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Je déclare la séance ouverte.
Nous amorçons la séance 25 des travaux du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Pour le compte rendu, notons que nous sommes le jeudi 17 juin 2010.
Avant d'entamer les travaux à proprement parler, les points à l'ordre du jour, j'ai quelque chose à dire. Il s'agit probablement de la dernière rencontre que nous allons avoir avant le congé estival; il y a un certain nombre de personnes qui nous aident à l'occasion de nos réunions, mais qui, souvent, ne reçoivent pas le crédit qu'ils méritent.
D'abord et avant tout, je veux saluer nos greffiers, qui triment dur pour que nous demeurions attelés à la tâche. J'en suis certain, ils s'épuisent parfois à composer avec le nombre de demandes qu'ils reçoivent et les modifications de dernière minute qui sont apportées à l'ordre du jour. Je veux remercier les greffiers du travail qu'ils accomplissent.
Je veux remercier aussi les interprètes. Souvent, ils peinent vraiment à suivre nos témoins, mais ils accomplissent une forte besogne pour notre comité; je tiens donc à les remercier aussi.
De même, je veux remercier nos analystes, qui nous rendent un fier service en nous renseignant sur les projets de loi que nous étudions ici. Je veux remercier aussi le personnel de la Chambre des communes, si diligent pour préparer les salles où nous nous rencontrons et pour subvenir à nos besoins en eau et en nourriture. Je vous souhaite tous un congé estival tout ce qu'il y a de sain et de reposant.
Vous avez l'ordre du jour devant les yeux. Aujourd'hui, nous continuons notre examen du projet de loi C-4, la loi de Sébastien, loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
M. Murphy propose une motion. Vous en avez reçu une copie.
Voulez-vous présenter cette motion tout de suite?
Y a-t-il d'autres commentaires? Comme il n'y en a pas, je mets la question aux voix.
(La motion est adoptée.) [Voir le Procès-verbal]
Le président: Excellent.
Revenons au projet de loi . Pour mieux mener notre étude du projet de loi, nous avons convoqué plusieurs témoins.
Nous accueillons Merlin Nunn, juge à la retraite de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, qui témoigne à titre personnel. Bienvenue.
Nous accueillons aussi, pour représenter le gouvernement de l'Alberta, Joshua Hawkes, directeur de la politique à la direction générale des appels, de l'éducation et de la politique du ministère de la Justice et du Procureur général. Bienvenue.
Nous accueillons, pour représenter le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, Ronald MacDonald, premier avocat-conseil de la Couronne et conseiller politique de droit pénal à la section de la politique, de la planification et de la recherche du ministère de la Justice. Bienvenue.
Enfin, pour représenter du gouvernement du Manitoba, il y a David Greening, qui est directeur de la section de l'élaboration et de l'analyse des politiques au ministère de la Justice.
Bienvenue à chacun d'entre vous. Je crois que vous avez été informés du fait que vous disposiez chacun de dix minutes pour présenter un exposé, puis nous accueillerons les questions.
Je demanderais aux personnes qui ont un téléphone cellulaire ou un autre appareil de poche quelconque de le régler au mode « vibration » ou de le fermer carrément. De même, je vous prie de sortir de la salle si vous voulez prendre un appel.
Pourquoi ne pas commencer par le juge Nunn?
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J'ai pensé que ce serait peut-être ce que vous feriez.
J'ai un problème. Ce n'est que lundi qu'on m'a invité à témoigner à propos de mon rapport; j'ai donc passé les trois derniers jours à relire mon rapport, puisque quatre années se sont écoulées depuis que j'y ai vraiment eu affaire. Avant d'avoir affaire à ça, je n'avais aucune expérience de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ni encore de la Loi sur les jeunes contrevenants ou de la Loi sur les jeunes délinquants — c'est que mon tribunal n'avait jamais accueilli d'adolescents. Je siégeais à la Cour suprême, où nous nous penchions sur des situations d'adultes. À Halifax, il y avait toujours une forme quelconque de tribunal pour adolescents. Une fois que j'ai commencé à étudier la question, j'ai acquis toute une somme de connaissances à propos de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et de la justice pour les adolescents. Je ne suis pas un spécialiste de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, mais je crois savoir pas mal de choses à propos des jeunes et de ce qu'on en fait, des problèmes qu'ils éprouvent et des raisons pour lesquelles ils les éprouvent, et je voudrais simplement vous faire part de ce qui est arrivé au moment où j'ai effectué l'enquête que j'ai effectuée.
Pour témoins, j'ai eu des policiers, j'ai eu des agents de la GRC, j'ai eu des travailleurs sociaux, j'ai eu des responsables de foyers d'accueil pour les enfants autrement délaissés, j'ai eu des éducateurs, j'ai eu des spécialistes de la santé mentale, j'ai eu des spécialistes de la santé physique. J'ai appris des choses sur le trouble déficitaire de l'attention. Une chance pour moi, le spécialiste américain en la matière se trouvait à Halifax la fin de semaine en question, et j'ai pu assister à ses conférences et ainsi de suite, et j'ai appris des choses dont je ne soupçonnais pas vraiment l'existence. Tous les intervenants m'ont fait savoir que la difficulté réside dans le fait de traiter avec l'enfant et de comprendre les facteurs sous-jacents qui font que l'enfant devient ce qu'il est. Cela n'englobe pas toutes les situations possibles, mais ça touche probablement 98 p. 100 des jeunes qui sont visés par la loi — et peut-être davantage.
J'ai appris à ce moment-là que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a vraiment servi à créer un nouveau système de justice pour les adolescents. Il y a au Canada des gens qui s'opposent à cela et qui s'y opposent encore aujourd'hui, et qui pensent que tous les enfants condamnés pour avoir commis une infraction quelconque devraient se retrouver en prison. C'est une attitude qui me paraît inspirée d'un manque de connaissance. S'ils saisissent le but de la loi et s'ils comprennent comment elle fonctionne et en quoi elle est fructueuse... La loi porte ses fruits dans 90 p. 100 des cas, plus ou moins. Il a fallu la rafistoler à quelques reprises pour régler un truc qui ne fonctionnait pas. J'ai reçu des témoignages pendant 50 jours, mais aucun des témoins n'a dit que c'était une mauvaise loi, qu'il n'aurait pas fallu adopter cette loi. Tous appuyaient la loi. Tous voulaient que ça fonctionne; tous essayaient de faire en sorte que ça fonctionne. Il y a dans les institutions elles-mêmes des problèmes systémiques qui causent des difficultés aux jeunes et font que les problèmes des jeunes peuvent prendre de l'ampleur. Il y a notamment les retards. C'est un des grands problèmes: les retards.
Le point de mire de mon rapport était un jeune de 16 ans qui circulait au-delà de la vitesse permise pour échapper à la police à bord d'un véhicule volé en pleine ville, à Halifax. Arrivé à une intersection en T, il a percuté directement une voiture du côté du conducteur, la soulevant et la poussant sur 20 ou 30 pieds. Il a ainsi tué la conductrice, Theresa McEvoy qui était aide-enseignante. Le jeune homme avait été détenu peu de temps avant pour avoir volé une autre voiture et a entraîné des agents de la GRC dans une poursuite automobile à 160 ou 180 kilomètres/heure le long d'une route, en direction de Windsor, à minuit et demi.
Il a été relâché un certain matin. Deux jours plus tard, le matin, encore une fois, il a volé une autre voiture. C'est à ce moment-là qu'il a tué Theresa McEvoy. Le jeune homme avait 38 accusations qui pesaient déjà contre lui, mais n'avait jamais été en prison sauf pour avoir été détenu pendant une semaine ou deux, de son plein gré, en fait, en attendant de voir ce qui allait se passer. Il n'y a pas eu de communication entre les gens. Le système a fait défaut. Cela a soulevé un tollé en Nouvelle-Écosse. Comment un jeune homme pouvait-il avoir 38 accusations qui pesaient contre lui sans se retrouver pour autant en prison ou quelque part, qu'on ne s'occupe pas de lui? Voilà la situation qui m'était présentée.
Bon, pour votre gouverne — je n'ai rien d'un prédicateur et, comme je l'ai dit, ce n'est que depuis lundi que je suis revenu à cette question —, je vous dirai qu'il faut saisir certaines choses. Il faut saisir que la loi représente un système de justice pour adolescents qui est entièrement nouveau et que le traitement des jeunes se distingue du traitement des adultes. Les jeunes agissent comme ils le font parce que leur esprit fonctionne d'une certaine façon, d'une façon qui est très différente de celle d'un adulte. Il ne faut donc pas réfléchir en adulte à ce qu'il faudrait faire dans le cas des enfants. Je crois que vous devez comprendre un des principes sous-jacents: le Canada adhère à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et cette convention, entre autres, indique que l'intérêt de l'enfant représente le souci premier dont il faut tenir compte et aussi que la détention est une solution de dernier recours qui devrait s'appliquer pendant la période la plus courte possible selon la situation et la personne dont il s'agit.
Bon, étant donné la situation dans laquelle je me trouvais, j'ai fini par conclure que la loi était déficiente dans le sens où elle empêchait le tribunal de prendre l'enfant en charge et de s'occuper de lui à un stade antérieur. Là où j'ai grandi, il s'agissait de prendre le jeune par le cou et de le redresser. Ce n'était pas seulement qu'il se retrouvait en prison. C'est qu'il allait apprendre que le tribunal et la police et les autorités ne badinent pas, qu'ils n'allaient pas le laisser commettre de tels actes. Et, comme je le dis, c'est pour beaucoup la question du retard qui entrait en ligne de compte. Comme je l'ai dit, je me suis penché seulement sur la question de la détention avant le procès. Je n'ai pas vraiment touché à la question de la détention après le procès.
Si vous gardez à l'esprit le fait que la réadaptation du jeune constitue le but véritable de l'exercice et vous comprenez que cela porte fruit dans plus de 90 p. 100 des cas, vous devez conclure que la loi fonctionne. Il n'est pas vraiment indiqué d'accroître le recours à la détention dans d'autres circonstances ou même avant le procès. C'est la voie de la réadaptation qu'il faut choisir. C'est ce pourquoi la loi est conçue et c'est ce que nous devons faire. Il y a des lacunes, lacunes qui touchent le financement, ce qui est offert dans les diverses provinces, ce qui permet d'offrir un soutien et un accès à des professionnels.
Je crois donc que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents — et vous devriez le comprendre — renferme en matière de justice pour les jeunes des concepts et des approches dont tous les Canadiens devraient être fiers, et je crois que nous sommes très, très nettement en avance sur d'autres pays en ce qui concerne la justice et les jeunes.
À l'occasion, il arrive une affaire horrible dont les médias se plaisent à décrire l'horreur, à la manière d'un lion affamé qui attaque. Ils ne vont tout simplement pas lâcher le morceau pendant des jours et des jours, et tout ce qu'ils font, c'est inciter à l'action les gens — c'est une véritable minorité, à mon avis — qui s'opposent à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et qui sont heureux d'avoir une raison de se plaindre.
Voilà pour les observations générales. Je ne prétends pas en savoir beaucoup sur la formulation exacte du texte, car je n'ai pas étudié la loi de ce point de vue-là, et je crois qu'il faudrait laisser cela à d'autres. Tout de même, je crois que la formulation devrait correspondre à l'intention de la loi elle-même et à son thème. Voilà mon idée principale là-dessus.
Merci.
Merci beaucoup de nous donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
Je m'appelle Ron MacDonald. Je suis venu représenter le gouvernement de la Nouvelle-Écosse aujourd'hui en ma qualité de conseiller politique de droit pénal, mais aussi comme personne qui travaille depuis maintenant 24 ans sur la ligne de front comme avocat de la défense, puis avocat de la Couronne. En particulier, j'ai travaillé pendant 17 ans dans une petite localité de la Nouvelle-Écosse, sur la ligne de front même du système de justice, d'une façon qui m'a permis de traiter avec les jeunes non pas simplement au tribunal, mais aussi le lendemain de l'audience, la semaine suivante, les deux mois suivants, dans la rue, là où on peut constater les résultats de ce qu'on a fait ou pas au tribunal. C'est une façon très enrichissante de connaître le système de justice. En toute franchise, je vous dirai que, littéralement, je pouvais m'occuper d'un meurtre une journée donnée, puis, le lendemain, je poursuivais des mineurs pour consommation illégale d'alcool.
Nous avons entendu ce matin le juge Nunn, qui a parlé de son enquête, motivée par le décès de Mme McEvoy en 2004. Une précision sur l'enquête en question: elle s'est échelonnée sur 32 jours, a accueilli 47 témoins et en a entendu trois autres par voie écrite. M. Nunn a entendu des conseillers en politique, des policiers, des administrateurs de tribunal, des théoriciens et des praticiens de la justice, de même que des avocats de la défense et de la Couronne travaillant en première ligne, notamment. Nous croyons qu'il a réalisé une des études les plus complètes qui soient de la question de la justice pour les adolescents.
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Je m'excuse; je pense trop aux dix minutes. Merci.
Le juge Nunn a formulé 34 recommandations au total, dont sept s'appliquent en particulier à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Voici un extrait que nous devrions tous retenir à mon avis:
Mis à part les malentendus et les faux pas qui se sont produits en lien avec AB, dont bon nombre touchaient la procédure, le véritable coupable, qui n'a pas répondu adéquatement au comportement d'AB ni, de fait, aux attentes légitimes de la société, c'est la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents elle-même.
Dans le contexte, monsieur le juge a formulé sept recommandations particulières touchant la loi, dont les suivantes: faire de la protection du public un objectif premier; modifier la définition des infractions avec violence; assurer l'autonomie des dispositions relatives à la détention avant le procès; et permettre aux tribunaux de prendre en considération les verdicts de culpabilité et accusations en instance dont l'adolescent a fait l'objet ou fait actuellement l'objet au chapitre de la détention préalable au procès.
Il y en avait quelques autres aussi, dont la promesse d'agir de « personnes responsables » et le recours à des centres communautaires non résidentiels. C'est le rafistolage dont le juge Nunn a parlé aujourd'hui.
La Nouvelle-Écosse a insisté particulièrement sur la question de la détention préalable au procès et celle de la définition des infractions avec violence. Le juge Nunn n'a pas préconisé, et la Nouvelle-Écosse ne préconise pas, des modifications qui supposeraient forcément d'emprisonner davantage les adolescents. Nos arguments mettent plutôt en relief le fait que les jeunes dérapent parfois, et que les tribunaux doivent disposer des outils nécessaires pour protéger le public et venir en aide aux jeunes. Parmi ces outils, il faut compter la capacité de détenir un jeune, avant le procès comme par la suite, en rapport avec une série d'infractions et de faits.
Là où les tribunaux ne disposent pas de ces moyens d'action, le risque pour la sécurité du public est plus grand, et le respect du public pour l'administration de la justice décline. Sans compter le fait qu'on ne peut alors intervenir pour aider un jeune qui dérape, intervention qui pourrait très bien être d'une importance capitale dans la vie de l'adolescent en question — j'ai vu cela personnellement à plusieurs occasions —, simplement du fait d'une courte période de détention avant le procès.
En général, la Nouvelle-Écosse est d'accord avec les déclarations du au Parlement à propos du projet de loi . Par exemple, le ministre a dit:
La Loi de Sébastien fera de la protection de la société le but premier de notre système de justice pénale pour les adolescents et donnera aux Canadiens une plus grande assurance que les jeunes contrevenants violents et récidivistes répondront de leurs actes, puisqu'on leur imposera des peines proportionnelles à la gravité de leurs crimes.
Plus tard, il parle de la nécessité d'éviter que des délinquants violents et récidivistes se retrouvent en liberté en attendant leur procès et de réduire les obstacles à la détention de ces délinquants violents et récidivistes au besoin.
La Nouvelle-Écosse est d'accord avec ces objectifs stratégiques et propose qu'ils tiennent compte de certaines des observations formulées par le juge Nunn dans son rapport — notamment, à la page 230, où il évoque justement l'idée d'élargir pour ainsi dire la voie d'accès à la détention.
Le juge Nunn déclare aussi ce qui suit:
Je ne saurais surestimer l'importance d'adopter une approche équilibrée. Une partie de la Loi [sur le système de justice pénale pour les adolescents] doit être modifiée pour mettre au point une approche viable et efficace qui nous permettrait de traiter les récidivistes en se préoccupant d'abord de la protection du public tout en prévoyant des moyens de mettre un terme à un comportement criminel inacceptable en temps opportun. Cela n'est pas une option. C'est essentiel.
En termes simples, il est légitime d'affirmer que nous ne voulons pas détenir plus de jeunes qu'il ne faut le faire, en principe, mais cela ne veut pas dire que le système devrait comporter des restrictions qui empêchent de recourir à la détention lorsque cela devient nécessaire. Je vais traiter surtout aujourd'hui de la détention avant le procès et de ses modalités.
Premièrement, la Nouvelle-Écosse voudrait souligner qu'elle est d'accord avec les modifications prévues des principes du projet de loi , soit de faire de la protection du public un but immédiat de la loi, et que cela concorde justement avec la recommandation du juge Nunn.
Nous sommes également d'accord avec la modification prévue de la définition d'une infraction avec violence — de manière à inclure les infractions dont l'un des éléments constitutifs est l'infliction de lésions corporelles et les infractions qui mettent en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne en créant une probabilité marquée qu'il en résulte des lésions corporelles. Selon nous, ces modifications-là concordent aussi avec les recommandations du juge Nunn.
C'est une façon de reconnaître qu'une infraction comportant un risque important de lésions corporelles est tout aussi grave et importante là où c'est un jeune qui agit délibérément. À certains égards, le grand public se trouve à être davantage à risque, étant donné que le comportement dangereux, de façon générale, peut avoir une incidence sur le public, alors que le comportement violent et délibéré prend plus souvent pour cible une personne connue de l'accusé.
Nous sommes toutefois convaincus que le libellé du projet de loi ne concorde pas avec les objectifs énoncés sous trois aspects importants: la détention avant le procès, l'ordonnance différée de placement sous garde et l'assujettissement aux peines applicables aux adultes. À notre avis, il faut corriger ces fautes de rédaction pour garantir que le texte concorde avec l'intention du gouvernement et que les modifications ne causent pas ce qui nous paraît être de très importantes difficultés au système de justice pour les adolescents.
Quant à la détention préalable au procès, le projet de loi prévoit le caractère autonome des dispositions de l'article 29, ce avec quoi nous sommes d'accord. Nous soulignons que la Couronne aura encore à satisfaire à des critères très rigoureux, ce avec quoi nous sommes d'accord aussi. Tout de même, nous sommes d'avis que le libellé actuel du projet de loi pose une difficulté très grave. Le projet de loi prévoit la possibilité de la détention préalable au procès dans la mesure où le critère rigoureux est respecté, mais cela s'applique seulement aux cas qui déboucheraient sur une peine maximale d'au moins cinq ans chez les adultes. Cela veut dire que la détention est tout à fait interdite dans le cas de certaines infractions, par exemple, vol de moins de 5 000 $, la violation des dispositions applicables, le défaut de se conformer, le fait de s'évader d'une garde légale, la perpétration d'un acte indécent, l'infliction de dommages aux biens, une fraude de moins de 5 000 $, l'incitation à la haine, la corruption d'enfants, etc. Ce sont justement les infractions que les jeunes sont le plus enclins à commettre. Cela veut dire que le projet de loi ne cible pas les récidivistes, comme le ministre de la Justice l'avait espéré. Il permet aux jeunes de commettre ces infractions de manière répétée, de se faire arrêter et d'être relâchés de nouveau. Il n'y aurait pas de recours pour le public avant le procès. De ce fait, un jeune qui dérape pourrait continuer à suivre une spirale descendante sans que le système ne puisse venir imposer le contrôle voulu.
Les modifications ne tiennent pas compte du fait que les infractions relativement moins graves, qui, en elles-mêmes, ne justifieraient pas de détenir l'adolescent avant son procès, constituent une situation très grave si elles s'accompagnent de nombreuses autres infractions. Permettez-moi de vous donner un exemple. Il y a un jeune qui marche, rue Sparks, et qui brise chacune des vitrines des commerces entre deux rues. La police l'appréhende, il se retrouve devant le tribunal. Le tribunal doit le relâcher; il n'a pas le choix. Le jeune reprend sa liberté; il dit au juge qu'il n'a nullement l'intention de se plier aux règles, puis il recommet son méfait le lendemain. Ce genre de comportement perdurerait. Vous pouvez dire que c'est un exemple extrême, mais d'après ce que nous savons du comportement des êtres humains et, justement, des jeunes, c'est le genre d'exemple qui existe.
En ce moment, la loi prévoit la possibilité d'une détention dans de tels cas, même s'il est présumé qu'il faut d'abord tenter de ne pas recourir à la détention. Nous sommes d'avis qu'il faut modifier cette partie du projet de loi, sinon la loi comporterait des dispositions qui permettent à un jeune de commettre des infractions sans conséquence avant le procès. Il ne semble pas y avoir de jurisprudence ou d'autres explications qui aient motivé ce changement, car, en ce moment, la détention est possible en pareils cas, comme je l'ai mentionné, même si la présomption contre la détention demeure la règle. Nous sommes très inquiets à l'idée que, à cause de la situation que cela pourrait créer, la collectivité finisse par ne plus faire confiance au système qui est conçu pour la protéger, justement.
Mon collègue Josh Hawkes vous parlera des questions de l'ordonnance différée de placement sous garde et de l'assujettissement aux peines applicables aux adultes.
Je tiens seulement à dire ceci pour terminer. De nombreux témoins nous ont dit que les modifications proposées de la loi auront pour effet un recours accru à l'emprisonnement des jeunes. Nous sommes venus à affirmer aujourd'hui que, en fait, les modifications dont M. Hawkes discutera auront l'effet inverse. Elles auront pour effet d'accroître sensiblement les possibilités pour les jeunes d'éviter d'être détenus en cas de crimes graves avec violence dans la mesure où ils feront l'objet d'un sursis de sentence, qui a le même effet qu'une condamnation avec sursis chez l'adulte. De ce fait, il est aussi nettement moins probable qu'un jeune soit condamné comme adulte. Nous ne fondons pas nos observations sur un souci général à propos de la politique; c'est plutôt l'effet de la rédaction du texte qui nous préoccupe.
J'ai oeuvré moi-même dans le domaine de la rédaction des lois; j'ai fait ce travail, concrètement. Ces modifications transformeront une pratique qui est en place, à propos de laquelle personne ne s'inquiète, et feront qu'il sera plus difficile de détenir un jeune par rapport à des actes où le public voit déjà trop de difficultés. Nous faisons valoir que cela est contraire à l'intention formulée par le gouvernement et qu'il s'agit, en fait d'une erreur qu'il faut corriger avant que les modifications en question aient force de loi.
Je laisserai à M. Hawkes le soin de donner des précisions là-dessus.
Merci, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à toute question.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du comité, je témoigne au nom du ministère de la Justice de l'Alberta. Je suis procureur et directeur responsable des politiques en ce moment au ministère. J'ai 20 ans d'expérience en première instance et en appel; à l'instar de M. MacDonald, j'ai une perspective qui tient essentiellement au fait que j'ai oeuvré sur la ligne de front.
Nous sommes d'accord avec les intentions formulées par le ministre Nicholson devant votre comité. En particulier, l'Alberta est d'accord avec l'incidence accrue sur la sécurité du public, et avec l'inclusion de principes de détermination de la peine fondée sur les notions de dénonciation et de dissuasion individuelle.
Nous comprenons que ces modifications visent d'abord à permettre de cibler de façon plus précise, de façon plus calibrée, la petite proportion de jeunes, de 5 à 10 p. 100 du nombre à peu près — M. Croisdale en a parlé au comité — qui commettent la très grande majorité des infractions. Certaines des infractions en question sont exceptionnellement graves.
Ce projet de loi comporte deux aspects particuliers qui, à notre avis, minent sensiblement les objectifs généraux qu'il comporte et qui de fait, empêcheraient de réagir efficacement devant un crime violent et cette faible proportion de jeunes qui devraient recevoir une peine d'adulte.
Le plus souvent, ce groupe de jeunes délinquants est associé à des homicides très graves. C'est ce qui compte pour la quasi-totalité des transferts vers le tribunal pour adultes. Cela comprend d'autres infractions, mais, d'après mon expérience, l'homicide représente bien au-delà de 95 p. 100 des cas où une peine d'adulte est demandée et, dans la plupart des cas, les facteurs aggravants sont très nets. Le plus souvent, ce sont les plus vieux parmi les adolescents qui commettent ces infractions. Ce sont habituellement des jeunes de 16 ou 17 ans.
En raison de ces difficultés, et particulièrement des dispositions relatives à l'imposition de peines d'adultes et les ordonnances différées de placements sous garde, l'Alberta ne peut accorder sa caution au projet de loi sous sa forme actuelle. Nos préoccupations sont à ce point graves.
Dans la mesure du possible, nous avons passé en revue la transcription écrite des témoignages entendus par le comité. Jusqu'à maintenant tout au moins, nous n'avons pas noté que ces questions aient été soulevées ou soumises à un débat en relisant les transcriptions; il nous paraît donc important de faire valoir ce point de vue devant le comité, en tant que praticiens qui travaillent sur la première ligne et qui auront affaire aux litiges découlant du texte de loi qui finira par être adopté.
Je vais maintenant me pencher sur la première difficulté qui se présente, soit la question des ordonnances différées de placement sous garde.
À mon avis, la difficulté qu'il faut relever ici est une des manifestations des problèmes généraux associés à la loi. Les objectifs généraux de la loi ne nous posent aucune difficulté, mais en fait il s'agit d'un des textes de loi les plus complexes et, sauf tout le respect que je vous dois, les plus mal rédigés que j'ai eus le malheur d'essayer d'utiliser en tant que praticien. Il est extrêmement difficile d'en suivre le fil. C'est exceptionnellement compliqué. La plupart des dispositions sont interreliées, si bien qu'il faut se reporter à plusieurs autres articles pour découvrir le sens, ou la conséquence, d'une phrase. Le problème qui suit illustre parfaitement pourquoi c'est difficile et pourquoi ça crée des difficultés.
Selon l'alinéa 42(5)a) de la loi actuelle, le délinquant peut faire l'objet d'une ordonnance différée de placement sous garde s'il n'a pas commis une infraction grave avec violence. Cela ne peut durer plus de six mois. À certains égards, c'est comparable aux condamnations avec sursis imposées aux adultes, bien que les sanctions en cas de violation des conditions viennent nettement plus vite. Il n'y a pas à y avoir d'audiences. Si vous manquez aux conditions de l'ordonnance différée de placement sous garde, vous pouvez être emprisonné le reste du temps prévu plus rapidement que ce ne serait le cas si vous étiez un adulte.
À l'heure actuelle, la définition d'« infraction grave avec violence » est vaste — elle vise les infractions qui entraînent ou risquent d'entraîner des lésions corporelles au cours de leur perpétration. Un juge qui doit déterminer si une infraction donnée constitue une infraction grave avec violence doit tenir une audience. Il incombe à la Couronne de prouver hors de tout doute raisonnable qu'une infraction représente une infraction grave avec violence. Une fois ces seuils franchis, une peine de placement sous garde différé ne peut pas être imposée.
La validité constitutionnelle de cette restriction a été confirmée après qu'elle ait fait l'objet d'une contestation. Ainsi, selon la loi en vigueur, dont la constitutionnalité a été confirmée, une peine de placement sous garde différé ne peut être imposée pour une infraction de ce genre.
Le problème soulevé par les modifications de la définition d'infraction grave avec violence proposées dans le cadre du projet de loi tient à ce que la catégorie des infractions graves avec violence deviendrait restrictive — elle se limiterait aux infractions les plus graves comme le meurtre, la tentative de meurtre, les voies de fait graves et l'agression sexuelle grave. Un point c'est tout. Par conséquent, le projet de loi autoriserait le placement sous garde différé pour une kyrielle d'autres types d'actes très graves.
Excusez-moi — je viens de dire que la définition d'infraction grave avec violence s'appliquerait aux voies de fait graves, mais cela n'est pas le cas —, c'est aux agressions sexuelles graves qu'elle s'applique. Ainsi, une peine de placement sous garde différé pourrait être imposée pour des infractions comme les voies de fait graves, la conduite dangereuse causant la mort, la négligence criminelle causant la mort et de nombreuses autres infractions pour lesquelles ce type de peine ne peut être imposée à l'heure actuelle. Lorsque je lis les comptes rendus des débats entourant ce projet de loi, je constate que celui-ci n'a pas pour objet de rendre possible l'imposition d'une peine de ce genre. Ce projet de loi ne vise pas à élargir la possibilité pour un tribunal d'imposer une peine aussi courte — nous parlons ici d'une peine d'une durée de six mois. Il s'agit pourtant de l'effet qu'aura ce projet de loi dans sa forme actuelle.
L'aspect le plus problématique du projet de loi dans sa version actuelle concerne l'article 18, qui porte sur les peines pour adultes. Plus précisément, cet article représente une tentative de codification d'un arrêt de la Cour suprême ayant eu pour effet d'annuler les dispositions permettant un renversement du fardeau de la preuve relatif à l'imposition à un adolescent d'une peine pour adultes. Hélas, l'article 18 va beaucoup plus loin que cela. Il propose un tout nouveau critère, et énonce que la norme de preuve applicable à ce critère est la preuve hors de tout doute raisonnable. Il s'agit de la norme de preuve la plus élevée en matière de droit. Auparavant, aucun de ces articles n'exigeait l'application de cette norme de preuve.
En 2008, dans le cadre de l'arrêt D.B., la Cour suprême a déclaré invalide le régime de présomption relatif à l'imposition de peines. Subséquemment, la Cour d'appel de l'Alberta, la Cour d'appel de l'Ontario et la Cour d'appel ont toutes trois conclu que la décision rendue par la Cour suprême du Canada ne signifiait pas que la norme de preuve applicable était la preuve hors de tout doute raisonnable. Ainsi, en consacrant cette exigence, cet article du projet de loi va beaucoup plus loin que ce qu'exigeait la Cour suprême du Canada, et, en fait, pose à la Couronne un problème presque insoluble en matière de preuve, car il ne s'agit pas de présenter une preuve relative à des facteurs particuliers concernant une infraction présentant des caractéristiques particulières. S'agissait-il d'une infraction préméditée? A-t-elle été commise à l'aide d'une arme? Le Code criminel et la Charte reconnaissent déjà qu'un procureur qui entend s'appuyer sur des circonstances aggravantes ou sur des faits touchant l'infraction ou son auteur doit établir une preuve hors de tout doute raisonnable. Cela est bien établi et bien compris. La différence, c'est que, à présent, il s'agira d'établir non pas des faits, mais des principes hors de tout doute raisonnable, et cela occasionnera de très grandes difficultés.
L'article 18 pose un autre problème, dans la mesure où il supprime la majeure partie des directives spécifiques qui étaient données aux tribunaux en ce qui a trait aux facteurs qui devaient être pris en considération. À l'heure actuelle, l'article 71 énonce un éventail très large d'éléments à prendre en considération, notamment les circonstances entourant l'infraction et l'âge et la maturité de celui qui l'a commise. La liste des facteurs n'est pas restrictive, mais elle donne quelques directives et une certaine orientation. L'article 18 a pour effet de supprimer l'article 71, et indique simplement que la Couronne doit réfuter hors de tout doute raisonnable la « présomption de culpabilité morale ».
L'expression « présomption de culpabilité morale », qui est très vaste, n'est définie à aucun endroit — personne n'en connaît tout à fait les limites précises. Pour un avocat, il sera excessivement malaisé d'affirmer, devant un juge, qu'il a réfuté hors de tout doute raisonnable la présomption de culpabilité morale, car nous ne nous sommes même pas entendus sur la portée précise de cette présomption. Dans sa version actuelle, le projet de loi n'est d'aucun secours à cet égard, et, pis encore, il a pour effet de supprimer l'orientation qui était auparavant offerte aux juges de première instance.
Merci beaucoup.
À titre informatif, je suis directeur administratif, Élaboration et analyse des politiques, au ministère de la Justice du Manitoba. Je travaille dans le secteur de l'élaboration des politiques en matière de droit pénal depuis un peu plus de 14 ans. Auparavant, j'ai travaillé pendant à peu près cinq ans comme avocat de la défense dans le cadre d'affaires pénales concernant des adultes et d'affaires portées devant le tribunal pour adolescents.
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour parler au comité de la position du gouvernement du Manitoba sur la réforme de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la LSJPA, de ses préoccupations à propos du projet de loi et de son approche en ce qui a trait à la réforme de la LSJPA. Le gouvernement du Manitoba s'intéresse depuis longtemps aux questions touchant la criminalité des jeunes et la LSJPA. Depuis 2006, il plaide en faveur d'un renforcement des dispositions de la LSJPA relatives à la mise en liberté sous condition et à la détermination de la peine, réforme qui ferait en sorte de faciliter le placement sous garde des jeunes délinquants ayant commis des infractions graves et des jeunes récidivistes au moment de leur arrestation et l'imposition à ces adolescents de peine d'emprisonnement.
Pour clarifier les choses, permettez-moi de mentionner que le gouvernement du Manitoba recommande non pas que tous les jeunes contrevenants présumés soient placés sous garde ou se voient imposer une période de placement sous garde, mais simplement que les juges se voient accorder la possibilité de prendre en considération les circonstances de chaque affaire et de rendre des décisions judicieuses fondées sur le comportement de l'adolescent et le risque qu'il pose pour le public, ce qu'ils ne peuvent pas faire en ce moment puisqu'ils ont les mains liées par la LSJPA, qui prévoit une présomption défavorable à la détention avant le prononcé de la peine et aux peines de placement sous garde. L'incapacité de placer sous garde des adolescents « hors de contrôle » non seulement pose un problème de sécurité publique, mais également ébranle la confiance du public à l'égard du système de justice, lequel commence à être considéré comme un système de portes tournantes dans le cadre duquel les délinquants sont remis en liberté aussitôt qu'ils ont été arrêtés.
Le gouvernement du Manitoba ne s'est pas contenté de faire part de ses préoccupations dans le cadre de réunions fédérales-provinciales-territoriales des ministres responsables de la justice ou dans le cadre de réunions avec le ministre fédéral de la Justice; en septembre 2007, le premier ministre et le ministre de la Justice du Manitoba de l'époque ont pris la tête d'une délégation non partisane comprenant les chefs de l'opposition du Manitoba, les maires et les chefs de police de Winnipeg et de Brandon et des dirigeants communautaires. Cette « mission à Ottawa » visait à faire pression sur le premier ministre, le ministre fédéral de la Justice, le caucus libéral fédéral, le caucus fédéral du Nouveau parti démocratique et les députés fédéraux du Manitoba pour qu'ils modifient la LSJPA de façon à dissiper les préoccupations du Manitoba.
L'une des principales causes des préoccupations du Manitoba et de la délégation dont je viens de parler était une tendance à la hausse en ce qui concerne la conduite insouciante et dangereuse liée aux vols de véhicules automobiles, l'une des infractions pour laquelle la LSJPA prévoit actuellement une présomption favorable à la mise en liberté et défavorable à l'imposition d'une période de placement sous garde. À Winnipeg, au cours des sept premiers mois de 2007, il y a eu quatre incidents au cours desquels des personnes ont été tuées ou gravement blessées après avoir été happées par des adolescents conduisant des véhicules volés.
En fait, l'une des personnes qui faisait partie de cette mission à Ottawa était Kelly Van Camp, une femme qui pratiquait le jogging et qui avait été délibérément ciblée et heurtée par un jeune qui conduisait un véhicule volé — elle a été hospitalisée pour des fractures et de graves blessures à la tête. En 2008 et en 2009, d'autres jeunes hors de contrôle ont occasionné des blessures graves et des décès, et, dans certains cas, ce sont des policiers se trouvant à l'intérieur ou à l'extérieur de leur véhicule qui ont été la cible de ces jeunes contrevenants. Nous avons réussi à réduire considérablement, de plus de 75 p. 100 — le nombre total de vols de voiture, mais il faut tout de même que la LSJPA soit modifiée de façon à régler ce problème.
Passons maintenant au projet de loi . Même si ce projet de loi met en oeuvre quelques-unes des recommandations de réforme de la LSJPA que prône depuis longtemps le Manitoba, par exemple, la reconnaissance de la dissuasion et de la réprobation à titre de principe valide de détermination de la peine imposée aux jeunes contrevenants, à certains égards, il néglige certaines préoccupations soulevées par le Manitoba, et, en fait, marque un recul, dans la mesure où il porte atteinte à la capacité du système de justice pour les jeunes de prendre en charge les jeunes contrevenants hors de contrôle ayant commis des infractions graves. Comme l'ont fait d'autres intervenants avant moi, je tiens à préciser que nous sommes assurément favorables à l'intention et à l'orientation politique qui sous-tendent le projet de loi C-4, mais que quelques-unes de ses dispositions soulèvent, à notre avis, de graves préoccupations.
Là encore, ce que je vais dire semblera peut-être un peu répétitif, et je tenterai donc d'alléger mes commentaires de façon à ne pas répéter les observations pertinentes qu'ont faites mes collègues à ma gauche. Le gouvernement du Manitoba partage assurément leur point de vue selon lequel le projet de loi présente trois principaux problèmes. Le premier tient aux amendements touchant la détention avant le prononcé de la peine, le deuxième, aux amendements concernant les peines pour adultes, et le troisième, aux amendements relatifs aux peines de placement sous garde différé.
Je devrais également mentionner que ces trois préoccupations ont également été soulevées par les procureurs généraux et les solliciteurs généraux de l'Ouest du Canada, lesquels ont milité pour que l'on trouve une solution pour les dissiper.
En ce qui concerne le premier problème, plutôt que de supprimer purement et simplement la présomption défavorable à la détention avant le prononcé de la peine, le projet de loi propose ce qui se révèle être, dans les faits, une disposition de mise en liberté obligatoire empêchant les juges de refuser d'accorder une mise en liberté sous caution aux délinquants ayant commis une infraction ne relevant pas de la nouvelle catégorie restreinte des infractions graves ou ayant commis des infractions comme un outrage à la pudeur, un dommage matériel ou un vol de véhicule d'une valeur de moins de 5 000 $. À moins que le projet de loi — qui crée une nouvelle infraction — ne soit adopté et édicté, des infractions comme la violation des conditions de la liberté sous caution ou d'autres ordonnances d'un tribunal, l'évasion d'un lieu de détention ou le défaut de retourner dans un lieu de détention au moment requis ne seront pas visées par la définition, peu importe le nombre de fois qu'elles auront été commises. La définition d'« infraction grave » contenue dans le projet de loi C-4 doit à tout le moins être supprimée ou modifiée de façon à ce qu'un éventail plus large d'infractions puissent faire l'objet d'un refus de mise en liberté sous caution, et qu'il soit ainsi possible d'empêcher que la récidive demeure impunie.
En ce qui a trait aux dispositions relatives à l'imposition de peines pour adultes, le Manitoba partage le point de vue exposé aujourd'hui selon lequel le projet de loi C-4 va au-delà de ce qui est nécessaire pour donner suite aux préoccupations formulées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. D.B., et que l'application d'une nouvelle norme de preuve — hors de tout doute raisonnable —, au moment de déterminer si une peine pour adultes devrait être imposée aura pour effet de rendre pratiquement impossible, sauf dans de rares cas, l'imposition d'une peine pour adultes. Les dispositions du projet de loi C-4 touchant l'imposition de peine pour adultes devraient être modifiées de manière à ce que l'exigence relative à la norme de preuve hors de tout doute raisonnable soit supprimée et à ce que l'on remette en vigueur la liste de facteurs — par exemple, l'âge, la maturité, les antécédents et le casier judiciaire du délinquant, et les circonstances entourant l'infraction — orientant les tribunaux au moment où ceux-ci doivent déterminer s'il y a lieu d'imposer une peine pour adultes. Un tribunal devrait prendre en considération tous ces facteurs lorsqu'il est appelé à décider si un jeune contrevenant devrait se voir imposer une peine pour adultes.
Pour ce qui est du placement sous garde différé, le point de vue du Manitoba est, encore là, semblable à celui exprimé par mes collègues de l'Alberta et de la Nouvelle-Écosse, à savoir que rien ne justifie que la LSJPA offre l'équivalent d'une peine d'emprisonnement avec sursis aux jeunes délinquants ayant commis une infraction grave avec violence qui ne peut plus à présent être prise en considération. L'adoption de telles dispositions menacerait la sécurité publique et minerait la confiance du public à l'égard du système de justice. Le projet de loi C-4 doit être modifié pour faire en sorte que les jeunes contrevenants ayant causé ou tenté de causer de graves lésions corporelles ne puissent toujours pas avoir accès à une peine de placement sous garde différé. En outre, il faudrait à tout le moins que, en ce qui concerne les cas où une peine de placement sous garde différé ne peut être imposée, les dispositions du présent projet de loi soient harmonisées avec les mesures législatives s'appliquant aux adultes.
En conclusion, je demanderais aux membres du comité de se pencher sérieusement sur les préoccupations que j'ai soulevées à propos du projet de loi C-4, et de les dissiper en modifiant le projet de loi avant que l'étude de ce dernier n'aille plus loin.
Je vous remercie. Je répondrai à toute question que vous voudriez bien me poser.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, messieurs, de nous avoir présenté un exposé qui m'a semblé exhaustif et minutieux. À coup sûr, il sera très important pour nous de revenir sur votre exposé et votre témoignage au moment où nous entreprendrons effectivement l'étude article par article et que nous envisagerons la possibilité de proposer des amendements du projet de loi. Je vous suis reconnaissant des efforts déployés par chacun d'entre vous.
J'aimerais commencer par poser une question au juge Nunn, mais avant tout, je lui souhaite la bienvenue devant le comité de la justice de la Chambre des communes.
Monsieur Nunn, pour bon nombre d'entre nous, votre rapport a constitué un très important point de référence en ce qui a trait à la façon dont nous pouvons, comme vous l'avez peut-être dit, affiner ou rajuster la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Je partage votre avis selon lequel 90 p. 100 de cette loi fonctionnent bien. À maintes reprises, les membres du comité ont participé à des discussions — et assurément entendu des témoignages de vos collègues ici présents — concernant des aspects de la loi pouvant être améliorés. Comme vous l'avez bien dit, à mon avis, monsieur Hawkes, aucun texte législatif n'est rédigé de façon aussi complexe et maladroite, pour employer des euphémismes, n'est facile à comprendre, et c'est la raison pour laquelle il est utile, selon moi, que le gouvernement ait présenté des suggestions. J'estime que nous pouvons tenter continuellement d'améliorer cette loi. Personnellement, je suis d'avis que, après une période relativement courte, nous ne devrions plus apporter d'importantes modifications — nous devrions laisser le soin aux tribunaux et aux juges d'appliquer la loi pendant une période plus longue avant d'en supprimer de larges pans. Cependant, je crois que nous convenons tous du fait que des rajustements peuvent être apportés.
Monsieur Nunn, l'un des aspects qui nous préoccupent — ou, du moins, me préoccupent, et préoccupent également, si je ne m'abuse, mes collègues du Parti libéral — est la protection du public et de la société, facteur qui figure en bonne place parmi les principes énoncés au début du texte législatif qui nous intéresse. En d'autres termes, nous sommes préoccupés par l'ordre de priorité des objectifs de la loi. Dans votre rapport, vous avez abordé, judicieusement à mon avis, la question de savoir dans quelle mesure la protection du public devait et devrait, comme il se doit, être l'un des objectifs des lois en matière de justice pénale. Je ne pense pas que nous soyons en désaccord là-dessus, mais nous craignons que le simple fait de substituer la protection du public à la protection durable du public — laquelle supposait, à notre avis, la réadaptation des délinquants — et de faire figurer ce principe en meilleure place dans le libellé de la loi n'incite les tribunaux à faire incarcérer davantage d'adolescents dans des établissements de garde en milieu fermé dans des cas où cela n'aurait pas été justifié n'eût été de cette modification.
En d'autres termes, tout le monde parle des jeunes délinquants violents et récidivistes et de l'exemple tragique sur lequel votre commission, monsieur Nunn, s'est penchée. Je crois que tout le monde est d'accord pour dire que, dans ce cas précis, le système a échoué. Nous devons être prudents afin de ne pas modifier le libellé de façon à lier, par inadvertance, les mains des juges dans l'avenir et à faire pression sur eux pour qu'ils incarcèrent des adolescents à l'égard desquels des mesures davantage axées sur la réadaptation seraient appropriées et auraient donné de bons résultats.
De quelle façon vous imaginiez-vous que ce principe dont vous parlez, à savoir la protection du public, serait inscrit dans la loi et serait pris en considération par les tribunaux dans l'avenir? Comment faire pour en arriver à un juste équilibre et nous assurer que les tribunaux ne seront pas contraints ou incités à prononcer une peine d'incarcération alors que, dans les faits, d'autres mesures seraient appropriées?
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Oui, c'était la première fois qu'il volait une voiture — les choses se passent toujours comme cela. C'est l'aspect regrettable auquel nous nous heurtons lorsque nous avons affaire à eux.
Le cas sur lequel je me suis penché était celui d'un jeune qui avait commis 38 infractions, dont 15 ou 20 avaient trait à des voitures volées. Il avait été emprisonné pour vol de voiture, puis deux jours après sa mise en liberté, il avait commis un autre vol de voiture et tué une femme. Nos recommandations en matière de détention avant le procès visent ce genre de situations, et c'est pour nous attaquer à celles-ci que nous voulons qu'il soit plus facile pour un juge de placer un adolescent en détention avant le prononcé de la peine afin, comme je l'ai dit, de le prendre par le collet, de l'amener au tribunal et de lui dire: « Tu t'en vas en prison pendant un petit moment, pendant que nous nous occupons de ton cas ».
Je ne sais pas si je l'ai dit dans ce rapport, mais les juges agissaient comme si la LSJPA énonçait qu'aucun adolescent ne pouvait être incarcéré. C'est la façon dont les tribunaux interprétaient la loi. Il était extrêmement difficile de faire incarcérer quiconque. Comme quelqu'un l'a mentionné ici, l'incarcération est autorisée par un article de la loi, mais cet article renvoie à un autre, puis à un autre, et, au bout du compte, il se révèle que la loi n'autorise pas l'incarcération.
Un procureur de Halifax possédant une vaste expérience dans les affaires touchant les adolescents avait soumis une demande afin que le jeune en question soit incarcéré, et il avait dit au juge: « Écoutez, je ne pense pas que vous pouvez le faire, mais j'aimerais que vous le fassiez ». C'est le genre de choses qui se produisent. Ce n'est pas le meurtrier qui risque de commettre un autre meurtre — de façon générale, les meurtriers ne tuent qu'une seule personne. Cependant, le voleur de voiture récidivera pour le plaisir, et, au cours de l'une de ses balades, il finira par tuer quelqu'un. C'est la raison pour laquelle nous voulons que l'on nous donne les moyens de faire en sorte que ce jeune ne récidive pas.
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Moi aussi, j'ai peu de temps. Toutefois, je veux quand même vous dire, avant de commencer, combien j'ai apprécié le mémoire que les ministères de la Justice de l'Alberta et de la Nouvelle-Écosse nous ont fait parvenir. Je note cependant que le ministère de la Justice de l'Alberta s'est un peu éloigné du sujet, c'est-à-dire qu'il a traité d'autres choses. Celui de la Nouvelle-Écosse est resté plus fidèle au sujet. De toute évidence, ce mémoire a été écrit par des professionnels qui connaissent bien le sujet et qui ont des suggestions. Je l'ai lu, j'y ai beaucoup réfléchi et je sens le besoin de le lire et d'y réfléchir à nouveau.
J'ai aussi été très impressionné par les conclusions du juge Nunn. Je n'en dirai pas plus, car ce n'est pas le rôle des avocats de juger des juges. Ça peut être dangereux, n'est-ce pas? J'estime beaucoup votre raisonnement. C'est à vous, d'ailleurs, que je voudrais adresser ma première question.
Dans votre recommandation 20, vous suggérez un ajout à l'article 3 qui établit les principes de la loi. Or, les amendements qui sont proposés par le gouvernement ne consistent pas en un ajout, mais en un remplacement. Votre but était de maintenir le premier paragraphe de l'article 3, tout en lui ajoutant ce que vous recommandez dans la recommandation 20. Il s'agit d'ajouter le principe. Il est vrai que dans ce qui suit, on parle encore de programmes de réhabilitation et de réhabilitation. Toutefois, on peut voir que le texte a été un peu nettoyé. Maintenant, on ne vise plus ce qui est recommandé, c'est-à-dire la réinsertion, mais on l'encourage. Le gouvernement apporte donc, dès le début, une différence que vous ne désiriez pas, il me semble.
Ai-je raison de penser cela?
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Je n'ai pas droit à neuf minutes moi aussi?
Une voix: Non.
M. Joe Comartin: Je suis toujours celui qui pose les meilleures questions. C'est pourquoi vous n'êtes pas disposé à m'accorder plus de sept minutes.
Merci, messieurs, d'être ici. Je remercie tout particulièrement les représentants des gouvernements provinciaux.
Je reprends à mon compte les commentaires de M. Ménard. Le mémoire soumis est exceptionnel. Je reconnais à M. Murphy, qui vient juste d'arriver, le mérite d'avoir abordé l'un des points que vous avez soulevés, mais je ne crois pas que les deux autres l'ont été. Nous vous en sommes assurément reconnaissants.
Toutefois, j'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées que M. Ménard et vous poser moi aussi des questions concernant les dispositions relatives à la protection du public.
Monsieur MacDonald, vous avez indiqué que vous aviez de l'expérience en matière de rédaction de textes législatifs. Si l'on examine le libellé, on constate que le facteur de la protection du public n'a pas été supprimé, mais qu'en fait, il représente le principal facteur — il domine tous les autres. C'est l'interprétation que je fais du nouvel article. Est-ce une interprétation exacte?
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Je veux simplement ajouter que, à mes yeux, il est important de reconnaître — comme l'a fait observer le membre un peu plus tôt — la nécessité d'établir un juste équilibre.
Si le Manitoba est prêt à soutenir le libellé proposé et l'ajout des principes de dissuasion et de réprobation, c'est notamment en raison d'une affaire assez tristement célèbre, l'« affaire de la boule de billard ». Un adolescent avait mis une boule de billard dans une chaussette et frappé un immigrant irakien derrière la tête. Celui-ci a subi de graves blessures, puis il a été tué.
La personne qui a frappé l'immigrant avec une chaussette contenant une boule de billard s'est vu imposer une peine de placement sous garde de un jour pour un acte qui, pour l'essentiel, constituait un meurtre. La justification de cette peine tenait à ce que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents n'énonce pas expressément que la dissuasion et la réprobation constituaient des aspects qui pouvaient être pris en considération au moment du prononcé de la peine, interprétation qui a été confirmée par la Cour d'appel du Manitoba.
J'estime que, par souci d'équilibre, il faut que le tribunal appelé à se prononcer sur le cas d'une personne ayant commis une infraction très grave ou d'un adolescent hors de contrôle dispose de la gamme complète, d'un éventail complet et de la panoplie complète des options.
Du point de vue du gouvernement du Manitoba, cela ne nuit pas à la réadaptation de la vaste majorité des jeunes contrevenants; toutefois, il est nécessaire de mettre l'éventail complet des options à la disposition des tribunaux ayant à rendre une décision à propos de jeunes récidivistes ayant commis des infractions graves et de délinquants hors de contrôle. Un libellé du type de celui qui a été proposé permet d'établir un équilibre.
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Je serais tenté de réagir à cela en disant qu'il s'agit aussi d'un bon exemple de piètres décisions judiciaires, mais je vais poursuivre, si vous le permettez.
Monsieur MacDonald, la préoccupation que vous avez soulevée à propos des jeunes hors de contrôle et de la façon... C'est de cela dont il s'agit. Je crois que tant le gouvernement que mon parti reconnaissent qu'une proportion de 5 p. 100, si ce pourcentage fourni par M. Hawkes est exact, en tout cas il est probablement très près de la réalité, à savoir 5 p. 100 ou 7 p. 100... Mon problème, c'est que, lorsque j'ai commencé à exercer le droit, la Loi sur les jeunes délinquants était toujours en vigueur, puis la Loi sur les jeunes contrevenants a été adoptée...
L'hon. Dominic LeBlanc: C'était au XIXe siècle, n'est-ce pas?
M. Joe Comartin: La Loi sur les jeunes délinquants remonte effectivement au XIXe siècle, monsieur LeBlanc, mais je n'exerçais pas à cette époque.
Ce qui me préoccupe tant de ce que vous avez dit, c'est qu'une norme semblable à celle qui était en vigueur sous le régime de la Loi sur les jeunes délinquants serait utilisée, à savoir celle des adolescents considérés comme étant « hors de contrôle », norme dont l'on se servait principalement, dans la vaste majorité des cas, pour évaluer les filles qui refusaient de rentrer à la maison le soir et d'écouter leurs parents. Cela me semble étrange.
J'imagine que ce que je tente vraiment de faire valoir, c'est que je ne veux pas que nous revenions à un libellé de ce genre. Avez-vous un autre libellé à suggérer que celui qui figure actuellement dans le texte législatif proposé et qui, de toute évidence, est inadéquat? Avez-vous un quelconque autre libellé à proposer? Votre mémoire n'en contient aucun.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins de s'être présentés ici aujourd'hui. J'ai apprécié tous les exposés, et je suis d'accord avec mes amis d'en face pour dire que le rapport fourni par les procureurs généraux était très utile.
Je dois également dire, monsieur le juge Nunn, que j'ai lu votre rapport, et que je suis d'accord avec M. LeBlanc pour dire que, d'un point de vue philosophique, il constitue assurément ce qui, selon moi, devrait être considéré comme le point de référence en matière de prise en charge des adolescents qui enfreignent la loi.
J'aimerais m'adresser tout d'abord à vous, monsieur le juge Nunn, à propos de l'une de vos recommandations, la recommandation 20. Ma question fait suite à celle que vous a posée M. Ménard à propos de ce que vous recommandez, à savoir que la protection du public devienne l'un des principaux objectifs de la loi. Vu que la loi actuelle mentionne la protection durable du public, je suppose que j'ai deux questions à vous poser. Pourquoi croyez-vous, selon vos recommandations, que le principe de protection du public, l'un des principaux objectifs de la loi, doit être réformé? Plus précisément, je tiens pour acquis que par « protection », vous entendez la protection à court terme, et, par conséquent, la détention avant le procès.
Monsieur MacDonald, j'ai trouvé que votre témoignage était très instructif en ce qui a trait à la liste d'infractions qui ne pourraient pas être visées par un placement sous garde, ou du moins à l'égard desquelles il existerait une présomption défavorable. Vous avez mentionné un certain nombre d'infractions, notamment le vol de moins de 5 000 $, la fraude de moins de 5 000 $ et l'évasion d'une garde légale, autant d'infractions que, selon les statistiques, les jeunes contrevenants sont très susceptibles de commettre, comme vous l'avez mentionné si je ne m'abuse.
Ainsi, lorsque je lis la loi en vigueur et les amendements proposés dans le projet de loi C-4, je bute sur la définition d'« infraction grave », laquelle, je pense, fait l'objet d'un débat. Si vous agissiez comme conseiller du procureur général non pas de la Nouvelle-Écosse, mais du Canada, quelle définition d'«infraction grave » proposeriez-vous de façon à ce qu'elle englobe un bon nombre, sinon la totalité, des infractions qui ne sont pas visées par la définition actuelle, mais qui, selon vous, devraient l'être?
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En ce qui concerne la liste des infractions que j'ai énoncées, je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas seulement d'une présomption contre la détention; elles en sont complètement exclues.
Il y aurait deux façons de le faire. Vous pourriez élargir la détention avant le procès à toutes les infractions, parce que le critère, tel qu'il est énoncé pour la détention avant le procès, est très sévère. Cependant, si, à titre de politique, vous vouliez établir une distinction entre les infractions graves et celles qui le sont moins, vous pourriez peut-être le faire en ayant une présomption contre la détention, ce qui est actuellement en place; à tout le moins, donnez cette possibilité à la Couronne. Si c'était le cas, je proposerais de revoir la manière dont le critère sur la présomption contre la détention est formulé, parce que les tribunaux l'ont interprété comme étant très très sévère, et que certains tribunaux ont même affirmé qu'il ne pouvait être réfuté — bien que les avis varient à ce sujet.
Ainsi, je suggérerais que, pour les infractions moins graves, la détention avant le procès soit toujours autorisée, mais qu'il pourrait peut-être y avoir une présomption. Puis, pour les autres, le critère habituel serait appliqué. Ce serait une façon de faire.
Dans l'ensemble, je pense que nous aimerions que le tribunal dispose de pouvoirs discrétionnaires et de l'outil qui lui permettront de juger toute infraction sur les faits en ce qui a trait à la détention avant le procès, et ce, sans aucune présomption.