les points de vue, « you can justify anything » — vous pouvez justifier n'importe quoi — ou « you can't jail anyone » — vous ne pouvez pas emprisonner n'importe qui. Je crois que je me situe quelque part entre ces deux définitions, mais j'aimerais que vous n'ayez aucun doute sur ce que je vais vous dire. C'est une nouvelle loi. On m'a dit qu'elle avait été créée pour régler une situation particulière dans le contexte de la Loi sur les jeunes contrevenants, soit le fait que le Canada avait le taux d'incarcération des jeunes le plus élevé au monde. En tout cas, il était extrêmement élevé. Ça a fonctionné, du moins si on regarde la situation aujourd'hui. Selon la recherche de Nicholas Bala et d'autres, la tendance est maintenant définitivement vers la réduction de la criminalité juvénile. L'incarcération des jeunes est aussi en baisse. Cela signifie des économies, sur le plan financier évidemment, mais aussi sur le plan des coûts affectifs pour les familles. Chaque jeune est le fils ou la fille de quelqu'un.
(1115)
    Ça ne fait pas assez longtemps que cela est en place, à mon avis. C'est une loi qui existe depuis sept ans. J'ai travaillé récemment sur la Loi sur les Indiens, qui existe depuis beaucoup plus longtemps que cela; sept ans, c'est très court pour une loi, et j'ai peur que ces changements soient prématurés.
    Des consultations importantes ont eu lieu en 2008. J'y ai participé et j'ai rencontré le ministre Nicholson en août 2008, au Nouveau-Brunswick. Je sais que mes commentaires n'étaient qu'une fraction de ce qui s'est dit à l'échelle nationale. Je n'ai pas encore reçu les résultats de ces consultations. Je crois qu'il serait essentiel que les membres du comité aient accès à cette information. Il est difficile pour vous de prendre une décision concernant une loi sans savoir ce que des milliers — à tout le moins des centaines — de Canadiens avaient à dire à ce sujet. Dans le cadre de la séance à laquelle j'ai assisté à Moncton, il y avait des associations de gardiens de prison, de policiers, de psychiatres et de travailleurs sociaux. Le groupe était très diversifié, et les gens avaient beaucoup de choses à dire. Je crois que vous auriez vraiment avantage à obtenir ces renseignements. Je sais que des rapports ont été rédigés, mais aucun n'a été publié. Alors, j'aimerais savoir ce qui s'est dit tout au long de ces consultations. Un consultant — Roger Bilodeau — a été engagé pour rédiger un rapport et animer les séances.
    J'ajouterais que nous n'avons pas utilisé de manière optimale la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Je crois que c'est parce que cette loi n'existe que depuis très peu de temps.

[Français]

    Dans le cas du Nouveau-Brunswick, par exemple, la partie de la loi qui permet l'utilisation de conférences relatives à des cas est très peu utilisée.
     Récemment, Justice Canada a demandé à mon bureau d'entreprendre une analyse de l'utilisation de la loi au Nouveau-Brunswick en vue de créer un modèle qui nous permettrait de mieux utiliser les éléments déjà existants mais très peu connus en raison du caractère récent de la loi.
     Il me semble qu'il faudrait explorer davantage les possibilités que présente la loi telle qu'elle existe maintenant avant de procéder à des changements qui sont quand même assez significatifs.
    Je n'irai pas dans les détails, parce que ma thèse principale est qu'on va beaucoup trop rapidement. Il faudrait davantage analyser ce qui a déjà été fait et davantage déterminer si cela fonctionne ou non. Ce qui intéresse les membres du comité et la population canadienne, selon moi, ce sont les résultats à la fin du processus.

[Traduction]

    Ce qui nous intéresse, ce sont les résultats, c'est le fait d'avoir des résultats très réels et concrets. Alors si vous ne pouvez pas bénéficier d'une analyse complète de ce qui a eu lieu jusqu'à maintenant en rapport avec cette loi, je crois que vous prenez le risque de nous ramener à ce qui se passait du temps de la Loi sur les jeunes contrevenants, aux taux d'incarcération élevés, et tout serait à recommencer. C'est mon inquiétude.
    J'éprouve beaucoup de compassion pour Sébastien et sa famille ainsi que pour les autres qui sont victimes de crimes. En tant qu'ombudsman, je suis souvent appelé aussi à défendre leur cause. Ce qui m'a préoccupé quand j'ai vu ce cas, c'est que c'est une histoire très tragique. Mais comme nous utilisons l'expression « Loi de Sébastien », je me demande quand nous parlerons de la « Loi d'Ashley », une loi pour ceux qui sont victimes du système de justice pénale. Ashley a demandé désespérément de l'aide, et sa situation s'est progressivement détériorée à l'intérieur du système.
    Des milliers de jeunes Canadiens souffrent de maladies mentales, de graves troubles du comportement et de dépendances et font leur entrée dans le système de justice pénale; mais on devrait plutôt leur donner des traitements, on ne devrait pas les incarcérer. C'est inévitable, l'incarcération empire leur situation. Le système de justice, y compris le système carcéral, n'a tout simplement pas ce qu'il faut pour s'occuper de ce type de jeunes.
    J'ai peur qu'en incarcérant un plus grand nombre de ces jeunes, nous nous retrouvions avec des jeunes qui sont confus, qui souffrent de toutes sortes de maux ou qui font tout simplement des erreurs de jugement... Et je dirais qu'à l'extérieur de cette salle, la plupart des jeunes font parfois des erreurs de jugement, mais elles ne sont pas aussi graves que... Moi je sais que j'en ai fait. Même si j'ai dit « à l'extérieur de cette salle », je peux vous avouer que lorsque j'étais adolescent... Et j'ai quatre fils qui ont déjà été des adolescents, et je suis heureux qu'ils soient maintenant des adultes. Mais il est certain qu'ils ont fait des erreurs.
    Je vais clore là-dessus, monsieur le président.
    Je vous demanderais d'examiner attentivement notre cheminement. J'ai peur qu'en considérant des cas très médiatisés de crimes violents perpétrés par des jeunes pour modifier ce qui, à mon avis, est une loi innovatrice et très progressiste, nous fassions une erreur et nous obtenions des résultats inadéquats. C'est mon inquiétude.
    Merci, monsieur le président.
(1120)
    Merci.
    Nous allons passer à Mme Vandergrift pour 10 minutes.
    Je ferai ressortir certains faits saillants du mémoire que vous avez devant vous je crois, et je serai heureuse de répondre aux questions sur le reste de son contenu également.
    Le projet de loi C-4 est appelé Loi de Sébastien en mémoire d'un adolescent tué par un autre adolescent. Mais il ne faut pas oublier non plus d'autres enfants comme AB et Ashley Smith. AB est l'enfant qui est au coeur des travaux de la commission Nunn, dont s'inspire ce projet de loi. C'était un garçon aux prises avec des difficultés d'apprentissage qui avait perdu tout contrôle sur sa vie, comme l'indique le titre du rapport de la commission, et il a fait la manchette après avoir tué une femme à Halifax alors qu'il se baladait au volant d'une voiture volée. Vous venez d'entendre plus de détails sur l'histoire d'Ashley Smith, une jeune fille qui avait des problèmes de santé mentale et qui est décédée dans un centre de détention fédéral.
    Ces adolescents avaient tous un point en commun: ils ont été impliqués dans des activités criminelles après être passés à travers les mailles du filet de services d'aide aux enfants dans le besoin, ces services étant insuffisants, sporadiques et mal coordonnés. Améliorer cette situation est le principal défi que doit relever le Canada actuellement. Un groupe d'adolescents aux prises avec ce système en a parlé directement à des députés lors d'un forum que nous avons parrainé en 2007. Si vous lisiez le rapport de cette consultation, nous sommes convaincus que vous accorderiez la priorité à l'intervention précoce. Plusieurs de nos membres ont pris part à ces séances un peu partout au pays, et nous espérons que vous veillerez à lire leur rapport.
    Je tiens à le mentionner parce que le projet de loi C-4 n'apporte pas grand-chose qui puisse apaiser nos principales préoccupations relativement au système judiciaire pour les jeunes au Canada.
    Une des façons d'assurer l'équilibre entre les divers intérêts consiste à examiner les principes sur le système judiciaire pour les jeunes qui figurent dans la Convention relative aux droits des enfants. C'est là notre principale contribution à l'étude du projet de loi C-4, donc j'aimerais explorer divers aspects de ce projet de loi en rapport avec la convention, que le Canada a ratifié en 1991.
    Commençons par les principes de base. La protection du public, qui a été recommandée par la commission Nunn, peut être assurée sans que nous ayons à changer les autres principes de base. Je veux vous faire remarquer que les révisions proposées dans le projet de loi C-4 modifient la façon dont les jeunes doivent répondre de leurs actes et l'importance accordée à la prévention selon une approche qui va à l'encontre de la Convention relative aux droits des enfants et de l'ensemble du rapport de la commission Nunn. Si vous lisez intégralement le rapport, vous constaterez que le renforcement de la protection du public n'implique aucune modification aux autres principes. C'est également la recommandation de la Coalition canadienne pour les droits des enfants.
    Nous nous réjouissons que le projet de loi C-4 contienne un bon principe, celui de « la culpabilité morale moins élevée », qui a été établi par la Cour suprême. Il y a cependant un autre principe qui est désormais reconnu par la Cour suprême, et dont votre comité devrait tenir compte, celui de « l'intérêt supérieur de l'enfant ».
    Dans son jugement sur l'affaire Omar Khadr, la Cour suprême a conclu que « l'intérêt supérieur de l'enfant » était une question de justice fondamentale au Canada. Nous suggérons que ce principe devienne également un principe directeur du système de justice applicable aux adolescents.
    En 2003, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a demandé au Canada d'intégrer le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant dans la réforme de ses lois qui ont une incidence sur les enfants. L'année dernière, le Canada s'est engagé auprès du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à mieux remplir ses obligations internationales. C'est l'occasion rêvée de respecter cet engagement.
    Dans son préambule, la LSJPA renvoie à la convention ainsi qu'au principe de l'intérêt de l'adolescent dans un des articles. Nous recommandons que l'intérêt supérieur de l'enfant devienne une considération primordiale dans toutes les décisions de notre système de justice qui concernent les enfants.
    Pour ce qui est de la détention avant procès, la convention — c'est-à-dire la Convention relative aux droits des enfants — contient des dispositions très précises sur la détention. Elle énonce deux critères: la détention doit être une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible. Je voudrais vous faire remarquer que la définition des critères du projet de loi C-4 et celle de notions telles que « infraction grave » sont loin de correspondre à ces critères.
(1125)
    En 2007, en réponse à une importante étude sur les droits de l'enfant, le gouvernement a déclaré que toutes les lois sont examinées afin d'assurer leur conformité à la convention. Je suggère au comité de demander à consulter l'analyse du projet de loi C-4 en lien avec la Convention relative aux droits des enfants. Si une analyse approfondie a effectivement été menée, j'imagine qu'elle doit recommander une définition plus précise des critères qui s'appliquent à la détention avant procès.
    Notre deuxième préoccupation est la qualité inégale des services fournis aux adolescents dans les centres de détention d'un bout à l'autre du pays. Nous vous suggérons d'aborder ce problème dans votre étude de la partie du projet de loi C-4 qui porte sur ce sujet.
    Passons maintenant aux principes de détermination de la peine. Aucune preuve n'a été présentée pour démontrer l'efficacité des mesures dissuasives dans le cas des adolescents. Le recours à la dénonciation n'est pas une pratique compatible avec la reconnaissance de l'atténuation de la responsabilité morale des adolescents. Nous recommandons la radiation de cette disposition.
    Le quatrième volet que nous voulons examiner touche les mesures et sanctions extrajudiciaires. Dans ce domaine, la LSJPA donne de bons résultats et contribue à assurer des interventions précoces et appropriées qui permettent de rediriger les adolescents vers d'autres ressources. La disposition proposée dans le projet de loi C-4 entraînerait des délais nuisibles et l'ajout de nouveaux règlements. Nous vous suggérons de laisser tomber ce qui est proposé concernant les mesures et sanctions extrajudiciaires, parce que c'est contre-productif compte tenu du but visé qui est de recourir à des interventions précoces et appropriées auprès des adolescents en conflit avec la loi.
    Le cinquième point se rapporte aux peines pour adultes infligées aux jeunes contrevenants. Une autre disposition intéressante du projet de loi C-4 est celle qui impose le fardeau de la preuve au procureur de la Couronne plutôt qu'à l'avocat de l'adolescent. Par contre, exiger des procureurs de la Couronne qu'ils envisagent des peines pour adultes pour toutes les infractions avec violence et qu'ils justifient leur décision de ne pas recommander ce genre de peine complique indûment la loi. La meilleure façon d'atteindre le but ultime, qui est l'intervention précoce et appropriée, consiste à leur laisser la liberté de prendre cette décision plutôt que d'ajouter des mesures compliquées qui risquent de prolonger le processus. Nous voulons également souligner que le fait de permettre aux provinces d'établir différents niveaux d'âge pour l'éventuelle application de peines pour adultes contrevient à la disposition fondamentale de la Convention relative aux droits de l'enfant qui oblige à traiter tous les enfants de manière équitable.
    En 2003, le Canada a été prié par le comité des Nations Unies de réviser les mesures prises pour garantir le traitement équitable dans un certain nombre de domaines. Le gouvernement n'a pas tenu compte de cette demande dans ses troisième et quatrième rapports au comité. Le gouvernement fédéral est tenu de garantir le traitement équitable des enfants dans tout le pays. Cela doit faire partie des mesures que le Canada s'est engagé à prendre pour mieux remplir ses obligations internationales. Le Parlement ne devrait pas adopter une nouvelle loi qui consacre un traitement inéquitable. En 2003, le comité des Nations Unies a recommandé que le Canada modifie les règles de droit applicables aux adolescents pour veiller à ce qu'aucun individu de moins de 18 ans ne soit jugé comme un adulte.
    Nous formulons des recommandations précises qui sont conformes à la Convention relative aux droits des enfants. Le sixième point que nous voulons aborder est le lieu de détention. Le projet de loi C-4 propose une autre mesure appropriée, c'est-à-dire que les adolescents purgent leurs peines dans des établissements pour les jeunes. Nous aimerions seulement proposer l'ajout de critères pour définir ce qu'est un établissement pour jeunes. La convention mentionne que l'établissement doit tenir compte des besoins d'une personne de son âge. Ce n'est pas nécessairement le cas de tous les établissements du Canada. Il n'y a actuellement aucune directive à ce sujet.
    Le dernier point est la publication des noms. Nous sommes encore une fois heureux que le projet de loi C-4 se conforme au jugement de la Cour suprême relativement au fardeau de la preuve dans la question de la publication des noms. Toutefois, nous recommandons une révision de cette disposition conformément à l'alinéa 40(2)b) de la Convention relative aux droits des enfants, qui stipule que le droit à la vie privée de chaque enfant doit être pleinement respecté.
    Enfin, vous trouverez dans notre mémoire la liste des recommandations que le Canada a reçue en 2003 du comité des Nations Unies. Nous espérons qu'au terme de l'étude du projet de loi C-4, le comité prendra le temps d'examiner les recommandations faites au Canada et les façons dont nous pouvons améliorer notre système de justice pour les adolescents de façon à se conformer aux normes internationales qui sont établies.
(1130)
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Passons à Miguel LeBlanc. Vous avez 10 minutes.
    J'aimerais profiter de l'occasion pour vous remercier, au nom de l'Association des travailleurs sociaux du Nouveau-Brunswick, de nous avoir invités à témoigner devant votre comité à propos de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    Je m'appelle Miguel LeBlanc et je suis le directeur général de l'ATSNB. Je suis accompagné de Merri-Lee Hanson, qui siège à notre conseil d'administration et qui est aussi travailleuse sociale en santé mentale.
    Nous avons deux mandats. L'un a trait à une fonction de réglementation qui consiste à protéger le public. Nous contrôlons donc les pratiques liées au travail social au Nouveau-Brunswick. L'autre concerne la promotion de notre profession, c'est-à-dire la promotion du rôle des travailleurs sociaux, mais également la défense de lois et de politiques sociales ainsi que la formulation de recommandations à cet égard.
    L'association compte actuellement 1 600 travailleurs sociaux au Nouveau-Brunswick. Je ne crois pas me tromper en affirmant que les travailleurs sociaux, pas seulement au Nouveau-Brunswick mais partout au Canada, reconnaissent que le travail auprès d'adolescents est difficile. Toutefois, les travailleurs sociaux reconnaissent également que les adolescents ont une excellente chance d'être réintégrés à la communauté et de devenir des membres productifs de la communauté. Nous avons commencé à lire certaines des modifications apportées à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, lesquelles nous ont beaucoup inquiétés.
    Je vais vous parler un peu de nos inquiétudes, puis je vais donner la parole à ma collègue, qui vous entretiendra des façons dont nous pouvons nous améliorer.
    La publication du nom des jeunes contrevenants nous inquiète. Les articles à ce sujet nous inquiètent énormément. Le but visé par l'ajout de la possibilité d'éliminer l'ordonnance de non-publication concernant les adolescents n'est pas dans l'intérêt de la communauté et de l'adolescent concerné. Le fait d'accepter cette modification ostracisera davantage les jeunes contrevenants et nuira au processus de réadaptation et de réintégration de ces adolescents.
    Une fois que les adolescents ont purgé leur peine, nous devons nous demander comment nous pouvons honnêtement espérer qu'ils seront en mesure de réintégrer la communauté si tous leurs renseignements sont rendus publics. Le fait d'accepter cette modification ne fera qu'aggraver les problèmes qui réduiront au minimum la capacité des adolescents de s'adapter de nouveau à leur communauté et de la réintégrer. Le fait est que nous avons besoin que ces personnes fassent partie de la communauté.
    Selon l'énoncé figurant à la page 15 du résumé législatif du projet de loi C-4, le tribunal doit alors tenir compte de l'intérêt public et de l'importance de la réadaptation de l'adolescent. Nous soutenons que le fait de privilégier l'importance de la réadaptation et de la réintégration de l'adolescent est dans l'intérêt public.
    Nous sommes très satisfaits de l'article selon lequel l'adolescent ne doit pas purger sa peine dans un établissement pour adulte. Nous sommes d'avis que les adolescents ne sont pas censés se retrouver dans des établissements pour adultes. L'un des problèmes contre lequel nous aimerions vous mettre en garde, par contre, c'est que si vous décidez d'adopter cet article, je ne suis pas encore convaincu que nos provinces disposent de toutes les ressources nécessaires, tant du côté des infrastructures que des services. L'application de cet article nécessitera un certain engagement financier de la part du gouvernement fédéral. Nous nous réjouissons de cet article, mais si vous le mettez en application, vous devez garantir que le financement et l'argent retourneront aux provinces.
    En ce qui concerne la dénonciation et la dissuasion, nous comprenons l'objectif visé par l'article 7, mais nous devons nous rappeler qu'il s'agit de jeunes âgés de 12 à 17 ans. Il est généralement reconnu que les adolescents n'ont pas la même maturité émotionnelle que les adultes. Il faut donc comprendre que les conséquences et les répercussions de certains actes ne sont pas les mêmes chez les adolescents et les adultes. Je veux dire, c'est très clair. Nous avons tous été adolescents.
    Nous sommes donc enclins à croire et à affirmer qu'il nous faut continuer d'examiner des solutions en vue de prévenir les raisons pour lesquelles les adolescents commettent des crimes. Cela signifie que nous devons commencer à déployer des efforts axés sur la prévention. Mais pour ce qui est adolescents qui commettent des crimes pendant qu'ils purgent leur peine, nous devons leur fournir les moyens adéquats leur permettant d'être réintégrés. Il faut offrir des services de travailleurs sociaux, en ce qui nous concerne, mais également les services d'autres professionnels de la santé.
(1135)
    Ce que je trouve intéressant, c'est que le taux de criminalité au Canada est en fait à la baisse, tant pour les crimes avec violence que pour les crimes sans violence. Je n'arrive donc pas à comprendre le raisonnement derrière le fait d'appliquer des méthodes plus punitives plutôt que de rendre les services plus souples.
    J'oserais dire que la plupart des travailleurs sociaux au Nouveau-Brunswick et partout au Canada s'inquiètent de certaines des modifications qui sont faites. Comme le soutient l'Association du Barreau canadien, ces changements ne feront qu'augmenter le nombre d'adolescents en prison, alors pourquoi ne pas utiliser cet investissement et le redonner à la communauté?
    L'intérêt public réside dans la réintégration à long terme de ces adolescents dans la communauté. L'objectif visé c'est qu'ils deviendront des membres productifs de la communauté si nous leur offrons les services nécessaires. Voilà l'idée de base que nous voulons présenter.
    Je vais maintenant donner la parole à ma collègue, qui vous parlera de la façon dont les adolescents peuvent devenir des membres productifs.
    L'ATSNB partage l'avis du gouvernement fédéral selon lequel les jeunes contrevenants doivent être tenus responsables de leurs actes; cependant, il existe des difficultés liées à l'inclusion de mécanismes de responsabilisation assortis d'une approche équilibrée et juste qui comprendra des processus visant à prévenir les crimes...
    Madame Hanson, pourriez-vous ralentir un peu?
    Certainement.
    Et lorsque des crimes sont commis, nous devons savoir comment nous pouvons réadapter et réintégrer les jeunes contrevenants après qu'ils ont purgé leur peine. L'ATSNB recommande de renouveler l'investissement dans les méthodes préventives axées sur les communautés. Il est généralement reconnu que plus les dépenses sont importantes au début des efforts de prévention, plus les avantages à long terme surpasseront les investissements initiaux.
    Deuxièmement, l'ATSNB recommande que des investissements plus importants soient faits pour traiter les jeunes contrevenants souffrant de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Par exemple, j'encourage vivement le comité à examiner le rapport sur Ashley Smith publié par Bernard Richard, un défenseur respecté qui s'occupe des enfants et des adolescents.
    Selon l'honorable Rob Nicholson, le projet de loi C-4 est une approche équilibrée qui comprend des éléments de prévention, d'application et de réadaptation; cependant, comme nous en avons parlé précédemment, l'ATSNB est d'avis que certaines modifications, et particulièrement celles concernant la réadaptation, sont insuffisantes.
    Je suis travailleuse sociale et je travaille avec les personnes vulnérables de notre communauté. C'est la nature de notre profession de la santé. Dans leurs démarches en vue d'instaurer des mesures législatives nécessaires, les travailleurs sociaux s'efforcent de fournir une approche équilibrée qui tient compte de tous les facteurs relatifs au respect par une personne des lois qui orientent notre façon de vivre comme Canadiens. Le rapport Nunn est souvent cité comme l'une des sources d'inspiration des modifications qui sont présentées. M. Nicholson a lui-même dit, cependant, que ce projet de loi allait beaucoup plus loin que ce que renferme le rapport Nunn. Il a affirmé que ce projet de loi visait un certain type de personnes et un certain type de crimes. Les travailleurs sociaux de première ligne s'inquiètent du fait que ceux qui ne sont pas directement concernés par le projet de loi subiront les conséquences d'une approche qui se veut plus punitive.
    Il est important de comprendre que cette modification ne réglera pas l'impulsivité des adolescents ni leur capacité intellectuelle de voir et de prédire les conséquences de leurs actes. Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants, la jeune histoire du système de justice pour les jeunes au Canada a été axée sur l'importance de considérer un adolescent non pas comme un criminel, mais comme une personne mal encadrée. On s'est attardé à l'examen des facteurs qui ont contribué au comportement criminel plutôt qu'au fait de punir l'adolescent. Bien que cela ait mené à une approche plus équilibrée et judiciaire au fil des années, l'étape vers l'utilisation de la dénonciation et de la dissuasion tourne son dos à la prise en compte des facteurs sociaux qui jouent si souvent un rôle dans l'activité criminelle des adolescents.
    Nous devons nous souvenir de la réflexion selon laquelle les adolescents ont besoin de considérations spéciales en raison de leur manque de maturité. Nous devons être en mesure d'obtenir l'attention des adolescents afin de créer un environnement de changement. Il est important de reconnaître qu'il est extrêmement rare qu'une approche punitive en réponse à un mauvais comportement entraîne un changement. L'incarcération n'enseigne aucune compétence.
    En raison de facteurs individuels, un petit groupe d'adolescents réagiront aux recommandations qui sont faites; cependant, cela ne tient pas compte des vraies raisons pour lesquelles les adolescents se retrouvent souvent impliqués dans le système de justice pénale au départ, notamment les conflits familiaux, les problèmes de santé mentale, les problèmes de développement ou les traumatismes liés au développement.
    Recommander le recours à la dénonciation et à la dissuasion dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents va à l'encontre de ce que les défenseurs de la santé mentale et des enfants affirment jour après jour partout au pays. Les travailleurs sociaux parlent souvent de honte, de la honte de vivre dans la pauvreté ou de souffrir de maladies mentales; dans ce cas-ci, c'est la honte qui vient du fait d'avoir été impliqué dans le système judiciaire. En faisant des modifications qui pourraient augmenter les effets indésirables du système de justice pénale sur les adolescents, nous ne sommes pas en train de créer un système axé sur la réadaptation.
    Enfin, j'aimerais vous mettre en garde contre l'élaboration de changements législatifs qui se fondent sur des cas extrêmes. Le cas de Sébastien, de qui le projet tient son nom, illustre mon point. Utiliser ce cas extrême pour nommer un tel projet de loi suscite des émotions plutôt qu'un débat sur le bien-fondé des modifications. Je crois que l'élaboration de politiques sociales et économiques doit être débattue d'un point de vue qui se veut sensé et équilibré. Or, le fait de recourir à des cas extrêmes pour promouvoir les changements à apporter à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, comme ça semble être le cas dans cette situation, ne se traduira pas par un bon texte législatif.
    Encore une fois, au nom des travailleurs sociaux du Nouveau-Brunswick, j'aimerais vous remercier d'avoir pris le temps d'écouter nos recommandations.
(1140)
    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à Mme Toutant.

[Français]

    J'aimerais commencer en vous posant une question. Je vous ai soumis un mémoire, mais j'aimerais commencer par une question différente. Je vous regarde, et je ne pense pas me tromper en disant que vous êtes des parents, et peut-être même des grands-parents — en effet, c'est plus probable.
    Une voix: Coupable.
    Mme Cécile Toutant: Coupable, n'est-ce pas?
    Je vous demande donc ce que vous souhaiteriez comme système de justice juvénile si votre enfant ou votre petit-enfant avait commis un délit violent. Vous êtes peut-être tous en train de vous dire que ça ne peut pas arriver à votre famille.
    Je travaille depuis 40 ans à l'Institut Philippe-Pinel de Montréal. Jusqu'à présent, on a accueilli plus de 1 000 adolescents âgés de 14 à 18 ans — je n'ai pas compté à l'unité près — qui avaient commis des délits violents. On a eu des jeunes qui avaient commis des meurtres, dont certains sont très connus, et des jeunes qui avaient commis d'autres gestes violents, comme des agressions sexuelles.
    Je ne parlerai pas tout de suite de la réadaptation. Je parlerai plutôt de leur famille. Il est incorrect de croire que les jeunes qui commettent des délits violents proviennent toujours de familles totalement désorganisées où on ne s'occupe pas des enfants. C'est faux.
    Je suis très touchée par le fait qu'on ait appelé ce projet de loi la Loi de Sébastien. L'adolescent qui a commis le délit a séjourné pendant plusieurs mois dans mon département. Même s'il a bien sûr commis un geste excessivement grave, je peux vous dire que durant l'année et demie qu'il a passée avec nous, on a travaillé avec lui, et il y a des choses que ce jeune a réalisées. Malgré ça, on l'a envoyé au pénitencier pour purger sa peine perpétuelle.
    Est-ce que l'assujettissement à une peine pour adultes a permis une meilleure protection de la société dans ce cas? Moi, je vous dirais que non. Vous pouvez avoir une opinion différente, mais je vous dirais quand même que non. Il est incorrect de penser que ses parents ne se préoccupaient pas de lui. Je pense que les parents étaient aussi bouleversés que beaucoup de gens de son entourage.
    Il faudrait tous nous imaginer que c'est notre enfant. Je vais vous dire ce que je voudrais si c'était mon enfant ou mon petit-fils qui se faisait arrêter. Je voudrais, bien sûr, que les gens tiennent compte de la gravité de son geste, qu'il ait assommé ou tué des gens. Je ne pense pas qu'on puisse mettre cet aspect de côté pour seulement s'occuper des besoins de l'adolescent. Par contre, j'espérerais qu'on s'occupe de ses besoins et qu'on tienne compte du fait qu'un adolescent n'est pas un adulte, qu'il n'a pas la maturité d'un adulte, qu'il n'a pas la capacité de juger sans impliquer ses émotions, comme certains adultes — il y a des adultes qui ne sont pas capables, eux non plus, de juger comme il faut. Les adolescents en général sont plus émotifs, et leur dimension affective prend plus de place. Ils commettent des gestes extrêmes; ils font ce que j'appelle souvent des délits pas élégants. Un adulte tue avec une arme à feu, alors qu'un adolescent assomme des gens et pose des gestes qui nous font réagir. On trouve ces gestes horribles. C'est que les adolescents ne commettent pas leurs délits avec des armes à feu. Ils réagissent plutôt en situation d'émotivité, et ils commettent des délits marquants.
    Si j'avais à définir le système juvénile que je souhaite avoir pour mes enfants, pour les enfants canadiens, je demanderais premièrement qu'on tienne davantage compte des besoins des adolescents lorsqu'il est question d'imposer des mesures. Je voudrais qu'on tienne compte du délit et qu'on tienne compte des besoins.
    En 1993, on remettait en question la Loi sur les jeunes contrevenants qui existait depuis... Excusez-moi. On en était à sa création, puisqu'elle a été adoptée... Quoi qu'il en soit, on en était à remettre cette loi en question.
(1145)
     La Loi sur les jeunes délinquants de 1908 faisait du système de justice un système de service social. Le juge était le père de famille et déterminait quelle était la meilleure mesure à prendre. À un moment donné, on s'est dit que c'en était assez et qu'on allait rendre les adolescents un peu plus responsables. On a donc mis en vigueur la Loi sur les jeunes contrevenants en 1984. À cette époque, on a commencé à mettre de côté les besoins des adolescents. On se disait qu'on allait les responsabiliser et protéger le public.
    En 1993, un jugement de la Cour suprême a été rendu au sujet de ce qu'on a appelé l'affaire M. (J.J.). Les juges ont statué qu'il fallait tenir compte des besoins de l'adolescent dans la détermination du placement et non seulement du délit, même si ceci se traduit par une peine plus sévère.
    Je m'explique. On est passé à l'autre extrême. Dans bien des cas, on se rend compte que les mesures prises sont de trop courte durée. Ce sont des mesures en escalier. On laisse le jeune très longtemps dans la communauté. On se rend compte en effet, en ce qui concerne les institutions qui reçoivent les jeunes en rééducation, qu'on attend beaucoup trop longtemps. On les laisse se détériorer. Il faut appliquer la bonne mesure, au bon moment, en tenant compte du délit commis et des besoins. Il est très important de tenir compte des besoins. Ça implique qu'à l'égard d'un adolescent qui souffre de troubles du comportement ou de santé mentale, on intervienne de la bonne façon.
    En fin de compte, à quoi tient la protection du public? On se dirige de plus en plus vers des principes qui prônent la protection du public. À mon avis, si vous voulez protéger le public, il faut essayer de traiter la personne qui fait des victimes. Si vous placez cette personne dans un centre de détention et que vous tentez de corriger ses difficultés, vous allez tout simplement manquer votre coup.
    Qu'est-ce qu'un centre de détention pour adultes? Je vais comparer un tel centre à un centre de détention ou de réadaptation juvénile. Je vais vous dire ce qui se passe dans mon domaine. Les adolescents vivent avec les éducateurs. Ils font des activités avec eux et les rencontrent. Les éducateurs sont un peu comme des parents. La rééducation, c'est comme l'éducation. Les valeurs doivent être communiquées au quotidien. Par exemple, si un jeune qui sert la nourriture lors des repas donne tous les meilleurs morceaux à ses amis et les restes à ceux qu'il n'aime pas, en n'intervenant pas, je le laisse exercer le pouvoir de violenter à sa façon ceux qu'il n'aime pas. Il a du pouvoir sur les autres. Dans un milieu de rééducation, on intervient dans ce genre de situation, on arrête ce type de comportement. La rééducation se passe au quotidien.
    Dans un centre de détention pour adultes, c'est le contraire qui se passe. Ce n'est pas parce que les gens qui y travaillent ne veulent rien faire. Ils veulent aider les détenus, mais le milieu ne le leur permet pas.
    Je m'explique. Un détenu qui est incarcéré dans une aile qui compte 150 détenus prend des cours, pendant une heure le matin, sur la façon de gérer sa violence, sur les issues possibles autres que le comportement agressif. Il revient ensuite dans son aile, et c'est alors la loi du plus fort qui prévaut. Il y a un gardien dans une petite cabine de verre, que j'appelle un aquarium. Il est dans son coin et n'influence pas le quotidien des détenus.
    Dans les pénitenciers pour adultes, le quotidien est un monde d'exploitation. Si vous en doutez, demandez à des gens qui y travaillent. Ils vont vous dire comment ça se passe. Ils ont toutes les difficultés du monde à obtenir un milieu thérapeutique. Le fait de considérer utile le fait que certains jeunes soient détenus dans des centres de détention pour adultes est une erreur.
(1150)
    La justice pour les jeunes doit rester une justice pour les jeunes; elle ne doit pas être calquée sur le système destiné aux adultes. On doit tenir compte de leurs besoins.
    En ce qui concerne la publication des noms, y a-t-il quelqu'un autour de cette table qui croit deux secondes que le fait de publier le nom des délinquants aiderait ces derniers à se réadapter, que ça les empêcherait de récidiver? Selon moi, c'est le contraire qui risque de se passer. Dans bien des cas, les grands délinquants sont très contents de voir leur nom paraître dans le journal. Ils se donnent en quelque sorte des notes. Ce n'est absolument pas une mesure de prévention ou de responsabilisation.
    Je termine ici ma présentation. Je vais répondre aux questions, s'il y en a.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Je pense que nous allons commencer par M. Murphy, pour sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier tous les témoins. Me Richard est parmi nous. Nous avons ici le rapport sur le dossier d'Ashley Smith et celui de Howard Sapers qui traite du même cas. C'est du bon travail. À ce sujet, je veux remercier Me Richard.
    J'aimerais émettre quelques commentaires, pour commencer.
(1155)

[Traduction]

    Au comité, nous nous creusons la tête pour trouver ce qui constituerait de bons changements à apporter à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Beaucoup d'entre eux figurent dans le rapport de la commission Nunn, qui est la raison d'être de l'examen. Il importe de souligner que six des 34 recommandations concernaient le durcissement de la loi et cette loi ne répond qu'à quelques-unes d'entre elles. C'est le point de départ de la discussion ici. Nombre des autres points sont sujets à débat et nous avons entendu des témoignages à leur sujet, mais je vais recueillir le point de vue général du présent groupe de témoins, à commencer par Me Richard.
    Ce que le comité n'a pas encore compris jusqu'ici, c'est qu'il y a une différence entre les adultes et les jeunes. C'est la raison d'être d'une Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Comme l'a dit Mme Vandergrift, cette loi repose sur la convention des Nations Unies, et il faut donc partir de là. Mais d'après la preuve, pour les gens qui sont en première ligne... M. Doob a mentionné que certaines modifications touchant des moyens de dissuasion particuliers, par exemple, ne fonctionnent pas dans le cas des adolescents parce que, a-t-il dit, les adolescents n'anticipent pas dès le départ les conséquences de leurs actes comme peut le faire un adulte capable de représentation mentale.
    De plus, il énonce brillamment l'idée que les moyens individuels de dissuasion issus de ces amendements font la fausse promesse au public que le juge, par le prononcé d'une sentence, peut les faire opérer à l'égard de l'adolescent; or, les données révèlent que les adolescents sont différents et ne réagissent pas aux moyens spécifiques de dissuasion de la même façon que les adultes.
    Enfin, nous avons entendu des témoignages selon lesquels certains jeunes peuvent voir dans l'ordonnance de non-publication un symbole de courage, un symbole d'honneur — quelque chose qu'ils aiment. Si on lève l'ordonnance de non-publication, la conséquence pourrait être à l'opposé du but recherché.
    Donc, les questions portent généralement sur ce en quoi les adolescents sont différents. Qu'est-ce que les panélistes ont à dire à ce sujet?
    Je pense à deux choses en particulier, maître Richard. Vous avez affirmé devant ce comité que Me Bilodeau avait fait un rapport suite aux tables rondes qui ont été tenues partout au pays. Nous n'avons pas en main ces rapports, bien que nous les ayons demandés. Si vous me dites que ces rapports ont été rédigés mais qu'ils n'ont pas encore été publiés ou transmis, je me demande sérieusement ce que les deux secrétaires parlementaires ici présents ont à dire sur le pourquoi de cet état de choses. Mais je reviendrai là-dessus plus tard.
    Quand vous avez participé à la table ronde du mois d'août 2008 à Moncton — Moncton est parfois le lieu où surviennent de forts bonnes choses, je crois...
    Une voix: Ou Cap-Pelé.
    M. Brian Murphy: Ou Cap-Pelé, peut-être.
    Quels étaient les points négatifs de ces amendements?
    Deuxièmement, votre travail avec Ashley Smith sur la santé mentale. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur le bon travail accompli par le juge Brien au Nouveau-Brunswick et sur le projet pilote de l'Ontario, au sujet duquel il conviendrait d'encourager le gouvernement d'aller de l'avant. Il s'agit précisément d'un projet pilote de tribunal de la santé mentale.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer par la dernière question, et ensuite je suis sûr que j'aurai oublié la première.
    J'ai eu l'occasion de visiter le tribunal de la santé mentale pour les jeunes ici même, à Ottawa. Je le recommande fortement aux membres du comité, parce que son approche est entièrement différente. Il est financé par Justice Canada et j'ai rencontré le juge qui préside. C'est en face de l'hôtel Lord Elgin, à deux pas d'ici à peine.
    On y a adopté une approche multidisciplinaire et très semblable à celle du tribunal du juge Green, à Saint John, au Nouveau-Brunswick, qui demeure un projet pilote après dix années d'existence. J'ai déploré publiquement qu'il en soit toujours au stade de projet pilote. Le tribunal de la santé mentale cherche à identifier les contrevenants qui sont atteints de maladie mentale ou qui présentent des troubles du comportement graves. Ils sont traités de façon très différente. On s'efforce généralement de leur épargner le système de justice pénale formel pour leur offrir des soins et du soutien.
    Prenons le cas du tribunal du juge Green, par exemple. Quatre-vingt cinq pourcent de ceux qui comparaissent devant ce tribunal ne récidivent pas. Il serait intéressant de voir des chiffres sur les cas de récidive parmi les contrevenants qui sont traités différemment dans le système de justice formel. Je crois que le nombre de récidives serait beaucoup plus élevé. Je pense donc qu'il existe de très bons modèles qui sont encore relativement nouveaux. La loi est nouvelle, comme je l'ai dit. J'ai déjà été moi-même un élu et j'ai fait partie de plusieurs comités semblables. Je crois de la plus haute importance que les membres du comité reçoivent tout le plus d'informations possible. J'ai siégé pendant la consultation de Moncton. Je ne peux pas affirmer que je sais ce qui s'est dit dans l'ensemble du pays, mais à Moncton, en tout cas, on est d'avis, même chez certains responsables de l'application de la loi, que le système en place ne fonctionne pas. Souvent, ils ne savent pas quoi faire. Au cours de notre recherche pour Connecting the Dots et le rapport Ashley Smith, des juges nous ont souvent dit qu'ils avaient fort peu d'options. J'ai exprimé mon inquiétude au sujet de la présence au Centre pour jeunes du Nouveau-Brunswick d'un plus grand nombre de prisonniers adultes que de jeunes, en ce moment même.
    Deux nouvelles prisons sont en construction au Nouveau-Brunswick et si vous adoptez ces amendements, je suppose qu'on en construira encore plus. Le coût sera refilé aux provinces, de sorte qu'en ces temps de difficultés économiques et financières, tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral, on consacrera d'importantes ressources à la construction de prisons et au recrutement de gardiens pour obtenir en fin de compte le résultat opposé à celui recherché. Je pense que cela a été dit à la table ronde de Moncton. Je ne sais pas si Bilodeau a rédigé le rapport. Il faisait office de facilitateur, mais on m'a bel et bien dit que Justice Canada avait en main un rapport. Vous auriez sûrement avantage à l'avoir pour être le mieux informés possible avant de procéder au vote sur les amendements.
(1200)
    Merci.
    Je donne la parole à M. Ménard.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Richard, de votre présentation.
    Vous nous avez appris que vous aviez participé à des consultations du ministère de la Justice sur les modifications à apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants. Vous avez évidemment pris connaissance des suggestions qui ont été faites au ministre. Combien de réunions de ce type avez-vous eues?
    J'ai assisté à la réunion qui a été organisée à Moncton. Le ministre Nicholson est allé partout au Canada avec le consultant qui avait été embauché, soit Me Bilodeau. Je n'ai assisté qu'à une seule réunion.
    Je dois dire que j'ai quand même tenu des consultations avec les autres défenseurs des enfants partout au Canada, y compris Mme Godin, de la Commission des droits de la personne du Québec, et aussi avec mes collègues des autres provinces.
    Quand vous lisez le projet de loi C-4, sentez-vous qu'il tient compte des consultations auxquelles vous avez assisté?
    Non, certainement pas les miennes. D'après ce que j'ai entendu de la plupart de mes collègues, même si ce n'était pas la même chose partout au Canada, cela ne tient pas compte de ce qu'a dit la très grande majorité des participants qui ont assisté à la consultation de Moncton.
    Vous nous avez dit aussi que M. Roger Bilodeau avait été chargé d'écrire un résumé de ces consultations. Est-ce exact?
    Je veux être clair: Me Bilodeau agissait comme facilitateur lors des séances de consultation. Je ne suis pas certain s'il a écrit le rapport, mais on m'a dit de très bonne source au ministère de la Justice qu'un rapport existait au ministère.
    Donc, il existe un rapport, mais vous ne l'avez pas vu.
    À ma connaissance, il existe un rapport, mais je ne l'ai pas vu.
    D'autres personnes ici ont-elles assisté à ces consultations faites par le ministre?

[Traduction]

    Pas moi personnellement, mais des membres de notre coalition y ont participé et c'est l'une des raisons pour lesquelles ils souhaitaient être parmi nous aujourd'hui. Certains ont participé aux travaux à Toronto, d'autres en Colombie-Britannique, et ils étaient eux aussi d'avis que de nombreux points de vue avaient été exprimés, et il leur avait semblé, à entendre les propos échangés, que les opinions n'allaient pas majoritairement dans le sens de ce projet de loi. Ils voulaient donc que nous disions ce que nous avons dit ici, à savoir que ce serait important que vous le sachiez.
    Et j'ajouterais que les développements survenus dans le domaine de la justice juvénile internationale reposent sur une collecte de preuves. Lors d'une récente conférence au Brésil, on a examiné ce qui se faisait de mieux dans le monde. Justice Canada y était et certains de nos membres également. On élabore ailleurs des pratiques exemplaires que nous aurions avantage à examiner et dont nous devrions nous inspirer pour nous appuyer sur des assises solides.
    On ne voit de traces ni de la preuve internationale ni de la preuve recueillie au Canada dans ce projet de loi. Et je peux vous dire qu'au cours des séances auxquelles nos membres ont participé, ce sont la prévention précoce et l'élargissement de la gamme de services en réponse aux besoins des jeunes qui sont ressortis comme étant les besoins les plus criants.
(1205)
    Notre organisation n'y a pas assisté comme telle, mais je sais que certains travailleurs sociaux qui en sont membres l'ont fait. J'ajouterais toutefois que je suis très contrarié d'apprendre qu'il existerait un rapport publié que le comité n'a même pas, lui qui a pour tâche de définir et d'élaborer des amendements à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    Je crois important de dire qu'en première ligne, on semble s'entendre, chez la majorité des professionnels de la santé, sur la stérilité d'une démarche se limitant à mettre les jeunes en prison sans leur fournir les services dont ils ont besoin, parce que, à long terme, quand ils réintégreront la collectivité après avoir purgé leur peine, il est probable qu'ils récidiveront s'ils ne bénéficient pas de services de prévention appropriés. Le taux de réussite des tribunaux de la santé mentale est de 85 p. 100 de non-récidive chez les jeunes, une statistique impressionnante que le comité examinera de près, je l'espère.
    Merci.

[Français]

    Madame Toutant, on nous a dit que le ministre est en effet allé consulter au Québec. Il a choisi la date significative du 26 juin.
    Celui qui vient?
    Non, pas celui qui vient, mais celui qui est passé. Il a mené ses consultations le 26 juin. J'imagine que c'est un amateur de festivals, comme il y en a beaucoup à ce moment-là au Québec.
    Quoi qu'il en soit, avez-vous assisté à ces consultations?
    Non, personnellement, je n'y ai pas assisté. Je n'oserais pas dire qu'on n'était pas invités. Je dois vous dire que dans le réseau au Québec, les premiers interpellés en matière de justice juvénile sont avant tout les centres jeunesse. Je crois que vous avez entendu ici des représentants des centres jeunesse. Peut-être qu'eux sont allés. L'Institut Philippe-Pinel a un département pour adolescents, mais comme on est dans un hôpital, on est un peu sur la voie de service parfois pour ce qui est des invitations.
    Je ne blâme personne parce que je me dis que même si je n'en n'ai pas entendu parler, je sais très bien ce que les centres jeunesse et les autres organismes au Québec pensent de la loi et quel message ils ont livré.
    Peut-être que vos collègues des autres provinces devraient être éclairés à ce sujet. L'Institut Philippe-Pinel n'est pas un institut qui se consacre aux jeunes contrevenants. Il se consacre à toutes les personnes qui ont commis des crimes parce qu'elles souffraient de maladies mentales. Comme vous le dites, c'est d'abord un hôpital, et en tant qu'hôpital qui se consacre à ce type de comportements, vous recevez aussi des jeunes qui ont grandement besoin de soins médicaux.
    J'aimerais préciser une chose. En effet, c'est un hôpital psychiatrique sécuritaire. On reçoit des adolescents qui ont commis des crimes violents et qui ont des troubles psychologiques ou psychiatriques. On n'accueille pas seulement des jeunes qui souffrent, par exemple, de schizophrénie, mais aussi beaucoup de jeunes qui ont des troubles de contrôle, des troubles explosifs intermittents. En ce sens, les jeunes n'y sont pas toujours admis parce qu'ils ont des troubles mentaux avérés dans le DSM ou déclarés par des diagnostics psychiatriques.

[Traduction]

    Merci.
    Je donne la parole à M. Comartin pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour leur présence ici.
    Monsieur Richard, je vais commencer par vous. Vous dites que ce projet de loi est prématuré. Avez-vous estimé le temps qu'il faudrait que la loi soit en place pour en connaître les conséquences avant de pouvoir envisager d'apporter des modifications?
    À mon avis, il faut compter au moins dix ans, après quoi il faudrait procéder à des consultations, à une analyse des statistiques afin de voir le genre de résultats qu'aurait donnés l'application de cette loi.
    Je dirais aussi que beaucoup de parties de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ne sont pas bien appliquées partout au pays. Je sais, par exemple, que la mise sur pied de groupes consultatifs se fait de façon très inégale au pays, de sorte que cette mesure qui consiste à réunir des gens de différents horizons professionnels et de différents services pour évaluer, par exemple, un jeune qui a un problème de santé mentale ou de graves problèmes de comportement, pourra donner des résultats entièrement différents. Le suivi sera entièrement différent, les services et les soins offerts aussi, et les résultats des expériences poursuivies tant ici à Ottawa qu'à Saint John, au Nouveau-Brunswick, sont tout à fait éloquents.
    Ce qui me préoccupe, c'est que nous consacrions tellement d'argent à la réponse punitive et formelle à la criminalité des jeunes qu'il ne restera plus de ressources pour financer les solutions de rechange, les mesures extrajudiciaires, comme on les appelle dans la loi.
(1210)
    Bien, je reviendrai sur ce dernier point dans un instant.
    Madame Vandergrift, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit à propos de la Convention relative aux droits de l'enfant et de l'analyse qui aurait dû être faite. Savez-vous si, au cours des séances tenues dans votre région — et dans la vôtre, monsieur Richard, celles qui ont été tenues à Moncton —, on a présenté des exposés à ce sujet que le ministère de la Justice pourrait prendre en compte? Savez-vous si cela est arrivé dans les assemblées publiques?
    Je l'aurais certainement fait. Notre travail s'appuie sur la convention, que le Canada a ratifiée.
    Mais avez-vous soulevé la question au cours de cette séance?
    Oui, absolument.
    Très bien.
    Madame Vandergrift, êtes-vous au courant, dans le cas de l'Ontario?
    Je ne peux dire avec certitude si nos membres travaillent en application de la convention, mais ce que je veux faire ressortir ici est que, quand nous avons fait part de nos préoccupations au sujet de la façon dont la convention est mise en oeuvre au Canada, on nous a dit qu'une analyse était effectuée avant que les projets de loi soient soumis au Cabinet. Vous devriez demander à en voir une.
    Monsieur le président, pour donner suite à cette idée, puis-je vous demander de communiquer avec le ministère ou avec le cabinet du ministre pour dire que si une analyse a été effectuée, il conviendrait que le comité en reçoive copie, et si aucune analyse n'a été faite, demander pourquoi?
    Nous demanderons à la greffière de le faire. Il nous faut des explications, car tout porte à croire qu'il y a eu consultation. Il semblerait que M. Bilodeau en ait été l'animateur et qu'un rapport ait été préparé et publié, selon M. Leblanc. Je ne pense pas que ce soit le cas. Il nous faut clarifier ce point, j'en conviens, monsieur Comartin, donc nous vous reviendrons là-dessus.
    Je veux seulement que les choses soient claires. Il y a deux parties à cela. Il y a ce que M. Bilodeau ou quelqu'un d'autre du groupe a publié, mais il devrait également y avoir une analyse distincte sur la façon dont nous appliquons les responsabilités qui nous incombent en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant.
    Nous vérifierons si cette analyse a été faite et si elle a été publiée.
    Continuez, monsieur Comartin.
    Mme Vandergrift aimerait aussi en obtenir une copie.
    Une voix: Nous en voulons tous une.
    M. Joe Comartin: Monsieur Leblanc, vous avez parlé du besoin de ressources supplémentaires si ce projet de loi est adopté. Avez-vous analysé combien de délinquants adolescents de plus seraient incarcérés, dans votre province seulement, et combien de cellules et de prisons supplémentaires il faudrait dans votre province?
    La réponse courte est non, nous n'avons pas fait d'analyse. Cependant, si le projet de loi est adopté, il aura un effet punitif, ce qui fera en sorte que davantage d'adolescents seront incarcérés. Ce que nous avons pu constater, à la lecture du rapport Ashley Smith, est que cette jeune femme avait été transférée d'établissement, c'est bien ça? Je ne pense pas me tromper en disant qu'il y aura une augmentation de la population, ce qui signifie...
    Pourriez-vous au moins me donner une évaluation en pourcentage? Parlons-nous d'une augmentation de 5 p. 100 ou de 10 p. 100 du taux d'incarcération?
    Monsieur Richard?
    Je ne peux pas vous donner d'estimation. C'est trop difficile pour moi de l'évaluer, et je ne suis pas ce type de chercheur. Mais je tiens à vous confirmer, monsieur le président, qu'il y a eu des consultations. J'y étais. M. Bilodeau, qui était là également, a animé la séance, donc il n'y a pas de doute sur ces deux points.
    Pour ce qui est du troisième point, quelqu'un de mon bureau a parlé à un agent de Justice Canada il y a deux jours, et on lui a confirmé qu'il existait bel et bien un rapport, mais que celui-ci n'a pas été publié ni rendu public.

[Français]

    Madame Toutant, je vous pose la même question.
    Est-il possible d'évaluer combien de délinquants pourraient se retrouver dans les prisons du Québec si ce projet de loi fédéral était adopté?
    Je ne pense pas pouvoir vous donner un chiffre. D'ailleurs, dans les faits, je ne pense pas que l'assujettissement à des peines pour adultes ait été beaucoup utilisé. C'est une des raisons pour lesquelles on se demande pourquoi la loi actuellement en vigueur doit être modifiée.
    Tout à l'heure, j'ai parlé un peu du fait qu'elle soit appelée la Loi de Sébastien, pour illustrer une situation où on a décidé, au tribunal, d'assujettir un adolescent à une peine pour adultes. Il faut rappeler qu'au Québec, l'âge minimal est de 16 ans et non de 14 ans. Je suis très sensible à l'argument de madame qui parlait d'équité pour tous les enfants du Canada. Dans les autres provinces, je crois qu'un adolescent peut être assujetti à une peine pour adultes à l'âge de 14 ans. Je pense que vous êtes au courant de ça. Au Québec, c'est à l'âge de 16 ans, car l'Assemblée nationale du Québec en a décidé ainsi. La possibilité est présente et, à mon avis, elle doit être limitée le plus possible.
    J'ai seulement une petite remarque à formuler. Je suis très inquiète quand on dit qu'on va peut-être placer dans une aile séparée de la prison pour adultes les détenus qui ne seraient pas adultes. En d'autres mots, on va assujettir des adolescents. On va les placer dans des institutions adultes, mais les installer dans une aile à part. Il est très important de se rappeler qu'un milieu de rééducation n'est pas un milieu de détention. On garde les jeunes pour faire de la rééducation, mais ce n'est pas un milieu de détention seulement. Et ce n'est pas parce qu'on va les séparer des autres qu'on va les traiter différemment. Je ne sais pas si vous saisissez la nuance. C'est très important, selon moi.
(1215)

[Traduction]

    Merci.
    Nous passerons maintenant à M. Petit, pour sept minutes.

[Français]

    Merci. Je vais partager avec M. Dechert le temps qui m'est alloué.
    Monsieur Richard, nous avons très peu de temps. Vous êtes ombudsman au Nouveau-Brunswick, c'est bien ça? Y a-t-il beaucoup d'ombudsmen provinciaux au Canada à part vous?
    Oui, il y en a dans toutes les provinces. Au Québec, on l'appelle le « protecteur du citoyen ». Il y en a dans toutes les provinces, sauf à l'Île-du-Prince-Édouard et au Yukon.
    Tout à l'heure, vous avez soulevé un élément extrêmement important, et je pense que depuis le début, nous entendons le même argument. Vous, de même que l'ensemble des témoins, utilisez toujours le terme « maladie mentale ». On parle d'un jeune atteint d'une maladie mentale.
    Cela veut-il dire que les juges, chez vous, lorsqu'ils détectent une maladie mentale, envoient les gens en prison plutôt que dans un asile psychiatrique?
    Cela arrive certainement. Les résultats des recherches sont clairs: de plus en plus, non seulement la population jeune, mais la population adulte...
    Mais je parle de ce qui se passe dans votre province. Mon temps est très limité. Cela veut-il dire que les juges du Nouveau-Brunswick, quand un psychiatre leur dit qu'un jeune est atteint d'une maladie mentale, envoient ce jeune en prison plutôt que dans un asile psychiatrique?
    Cela arrive partout au Canada, monsieur le député, pas seulement chez nous.
    Je parle de chez vous. Vous avez l'expertise de ce qui se passe chez vous.
    Je travaille partout au Canada, j'ai des collègues partout au Canada. Je suis non seulement défenseur des enfants, mais aussi ombudsman ou protecteur du citoyen. Mon domaine s'étend malheureusement du berceau au cercueil. Mais, en effet, parce qu'il y a un manque de services en santé mentale — cela a été clairement établi par M. Sapers aussi dans le cas des prisons fédérales —, il y a de plus en plus de détenus qui souffrent de santé mentale dans nos prisons. Les résultats sont clairs: on n'arrive pas à offrir les services dont ils ont besoin, ce qui entraîne donc une récidive.
    Êtes-vous intervenu personnellement? Vous avez le droit comme ombudsman, la loi vous le permet, d'intervenir auprès d'un juge et de dire qu'un jeune n'ira pas en prison, mais dans un asile psychiatrique. Êtes-vous intervenu personnellement dans plusieurs cas et quel a été le résultat?
     Oui, et les juges nous ont écoutés lorsqu'on est intervenus. Oui, absolument, des avocats de mon bureau et moi-même avons comparu devant les tribunaux de la jeunesse, particulièrement, pour faire ce genre de recommandation.
    Tout à l'heure, vous avez cité un exemple dont vous aviez pris connaissance. L'Institut Philippe-Pinel de Montréal est un hôpital. Vous avez parlé par la suite d'un tribunal que vous aviez vous-même visité, soit celui de la santé mentale. Vous avez utilisé ce terme — je ne sais pas si la traduction était exacte — et vous avez dit avoir visité un tribunal de la santé mentale à Ottawa.
    Il s'agit d'une cour criminelle. C'est un projet-pilote financé par le ministère de la Justice. J'y ai passé une demi-journée et j'ai rencontré la juge, les avocats de la défense, les procureurs de la Couronne, des travailleurs sociaux et d'autres intervenants de ce tribunal.
    Étiez-vous satisfait de ce que vous avez vu?
(1220)
    L'approche est multidisciplinaire. Évidemment, il faut d'abord cibler les jeunes qui ont des troubles de santé mentale ou de comportement aigus et les orienter vers des services et du traitement plutôt que de procéder à leur incarcération. On me dit que cela fonctionne.
    Vous dites qu'actuellement, même si les juges ont devant eux une personne atteinte d'une maladie mentale, ils l'envoient en prison plutôt que dans un asile psychiatrique.
    Il faut comprendre qu'au Canada, les mêmes services n'existent pas au même niveau. Par exemple, au Nouveau-Brunswick — je connais bien la situation de ma province —, il y a un hôpital psychiatrique à Campbellton. Il y a aussi une unité psychiatrique pour adolescents à Moncton, mais très souvent, il n'y a pas suffisamment de place. Il n'y a pas de services spécialisés. D'ailleurs, on a recommandé l'établissement d'un centre spécialisé en santé mentale et en services psychiatriques pour les jeunes au Nouveau-Brunswick parce que nos jeunes, à l'heure actuelle, sont envoyés à Toronto ou même à Portland, au Maine, soit dans un autre pays, pour obtenir des services à un coût très élevé. Il n'existe souvent pas suffisamment de services et même pas les bons services au Nouveau-Brunswick. Cela me préoccupe énormément.
    Donc, si vous aviez les services dont vous parlez depuis le début et l'argent pour les offrir, trouveriez-vous que la présente loi serait correcte? Si on mettait véritablement les jeunes au bon endroit, soit dans un asile psychiatrique plutôt qu'en prison, seriez-vous favorable à la loi?
    Je pense que la loi telle qu'elle existe présentement serait davantage efficace s'il y avait des services de dépistage. D'abord, il faudrait cibler les jeunes qui ont ces besoins spécifiques. Ensuite, il faut qu'il y ait des façons efficaces d'intervenir au sujet des traitements auprès de ces jeunes.
    Par contre, vous êtes au courant qu'actuellement, la Loi sur les jeunes contrevenants permet au juge de dire que si un jeune est atteint d'une maladie mentale, il peut être placé dans un asile psychiatrique. Vous me dites que les juges ne le font pas, mais qu'ils l'envoient plutôt en prison.
    En fait, souvent, les juges n'ont pas beaucoup d'options parce que dans certaines régions du Canada et dans certaines provinces, les services n'existent tout simplement pas. C'est sûr que la loi permet beaucoup de flexibilité. Je pense que c'est tout l'avantage de cette loi. Elle apporte des bénéfices très importants.
    Si vous adoptez ces modifications, mon inquiétude est qu'on va davantage investir dans l'infrastructure, dans des prisons, plutôt que dans les services qui manquent actuellement.

[Traduction]

    Il nous reste une minute, monsieur Dechert.
    Je vais y aller très rapidement. Monsieur Richard, vous avez parlé du cas d'Ashley Smith, je pense que nous sommes tous désolés de ce qui est arrivé à cette jeune femme, et nous compatissons avec la famille. La décririez-vous comme une récidiviste violente ou une délinquante dangereuse?
    Je ne la décrirais pas ainsi. C'était une jeune femme très, très en détresse...
    Mais elle n'était pas violente.
    La plupart de ses comportements violents sont survenus en prison.
    Très bien. Selon vous, les dispositions du projet de loi C-4, que nous étudions en ce moment, se seraient-elles appliquées au cas d'Ashley Smith?
    Si nous ne nous attaquons pas aux véritables problèmes, c'est-à-dire le manque d'intervention en santé mentale et...
    Je comprends. Je vois où vous voulez en venir. C'est juste. Mais les dispositions proposées dans le projet de loi se seraient-elles appliquées à son cas, selon vous?
    Je ne...
    Diriez-vous...?
    Pouvons-nous laisser le témoin répondre à la question lui est adressée?
    C'est difficile pour moi de répondre à cette question, mais...
    Pouvez-vous répondre par oui ou non?
    Je ne peux dire oui ou non.
    Très bien, vous ne pouvez pas nous dire si l'une de ces dispositions aurait pu s'appliquer à elle.
    Pas précisément...
    Vous n'avez donc pas examiné de quelle façon les changements proposés dans le projet de loi actuel auraient pu influer sur son cas.
    Le problème, avec le cas d'Ashley, c'est qu'elle n'a pas bénéficié de services en santé mentale, et je crois que...
    Je comprends ça.
    Merci. Le temps est écoulé.
    Nous commencerons la deuxième série de questions de cinq minutes.
    Monsieur Murphy.
    Il y a beaucoup d'aspects techniques à ce projet de loi, et nous finirons par tous les passer en revue, mais nous avons, à huis clos — sans entrer dans les détails —, entendu le témoignage d'un juge qui s'y connaît. Une des préoccupations qui m'est restée après l'avoir entendu, c'est que les juges auront un rôle très important à jouer, quels que soient les amendements apportés au projet de loi.
    Vous pourriez également commencer par la déclaration. J'ai ce que j'espère être une question simple, commençant par un bref préambule, sur l'article 3, qui est la déclaration de principes, c'est-à-dire la structure même de la loi.
    Il me semble que la loi telle qu'elle est libellée énonce certains principes avec lesquels la plupart des experts seront d'accord. Le juge Nunn a recommandé que le gouvernement ajoute une disposition selon laquelle la protection du public serait l'un des principaux objectifs de la loi. Le gouvernement est passé directement en troisième vitesse, indiquant qu'il s'agissait là du principe directeur de la loi.
    J'aimerais demander à chacun des témoins ce qu'ils croient que cela signifie. Si l'on remplace l'article 3 — qui dit que l'objectif de la loi est de prévenir le crime, de réadapter et de réinsérer les adolescents, et d'assurer la prise de mesures leur offrant des perspectives positives « en vue de favoriser la protection durable du public » — pour faire de la protection du public l'un des principaux objectifs, au même titre que ceux que je viens d'énumérer, qu'en diriez-vous? Deuxièmement, croyez-vous que le gouvernement est allé trop loin en essayant d'en faire le principe directeur de la loi?
    Commençons par M. Richard.
(1225)
    Je crois que c'est un peu contradictoire avec la loi existante; c'est une approche totalement différente. Je pense que nous revenons en arrière, à l'époque où nous avions une approche axée sur les délinquants adolescents, qui faisait en sorte que nous avions un taux d'incarcération juvénile extrêmement élevé par rapport à d'autres pays développés.
    Les termes aussi sont contradictoires. Malheureusement, ça nous amène dans la mauvaise direction. Selon moi, ça ne fera que demander davantage de ressources, exiger de nouvelles infrastructures et augmenter le taux d'incarcération, sans toutefois donner le résultat recherché: la diminution du crime.
    Mais seriez-vous d'accord pour que l'on applique les changements mineurs proposés par le juge Nunn, de sorte que le résultat deviendrait un des principes de la loi, au même titre que la prévention, la réadaptation et la prise de mesures? Pourriez-vous accepter ce changement?
    Je pense vraiment que nous allons dans la mauvaise direction, et je ne pense pas que ce soit là l'objectif d'une loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. La législation actuelle prévoit déjà des façons de préserver la sécurité du public. Je crois que l'un des membres a dit que les juges jouissaient déjà d'une grande marge de manoeuvre, et que les procureurs bénéficiaient aussi d'une certaine marge de manoeuvre quand vient le temps d'intenter des poursuites pour des actes criminels commis par des adolescents. La loi le permet déjà. On ne fait que couper les cheveux en quatre, selon moi.
    Je crois qu'il nous reste environ 30 secondes chacun, si vous voulez bien respecter cela.
    J'aimerais revenir sur les discussions de la commission Nunn à propos de la protection à court et à long terme. Je pense que c'est important, si on l'ajoute. De plus, le rapport de la commission Nunn contenait des recommandations à cet égard, qui n'ont pas du tout été prises en considération. Je pense qu'elles sont très importantes, puisqu'elles parlent d'autres sujets d'obligations.
     Je pense que ce serait correct de l'ajouter, mais pour autant que la nouvelle disposition reflète bien le point de vue de la commission Nunn.
    Je suis davantage préoccupée par la reformulation des concepts de responsabilisation et de prévention. Ce qui a été réécrit est inacceptable.
    Dans votre présentation, je n'ai pas compris si vous pensiez qu'une analyse du projet de loi C-4 avait été faite par le ministère de la Justice avec la collaboration d'un fonctionnaire afin de déterminer s'il est conforme à la Convention relative à la loi applicable aux droits des enfants.
    Je ne dirai pas qu'une telle analyse a été faite. Je peux vous dire que le gouvernement nous a dit qu'il s'en occupait. Nous ne sommes pas convaincus que tel est le cas, et rien n'a été rendu public.
    Merci.
    Combien de temps reste-t-il?
    Le président: Il reste une minute à partager entre deux groupes.
    Monsieur LeBlanc.
    Merci.
    En gros, incarcérer plus de jeunes au nom de la prévention du crime et de la réduction du taux de criminalité n'est absolument pas la solution parce qu'ils sortiront et qu'ils récidiveront. Nous devons fournir des services dès le départ ou après qu'ils aient purgé leur peine.
    Nous sommes préoccupés par les changements qui se produisent. Je crois que nous ne nous dirigeons pas dans la bonne direction. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents telle qu'elle est rédigée peut comporter certaines difficultés, mais je crois qu'il s'agit d'une mesure appropriée avec laquelle on peut travailler. À l'heure actuelle, sa réécriture n'est pas la bonne approche.

[Français]

    À vrai dire, je ne vis pas bien avec la modification touchant la notion de protection du public. Il s'agit de protection du public, mais non pas de protection durable. On veut faire disparaître de l'ancienne loi la notion de durabilité. À mon avis, celle-ci aide à déterminer si, avec le temps, la personne va récidiver et si on se donne les moyens pour faire en sorte qu'elle ne le fasse pas. Cette notion tenait compte de la nécessité de faire quelque chose pour la personne. À mon avis, le fait qu'on fasse disparaître la notion de protection durable est un changement majeur. Ça laisse deviner le ton qu'on veut donner à la loi.
(1230)

[Traduction]

    Merci.
    Nous entendrons M. Lemay pour cinq minutes.

[Français]

    Madame Toutant, j'ai bien lu votre mémoire. Il est très intéressant. Par contre, j'aimerais savoir ce que voulez dire quand vous mentionnez que pour les jeunes, il peut être marquant de commettre des délits voyants.
     Je veux dire que selon mon expérience, les adolescents qui commettent un meurtre, par exemple, tuent de deux ou trois façons. Ils semblent perdre totalement le contrôle. Je sais que discuter de ce sujet est un peu macabre, mais dans certains cas, les adolescents donnent 70 coups de couteau, ce qui ne se produit pratiquement jamais chez des adultes. Ces derniers prennent des moyens beaucoup plus « propres » pour commettre leur délit parce qu'ils sont habituellement plus organisés. En revanche, un adolescent qui tue dans un état d'explosion ou de désorganisation de la personnalité commet des délits d'une dureté et d'une bizarrerie parfois impressionnantes.
    J'ai traité plusieurs adolescents qui avaient tué leurs parents. Je ne vous ferai pas part des détails. C'est très impressionnant. Quand on voit de telles choses, on se dit que c'est vraiment terrible. C'est vrai, mais ça indique qu'il y a une détresse derrière tout ça et qu'il faut s'y attaquer.
    Autrement dit, ça fait en sorte que les journaux se vendent plus. C'est donc très intéressant sur le plan médiatique. Ça fait très populiste, évidemment. On s'en sert pour susciter l'intérêt de la population. Un crime comme celui où 70 coups de couteau ont été donnés est plus visible qu'un meurtre où un seul coup de fusil a été tiré. La personne se dit que le problème sera réglé, que la victime va mourir.
    C'est une bonne remarque. Je vous avoue ne jamais me l'être faite. Ça favorise la vente des journaux, en effet.
    Vous avez parlé à quelques reprises de la réadaptation au quotidien. Je voudrais que vous me disiez ce que vous entendez par là.
    J'aurais envie de vous donner un exemple de ce qui se passe en matière d'éducation. Aucun parent n'imaginerait faire asseoir son enfant pendant une heure par jour pour lui dire tout ce qu'il doit faire ou ne pas faire, puis, durant le reste de la journée, faire le contraire de ce qu'il lui a enseigné. Les parents savent intuitivement qu'un enfant apprend à partir de ce qu'on fait et non de ce qu'on dit.
    Quand un parent dit à son enfant de faire une chose alors que lui-même fait le contraire, on peut lui dire: « Practice what you preach » — au Québec, on utilise parfois cette expression anglaise. En ce sens, l'éducation ou la rééducation au quotidien se fait dans un milieu organisé autour de certaines valeurs, notamment le respect mutuel, la non-exploitation et le respect du personnel envers les adolescents. Ce n'est pas toujours facile. On parle beaucoup de rééducation, mais la mettre en pratique n'est pas simple.
    Je ne veux pas vous interrompre. Vous avez raison. Cependant, mes collègues d'en face sont très sensibles au sort des victimes.
     Dans la réadaptation au quotidien, quelle place fait-on aux victimes, selon vous?
    Habituellement, les adolescents parlent de leurs victimes après un certain temps. Je vais vous donner deux exemples. Les victimes sont parfois dans la famille. On parlait plus tôt de la maladie mentale chez les adolescents. Si j'ai du temps un peu plus tard, je pourrai peut-être aborder cette notion. Chez les adolescents, ce n'est pas toujours évident.
    Vous allez peut-être y revenir.
    Revenons-en aux victimes.
    Les victimes sont parfois dans la famille, et dans ce cas, on travaille avec elles. Quand la victime est en dehors du réseau de l'adolescent, elle ne veut pas toujours travailler avec nous. Elle pense, comme bien des gens, que si nous travaillons avec l'agresseur, nous sommes contre la victime, ce qui est faux. Quand il va mieux, l'adolescent, qui a choisi sa victime pour certaines raisons, se sent mal face à ce qu'il a fait. On revient là-dessus avec lui, et il essaie de réparer ses gestes.
    J'ai des adolescents qui tentent, par l'intermédiaire de leurs avocats qui sont plus neutres, de contacter les victimes sans les effrayer. Vous savez, quand je téléphone aux victimes pour leur dire, par exemple, que j'ai un jeune qui est ici depuis trois ans qui regrette beaucoup ce qui est arrivé et qu'il voudrait leur parler, elles n'acceptent pas toutes. On est très sensibles à ça. On le fait par l'entremise des avocats, on demande à la personne si elle souhaite entrer en contact avec l'agresseur. La victime n'est pas mise de côté, d'autant plus qu'elle est le symbole de ce qui n'allait pas chez le jeune, vu ce qui s'est passé.
(1235)

[Traduction]

    Merci.
    Nous entendrons M. Woodworth pour cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être ici.
    Il y a tant de choses que j'aimerais dire en si peu de temps. Je commencerai par simplement dire que je veux rassurer les témoins sur un point: chaque membre de ce comité a reçu le rapport sur le Symposium national sur invitation sur le renouvellement de la justice pour les jeunes. En fait, il s'agit d'un rapport détaillé qui comporte le nombre de participants, le processus, la détermination des enjeux et les éléments de preuve. Je suis convaincu que tous n'ont pas encore eu le temps de le lire, mais je vous assure que j'ai de nombreuses idées et que j'en ai trouvées une multitude dans ce rapport. J'espère qu'elles se retrouveront dans le rapport de ce comité ou du moins dans la discussion sur ce projet de loi.
    Deuxièmement, j'aimerais faire remarquer, à toutes les personnes présentes qui ont entendu ce qui s'est dit plus tôt, que lorsqu'on examine la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents actuelle, on constate qu'elle comprend déjà le principe de la promotion de la protection du public. Ce n'est pas un élément nouveau qui a été ajouté au projet de loi C-4. En outre, le projet de loi C-4 n'y accorde pas une plus grande priorité que celle qu'elle avait déjà dans la loi précédente.

[Français]

    Madame Toutant, je voudrais vous remercier. Je trouve que votre présentation était équilibrée. Je ne suis pas d'accord avec tout ce que vous avez dit, mais il y a au moins deux choses avec lesquelles je suis d'accord.
    Premièrement, dans votre mémoire, vous dites: « Actuellement on place les jeunes pour des périodes tellement courtes que tout travail de réadaptation devient impossible. » C'est vrai et c'est clair. Vous dites aussi « [o]ui au retour d'un meilleur équilibre entre l'importance donnée au délit et la personnalité et les besoins du jeune ». C'est aussi vrai et clair.

[Traduction]

    J'aurais voulu avoir plus de temps. J'aimerais poser certaines questions à Mme Vandergrift, parce que je suis assis ici jour après jour, heure après heure, et j'entends souvent des gens dire des choses que je sais n'être pas vraiment exactes. D'une certaine manière, ce n'est pas équitable parce que je suis avocat et que j'ai accès à des ressources auxquelles d'autres n'ont pas accès.
    J'aimerais commencer par vous poser une question, madame Vandergrift. Êtes-vous avocate?
    Non, je ne le suis pas, mais certains membres de notre coalition le sont.
    D'accord. Avez-vous, à tout hasard, une copie du projet de loi C-4 devant vous?
    Je n'en ai pas une devant moi, mais je l'ai lu.
    Très bien.
    Je vous demanderais simplement de faire un petit exercice avec vos avocats. Dans votre déclaration écrite, par exemple, il y a une phrase qui suggère que le projet de loi C-4 ajoute les aspects de la dénonciation et de la dissuasion et qu'il accorde la priorité à ceux-ci au détriment de la réhabilitation et des intérêts supérieurs de l'enfant.
    J'ai devant moi la clause du projet de loi C-4 dans laquelle sont ajoutées les aspects de la dénonciation et de la dissuasion. Elle se trouve à la division 7 du projet de loi C-4. Ces aspects sont ajoutés à l'article 38. En fait, ce projet de loi les ajoute à cinq autres principes et il ne leur accorde pas de priorité. D'ailleurs, il est précisément écrit qu'ils seront assujettis à l'un de ces cinq autres principes.
    J'aimerais donc que vous alliez voir ces gens qui ont écrit ce mémoire et que vous leur demandiez de référer les membres de ce comité à la disposition du projet de loi C-4 et à la partie de ce projet de loi où il est écrit que la priorité est accordée à la dénonciation et à la dissuasion. Si vous faites cela, je crois que vous constaterez qu'on ne trouve rien de tel dans le projet de loi C-4.
(1240)
    J'aimerais souligner, avec respect, que nous n'avons pas dit que la priorité était accordée à la dénonciation et à la dissuasion. Notre déclaration concernant la dénonciation disait simplement ceci: « Aucune preuve n'a été présentée pour démontrer l'efficacité des mesures dissuasives », et nous avons dit que l'ajout du recours à la dénonciation n'est pas une pratique compatible avec la reconnaissance de l'atténuation de la responsabilité morale.
    Nous n'avons jamais dit que la priorité était accordée à ces aspects. Nous n'avons jamais...
    Représentez-vous la Coalition canadienne pour les droits des enfants?
    Oui, et nous n'avons pas dit que le recours à la dénonciation était une priorité.
    Permettez-moi de vous lire un extrait de la page 2 du mémoire:
En plus des questions liées à l'efficacité, la CCDE demande à tous les députés de considérer les principes suivants comme contraires au droit international et violant la responsabilité qui leur incombe de protéger les droits des jeunes:
- ajouter le recours à la dénonciation et les mesures dissuasives aux principes concernant la détermination de la peine pour les enfants et les jeunes de moins de 18 ans;
- accorder la priorité à ces aspects au détriment de la réhabilitation et des intérêts supérieurs de l'enfant.
    Mon temps est-il déjà écoulé?
    Oui, malheureusement.
    J'aimerais vous parler plus tard, parce que ce n'est pas...
    D'accord. Vous pourrez parler plus tard. Si nous sommes le pouvons, il y aura une autre série de questions.
    Monsieur Lemay, j'invoque le Règlement.

[Français]

    Monsieur le président, je m'adresse à M. Woodworth.
    Vous avez parlé d'un rapport que les membres du comité devraient avoir. On ne l'a pas. Je ne l'ai jamais reçu. Pouvez-vous donner la référence à la greffière?

[Traduction]

    Oui, monsieur le président, il a été envoyé par l'entremise de la Ligue pour le bien-être à l'enfance du Canada, et il s'agit d'un rapport sur le Symposium national sur invitation sur le renouvellement de la justice pour les jeunes.
    Le greffier me l'a remis. J'aurais dû conserver la lettre de présentation. Il a été envoyé il y a une semaine ou deux, j'en suis convaincu, après le témoignage de la Ligue pour le bien-être à l'enfance du Canada.

[Français]

     Madame la greffière, vous allez vérifier?
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci pour ce rappel au Règlement.
    Sur le même rappel ou un rappel différent au Règlement, je crois que c'est un point important. J'avais cru comprendre que vous aviez reçu le rapport découlant des tables rondes menées dans l'ensemble du pays auquel M. Richard a fait référence. C'est ce que je croyais également.
    Vous dites très clairement que vous n'avez pas en votre possession de rapport émanant du ministère de la Justice sur les tables rondes. C'est ça?
    En fait, j'ai dit que chacun d'entre nous avions reçu un rapport sur le Symposium national sur invitation sur le renouvellement de la justice pour les jeunes.
    Je croyais qu'il s'agissait du gouvernement, mais pour éclaircir la question, vous n'avez pas de rapport du gouvernement, c'est bien ça?
    Ce rapport a été commandé par le gouvernement. Dans la partie « Contexte » de ce rapport, il est écrit que:
L'Association canadienne des chefs de police (ACCP), en partenariat avec la Ligue pour le bien-être à l'enfance du Canada (LBEC) et pour le compte de la Coalition pour la sécurité, la santé et le bien-être des communautés, a conclu e 19 mars 2008 avec Justice Canada un accord de contribution visant l'organisation du Symposium national sur invitation sur le renouvellement de la justice pour les jeunes.
    Merci.
    S'agit-il du rapport qui émane du gouvernement et qui a été rédigé dans la foulée des tables rondes qui se sont tenues à Moncton, au Nouveau-Brunswick, en août 2008, par exemple?
    Il s'agit du rapport sur le Symposium national sur invitation sur le renouvellement de la justice pour les jeunes...
    Ce n'est pas la même chose.
    Pour clarifier la question, je ne crois pas que ce soit la même chose. Je n'ai pas le rapport concernant les consultations, et le greffier n'a pas non plus un tel rapport.
    M. Brian Murphy: J'invoque le Règlement...
    Le président: Je crois que nous avons éclairci ce point.
    Monsieur Woodworth.
    Je ne crois pas que nous avons éclairci ce point, parce que je ne voulais pas dire quoi que ce soit de plus que ce que j'ai dit, c'est-à-dire que nous avons tous reçu un rapport du Symposium national sur invitation. Il a rassemblé des gens et de bonnes idées en sont ressorties. Ce n'est pas comme si nous travaillions dans le vide. C'est tout ce que je voulais dire et c'est tout ce que j'ai dit.
    C'est compris. Je crois que nous avons tous compris ça.
    Très bien, passons maintenant à la prochaine série de questions.
    Madame Mendes, prenez-vous la prochaine série?
    Ce sera plutôt M. Murphy. Je vais poser une question à la fin.
    Vous avez cinq minutes.
    Je serai bref. Tantôt, j'ai posé une question générale, mais j'aimerais maintenant parler de points particuliers, notamment la possibilité de lever l'interdiction de publication.
D'après certaines sources, ce changement pourrait être utile parce qu'il permet d'avertir les gens que des jeunes qui ont commis des crimes graves plus d'une fois vivent dans leurs communautés. Il faut en tenir compte en tant que comité. Nous avons entendu également que la publication des noms va à l'encontre des principes de réadaptation, et plus particulièrement de réintégration. On nous a même dit que le fait d'avoir leur nom publié pourrait être perçu comme un honneur par les jeunes, une récompense pour leur courage, surtout s'ils font partie de gangs, et que c'est un élément incompatible avec les objectifs de la loi.
    J'aimerais que chacun de vous se prononce là-dessus. Pour être équitable, et montrer que je ne me préoccupe pas seulement du Nouveau-Brunswick,

[Français]

je laisserai d'abord la collègue du Québec répondre.
(1245)
    Plusieurs d'entre vous parlent français, c'est agréable.
    Vous dites avoir entendu des gens parler des effets positifs de la publication des noms, mais je vous avoue que je n'y vois aucune utilité. Je vois plutôt les difficultés que ça peut apporter.
    Lorsque le jeune est arrêté et qu'il vit près du lieu où il a commis son délit, le fait de paraître dans le journal est très important. Je vous dirais que c'est valorisé pas seulement par les jeunes de gangs, mais par un jeune qui n'a jamais eu de place dans son monde, qui a toujours été rejeté. Je vais prendre l'exemple des jeunes rejetés de partout en raison de leurs caractéristiques — je ne dis pas qu'ils ne sont que des victimes. Ils sont rejetés toute leur vie pour ce qu'ils sont, et à moment donné, ils se voient dans le journal. Pour eux, c'est un avantage.
    Je ne vois que des effets négatifs à la publication des noms des adolescents dans le journal. J'aimerais entendre un jour, peut-être de votre part, de quels aspects positifs vous avez entendu parler. Les adolescents que je connais, quand ils agissent, ils ne pensent pas à ce qui va arriver après. J'approuve les commentaires de M. Anthony Doob, dont vous avez parlé tantôt; c'est tout à fait exact. La plupart du temps, les adolescents sont très impulsifs, il agissent et pensent après.

[Traduction]

    Madame Mendes.

[Français]

    Il me reste combien de temps?

[Traduction]

    Il vous reste 2 minutes et 15 secondes.

[Français]

    J'aimerais soulever deux points.

[Traduction]

    Tout d'abord, vous créez un contexte qui garantit que les jeunes n'arriveront à rien de bon une fois sortis de l'établissement. Je disais tout à l'heure que les jeunes ne comprennent pas nécessairement les conséquences à long terme de leurs actes. Si nous voulons les réadapter pour qu'ils deviennent un jour des membres productifs de la société, qu'ils obtiennent un emploi et qu'ils contribuent à l'économie locale, etc., je ne vois pas comment la publication de leur nom pourrait être utile.
    Je ne vois pas non plus en quoi la publication du nom d'un jeune dissuaderait d'autres jeunes de commettre des actes criminels, vu que leur maturité émotive n'est pas la même que celle d'un adulte. Malheureusement, ils ne comprennent pas les conséquences à long terme de leurs actes et tout le reste; ils ne pensent pas que la même chose peut leur arriver.
    J'essaie de comprendre le raisonnement. Je ne pense pas que cette façon de faire soit dans l'intérêt des jeunes ou de la communauté à long terme. Je ne crois pas que le nom de jeunes de 12 ou 14 ans devrait être publié. Ce sont des enfants.
    Ça va à l'encontre de leur intérêt, et en plus, pour des jeunes, s'il y a des préoccupations concernant la sécurité, on pourrait sûrement envisager d'autres stratégies. S'il y a des raisons valables de considérer une protection à court terme dans un cas particulier, on pourrait penser à d'autres stratégies.
    Sur le terrain, on s'efforce de trouver les meilleures pratiques et d'atteindre un juste équilibre, et c'est là-dessus que nous devrions concentrer notre attention.
    À mon avis, aucune de ces dispositions — publier le nom, inclure la dénonciation et la dissuasion, accroître la détention avant procès chez les jeunes, et la plupart des changements proposés — ne permettra de changer le comportement impulsif, irrationnel et souvent insouciant des adolescents. Je ne suis pas convaincu du tout que ces changements nous feront progresser comme nous le voulons en tant que pays, et diminueront le taux de criminalité.
    Je crois que nous pouvons vraiment faire mieux. Il faut penser davantage à long terme, j'en conviens, et ce n'est pas toujours facile. Ce serait beaucoup mieux d'investir le même niveau de ressources pour nous occuper des jeunes qui sont atteints de maladie mentale ou de troubles de comportement graves, ou qui sont toxicomanes; je parie que ces problèmes comptent pour beaucoup dans la criminalité chez les jeunes.
(1250)
    Merci.
    Monsieur Dechert, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs, quand j'ai posé mes questions tout à l'heure, je n'avais pas beaucoup de temps, et je n'ai donc pas pu vous remercier d'être venus nous présenter votre point de vue aujourd'hui. Alors j'en profite pour le faire maintenant.
    J'aimerais poser des questions à Mme Toutant. Madame Toutant, à quel âge pensez-vous que la plupart des jeunes deviennent moralement responsables de leurs actes, et de leurs crimes s'ils sont impliqués dans des crimes? À quel âge diriez-vous qu'ils deviennent moralement responsables?
    Je ne crois pas que je peux vous dire un âge précis. Ça dépend des interventions qui sont faites dans les différents cas. Je dirais qu'ils apprennent à être responsables... J'ai enchaîné dans la même langue, sans m'en apercevoir.

[Français]

    Le travail qu'on fait avec les adolescents vise justement à les rendre responsables de leurs comportements. Premièrement, on cherche à les amener à réaliser ce qui les fait agir, quelle est la dynamique derrière leur comportement d'agressivité ou leur comportement de non-respect des autres.
    Quand on enseigne à quelqu'un le pourquoi de ses comportements et qu'on lui montre comment être davantage responsable, je pense qu'à la fin du processus, cette personne est plus responsable. Y a-t-il un âge où ça apparaît? Je vous dirais qu'on devient un peu plus responsable chaque jour de sa vie. C'est vrai pour tout le monde.

[Traduction]

    D'accord, je vois. Notre système juridique fixe le seuil à 18 ans. Diriez-vous que c'est arbitraire? Pensez-vous que certains jeunes de 17 ans sont moralement responsables de leurs actes et que des jeunes de 19 ans sont moins responsables à cause de leur développement?

[Français]

    Je pense que toute décision par rapport à un âge a toujours quelque chose d'arbitraire, c'est évident.
    À un moment donné, je pense que la majorité des gens qui s'occupent du développement des êtres humains a montré que l'âge de 18 ans était l'âge moyen où un plus grand nombre de personnes sont un peu plus responsables qu'à un âge plus jeune. Vous me demandez s'il y a des gens de 19 ans qui sont moins responsables que des gens de 17 ans. Je vous dirais qu'il faut toujours considérer ça d'une façon individualisée, quand on parle des besoins, selon moi.
    Cela dit, la loi a dû établir un âge. Si vous visitiez un pénitencier demain, vous trouveriez des adultes qui sont encore des êtres irresponsables, mais ils constituent peut-être une minorité.

[Traduction]

    Croyez-vous que 18 ans est approprié comme âge limite?
    Je vous avoue que je ne me suis jamais posé la question. Je crois que oui. Je crois qu'à un moment donné il a été décidé collectivement que les gens ont plus de maturité quand ils sont un peu plus vieux, et que le seuil a été fixé à 18 ans.
    D'accord. Il me semble que vous avez dit plus tôt que vous auriez eu affaire à l'un des jeunes impliqués dans la mort de Sébastien Lacasse. Une ou deux personnes ont mentionné que ce n'était peut-être pas approprié parce que le projet de loi C-4 a été nommé en mémoire de Sébastien Lacasse. Est-ce que c'est vrai? Est-ce bien ce que vous avez dit? Vous êtes-vous occupée du cas d'un de ces jeunes?
    Oui.
    D'accord. Croyez-vous que cette personne a reçu une peine adéquate?
    C'est une très bonne question. Je crois qu'il aurait pu être pris en charge dans le système pour les jeunes. Il a été condamné à une peine d'adulte.
    Quel a été son rôle dans cette affaire? Vous en souvenez-vous?

[Français]

    Je connais le rôle que cet adolescent a joué, mais aujourd'hui, je ne veux pas donner de détails sur sa vie. Ce que je voulais dire, c'est que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents permet un placement de 10 ans — vous êtes au courant. Quand il y a un meurtre, une peine de 10 ans est possible, c'est-à-dire six ans de garde avec quatre ans de suivi.
    Vous me demandez mon opinion et je vous la donne. Personnellement, après avoir évalué cet adolescent, je pense que le système juvénile aurait très bien pu le prendre en charge, parce qu'on avait déjà commencé à travailler avec lui selon ce système, au sein duquel il a remis des choses en question.
    Malheureusement, à un certain âge, conformément à la loi, on a dû le transférer dans un pénitencier. Je pense qu'il va bien. Toutefois, le danger pour un jeune qui arrive dans un pénitencier, c'est toujours de recourir au côté de lui-même qui est plus tough et de se dire qu'il ne veut pas être une victime dans ce milieu. C'est un danger qui est très présent.
(1255)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    On m'informe que le rapport dont parlait M. Woodworth et à propos duquel M. Lemay s'informait a été diffusé au début de juin. Ce rapport a été publié par la Coalition pour la sécurité, la santé et le bien-être des communautés, et s'intitule Rapport sur le Symposium national sur invitation sur la toxicomanie chez les jeunes et le système de justice. Il n'a pas de lien avec les consultations qui ont eu lieu.
    Il reste du temps pour une dernière question. Oui, nous avons le temps.
    Monsieur Dechert.
    Merci.
    J'aimerais poser une question à Mme Vandergrift.
    Madame Vandergrift, vous avez parlé de la Convention relative aux droits de l'enfant. À votre avis, est-ce que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, telle qu'elle existe actuellement, est conforme aux exigences de cette convention?
    Pas tout à fait — il faudrait probablement faire une analyse plus détaillée là-dessus —, mais c'est un grand pas dans la bonne direction. Et c'est pourquoi nous l'avons appuyée.
    D'accord. Vous avez dit que les Nations Unies avaient fait une recommandation au Canada en 2003, n'est-ce pas?
    En 2003, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a présenté plusieurs recommandations au Canada pour qu'il applique mieux la convention. Il y avait entre autres des recommandations sur le système de justice pour les jeunes. Nous aimerions que le Canada réponde à ces recommandations. Il n'a pas répondu dans son troisième ni son quatrième rapport.
    Donc, les Nations Unies ont répondu au gouvernement du Canada en 2003, ou ont fait cette recommandation.
    Exactement.
    Est-ce que votre organisation a fait des recommandations à l'époque ou par la suite?
    Oui. Nous avons participé aux audiences devant ce comité des Nations Unies.
    Pardon, était-ce la même année, en 2003?
    Oui, en 2003.
    Donc, le gouvernement de l'époque a reçu votre recommandation...
    C'est bien cela.
    ... une recommandation où vous disiez qu'il faudrait modifier la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Mais il ne l'a pas modifiée, n'est-ce pas?
    Non.
    D'accord, je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Je dois préciser que le titre du rapport dont je parlais est Compte rendu du Symposium national sur invitation sur le renouvellement du système de justice pour les jeunes. M. Woodworth nous a demandé d'apporter cette précision.
    J'aimerais remercier les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Vos témoignages nous sont utiles dans notre étude du projet de loi C-4.
    Je vous remercie.
    La séance est levée.
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