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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 048 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 14 février 2011

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Bon après-midi tout le monde. Ceci est la 48e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous avons devant nous les témoins pour l'étude du projet de loi C-54, Loi modifiant le Code criminel (infractions d'ordre sexuel à l'égard d'enfants).

[Traduction]

    Cet après-midi, nous sommes ravis de recevoir durant la première heure deux témoins qui viennent se faire entendre à titre personnel. Il s'agit de M. Vernon Quinsey, professeur émérite de psychologie à l'Université Queens et de M. Hubert Van Gijseghem, qui est psychologue et professeur titulaire à la retraite de l'Université de Montréal.
    Messieurs les professeurs, comme d'habitude, nous vous accordons environ 10 minutes pour vos déclarations d'ouverture et ensuite les députés de tous les partis représentés ici vous poseront des questions à tour de rôle.
    Nous allons commencer par M. Quinsey, vous avez 10 minutes.
    Merci beaucoup, c'est un honneur de participer à cette séance.
    J'aimerais formuler quelques recommandations pour vous présenter un contexte adéquat à l'étude du régime de peines des délinquants sexuels et des crimes sexuels à l'égard d'enfants.
    Le premier point que je désire souligner, et qui constitue l'un des éléments les plus importants à retenir, c'est qu'il existe toute une variété de délinquants sexuels s'agissant de la probabilité de récidive. Il est essentiel de tenir compte de ces données pour étudier tout type de politique relative aux peines. Cela étant dit, il existe néanmoins certaines catégories de délinquants sexuels qui sont relativement moins susceptibles de récidiver en commettant des infractions sexuelles avec contact. Cette catégorie comprend les délinquants incestueux ainsi que les cyberdélinquants qui n'ont aucun antécédent en matière d'infractions avec contact.
    Sur le plan individuel, le risque de récidive peut être évalué avec un certain degré d'exactitude grâce à des méthodes actuarielles. Notre capacité de prévision est bonne, quoique imparfaite.
    Ce sont les prédateurs sexuels qui sont le plus susceptible de récidiver en commettant des infractions sexuelles avec contact, surtout des infractions sexuelles avec violence. Il est d'une importance capitale d'identifier ces délinquants et de les neutraliser. Compte tenu de ces facteurs, je crois que les politiques en matière de justice pénale devraient chercher à établir un équilibre entre le respect des libertés civiles du délinquant et la protection de la société en optimisant l'incarcération des prédateurs sexuels et en écourtant l'incarcération des délinquants à faible risque. À cette fin, les peines devraient refléter tant la gravité de l'infraction immédiate que le risque présenté par le délinquant pour la société. À cet égard, nous devons comprendre qu'aucune politique en matière de peine ne peut mener à la neutralisation de tous les délinquants sexuels qui sont des prédateurs sexuels sans passer par l'incarcération à vie de presque tous les délinquants sexuels. Il y en aura tout de même qui passeront par les mailles du filet. L'objectif consiste à établir un juste équilibre.
    La solution à ce dilemme en matière de politique réside dans une évaluation judicieuse du risque présenté par les délinquants sexuels, un ajustement de l'étroitesse et de l'intensité de la surveillance ainsi qu'une détermination adéquate de la durée de l'incarcération en fonction du risque.
    J'aimerais maintenant vous présenter le contexte historique qui nous amène à étudier la possibilité d'apporter des changements à la politique régissant les peines.
    Un peu partout en Amérique du Nord, au cours des dernières années, les taux d'homicides, de viols et de tout un ensemble d'autres crimes ont décliné, et parfois de façon substantielle. Ces changements, démontrés tant dans les enquêtes que dans les dossiers officiels, reflètent également la tendance à la baisse dans tout un ensemble de comportements et de résultats reliés au risque, y compris les accidents industriels, le fait de conduire sans ceinture de sécurité, les relations sexuelles avant l'âge de 13 ans, la consommation de tabac, le décrochage scolaire, etc. Il existe donc tout un ensemble d'indicateurs reliés au comportement à risque, qu'il soit criminel ou non. La tendance à la baisse, qui est d'ailleurs encourageante, se constate chez tous ces indicateurs.
    Je crois que nous sommes doublement chanceux, car le taux d'infractions sexuelles à l'égard d'enfants a également chuté de façon notable au cours des dernières années. Il s'agit d'un phénomène constaté à l'échelle de l'Amérique du Nord. J'ai dit que nous étions doublement chanceux, car les délinquants sexuels qui s'en prennent à des enfants sont plus susceptibles d'avoir été victimes de sévices sexuels eux-mêmes à l'enfance. Par conséquent, il est probable que l'incidence à la baisse des infractions sexuelles à l'égard d'enfants mènera à une baisse de ce type de crimes à l'avenir.
    Voilà qui met fin à ma déclaration préliminaire.
(1535)
    Monsieur Van Gijseghem, vous avez la parole.

[Français]

    Je vais d'abord me présenter brièvement pour asseoir ma crédibilité. Je m'appelle Hubert Van Gijseghem. Je suis psychologue depuis 1963. J'ai obtenu mon doctorat en psychologie en 1970. J'ai mené de front deux carrières parallèles: une carrière d'universitaire à l'Université de Montréal et une carrière de praticien.
    Comme professeur à l'université, j'ai évidemment eu l'occasion d'enseigner et de faire de la recherche. La plupart de mes recherches ont porté sur les abus sexuels, aussi bien du côté des victimes et des conséquences sur les victimes que du côté des auteurs de tels sévices. Comme praticien, toute ma vie, j'ai surtout été clinicien. Et en tant que clinicien, j'ai eu l'occasion de faire des traitements, là encore aussi bien auprès des victimes qu'auprès des auteurs d'abus sexuels.
    Toutefois, dans les 15 ou 20 dernières années de ma carrière de praticien, je n'ai fait que des expertises psycholégales, c'est-à-dire des expertises pour plusieurs cours de différentes juridictions. J'ai eu l'occasion, comme mes collègues présents ici d'ailleurs, de faire plusieurs publications ainsi que quelques livres sur le sujet des abus sexuels.
    On me propose de dire quelque chose d'intelligent sur ce projet de loi C-54 sur la protection des enfants contre les prédateurs sexuels et aussi de me pencher sur la question de la nécessité ou de l'utilité des peines d'emprisonnement obligatoires minimales.
    J'ai lu le résumé législatif et je suis resté un peu bouche bée à la lecture de certains passages. Quand je lisais les arguments en faveur de telles peines d'emprisonnement et que je lisais les arguments contre ces peines, je me trouvais favorable à presque tous les arguments. Cela est probablement compatible avec le doute typique de l'être qui se croit scientifique.
    Je ne suis pas un juriste. Je connais peu ou pas les lois, même les lois existantes. En outre, je connais peu la jurisprudence sur les abus sexuels. J'éprouve donc un peu de difficulté à donner une opinion sur la nécessité ou sur l'utilité des peines d'emprisonnement obligatoires minimales.
    Par contre, je suis psychologue et je crois connaître, jusqu'à un certain point en tout cas, la population des abuseurs sexuels. Je sais aussi des choses sur leur dangerosité, sur les risques de récidive et sur les outils actuariels et autres dont mon collègue vient de parler. C'est du domaine de mes connaissances.
    Une première chose que je voudrais souligner ici, dans cette affirmation de départ, est que la population des abuseurs sexuels n'est pas une population homogène. Il y a plusieurs types. Tous ceux qui ont tenté des typologies de la population des abuseurs se sont rendus compte qu'il y a en effet plusieurs sous-catégories qui ne sont pas nécessairement comparables.
    Vu que cette population est hétérogène, il est difficile de prévoir des mesures automatiques ou uniformes. Si on regarde la recherche évaluative, parce que c'est finalement ce qui nous sort de la brume en ce qui concerne la dangerosité ou les risques de récidive, il y a deux types de recherche évaluative. Il y a la recherche évaluative faite par des promoteurs de programmes de thérapie. Très souvent, leurs résultats disent que la thérapie fonctionne et qu'elle présente un certain taux de succès. Toutefois, quand on regarde la recherche évaluative effectuée par des chercheurs indépendants, les résultats sont beaucoup moins optimistes.
    Comme le disait déjà le Dr Quinsey, surtout pour les abuseurs extra-familiaux, il n'y a pas beaucoup de réhabilitation possible avant un certain âge, c'est-à-dire avant que l'âge lui-même fasse son oeuvre.
(1540)
    Ces recherches évaluatives — et je pense à certaines recherches de mon collègue Quinsey et de son équipe ou à d'autres recherches de mon collègue Hanson, qui est ici présent avec son équipe — démontrent effectivement, surtout pour les abuseurs extra-familiaux, qu'il n'y a pas énormément d'amélioration du risque de récidive ou de la dangerosité, peu importe s'ils ont été soumis à une psychothérapie ou non. Et s'ils ont été soumis à une psychothérapie, le type de thérapie importe peu.
    Cela nous fait dire que la thérapie ou l'ordonnance même de thérapie qui est prescrite par certains juges, même si elle est souvent vue comme une bonne nouvelle par tous, ne peut être perçue comme une alternative à une incarcération ni comme un substitut à la punition.
    Quand on parle de thérapie ou quand un individu suit un programme de thérapie et qu'on pense que tout le monde est pacifié, cette bonne nouvelle relève souvent de l'illusion. Par exemple, il est vrai que les pédophiles réels ne constituent que 20 p. 100 de la population de tous les abuseurs sexuels. Si on sait que le pédophile n'est pas un individu qui commet un petit acte de temps à autre mais qu'il est aux prises avec l'équivalent d'une orientation sexuelle au même titre qu'un autre est aux prises avec une hétérosexualité ou encore avec une homosexualité, et si on s'entend sur le fait que le vrai pédophile a une préférence exclusive pour les enfants et que cela est l'équivalent d'une orientation sexuelle, tout le monde comprendra qu'il ne peut être question de vraie thérapie. On ne changera pas son orientation sexuelle. Il peut évidemment toujours rester abstinent.
    Pensons par exemple aux psychopathes, qui comptent également dans mes propres échantillons pour 15 p. 100 de la population des abuseurs sexuels. Il y a, là aussi, lieu de se rendre compte que cela fait des centaines d'années, sinon des millénaires, qu'on tente en vain, pour l'instant du moins, de les réhabiliter.
    Bien sûr, tout ce que je viens de dire laisse aussi entrevoir qu'il y a probablement des abuseurs sexuels ou des types d'abuseurs sexuels qui sont réhabilitables. Mais lesquels? Est-ce la majorité? Je ne suis pas certain que ce soit la majorité, mais puisque certains abuseurs sont presque certainement peu ou pas réhabilitables et que d'autres le sont, cela nous met devant la nécessité de faire, tôt ou tard, un diagnostic différentiel sérieux pour déterminer lesquels sont réhabilitables.
    Est-ce que cela est faisable? Est-ce que c'est trop coûteux en temps, en efforts ou en argent? Je ne le sais pas. Il y a peut-être quelque chose à faire avec les évaluations présentencielles. J'ai vu beaucoup d'évaluations présentencielles et, personnellement, je suis souvent resté sur ma faim. Est-ce qu'un pays peut se payer des évaluations présentencielles beaucoup plus approfondies et élaborées? C'est probablement à vous d'en décider.
(1545)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant aux questions des députés. Nous commençons par M. Murphy. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins d'être venus se faire entendre aujourd'hui.
    Le projet de loi C-54 vise à imposer un certain nombre de peines minimales obligatoires ou plutôt de prolonger un certain nombre de peines minimales obligatoires. Professeur Van Gijseghem, je me sens des plus empathique, car il est très clair que les peines minimales obligatoires font déjà partie du Code criminel, et ce depuis longtemps. On en a ajouté un certain nombre, mais c'est surtout une question d'équilibre, car certaines personnes peuvent penser qu'on va trop loin et d'autres non.
    D'après les documents de la Bibliothèque du Parlement, les défenseurs des peines minimales obligatoires avancent qu'elles ont un effet dissuasif et qu'elles servent de leçon, car elles communiquent clairement la désapprobation de la société. Les détracteurs des peines minimales obligatoires quant à eux affirment qu'il n'y a pas d'effet dissuasif et qu'il s'agit d'une structure de peine inflexible.
    J'aimerais que les deux témoins m'expliquent de quel côté se situe leur matrice. Pensez-vous qu'elle sert à enseigner des leçons? D'après vous, faudrait-il réduire la disparité entre les peines à l'échelle du Canada? Par exemple, dans certaines régions du pays, des délinquants se voient imposer des peines moins lourdes que dans d'autres régions pour une même infraction. J'aimerais savoir ce que vous pensez du contexte. D'après moi, le Code criminel est comme un manuel scolaire dans lequel on essaie de classer les infractions par ordre de gravité. La partie 5 du Code criminel est véritablement obsolète, car on y mentionne des infractions très graves, comme le contact sexuel, l'invitation au contact sexuel, les agressions sexuelles, soit des peines très graves, alors que dans l'article 170, où il est question de nudité en public — et loin de moi l'idée d'avancer que c'est une bonne chose ou que cela devrait être permis par exemple — mais cette infraction n'est manifestement pas aussi grave que le contact sexuel. Or, on a indiqué sous une rubrique provisoire, « corruption des moeurs », les infractions de pornographie juvénile. Voilà où le bât blesse: nous nous apercevons à notre époque qu'il y a une prolifération de la pornographie juvénile. D'ailleurs, le titre de pornographie juvénile est même dépassé. Il s'agit de l'enregistrement vidéo ou médiatique de comportements abusifs à l'égard d'enfants sans défense qui ne peuvent consentir à s'adonner à ce type d'activité. De tout l'article, d'après moi, c'est le pire crime.
    Si nous estimons que la pornographie juvénile, soit les images d'abus sexuels commis sur des enfants, constitue les pires crimes énumérés dans l'article, ne croyez-vous pas qu'il serait mieux indiqué, dans ces circonstances, que les peines minimales obligatoires soient un peu plus équivalentes? En grande partie, c'est ce que ce projet de loi cherche à faire. Le minimum passe de 14 jours à 90 jours dans les cas d'infractions très graves. Le projet de loi crée de nouvelles infractions pour tenir compte de nouvelles réalités, comme le fait que des gens organisent des rencontres avec les mineurs. À titre d'universitaires, voyez-vous un équilibre à cet égard? C'était là ma première question.
    Deuxièmement, vous avez parlé de la pédophilie comme d'une préférence. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Je vous invite à donner davantage d'explications. S'agit-il, à votre avis, d'une maladie qui peut être traitée et guérie ou les solutions sont-elles très variées? Dépendent-elles du patient et du client?
    Vous disposez chacun d'une minute et demie pour répondre aux deux questions.
(1550)
    Oui.
    Une minute et demie chacun.
    Vous avez posé un certain nombre de sous-questions dans votre question. Je vais essayer de répondre à toutes vos interrogations au meilleur de ma connaissance.
    Vous avez d'abord soulevé la question du régime de peine proportionnelle. Dans quelle mesure les crimes sont-ils graves et les peines minimales obligatoires constituent-elles une réaction adéquate en l'espèce? Je ne sais pas si je suis la personne la mieux placée pour répondre à cette question, mais je vais vous expliquer ce que j'en pense quand même.
    En ce qui a trait aux peines minimales obligatoires, je crains que cela ne fasse en sorte que l'ensemble de nouveaux délinquants soit introduit dans le système. Cette possibilité entraîne un résultat très négatif, d'après moi, en augmentant la gravité des peines pour une infraction comme la possession de pornographie juvénile sur Internet. Je ne suis pas certain que l'on veuille adopter cette orientation.
    Je dis cela parce qu'aux États-Unis, il s'agit de la catégorie de délinquants dont le nombre s'accroît le plus rapidement dans le système de justice. Pensez à quel point il est facile de se procurer ce matériel... car après tout, la pornographie juvénile s'entend d'images de quiconque est âgé de moins de 18 ans. C'est malheureux qu'on ait qualifié ces images de pornographie juvénile, parce que les sujets sont mineurs. Oui, il sont jeunes, en majeure partie, mais d'après ma propre définition, ils ne sont pas des enfants. Il ne s'agit certainement pas de sujets prépubères.
    D'un autre côté, je crois que vous avez soulevé un point très grave et important. Nous cherchons à nous attaquer à l'exploitation des enfants. Vous pouvez imaginer toutes sortes de scénarios tragiques dans lesquels un mineur s'adonne à toutes sortes d'activités filmées, qu'il y ait été forcé ou qu'il ait été manipulé. Je suis convaincu que ce type d'infractions devrait faire l'objet de peines assez lourdes. Pour ce qui est de la possession de matériel, je n'en suis pas aussi certain. Je crois que ce phénomène est si courant qu'il pourrait entraîner des problèmes dans l'administration de la justice.
    Vous avez soulevé la question de la pédophilie. J'aimerais établir certaines distinctions pour votre gouverne.
    Tout d'abord, les pédophiles sont ceux qui préfèrent des enfants prépubères. Il ne sont pas intéressés par des jeunes de 15 ans qui ont un corps d'adulte. Ils ne s'intéressent pas à ce type de jeunes. Leur intérêt sexuel est assez limité à certains attributs corporels caractéristiques chez leurs victimes. Aucune donnée scientifique ne prouve que ce type de préférence peut être modifié grâce à un traitement ou autre forme d'intervention.
    Le traitement, chez ce type de délinquants, se traduit par une simple gestion, c'est-à-dire qu'on enseigne au délinquant à vivre en gérant sa préférence sexuelle. Ils doivent trouver d'autres façons d'évacuer leurs désirs. Ils doivent éviter les situations à risque élevé. Ils doivent se soumettre à toutes sortes d'activités. D'ailleurs, je pense que la plupart des gens seront d'accord pour dire que ce type de préférences sexuelles, c'est-à-dire une véritable attirance pour les enfants prépubères, ne peut être modifié par aucun traitement offert actuellement.
    Je suis désolé, je dois vous interrompre.
    Monsieur Ménard, vous avez la parole pour sept minutes.

[Français]

    Monsieur Gijseghem, je pense que les questions qui ont été posées vous intéressent. Pouvez-vous y répondre?
    Mes réponses ne diffèrent pas beaucoup de celles de mon collègue Vernon Quinsey. En effet, je suis également mal à l'aise à l'idée qu'on inclue dans les délits sexuels la possession de matériel pornographique. Il y a, il me semble, une grande différence entre la possession et la création de matériel. Évidemment, l'argument est toujours que les individus intéressés à ce genre de matériel, qui en possèdent et en téléchargent, encouragent les créateurs et, par le fait même, font ni plus ni moins partie d'une chaîne de production en matière de pornographie infantile. On dit qu'ils sont à tout le moins complices de l'exploitation de ces enfants à des fins sexuelles. Je connais cet argument, et c'est vrai. Par contre, la prévalence en matière de possession de pornographie infantile est si élevée que je me demande, ma foi, s'il est réaliste d'inclure cela dans les délits.
    En outre, les recherches démontrent que seule une petite portion des personnes possédant du matériel pornographique passent à l'acte. C'est un autre point que je voulais souligner. En ce qui concerne la pédophilie, je crois que Dr Quinsey vient de dire exactement, en d'autres mots et peut-être mieux que moi, ce que j'ai dit déjà, à savoir qu'il s'agit d'une orientation sexuelle. Bien sûr, même une personne dont l'orientation sexuelle implique une préférence quasi exclusive pour les enfants prépubères peut être chaste ou abstinente. On voit cela, d'ailleurs, chez certains membres du clergé catholique. La chasteté existe, mais chez la grande majorité des pédophiles, le risque de passer à l'acte est beaucoup plus élevé que chez d'autres types d'abuseurs sexuels. Et comme mon collègue l'a fait, je donne ici comme exemple les abuseurs intrafamiliaux.
(1555)
    On pense généralement, du moins dans le milieu des avocats qui pratiquent le droit criminel, que les abuseurs d'enfants sont très mal reçus quand ils arrivent en prison. Les délinquants d'un autre type leur font un mauvais parti et, la plupart du temps, il faut les mettre en correction. On serait donc porté à croire que les abuseurs sexuels ont très peur de la prison. La crainte d'écoper d'une peine automatique et même de longue durée peut-elle mettre un frein à leurs comportements sexuels?
    Oui, évidemment, les abuseurs sexuels sont mal reçus. C'est un fait. C'est un peu un sport national sinon international. Lorsqu'un abuseur sexuel arrive en prison, il se fait casser la figure. Quelquefois, les gardiens regardent ailleurs pour laisser la chose se produire. C'est bien connu. Est-ce que la crainte face à une telle éventualité peut agir comme inhibiteur chez les abuseurs sexuels? Je n'en suis pas certain. A priori, je ne suis pas favorable aux peines minimales d'emprisonnement obligatoires, mais je ne crois pas que le « bashing » subi par les abuseurs sexuels en prison puisse être un argument pour ne pas imposer de peines minimales. Je ne vois pas cela comme un argument.
    Si je comprends bien, vous avez souvent livré des témoignages durant votre carrière. À l'échelle du Canada, vous êtes parmi ceux qui en ont livré le plus grand nombre, je crois. Vous l'avez fait en véritable professionnel.
     Pourriez-vous nous donner une idée du temps qui serait requis pour faire une évaluation fiable de la dangerosité d'un abuseur sexuel, comparativement à un autre délinquant, et nous dire quel serait approximativement le coût d'une telle évaluation?
(1600)
    Évidemment, il y a une certaine variabilité d'un expert à l'autre. Pour ma part, on me demande régulièrement d'émettre une opinion sur un abuseur, de déterminer qui il est et d'évaluer sa dangerosité ainsi que ses risques de récidive. Je suis d'avis qu'une entrevue approfondie avec l'individu est nécessaire. Un ou deux tests objectifs de la personnalité doivent être administrés pour savoir de quel bois il se chauffe pour ce qui est de la structure de sa personnalité ou, éventuellement, de sa pathologie. Il faut aussi des outils actuariels et, possiblement, des outils qualitatifs comme ceux dont le Dr Quinsey parlait plus tôt. Je pense ici à au moins un outil, très poussé, qui a été développé par le Dr Quinsey lui-même ainsi que par d'autres, notamment le Dr Hanson, qui est ici également. Nous disposons d'outils actuariels dont le taux de réussite, en termes de prédiction, est éminemment plus élevé que celui du flair clinique. Tous ces outils doivent être utilisés.
    Je ne crois pas qu'une telle évaluation puisse coûter 1 000 $ ou 2 000 $. Son coût se situerait certainement autour de 3 000 $ ou de 3 500 $. Je parle ici d'une évaluation approfondie assortie d'un rapport suffisamment crédible pour que les preneurs de décision puissent s'y fier.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Comartin, vous avez la parole pour sept minutes.
    Tout d'abord, je désire présenter des excuses aux deux témoins. Je m'excuse d'être en retard. J'ai été retenu à la Chambre.
    Monsieur Quinsey, pourriez-vous répondre à la dernière question? Car j'aimerais savoir si vous allez formuler la même réponse que...
    Oui. Le coût d'une évaluation dépend de l'infrastructure en place. Prenez une organisation comme le Service correctionnel du Canada. On constate qu'il existe une structure organisée d'évaluation du risque et de cueillette de renseignements sur lesquels d'autres évaluations du risque sont fondées.
    Ce type de système sous-tend que les agents de probation et de libération conditionnelle ont un rôle à jouer et qu'il y a une consultation des dossiers des tribunaux et des travailleurs sociaux notamment. Ces interventions permettent d'établir solidement les antécédents de l'individu, tant en matière de comportement que d'activités criminelles. Si ces renseignements sont tous consignés et faciles d'accès, cela accélérera sensiblement les évaluations et les rendra plus fiables.
    La qualité des évaluations dépend de la qualité des données employées. Dans le cas d'une organisation qui s'occupe de délinquants, il est d'une importance capitale d'utiliser une méthode normalisée de cueillette et de consignation des renseignements que les professionnels pourront utiliser pour effectuer leurs évaluations du risque.
    J'aimerais revenir à une question qui a été soulevée par M. William Marshall lorsqu'il est venu témoigner la semaine dernière. Il a insisté sur l'inceste, une infraction qui sera assortie d'une peine minimale de cinq ans.
    Il a expliqué les circonstances où l'inceste a lieu entre les membres d'une fratrie où les rapports sexuels pourraient tout aussi bien être consensuels, car il s'agit d'adultes ayant atteint l'âge du consentement sexuel. Il a également parlé des cas d'inceste entre parents et enfants, qui pourraient avoir commencé au moment où l'enfant atteint l'âge adulte. Enfin, il a énoncé le stéréotype typique d'un parent adulte qui a une relation incestueuse avec un enfant en très bas âge.
    Avez-vous vu des statistiques à cet égard? En fait, j'aimerais savoir combien d'adultes seraient exposés à une peine minimale obligatoire de cinq ans.
    Je n'ai pas vu de statistiques à cet égard. Dans le cadre de ma pratique, je n'ai connu aucun cas de cette nature. Tout d'abord, je ne sais pas quelle est l'incidence de ce phénomène et, le cas échéant, quel est le risque de récidive chez ce type de délinquant. Je ne crois pas que ce soit courant.
    Poursuivons ce raisonnement. D'après moi, une peine minimale obligatoire de cinq ans c'est long, car il y a toutes sortes d'autres cas. Dans le cas d'une relation incestueuse entre un père et sa fille, quels types de circonstances atténuantes pourraient exister? Quelle était l'étendue des agressions? Toutes sortes de facteurs sont à considérer. Si j'étais le juge du tribunal de première instance, je voudrais disposer d'une marge de manoeuvre pour tenir compte de ce type de facteur. Voilà ce que j'en pense.
(1605)
    Dans ces circonstances, il n'y a pas de marge de manoeuvre.
    Avez-vous réalisé des travaux détaillés sur le traitement des enfants victimes de sévices sexuels?
    Je n'ai jamais traité les victimes.

[Français]

    J'ai participé à des programmes de thérapie destinés aux victimes. Là aussi, je serai prudent. Je n'estime pas que la plupart des programmes actuellement sur le marché devraient être proposés ou imposés aux enfants de façon uniforme ou automatique. Je crois que, là comme ailleurs, il faudrait voir, au cas par cas, quels sont les besoins d'un enfant en particulier.
    J'ai fait de la recherche dans ce domaine et j'ai cru constater que certains enfants ont besoin de reparler de ce qui s'est passé ou de « subir » un programme de thérapie, peu importe lequel. Par contre, d'autres enfants n'ont pas besoin de cela. Il y a un certain nombre d'enfants — et ce n'est pas un petit nombre — qui sont mieux servis si on les laisse tranquilles tout simplement, si on ne les remet pas dans un contexte où ils doivent reparler des abus sexuels.
    Cela veut dire, il me semble, qu'il faut tenir compte des besoins individuels et des besoins développementaux de chaque enfant afin d'embrigader la population des victimes dans les programmes existants.
    Je prêche donc ici pour la plus grande prudence. Je crois qu'on a abusé à nouveau un certain nombre d'enfants en les embrigadant automatiquement dans les programmes de thérapie existants. Il faut les traiter cas par cas et appliquer un diagnostic différentiel. C'est mon opinion.
    Est-il possible de déterminer si l'attitude de la victime est différente si l'adulte abuseur est un parent, un membre de la famille ou une personne qui lui est étrangère? On cherche à les mettre en prison, à les punir. Faut-il punir plus sévèrement un parent ou un étranger?
     Il y a un paradoxe. Tout le monde s'entend. Enfin, n'exagérons rien. Disons plutôt que beaucoup de résultats de recherche indiquent qu'un enfant qui a été abusé dans un contexte intrafamilial porte davantage de conséquences qu'un enfant qui a été abusé dans un contexte extrafamilial. Par ailleurs, l'abuseur intrafamilial est moins susceptible d'être à nouveau un abuseur, c'est-à-dire de récidiver, que l'abuseur extrafamilial.
    Nous avons là un paradoxe. Si la sentence est basée sur les conséquences, il faudrait punir davantage les incestueux; mais si la sentence est basée sur les risques de récidive, il faudrait moins les punir. Voilà le paradoxe.
    Merci.

[Traduction]

    Je donne la parole à M. Woodworth pour sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à notre témoin pour sa présence parmi nous.

[Traduction]

    La façon dont vous avez présenté votre témoignage m'a laissé une bonne impression. Vous vous êtes montrés professionnels et prudents et vous avez mesuré vos propos. Bien souvent, nous recevons des témoins qui sont là pour défendre certains de leurs intérêts et ils font preuve d'une moins grande prudence. Je vous en remercie.
    Je prends note du fait que vous ayez tous deux pris soin dans votre témoignage d'indiquer que vous n'étiez pas des juristes. Je présume que vous n'êtes ni l'un ni l'autre des avocats. Vous êtes des psychologues, et je vous pose la question suivante avec de bonnes intentions, car je ne tiens qu'à comprendre d'où vous vient votre position. Avez-vous effectivement lu le projet de loi dont nous sommes saisis, c'est-à-dire le projet de loi C-54?
(1610)
    J'ai lu le résumé documentaire. Je ne l'ai pas lu en entier, mais certains passages.
    Certains passages.
    Et vous, monsieur Van Gijseghem?
    Je n'ai également lu que la note documentaire.
    Très bien. Si j'ai bien compris, au moins l'un d'entre vous a soulevé des préoccupations au sujet des peines minimales obligatoires applicables à la possession de matériel pornographique. J'ai oublié lequel d'entre vous il s'agissait. Vous avez certaines réserves au sujet des peines minimales obligatoires applicables à la simple possession de matériel pornographique, n'est-ce pas? Pouvez-vous répondre par oui ou non...
    Oui, c'est ce que j'ai dit.
    Merci.
    Mon temps est limité, alors j'essaierai de poser des questions qui mènent à une réponse simple. Je ne suis moi-même pas psychologue, alors de grandes explications psychologiques ne me seront pas plus utiles que de grandes explications juridiques pour vous.
    Dans le projet de loi, par exemple, nous avons créé une nouvelle infraction qui fait en sorte d'imposer une peine minimale obligatoire à quiconque a recours à un moyen de télécommunications pour organiser en connivence avec une autre personne la perpétration d'une infraction sexuelle à l'égard d'un enfant. En d'autres termes, il s'agirait en quelque sorte d'accusation de complot. Vos réserves au sujet des peines minimales obligatoires pourraient-elles toucher ce type d'infraction?
    Pour ma part, non.

[Français]

    Merci.
    Et vous, monsieur?

[Traduction]

    Je n'ai pas de réserve à cet égard si la peine minimale obligatoire est de courte durée.
    Oui, en l'espèce c'est 90 jours, je crois. Une année pour l'acte d'accusation et 90 jours pour la déclaration de culpabilité par voie de procédures sommaires.
    De plus, nous avons érigé en infraction assortie d'une peine minimale obligatoire le fait de fournir du matériel sexuellement explicite à un enfant dans le but de faciliter l'agression sexuelle de cet enfant; en d'autres termes, le fait de le persuader par la ruse. Vos réserves à l'égard des peines minimales obligatoires portent-elles sur ce type d'infraction?
    Je crois que j'aurais certaines réserves, parce que si l'enfant a 16 ans, compte tenu du fait que l'âge de consentement est de 16 ans. Il faudrait que ce soit un enfant de 15 ans...
    C'est exact.
    ... et excluons les rapports avec d'autres jeunes de son âge et d'un âge rapproché...
    Oui, en effet c'est seulement s'il s'agit d'une infraction. La facilitation ne compte que s'il y a eu infraction, donc cela exclut les rapports avec les pairs. En l'espèce, seriez-vous d'accord?
    Dans ces circonstances oui.
    Merci.
    Bien sûr, nous avons également imposer une peine minimale obligatoire aux personnes déclarées coupables d'agression sexuelle grave sur une victime de moins de 16 ans. Seriez-vous l'un et l'autre d'accord avec l'imposition d'une peine minimale obligatoire dans ces circonstances?
    Oui, je suis d'accord.

[Français]

    Et vous, professeur?
    La même chose.

[Traduction]

    Bien.
    Un certain nombre d'autres articles dans la loi ont trait aux infractions sexuelles graves de cette nature qui sont déjà assorties de peines minimales obligatoires.
    Il y a un point qui a piqué ma curiosité. Je crois que c'est M. Quinsey qui a dit que l'incidence des cas d'agression sexuelle sur des enfants était à la baisse. Nous avons reçu comme témoin le gestionnaire de l'unité d'enquête sur les crimes d'exploitation sexuelle d'enfant de la Police provinciale de l'Ontario qui a indiqué qu'en seulement quatre ans, l'unité a effectué 11 537 enquêtes qui ont mené à 3 897 accusations portées contre 1 303 personnes.
    Monsieur Quinsey, je ne sais pas si ces statistiques vous surprennent ou non, mais je tenais à vous placer dans le contexte des témoignages précédents, car vous affirmez que ce type d'infraction est à la baisse. La situation était-elle vraiment pire auparavant?
(1615)
    Oui, nécessairement puisque le taux est à la baisse.
    Donc, c'est une bonne chose que les taux aient été réduits jusqu'à ces chiffres. N'est-ce pas ce que vous dites?
    Je ne dis pas que nous ne devrions pas nous préoccuper des infractions commises à l'endroit d'enfants non plus que ce n'est pas un problème actuellement, mais il n'en demeure pas moins que la situation s'est considérablement améliorée...
    Mais il y a encore du chemin à faire.
    Oui, il y a encore du chemin à faire.
    Il y a également la question des victimes qui m'intéresse beaucoup.
    Monsieur Quinsey, peut-être que vous pourriez intervenir, car vous avez dit que vous n'avez pas traité de victimes. D'après ce que j'ai compris, beaucoup d'agresseurs ont en fait déjà été des victimes. Ai-je tort en affirmant que parmi les agresseurs que vous avez traités, certains auraient été victimisés à l'enfance?
    Non, bien qu'il y en ait qui aient été des victimes, je ne les ai pas traités pour la victimisation.
    Très bien. J'aimerais savoir si, d'après vous, les victimes, en particulier les enfants, sont satisfaites de la façon dont le système de justice s'est occupé de leur problème? Pensez-vous plutôt qu'elles éprouvent de la colère ainsi qu'un conflit intérieur plus profond après avoir eu affaire au système de justice? Répondez au meilleur de votre connaissance.
    Je ne sais pas, je ne suis pas en mesure de présenter des observations à cet égard.
    Malheureusement, votre temps est écoulé.
    Madame Jennings, vous avez cinq minutes.
    Je remercie les deux témoins de leur exposé.
    Vous vous êtes tous deux exprimés en faveur de peines minimales obligatoires pour certains cas de délinquance sexuelle. Dans le Code criminel, il y a trois catégories d'infractions sexuelles. La première catégorie porte sur les infractions assorties d'une peine maximale, mais sans peine minimale. La deuxième catégorie comprend les peines minimales obligatoires et, bien sûr, les peines maximales. Enfin, il y a les deux nouvelles infractions que le gouvernement, par le biais de ce projet de loi, espère ériger et qui sont également assorties de peines minimales obligatoires.
    Compte tenu de la quantité de recherches qui ont été effectuées sur les délinquants sexuels au sujet des taux de récidive et de l'efficacité ou inefficacité des peines minimales obligatoires, connaissez-vous des études qui ont porté sur les infractions déjà inscrites au Code criminel qui font déjà l'objet d'une peine minimale obligatoire pour en déterminer l'efficacité?
    J'ai cherché, mais je n'ai rien trouvé. Il n'y a pas d'études empiriques, à ma connaissance, qui portent sur ces variations à l'égard des peines.
    Et vous monsieur?

[Français]

    Je ne peux pas répondre mieux. Votre question me met mal à l'aise, en ce sens que je n'ai pas de réponse nette. Je pourrais peut-être sortir un peu de votre question.
    Oui, allez-y.
    C'est en réponse à la question qui a été posée il y a un moment. On disait que la thérapie de l'abuseur pourrait en même temps guérir, jusqu'à un certain point, sa victimisation. À ce propos, je voudrais souligner certains résultats d'études.
     Je pense, par exemple, à des études faites à Washington, il y a déjà plusieurs années. Ces études indiquent que la victimisation de l'abuseur ou le fait que l'abuseur adulte a lui-même été abusé dans son enfance — c'est ce qu'on appelle le cycle d'abus — est probablement grandement exagéré. Un chercheur américain de Washington — Hindley, je crois —, a démontré, avec une méthodologie absolument originale, que la plupart du temps, les abuseurs adultes interrogés sur leur propre enfance vont dire qu'eux-mêmes ont été abusés sexuellement. Ils mentent parce qu'il s'agit d'une excuse sociétale pour...
(1620)
    ... diminuer l'impact négatif.
    Exactement.
    Alors, je voulais souligner ce point. Ce n'est pas une opinion. Je me base sur des études provenant des États-Unis et qui ont été répétées, d'ailleurs.
    Merci beaucoup de ces explications. Je crois que ça vient appuyer les commentaires formulés par plusieurs commissaires des libérations conditionnelles, que ce soit ceux des provinces ou de la commission nationale, à l'effet que les délinquants sexuels peuvent être des manipulateurs. Cela leur permet d'expliquer leurs actes. Ça ne me surprend donc pas.
    J'ai une autre question au sujet des peines minimales obligatoires. Comme tout le monde ici l'a souligné, il existe déjà dans le Code criminel des peines minimales obligatoires qui ont été adoptées par un gouvernement précédent. Toutefois, ces peines sont très légères : 14 jours, dans certains cas, et 30 jours, dans d'autres.
    J'aimerais connaître votre opinion. Si on établit un système de peines minimales obligatoires pour des actes criminels de nature sexuelle, surtout ceux commis contre nos enfants, les peines minimales obligatoires devraient-elles être plus lourdes ou plus légères? Je fais appel à votre expertise en ce domaine.

[Traduction]

    Monsieur Van Gijseghem, je vous invite à répondre très brièvement s'il vous plaît.

[Français]

    Toute la logique de ce projet de loi s'appuie sur l'idée de la sliding scale, c'est-à-dire de la proportionnalité.
    Je crois que pour toute une série d'infractions ou de délits, la peine d'emprisonnement obligatoire minimale peut être légère, parce qu'il s'agit davantage, il me semble, d'une mesure symbolique dont la longueur ou la lourdeur est d'importance secondaire. Je crois aux actions symboliques et c'est pour ça que j'ai un parti pris favorable pour cette idée d'une courte peine minimale.
    Merci.
    Monsieur Lemay, vous disposez de cinq minutes.
    Je vais essayer de me concentrer sur le sujet. Je vous avoue que je ne me serais pas attendu, en cette journée de la Saint-Valentin, à parler de ce genre d'amour déplacé. Ce n'est pas nécessairement de l'amour. C'est davantage de la violence et du contrôle.
    Je suis inquiet, professeur Van Gijseghem — et je vous connais bien pour avoir déjà entendu vos témoignages sur d'autres sujets —, parce que vous dites, si je vous ai bien compris, que la pédophilie est une orientation sexuelle.
    C'est ce que j'ai dit.
    Faudrait-il donc la comparer à l'homosexualité?
    Oui, ou à l'hétérosexualité. Si vous viviez, par exemple, dans une société où l'hétérosexualité est proscrite ou défendue et qu'on vous disait qu'il faut que vous suiviez une thérapie afin de changer d'orientation sexuelle, vous diriez probablement que c'est un peu fou. Bref, vous n'accepteriez pas du tout une telle proposition.
    J'utilise cette analogie pour dire que, en effet, le pédophile ne changera pas d'orientation sexuelle.
    Même si les peines minimales d'emprisonnement étaient plus longues?
    C'est exact.
    À mon avis, la société, ou du moins tout le monde assis autour de cette table, n'accepte pas et n'acceptera pas la pédophilie, même si c'est une orientation sexuelle.
    Je me rappelle qu'à une époque pas très lointaine, on traitait l'homosexualité comme une maladie. Elle est maintenant acceptée, la société l'a acceptée et, même si certains refusent de le reconnaître, c'est accepté.
    Par contre, je ne peux pas m'imaginer que la pédophilie puisse être acceptée en 2011. Vous me dites qu'on pourrait imposer à quelqu'un une peine minimale de cinq ans et qu'on ne réglerait pas le problème. Une fois sortie de prison, la personne va donc récidiver. C'est inquiétant.
(1625)
    Oui, le risque est grand, et le meilleur facteur pour prédire la non-récidive est l'âge. Mes collègues vont probablement être d'accord sur cela, au moins l'un d'eux. Pour un certain nombre, pour une certaine catégorie d'abuseurs — quand on parle de pédophiles, on parle quand même de seulement 20 p. 100 de la population des abuseurs —, on n'a pas beaucoup d'autre choix que d'attendre le passage du temps avant d'être à l'aise face à leur remise en liberté.
    Je suis d'accord avec vous. Il y a plusieurs d'éléments dans le projet de loi, mais concentrons-nous sur la pédophilie. Iriez-vous jusqu'à dire la même chose en ce qui concerne l'inceste?
    Non, non. J'ai justement bel et bien fait la distinction entre les abuseurs sexuels extrafamiliaux, et parmi ceux-là les pédophiles, et les abuseurs intrafamiliaux. Je fais une distinction très nette.
    Vous nous dites que les pédophiles — j'ai bien écouté ce que vous avez dit et j'y suis très sensible — s'attaquent à des prépubères. Le problème est que, s'ils ont 20 ans ou 30 ans — vous avez vu des pédophiles et j'en ai vu aussi —, on va les garder en prison.
    Comment fait-on pour rassurer la société? Ce que vous dites aujourd'hui, avec tout le respect que je vous dois, est inquiétant. On a beau faire ce qu'on peut, c'est l'âge, le temps écoulé, qui va faire que... Il n'y a donc pas de traitement?
    Il me semble que le Canada a pris, à un certain moment, une bonne décision à ce sujet en instituant la catégorie de délinquants à contrôler, de délinquants dangereux. Je crois que cette décision s'appuyait probablement, jusqu'à un certain point, sur ce genre d'observations.

[Traduction]

    J'aimerais ajouter qu'on peut gérer le risque présenté par les délinquants sexuels, même les pédophiles. C'est une question de surveillance. Ils n'ont pas nécessairement besoin de changer leur orientation sexuelle, ils doivent plutôt apprendre à se maîtriser avec notre aide.
    Les pédophiles ne sont généralement pas les délinquants qui présentent le risque le plus élevé. Il y a bien certaines exceptions, mais d'autres caractéristiques, outre la préférence sexuelle, font en sorte que certaines personnes sont extrêmement dangereuses. Par exemple, les tendances antisociales, comme la psychopathie, et le penchant pour le risque. Ces facteurs, combinés à une déviance sexuelle, font en sorte que les délinquants présentent un risque particulièrement élevé.
    Je remercie nos deux professeurs d'être venus se faire entendre aujourd'hui. Vos témoignages ont été enrichissants et seront consignés dans le cadre de nos travaux. Je vous remercie tous deux.
    Nous allons suspendre brièvement la séance, le temps de changer de panel de témoins.
(1625)

(1630)
    Nous reprenons nos travaux.
    Nous recevons maintenant un nouveau panel de témoins venus se faire entendre au sujet du projet de loi C-54.
    Tout d'abord, nous recevons Ed McIsaac, directeur intérimaire de la politique à la Société John Howard. Du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, nous recevons M. R. Karl Hanson, chercheur scientifique principal à Affaires correctionnelles et justice pénale.
    Vous allez parler au nom du ministère, n'est-ce pas?
    Oui, je suis ici à titre d'expert en la matière pour présenter les données recueillies par le ministère.
    D'accord.
    Nous recevons également des représentants du Conseil des Églises pour la justice et la criminologie. Mme Lorraine Berzins, responsable de la chaire de réflexion communautaire de la justice et M. Richard Haughian, un membre du conseil, sont venus témoigner.
    Je vous souhaite la bienvenue à tous deux.
    Nous allons commencer par M. McIsaac.
    Au nom de la Société John Howard du Canada, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à nous faire entendre. Nous sommes ravis de l'occasion qui nous est donnée de discuter avec vous aujourd'hui du projet de loi C-54.
    Pour ceux qui ne le savent pas, la Société John Howard du Canada est une organisation sans but lucratif dont la mission consiste à appuyer des interventions efficaces, justes et bienveillantes pour s'attaquer aux causes et aux conséquences de la criminalité. La société est composée de 65 bureaux de première ligne un peu partout au pays qui offrent des programmes et des services en appui à une réintégration des délinquants en toute sécurité dans nos collectivités.
    Tout le monde ici est en faveur de la protection de nos enfants contre les prédateurs sexuels et de la promotion de collectivités plus sûres. Ce qui nous préoccupe dans ce projet de loi, c'est le moyen employé pour réaliser cet objectif. D'après nous, l'ajout de peines minimales obligatoires et l'élimination équivalente des peines d'emprisonnement avec sursis, telles que proposées dans le projet de loi, constitueraient un recul.
    La Société John Howard du Canada dénonce officiellement depuis une décennie l'imposition de peines minimales obligatoires. L'une des pierres angulaires de notre politique en matière d'établissement de peine, c'est la proportionnalité. La peine doit cibler le délinquant et non pas l'infraction. Pour s'assurer d'une proportionnalité et d'interventions efficaces, il est essentiel que l'appareil judiciaire soit en mesure d'entendre toute la preuve et d'ensuite imposer une peine qui soit à la mesure de cette preuve.
    J'ai conscience du fait qu'au Canada, il y a eu une éruption de décisions déraisonnables à l'égard des peines qui ferait en sorte de limiter le pouvoir discrétionnaire traditionnellement attribué à nos juges. Tant l'expérience que la recherche indiquent que les peines minimales obligatoires, en plus de limiter la capacité de s'assurer que les sanctions imposées sont équivalentes aux crimes commis, entraînent une diminution des plaidoyers de culpabilité, ce qui a pour résultat une hausse du nombre de procès ainsi que du nombre de délinquants qui se voient infliger des périodes d'incarcération plus longues. Nos tribunaux sont déjà aux prises avec un problème d'arriérés attribuables aux retards excessifs dans le commencement des interventions correctionnelles. En ce moment, les prisons sont surpeuplées, tant à l'échelon provincial que fédéral, ce qui entraîne davantage de retards dans l'exécution des programmes de traitement.
    Nous savons que les peines minimales obligatoires n'ont aucun effet dissuasif et ne permettent pas non plus de réduire le taux de criminalité. L'objectif de la protection de la société serait mieux servi grâce à une réintégration des délinquants dans nos collectivités qui soit bien soutenue et en temps voulu. Les peines minimales obligatoires ne facilitent en rien ce processus.
(1635)
    Les restrictions que ce projet de loi imposent au pouvoir discrétionnaire des juges nuiront, à long terme comme à court terme, à l'atteinte de l'objectif législatif. Au moment où nos voisins du sud et la Grande-Bretagne font marche arrière après des décennies de peines minimales obligatoires, j'exhorte le comité à prendre du recul et à veiller à ce que la proportionnalité reste la pierre angulaire de nos politiques en matière de détermination de la peine.
    Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à recevoir vos commentaires et vos questions.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Hanson, pour 10 minutes.
    Je m'appelle Karl Hanson. Je suis chercheur scientifique principal au ministère de la Sécurité publique et de la protection civile. J'ai été invité aujourd'hui à titre d'expert. Je fais de la recherche sur les délinquants sexuels depuis un certain nombre d'années et certains de mes travaux ont déjà été mentionnés par d'autres témoins. Aujourd'hui, je vais vous présenter des résumés de faits fondamentaux concernant les délinquants sexuels puis je répondrai à vos questions sur les sujets sur lesquels j'ai fait des recherches au sein du ministère.
    Vous avez devant vous quatre documents. L'un d'eux s'intitule La récidive chez les délinquants sexuels. Il s'agit essentiellement d'un sommaire des taux de récidive des délinquants sexuels. Nous avons choisi un important groupe de délinquants sexuels que nous avons suivis pendant un certain temps pour voir combien d'entre eux seraient arrêtés pour une nouvelle infraction sexuelle. Ce que nous avons constaté, après de vastes études, c'est que 10 à 15 p. 100 de ces délinquants seront trouvés coupables d'une nouvelle infraction sexuelle après une période de suivi d'environ cinq ans. C'est plus faible que ce que bon nombre de personnes imaginent, mais ce n'est pas 0. En outre, les taux de récidive varient grandement, de 1 ou 2 p. 100 pour certains sous-groupes jusqu'à 50 ou 60 p. 100 pour d'autres.
    Le deuxième document, tiré de Recherche en bref, s'intitule Taux de récidive chez les délinquantes sexuelles». C'est l'un des sous-groupes de délinquants sexuels dont le taux de récidive est très faible, soit de 1 ou 2 p. 100 après un certain temps. Nous avons mis à jour ce résultat à l'aide d'échantillons plus importants et nous sommes arrivés à la même conclusion.
    Le troisième document s'intitule Quelles interventions pour les délinquants sexuels? Je vais m'y attarder, car le message contenu dans ce document est un peu plus complexe. Nous avons passé en revue tous les programmes de traitements qui existent pour les délinquants sexuels et qui ont fait l'objet d'une évaluation, et nous avons comparé ceux qui semblaient être les plus prometteurs et ceux qui l'étaient moins.
    Nous avons constaté qu'en général, les délinquants qui ont reçu des traitements ont un taux de récidive d'environ 11 p. 100 après cinq ou six ans, alors que ceux qui n'avaient pas suivi de traitements avaient un taux de récidive d'environ 19 p. 100 — donc plus élevé. Dans les deux cas, il y a récidive, mais il y a une baisse importante.
    Nous avons également constaté que nous pouvions déterminer quels programmes avaient le plus de chances d'être efficaces. Il s'agit des programmes de traitements des délinquants qui présentent un risque modéré à élevé — des délinquants qui ont un risque modéré de récidive — et qui traitent les aspects ou caractéristiques psychologiques associés aux risques de récidive, c'est-à-dire les besoins criminogènes. Le troisième principe est qu'ils doivent amener les délinquants à participer vraiment au processus thérapeutique — ce que nous appelons la réceptivité. Les programmes qui respectent ces principes donnent de bien meilleurs résultats que ceux qui ne le font pas. Essentiellement, il existe des traitements qui peuvent être efficaces et bon nombre d'entre eux sont utilisés à divers endroits au Canada.
    Le quatrième document est un résumé en français et en anglais. Il résume une étude que j'ai effectuée avec mes collègues Michael Seto et Kelly Babchishin, visant à déterminer le nombre de cyberdélinquants sexuels qui commettent également des infractions sexuelles avec contact. Nous avons constaté que 12 p. 100 des cyberdélinquants sexuels avaient été condamnés pour une infraction avec contact antérieure. Environ la moitié d'entre eux admettent avoir commis une infraction avec contact dans le passé.
(1640)
    Après leur arrestation, le taux de récidive est de l'ordre de 3 à 5 p. 100. Nous observons un taux de récidive de 4 à 5 p. 100 après une période de trois à cinq ans, en moyenne. Dans 2 p. 100 des cas environ, il s'agit de nouvelles infractions avec contact et dans 3 p. 100 des cas, de nouvelles infractions sexuelles commises sur Internet.
    En résumé, nous croyons qu'il y a une catégorie de cyberdélinquants sexuels qui présentent  un très faible risque de commettre des crimes sexuels avec contact. Certains cyberdélinquants sexuels sont simplement des délinquants sexuels ordinaires qui ont accès à Internet alors qu'il y a une autre catégorie, probablement moins importante, de personnes dont les crimes se limitent essentiellement à Internet.
    Voilà les principales questions dont je souhaitais vous entretenir aujourd'hui.
(1645)
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Haughian.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous.
     Le Conseil des Églises pour la justice et la criminologie est une coalition nationale d'églises représentant 11 confessions, créée en 1972. Nous préconisons les responsabilités communautaires en matière de justice en mettant l'accent sur les besoins des victimes et des délinquants, le respect mutuel, la guérison, la responsabilité individuelle et la prévention du crime.
    En décembre 2010 le CEJC a écrit au premier ministre du Canada pour lui dire qu'il était vivement préoccupé de constater qu'en cette période de restrictions financières touchant d'importants services publics, le gouvernement du Canada a l'intention d'investir des sommes considérables dans la construction de nouvelles prisons: « Les propositions de nouvelles lois fédérales auront pour effet d'envoyer en prison plus de Canadiens et pour des périodes plus longues, une stratégie qui a constamment démontré qu'elle ne dissuadait pas le crime et n'aidait pas non plus les victimes. »
    Monsieur le président, le projet de loi C-54 est l'un des projets de loi qui nous préoccupe.
    Je suis accompagné de Mme Lorraine Berzins, titulaire de la chaire de développement communautaire de la justice du CEJC. Lorraine a de nombreuses années d'expérience au système de justice pénale. Et elle va vous présenter de manière plus détaillée la position du CEJC.
    Je travaille pour le CEJC depuis 27 ans après avoir oeuvré pendant 14 ans dans les pénitenciers. Je tiens à vous dire, tout d'abord, que le CEJC prend très au sérieux le tort que subissent les enfants victimes d'infractions sexuelles et nous avons depuis longue date montré que nous faisons vraiment tout notre possible pour essayer, dans nos églises et nos collectivités, de rompre le silence qui entoure cette question.
    Au fil des années, nous avons produit différentes ressources pour aider les membres de l'église à en parler, car nous savons qu'un grand nombre de victimes souffrent en silence et c'est quelque chose que nous ne pouvons pas accepter. Nous assumons la responsabilité pour ce que cela a fait à nos propres églises et pour le rôle que nos églises ont joué. Nous avons fait beaucoup de choses pour aider les victimes à se faire entendre et pour aider les églises à être franches et honnêtes entre elles et à travailler pour prévenir ces infractions. Nous voulons mettre fin à ce comportement et aider les gens à guérir.
    Ce sont de très bons objectifs et je pense que ce sont les mêmes objectifs que vous cherchez à atteindre dans le projet de loi, mais nous sommes très préoccupés parce que les peines minimales obligatoires ne sont pas un outil efficace et peuvent causer beaucoup de tort. Nous sommes inquiets parce que votre proposition s'applique à un grand nombre de situations différentes pour beaucoup de victimes, mais en utilisant dans tous les cas le même outil brutal qu'est la peine minimale obligatoire.
    Nous savons qu'il y a des cas où il faut incarcérer quelqu'un afin d'assurer la sécurité immédiate de la victime dans la collectivité et nous sommes absolument convaincus que c'est ce qu'il faut faire lorsqu'il s'agit de la solution la plus sûre, et nous avons été témoins de telles situations. Mais il y en a beaucoup plus où ce n'est pas le cas. Ce qui nous préoccupe, c'est que ces propositions vont rendre l'incarcération obligatoire même lorsqu'elle n'est pas appropriée et que cela ne fera qu'aggraver ce qui est déjà pénible pour les victimes dans le système de justice pénale. Par cela, je veux dire le système adversatif et son fonctionnement.
    Le tribunal adversatif n'est pas un lieu sûr où les victimes trouvent un appui pour raconter leur histoire. C'est un endroit très effrayant, surtout pour les enfants. Ils s'y sentent coupables lorsqu'ils sont poussés par les avocats de la défense occupés à jouer leur rôle dans notre système de justice pénale. C'est très angoissant pour eux et ceux qui s'occupent des enfants victimes feraient n'importe quoi pour leur éviter d'avoir à subir cela. Souvent la solution c'est de procéder d'une manière qui n'exige pas une peine d'emprisonnement pour assurer la sécurité de la victime, mais qui évite à celle-ci de souffrir davantage. C'est une option que nous ne voudrions pas perdre.
    Des peines plus sévères ne feront qu'accroître les enjeux et rendre la bataille encore plus pénible dans nos tribunaux. Même la déclaration de la victime est pénible pour celle-ci. Et pour dire cela je me fonde sur ma propre expérience directe auprès des victimes et de ce que de nombreuses personnes qui travaillent avec les victimes m'ont rapporté. Les enfants victimes ne veulent pas sentir que toute leur vie est ruinée par ce qui leur est arrivé. Ils ont besoin de sentir qu'ils pourront avoir une vie heureuse et qu'il existe des outils pour les aider à y parvenir.
    La déclaration de la victime dans un système adversatif les amène à insister sur tout ce qu'il y a de pire et sur le terrible pronostic quant à ce qui les attend. Ce n'est pas bon pour les victimes. Pour nous qui nous nous intéressons à elles en tant que personnes, il semble tout à fait raisonnable de trouver les moyens de leur donner l'appui dont elles ont besoin sans les obliger à subir des choses inutiles.
    Nous avons trouvé un modèle qui fonctionne très bien et que nous souhaitons le recommander. Il s'agit des équipes responsables des cas de mauvais traitements des enfants créées par les bureaux des procureurs de la Couronne dans certaines provinces. Dans ce modèle, le procureur, la police, les services d'aide aux victimes, les services d'aide à l'enfance, les parents, et l'intervieweur de l'enfant — toutes les personnes qui constituent un élément du casse-tête — se réunissent pour déterminer quelle serait la meilleure intervention possible de la part du système de justice pénale dans un cas particulier. Puis cette équipe présente sa proposition au juge. Parfois, cela inclut une peine d'emprisonnement, mais souvent ce n'est pas le cas.
(1650)
    Le problème que pose une peine minimale obligatoire est qu'elle ne permet pas cette souplesse. Comme d'autres vous l'ont déjà dit, cela est contraire à toutes les recherches qui ont été effectuées. Il n'y a aucune bonne raison de le faire. Cela nous prive d'un élément essentiel pour être plus efficace. Cela va à l'encontre des tendances internationales.
    Alors pourquoi est-ce que le gouvernement fait cela? Avez-vous trouvé des recherches indiquant que les peines sont trop courtes? Je n'ai jamais vu d'études qui disent cela. Avez-vous trouvé que les procureurs ne faisaient pas appel lorsque les peines imposées étaient trop légères? Est-ce cela qui vous fait croire que cette mesure est nécessaire? Je n'ai rien constaté de tel.
    Ce qu'il y a de terrible, c'est que cette mesure causera des dommages collatéraux. Il y aura de nombreuses conséquences imprévues, car ces propositions sont conçues par des personnes qui ne comprennent pas vraiment de quelle manière le système fonctionne. Je vous demande de réfléchir sérieusement avant d'aller de l'avant avec quelque chose qui va causer autant de tort.
    Cette proposition semble faite pour rassurer les médias et le public, mais ce n'est pas auprès de personnes non informées que vous devez chercher des conseils sur ce que vous devez faire dans un dossier aussi important.
    Nous ne sommes pas le premier pays à tenter cette expérience. J'aimerais vous citer ce que disait Lord Auld du Royaume-Uni, face à la même situation. Il a dit:
    C'est une chose de se fier aux opinions mal informées du public pour déterminer ce qui est nécessaire pour engendrer la confiance du public, et c'en est une autre de s'appuyer sur ses opinions comme argument pour façonner le système. La confiance du public n'est pas une fin en soi; elle est ou devrait être le résultat d'un système juste et efficace. Ce qu'il faut c'est rendre le système juste et efficace, et si le public ne peut avoir confiance en raison de son ignorance, il faut alors prendre les mesures nécessaires pour montrer au public qu'il est juste et efficace.
    Ces propositions n'auront pas cet effet; elles auront l'effet contraire. Elles ne feront qu'empirer le système, ce qui aura pour conséquence de réduire la confiance du public.
    Je présente trois recommandations. Premièrement, il ne doit pas y avoir de peines minimales obligatoires. À tout le moins, ne pourriez-vous rendre la peine minimale présomptive plutôt qu'obligatoire?
    Deuxièmement, il faudrait créer des équipes responsables des cas de mauvais traitement des enfants dans un plus grand nombre de provinces et territoires. Je recommande vivement que vous acceptiez qu'il s'agit d'une orientation importante à examiner.
    Troisièmement, ne pourriez-vous pas, à l'avenir, appuyer vos propositions sur des preuves? Elles doivent être conçues par des personnes qui comprennent de quelle manière le système fonctionne vraiment. En tant que gouvernement, vous pourriez commencer par consulter des gens qui pourraient vous faire ce genre de recommandation afin que vous ne causiez pas davantage de dommages.
    Merci.
(1655)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux questions. M. Murphy a la parole pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Les exposés des témoins sont extrêmement intéressants. Je vous pose tout de suite mes questions.
    Vous nous avez fait part de recherches très intéressantes. Je pense que bon nombre d'entre nous avons été étonnés d'apprendre le taux réel de récidive.
    J'ai quelques questions rapides, monsieur Hanson, et j'ai toutes sortes d'autres questions plus philosophiques. Dans les documents de Recherche en bref, il n'y a aucune distinction entre un délinquant sexuel et un pédophile, si j'ai bien lu.
    Non. La pédophilie est...
    Y a-t-il des statistiques qui font la différence entre les deux?
    Dans ce rapport nous les divisons selon leurs victimes. Nous avons examiné les délinquants ayant commis une infraction contre un garçon qui n'est pas de leur famille, et une forte proportion de ceux-ci sont des pédophiles. Dans leur cas, les taux sont beaucoup plus élevés. Mais après cinq ans il est d'environ 30 p. 100, ou quelque chose du genre.
    Vous me dites que cela existe ailleurs?
    Oui.
    Pourriez-vous l'envoyer à notre greffière?
    Bien sûr. Cette Recherche en bref a été traduite, et se trouve sur le site Web et est mentionnée dans les références à la fin du rapport.
    Très bien. Eh bien, merci. Cela m'intéresse beaucoup.
    Vous avez mentionné les principes RBR.
    Monsieur McIsaac, connaissez-vous ces trois principes — risque, besoins et réceptivité — dans le monde de John Howard? Est-ce que ce sont des principes reconnus?
    Oui.
    Très bien. Et je vous demanderais une réponse très brève, car je tiens vraiment à m'adresser également aux églises, est-ce que les RBR — c'est l'acronyme — sont suffisamment financés et respectés dans les établissements correctionnels du Canada? Est-ce que cela fonctionne?
    Eh bien...
    En d'autres mots, êtes-vous d'accord avec votre voisin, M. Hanson, pour dire que cela fonctionne?
    Étant donné le niveau de financement, ça ne fonctionne pas. Si le financement était plus élevé, je m'attendrais à ce que ça fonctionne, mais je pense qu'il faudrait faire un examen.
    Sans vouloir vous attaquer, monsieur McIsaac, vous avez dit que nous ne savons pas si les peines minimales obligatoires fonctionnent, et je suppose que vous n'avez aucune preuve qu'elles ne fonctionnent pas.
    Si je vous disais que le tribunal de traitement de la toxicomanie, que nous avons examiné dans le cadre d'un autre projet de loi, est une forme de supervision ou de peine obligatoire qui fonctionne, seriez-vous d'accord?
    Je dirais qu'il y a là une différence.
    Premièrement, il y a d'abondantes preuves que les peines obligatoires ne réduisent pas le niveau de criminalité dans la collectivité et qu'elles n'ont pas d'effet dissuasif sur les délinquants.
    Eh bien, en ce qui concerne les infractions dont il est question ici, avez-vous des études ou des preuves?
    Le problème pour nous tous, c'est que nous avons déjà des peines minimales obligatoires et que maintenant nous déplaçons la barre. C'est ça le problème.
    Certaines statistiques semblent indiquer qu'avec un bon traitement, la récidive, et donc le problème pour la collectivité, n'est pas aussi élevée qu'on le croyait. Cela, avec des peines minimales qui existent déjà depuis quelque temps.
    Je pense qu'il est difficile pour nous, en tant que législateurs, de dire qu'elles ne fonctionnent pas du tout, car je suppose d'après la plupart des arguments — cités par le statisticien — que la situation n'est pas mauvaise. En fait, je veux dire que ce n'est pas formidable; il existe des problèmes, mais le système fonctionne tel qu'il est. Nous n'avons pas besoin de le renforcer.
    Ne pourrait-on pas dire que le système fonctionne en partie en raison des peines minimales obligatoires?
    Que répondez-vous à cela?
(1700)
    Oui. Je crois que la recherche montre que le traitement est plus efficace que la seule incarcération. Mais la combinaison traitement et collectivité est plus efficace que traitement et prison.
    Je pense qu'il y a d'abondantes données à ce sujet. Je pourrais vous fournir les références si vous souhaitez; je pense qu'elles sont assez concluantes. Ce serait certainement une bonne idée de prêter attention à ce genre de preuve.
    Je sais que vous avez reçu l'invitation à comparaître assez tardivement et nous apprécions d'autant plus votre présence. Si vous avez des renseignements à communiquer à la greffière pour qu'elle nous les distribue — après les avoir fait traduire, etc. — nous l'apprécierions grandement.
    J'aimerais poser quelques questions au CEJC.
    Je suis membre du comité depuis près de cinq ans. J'ai raté une réunion ici et là parce que je devais être chez moi ou ailleurs, mais avez-vous déjà comparu devant nous pour discuter du programme de justice de l'actuel gouvernement? Combien de fois?
    Oui, souvent.
    Je veux dire pour plaider contre les peines minimales obligatoires.
    Pardon...?
    Pour plaider contre les peines minimales obligatoires.
    Oui. Je pense que la dernière fois c'était en 2007.
    Très bien.
    Je n'ai pas cette information avec moi. Nous avons également comparu devant le comité sénatorial pour parler des peines minimales obligatoires et des libérations conditionnelles: les projets de loi C-10 et C-9, à l'époque.
    Je me rappelle très bien du projet de loi C-10.
    Notre analyse et notre conclusion ne sont pas nouvelles; nous y travaillons depuis 39 ans. Nous avons fait de nombreuses déclarations au fil des années, la dernière remonte à 2007.
    Pardon, pourriez-vous me rafraîchir la mémoire? Comment se fait-il que vous parliez au nom des églises? Il y a 11 confessions. Quel est le rapport?
    Je vais faire une analogie, et je sais qu'il y a un monde de différences entre les groupes d'églises et les avocats, mais...
    Celle-là.
    L'Association du Barreau canadien comparaît. Elle a un système où la section du droit pénal choisit quelqu'un, d'habitude un avocat de la défense pour venir nous parler au nom de l'association, dont la plupart d'entre nous sommes membres. En général, ils sont contre la plupart des projets de loi car ce sont des avocats de la défense en droit criminel. Cependant, vous ne pouvez pas dire qu'ils parlent au nom de M. Dechert, qui est avocat en droit des sociétés. Il ne parle pas en son nom, en tant que conseil de société, ni en mon nom puisque je suis spécialiste des affaires civiles.
    Est-ce que c'est pareil pour vous, ou est-ce que vous recevez vos ordres de, par exemple, la Conférence des évêques catholiques du Canada, etc.? Comment formez-vous votre opinion?
    Nous ne parlons pas au nom des églises. Nous avons été créés il y a 39 ans parce que les églises ont compris, grâce aux aumôniers des différentes églises qui travaillaient dans les prisons et avec les victimes qu'ils rencontraient, qu'il n'était pas suffisant de les aider seulement par leur service d'aumônerie, qu'ils voyaient qu'il y avait des faiblesses dans le système et que les églises devaient en apprendre davantage.
    On nous a chargés d'utiliser de notre mieux notre expérience et nos connaissances pour aider les églises à réfléchir aux conséquences pour nos collectivités d'avoir un système de justice qui cause tant d'injustice. Nous avons produit des ressources pour les aider à réfléchir à cette question et nous avons évalué la situation.
    De concert avec des représentants des églises et au moyen d'un processus de discernement tout à fait collégial, nous avons pu tirer certaines conclusions et déterminer des directions qui d'après nous serviraient mieux la collectivité, et nous leur en faisons part.
    Mais chaque église adopte sa propre position. Nous ne prenons pas position en leur nom. Nous leur donnons les ressources qui leur permettent de former leur propre opinion.
(1705)
    Merci.
    J'aimerais simplement ajouter quelque chose que j'ai oublié de dire tout à l'heure.
    Vous aurez peut-être l'occasion de le dire durant la prochaine série de questions. Vous aurez une autre chance.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Je remercie les témoins d'être venus comparaître devant nous. Ça va nous éclairer grandement.
    Monsieur Hanson, c'est la première fois que je vois ces documents ou même des documents de ce genre. Est-ce que le gouvernement les cache? Comment pourrions-nous nous renseigner sur ces documents? Vous en avez certainement beaucoup d'autres qui pourraient nous êtres utiles lorsque nous étudierons d'autres lois en matière criminelle.
    En fait, ces recherches se trouvent depuis longtemps dans notre site Web. Elles sont également publiées. Si vous êtes intéressés, nous pouvons ajouter vos noms à une liste de distribution.
    Oui, mais je voudrais d'abord aller à un endroit où je peux trouver la liste de tout cela et voir...
    En effet, tout cela est disponible dans le site public de Sécurité publique Canada.
    Merci.
    Ma question s'adresse aux représentants du Conseil des Églises pour la justice et la criminologie.
     C'est moi qui ai demandé qu'on vous invite à témoigner. Je n'avais jamais entendu parler de vous avant de prendre connaissance de la lettre que vous avez envoyée au premier ministre le 17 décembre dernier. Il en a été question dans le quotidien Le Devoir. C'est de cette façon que j'ai découvert votre existence. Maintenant que je vous ai entendus, je pense vous convoquer de nouveau. Même si vous pouvez être déçus à l'égard du présent projet de loi, il faut reconnaître que nous traitons ici d'un des pires crimes qui soit. C'est certainement de cette façon que le perçoit la population en général.
    J'ai lu votre lettre datée du 17 décembre. Avez-vous reçu une réponse?
     Je ne suis pas tous les jours au bureau, mais je crois que nous n'en avons pas reçu.
    Le ministre de la Justice nous a dit... Ce n'était pas clair. On ne sait pas s'il a entendu parler de la lettre, s'il l'a lue ou s'il en connaît vaguement le contenu. Quoi qu'il en soit, il semble que vous n'avez pas reçu de réponse. Quand vous traitez de ces questions, il serait peut-être bon d'envoyer également au ministre de la Justice une copie de la lettre adressée au premier ministre.
    Oui.
    Je ne suis pas sûr qu'il vous lira, mais ça vous permettra peut-être d'insister.
    Les gens de l'une de nos églises ont écrit une lettre au ministre de la Justice plutôt qu'au premier ministre. En outre, nous avons envoyé la lettre aux chefs de tous les partis.
    Ah, bon. C'est peut-être comme ça que je l'ai reçue, mais j'en avais d'abord entendu parler dans Le Devoir.
    J'aimerais vous demander quelque chose. Il y a quand même certaines peines minimales, dans le Code criminel. Personnellement, j'ai un préjugé défavorable à l'égard des minimums, mais il en existe quand même pour les crimes les plus graves.
    Avez-vous la même attitude vis-à-vis, par exemple, des peines minimales prévues pour meurtre?
    Je crois que c'est établi depuis très longtemps et que c'est mieux que la peine de mort.
    Oui.
    Ce n'est donc pas ma préoccupation première, en ce moment.
    Je sais pourquoi ce n'est pas nécessaire. Quand les procureurs de la Couronne jugent que ce n'est pas approprié, ils peuvent porter une accusation d'homicide involontaire. Il y a quand même des choix. C'est ce qui se passe.
    Je peux vous dire qu'en pratique, j'ai vu des procureurs de la Couronne accuser de meurtre...
    Oui.
    ... des gens qui, clairement, n'étaient coupables que d'homicide involontaire, afin d'obtenir un plaidoyer de culpabilité pour homicide involontaire.
    En fait, je vais changer ma réponse. Non, je ne suis pas en faveur des peines minimales, pour absolument rien. Je crois qu'on a les outils nécessaires pour, quand une sentence à vie est vraiment de mise, faire ce que l'on souhaite faire. C'est ce qui est important. Par contre, si cela nous enferme dans une pratique dont on ne peut pas se passer...
    On a vu aussi, avec le cas... Mon Dieu, je ne me souviens plus du nom.
(1710)
    Parlez-vous de l'affaire Latimer?
    Oui, je crois que beaucoup de Canadiens trouvent difficile de penser que c'est aussi rigide que cela.
    Maintenant, à l'autre extrême, il y a de courts minimums.
    Oui.
    C'est le cas pour certaines récidives, où la personne qui a été condamnée une première fois est avertie que s'il y a une deuxième infraction, elle aura une sentence minimale. Je pense, par exemple, à la conduite avec facultés affaiblies. J'ai toujours compris que les principes et les études de criminologie établissaient que ce genre de petits minimums bien ciblés pouvaient, effectivement, avoir une incidence sur la criminalité.
    Je ne sais pas si j'ai tout bien compris. J'ai un peu de difficulté à entendre, parfois. Cependant, je crois que toutes les données des recherches démontrent que ce n'est absolument pas efficace, que ce soit court ou long, qu'il s'agisse de 14 jours ou de 90 jours.
    Je pense que cela fait des années. Le fait qu'on en ait ne veut pas dire qu'on a suivi les données de la recherche.
    J'ai été mal traduit. Je le vois bien par votre réaction.
    Il y a quelques courts minimums pour des récidives. La plus importante d'entre elles est la conduite avec facultés affaiblies, un crime commis par des gens qui ne sont pas nécessairement des criminels. C'est certain que, pour la première infraction, il ne savent pas ce que sont les peines minimales. Toutefois, s'ils sont informés, après la première infraction, qu'à la deuxième infraction, il y aura de l'emprisonnement, on pense généralement que cela a un effet sur la récidive.
    Encore là, tout ce que j'ai appris dans les recherches diverses, c'est que la pensée criminelle ne fonctionne pas comme ça. Les gens agissent beaucoup sur le coup du moment et ne réfléchissent pas. Ils ne se disent pas que, puisque ce sera 90 jours, ils ne le feront pas. Ils ne sont pas à ce point au courant des choses. Simplement parce que c'est une récidive, cela ne veut pas dire que la loi n'a pas changé depuis ce temps. Ce n'est vraiment pas leur motivation.
     Vous n'êtes vraiment pas réaliste, en ce qui a trait à l'être humain et aux personnes qui s'embarquent dans le crime ainsi. Quand on connaît la population qui est là, on sait que ce n'est vraiment pas de cela qu'il s'agit.
    Merci.
    Monsieur Comartin, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être venus.
    Madame Berzins, je ne pense pas que la lettre que les églises ont envoyée au premier ministre et au ministre de la Justice ait été déposée auprès du comité. Pourriez-vous la remettre à la greffière afin qu'elle l'ajoute au document que nous utiliserons pour étudier ce projet de loi, s'il vous plaît?
    Oui, bien sûr.
    Monsieur Hanson, quelles études avez-vous faites?
    J'ai un doctorat en psychologie clinique.
    Travaillez-vous vraiment comme clinicien?
    Je n'en fais plus depuis longtemps. J'ai travaillé comme clinicien il y a 20 ans environ je pense.
    Aurais-je raison de dire que maintenant vous faites surtout de la recherche?
    C'est exact.
    Le quatrième document que vous nous avez présenté, le sommaire... J'ai toujours pensé que j'ai eu beaucoup de chance de ne pas être obligé de suivre des cours de statistiques pour obtenir un diplôme, car je pense que je n'aurais jamais réussi, mais je travaille très fort pour essayer de comprendre les chiffres. Si j'ai bien compris, le tiers des personnes qui regardent de la pornographie juvénile, des photos dans lesquelles on voit des enfants maltraités sur Internet, ne commettent jamais d'autres crimes? Est-ce que cela résume bien ce document?
    C'est en fait un pourcentage plus élevé. D'après ces données, environ la moitié de ces personnes n'ont jamais été reconnues coupables d'une infraction sexuelle antérieure et n'admettent pas non plus avoir commis ou ne décrivent pas d'autres infractions sexuelles dans des circonstances où il y a de bonnes chances pour qu'elles en parlent — par exemple pendant un test polygraphique ou pendant un traitement véritablement volontaire. Il s'agit donc d'une personne qui n'a aucun casier judiciaire criminel et qui demande à un professionnel de la santé mentale de la soigner et envers laquelle il n'y a rien à déclarer. Il s'agit donc de personnes qui regardent de la pornographie juvénile et à qui on a demandé, le plus souvent dans le cadre d'un traitement, si elles avaient commis d'autres actes. Pour la moitié d'entre elles, c'est oui et pour l'autre moitié non.
(1715)
    Alors, le taux de récidive serait près de 50 p. 100 plutôt que de 33 p. 100?
    Oui, dans la catégorie autre type d'agression sexuelle c'est exact. Il se peut qu'ils aient commis d'autres infractions, mais nous ne tenons compte que des agressions sexuelles ici.
    Oui. Et encore une fois, les peines minimales obligatoires visent ce type d'agression.
    Docteur Hanson, le matériel que vous avez ici, l'étude, a été réalisée...
    C'est sous presse. Elle est accessible en ligne à l'heure actuelle. La copie papier devrait être publiée le mois prochain.
    Savez-vous si le ministère de la Justice a pris connaissance de cette étude avant de rédiger le projet de loi?
    Je n'ai aucun avis à cet égard.
    Le ministère ne vous a pas demandé cette information?
    L'information présentée dans ce rapport est un résumé d'études existantes. Elle tient compte de tous les renseignements que nous avons pu recenser. Je ne peux pas parler directement du processus utilisé par le ministère de la Justice.
    Quand a-t-elle été publiée sur le site Web?
    En l'espace de quelques mois. L'ébauche précédente de ce rapport, contenant les résultats préliminaires, qui ont été évoqués par des témoins lors de la séance précédente, faisait partie d'une réunion du G8 à laquelle j'ai participé en 2009. La version préliminaire avait été publiée sur un site Web à cette époque, mais elle n'avait pas été largement distribuée.
    Alors au G8 — est-ce que cela aurait été le ministre de la Justice ou bien le ministre de la Sécurité publique? C'est une des réunions préliminaires que nous tenons?
    Oui. C'est une réunion d'experts qui a eu lieu en Caroline du Nord portant sur les crimes sexuels sur Internet, les experts réunis ont recueilli l'information disponible à ce moment-là et ont recensé les politiques appliquées dans les pays du G8. Et cette information a été publiée sur Internet en 2009.
    Merci.
    Vous savez, c'est ce qu'on a pu constater ici avec les témoins qui ont comparu, les gens qui travaillent directement auprès des victimes et bien sûr c'est ce que nous dit constamment le Parti conservateur et ses spécialistes de droite, à savoir que chaque agresseur sexuel va récidiver et que chacun d'entre eux commettra d'autres infractions sexuelles.
    Pouvez-vous nous aider? Comment en sommes-nous arrivés là? Je ne vous demande pas de faire des observations politiques, ce n'est pas ce que je vous demande de faire, mais y a-t-il quelque chose — je ne sais pas — dans les données démographiques à ce sujet? Y a-t-il d'autres études qui se pencheraient uniquement sur les pédophiles, les pédophiles purs et durs où xxxl'on dit qu'on ne peut vraiment pas travailler avec ces gens et qu'ensuite ces données sont extrapolées à partir de ce constat? Y a-t-il de telles études? Quelle est la source de cette grossière erreur portant sur notre capacité à traiter avec succès les agresseurs sexuels d'enfants?
    Je peux vous présenter des hypothèses. J'ai suffisamment d'expérience pour vous dire que l'opinion publique n'accorde pas suffisamment de sérieux à ce genre de chose. J'ai personnellement essayé de faire en sorte que les gens s'attardent davantage à la question des abus sexuels. Et pendant cette période, surtout au début des années 1980, bon nombre des mes collègues disaient des choses comme « la pédophilie est incurable », ou bien « pédophile un jour, pédophile toujours. » Ils faisaient ces déclarations essentiellement d'un point de vue de défenseurs des droits afin que les gens se penchent sérieusement sur les abus sexuels.
    Avant les années 1980, la plupart des gens ne croyaient pas que le taux d'infraction sexuelle était aussi élevé. On a vu des changements majeurs relativement aux valeurs sociales dans les année 1980 et 1990, époque à laquelle les abus sexuels sont passés d'un crime obscur à un crime dominant, cela visait une grande partie des délinquants sous responsabilité fédérale. C'est peut-être la source dont vous parlez.
    À la source de ce problème, il y a aussi le taux réel de victimisation sexuelle. Si vous demandez aux gens, ou à des femmes en particulier, elles vous diront qu'un grand nombre d'entre elles ont été agressées sexuellement. Il s'agit peut-être d'une sur quatre. Quelques fois ce taux est légèrement supérieur ou légèrement inférieur. Par conséquent, c'est un problème important. Ainsi, si vous êtes en présence de femmes et que vous leur posez des questions, vous remarquerez que le taux d'agression sexuelle est beaucoup plus élevé que vous ne le souhaiteriez.
    Alors, oui, c'est un problème et en ce qui a trait au taux de récidive absolu, il est surprenant qu'il soit beaucoup moins important que ce que pense le public en général.
(1720)
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Dechert, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, mesdames et messieurs, d'être là aujourd'hui.
    Madame Berzins, vos propos m'intéressent. Avez-vous eu la possibilité de lire toutes les dispositions du projet de loi C-54? Les avez-vous examinées?
    M'adressez-vous la parole?
    Oui.
    Oui, j'en ai pris connaissance.
    Très bien et avez-vous sondé les membres des églises qui composent votre organisation en ce qui a trait au projet de loi C-54?
    Non, nous ne l'avons pas fait, parce que nous ne fonctionnons pas de cette façon.
    Alors avez-vous...
    Nous avons l'habitude de produire des rapports et de faire des consultations, voire de les consulter de nombreuses fois sur les mêmes sujets...
    Alors vous ne les avez pas sondés.
    ... alors depuis 39 ans, ça fait beaucoup d'information.
    Avez-vous reçu des observations de l'une ou l'autre des églises membres sur les dispositions du projet de loi C-54?
    Monsieur le président, j'estime qu'on me pose une question qui m'oblige à donner une réponse qui ne refléterait pas exactement la façon dont fonctionne mon organisation.
    Madame Berzins, les membres de ce comité ont droit de poser toutes les questions qu'ils veulent, tant et aussi longtemps qu'ils le font avec politesse et décorum.
    Je veux tout simplement que les gens sachent que je veux que cela reflète bien la façon dont nous travaillons et qu'une réponse affirmative ou négative...
    Madame Berzins, vous pouvez répondre comme bon vous semble, mais M. Dechert a le droit de poser ses questions.
    Je présume que votre réponse est que vous n'avez reçu aucune observation sur les dispositions particulières du projet de loi C-54.
    Vous avez mentionné dans votre déclaration préliminaire quelque chose que je trouve très intéressant. Vous avez dit que: « les gens mal renseignés ne sont pas ceux sur lesquels il faut se fier pour vous guider dans ce que vous devriez faire sur une question aussi importante ». Estimeriez-vous que les membres des églises que votre organisation représente sont mal renseignés, en général, sur des questions aussi importantes que celle-ci?
    Je pense que de nombreuses personnes dans nos églises ne sont pas bien renseignées, et c'est pour cette raison que nous essayons réellement de les informer. Mais je songeais essentiellement à...
    Merci de cette déclaration.
    ... c'est-à-dire que les personnes qui ont rédigé les dispositions les ont conçues avec quelque... Il y aura des conséquences inattendues.
    Alors, vous estimez peut-être que ceux qui ont rédigé cette loi sont peut-être également mal informés. Je comprends.
    Je vous pose cette question parce que je sonde régulièrement mes électeurs sur le projet de loi C-54 et d'autres projets de loi que notre gouvernement présente sur des questions portant sur la justice pénale, et je dois vous dire que j'obtiens un soutien impressionnant de la part de mes électeurs pour ce projet de loi et d'autres projets de loi ayant trait à la justice pénale. J'ai vérifié les statistiques et, selon Statistique Canada, 65 p. 100 de mes électeurs vont régulièrement à la messe et fréquentent bon nombre des églises représentées par votre organisation. Alors, je me demande pourquoi il y a une aussi grande divergence entre ce qu'ils me disent... Et, bien sûr, je dois tous les représenter et je dois être préoccupé de leur perception de l'efficacité de notre système de justice pénale et de son intégrité, et ils me disent que c'est quelque chose que nous devrions faire.
    Selon mon expérience, les gens ne comprennent pas le fonctionnement du système de justice pénale. Les gens ont une réaction morale qui correspond très bien au fait qu'ils veulent que quelque chose se produise et que l'on prenne le problème au sérieux. Mais, c'est une autre paire de manches que de comprendre le fonctionnement du système de justice pénale.
    Je comprends que vous estimez que la population en général est mal renseignée.
    Sur le fonctionnement du système de justice pénale.
    Très bien. Et les membres des organisations oecuméniques sont mal informés sur les enjeux de ce projet de loi, le C-54, et sur ce que devrait faire le système de justice pénale aux personnes qui agressent sexuellement des enfants.
    Avez-vous reçu la transcription des séances de ce comité du 31 janvier de cette année?
(1725)
    Non, je ne l'ai pas reçue.
    Très bien. C'est dommage, parce que si vous l'aviez reçue, vous auriez pris connaissance de témoignages convaincants de la part de personnes qui ont elles-mêmes été victimes d'agression sexuelle lorsqu'elles étaient enfants, et d'organisations qui représentent les enfants abusés sexuellement ainsi que d'organisations qui gèrent, par exemple, le système d'alerte en matière de pornographie juvénile au Canada. Ces témoins nous ont dit clairement que les dispositions du projet de loi C-54 sont importantes et nécessaires. Je vous recommande de jeter un coup d'oeil sur ce témoignage et j'espère que vous aurez l'occasion de le faire un peu plus tard aujourd'hui, le tout est publié sur Internet.
    Plus particulièrement, ils nous ont dit que les peines minimales obligatoires décrites dans ces dispositions sont importantes et nécessaires. Elles sont nécessaires selon ces personnes, pour bon nombre de raisons, entre autres que les victimes estiment qu'il est très difficile pour une victime de révéler ses agressions et de les raconter et de suivre tout le processus, et qu'elles ont besoin de se sentir valorisées. Lorsque les victimes voient les agresseurs qui les ont abusées sexuellement rentrer chez eux sans passer de temps en prison, cela leur dit que la société estime que leur vie ne vaut pas grand-chose.
    Sont-elles mal informées, madame Berzins, ces victimes d'agressions sexuelles lorsqu'elles étaient enfants? Diriez-vous qu'elles font partie du groupe de citoyens canadiens mal informés qui ne comprennent pas, aussi bien que vous, pourquoi cette loi n'est pas nécessaire? 
    Elles ont subi cette expérience, et pour bon nombre d'entre elles c'est probablement vrai. Mais il y en a d'autres, et elles sont nombreuses, qui ont également subi ce genre d'expérience et pour qui cela n'est pas vrai. Je pense que nous avons les dispositions nécessaires pour les personnes qui veulent vraiment ça et qui en ont besoin. Et il est possible d'obtempérer sans être obligé d'avoir recours à des peines minimales obligatoires.
    Saviez-vous qu'il existe des peines minimales obligatoires pour bon nombre des dispositions actuelles?
    Oui, je le sais, et le fait qu'il y en ait ne justifie pas le fait que l'on veuille en imposer davantage.
    Très bien, alors vous nous dites que vous n'êtes pas en faveur des dispositions qui existent actuellement.
    La porte-parole libérale en matière de justice nous a dit plus tôt que certaines de ces peines minimales obligatoires avaient été imposées lorsque son ancien parti était au pouvoir il y a quelques années. Votre groupe a-t-il témoigné devant le Comité de la justice à cette époque pour s'opposer à ces peines minimales obligatoires?
    Oui, nous l'avons fait.
    Très bien, et...
    Nous ne remportons pas toutes nos batailles.
    Diriez-vous que les membres du comité à cette époque étaient mal informés, que les parlementaires qui ont adopté cette loi...
    Nous parlons de renseignements ayant trait au fonctionnement du système de justice pénale et de la façon dont les procureurs de la Couronne et les avocats de la défense prennent des décisions sur ces questions et qui diffèrent beaucoup de certaines des dispositions de ce projet de loi, et du fait que cela produira des résultats différents que ceux que vous espérez obtenir.
    Nous sommes aussi tout à fait en faveur de processus qui demandent des comptes aux responsables... et non pas d'un processus qui ne prend pas au sérieux ce qui est arrivé.
    J'aimerais vous poser des questions sur deux nouvelles infractions en particulier qui sont comprises dans le projet de loi C-54? L'une de ces nouvelles dispositions interdira à quiconque de fournir du matériel sexuel explicite à un enfant en vue de faciliter la perpétration d'une infraction sexuelle à l'égard de cet enfant. Voilà une nouvelle infraction qui est créée par le projet de loi C-54. Pensez-vous que cette infraction devrait être créée et faire partie du Code criminel du Canada?
    Je n'ai pas d'objection majeure à cette disposition.
    Très bien, alors vous êtes d'accord avec cette déclaration. Vous êtes d'accord avec cet élément du projet de loi C-54?
    Elle n'est probablement pas nécessaire, mais je ne pense pas qu'elle crée beaucoup de tort.
    Les personnes qui ont témoigné le 31 janvier, celles qui représentent les victimes d'abus sexuels à l'égard des enfants et qui surveillent l'utilisation de pornographie juvénile sur Internet disent que c'est très important. En fait, la plupart des pays du monde disposent déjà de lois à cet effet.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Très bien, merci monsieur le président.
    Notre temps est écoulé. Je veux remercier tous nos témoins d'avoir comparu. Votre témoignage fait partie du procès-verbal, et nous en tiendrons compte dans notre examen du projet de loi C-54. Merci à vous tous.
    La séance est levée.
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