Nous tenons aujourd'hui la 23e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. J'aimerais préciser, pour le compte rendu, que nous sommes le jeudi 10 juin 2010. La réunion est télévisée.
Vous avez en main l'ordre du jour. Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-4, la Loi de Sébastien, Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Nous entendrons plusieurs témoins, qui nous donneront un coup de main pour l'examen de la loi. En premier lieu, nous accueillerons Bernard Richard, qui représente le Bureau de l'ombudsman du Nouveau-Brunswick.
Ensuite, ce sera Katherine Vandergrift, qui représente la Coalition canadienne pour les droits des enfants, qui prendra la parole.
Par la suite, nous entendrons Cécile Toutant, qui représente l'Institut Philippe-Pinel de Montréal.
Et, pour terminer, nous aurons Miguel LeBlanc et Merri-Lee Hanson, qui représentent l'Association des travailleurs sociaux du Nouveau-Brunswick.
Bienvenue à vous tous.
Chaque organisation a droit à un exposé de dix minutes; nous passerons ensuite aux questions.
Pourriez-vous commencer, s'il vous plaît, monsieur Richard?
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Cela me fait bien sûr plaisir de participer à cette séance et à vos délibérations en ce qui concerne le projet de loi .
J'ai déjà envoyé une soumission écrite, un mémoire, et je n'ai pas l'intention d'en faire la lecture ni même d'en faire le survol. Je vais tout simplement résumer mes inquiétudes face au projet de loi, pour laisser autant de temps que possible à mes collègues et pour les échanges avec les membres du comité.
[Traduction]
J'aimerais d'abord vous parler un peu du travail que nous faisons, pour vous situer.
Je suis un défenseur des droits des enfants et des jeunes ainsi que l'ombudsman au Nouveau-Brunswick et, en ce moment, le commissaire à l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels. J'espère qu'il y aura un autre commissaire pour cette fonction bientôt.
Depuis environ novembre 2006, je travaille sur des cas relatifs à des jeunes et à des enfants, y compris des jeunes qui sont visés par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et par des mesures du système judiciaire. Alors notre expérience est très concrète. Plusieurs personnes travaillent avec moi — des avocats, des travailleurs sociaux et d'autres personnes dans différents domaines. Nous intervenons dans différents cas. Nous participons à des conférences de cas et rencontrons des familles et des jeunes. Nous avons donc une bonne expérience sur le terrain.
De plus, nous avons publié deux rapports assez récemment. Il y a deux ans, nous avons publié un rapport intitulé Connexions et déconnexion, qui était vraiment axé sur les jeunes ayant des problèmes de santé mentale et de graves troubles du comportement ainsi que sur leur expérience et celle de leur famille pour ce qui est des fournisseurs de services au Nouveau-Brunswick. Nous avons fait une série de recommandations. Nous avons suivi sept jeunes et leurs familles. Les jeunes souffraient de diverses affections, y compris du trouble bipolaire, d'autisme ou de troubles du spectre autistique ainsi que de schizophrénie. Malheureusement, un des jeunes s'est suicidé. Mais nous avons suivi la situation des autres pendant deux ans. Nous avons rencontré leurs familles et nous avons publié un rapport présentant des recommandations.
Nous avons aussi consacré passablement d'énergie et de ressources à l'examen des trois années qu'Ashley Smith — que vous connaissez — a passées dans notre Centre pour jeunes du Nouveau-Brunswick. Elle a fait des allées et venues pendant trois ans — la plupart du temps elle était dans le centre. Nous avons examiné 6 000 pages de documents et regardé 40 heures de séquences vidéo. J'ai affecté cinq enquêteurs à ce cas. Ce qui s'est passé est tragique; comme vous le savez, elle est morte au sein du système fédéral. Mais un bon nombre de problèmes dans ce système étaient similaires à ceux que l'on trouve dans le système provincial.
Pendant ces trois ans, Ashley a passé les deux tiers de son temps isolée, c'est-à-dire en isolement cellulaire dans une cellule de 8 par 10, environ 23 heures sur 24, et la cellule était éclairée 24 heures sur 24. Si elle ne souffrait pas de maladie mentale lorsqu'elle y est arrivée, c'était sûrement le cas lorsqu'elle en est sortie — et c'est ce qui me serait arrivé aussi, monsieur le président, si je puis dire.
Elle a dû faire face à 501 accusations d'infractions disciplinaires pendant ces 3 ans et à 70 accusations au criminel pendant toute son existence; plus de la moitié des incidents ont eu lieu à l'intérieur des établissements, pas à l'extérieur. Elle a tenté 168 fois de se faire du mal et elle a reçu des décharges de Taser à deux reprises avant l'âge de 19 ans, dans une prison pour adultes, pendant qu'elle attendait son transfert vers un établissement fédéral.
Nous avons fait 25 recommandations dans ce rapport.
Je crois que nous avons une assez bonne idée de la manière dont ça marche sur le terrain. C'est en partant de ce principe que j'ai accepté votre invitation à comparaître.
Je sais que les opinions varient beaucoup concernant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. En fait, au cours d'une réunion, j'ai entendu que l'abréviation du titre anglais de la loi, YCJA, pouvait signifier, selon les points de vue, « you can justify anything » — vous pouvez justifier n'importe quoi — ou « you can't jail anyone » — vous ne pouvez pas emprisonner n'importe qui. Je crois que je me situe quelque part entre ces deux définitions, mais j'aimerais que vous n'ayez aucun doute sur ce que je vais vous dire. C'est une nouvelle loi. On m'a dit qu'elle avait été créée pour régler une situation particulière dans le contexte de la Loi sur les jeunes contrevenants, soit le fait que le Canada avait le taux d'incarcération des jeunes le plus élevé au monde. En tout cas, il était extrêmement élevé. Ça a fonctionné, du moins si on regarde la situation aujourd'hui. Selon la recherche de Nicholas Bala et d'autres, la tendance est maintenant définitivement vers la réduction de la criminalité juvénile. L'incarcération des jeunes est aussi en baisse. Cela signifie des économies, sur le plan financier évidemment, mais aussi sur le plan des coûts affectifs pour les familles. Chaque jeune est le fils ou la fille de quelqu'un.
Ça ne fait pas assez longtemps que cela est en place, à mon avis. C'est une loi qui existe depuis sept ans. J'ai travaillé récemment sur la Loi sur les Indiens, qui existe depuis beaucoup plus longtemps que cela; sept ans, c'est très court pour une loi, et j'ai peur que ces changements soient prématurés.
Des consultations importantes ont eu lieu en 2008. J'y ai participé et j'ai rencontré le en août 2008, au Nouveau-Brunswick. Je sais que mes commentaires n'étaient qu'une fraction de ce qui s'est dit à l'échelle nationale. Je n'ai pas encore reçu les résultats de ces consultations. Je crois qu'il serait essentiel que les membres du comité aient accès à cette information. Il est difficile pour vous de prendre une décision concernant une loi sans savoir ce que des milliers — à tout le moins des centaines — de Canadiens avaient à dire à ce sujet. Dans le cadre de la séance à laquelle j'ai assisté à Moncton, il y avait des associations de gardiens de prison, de policiers, de psychiatres et de travailleurs sociaux. Le groupe était très diversifié, et les gens avaient beaucoup de choses à dire. Je crois que vous auriez vraiment avantage à obtenir ces renseignements. Je sais que des rapports ont été rédigés, mais aucun n'a été publié. Alors, j'aimerais savoir ce qui s'est dit tout au long de ces consultations. Un consultant — Roger Bilodeau — a été engagé pour rédiger un rapport et animer les séances.
J'ajouterais que nous n'avons pas utilisé de manière optimale la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Je crois que c'est parce que cette loi n'existe que depuis très peu de temps.
[Français]
Dans le cas du Nouveau-Brunswick, par exemple, la partie de la loi qui permet l'utilisation de conférences relatives à des cas est très peu utilisée.
Récemment, Justice Canada a demandé à mon bureau d'entreprendre une analyse de l'utilisation de la loi au Nouveau-Brunswick en vue de créer un modèle qui nous permettrait de mieux utiliser les éléments déjà existants mais très peu connus en raison du caractère récent de la loi.
Il me semble qu'il faudrait explorer davantage les possibilités que présente la loi telle qu'elle existe maintenant avant de procéder à des changements qui sont quand même assez significatifs.
Je n'irai pas dans les détails, parce que ma thèse principale est qu'on va beaucoup trop rapidement. Il faudrait davantage analyser ce qui a déjà été fait et davantage déterminer si cela fonctionne ou non. Ce qui intéresse les membres du comité et la population canadienne, selon moi, ce sont les résultats à la fin du processus.
[Traduction]
Ce qui nous intéresse, ce sont les résultats, c'est le fait d'avoir des résultats très réels et concrets. Alors si vous ne pouvez pas bénéficier d'une analyse complète de ce qui a eu lieu jusqu'à maintenant en rapport avec cette loi, je crois que vous prenez le risque de nous ramener à ce qui se passait du temps de la Loi sur les jeunes contrevenants, aux taux d'incarcération élevés, et tout serait à recommencer. C'est mon inquiétude.
J'éprouve beaucoup de compassion pour Sébastien et sa famille ainsi que pour les autres qui sont victimes de crimes. En tant qu'ombudsman, je suis souvent appelé aussi à défendre leur cause. Ce qui m'a préoccupé quand j'ai vu ce cas, c'est que c'est une histoire très tragique. Mais comme nous utilisons l'expression « Loi de Sébastien », je me demande quand nous parlerons de la « Loi d'Ashley », une loi pour ceux qui sont victimes du système de justice pénale. Ashley a demandé désespérément de l'aide, et sa situation s'est progressivement détériorée à l'intérieur du système.
Des milliers de jeunes Canadiens souffrent de maladies mentales, de graves troubles du comportement et de dépendances et font leur entrée dans le système de justice pénale; mais on devrait plutôt leur donner des traitements, on ne devrait pas les incarcérer. C'est inévitable, l'incarcération empire leur situation. Le système de justice, y compris le système carcéral, n'a tout simplement pas ce qu'il faut pour s'occuper de ce type de jeunes.
J'ai peur qu'en incarcérant un plus grand nombre de ces jeunes, nous nous retrouvions avec des jeunes qui sont confus, qui souffrent de toutes sortes de maux ou qui font tout simplement des erreurs de jugement... Et je dirais qu'à l'extérieur de cette salle, la plupart des jeunes font parfois des erreurs de jugement, mais elles ne sont pas aussi graves que... Moi je sais que j'en ai fait. Même si j'ai dit « à l'extérieur de cette salle », je peux vous avouer que lorsque j'étais adolescent... Et j'ai quatre fils qui ont déjà été des adolescents, et je suis heureux qu'ils soient maintenant des adultes. Mais il est certain qu'ils ont fait des erreurs.
Je vais clore là-dessus, monsieur le président.
Je vous demanderais d'examiner attentivement notre cheminement. J'ai peur qu'en considérant des cas très médiatisés de crimes violents perpétrés par des jeunes pour modifier ce qui, à mon avis, est une loi innovatrice et très progressiste, nous fassions une erreur et nous obtenions des résultats inadéquats. C'est mon inquiétude.
Merci, monsieur le président.
:
Merci beaucoup de me donner la parole.
Je ferai ressortir certains faits saillants du mémoire que vous avez devant vous je crois, et je serai heureuse de répondre aux questions sur le reste de son contenu également.
Le projet de loi est appelé Loi de Sébastien en mémoire d'un adolescent tué par un autre adolescent. Mais il ne faut pas oublier non plus d'autres enfants comme AB et Ashley Smith. AB est l'enfant qui est au coeur des travaux de la commission Nunn, dont s'inspire ce projet de loi. C'était un garçon aux prises avec des difficultés d'apprentissage qui avait perdu tout contrôle sur sa vie, comme l'indique le titre du rapport de la commission, et il a fait la manchette après avoir tué une femme à Halifax alors qu'il se baladait au volant d'une voiture volée. Vous venez d'entendre plus de détails sur l'histoire d'Ashley Smith, une jeune fille qui avait des problèmes de santé mentale et qui est décédée dans un centre de détention fédéral.
Ces adolescents avaient tous un point en commun: ils ont été impliqués dans des activités criminelles après être passés à travers les mailles du filet de services d'aide aux enfants dans le besoin, ces services étant insuffisants, sporadiques et mal coordonnés. Améliorer cette situation est le principal défi que doit relever le Canada actuellement. Un groupe d'adolescents aux prises avec ce système en a parlé directement à des députés lors d'un forum que nous avons parrainé en 2007. Si vous lisiez le rapport de cette consultation, nous sommes convaincus que vous accorderiez la priorité à l'intervention précoce. Plusieurs de nos membres ont pris part à ces séances un peu partout au pays, et nous espérons que vous veillerez à lire leur rapport.
Je tiens à le mentionner parce que le projet de loi C-4 n'apporte pas grand-chose qui puisse apaiser nos principales préoccupations relativement au système judiciaire pour les jeunes au Canada.
Une des façons d'assurer l'équilibre entre les divers intérêts consiste à examiner les principes sur le système judiciaire pour les jeunes qui figurent dans la Convention relative aux droits des enfants. C'est là notre principale contribution à l'étude du projet de loi C-4, donc j'aimerais explorer divers aspects de ce projet de loi en rapport avec la convention, que le Canada a ratifié en 1991.
Commençons par les principes de base. La protection du public, qui a été recommandée par la commission Nunn, peut être assurée sans que nous ayons à changer les autres principes de base. Je veux vous faire remarquer que les révisions proposées dans le projet de loi C-4 modifient la façon dont les jeunes doivent répondre de leurs actes et l'importance accordée à la prévention selon une approche qui va à l'encontre de la Convention relative aux droits des enfants et de l'ensemble du rapport de la commission Nunn. Si vous lisez intégralement le rapport, vous constaterez que le renforcement de la protection du public n'implique aucune modification aux autres principes. C'est également la recommandation de la Coalition canadienne pour les droits des enfants.
Nous nous réjouissons que le projet de loi C-4 contienne un bon principe, celui de « la culpabilité morale moins élevée », qui a été établi par la Cour suprême. Il y a cependant un autre principe qui est désormais reconnu par la Cour suprême, et dont votre comité devrait tenir compte, celui de « l'intérêt supérieur de l'enfant ».
Dans son jugement sur l'affaire Omar Khadr, la Cour suprême a conclu que « l'intérêt supérieur de l'enfant » était une question de justice fondamentale au Canada. Nous suggérons que ce principe devienne également un principe directeur du système de justice applicable aux adolescents.
En 2003, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a demandé au Canada d'intégrer le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant dans la réforme de ses lois qui ont une incidence sur les enfants. L'année dernière, le Canada s'est engagé auprès du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à mieux remplir ses obligations internationales. C'est l'occasion rêvée de respecter cet engagement.
Dans son préambule, la LSJPA renvoie à la convention ainsi qu'au principe de l'intérêt de l'adolescent dans un des articles. Nous recommandons que l'intérêt supérieur de l'enfant devienne une considération primordiale dans toutes les décisions de notre système de justice qui concernent les enfants.
Pour ce qui est de la détention avant procès, la convention — c'est-à-dire la Convention relative aux droits des enfants — contient des dispositions très précises sur la détention. Elle énonce deux critères: la détention doit être une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible. Je voudrais vous faire remarquer que la définition des critères du projet de loi C-4 et celle de notions telles que « infraction grave » sont loin de correspondre à ces critères.
En 2007, en réponse à une importante étude sur les droits de l'enfant, le gouvernement a déclaré que toutes les lois sont examinées afin d'assurer leur conformité à la convention. Je suggère au comité de demander à consulter l'analyse du projet de loi C-4 en lien avec la Convention relative aux droits des enfants. Si une analyse approfondie a effectivement été menée, j'imagine qu'elle doit recommander une définition plus précise des critères qui s'appliquent à la détention avant procès.
Notre deuxième préoccupation est la qualité inégale des services fournis aux adolescents dans les centres de détention d'un bout à l'autre du pays. Nous vous suggérons d'aborder ce problème dans votre étude de la partie du projet de loi C-4 qui porte sur ce sujet.
Passons maintenant aux principes de détermination de la peine. Aucune preuve n'a été présentée pour démontrer l'efficacité des mesures dissuasives dans le cas des adolescents. Le recours à la dénonciation n'est pas une pratique compatible avec la reconnaissance de l'atténuation de la responsabilité morale des adolescents. Nous recommandons la radiation de cette disposition.
Le quatrième volet que nous voulons examiner touche les mesures et sanctions extrajudiciaires. Dans ce domaine, la LSJPA donne de bons résultats et contribue à assurer des interventions précoces et appropriées qui permettent de rediriger les adolescents vers d'autres ressources. La disposition proposée dans le projet de loi C-4 entraînerait des délais nuisibles et l'ajout de nouveaux règlements. Nous vous suggérons de laisser tomber ce qui est proposé concernant les mesures et sanctions extrajudiciaires, parce que c'est contre-productif compte tenu du but visé qui est de recourir à des interventions précoces et appropriées auprès des adolescents en conflit avec la loi.
Le cinquième point se rapporte aux peines pour adultes infligées aux jeunes contrevenants. Une autre disposition intéressante du projet de loi C-4 est celle qui impose le fardeau de la preuve au procureur de la Couronne plutôt qu'à l'avocat de l'adolescent. Par contre, exiger des procureurs de la Couronne qu'ils envisagent des peines pour adultes pour toutes les infractions avec violence et qu'ils justifient leur décision de ne pas recommander ce genre de peine complique indûment la loi. La meilleure façon d'atteindre le but ultime, qui est l'intervention précoce et appropriée, consiste à leur laisser la liberté de prendre cette décision plutôt que d'ajouter des mesures compliquées qui risquent de prolonger le processus. Nous voulons également souligner que le fait de permettre aux provinces d'établir différents niveaux d'âge pour l'éventuelle application de peines pour adultes contrevient à la disposition fondamentale de la Convention relative aux droits de l'enfant qui oblige à traiter tous les enfants de manière équitable.
En 2003, le Canada a été prié par le comité des Nations Unies de réviser les mesures prises pour garantir le traitement équitable dans un certain nombre de domaines. Le gouvernement n'a pas tenu compte de cette demande dans ses troisième et quatrième rapports au comité. Le gouvernement fédéral est tenu de garantir le traitement équitable des enfants dans tout le pays. Cela doit faire partie des mesures que le Canada s'est engagé à prendre pour mieux remplir ses obligations internationales. Le Parlement ne devrait pas adopter une nouvelle loi qui consacre un traitement inéquitable. En 2003, le comité des Nations Unies a recommandé que le Canada modifie les règles de droit applicables aux adolescents pour veiller à ce qu'aucun individu de moins de 18 ans ne soit jugé comme un adulte.
Nous formulons des recommandations précises qui sont conformes à la Convention relative aux droits des enfants. Le sixième point que nous voulons aborder est le lieu de détention. Le projet de loi C-4 propose une autre mesure appropriée, c'est-à-dire que les adolescents purgent leurs peines dans des établissements pour les jeunes. Nous aimerions seulement proposer l'ajout de critères pour définir ce qu'est un établissement pour jeunes. La convention mentionne que l'établissement doit tenir compte des besoins d'une personne de son âge. Ce n'est pas nécessairement le cas de tous les établissements du Canada. Il n'y a actuellement aucune directive à ce sujet.
Le dernier point est la publication des noms. Nous sommes encore une fois heureux que le projet de loi C-4 se conforme au jugement de la Cour suprême relativement au fardeau de la preuve dans la question de la publication des noms. Toutefois, nous recommandons une révision de cette disposition conformément à l'alinéa 40(2)b) de la Convention relative aux droits des enfants, qui stipule que le droit à la vie privée de chaque enfant doit être pleinement respecté.
Enfin, vous trouverez dans notre mémoire la liste des recommandations que le Canada a reçue en 2003 du comité des Nations Unies. Nous espérons qu'au terme de l'étude du projet de loi C-4, le comité prendra le temps d'examiner les recommandations faites au Canada et les façons dont nous pouvons améliorer notre système de justice pour les adolescents de façon à se conformer aux normes internationales qui sont établies.
Merci.
J'aimerais profiter de l'occasion pour vous remercier, au nom de l'Association des travailleurs sociaux du Nouveau-Brunswick, de nous avoir invités à témoigner devant votre comité à propos de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Je m'appelle Miguel LeBlanc et je suis le directeur général de l'ATSNB. Je suis accompagné de Merri-Lee Hanson, qui siège à notre conseil d'administration et qui est aussi travailleuse sociale en santé mentale.
Nous avons deux mandats. L'un a trait à une fonction de réglementation qui consiste à protéger le public. Nous contrôlons donc les pratiques liées au travail social au Nouveau-Brunswick. L'autre concerne la promotion de notre profession, c'est-à-dire la promotion du rôle des travailleurs sociaux, mais également la défense de lois et de politiques sociales ainsi que la formulation de recommandations à cet égard.
L'association compte actuellement 1 600 travailleurs sociaux au Nouveau-Brunswick. Je ne crois pas me tromper en affirmant que les travailleurs sociaux, pas seulement au Nouveau-Brunswick mais partout au Canada, reconnaissent que le travail auprès d'adolescents est difficile. Toutefois, les travailleurs sociaux reconnaissent également que les adolescents ont une excellente chance d'être réintégrés à la communauté et de devenir des membres productifs de la communauté. Nous avons commencé à lire certaines des modifications apportées à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, lesquelles nous ont beaucoup inquiétés.
Je vais vous parler un peu de nos inquiétudes, puis je vais donner la parole à ma collègue, qui vous entretiendra des façons dont nous pouvons nous améliorer.
La publication du nom des jeunes contrevenants nous inquiète. Les articles à ce sujet nous inquiètent énormément. Le but visé par l'ajout de la possibilité d'éliminer l'ordonnance de non-publication concernant les adolescents n'est pas dans l'intérêt de la communauté et de l'adolescent concerné. Le fait d'accepter cette modification ostracisera davantage les jeunes contrevenants et nuira au processus de réadaptation et de réintégration de ces adolescents.
Une fois que les adolescents ont purgé leur peine, nous devons nous demander comment nous pouvons honnêtement espérer qu'ils seront en mesure de réintégrer la communauté si tous leurs renseignements sont rendus publics. Le fait d'accepter cette modification ne fera qu'aggraver les problèmes qui réduiront au minimum la capacité des adolescents de s'adapter de nouveau à leur communauté et de la réintégrer. Le fait est que nous avons besoin que ces personnes fassent partie de la communauté.
Selon l'énoncé figurant à la page 15 du résumé législatif du projet de loi C-4, le tribunal doit alors tenir compte de l'intérêt public et de l'importance de la réadaptation de l'adolescent. Nous soutenons que le fait de privilégier l'importance de la réadaptation et de la réintégration de l'adolescent est dans l'intérêt public.
Nous sommes très satisfaits de l'article selon lequel l'adolescent ne doit pas purger sa peine dans un établissement pour adulte. Nous sommes d'avis que les adolescents ne sont pas censés se retrouver dans des établissements pour adultes. L'un des problèmes contre lequel nous aimerions vous mettre en garde, par contre, c'est que si vous décidez d'adopter cet article, je ne suis pas encore convaincu que nos provinces disposent de toutes les ressources nécessaires, tant du côté des infrastructures que des services. L'application de cet article nécessitera un certain engagement financier de la part du gouvernement fédéral. Nous nous réjouissons de cet article, mais si vous le mettez en application, vous devez garantir que le financement et l'argent retourneront aux provinces.
En ce qui concerne la dénonciation et la dissuasion, nous comprenons l'objectif visé par l'article 7, mais nous devons nous rappeler qu'il s'agit de jeunes âgés de 12 à 17 ans. Il est généralement reconnu que les adolescents n'ont pas la même maturité émotionnelle que les adultes. Il faut donc comprendre que les conséquences et les répercussions de certains actes ne sont pas les mêmes chez les adolescents et les adultes. Je veux dire, c'est très clair. Nous avons tous été adolescents.
Nous sommes donc enclins à croire et à affirmer qu'il nous faut continuer d'examiner des solutions en vue de prévenir les raisons pour lesquelles les adolescents commettent des crimes. Cela signifie que nous devons commencer à déployer des efforts axés sur la prévention. Mais pour ce qui est adolescents qui commettent des crimes pendant qu'ils purgent leur peine, nous devons leur fournir les moyens adéquats leur permettant d'être réintégrés. Il faut offrir des services de travailleurs sociaux, en ce qui nous concerne, mais également les services d'autres professionnels de la santé.
Ce que je trouve intéressant, c'est que le taux de criminalité au Canada est en fait à la baisse, tant pour les crimes avec violence que pour les crimes sans violence. Je n'arrive donc pas à comprendre le raisonnement derrière le fait d'appliquer des méthodes plus punitives plutôt que de rendre les services plus souples.
J'oserais dire que la plupart des travailleurs sociaux au Nouveau-Brunswick et partout au Canada s'inquiètent de certaines des modifications qui sont faites. Comme le soutient l'Association du Barreau canadien, ces changements ne feront qu'augmenter le nombre d'adolescents en prison, alors pourquoi ne pas utiliser cet investissement et le redonner à la communauté?
L'intérêt public réside dans la réintégration à long terme de ces adolescents dans la communauté. L'objectif visé c'est qu'ils deviendront des membres productifs de la communauté si nous leur offrons les services nécessaires. Voilà l'idée de base que nous voulons présenter.
Je vais maintenant donner la parole à ma collègue, qui vous parlera de la façon dont les adolescents peuvent devenir des membres productifs.
Et lorsque des crimes sont commis, nous devons savoir comment nous pouvons réadapter et réintégrer les jeunes contrevenants après qu'ils ont purgé leur peine. L'ATSNB recommande de renouveler l'investissement dans les méthodes préventives axées sur les communautés. Il est généralement reconnu que plus les dépenses sont importantes au début des efforts de prévention, plus les avantages à long terme surpasseront les investissements initiaux.
Deuxièmement, l'ATSNB recommande que des investissements plus importants soient faits pour traiter les jeunes contrevenants souffrant de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Par exemple, j'encourage vivement le comité à examiner le rapport sur Ashley Smith publié par Bernard Richard, un défenseur respecté qui s'occupe des enfants et des adolescents.
Selon l'honorable Rob Nicholson, le projet de loi est une approche équilibrée qui comprend des éléments de prévention, d'application et de réadaptation; cependant, comme nous en avons parlé précédemment, l'ATSNB est d'avis que certaines modifications, et particulièrement celles concernant la réadaptation, sont insuffisantes.
Je suis travailleuse sociale et je travaille avec les personnes vulnérables de notre communauté. C'est la nature de notre profession de la santé. Dans leurs démarches en vue d'instaurer des mesures législatives nécessaires, les travailleurs sociaux s'efforcent de fournir une approche équilibrée qui tient compte de tous les facteurs relatifs au respect par une personne des lois qui orientent notre façon de vivre comme Canadiens. Le rapport Nunn est souvent cité comme l'une des sources d'inspiration des modifications qui sont présentées. M. Nicholson a lui-même dit, cependant, que ce projet de loi allait beaucoup plus loin que ce que renferme le rapport Nunn. Il a affirmé que ce projet de loi visait un certain type de personnes et un certain type de crimes. Les travailleurs sociaux de première ligne s'inquiètent du fait que ceux qui ne sont pas directement concernés par le projet de loi subiront les conséquences d'une approche qui se veut plus punitive.
Il est important de comprendre que cette modification ne réglera pas l'impulsivité des adolescents ni leur capacité intellectuelle de voir et de prédire les conséquences de leurs actes. Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants, la jeune histoire du système de justice pour les jeunes au Canada a été axée sur l'importance de considérer un adolescent non pas comme un criminel, mais comme une personne mal encadrée. On s'est attardé à l'examen des facteurs qui ont contribué au comportement criminel plutôt qu'au fait de punir l'adolescent. Bien que cela ait mené à une approche plus équilibrée et judiciaire au fil des années, l'étape vers l'utilisation de la dénonciation et de la dissuasion tourne son dos à la prise en compte des facteurs sociaux qui jouent si souvent un rôle dans l'activité criminelle des adolescents.
Nous devons nous souvenir de la réflexion selon laquelle les adolescents ont besoin de considérations spéciales en raison de leur manque de maturité. Nous devons être en mesure d'obtenir l'attention des adolescents afin de créer un environnement de changement. Il est important de reconnaître qu'il est extrêmement rare qu'une approche punitive en réponse à un mauvais comportement entraîne un changement. L'incarcération n'enseigne aucune compétence.
En raison de facteurs individuels, un petit groupe d'adolescents réagiront aux recommandations qui sont faites; cependant, cela ne tient pas compte des vraies raisons pour lesquelles les adolescents se retrouvent souvent impliqués dans le système de justice pénale au départ, notamment les conflits familiaux, les problèmes de santé mentale, les problèmes de développement ou les traumatismes liés au développement.
Recommander le recours à la dénonciation et à la dissuasion dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents va à l'encontre de ce que les défenseurs de la santé mentale et des enfants affirment jour après jour partout au pays. Les travailleurs sociaux parlent souvent de honte, de la honte de vivre dans la pauvreté ou de souffrir de maladies mentales; dans ce cas-ci, c'est la honte qui vient du fait d'avoir été impliqué dans le système judiciaire. En faisant des modifications qui pourraient augmenter les effets indésirables du système de justice pénale sur les adolescents, nous ne sommes pas en train de créer un système axé sur la réadaptation.
Enfin, j'aimerais vous mettre en garde contre l'élaboration de changements législatifs qui se fondent sur des cas extrêmes. Le cas de Sébastien, de qui le projet tient son nom, illustre mon point. Utiliser ce cas extrême pour nommer un tel projet de loi suscite des émotions plutôt qu'un débat sur le bien-fondé des modifications. Je crois que l'élaboration de politiques sociales et économiques doit être débattue d'un point de vue qui se veut sensé et équilibré. Or, le fait de recourir à des cas extrêmes pour promouvoir les changements à apporter à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, comme ça semble être le cas dans cette situation, ne se traduira pas par un bon texte législatif.
Encore une fois, au nom des travailleurs sociaux du Nouveau-Brunswick, j'aimerais vous remercier d'avoir pris le temps d'écouter nos recommandations.
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J'aimerais commencer en vous posant une question. Je vous ai soumis un mémoire, mais j'aimerais commencer par une question différente. Je vous regarde, et je ne pense pas me tromper en disant que vous êtes des parents, et peut-être même des grands-parents — en effet, c'est plus probable.
Une voix: Coupable.
Mme Cécile Toutant: Coupable, n'est-ce pas?
Je vous demande donc ce que vous souhaiteriez comme système de justice juvénile si votre enfant ou votre petit-enfant avait commis un délit violent. Vous êtes peut-être tous en train de vous dire que ça ne peut pas arriver à votre famille.
Je travaille depuis 40 ans à l'Institut Philippe-Pinel de Montréal. Jusqu'à présent, on a accueilli plus de 1 000 adolescents âgés de 14 à 18 ans — je n'ai pas compté à l'unité près — qui avaient commis des délits violents. On a eu des jeunes qui avaient commis des meurtres, dont certains sont très connus, et des jeunes qui avaient commis d'autres gestes violents, comme des agressions sexuelles.
Je ne parlerai pas tout de suite de la réadaptation. Je parlerai plutôt de leur famille. Il est incorrect de croire que les jeunes qui commettent des délits violents proviennent toujours de familles totalement désorganisées où on ne s'occupe pas des enfants. C'est faux.
Je suis très touchée par le fait qu'on ait appelé ce projet de loi la Loi de Sébastien. L'adolescent qui a commis le délit a séjourné pendant plusieurs mois dans mon département. Même s'il a bien sûr commis un geste excessivement grave, je peux vous dire que durant l'année et demie qu'il a passée avec nous, on a travaillé avec lui, et il y a des choses que ce jeune a réalisées. Malgré ça, on l'a envoyé au pénitencier pour purger sa peine perpétuelle.
Est-ce que l'assujettissement à une peine pour adultes a permis une meilleure protection de la société dans ce cas? Moi, je vous dirais que non. Vous pouvez avoir une opinion différente, mais je vous dirais quand même que non. Il est incorrect de penser que ses parents ne se préoccupaient pas de lui. Je pense que les parents étaient aussi bouleversés que beaucoup de gens de son entourage.
Il faudrait tous nous imaginer que c'est notre enfant. Je vais vous dire ce que je voudrais si c'était mon enfant ou mon petit-fils qui se faisait arrêter. Je voudrais, bien sûr, que les gens tiennent compte de la gravité de son geste, qu'il ait assommé ou tué des gens. Je ne pense pas qu'on puisse mettre cet aspect de côté pour seulement s'occuper des besoins de l'adolescent. Par contre, j'espérerais qu'on s'occupe de ses besoins et qu'on tienne compte du fait qu'un adolescent n'est pas un adulte, qu'il n'a pas la maturité d'un adulte, qu'il n'a pas la capacité de juger sans impliquer ses émotions, comme certains adultes — il y a des adultes qui ne sont pas capables, eux non plus, de juger comme il faut. Les adolescents en général sont plus émotifs, et leur dimension affective prend plus de place. Ils commettent des gestes extrêmes; ils font ce que j'appelle souvent des délits pas élégants. Un adulte tue avec une arme à feu, alors qu'un adolescent assomme des gens et pose des gestes qui nous font réagir. On trouve ces gestes horribles. C'est que les adolescents ne commettent pas leurs délits avec des armes à feu. Ils réagissent plutôt en situation d'émotivité, et ils commettent des délits marquants.
Si j'avais à définir le système juvénile que je souhaite avoir pour mes enfants, pour les enfants canadiens, je demanderais premièrement qu'on tienne davantage compte des besoins des adolescents lorsqu'il est question d'imposer des mesures. Je voudrais qu'on tienne compte du délit et qu'on tienne compte des besoins.
En 1993, on remettait en question la Loi sur les jeunes contrevenants qui existait depuis... Excusez-moi. On en était à sa création, puisqu'elle a été adoptée... Quoi qu'il en soit, on en était à remettre cette loi en question.
La Loi sur les jeunes délinquants de 1908 faisait du système de justice un système de service social. Le juge était le père de famille et déterminait quelle était la meilleure mesure à prendre. À un moment donné, on s'est dit que c'en était assez et qu'on allait rendre les adolescents un peu plus responsables. On a donc mis en vigueur la Loi sur les jeunes contrevenants en 1984. À cette époque, on a commencé à mettre de côté les besoins des adolescents. On se disait qu'on allait les responsabiliser et protéger le public.
En 1993, un jugement de la Cour suprême a été rendu au sujet de ce qu'on a appelé l'affaire M. (J.J.). Les juges ont statué qu'il fallait tenir compte des besoins de l'adolescent dans la détermination du placement et non seulement du délit, même si ceci se traduit par une peine plus sévère.
Je m'explique. On est passé à l'autre extrême. Dans bien des cas, on se rend compte que les mesures prises sont de trop courte durée. Ce sont des mesures en escalier. On laisse le jeune très longtemps dans la communauté. On se rend compte en effet, en ce qui concerne les institutions qui reçoivent les jeunes en rééducation, qu'on attend beaucoup trop longtemps. On les laisse se détériorer. Il faut appliquer la bonne mesure, au bon moment, en tenant compte du délit commis et des besoins. Il est très important de tenir compte des besoins. Ça implique qu'à l'égard d'un adolescent qui souffre de troubles du comportement ou de santé mentale, on intervienne de la bonne façon.
En fin de compte, à quoi tient la protection du public? On se dirige de plus en plus vers des principes qui prônent la protection du public. À mon avis, si vous voulez protéger le public, il faut essayer de traiter la personne qui fait des victimes. Si vous placez cette personne dans un centre de détention et que vous tentez de corriger ses difficultés, vous allez tout simplement manquer votre coup.
Qu'est-ce qu'un centre de détention pour adultes? Je vais comparer un tel centre à un centre de détention ou de réadaptation juvénile. Je vais vous dire ce qui se passe dans mon domaine. Les adolescents vivent avec les éducateurs. Ils font des activités avec eux et les rencontrent. Les éducateurs sont un peu comme des parents. La rééducation, c'est comme l'éducation. Les valeurs doivent être communiquées au quotidien. Par exemple, si un jeune qui sert la nourriture lors des repas donne tous les meilleurs morceaux à ses amis et les restes à ceux qu'il n'aime pas, en n'intervenant pas, je le laisse exercer le pouvoir de violenter à sa façon ceux qu'il n'aime pas. Il a du pouvoir sur les autres. Dans un milieu de rééducation, on intervient dans ce genre de situation, on arrête ce type de comportement. La rééducation se passe au quotidien.
Dans un centre de détention pour adultes, c'est le contraire qui se passe. Ce n'est pas parce que les gens qui y travaillent ne veulent rien faire. Ils veulent aider les détenus, mais le milieu ne le leur permet pas.
Je m'explique. Un détenu qui est incarcéré dans une aile qui compte 150 détenus prend des cours, pendant une heure le matin, sur la façon de gérer sa violence, sur les issues possibles autres que le comportement agressif. Il revient ensuite dans son aile, et c'est alors la loi du plus fort qui prévaut. Il y a un gardien dans une petite cabine de verre, que j'appelle un aquarium. Il est dans son coin et n'influence pas le quotidien des détenus.
Dans les pénitenciers pour adultes, le quotidien est un monde d'exploitation. Si vous en doutez, demandez à des gens qui y travaillent. Ils vont vous dire comment ça se passe. Ils ont toutes les difficultés du monde à obtenir un milieu thérapeutique. Le fait de considérer utile le fait que certains jeunes soient détenus dans des centres de détention pour adultes est une erreur.
La justice pour les jeunes doit rester une justice pour les jeunes; elle ne doit pas être calquée sur le système destiné aux adultes. On doit tenir compte de leurs besoins.
En ce qui concerne la publication des noms, y a-t-il quelqu'un autour de cette table qui croit deux secondes que le fait de publier le nom des délinquants aiderait ces derniers à se réadapter, que ça les empêcherait de récidiver? Selon moi, c'est le contraire qui risque de se passer. Dans bien des cas, les grands délinquants sont très contents de voir leur nom paraître dans le journal. Ils se donnent en quelque sorte des notes. Ce n'est absolument pas une mesure de prévention ou de responsabilisation.
Je termine ici ma présentation. Je vais répondre aux questions, s'il y en a.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier tous les témoins. Me Richard est parmi nous. Nous avons ici le rapport sur le dossier d'Ashley Smith et celui de Howard Sapers qui traite du même cas. C'est du bon travail. À ce sujet, je veux remercier Me Richard.
J'aimerais émettre quelques commentaires, pour commencer.
[Traduction]
Au comité, nous nous creusons la tête pour trouver ce qui constituerait de bons changements à apporter à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Beaucoup d'entre eux figurent dans le rapport de la commission Nunn, qui est la raison d'être de l'examen. Il importe de souligner que six des 34 recommandations concernaient le durcissement de la loi et cette loi ne répond qu'à quelques-unes d'entre elles. C'est le point de départ de la discussion ici. Nombre des autres points sont sujets à débat et nous avons entendu des témoignages à leur sujet, mais je vais recueillir le point de vue général du présent groupe de témoins, à commencer par Me Richard.
Ce que le comité n'a pas encore compris jusqu'ici, c'est qu'il y a une différence entre les adultes et les jeunes. C'est la raison d'être d'une Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Comme l'a dit Mme Vandergrift, cette loi repose sur la convention des Nations Unies, et il faut donc partir de là. Mais d'après la preuve, pour les gens qui sont en première ligne... M. Doob a mentionné que certaines modifications touchant des moyens de dissuasion particuliers, par exemple, ne fonctionnent pas dans le cas des adolescents parce que, a-t-il dit, les adolescents n'anticipent pas dès le départ les conséquences de leurs actes comme peut le faire un adulte capable de représentation mentale.
De plus, il énonce brillamment l'idée que les moyens individuels de dissuasion issus de ces amendements font la fausse promesse au public que le juge, par le prononcé d'une sentence, peut les faire opérer à l'égard de l'adolescent; or, les données révèlent que les adolescents sont différents et ne réagissent pas aux moyens spécifiques de dissuasion de la même façon que les adultes.
Enfin, nous avons entendu des témoignages selon lesquels certains jeunes peuvent voir dans l'ordonnance de non-publication un symbole de courage, un symbole d'honneur — quelque chose qu'ils aiment. Si on lève l'ordonnance de non-publication, la conséquence pourrait être à l'opposé du but recherché.
Donc, les questions portent généralement sur ce en quoi les adolescents sont différents. Qu'est-ce que les panélistes ont à dire à ce sujet?
Je pense à deux choses en particulier, maître Richard. Vous avez affirmé devant ce comité que Me Bilodeau avait fait un rapport suite aux tables rondes qui ont été tenues partout au pays. Nous n'avons pas en main ces rapports, bien que nous les ayons demandés. Si vous me dites que ces rapports ont été rédigés mais qu'ils n'ont pas encore été publiés ou transmis, je me demande sérieusement ce que les deux secrétaires parlementaires ici présents ont à dire sur le pourquoi de cet état de choses. Mais je reviendrai là-dessus plus tard.
Quand vous avez participé à la table ronde du mois d'août 2008 à Moncton — Moncton est parfois le lieu où surviennent de forts bonnes choses, je crois...
Une voix: Ou Cap-Pelé.
M. Brian Murphy: Ou Cap-Pelé, peut-être.
Quels étaient les points négatifs de ces amendements?
Deuxièmement, votre travail avec Ashley Smith sur la santé mentale. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur le bon travail accompli par le juge Brien au Nouveau-Brunswick et sur le projet pilote de l'Ontario, au sujet duquel il conviendrait d'encourager le gouvernement d'aller de l'avant. Il s'agit précisément d'un projet pilote de tribunal de la santé mentale.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je vais commencer par la dernière question, et ensuite je suis sûr que j'aurai oublié la première.
J'ai eu l'occasion de visiter le tribunal de la santé mentale pour les jeunes ici même, à Ottawa. Je le recommande fortement aux membres du comité, parce que son approche est entièrement différente. Il est financé par Justice Canada et j'ai rencontré le juge qui préside. C'est en face de l'hôtel Lord Elgin, à deux pas d'ici à peine.
On y a adopté une approche multidisciplinaire et très semblable à celle du tribunal du juge Green, à Saint John, au Nouveau-Brunswick, qui demeure un projet pilote après dix années d'existence. J'ai déploré publiquement qu'il en soit toujours au stade de projet pilote. Le tribunal de la santé mentale cherche à identifier les contrevenants qui sont atteints de maladie mentale ou qui présentent des troubles du comportement graves. Ils sont traités de façon très différente. On s'efforce généralement de leur épargner le système de justice pénale formel pour leur offrir des soins et du soutien.
Prenons le cas du tribunal du juge Green, par exemple. Quatre-vingt cinq pourcent de ceux qui comparaissent devant ce tribunal ne récidivent pas. Il serait intéressant de voir des chiffres sur les cas de récidive parmi les contrevenants qui sont traités différemment dans le système de justice formel. Je crois que le nombre de récidives serait beaucoup plus élevé. Je pense donc qu'il existe de très bons modèles qui sont encore relativement nouveaux. La loi est nouvelle, comme je l'ai dit. J'ai déjà été moi-même un élu et j'ai fait partie de plusieurs comités semblables. Je crois de la plus haute importance que les membres du comité reçoivent tout le plus d'informations possible. J'ai siégé pendant la consultation de Moncton. Je ne peux pas affirmer que je sais ce qui s'est dit dans l'ensemble du pays, mais à Moncton, en tout cas, on est d'avis, même chez certains responsables de l'application de la loi, que le système en place ne fonctionne pas. Souvent, ils ne savent pas quoi faire. Au cours de notre recherche pour Connecting the Dots et le rapport Ashley Smith, des juges nous ont souvent dit qu'ils avaient fort peu d'options. J'ai exprimé mon inquiétude au sujet de la présence au Centre pour jeunes du Nouveau-Brunswick d'un plus grand nombre de prisonniers adultes que de jeunes, en ce moment même.
Deux nouvelles prisons sont en construction au Nouveau-Brunswick et si vous adoptez ces amendements, je suppose qu'on en construira encore plus. Le coût sera refilé aux provinces, de sorte qu'en ces temps de difficultés économiques et financières, tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral, on consacrera d'importantes ressources à la construction de prisons et au recrutement de gardiens pour obtenir en fin de compte le résultat opposé à celui recherché. Je pense que cela a été dit à la table ronde de Moncton. Je ne sais pas si Bilodeau a rédigé le rapport. Il faisait office de facilitateur, mais on m'a bel et bien dit que Justice Canada avait en main un rapport. Vous auriez sûrement avantage à l'avoir pour être le mieux informés possible avant de procéder au vote sur les amendements.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous les témoins d'être ici.
Il y a tant de choses que j'aimerais dire en si peu de temps. Je commencerai par simplement dire que je veux rassurer les témoins sur un point: chaque membre de ce comité a reçu le rapport sur le Symposium national sur invitation sur le renouvellement de la justice pour les jeunes. En fait, il s'agit d'un rapport détaillé qui comporte le nombre de participants, le processus, la détermination des enjeux et les éléments de preuve. Je suis convaincu que tous n'ont pas encore eu le temps de le lire, mais je vous assure que j'ai de nombreuses idées et que j'en ai trouvées une multitude dans ce rapport. J'espère qu'elles se retrouveront dans le rapport de ce comité ou du moins dans la discussion sur ce projet de loi.
Deuxièmement, j'aimerais faire remarquer, à toutes les personnes présentes qui ont entendu ce qui s'est dit plus tôt, que lorsqu'on examine la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents actuelle, on constate qu'elle comprend déjà le principe de la promotion de la protection du public. Ce n'est pas un élément nouveau qui a été ajouté au projet de loi . En outre, le projet de loi C-4 n'y accorde pas une plus grande priorité que celle qu'elle avait déjà dans la loi précédente.
[Français]
Madame Toutant, je voudrais vous remercier. Je trouve que votre présentation était équilibrée. Je ne suis pas d'accord avec tout ce que vous avez dit, mais il y a au moins deux choses avec lesquelles je suis d'accord.
Premièrement, dans votre mémoire, vous dites: « Actuellement on place les jeunes pour des périodes tellement courtes que tout travail de réadaptation devient impossible. » C'est vrai et c'est clair. Vous dites aussi « [o]ui au retour d'un meilleur équilibre entre l'importance donnée au délit et la personnalité et les besoins du jeune ». C'est aussi vrai et clair.
[Traduction]
J'aurais voulu avoir plus de temps. J'aimerais poser certaines questions à Mme Vandergrift, parce que je suis assis ici jour après jour, heure après heure, et j'entends souvent des gens dire des choses que je sais n'être pas vraiment exactes. D'une certaine manière, ce n'est pas équitable parce que je suis avocat et que j'ai accès à des ressources auxquelles d'autres n'ont pas accès.
J'aimerais commencer par vous poser une question, madame Vandergrift. Êtes-vous avocate?