Cette séance est la 35e du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes aujourd'hui le mardi 16 novembre 2010.
Vous avez devant vous l'ordre du jour pour aujourd'hui. Vous constaterez que nous poursuivons notre étude du projet de loi , et visant principalement la disposition de la dernière chance.
Juste un petit préavis pour les membres du comité: j'espère garder un peu de temps à la fin de la réunion pour que nous traitions de la motion de M. Dechert. Je pense qu'elle a été déposée en bonne et due forme, et il sera donc prêt à ce que l'on en discute à la fin de cette séance.
Nous allons aujourd'hui entendre deux groupes de témoins relativement au projet de loi , et le premier disposera d'une heure.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins. Accueillons, tout d'abord, M. Don Head, représentant le Service correctionnel du Canada. Heureux de vous revoir.
Nous allons également entendre une représentante de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Il s'agit de Marie-France Pelletier, qui en est la première vice-présidente. Bienvenue.
Enfin, nous avons le Barreau du Québec, ici représenté par Gilles Trudeau. Bienvenue au comité.
Chacun d'entre vous dispose de jusqu'à 10 minutes pour faire son exposé, après quoi nous passerons aux questions. Si vous bouclez plus rapidement, alors ce sera formidable. Plus nous disposons de temps pour les questions, mieux c'est.
Pourquoi ne commencerions-nous pas par entendre M. Head.
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Merci, monsieur le président. Je vais en fait m'efforcer de vous livrer mes remarques en moins de 10 minutes.
Bonjour à vous, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de me donner aujourd'hui l'occasion de venir vous parler du projet de loi , qui vise à éliminer ce que l'on appelle « la clause de la dernière chance ».
Comme vous vous en souviendrez peut-être, j'ai comparu devant vous il y a un an pour discuter du projet de loi , qui avait le même objectif, soit l'élimination de la possibilité d'une révision judiciaire anticipée pour les délinquants ayant commis les infractions les plus graves. Aujourd'hui, je vais, dans mon mot d'ouverture, vous parler de deux éléments importants, après quoi c'est avec plaisir que je répondrai aux questions que vous voudrez me poser.
Tout d'abord, j'aimerais vous présenter quelques statistiques sur la population des délinquants purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité qui seraient touchés par les dispositions législatives proposées. Je vous donnerai ensuite un bref aperçu des processus auxquels prend part le Service correctionnel du Canada pour appuyer les tribunaux lorsqu'un délinquant demande une révision judiciaire.
Pour ce qui est des chiffres, en date du 10 octobre 2010, on comptait 1 508 délinquants admissibles à la révision judiciaire, c'est-à-dire qui pouvaient demander que la date de leur admissibilité à la libération conditionnelle soit modifiée. Pour vous donner une perspective historique, depuis la première audience de révision judiciaire, en 1987, le tribunal a rendu 181 décisions. De ce nombre, 146 ont entraîné une réduction de la peine à purger avant d'être admissible à la libération conditionnelle, alors que 35 ont mené à un refus.
Sur les 146 délinquants dont la date d'admissibilité à la libération conditionnelle a été devancée, 144 ont maintenant atteint la date révisée de leur admissibilité à la semi-liberté, et on a accordé la libération conditionnelle à 135 d'entre eux. Sur ces 135 délinquants, 68, soit environ la moitié d'entre eux, n'ont eu aucun problème alors qu'ils étaient sous surveillance, 35 ont vu leur libération conditionnelle suspendue, mais sans que cette suspension n'entraîne une révocation, et 23 ont vu leur libération conditionnelle révoquée. Sur les 135 libérés conditionnels, sept ont récidivé sans recourir à la violence et deux ont commis une nouvelle infraction avec violence. Sur les deux qui ont récidivé avec violence, un a été reconnu coupable de deux accusations de voies de fait avec recours à la force, alors que l'autre délinquant a été reconnu coupable d'une accusation de vol qualifié.
Puisque nous parlons chiffres, j'aimerais ajouter que les modifications proposées à la Loi sur le transfèrement international des délinquants n'auraient que des répercussions mineures sur le processus de révision judiciaire. En effet, plus de 1 500 délinquants ont été rapatriés au Canada depuis que cette loi est entrée en vigueur, en 1978, mais sur ce nombre, seuls 28 délinquants purgeaient une peine d'emprisonnement à perpétuité. Par ailleurs, seulement neuf d'entre eux étaient condamnés pour meurtre au premier degré. Sur les 300 cas actifs de délinquants qui font actuellement l'objet d'un examen pour rapatriement possible au Canada, seulement sept concernent des délinquants purgeant « potentiellement » une peine de meurtre au premier degré. Je dis bien « potentiellement », car la détermination des parallèles légaux internationaux est un processus complexe, et chaque cas doit être examiné par des juristes afin de s'assurer que le délinquant reçoive une peine équivalente au Canada. Tout cela étant dit, nous nous attendons à ce que les nouvelles dispositions législatives n'aient que des répercussions négligeables au Canada, puisque, d'ordinaire, les autres administrations sont extrêmement réticentes lorsque vient le temps d'accepter un transfèrement international dans un cas que nous considérons comme un meurtre au premier degré.
Pour ce qui est de la façon dont le Service correctionnel du Canada appuie le processus de révision judiciaire, il convient de préciser que celui-ci est gouverné par la « Directive du commissaire 710-5: Révision judiciaire ». Douze mois avant la date d'admissibilité du délinquant à la révision judiciaire, l'agent de libération conditionnelle en établissement — ou l'intervenant de première ligne dans le cas d'une délinquante — doit demander au délinquant s'il a l'intention de présenter une demande. Il doit également aviser le délinquant qu'il a la responsabilité de faire appel à un avocat-conseil.
De plus, notre personnel doit collaborer avec le délinquant afin de l'aider à être transféré dans la région administrative où se déroulera l'audience, si le délinquant en fait la demande. Sinon, la participation à une audience de révision judiciaire peut se faire à l'aide d'une permission de sortir avec escorte. Notre personnel doit aussi aider le délinquant à présenter une demande d'accès à l'information pour accéder à son dossier afin d'en permettre la consultation par son avocat-conseil. Enfin, l'agent de libération conditionnelle ou l'intervenant de première ligne doit veiller à ce qu'une évaluation psychiatrique et (ou) psychologique, ainsi qu'un rapport aux fins de la révision judiciaire, soient effectués dans les 12 mois précédant la demande.
Ce rapport est conçu de la même manière que celui qui sert à déterminer l'admissibilité à la libération conditionnelle. Six aspects y sont traités: les antécédents sociaux, familiaux et criminels du délinquant; les dates importantes dans la gestion de sa peine; le résumé des transfèrements et des mesures disciplinaires, s'il y a lieu; le résumé du rendement et de la conduite du délinquant; les évaluations faites par un psychiatre, un psychologue ou un aîné; et, enfin, le perfectionnement personnel du délinquant.
Comme vous pouvez le constater, le SCC apporte une contribution inestimable au processus visant à déterminer si un délinquant est un candidat acceptable pour l'obtention de la libération conditionnelle, que ce soit dans le cadre du processus de révision judiciaire, qui est l'objet du projet de loi, ou dans le cadre du processus normal de mise en liberté.
Comme toujours, la sécurité publique est notre plus grande préoccupation. Les délinquants dont nous nous occupons proviennent tous d'une collectivité canadienne, et la plupart y retourneront un jour. Le Service correctionnel du Canada a le devoir de gérer leur peine à partir du moment où ils arrivent dans l'un de nos établissements, ce qui englobe la période d'incarcération aussi bien que la mise en liberté dans la collectivité, et nous appliquons notre devoir en mettant toujours la priorité sur l'obtention de bons résultats correctionnels au profit du Canada et des Canadiens.
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie du temps que vous m'avez accordé, et j'envisage avec plaisir de répondre aux questions que vous voudrez me poser.
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Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais remercier les membres du comité de me donner l'occasion de comparaître devant vous dans le cadre de votre étude du projet de loi .
J'aimerais d'abord vous dire un peu qui nous sommes, à la Commission nationale des libérations conditionnelles. La commission fait partie du portefeuille fédéral de la sécurité publique, qui rend compte au Parlement par l'entremise du ministre de la Sécurité publique. Elle est un tribunal administratif indépendant. La commission est chargée de rendre des décisions judicieuses en matière de mise en liberté sous condition à l'égard des délinquants qui purgent des peines de ressort fédéral de deux ans ou plus.
[Traduction]
Nous rendons aussi des décisions en matière de mise en liberté sous condition à l'égard des délinquants sous responsabilité provinciale qui purgent des peines de moins de deux ans dans les provinces qui n'ont pas leur propre commission des libérations conditionnelles. La commission rend également des décisions relatives aux pardons et formule des recommandations en matière de clémence.
La commission compte 45 commissaires à temps plein lorsque son effectif est complet. Pour assurer le traitement des cas conformément aux dispositions prévues par la loi, la commission peut aussi faire appel à environ 45 commissaires à temps partiel.
La commission est principalement régie par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. La LSCMLC détermine les principes qui guident la commission dans la prise de décisions relatives à la mise en liberté sous condition, notamment que la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas, et que le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible.
[Français]
La commission doit déterminer tout d'abord si une récidive du délinquant avant l'expiration légale de la peine qu'il purge présenterait un risque inacceptable pour la société. Elle doit aussi déterminer si la libération du délinquant contribuerait à la protection de la société, en facilitant sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois.
Toutes les décisions sont fondées sur une analyse approfondie des cas et sur une évaluation complète du risque fondée sur tous les renseignements pertinents disponibles qui lui sont fournis par la police, les tribunaux, les intervenants correctionnels, les experts de la santé mentale, les victimes d'actes criminels et d'autres intervenants.
[Traduction]
Pour ce qui est de la clause de la dernière chance, comme nous l'avons précisé à un comité du Sénat en juin dernier, la commission ne joue aucun rôle dans le processus de révision judiciaire en tant que tel.
Lorsque la révision judiciaire du délinquant est acceptée, l'incidence de la révision judiciaire sur la commission est minime, en ce sens qu'une décision positive donne lieu à une modification des dates d'admissibilité à la libération conditionnelle. Comme vous le savez, le délinquant n'est pas automatiquement mis en liberté conditionnelle. Il doit tout de même participer à une audience de libération conditionnelle ou faire l'objet d'une révision.
Les commissaires font une évaluation complète du risque à l'aide de tous les renseignements pertinents disponibles, comme ils le feraient pour tout autre cas de libération conditionnelle. Lorsque la commission octroie la libération conditionnelle, le délinquant est toujours assujetti à la peine originale qui lui a été imposée par le tribunal. Il doit aussi respecter les conditions habituelles de libération conditionnelle et, dans certains cas, des conditions spéciales.
Les délinquants condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité qui se voient accorder une libération conditionnelle demeurent sous la surveillance du Service correctionnel du Canada pendant toute leur vie. En outre, leur liberté peut être révoquée et ils peuvent être réincarcérés s'ils enfreignent l'une de leurs conditions de libération conditionnelle.
[Français]
Les cas de révision judiciaire sont traités avec la même rigueur que tous les autres cas. Chaque cas est évalué sur ses propres mérites par des commissaires indépendants qui reçoivent une formation intensive sur les exigences de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et sur la prise de décision fondée sur l'évaluation du risque.
Je vous remercie encore d'avoir invité la Commission nationale des libérations conditionnelles et je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Bonjour, monsieur le président et chers députés. Permettez-moi d'abord d'expliquer certaines règles de fonctionnement du Barreau du Québec et de vous dire comment le Barreau du Québec arrive à établir ses politiques ou ses prises de position.
Je suis accompagné aujourd'hui de Me Nicole Dufour et de notre stagiaire, François. Je serai le porte-parole du Barreau du Québec.
La prise de position que je vais vous livrer aujourd'hui est le fruit d'une consultation d'un comité permanent en matière de droit criminel au Barreau du Québec. Au sein de ce comité siègent des membres du corps professoral, des poursuivants, tant fédéraux que provinciaux, et des avocats de la défense. Le Barreau du Québec ne prendra aucune position sans que son comité en matière de droit criminel en vienne à un consensus. Alors, le sens des observations que je vais vous livrer fait consensus au Québec parmi les professeurs, les procureurs de la Couronne et les avocats de la défense, ce qui, à notre avis, donne toute la valeur à l'intervention du barreau.
Nous avions l'impression que la documentation fournie au Sénat allait vous être transmise; nous avons appris que cela n'a pas été le cas, alors nous allons faire parvenir à la greffière de votre comité la position écrite du bâtonnier du Québec.
Évidemment, c'est une résurgence d'un projet de loi. Le Barreau du Québec avait pris position lors du dépôt du projet de loi , maintenant appelé . Devant l'importance des modifications, nous voulons vous informer de nos observations.
Le projet de loi vise à modifier les règles prévues aux articles 745.6 et suivants du Code criminel. Si les modifications proposées sont adoptées, le projet de loi connu, pour nous, sous le nom de « clause de la dernière chance » sera aboli pour les meurtres commis après l'entrée en vigueur de cette loi et pour les individus qui purgent des sentences. Je vais résumer cela comme suit: le législateur, de propos délibéré, complique la demande, ampute la discrétion judiciaire et, en plus, fait usage d'artifices de procédure pour introduire un délai de 90 jours mandatoire pour déposer la demande.
Nous nous permettons de vous rappeler quelles étaient les intentions du législateur lorsqu'il a adopté l'article 745.6. Cette disposition fait suite à l'abolition de la peine de mort en 1976. La peine, pour la personne déclarée coupable de meurtre au premier degré, devenait désormais la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant d'avoir purgé 25 ans. À l'époque, ce délai d'inadmissibilité à la libération conditionnelle était qualifié de compromis nécessaire à l'abolition de la peine de mort. La clause de la dernière chance a alors été instaurée afin de donner une lueur d'espoir importante à la personne condamnée, pour laisser un stimulant lorsqu'une sanction aussi rigoureuse est imposée pour les crimes les plus graves. En effet, elle permet à la personne reconnue coupable d'obtenir une libération conditionnelle avant d'avoir purgé 25 ans de sa peine d'emprisonnement à perpétuité, si elle fait preuve d'une bonne capacité de réinsertion sociale et si elle fait preuve d'un bon comportement en milieu de détention; j'ajouterai un comportement exemplaire.
Devant la possibilité d'une rémission pouvant aller jusqu'à 10 ans de sa peine, le détenu est encouragé à s'amender et à adopter un comportement de nature à favoriser le succès de sa demande de réduction de délai préalable à la libération conditionnelle. Le désespoir causé par l'infliction de la peine d'emprisonnement à perpétuité est ainsi mieux maîtrisé par le délinquant, en raison de la possibilité réaliste qui s'offre à lui de réintégrer la société avant la fin de ses jours.
Considérant que l'objectif de l'article 745.6 est de donner une lueur d'espoir à la personne reconnue coupable de meurtre, pour l'encourager à changer pour le mieux, le Barreau du Québec s'interroge sur ce qui motive le gouvernement à nier la valeur de cet objectif. Le Barreau du Québec s'est déjà prononcé sur un projet de loi visant les mêmes fins, soit le projet de loi C-45 présenté en 1994. Il avait alors été déclaré contre les modifications proposées à l'article.
Déjà, de l'avis du barreau, le processus prévu à l'article 745.6 fonctionnait parfaitement et ne requérait aucune modification législative. Nous considérons qu'il est toujours du même avis et que les chiffres révélés par M. Don Head nous prouvent de façon très évidente que le système fonctionne pour les gens qui sont incarcérés pour un crime grave. Il fonctionne puisque, sur les 4 000 personnes, et plus, détenues pour des sentences, finalement, seules les plus méritoires auront pu passer l'examen, un examen fait par un juge, d'abord, et ensuite par un jury. Le jury est important ici; c'est le jury de la communauté où a eu lieu le délit et c'est à lui qu'on confie la déclaration de culpabilité. Il a le pouvoir, au nom de la communauté, de permettre à l'individu de s'adresser à Mme Pelletier dans le but que des audiences soient tenues afin qu'il soit éventuellement remis en liberté.
Le projet de loi change le fardeau préliminaire que le juge aura à considérer, pour y introduire la notion de probabilité marquée, alors que présentement, le fardeau est moindre. Cela nous semble une façon de complexifier encore la façon de mettre en oeuvre ces recours pour une personne qui, malgré toute la bonne foi du Service correctionnel, est une personne détenue qui aura à faire des demandes pour obtenir ses dossiers et à composer avec délais et la difficulté d'obtenir les pièces complètes.
À cet effet, je sais que le comité a entendu le témoignage fort éloquent de Kim Pate, qui vous a raconté les méandres qu'elle a dû traverser dans le but d'aider quelques femmes à présenter leurs demandes.
Dans l'affaire Vaillancourt c. Solliciteur général du Canada, la Cour suprême de l'Ontario a statué que le processus actuel de révision établit un juste milieu entre la nécessité de faire preuve de clémence à l'égard du condamné qui affiche une bonne conduite durant l'exécution de sa peine, ce qui peut contribuer à sa réinsertion sociale, et les intérêts de la communauté qui exige qu'on condamne l'acte ayant mené à l'incarcération du délinquant.
À ce sujet, nous désirons porter à votre attention les statistiques. Le bâtonnier donnait des statistiques de 2009; nous avons eu le bénéfice d'avoir des statistiques à jour. Je considère également que ces statistiques sont très probantes.
Le barreau s'inquiète également du fait que ce projet de loi aura pour effet, s'il est adopté, de restreindre la discrétion judiciaire. Le Code criminel ne définit que des lignes directrices générales applicables à la demande et, d'après la disposition du Code, le jury doit rendre une décision en se fondant sur le caractère du requérant, sa conduite durant l'exécution de sa peine, la nature de l'infraction et tout ce qu'il estime utile dans les circonstances. Il s'agit là d'un pouvoir discrétionnaire accordé au jury. Aussi, en cas de refus, le délai minimal avant de pouvoir présenter une nouvelle demande serait désormais fixé à cinq ans; il est présentement de deux ans. Il s'agit d'une autre limite à la discrétion judiciaire. Le juge est la personne la mieux placée pour déterminer quand une nouvelle demande peut être déposée. Il serait donc préférable de lui laisser la discrétion de fixer à cinq ans le délai de présentation, tout en respectant un minimum de deux ans, plutôt que de fixer un délai minimum obligatoire de cinq ans.
Le Barreau du Québec est également préoccupé par l'introduction d'un délai de rigueur de 90 jours alors que, dans beaucoup de situations, la personne devra introduire sa demande de révision judiciaire auprès du juge en chef de la province dans laquelle a eu lieu le crime, ce qui est souvent un lieu différent du lieu de détention. Ce n'est donc pas une chose simple. C'est tellement compliqué, en fait, qu'il y a eu une entente entre le fédéral et les provinces pour faire en sorte que les régimes d'aide juridique acceptent de payer un avocat dans chaque province. On doit voir au transfert du dossier et, dans certains cas, voir à ce que la traduction des pièces et des documents soit faite. Si pour nous, juristes, la question est claire, elle est peut-être moins clair pour des gens qui ne sont pas des juristes, malgré toute la bonne foi du Service correctionnel et des accusés. Au Québec, nous avons un formulaire d'environ quatre pages à remplir pour pouvoir introduire une demande, qui est scrutée par le juge de la Cour supérieure.
Au nom du Barreau du Québec, je pense que si la volonté du gouvernement est de modifier une loi pour renforcer la sévérité des peines d'emprisonnement, ce n'est sûrement pas une volonté dictée par une étude criminologique de victimes. Nous ne voyons pas en quoi ce projet de loi peut venir en aide aux victimes, bien au contraire. Nous croyons que dans le Code criminel, tel qu'il est libellé présentement, l'ensemble de l'information nécessaire pour sécuriser les victimes et leur expliquer le processus judiciaire est incluse, nommément l'article 745.01 qui impose au juge de faire la lecture du prononcé de la sentence et, dès la déclaration de la peine, de mentionner à toute la communauté que l'individu, bien qu'il soit condamné à la prison à perpétuité, pourra demander, dans certains cas et après l'expiration d'un certain délai, à un jury de pouvoir obtenir la possibilité de présenter une demande de libération conditionnelle anticipée.
Je vous remercie.
Nous entamons le processus de discussion avec le contrevenant 12 mois avant la date d'admissibilité. C'est alors que nos l'engageons dans une discussion pour déterminer s'il compte faire une demande pour cette première étape dans le processus de sélection. Et s'il nous fait savoir que c'est ce qu'il compte faire, alors, comme je l'ai mentionné, nous lui conseillons de se chercher un avocat. Nous lui conseillons de faire une demande en bonne et due forme, en vertu de l'accès à l'information, pour obtenir l'information contenue dans son dossier. Nous entamons alors la rédaction d'un rapport sommaire aux fins de révision judiciaire, dont la préparation demande environ six à huit semaines à un agent de libération conditionnelle.
Cela serait fait pendant cette période de 12 mois. Ainsi donc, si ,12 mois avant la date d'admissibilité, le contrevenant fait savoir qu'il ou elle va faire une demande, nos agents de libération conditionnelle entameront le processus de compilation d'information et de préparation des rapports.
L'une des choses que nous faisons, afin de nous assurer qu'il n'y ait aucun parti pris dans les rapports ainsi rédigés, est de demander à un agent de libération conditionnelle qui n'a pas travaillé directement avec le contrevenant concerné de s'occuper de la préparation du rapport de révision judiciaire.
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C'est une bonne suggestion.
J'ai une question pour M. Head, je pense. Non, elle s'adresse en fait à Mme Pelletier. Vous avez tous les deux décrit — c'était plutôt M. Head, je pense — cet exercice de préparation, sur 12 mois, à une demande possible. Étant donné que le projet de loi supprimerait le mécanisme de la dernière chance pour tout le monde dans 15 ans d'ici, nous ne traitons de cette période de transition que dans le cas de ceux qui continueraient, au cours des 15 prochaines années, d'avoir le droit de faire une telle demande.
Cela signifie-t-il, du fait des délais stricts imposés par le projet de loi en ce qui concerne les demandes faites en vertu de la disposition de la dernière chance, que, lorsque vous entamez l'exercice de préparation d'un an, vous disposeriez en définitive dans tous les cas d'une période de 15 mois pour déposer votre demande? Vous auriez le délai de 12 mois, puis le compteur vous accorderait la période de 90 jours imposée par le projet de loi.
Ai-je bien compris que toute personne désireuse de faire une demande en vertu de la disposition de la dernière chance recevrait un rappel du SCC environ un an avant la date déclencheuse, puis aurait encore 90 jours pour faire une demande?
Ai-je bien compris?
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Merci. La Criminal Lawyers' Association est heureuse de l'occasion qui lui est ici donnée de comparaître devant le comité pour l'entretenir des questions d'une importance cruciale que soulève le projet de loi .
La Criminal Lawyers' Association est une organisation sans but lucratif qui a été fondée le 1er novembre 1971. Notre organisation représente environ 1 000 avocats de la défense au criminel dans la province de l'Ontario. Nos objectifs sont d'informer nos membres des questions relatives au droit criminel et constitutionnel, de promouvoir leurs intérêts et de les représenter dans ces domaines.
Bien que la Criminal Lawyers' Association appuie la thèse que les contrevenants coupables de meurtre ne devraient être libérés que s'ils ne posent pas un risque indu de récidive, nous croyons que les modifications à la clause de dernier espoir, telles qu'envisagées dans le cadre du projet de loi , ne servent pas cet objectif. Je vous invite à réfléchir plus particulièrement aux points que voici.
Premièrement, toutes les nouvelles initiatives législatives du gouvernement visant le crime ont pour objet d'améliorer la reddition de comptes publique dans le système de justice pénale et de rétablir la confiance de la population. Les dispositions de la dernière chance font justement appel à la confiance du public. C'est le public — le jury — qui entend la preuve et rend la décision.
Deuxièmement, l'on a beaucoup parlé de la revictimisation qui est causée par les actuelles dispositions de la dernière chance. Il nous faut nous rappeler que les condamnations, par définition, sont vieilles d'au moins 15 ans avant que l'affaire ne soit soumise au jury. Ce ne sont pas les déclarations de culpabilité elles-mêmes qui sont en cause. Soit la personne a plaidé coupable, soit elle a été jugée coupable. Le mécanisme dont il est question ici offre aux victimes une merveilleuse occasion de constater les progrès réalisés par le contrevenant pendant les années qui ont suivi la commission de son crime.
Troisièmement, les dispositions sont une incitation indispensable, pour les personnes déclarées coupables, à se réadapter et à se prévaloir pleinement des programmes qui leur sont offerts pendant qu'elles sont sous garde. Ces délinquants seront probablement mis en liberté tôt ou tard, et il est dans notre intérêt qu'ils demeurent motivés en vue de leur réinsertion sociale.
Quatrièmement, comme le souligne le résumé législatif du projet de loi , au 13 avril 2009, 991 condamnés à vie étaient en situation de faire une demande de révision judiciaire. Seules 174 décisions de tribunal ont été rendues, résultant, dans 144 cas, en une réduction de la peine. Il semble que seuls les contrevenants ayant les meilleures chances de réussir font une demande de réduction de la période de sûreté.
Cinquièmement, la Commission nationale des libérations conditionnelles a accordé une libération dans 131 cas, mais nous n'avons aucune idée du nombre d'auditions qu'il a fallu, après la réduction de la période de sûreté, pour que le contrevenant obtienne quelque forme que ce soit de libération provisoire.
Sixièmement, je pense que vous avez tout juste entendu certaines des statistiques pertinentes, mais parmi les sept contrevenants qui ont vu leur libération conditionnelle totale révoquée, dans deux cas, la révocation a été le fait de non-respect des conditions, dans trois cas elle a résulté de la commission de nouvelles infractions non violentes, et dans deux cas, elle a fait suite à la commission de nouvelles infractions avec violence. Parmi les sept contrevenants qui ont vu leur libération conditionnelle de jour révoquée, dans cinq cas, c'était pour non-respect de conditions, dans un cas pour commission d'une nouvelle infraction sans violence, et dans un cas pour commission d'une nouvelle infraction avec violence. Ainsi, la très grande majorité des condamnés à perpétuité qui sont remis en liberté ne récidivent pas.
Enfin, nous considérons que l'actuel processus d'examen établi au paragraphe 745.6(1) est suffisant pour empêcher que des demandes futiles n'aboutissent devant un jury.
Merci beaucoup.
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J'aimerais, au nom de la Société John Howard du Canada, remercier le comité de l'invitation qui nous a été faite de venir comparaître aujourd'hui. Nous sommes heureux de l'occasion qui nous est ici donnée de discuter avec vous du projet de loi .
En juin 2010, j'ai déposé auprès de la greffière du comité des copies de la déclaration que nous avions faite au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. J'ai commis la même erreur que le Barreau du Québec, en supposant que le texte de notre déclaration aurait été transféré en même temps que le projet de loi.
Le projet de loi a, à ce jour, fait l'objet de vastes et détaillées discussions. J'aimerais, dans ce contexte, vous faire une brève déclaration liminaire.
Comme le savent la plupart d'entre vous, la Société John Howard du Canada est un organisme sans but lucratif dont la mission est de rechercher des réponses efficaces, justes et humaines aux causes et aux conséquences du crime. Nos 65 bureaux de première ligne, répartis dans l'ensemble du Canada, fournissent des services et offrent des programmes à l'appui de la réintégration sécuritaire des contrevenants dans nos collectivités.
La Société John Howard du Canada n'appuie pas le projet de loi. Il semble que ce que nous avons ici soit un projet de solution à la recherche d'un problème.
Bien que la clause du dernier espoir soit, au fil des ans, devenue synonyme d'une approche « indulgente » à l'égard de la criminalité, les données et notre vécu disent le contraire. La clause de la dernière chance a, comme vous le savez, été introduite en 1976 à la suite de l'abolition de la peine capitale et de son remplacement par la peine d'emprisonnement obligatoire minimale de 25 ans, sans possibilité de libération conditionnelle pour les condamnations pour meurtre au premier degré. Entre 1961 et 1976, la période moyenne d'incarcération avant libération conditionnelle était de 15,8 années pour les contrevenants purgeant une peine pour meurtre qualifié. À l'heure actuelle, la durée moyenne purgée avant libération conditionnelle est de 28,4 années pour les condamnations pour meurtre au premier degré. Comment cette augmentation énorme des durées d'incarcération en pénitencier fédéral, par suite de l'introduction de la clause de la dernière chance, peut-elle être dépeinte comme une attitude laxiste à l'égard du crime?
Les données montrent également, selon des comparaisons internationales avec d'autres démocraties occidentales, que les durées d'incarcération pour condamnation pour meurtre au premier degré au Canada sont le double de ce qu'elles sont ailleurs. Encore une fois, où sont les preuves d'une clémence excessive?
Pour les personnes purgeant des peines d'emprisonnement à perpétuité, l'actuel processus pour obtenir une réduction du délai préalable à la libération conditionnelle est rigoureux. Il requiert des examens par un juge, un jury, puis, à l'étape ultime, par la Commission nationale des libérations conditionnelles. Le nombre de contrevenants faisant une demande en vertu de la clause de la dernière chance est faible. D'après les chiffres du SCC — et ceux-ci ont été quelque peu rajustés aujourd'hui —, 1 062 contrevenants étaient admissibles à une révision, or seules 174 demandes ont été reçues. Ce chiffre très bas témoigne d'un processus très limité d'autosélection, résultant en un nombre très limité, voire inexistant, de demandes frivoles. Les demandes qui sont approuvées par un juge comme ayant des perspectives raisonnables d'aboutir, et dont les auteurs obtiennent alors une réduction du délai préalable à la libération conditionnelle par voie d'une décision unanime d'un jury, donnent lieu, dans la très grande majorité des cas, à des libérations conditionnelles par la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Quel est donc le problème dans l'actuel processus que vise à corriger le projet de loi? Qui, à l'intérieur de ce processus, est trop clément à l'égard de la criminalité: la magistrature, les jurys ou la Commission nationale des libérations conditionnelles?
Je vous soumettrai que les données indiquent clairement que le Canada, comparativement à d'autres démocraties occidentales et à notre histoire avant 1976, est, en fait, déraisonnablement dur à l'égard de la criminalité. La société n'est pas bien servie par de longues peines d'incarcération. Des lois visant à augmenter les périodes d'incarcération ne devraient pas être acceptées. Ce projet de loi ne constitue pas une réponse efficace, juste ni humaine à la gestion raisonnable des peines d'incarcération à perpétuité. Je recommande que le comité rejette ce projet de loi et se consacre plutôt à un examen approfondi de la façon dont nous sommes passés, en tant que pays, d'une période moyenne d'incarcération pour les personnes condamnées pour meurtre au premier degré, de 15,8 années avant 1976 à l'actuelle période de détention déraisonnable de 28,4 années.
Je vous remercie de votre attention et j'envisage avec plaisir de répondre à vos questions.
Je suis heureux d'avoir ainsi l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis ici pour mettre un visage sur ceux auxquels s'appliquera le projet de loi, sur ceux auxquels s'applique la disposition de la dernière chance.
Au cours des 30 dernières années, j'ai été un détenu. J'ai travaillé avec de jeunes contrevenants dans la collectivité après être passé par le processus de la clause du dernier espoir, méritant au bout du compte ma libération conditionnelle. Je travaille maintenant de nouveau à l'intérieur du système. Je retourne dans des pénitenciers fédéraux et j'y travaille avec des hommes purgeant des peines d'emprisonnement à perpétuité.
Il y a eu au fil des ans un certain nombre d'idées fausses au sujet du processus de la clause de la dernière chance. J'ai entendu des déclarations du genre « C'est une libération automatique autorisant des gens à réintégrer la collectivité après 15 ans ». Il n'y a pas eu une seule personne — pas une seule — qui ait jamais réintégré la collectivité dès le cap des 15 années purgées franchi.
Lorsqu'une personne réintègre la collectivité dans laquelle le crime a été commis, elle s'expose elle-même, et elle subit un procès de son caractère de la part des résidents de cette collectivité. J'ai donné des conférences à des centaines de personnes, dans des écoles secondaires, des universités et des tribunes publiques, et pas une seule personne ne m'a jamais dit que je n'aurais pas dû retourner dans la collectivité.
Je fais confiance à la Commission nationale des libérations conditionnelles et au Service correctionnel. De nombreux hommes ne vont jamais faire de demande en vertu de la disposition de la dernière chance, mais il s'agit là de l'un des outils du Service correctionnel qui permet aux détenus de se rendre compte, dans le cadre de leur introspection, que la seule façon pour eux de réintégrer un jour la collectivité est de travailler en vue de la réalisation de cet objectif. Pour nombre des hommes avec lesquels je travaille — je passe cinq jours par semaine dans les prisons à m'entretenir avec eux —, et certains d'entre eux y sont depuis 25 ans, et parfois même 30, la situation en prison devient désespérée.
J'envisage avec plaisir de répondre à vos questions.
Merci.
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Premièrement, c'est la deuxième fois, monsieur Mandelcorn, par exemple, que je vous interroge. Je me souviens assez bien de ce que je vous ai demandé la dernière fois, alors je ne vais pas vous poser à nouveau les mêmes questions.
Dans la collectivité d'où je viens... comme vous le savez, chacun, quelle que soit sa collectivité, a entendu parler de telle fille de 13 ans qui a été abattue par balle par quelqu'un dans un commerce. Nous avons vécu la chose dans une petite collectivité, celle de Moncton. De temps à autre, l'on apprend que le contrevenant, qui n'est vraiment pas le héros numéro un dans un endroit comme Moncton, a fait une demande de libération conditionnelle auprès de la commission. Dans pareille situation, les gens songent surtout aux victimes et aux familles des victimes. Si nous pouvions trouver le moyen de minimiser la revictimisation, je pense que nous pourrions être sensibles à l'argument qui est si séduisant, et qui a été mis de l'avant par tous les membres du panel ici réuni, soit que, pour reprendre l'expression utilisée, il s'agit ici d'une solution à la recherche d'un problème.
J'ai beaucoup de respect, messieurs Sauvé et McIsaac, pour vos témoignages. Ils sont très probants. Mais, d'un point de vue juridique, quelle incidence ces changements auraient-ils sur le plan du mécanisme d'établissement de la peine? Les juges et avocats regarderaient-ils alors les choses pour dire que l'une des raisons, à des fins de clémence et de prérogative, que cet article 745 a été adopté, en contrepartie de l'élimination de la peine de mort, était de donner cet espoir, tout type d'espoir, de réadaptation?
Cela aura-t-il un effet? Je m'efforce de me mettre dans la tête du tribunal pénal. Y aura-t-il, quelque part dans l'esprit du juge, une pensée du genre: « Je sais qu'il faut que la chose soit établie au-delà de tout doute raisonnable et tout cela, mais ...»? Le doute serait-il encore moindre? Y aurait-il possibilité d'un nombre inférieur de condamnations, le juge sachant, et le poursuivant lui aussi, peut-être, qu'en portant l'accusation, les conséquences seront d'autant plus graves, je pense — à long terme, pour le contrevenant condamné à une peine à long terme? Voilà une question que j'ai.
L'autre chose qui me trouble est que nous avons des condamnés à perpétuité qui passent, en moyenne, 28 ans derrière les barreaux. Nous nous plaisons à nous comparer, non pas aux États-Unis, mais aux pays d'Europe, chez qui la moyenne est d'environ 10, 11 ou 12. Y a-t-il quelque chose qui nous échappe dans la comparaison? J'adresse la question à M. Mandelcorn. Y a-t-il, dans ces pays, quelque chose qui classifie différemment les lois? Y a-t-il une nomenclature différente pour les lois? Y a-t-il un système différent? Pourquoi se fait-il que ces pays soient si différents de nous sur ce plan?
Voilà donc pour vous, monsieur Mandelcorn, deux questions traitant véritablement de droit, car nous ne disposons que de cinq minutes.
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Je vais répondre à votre première question. Je vais m'abstenir de répondre à la deuxième, étant donné que, bien franchement, je ne suis pas au courant des régimes qui existent en Europe.
Le gros de l'établissement de la peine et des dates de libération est fonction des perceptions et du climat publics — c'est très franchement le climat politique qui est déterminant. Sans vouloir vexer quiconque, je dirais que l'actuel climat politique est tel qu'il est difficile pour les gens d'obtenir une libération. Bien que la commission rende, certes, ses décisions au cas par cas, je ne pourrai pas dire qu'elle serait insensible à l'opinion publique.
En ce qui concerne votre première question, à laquelle il m'est plus aisé de répondre, il importe de souligner qu'il n'y a aucune marge discrétionnaire quant à la détermination de la peine. Si une personne est jugée coupable de meurtre au premier degré, alors c'est l'incarcération à vie. Ce n'est pas une question de doute raisonnable. Cela se passe devant un jury. L'on ne soumet pas au jury les conséquences d'une condamnation.
En ce qui concerne la marge discrétionnaire limitée qui existe, s'il s'agit d'une condamnation pour meurtre au deuxième degré et que le juge peut imposer une période de sûreté d'entre 10 et 25 ans, alors ce que je vous dirais est que cela est fonction des principes, en matière de détermination de la peine, qui sont inculqués aux juges, et des éléments dont on leur dit qu'ils ne doivent pas tenir compte. C'est le crime qui dicte la période de sûreté. Si le crime haineux en question est plus grave, si vous voulez, que le meurtre au deuxième degré, alors le contrevenant va se voir imposer plus de 10 ans. La période de sûreté — c'est là ce qu'examinent les juges. Je vous soumettrai que vous ne faites pas intervenir le fait que cette personne ne pourra peut-être pas sortir du fait qu'il n'y ait plus de clause de la dernière chance.
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Merci, monsieur le président.
Et merci à vous, messieurs, d'être ici aujourd'hui.
Je pense que c'est M. McIsaac qui a mentionné qu'il ne comprend pas quel problème le projet de loi vise à régler, et un de mes collègues de l'opposition a laissé entendre qu'il ne comprenait pas lui non plus quel était le problème. Je pourrais peut-être vous venir en aide.
Il y a deux problèmes — deux très gros problèmes. Un problème est que la disposition de la dernière chance est à mon sens inéquitable et injuste envers les victimes et les familles des victimes. Le deuxième gros problème est que non seulement justice doit être faite, mais il faut qu'elle soit perçue comme étant faite.
Le public est, selon moi, en train de perdre confiance dans notre système judiciaire. Chaque semaine, je reçois des douzaines de courriels d'électeurs dans ma circonscription qui me disent que notre système judiciaire ne se préoccupe que des droits des criminels et qu'il ne défend pas les victimes et les citoyens respectueux de la loi. Lorsque cela arrive, lorsque des centaines et des milliers de personnes croient que notre système de justice pénale n'est pas équitable et n'est pas juste et qu'il n'y a pas de vérité dans la détermination de la peine, alors elles perdent confiance dans notre système de justice pénale. Lorsqu'elles perdent confiance dans notre système de justice pénale, alors elles ont tendance à se faire justice. Voilà quels sont les deux très gros problèmes que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui vise à résoudre.
Sauf tout le respect que je vous dois, messieurs, ce projet de loi n'est pas un projet de loi sur la réadaptation. J'entends beaucoup dire que les gens peuvent être récupérés, que les gens doivent être récupérés, et qu'il nous faut leur donner des incitatifs pour qu'ils puissent se réadapter. Là n'est pas le propos du projet de loi. Son propos est de respecter les victimes et leurs familles et la vérité dans la détermination des peines, afin que les gens puissent croire en notre système de justice pénale, pour qu'ils puissent se coucher le soir et dormir tranquille, sachant que les meurtriers sont derrière les barreaux, là où ils doivent être, et que les peines que les juges et jurys imposent aux criminels reconnus coupables de meurtre vont véritablement être purgées par eux.
Voilà de quoi il retourne dans ce projet de loi, et voilà le problème que le projet de loi vise à résoudre. J'espère que mes amis de l'autre côté de la table comprendront eux aussi cela.
Monsieur McIsaac, vous avez, dans vos remarques liminaires, mentionné l'énoncé de mission de la Société John Howard, que vous avez, je pense, cité, et je vais en refaire lecture. Il s'agit de rechercher « des réponses efficaces, justes et humaines aux causes et aux conséquences du crime ».
Vous pourriez peut-être vous concentrer sur les conséquences du crime et me dire si la Société John Howard a réfléchi à l'incidence de la disposition de la dernière chance sur les victimes et à l'incidence de cette disposition sur la confiance du public à l'égard de notre régime juridique canadien. Dites-moi en quoi la disposition de la dernière chance est, selon vous, juste et humaine à l'égard des familles des victimes qui ne sont plus ici pour jouir de la vie, qui ne sont plus de ce monde — contrairement à M. Sauvé, qui a pu se réadapter, obtenir une formation financée par la population canadienne, afin qu'il puisse retourner dans les prisons et aider d'autres meurtriers à obtenir leur libération conditionnelle anticipée.
Peut-être que vous pourrez me dire en quoi cela est juste et humain et en quoi cela traite des conséquences du crime.
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Oui. Mais la réponse ne sera pas forcément courte.
La question s'adresse à tous les témoins, si vous voulez bien y répondre.
Le projet de loi n'a pas d'incidence sur les demandes de libération conditionnelle après la 25e année. Dans le cas d'un condamné à perpétuité qui est incarcéré depuis 25 ans, aucune période de sûreté n'est imposée après 25 ans. Je suis certain que vous en conviendrez, et je pense que c'est ce que dit le projet de loi.
Étant donné que l'un des objectifs de la détermination des peines est la réintégration réussie des contrevenants dans la société, et étant donné que le projet de loi porte sur l'intervalle entre la 15e année et la 25e année de réclusion, sommes-nous en train de laisser passer à côté d'occasions de réintégration réussie de contrevenants de ce genre entre la 15e et la 25e années? Les perspectives sont-elles meilleures à l'intérieur de cette période? Sur la base de votre expérience, ces perspectives diminuent-elles de quelque façon? La réintégration d'une personne est-elle meilleure ou plus facile à la 18e ou à la 20e année, par opposition à la 30e ou à la 35e année?
Je vous demande de vous prononcer sur l'intervalle entre la 15e et la 25e années. Qu'est-ce qui sert mieux la société? Si nous éliminons la disposition de la dernière chance, alors nous allons perdre cette période de la 15e à la 25e année aux fins de réinsertion sociale? Est-ce bon, mauvais ou sans incidence?
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Premièrement, ma conviction — et elle est celle d'une personne qui a été déclarée coupable et qui a purgé une peine d'emprisonnement à vie, et qui continue de purger une peine d'emprisonnement à vie — est que ma peine va durer à jamais.
Si le risque est tel que la personne ne devrait pas réintégrer la collectivité, alors qu'elle reste en prison. Et il y a de nombreux hommes et femmes qui ne vont jamais sortir de prison. Ils vont y mourir. J'ai travaillé avec au moins 16 personnes qui sont mortes de causes naturelles pendant qu'elles purgeaient leur peine d'emprisonnement à perpétuité.
Mais, plus longtemps vous gardez les gens en prison, plus difficile sera leur réinsertion sociale au sein de la collectivité. L'une des choses que j'ai étudiées lorsque je travaillais sur ma thèse, et que j'ai moi-même observée dans mon travail, est que les jeunes contrevenants qui arrivent et qui sont condamnés à une peine d'emprisonnement à vie et qui ont un minimum de sept ans, ne sortent pas au bout de sept ans. Nombre d'entre eux restent en prison pendant 10, 15 ou 20 ans. Et il est alors d'autant plus difficile de les réinsérer dans la collectivité, car leur âge mental et leur expérience dans la collectivité sont les mêmes lorsqu'ils sortent de prison que lorsqu'ils y sont entrés. Leur développement s'est arrêté.
J'ai tout juste l'autre jour accompagné un gars qui avait une permission de sortir. Il a été déclaré coupable de meurtre au deuxième degré. Il a été condamné à 12 ans. Il est en prison depuis 23 ans. Le problème est qu'il n'a pas pu participer à des programmes. Ceux-ci n'étaient tout simplement pas disponibles, alors il est resté en prison beaucoup plus longtemps que cela n'aurait été nécessaire. Il n'avait jamais vu de téléphone cellulaire. Il n'avait jamais vu certaines des nouvelles pièces et des nouveaux billets de banque qui sont en circulation. C'est donc tout un défi que d'essayer de l'aider à se réinsérer dans la collectivité. Plus vous gardez les gens longtemps en prison, plus il est difficile de les réintégrer.
Je ne dis pas qu'il vous faut simplement ouvrir automatiquement la porte et laisser quelqu'un sortir du fait qu'il ait purgé x nombre d'années. Lorsque la personne est prête à entamer sa réinsertion sociale, c'est là qu'il vous faut le faire. Et le processus est long et lent.
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Ma courte question est la suivante, et je pense que M. Sauvé a tapé dans le mille lorsqu'il a dit: « Ma peine d'emprisonnement est... à jamais ». Je vous soumettrai que les personnes déclarées coupables de meurtre au premier degré ont une peine à purger à jamais. Nous avons entendu dire aujourd'hui qu'elles sont en libération conditionnelle pour le restant de leur vie naturelle. Mais la raison pour laquelle elles sont en libération conditionnelle pour le restant de leur vie est que la ou les personnes qu'elles ont tuées sont condamnées à jamais. Elles n'ont pas un tribunal qui est réuni pour s'inquiéter de savoir pendant combien de temps elles devraient rester mortes. Elles sont mortes à jamais.
Mais il nous faut, me dit-on, penser aux vivants. Et toute la psychologie derrière cela est que la personne qui est morte est morte. Ce sont des vivants qu'il nous faut nous préoccuper. Mais lorsque nous parlons des victimes, les gens d'en face diront « Eh bien, vous autres, vous en parlez, mais vous restez indifférents », et ensuite, nous, nous disons: « Eh bien, si vous n'étiez pas indifférents, vous... »
Mon dilemme est le suivant. Il fut un temps, je croyais en la peine de mort. Ce n'est plus le cas. Nous sommes donc en présence de personnes qui ont commis des meurtres. Nous ne les pendons plus. C'est ainsi qu'il nous faut maintenant nous inquiéter de savoir quoi faire avec les personnes que nous pendions autrefois. À un moment donné, notre société a dit que nous allions les incarcérer pour toujours, du fait que leurs victimes soient mortes pour toujours. Puis, nous avons dit: « Non, cela n'est pas juste. Il nous faut leur donner un certain espoir, et leur montrer qu'elles ne vont pas être punies à jamais ».
Monsieur Sauvé, ce dont est en train de s'occuper l'actuel gouvernement, en plus des familles des victimes et de la société dans son entier — car nous entendons tous le message, mais c'est simplement que nous avons des perspectives philosophiques différentes —, est la question de savoir quand il est approprié d'enclencher le système en vue de la réinsertion sociale des personnes ayant commis l'acte grave qu'est le meurtre. Nous avons entendu dire que ce devrait être au bout de huit ans, car en Europe, c'est huit ans. Je dirais quant à moi que personne ne peut en réalité répondre à cette question. J'estime que c'est M. Sauvé qui y a le mieux répondu. Il ne pense pas qu'il y ait de date précise.