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Bon après-midi tout le monde. Ceci est la 48
e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous avons devant nous les témoins pour l'étude du projet de loi .
[Traduction]
Cet après-midi, nous sommes ravis de recevoir durant la première heure deux témoins qui viennent se faire entendre à titre personnel. Il s'agit de M. Vernon Quinsey, professeur émérite de psychologie à l'Université Queens et de M. Hubert Van Gijseghem, qui est psychologue et professeur titulaire à la retraite de l'Université de Montréal.
Messieurs les professeurs, comme d'habitude, nous vous accordons environ 10 minutes pour vos déclarations d'ouverture et ensuite les députés de tous les partis représentés ici vous poseront des questions à tour de rôle.
Nous allons commencer par M. Quinsey, vous avez 10 minutes.
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Merci beaucoup, c'est un honneur de participer à cette séance.
J'aimerais formuler quelques recommandations pour vous présenter un contexte adéquat à l'étude du régime de peines des délinquants sexuels et des crimes sexuels à l'égard d'enfants.
Le premier point que je désire souligner, et qui constitue l'un des éléments les plus importants à retenir, c'est qu'il existe toute une variété de délinquants sexuels s'agissant de la probabilité de récidive. Il est essentiel de tenir compte de ces données pour étudier tout type de politique relative aux peines. Cela étant dit, il existe néanmoins certaines catégories de délinquants sexuels qui sont relativement moins susceptibles de récidiver en commettant des infractions sexuelles avec contact. Cette catégorie comprend les délinquants incestueux ainsi que les cyberdélinquants qui n'ont aucun antécédent en matière d'infractions avec contact.
Sur le plan individuel, le risque de récidive peut être évalué avec un certain degré d'exactitude grâce à des méthodes actuarielles. Notre capacité de prévision est bonne, quoique imparfaite.
Ce sont les prédateurs sexuels qui sont le plus susceptible de récidiver en commettant des infractions sexuelles avec contact, surtout des infractions sexuelles avec violence. Il est d'une importance capitale d'identifier ces délinquants et de les neutraliser. Compte tenu de ces facteurs, je crois que les politiques en matière de justice pénale devraient chercher à établir un équilibre entre le respect des libertés civiles du délinquant et la protection de la société en optimisant l'incarcération des prédateurs sexuels et en écourtant l'incarcération des délinquants à faible risque. À cette fin, les peines devraient refléter tant la gravité de l'infraction immédiate que le risque présenté par le délinquant pour la société. À cet égard, nous devons comprendre qu'aucune politique en matière de peine ne peut mener à la neutralisation de tous les délinquants sexuels qui sont des prédateurs sexuels sans passer par l'incarcération à vie de presque tous les délinquants sexuels. Il y en aura tout de même qui passeront par les mailles du filet. L'objectif consiste à établir un juste équilibre.
La solution à ce dilemme en matière de politique réside dans une évaluation judicieuse du risque présenté par les délinquants sexuels, un ajustement de l'étroitesse et de l'intensité de la surveillance ainsi qu'une détermination adéquate de la durée de l'incarcération en fonction du risque.
J'aimerais maintenant vous présenter le contexte historique qui nous amène à étudier la possibilité d'apporter des changements à la politique régissant les peines.
Un peu partout en Amérique du Nord, au cours des dernières années, les taux d'homicides, de viols et de tout un ensemble d'autres crimes ont décliné, et parfois de façon substantielle. Ces changements, démontrés tant dans les enquêtes que dans les dossiers officiels, reflètent également la tendance à la baisse dans tout un ensemble de comportements et de résultats reliés au risque, y compris les accidents industriels, le fait de conduire sans ceinture de sécurité, les relations sexuelles avant l'âge de 13 ans, la consommation de tabac, le décrochage scolaire, etc. Il existe donc tout un ensemble d'indicateurs reliés au comportement à risque, qu'il soit criminel ou non. La tendance à la baisse, qui est d'ailleurs encourageante, se constate chez tous ces indicateurs.
Je crois que nous sommes doublement chanceux, car le taux d'infractions sexuelles à l'égard d'enfants a également chuté de façon notable au cours des dernières années. Il s'agit d'un phénomène constaté à l'échelle de l'Amérique du Nord. J'ai dit que nous étions doublement chanceux, car les délinquants sexuels qui s'en prennent à des enfants sont plus susceptibles d'avoir été victimes de sévices sexuels eux-mêmes à l'enfance. Par conséquent, il est probable que l'incidence à la baisse des infractions sexuelles à l'égard d'enfants mènera à une baisse de ce type de crimes à l'avenir.
Voilà qui met fin à ma déclaration préliminaire.
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Je vais d'abord me présenter brièvement pour asseoir ma crédibilité. Je m'appelle Hubert Van Gijseghem. Je suis psychologue depuis 1963. J'ai obtenu mon doctorat en psychologie en 1970. J'ai mené de front deux carrières parallèles: une carrière d'universitaire à l'Université de Montréal et une carrière de praticien.
Comme professeur à l'université, j'ai évidemment eu l'occasion d'enseigner et de faire de la recherche. La plupart de mes recherches ont porté sur les abus sexuels, aussi bien du côté des victimes et des conséquences sur les victimes que du côté des auteurs de tels sévices. Comme praticien, toute ma vie, j'ai surtout été clinicien. Et en tant que clinicien, j'ai eu l'occasion de faire des traitements, là encore aussi bien auprès des victimes qu'auprès des auteurs d'abus sexuels.
Toutefois, dans les 15 ou 20 dernières années de ma carrière de praticien, je n'ai fait que des expertises psycholégales, c'est-à-dire des expertises pour plusieurs cours de différentes juridictions. J'ai eu l'occasion, comme mes collègues présents ici d'ailleurs, de faire plusieurs publications ainsi que quelques livres sur le sujet des abus sexuels.
On me propose de dire quelque chose d'intelligent sur ce projet de loi sur la protection des enfants contre les prédateurs sexuels et aussi de me pencher sur la question de la nécessité ou de l'utilité des peines d'emprisonnement obligatoires minimales.
J'ai lu le résumé législatif et je suis resté un peu bouche bée à la lecture de certains passages. Quand je lisais les arguments en faveur de telles peines d'emprisonnement et que je lisais les arguments contre ces peines, je me trouvais favorable à presque tous les arguments. Cela est probablement compatible avec le doute typique de l'être qui se croit scientifique.
Je ne suis pas un juriste. Je connais peu ou pas les lois, même les lois existantes. En outre, je connais peu la jurisprudence sur les abus sexuels. J'éprouve donc un peu de difficulté à donner une opinion sur la nécessité ou sur l'utilité des peines d'emprisonnement obligatoires minimales.
Par contre, je suis psychologue et je crois connaître, jusqu'à un certain point en tout cas, la population des abuseurs sexuels. Je sais aussi des choses sur leur dangerosité, sur les risques de récidive et sur les outils actuariels et autres dont mon collègue vient de parler. C'est du domaine de mes connaissances.
Une première chose que je voudrais souligner ici, dans cette affirmation de départ, est que la population des abuseurs sexuels n'est pas une population homogène. Il y a plusieurs types. Tous ceux qui ont tenté des typologies de la population des abuseurs se sont rendus compte qu'il y a en effet plusieurs sous-catégories qui ne sont pas nécessairement comparables.
Vu que cette population est hétérogène, il est difficile de prévoir des mesures automatiques ou uniformes. Si on regarde la recherche évaluative, parce que c'est finalement ce qui nous sort de la brume en ce qui concerne la dangerosité ou les risques de récidive, il y a deux types de recherche évaluative. Il y a la recherche évaluative faite par des promoteurs de programmes de thérapie. Très souvent, leurs résultats disent que la thérapie fonctionne et qu'elle présente un certain taux de succès. Toutefois, quand on regarde la recherche évaluative effectuée par des chercheurs indépendants, les résultats sont beaucoup moins optimistes.
Comme le disait déjà le Dr Quinsey, surtout pour les abuseurs extra-familiaux, il n'y a pas beaucoup de réhabilitation possible avant un certain âge, c'est-à-dire avant que l'âge lui-même fasse son oeuvre.
Ces recherches évaluatives — et je pense à certaines recherches de mon collègue Quinsey et de son équipe ou à d'autres recherches de mon collègue Hanson, qui est ici présent avec son équipe — démontrent effectivement, surtout pour les abuseurs extra-familiaux, qu'il n'y a pas énormément d'amélioration du risque de récidive ou de la dangerosité, peu importe s'ils ont été soumis à une psychothérapie ou non. Et s'ils ont été soumis à une psychothérapie, le type de thérapie importe peu.
Cela nous fait dire que la thérapie ou l'ordonnance même de thérapie qui est prescrite par certains juges, même si elle est souvent vue comme une bonne nouvelle par tous, ne peut être perçue comme une alternative à une incarcération ni comme un substitut à la punition.
Quand on parle de thérapie ou quand un individu suit un programme de thérapie et qu'on pense que tout le monde est pacifié, cette bonne nouvelle relève souvent de l'illusion. Par exemple, il est vrai que les pédophiles réels ne constituent que 20 p. 100 de la population de tous les abuseurs sexuels. Si on sait que le pédophile n'est pas un individu qui commet un petit acte de temps à autre mais qu'il est aux prises avec l'équivalent d'une orientation sexuelle au même titre qu'un autre est aux prises avec une hétérosexualité ou encore avec une homosexualité, et si on s'entend sur le fait que le vrai pédophile a une préférence exclusive pour les enfants et que cela est l'équivalent d'une orientation sexuelle, tout le monde comprendra qu'il ne peut être question de vraie thérapie. On ne changera pas son orientation sexuelle. Il peut évidemment toujours rester abstinent.
Pensons par exemple aux psychopathes, qui comptent également dans mes propres échantillons pour 15 p. 100 de la population des abuseurs sexuels. Il y a, là aussi, lieu de se rendre compte que cela fait des centaines d'années, sinon des millénaires, qu'on tente en vain, pour l'instant du moins, de les réhabiliter.
Bien sûr, tout ce que je viens de dire laisse aussi entrevoir qu'il y a probablement des abuseurs sexuels ou des types d'abuseurs sexuels qui sont réhabilitables. Mais lesquels? Est-ce la majorité? Je ne suis pas certain que ce soit la majorité, mais puisque certains abuseurs sont presque certainement peu ou pas réhabilitables et que d'autres le sont, cela nous met devant la nécessité de faire, tôt ou tard, un diagnostic différentiel sérieux pour déterminer lesquels sont réhabilitables.
Est-ce que cela est faisable? Est-ce que c'est trop coûteux en temps, en efforts ou en argent? Je ne le sais pas. Il y a peut-être quelque chose à faire avec les évaluations présentencielles. J'ai vu beaucoup d'évaluations présentencielles et, personnellement, je suis souvent resté sur ma faim. Est-ce qu'un pays peut se payer des évaluations présentencielles beaucoup plus approfondies et élaborées? C'est probablement à vous d'en décider.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins d'être venus se faire entendre aujourd'hui.
Le projet de loi vise à imposer un certain nombre de peines minimales obligatoires ou plutôt de prolonger un certain nombre de peines minimales obligatoires. Professeur Van Gijseghem, je me sens des plus empathique, car il est très clair que les peines minimales obligatoires font déjà partie du Code criminel, et ce depuis longtemps. On en a ajouté un certain nombre, mais c'est surtout une question d'équilibre, car certaines personnes peuvent penser qu'on va trop loin et d'autres non.
D'après les documents de la Bibliothèque du Parlement, les défenseurs des peines minimales obligatoires avancent qu'elles ont un effet dissuasif et qu'elles servent de leçon, car elles communiquent clairement la désapprobation de la société. Les détracteurs des peines minimales obligatoires quant à eux affirment qu'il n'y a pas d'effet dissuasif et qu'il s'agit d'une structure de peine inflexible.
J'aimerais que les deux témoins m'expliquent de quel côté se situe leur matrice. Pensez-vous qu'elle sert à enseigner des leçons? D'après vous, faudrait-il réduire la disparité entre les peines à l'échelle du Canada? Par exemple, dans certaines régions du pays, des délinquants se voient imposer des peines moins lourdes que dans d'autres régions pour une même infraction. J'aimerais savoir ce que vous pensez du contexte. D'après moi, le Code criminel est comme un manuel scolaire dans lequel on essaie de classer les infractions par ordre de gravité. La partie 5 du Code criminel est véritablement obsolète, car on y mentionne des infractions très graves, comme le contact sexuel, l'invitation au contact sexuel, les agressions sexuelles, soit des peines très graves, alors que dans l'article 170, où il est question de nudité en public — et loin de moi l'idée d'avancer que c'est une bonne chose ou que cela devrait être permis par exemple — mais cette infraction n'est manifestement pas aussi grave que le contact sexuel. Or, on a indiqué sous une rubrique provisoire, « corruption des moeurs », les infractions de pornographie juvénile. Voilà où le bât blesse: nous nous apercevons à notre époque qu'il y a une prolifération de la pornographie juvénile. D'ailleurs, le titre de pornographie juvénile est même dépassé. Il s'agit de l'enregistrement vidéo ou médiatique de comportements abusifs à l'égard d'enfants sans défense qui ne peuvent consentir à s'adonner à ce type d'activité. De tout l'article, d'après moi, c'est le pire crime.
Si nous estimons que la pornographie juvénile, soit les images d'abus sexuels commis sur des enfants, constitue les pires crimes énumérés dans l'article, ne croyez-vous pas qu'il serait mieux indiqué, dans ces circonstances, que les peines minimales obligatoires soient un peu plus équivalentes? En grande partie, c'est ce que ce projet de loi cherche à faire. Le minimum passe de 14 jours à 90 jours dans les cas d'infractions très graves. Le projet de loi crée de nouvelles infractions pour tenir compte de nouvelles réalités, comme le fait que des gens organisent des rencontres avec les mineurs. À titre d'universitaires, voyez-vous un équilibre à cet égard? C'était là ma première question.
Deuxièmement, vous avez parlé de la pédophilie comme d'une préférence. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Je vous invite à donner davantage d'explications. S'agit-il, à votre avis, d'une maladie qui peut être traitée et guérie ou les solutions sont-elles très variées? Dépendent-elles du patient et du client?
Vous disposez chacun d'une minute et demie pour répondre aux deux questions.
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Vous avez posé un certain nombre de sous-questions dans votre question. Je vais essayer de répondre à toutes vos interrogations au meilleur de ma connaissance.
Vous avez d'abord soulevé la question du régime de peine proportionnelle. Dans quelle mesure les crimes sont-ils graves et les peines minimales obligatoires constituent-elles une réaction adéquate en l'espèce? Je ne sais pas si je suis la personne la mieux placée pour répondre à cette question, mais je vais vous expliquer ce que j'en pense quand même.
En ce qui a trait aux peines minimales obligatoires, je crains que cela ne fasse en sorte que l'ensemble de nouveaux délinquants soit introduit dans le système. Cette possibilité entraîne un résultat très négatif, d'après moi, en augmentant la gravité des peines pour une infraction comme la possession de pornographie juvénile sur Internet. Je ne suis pas certain que l'on veuille adopter cette orientation.
Je dis cela parce qu'aux États-Unis, il s'agit de la catégorie de délinquants dont le nombre s'accroît le plus rapidement dans le système de justice. Pensez à quel point il est facile de se procurer ce matériel... car après tout, la pornographie juvénile s'entend d'images de quiconque est âgé de moins de 18 ans. C'est malheureux qu'on ait qualifié ces images de pornographie juvénile, parce que les sujets sont mineurs. Oui, il sont jeunes, en majeure partie, mais d'après ma propre définition, ils ne sont pas des enfants. Il ne s'agit certainement pas de sujets prépubères.
D'un autre côté, je crois que vous avez soulevé un point très grave et important. Nous cherchons à nous attaquer à l'exploitation des enfants. Vous pouvez imaginer toutes sortes de scénarios tragiques dans lesquels un mineur s'adonne à toutes sortes d'activités filmées, qu'il y ait été forcé ou qu'il ait été manipulé. Je suis convaincu que ce type d'infractions devrait faire l'objet de peines assez lourdes. Pour ce qui est de la possession de matériel, je n'en suis pas aussi certain. Je crois que ce phénomène est si courant qu'il pourrait entraîner des problèmes dans l'administration de la justice.
Vous avez soulevé la question de la pédophilie. J'aimerais établir certaines distinctions pour votre gouverne.
Tout d'abord, les pédophiles sont ceux qui préfèrent des enfants prépubères. Il ne sont pas intéressés par des jeunes de 15 ans qui ont un corps d'adulte. Ils ne s'intéressent pas à ce type de jeunes. Leur intérêt sexuel est assez limité à certains attributs corporels caractéristiques chez leurs victimes. Aucune donnée scientifique ne prouve que ce type de préférence peut être modifié grâce à un traitement ou autre forme d'intervention.
Le traitement, chez ce type de délinquants, se traduit par une simple gestion, c'est-à-dire qu'on enseigne au délinquant à vivre en gérant sa préférence sexuelle. Ils doivent trouver d'autres façons d'évacuer leurs désirs. Ils doivent éviter les situations à risque élevé. Ils doivent se soumettre à toutes sortes d'activités. D'ailleurs, je pense que la plupart des gens seront d'accord pour dire que ce type de préférences sexuelles, c'est-à-dire une véritable attirance pour les enfants prépubères, ne peut être modifié par aucun traitement offert actuellement.
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J'ai participé à des programmes de thérapie destinés aux victimes. Là aussi, je serai prudent. Je n'estime pas que la plupart des programmes actuellement sur le marché devraient être proposés ou imposés aux enfants de façon uniforme ou automatique. Je crois que, là comme ailleurs, il faudrait voir, au cas par cas, quels sont les besoins d'un enfant en particulier.
J'ai fait de la recherche dans ce domaine et j'ai cru constater que certains enfants ont besoin de reparler de ce qui s'est passé ou de « subir » un programme de thérapie, peu importe lequel. Par contre, d'autres enfants n'ont pas besoin de cela. Il y a un certain nombre d'enfants — et ce n'est pas un petit nombre — qui sont mieux servis si on les laisse tranquilles tout simplement, si on ne les remet pas dans un contexte où ils doivent reparler des abus sexuels.
Cela veut dire, il me semble, qu'il faut tenir compte des besoins individuels et des besoins développementaux de chaque enfant afin d'embrigader la population des victimes dans les programmes existants.
Je prêche donc ici pour la plus grande prudence. Je crois qu'on a abusé à nouveau un certain nombre d'enfants en les embrigadant automatiquement dans les programmes de thérapie existants. Il faut les traiter cas par cas et appliquer un diagnostic différentiel. C'est mon opinion.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins de leur exposé.
Vous vous êtes tous deux exprimés en faveur de peines minimales obligatoires pour certains cas de délinquance sexuelle. Dans le Code criminel, il y a trois catégories d'infractions sexuelles. La première catégorie porte sur les infractions assorties d'une peine maximale, mais sans peine minimale. La deuxième catégorie comprend les peines minimales obligatoires et, bien sûr, les peines maximales. Enfin, il y a les deux nouvelles infractions que le gouvernement, par le biais de ce projet de loi, espère ériger et qui sont également assorties de peines minimales obligatoires.
Compte tenu de la quantité de recherches qui ont été effectuées sur les délinquants sexuels au sujet des taux de récidive et de l'efficacité ou inefficacité des peines minimales obligatoires, connaissez-vous des études qui ont porté sur les infractions déjà inscrites au Code criminel qui font déjà l'objet d'une peine minimale obligatoire pour en déterminer l'efficacité?
Au nom de la Société John Howard du Canada, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à nous faire entendre. Nous sommes ravis de l'occasion qui nous est donnée de discuter avec vous aujourd'hui du projet de loi .
Pour ceux qui ne le savent pas, la Société John Howard du Canada est une organisation sans but lucratif dont la mission consiste à appuyer des interventions efficaces, justes et bienveillantes pour s'attaquer aux causes et aux conséquences de la criminalité. La société est composée de 65 bureaux de première ligne un peu partout au pays qui offrent des programmes et des services en appui à une réintégration des délinquants en toute sécurité dans nos collectivités.
Tout le monde ici est en faveur de la protection de nos enfants contre les prédateurs sexuels et de la promotion de collectivités plus sûres. Ce qui nous préoccupe dans ce projet de loi, c'est le moyen employé pour réaliser cet objectif. D'après nous, l'ajout de peines minimales obligatoires et l'élimination équivalente des peines d'emprisonnement avec sursis, telles que proposées dans le projet de loi, constitueraient un recul.
La Société John Howard du Canada dénonce officiellement depuis une décennie l'imposition de peines minimales obligatoires. L'une des pierres angulaires de notre politique en matière d'établissement de peine, c'est la proportionnalité. La peine doit cibler le délinquant et non pas l'infraction. Pour s'assurer d'une proportionnalité et d'interventions efficaces, il est essentiel que l'appareil judiciaire soit en mesure d'entendre toute la preuve et d'ensuite imposer une peine qui soit à la mesure de cette preuve.
J'ai conscience du fait qu'au Canada, il y a eu une éruption de décisions déraisonnables à l'égard des peines qui ferait en sorte de limiter le pouvoir discrétionnaire traditionnellement attribué à nos juges. Tant l'expérience que la recherche indiquent que les peines minimales obligatoires, en plus de limiter la capacité de s'assurer que les sanctions imposées sont équivalentes aux crimes commis, entraînent une diminution des plaidoyers de culpabilité, ce qui a pour résultat une hausse du nombre de procès ainsi que du nombre de délinquants qui se voient infliger des périodes d'incarcération plus longues. Nos tribunaux sont déjà aux prises avec un problème d'arriérés attribuables aux retards excessifs dans le commencement des interventions correctionnelles. En ce moment, les prisons sont surpeuplées, tant à l'échelon provincial que fédéral, ce qui entraîne davantage de retards dans l'exécution des programmes de traitement.
Nous savons que les peines minimales obligatoires n'ont aucun effet dissuasif et ne permettent pas non plus de réduire le taux de criminalité. L'objectif de la protection de la société serait mieux servi grâce à une réintégration des délinquants dans nos collectivités qui soit bien soutenue et en temps voulu. Les peines minimales obligatoires ne facilitent en rien ce processus.
Les restrictions que ce projet de loi imposent au pouvoir discrétionnaire des juges nuiront, à long terme comme à court terme, à l'atteinte de l'objectif législatif. Au moment où nos voisins du sud et la Grande-Bretagne font marche arrière après des décennies de peines minimales obligatoires, j'exhorte le comité à prendre du recul et à veiller à ce que la proportionnalité reste la pierre angulaire de nos politiques en matière de détermination de la peine.
Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à recevoir vos commentaires et vos questions.
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Je m'appelle Karl Hanson. Je suis chercheur scientifique principal au ministère de la Sécurité publique et de la protection civile. J'ai été invité aujourd'hui à titre d'expert. Je fais de la recherche sur les délinquants sexuels depuis un certain nombre d'années et certains de mes travaux ont déjà été mentionnés par d'autres témoins. Aujourd'hui, je vais vous présenter des résumés de faits fondamentaux concernant les délinquants sexuels puis je répondrai à vos questions sur les sujets sur lesquels j'ai fait des recherches au sein du ministère.
Vous avez devant vous quatre documents. L'un d'eux s'intitule La récidive chez les délinquants sexuels. Il s'agit essentiellement d'un sommaire des taux de récidive des délinquants sexuels. Nous avons choisi un important groupe de délinquants sexuels que nous avons suivis pendant un certain temps pour voir combien d'entre eux seraient arrêtés pour une nouvelle infraction sexuelle. Ce que nous avons constaté, après de vastes études, c'est que 10 à 15 p. 100 de ces délinquants seront trouvés coupables d'une nouvelle infraction sexuelle après une période de suivi d'environ cinq ans. C'est plus faible que ce que bon nombre de personnes imaginent, mais ce n'est pas 0. En outre, les taux de récidive varient grandement, de 1 ou 2 p. 100 pour certains sous-groupes jusqu'à 50 ou 60 p. 100 pour d'autres.
Le deuxième document, tiré de Recherche en bref, s'intitule Taux de récidive chez les délinquantes sexuelles». C'est l'un des sous-groupes de délinquants sexuels dont le taux de récidive est très faible, soit de 1 ou 2 p. 100 après un certain temps. Nous avons mis à jour ce résultat à l'aide d'échantillons plus importants et nous sommes arrivés à la même conclusion.
Le troisième document s'intitule Quelles interventions pour les délinquants sexuels? Je vais m'y attarder, car le message contenu dans ce document est un peu plus complexe. Nous avons passé en revue tous les programmes de traitements qui existent pour les délinquants sexuels et qui ont fait l'objet d'une évaluation, et nous avons comparé ceux qui semblaient être les plus prometteurs et ceux qui l'étaient moins.
Nous avons constaté qu'en général, les délinquants qui ont reçu des traitements ont un taux de récidive d'environ 11 p. 100 après cinq ou six ans, alors que ceux qui n'avaient pas suivi de traitements avaient un taux de récidive d'environ 19 p. 100 — donc plus élevé. Dans les deux cas, il y a récidive, mais il y a une baisse importante.
Nous avons également constaté que nous pouvions déterminer quels programmes avaient le plus de chances d'être efficaces. Il s'agit des programmes de traitements des délinquants qui présentent un risque modéré à élevé — des délinquants qui ont un risque modéré de récidive — et qui traitent les aspects ou caractéristiques psychologiques associés aux risques de récidive, c'est-à-dire les besoins criminogènes. Le troisième principe est qu'ils doivent amener les délinquants à participer vraiment au processus thérapeutique — ce que nous appelons la réceptivité. Les programmes qui respectent ces principes donnent de bien meilleurs résultats que ceux qui ne le font pas. Essentiellement, il existe des traitements qui peuvent être efficaces et bon nombre d'entre eux sont utilisés à divers endroits au Canada.
Le quatrième document est un résumé en français et en anglais. Il résume une étude que j'ai effectuée avec mes collègues Michael Seto et Kelly Babchishin, visant à déterminer le nombre de cyberdélinquants sexuels qui commettent également des infractions sexuelles avec contact. Nous avons constaté que 12 p. 100 des cyberdélinquants sexuels avaient été condamnés pour une infraction avec contact antérieure. Environ la moitié d'entre eux admettent avoir commis une infraction avec contact dans le passé.
Après leur arrestation, le taux de récidive est de l'ordre de 3 à 5 p. 100. Nous observons un taux de récidive de 4 à 5 p. 100 après une période de trois à cinq ans, en moyenne. Dans 2 p. 100 des cas environ, il s'agit de nouvelles infractions avec contact et dans 3 p. 100 des cas, de nouvelles infractions sexuelles commises sur Internet.
En résumé, nous croyons qu'il y a une catégorie de cyberdélinquants sexuels qui présentent un très faible risque de commettre des crimes sexuels avec contact. Certains cyberdélinquants sexuels sont simplement des délinquants sexuels ordinaires qui ont accès à Internet alors qu'il y a une autre catégorie, probablement moins importante, de personnes dont les crimes se limitent essentiellement à Internet.
Voilà les principales questions dont je souhaitais vous entretenir aujourd'hui.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous.
Le Conseil des Églises pour la justice et la criminologie est une coalition nationale d'églises représentant 11 confessions, créée en 1972. Nous préconisons les responsabilités communautaires en matière de justice en mettant l'accent sur les besoins des victimes et des délinquants, le respect mutuel, la guérison, la responsabilité individuelle et la prévention du crime.
En décembre 2010 le CEJC a écrit au premier ministre du Canada pour lui dire qu'il était vivement préoccupé de constater qu'en cette période de restrictions financières touchant d'importants services publics, le gouvernement du Canada a l'intention d'investir des sommes considérables dans la construction de nouvelles prisons: « Les propositions de nouvelles lois fédérales auront pour effet d'envoyer en prison plus de Canadiens et pour des périodes plus longues, une stratégie qui a constamment démontré qu'elle ne dissuadait pas le crime et n'aidait pas non plus les victimes. »
Monsieur le président, le projet de loi est l'un des projets de loi qui nous préoccupe.
Je suis accompagné de Mme Lorraine Berzins, titulaire de la chaire de développement communautaire de la justice du CEJC. Lorraine a de nombreuses années d'expérience au système de justice pénale. Et elle va vous présenter de manière plus détaillée la position du CEJC.
Je travaille pour le CEJC depuis 27 ans après avoir oeuvré pendant 14 ans dans les pénitenciers. Je tiens à vous dire, tout d'abord, que le CEJC prend très au sérieux le tort que subissent les enfants victimes d'infractions sexuelles et nous avons depuis longue date montré que nous faisons vraiment tout notre possible pour essayer, dans nos églises et nos collectivités, de rompre le silence qui entoure cette question.
Au fil des années, nous avons produit différentes ressources pour aider les membres de l'église à en parler, car nous savons qu'un grand nombre de victimes souffrent en silence et c'est quelque chose que nous ne pouvons pas accepter. Nous assumons la responsabilité pour ce que cela a fait à nos propres églises et pour le rôle que nos églises ont joué. Nous avons fait beaucoup de choses pour aider les victimes à se faire entendre et pour aider les églises à être franches et honnêtes entre elles et à travailler pour prévenir ces infractions. Nous voulons mettre fin à ce comportement et aider les gens à guérir.
Ce sont de très bons objectifs et je pense que ce sont les mêmes objectifs que vous cherchez à atteindre dans le projet de loi, mais nous sommes très préoccupés parce que les peines minimales obligatoires ne sont pas un outil efficace et peuvent causer beaucoup de tort. Nous sommes inquiets parce que votre proposition s'applique à un grand nombre de situations différentes pour beaucoup de victimes, mais en utilisant dans tous les cas le même outil brutal qu'est la peine minimale obligatoire.
Nous savons qu'il y a des cas où il faut incarcérer quelqu'un afin d'assurer la sécurité immédiate de la victime dans la collectivité et nous sommes absolument convaincus que c'est ce qu'il faut faire lorsqu'il s'agit de la solution la plus sûre, et nous avons été témoins de telles situations. Mais il y en a beaucoup plus où ce n'est pas le cas. Ce qui nous préoccupe, c'est que ces propositions vont rendre l'incarcération obligatoire même lorsqu'elle n'est pas appropriée et que cela ne fera qu'aggraver ce qui est déjà pénible pour les victimes dans le système de justice pénale. Par cela, je veux dire le système adversatif et son fonctionnement.
Le tribunal adversatif n'est pas un lieu sûr où les victimes trouvent un appui pour raconter leur histoire. C'est un endroit très effrayant, surtout pour les enfants. Ils s'y sentent coupables lorsqu'ils sont poussés par les avocats de la défense occupés à jouer leur rôle dans notre système de justice pénale. C'est très angoissant pour eux et ceux qui s'occupent des enfants victimes feraient n'importe quoi pour leur éviter d'avoir à subir cela. Souvent la solution c'est de procéder d'une manière qui n'exige pas une peine d'emprisonnement pour assurer la sécurité de la victime, mais qui évite à celle-ci de souffrir davantage. C'est une option que nous ne voudrions pas perdre.
Des peines plus sévères ne feront qu'accroître les enjeux et rendre la bataille encore plus pénible dans nos tribunaux. Même la déclaration de la victime est pénible pour celle-ci. Et pour dire cela je me fonde sur ma propre expérience directe auprès des victimes et de ce que de nombreuses personnes qui travaillent avec les victimes m'ont rapporté. Les enfants victimes ne veulent pas sentir que toute leur vie est ruinée par ce qui leur est arrivé. Ils ont besoin de sentir qu'ils pourront avoir une vie heureuse et qu'il existe des outils pour les aider à y parvenir.
La déclaration de la victime dans un système adversatif les amène à insister sur tout ce qu'il y a de pire et sur le terrible pronostic quant à ce qui les attend. Ce n'est pas bon pour les victimes. Pour nous qui nous nous intéressons à elles en tant que personnes, il semble tout à fait raisonnable de trouver les moyens de leur donner l'appui dont elles ont besoin sans les obliger à subir des choses inutiles.
Nous avons trouvé un modèle qui fonctionne très bien et que nous souhaitons le recommander. Il s'agit des équipes responsables des cas de mauvais traitements des enfants créées par les bureaux des procureurs de la Couronne dans certaines provinces. Dans ce modèle, le procureur, la police, les services d'aide aux victimes, les services d'aide à l'enfance, les parents, et l'intervieweur de l'enfant — toutes les personnes qui constituent un élément du casse-tête — se réunissent pour déterminer quelle serait la meilleure intervention possible de la part du système de justice pénale dans un cas particulier. Puis cette équipe présente sa proposition au juge. Parfois, cela inclut une peine d'emprisonnement, mais souvent ce n'est pas le cas.
Le problème que pose une peine minimale obligatoire est qu'elle ne permet pas cette souplesse. Comme d'autres vous l'ont déjà dit, cela est contraire à toutes les recherches qui ont été effectuées. Il n'y a aucune bonne raison de le faire. Cela nous prive d'un élément essentiel pour être plus efficace. Cela va à l'encontre des tendances internationales.
Alors pourquoi est-ce que le gouvernement fait cela? Avez-vous trouvé des recherches indiquant que les peines sont trop courtes? Je n'ai jamais vu d'études qui disent cela. Avez-vous trouvé que les procureurs ne faisaient pas appel lorsque les peines imposées étaient trop légères? Est-ce cela qui vous fait croire que cette mesure est nécessaire? Je n'ai rien constaté de tel.
Ce qu'il y a de terrible, c'est que cette mesure causera des dommages collatéraux. Il y aura de nombreuses conséquences imprévues, car ces propositions sont conçues par des personnes qui ne comprennent pas vraiment de quelle manière le système fonctionne. Je vous demande de réfléchir sérieusement avant d'aller de l'avant avec quelque chose qui va causer autant de tort.
Cette proposition semble faite pour rassurer les médias et le public, mais ce n'est pas auprès de personnes non informées que vous devez chercher des conseils sur ce que vous devez faire dans un dossier aussi important.
Nous ne sommes pas le premier pays à tenter cette expérience. J'aimerais vous citer ce que disait Lord Auld du Royaume-Uni, face à la même situation. Il a dit:
C'est une chose de se fier aux opinions mal informées du public pour déterminer ce qui est nécessaire pour engendrer la confiance du public, et c'en est une autre de s'appuyer sur ses opinions comme argument pour façonner le système. La confiance du public n'est pas une fin en soi; elle est ou devrait être le résultat d'un système juste et efficace. Ce qu'il faut c'est rendre le système juste et efficace, et si le public ne peut avoir confiance en raison de son ignorance, il faut alors prendre les mesures nécessaires pour montrer au public qu'il est juste et efficace.
Ces propositions n'auront pas cet effet; elles auront l'effet contraire. Elles ne feront qu'empirer le système, ce qui aura pour conséquence de réduire la confiance du public.
Je présente trois recommandations. Premièrement, il ne doit pas y avoir de peines minimales obligatoires. À tout le moins, ne pourriez-vous rendre la peine minimale présomptive plutôt qu'obligatoire?
Deuxièmement, il faudrait créer des équipes responsables des cas de mauvais traitement des enfants dans un plus grand nombre de provinces et territoires. Je recommande vivement que vous acceptiez qu'il s'agit d'une orientation importante à examiner.
Troisièmement, ne pourriez-vous pas, à l'avenir, appuyer vos propositions sur des preuves? Elles doivent être conçues par des personnes qui comprennent de quelle manière le système fonctionne vraiment. En tant que gouvernement, vous pourriez commencer par consulter des gens qui pourraient vous faire ce genre de recommandation afin que vous ne causiez pas davantage de dommages.
Merci.
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Eh bien, en ce qui concerne les infractions dont il est question ici, avez-vous des études ou des preuves?
Le problème pour nous tous, c'est que nous avons déjà des peines minimales obligatoires et que maintenant nous déplaçons la barre. C'est ça le problème.
Certaines statistiques semblent indiquer qu'avec un bon traitement, la récidive, et donc le problème pour la collectivité, n'est pas aussi élevée qu'on le croyait. Cela, avec des peines minimales qui existent déjà depuis quelque temps.
Je pense qu'il est difficile pour nous, en tant que législateurs, de dire qu'elles ne fonctionnent pas du tout, car je suppose d'après la plupart des arguments — cités par le statisticien — que la situation n'est pas mauvaise. En fait, je veux dire que ce n'est pas formidable; il existe des problèmes, mais le système fonctionne tel qu'il est. Nous n'avons pas besoin de le renforcer.
Ne pourrait-on pas dire que le système fonctionne en partie en raison des peines minimales obligatoires?
Que répondez-vous à cela?
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Je peux vous présenter des hypothèses. J'ai suffisamment d'expérience pour vous dire que l'opinion publique n'accorde pas suffisamment de sérieux à ce genre de chose. J'ai personnellement essayé de faire en sorte que les gens s'attardent davantage à la question des abus sexuels. Et pendant cette période, surtout au début des années 1980, bon nombre des mes collègues disaient des choses comme « la pédophilie est incurable », ou bien « pédophile un jour, pédophile toujours. » Ils faisaient ces déclarations essentiellement d'un point de vue de défenseurs des droits afin que les gens se penchent sérieusement sur les abus sexuels.
Avant les années 1980, la plupart des gens ne croyaient pas que le taux d'infraction sexuelle était aussi élevé. On a vu des changements majeurs relativement aux valeurs sociales dans les année 1980 et 1990, époque à laquelle les abus sexuels sont passés d'un crime obscur à un crime dominant, cela visait une grande partie des délinquants sous responsabilité fédérale. C'est peut-être la source dont vous parlez.
À la source de ce problème, il y a aussi le taux réel de victimisation sexuelle. Si vous demandez aux gens, ou à des femmes en particulier, elles vous diront qu'un grand nombre d'entre elles ont été agressées sexuellement. Il s'agit peut-être d'une sur quatre. Quelques fois ce taux est légèrement supérieur ou légèrement inférieur. Par conséquent, c'est un problème important. Ainsi, si vous êtes en présence de femmes et que vous leur posez des questions, vous remarquerez que le taux d'agression sexuelle est beaucoup plus élevé que vous ne le souhaiteriez.
Alors, oui, c'est un problème et en ce qui a trait au taux de récidive absolu, il est surprenant qu'il soit beaucoup moins important que ce que pense le public en général.
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Très bien. C'est dommage, parce que si vous l'aviez reçue, vous auriez pris connaissance de témoignages convaincants de la part de personnes qui ont elles-mêmes été victimes d'agression sexuelle lorsqu'elles étaient enfants, et d'organisations qui représentent les enfants abusés sexuellement ainsi que d'organisations qui gèrent, par exemple, le système d'alerte en matière de pornographie juvénile au Canada. Ces témoins nous ont dit clairement que les dispositions du projet de loi sont importantes et nécessaires. Je vous recommande de jeter un coup d'oeil sur ce témoignage et j'espère que vous aurez l'occasion de le faire un peu plus tard aujourd'hui, le tout est publié sur Internet.
Plus particulièrement, ils nous ont dit que les peines minimales obligatoires décrites dans ces dispositions sont importantes et nécessaires. Elles sont nécessaires selon ces personnes, pour bon nombre de raisons, entre autres que les victimes estiment qu'il est très difficile pour une victime de révéler ses agressions et de les raconter et de suivre tout le processus, et qu'elles ont besoin de se sentir valorisées. Lorsque les victimes voient les agresseurs qui les ont abusées sexuellement rentrer chez eux sans passer de temps en prison, cela leur dit que la société estime que leur vie ne vaut pas grand-chose.
Sont-elles mal informées, madame Berzins, ces victimes d'agressions sexuelles lorsqu'elles étaient enfants? Diriez-vous qu'elles font partie du groupe de citoyens canadiens mal informés qui ne comprennent pas, aussi bien que vous, pourquoi cette loi n'est pas nécessaire?