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Je déclare la séance ouverte. C'est la 38
e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le jeudi 25 novembre 2010.
Nous accueillons aujourd'hui un nouveau membre temporaire du comité, Mme Meili Faille.
Je vous souhaite la bienvenue.
Conformément à l'ordre du jour, nous entreprenons notre examen du projet de loi .
Je voudrais dire, pour votre gouverne, qu'au cours de la seconde heure de notre réunion ou lorsque nous en aurons fini avec nos témoins, nous passerons à l'étude article par article du projet de loi, comme nous en avons convenu à notre dernière réunion. J'espère que vous avez eu la possibilité de présenter tous vos amendements à la greffière. Nous avons actuellement cinq amendements à examiner.
Pour revenir au projet de loi , nous accueillons aujourd'hui deux témoins, Joseph Groia, avocat, et Lincoln Caylor, qui travaille pour le cabinet Bennett Jones.
Je voudrais rappeler à toutes les personnes présentes dans la salle qu'elles doivent éteindre leur BlackBerry ou autre téléphone portable ou le mettre en mode de vibration.
Monsieur Caylor, voulez-vous commencer? Vous avez 10 minutes.
Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui.
Étant avocat spécialisé dans les litiges commerciaux, je m'occupe de droit civil plutôt que de droit pénal. Comme le président l'a mentionné, je travaille pour le cabinet torontois Bennett Jones. Je m'occupe surtout de cas de fraude commerciale, de sorte que je défends notamment des sociétés victimes de fraude. Dans les dernières années, je me suis également occupé d'un certain nombre d'affaires que je placerais dans les catégories de la fraude contre les consommateurs et de la fraude liée à des investissements et à des activités de télémarketing.
Par conséquent, même si la plupart de mes clients sont des sociétés, j'ai aussi une certaine expérience des particuliers victimes de fraude, à titre de consommateurs ou d'investisseurs. Dans toutes ces affaires, il est essentiel de chercher à restituer l'argent aux victimes. Je peux donc parler de cet aspect. De plus, grâce à mon expérience des cas de fraude contre les consommateurs et les sociétés, j'ai eu à traiter pendant un certain nombre d'années avec les autorités policières et les procureurs de la Couronne. J'ai donc une certaine expérience de la façon dont ils s'occupent des cas de fraude contre les consommateurs.
Pour ce qui est du projet de loi que vous examinez, je suis bien d'accord que le Canada doit changer d'orientation dans la lutte contre la criminalité en col blanc. À cet égard, le projet de loi constitue un pas dans la bonne direction. Toutefois, il ne suffira pas, à mon avis, pour réprimer ce genre de criminalité ou pour s'y attaquer d'une manière globale. À elle seule, cette mesure ne fait qu'aborder un petit aspect de la criminalité en col blanc, celui de la détermination de la peine.
Ma préoccupation, c'est qu'une fois qu'on atteint l'étape de la détermination de la peine au Canada... Certains ont l'impression que les peines prononcées sont légères, mais dans les cas bien menés aux stades de l'enquête et de la mise en accusation, les peines ont certainement dépassé deux ans d'emprisonnement. Vous en trouverez quelques exemples dans la documentation que j'ai distribuée. Je m'inquiète davantage des deux étapes qui précèdent la détermination de la peine, à savoir l'enquête policière sur les crimes de col blanc et, une fois l'enquête terminée, la capacité des procureurs de porter des accusations dans les affaires de ce genre.
Ce sont là mes préoccupations générales. J'ai par ailleurs deux préoccupations plus précises. La première concerne le seuil d'un million de dollars. L'établissement de ce seuil impose au bureau du procureur de quantifier la fraude, ce que les bureaux de procureur sont mal équipés pour faire.
Si vous ajoutez à la complexité du travail imposé au bureau du procureur, vous allez devoir mettre à sa disposition des ressources supplémentaires. La création du seuil d'un million de dollars va compliquer le travail des procureurs, de sorte qu'ils ne porteront des accusations que dans un nombre moindre de cas, ce qui serait contraire à l'intention du législateur. S'ils décident de porter des accusations, la procédure sera plus longue et les délais inhérents aux affaires les plus complexes pourraient entraîner l'abandon d'un plus grand nombre de dossiers, par crainte de porter atteinte au droit constitutionnel à un procès rapide.
Ma seconde préoccupation porte sur l'obligation d'envisager la possibilité de dédommager les victimes de fraude. Ayant lu les notes du hansard et les mémoires que vous ont présentés des victimes de fraude, je crains que les gens n'aient l'impression que le processus pénal de détermination de la peine leur permettra de retrouver l'argent perdu. Cela n'arrive pas et n'arrivera pas en vertu des dispositions de ce projet de loi.
Le projet de loi que vous examinez contient une formule que les victimes pourront remplir et dit que le tribunal « est tenu d'envisager la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement ». Le problème, c'est que le projet de loi ne change rien aux dispositions relatives aux circonstances dans lesquelles le tribunal peut accorder un dédommagement. Je ne propose pas de changer ces dispositions, mais j'estime que le processus pénal ne constitue pas un bon moyen de dédommager les victimes ou de leur restituer leur argent. Bref, je suis préoccupé par le fait que le projet de loi suscite des attentes à cet égard.
Ce sont les thèmes généraux que je voulais aborder. Je suis disposé à parler d'autres aspects du projet de loi si vous avez des questions à me poser à leur sujet, mais je n'irai pas plus loin dans cet exposé.
Merci, monsieur le président.
Je dirais que les marchés canadiens des capitaux connaissent actuellement une période intéressante, stimulante et parfois dangereuse. Au cours de mes 30 ans d'expérience de l'application de la loi dans le domaine des valeurs mobilières, je n'ai jamais vu autant d'incertitude.
Je voudrais aborder deux aspects du projet de loi . Le premier concerne la peine minimale obligatoire pour fraude et le second, les dispositions relatives au dédommagement.
J'ai trois observations à formuler au sujet de la peine minimale obligatoire. Premièrement, cette disposition n'est pas nécessaire. Deuxièmement, elle ne permettra pas d'atteindre l'objectif recherché. Troisièmement, elle est nuisible. Je me permets de faire ces affirmations sur la base de mes antécédents d'ancien chef du service d'application de la loi à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et de mes fonctions actuelles d'avocat, dans lesquels je représente des victimes de fraude et parfois des personnes accusées de fraude.
Je voudrais ensuite dire quelques mots des dispositions relatives au dédommagement. Je crois qu'elles représentent un pas dans la bonne direction, mais, comme M. Caylor, je crois qu'elles ne vont pas assez loin. Je demanderais donc au comité d'envisager d'aller peut-être un peu plus loin que ne le propose le projet de loi dans sa forme actuelle.
Les dispositions imposant une peine minimale obligatoire pour fraude ne sont pas nécessaires parce que les cas dont vous avez entendu parler ont tous abouti à des peines d'emprisonnement dépassant d'assez loin le minimum de deux ans. En février 2010, M. Jones a été condamné à 11 ans de prison. Vincent Lacroix, de Norbourg, a été condamné à 18 ans de prison en 2009. Dans l'une des affaires les plus connues de la dernière décennie, MM. Drabinsky et Gottlieb, de Cineplex, se sont vus infliger des peines de 7 et de 6 ans d'emprisonnement.
D'après mon expérience, les juges et les procureurs prennent très au sérieux les fraudes commises par des cols blancs. Même si cette mesure porte le titre de , je peux vous dire que je constate tous les jours, dans l'exercice de mes fonctions, que les procureurs font exactement cela. Ils font le maximum possible avec les ressources dont ils disposent.
Deuxièmement, une peine d'emprisonnement obligatoire ne résoudra pas le problème. Si nous voulons mieux protéger les investisseurs au Canada, nous devons envisager des dispositions et des approches beaucoup plus étendues que celles du projet de loi .
Je suis encouragé de voir que le Parlement cherche à aller de l'avant pour créer une commission nationale des valeurs mobilières. Je ne me soucie pas trop de la production de prospectus et de la recherche de capitaux, mais je trouve qu'on a déjà trop tardé à établir une agence nationale d'application de la loi chargée d'enquêter sur la criminalité en col blanc et de traduire les responsables en justice partout dans le pays. J'espère qu'une commission nationale des valeurs mobilières fera ce que l'Équipe intégrée de police des marchés financiers n'a pas réussi à faire, c'est-à-dire recourir à des ressources spécialisées pour protéger les investisseurs canadiens.
Troisièmement, les peines minimales obligatoires sont nuisibles. Il y a 58 ans, le juge en chef McRuer a dit des peines obligatoires « qu'elles tendent à corrompre l'administration de la justice en suscitant la volonté de contourner la loi ». Le comité doit penser au risque que l'application de peines obligatoires entraîne des effets diamétralement opposés à ceux qu'il souhaite obtenir.
Aux États-Unis, qui constituent probablement le berceau des peines obligatoires et des directives sur la détermination de la peine, le gouvernement Obama a amorcé un mouvement tendant à s'écarter des peines obligatoires et à s'orienter vers un système proche du modèle canadien dans lequel on cherche à adapter la peine au crime, à la victime et au criminel. Je dirais que l'approche de la peine obligatoire ne résoudra pas le problème. Je crains en fait qu'en adoptant cette orientation, vous ne fassiez plus de tort que de bien.
En second lieu, les pouvoirs de dédommagement proposés ne constituent, sous beaucoup d'aspects, qu'un détail complémentaire par rapport à ce que le Code criminel impose déjà. Quand on pense au dédommagement, aucun aspect n'est plus important, comme l'a dit Lincoln, que de veiller à ce que les victimes du crime soient indemnisées de leurs pertes. Nous parlons ici des économies que des familles ont durement amassées et de Canadiens qui n'ont pas les moyens de perdre un fonds d'études ou de retraite au profit d'un criminel en col blanc.
La difficulté, bien sûr, c'est que l'argent disparaît bien avant l'intervention de la police. Il est déposé dans des paradis secrets ou est caché à des endroits où il ne sera jamais retrouvé. Lorsque nous parlons de dédommagement, nous devons penser à une approche beaucoup plus vaste englobant les moyens d'indemniser les investisseurs dépossédés. Dire à un criminel que, dans le cadre de sa peine, il devra restituer l'argent peut sembler logique, mais c'est complètement inefficace.
Pour aborder le problème d'une manière plus compatissante et plus efficace, il faudrait songer à des moyens d'amener les organismes qui se réglementent eux-mêmes, les commissions des valeurs mobilières et d'autres organisations ayant d'importants moyens financiers, qui ont autorisé ou permis les activités des criminels ou y ont consenti, de contribuer à la recherche d'une solution. Je vous encourage, lors de votre examen de ce projet de loi, à vous interroger sur ce que vous voulez vraiment accomplir et à vous demander si le projet de loi y contribue vraiment.
Enfin, à ceux qui pourraient penser que cette approche du problème n'est pas assez sévère envers les criminels, je réponds non: c'est une approche intelligente de la répression du crime.
Merci beaucoup. Je serais maintenant heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie aussi les témoins.
Je ne formulerai pas de commentaires et ne poserai pas de questions sur les peines minimales obligatoires. J'ai l'impression de suivre un cours très avancé sur ce sujet depuis cinq ans. Je crains, si j'en parle encore une fois, que ma tête n'explose.
Je tiens cependant à aborder la question du dédommagement prévue aux articles 738, 739 et 740 du Code criminel. Vous avez clairement résumé les effets du projet de loi. Je ne crois pas que quiconque s'oppose à n'importe laquelle de ses dispositions. La plupart du temps, je suppose que ce que je dis au gouvernement revient à ceci: « Vous ne faites pas vraiment ce que vous dites aux Canadiens que vous allez faire. » Je crois que c'est aussi ce que vous avez dit en substance dans vos exposés.
Je vais donc faire une chose qui sort un peu de l'ordinaire pour nous, membres du comité. Je vais prendre très peu de temps pour vous demander d'en dire davantage sur les améliorations que vous proposez au chapitre du dédommagement. À mon avis, c'est l'aspect le plus important du projet de loi.
Vous avez essentiellement dit que les provinces, les services de police et les organismes de réglementation doivent intensifier leur action. Je considère que le procureur général du Canada a le devoir d'encourager cela dans l'exercice de ses fonctions. L'autre aspect, cependant, c'est que la plupart des dispositions du Code criminel ne s'appliquent qu'après la condamnation. Presque rien n'est prévu pour permettre de confisquer ou de saisir des biens à titre préventif. Étant moi-même avocat, je sais que ce n'est pas facile. Toutefois, vous avez dit tous les deux, en parlant au nom des victimes, qu'au moment de la condamnation, l'argent a disparu depuis longtemps.
Par conséquent, quelles améliorations précises peut-on apporter à ces dernières dispositions du Code criminel? Qu'est-ce que le comité de la justice peut faire pour inciter le gouvernement à aider les autorités provinciales à mettre la main sur l'argent, à le conserver et à le redistribuer?
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Je ne sais pas de quelle façon on pourrait prévoir cela dans le Code criminel, autrement qu'en établissant l'organisme de réglementation national qui est envisagé. Tant que ce projet n'est pas réalisé, les commissions locales des valeurs mobilières ont le pouvoir de saisir des éléments d'actif. Les victimes peuvent recourir à des procès civils pour faire saisir des biens, mais elles doivent alors retenir les services de gens comme M. Groia et moi-même, ce qui peut être coûteux.
À mon avis, le processus pénal ne permet pas de prendre de telles mesures d'une manière efficace. Il est déjà surchargé et ne dispose pas de ressources suffisantes. Si vous ajoutez le genre de choses dont nous parlons et ce que les organismes de réglementation peuvent faire en gelant des biens ou en les mettant sous séquestre, je ne crois pas que ça marche dans le cadre du processus pénal.
Je crois que vous devriez encourager les organismes de réglementation qui ont actuellement des pouvoirs suffisants à commencer à en user d'une façon plus énergique. En particulier, si vous arrivez à établir une commission nationale des valeurs mobilières, vous devriez veiller à la doter de ressources suffisantes pour qu'elle puisse agir énergiquement à titre préventif, comme vous l'avez dit, de façon à mettre assez tôt l'argent en sécurité. En effet, comme nous le savons, la condamnation et la détermination de la peine ne viennent que beaucoup plus tard. À ce moment, comme l'a dit M. Groia, l'argent a disparu depuis longtemps.
Je dirais donc a priori que pour obtenir des résultats, il ne faudrait pas compter sur les procureurs et le Code criminel. Il faudrait s'appuyer surtout sur les organismes de réglementation.
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Il y a cependant un débat intéressant qui est actuellement en cours aux États-Unis par suite du scandale Madoff. On constate, dans les cas de ce genre, et particulièrement dans les combines à la Ponzi, que le criminel distribue lui-même une importante part de l'argent volé aux investisseurs. De plus, il arrive souvent, à la toute fin de ces combines, quand le responsable se rend compte qu'il est sur le point d'être arrêté, qu'il commence à verser d'importantes sommes à différents amis, parents et autres. Nous l'avons vu dans le cas de Bernard Madoff qui, vers la fin, a versé de très grosses sommes à quelques-uns de ses clients favoris.
Je préconise depuis un certain nombre d'années de modifier la loi pour que les victimes d'une combine à la Ponzi partagent également les pertes subies. Cela signifie que si vous étiez l'un des chanceux qui, non seulement ont récupéré leur principal, mais ont aussi obtenu l'énorme taux de rendement promis trois mois avant que la combine ne s'effondre, nous vous permettrons de garder votre principal, mais nous vous imposerons de restituer le reste de ce que vous avez touché pendant une période, mettons, de cinq ans. Ainsi, tous les participants qui ont reçu des versements pourraient garder leur mise de fonds, mais seraient obligés de restituer tout profit réalisé au fonds qui serait établi par le séquestre.
Dans une affaire comme celle d'Earl Jones, à Montréal, cette formule aurait sensiblement accru le montant à distribuer aux victimes dépossédées en empêchant ceux qui avaient été payés peu avant le fiasco de garder leurs gains.
Il est intéressant de noter qu'aux États-Unis, un certain nombre d'investisseurs se sont adressés aux tribunaux pour obtenir leurs bénéfices. Tout en sachant qu'il s'agissait d'une combine à la Ponzi, ils ont intenté un recours collectif pour se faire payer les bénéfices promis, même après avoir appris que M. Madoff volait de l'argent à d'autres investisseurs.
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J'ai peu de temps et encore moins à cause du délai dû à l'interprétation. Je pense qu'on devrait compenser cela de temps en temps.
Cela dit, dans le cas des fraudes comme dans le cas de tous les crimes prévus dans le Code criminel, il y a différents complices dont certains peuvent avoir un rôle très mineur. Je prends, par exemple, une secrétaire ou une téléphoniste qui s'engage dans une compagnie parfaitement légale en apparence comme, celle de Vincent Lacroix, et qui, à un certain moment, commence à avoir des doutes sur la légalité de ce que fait M. Lacroix, mais demeure quand même au sein de cette compagnie, devenant ainsi complice parce qu'elle comprend que les gens font l'objet de fraude.
On pourrait donc voir des gens condamnés pour des fraudes d'un montant très important, alors que leur rôle a été minime. Le juge, évidemment, prendrait cela en considération et n'imposerait peut-être pas une peine d'emprisonnement, mais une peine tout de même. Est-ce que je me trompe?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, messieurs, de votre présence au comité.
C'est moi qui ai demandé que vous soyez invités. Je l'ai fait à cause de l'émission de la CBC, il y a une dizaine de jours, concernant la combine à la Ponzi de Toronto. Je suis conscient du fait qu'aucun d'entre vous n'était directement impliqué dans cette affaire, mais l'émission mettait en évidence une chose dont vous avez parlé aujourd'hui, le manque de ressources pour intenter des poursuites.
Je voudrais vous demander, tous les deux, si vous avez eu, parmi vos clients, des victimes de combines de ce genre. Avez-vous vu des cas où il était clair pour vous que des poursuites auraient dû être intentées, mais qu'aucune accusation n'a été portée simplement parce que les procureurs ou la police ne disposaient pas des ressources nécessaires pour préparer le dossier?
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Non. Je crois qu'il y a un filtrage qui se fait. Le blocage intervient entre le stade de l'enquête et celui de la poursuite.
L'exemple rapporté par la CBC était assez extrême. Comme vous le savez, le procureur général a dit qu'il examinerait l'affaire.
Je peux vous dire d'expérience — même si je ne peux pas révéler mes sources — qu'un certain nombre de policiers, de responsables d'organismes de réglementation et d'enquêteurs ont exprimé de la frustration devant moi. Je peux vous dire que, lorsque je représente des investisseurs, je suis moi-même frustré non parce que l'affaire n'a pas fait l'objet d'une enquête adéquate, mais plutôt parce qu'aucun procureur ne veut s'en occuper.
Lorsqu'un procureur accepte de le faire, en général, il va jusqu'au bout. Lorsque le l'Équipe intégrée de police des marchés financiers a été créée, après les modifications de 2004, j'ai trouvé l'initiative encourageante. En effet, lorsque je m'occupais de l'application de la loi à la Commission des valeurs mobilières, il y a 20 ans, j'estimais que nous avions besoin d'un organisme spécialisé pour intenter des poursuites dans les affaires commerciales. Il y a un hiatus entre l'EIPMF nationale financée par le gouvernement fédéral et les procureurs généraux des provinces. J'ai pu constater, par exemple, qu'il était difficile de persuader des procureurs de s'occuper des cas qui leur étaient transmis par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie d'être venus aujourd'hui nous faire part de votre point de vue.
Je voudrais commencer par M. Caylor. Vous avez mentionné que, pour poursuivre adéquatement les criminels en col blanc, les tribunaux ont besoin de plus de ressources, de même que les procureurs de la Couronne et les enquêteurs. Nous croyons que c'est là une priorité sur laquelle les provinces devraient concentrer leur attention. Comme vous le savez, l'administration des tribunaux relève directement de leur compétence.
Depuis 2006, notre gouvernement a augmenté de 12,7 milliards de dollars les paiements de transfert aux provinces. En fait, dans le budget 2010, nous avons accru les paiements de transfert d'un montant supplémentaire de 2,4 milliards de dollars. L'objet de ces augmentations était en partie de donner aux provinces les ressources nécessaires pour faire ce genre de choses, qui nécessitent évidemment des compétences en comptabilité judiciaire, et de mettre plus de ressources à la disposition des tribunaux. Comme nous l'avons vu à Toronto et ailleurs, ces procès prennent beaucoup de temps, et il y en a un grand nombre devant les tribunaux.
À part l'aide financière accordée aux provinces pour leur permettre d'affronter une charge de travail accrue, vous savez peut-être que nous avons déposé le projet de loi ,. Il s'agit d'une liste de procédures destinées à aider les juges et les gestionnaires de cas à accélérer le processus judiciaire. Le projet de loi énumère 14 ou 15 procédures différentes. Je ne les examinerai pas en détail, mais elles visent à renforcer la gestion des cas, à réduire le double emploi et à améliorer les procédures pénales générales. Nous espérons qu'une fois adopté, le projet de loi permettra de tenir ce genre de procès d'une manière plus efficace lorsqu'il y a une multitude de cas semblables et un certain nombre de victimes, par exemple dans une affaire de criminalité en col blanc ayant fait de nombreuses victimes.
Nous espérons que toutes ces choses ensemble permettront de régler les problèmes que vous avez mentionnés. Avez-vous des observations à formuler au sujet du projet de loi ?
M. Lincoln Caylor: Non.
M. Bob Dechert: Très bien. Merci.
Monsieur Groia, j'ai noté vos commentaires relatifs aux peines minimales obligatoires. Pouvez-vous me dire si vous connaissez les affaires suivantes: R. c. Cioffi, R. c. Toman et R. c. Campbell?
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Je regrette si c'est l'impression que je vous ai laissée. Je voulais souligner que, dans le régime actuel de justice pénale, les juges ont la possibilité de tenir compte de toutes les circonstances du crime et de la situation de la victime pour déterminer la peine.
Je n'ai pas de doute que si une mère seule vole de l'argent à son employeur pour payer de la drogue à un mari violent, la fraude pourrait bien atteindre un million de dollars. Devrait-elle passer deux ans dans un établissement pénitentiaire fédéral? Convient-il d'empêcher le juge de tenir compte des circonstances particulières de l'affaire? Je ne veux pas discuter de ces affaires, mais j'admets très volontiers, monsieur, qu'elles existent.
Vous connaissez peut-être l'affaire Angelos aux États-Unis. Dans ce cas, en vertu de la loi californienne sur la triple récidive, une personne a été condamnée à 55 ans de prison pour avoir vendu des piles volées d'une valeur de 90 $. Comme je l'ai déjà mentionné, la documentation spécialisée dit que les États-Unis croient maintenant, comme leur Cour suprême, que les peines minimales obligatoires corrompent la façon dont les juges s'acquittent de leurs fonctions.
Je suis personnellement sûr que nos juges font correctement leur travail. Je suis persuadé qu'ils prennent ce problème très au sérieux.
Je serai brève. Je vais vous présenter quelques renseignements que vous aurez le loisir de commenter ou de ne pas commenter, à votre gré.
Le secrétaire parlementaire a parlé de l'importance de ce projet de loi. Je voudrais donc informer les témoins qu'au cours de la dernière session ou, plus précisément, au cours de la deuxième session de la 40e législature, c'est-à-dire avant la prorogation de décembre 2009, le gouvernement avait déposé ce projet de loi. Un seul jour après la première lecture, le ministre a proposé la deuxième lecture. Le projet de loi a été débattu pendant quatre jours avant d'être renvoyé au comité.
Malheureusement, le premier ministre a prorogé la session, mettant fin du même coup à l'examen de ce projet de loi. Lorsque la Chambre a repris ses travaux le 31 mars, le gouvernement a attendu 61 jours avant de déposer à nouveau le projet de loi. Ensuite, le ministre a attendu 154 autres jours avant de proposer la deuxième lecture.
Vous connaissez peut-être la procédure parlementaire. Quoi qu'il en soit, les partis d'opposition n'ont aucun contrôle sur le dépôt des projets de loi du gouvernement ni sur leur présentation en deuxième lecture, étape au cours de laquelle ils font l'objet d'un débat. Le gouvernement contrôle tout cela. Je vous présente donc ces renseignements. En fait, après que le gouvernement a laissé traîner le projet de loi pendant 154 jours avant de se décider à proposer la deuxième lecture, nous ne l'avons débattu que pendant deux jours à la Chambre. Bien entendu, les partis d'opposition voulaient clairement faire avancer le débat à cause de l'importance du projet de loi et souhaitaient lui donner la priorité.
Vous voudrez peut-être commenter ces renseignements et ces faits, ou vous préférerez peut-être vous abstenir. C'est votre privilège.
J'ai une question à poser. Au cours de cette session et de sessions précédentes, nous avons discuté de la libération anticipée des délinquants qui ont purgé un sixième de leur peine. Le gouvernement n'a inclus aucune disposition à ce sujet dans le projet de loi.
C'est pourtant un irritant: il y a des délinquants condamnés pour des crimes de col blanc qui sont libérés après avoir purgé un sixième seulement de leur peine. J'aimerais savoir si vous avez quelque chose à dire du fait que le projet de loi ne contient aucune disposition à ce sujet.
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Très bien. Je vous remercie.
Je crois que le côté gouvernemental renonce à son droit de poser une autre question.
Je vais peut-être faire une chose inhabituelle en formulant un commentaire. On a parlé de l'absence de dispositions relatives à la libération anticipée. En fait, le gouvernement a déposé des mesures à ce sujet dans le cadre du projet de loi qui a été renvoyé au comité de la sécurité publique le 20 octobre. S'il est adopté, ce projet de loi éliminerait la libération anticipée des délinquants condamnés pour une première infraction sans violence.
Je vous remercie. Cela met fin à notre première heure. Nous allons maintenant passer à l'étude article par article. Je voudrais remercier nos témoins d'avoir comparu devant le comité.
Votre témoignage a été très utile. Nous vous remercions de votre présence.
Nous allons maintenant suspendre la séance deux minutes pendant que les témoins quittent la salle.
J'ai présenté cet amendement parce que l'article 2 du projet de loi dit expressément:
L'article 380 du Code criminel est modifié par adjonction, après le paragraphe (1), de ce qui suit:
(1.1) Le tribunal qui détermine la peine à infliger à une personne qui, après avoir été poursuivie par acte d'accusation, est déclarée coupable d'une ou de plusieurs infractions prévues au paragraphe (1) est tenu de lui infliger une peine minimale d'emprisonnement de deux ans si la valeur totale de l'objet des infractions en cause dépasse un million de dollars.
Or le paragraphe 380(1) parle de fraude.
[Français]
Ce paragraphe du Code criminel dit ceci:
380. (1) Quiconque, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, [...]
[Traduction]
Je m'excuse. Je dois me servir d'une loupe parce que le texte est à peine lisible.
[Français]
Je continue:
[...] constituant ou non un faux semblant au sens de la présente loi, frustre le public ou toute personne, déterminée ou non, de quelque bien, service, argent ou valeur :
a) est coupable d’un acte criminel [...]
[Traduction]
Si nous passons au paragraphe 380(2),
[Français]
on note que celui-ci est intitulé « Influence sur le marché public ».
[Traduction]
Le paragraphe 380(2) dit ceci:
[Français]
(2) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, constituant ou non un faux semblant au sens de la présente loi, avec l’intention de frauder, influe sur la cote publique des stocks, actions, marchandises ou toute chose offerte en vente au public.
[Traduction]
Cet aspect n'est pas couvert dans le projet de loi C-21. Je crois qu'il aurait dû l'être. Lorsque le projet de loi a été déposé pour la première fois au cours de la dernière session, nous avons entendu, parmi les témoins, des victimes, des représentants d'organisations de défense des victimes et des agents de police. Je leur ai expressément demandé s'ils croyaient que le projet de loi couvrait les manipulations boursières et d'autres activités mentionnées au paragraphe 380(2).
Ils pensaient tous que c'était le cas. Quand je leur ai dit que non et que je leur ai lu l'article 2 du projet de loi C-52 — c'était alors le numéro que portait le projet de loi —, ils ont tous été surpris. Ils étaient tous d'avis que cette disposition concernant les manipulations boursières, etc. aurait dû faire partie du projet de loi C-21. C'est sur cette base que j'ai décidé de proposer cet amendement.
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Encore une fois, en voulant établir un minimum, on semble totalement ignorer le fait qu'au sujet de la complicité, les dispositions du Code criminel sont extrêmement larges et qu'elles couvrent, dans bien des crimes mais plus particulièrement dans les cas de fraude, des acteurs qui peuvent être très éloignés et dont le rôle est minime dans l'opération frauduleuse.
En voici un exemple. Ce n'est peut-être pas la secrétaire qui continue à envoyer les avis, à recueillir l'argent et à rendre possible l'opération d'un fraudeur. Toutefois, ça peut très bien être un courtier qui, de bonne foi, commence des activités pour quelqu'un qui décide de frauder par agiotage — c'est le mot français qui désigne ce type de fraude. Ce n'est pas dès les premières infractions qu'il se rend compte que son client s'est engagé dans cette voie. Malgré tout, il peut très bien être accusé parce qu'il ne s'est pas retiré assez rapidement de l'opération d'agiotage. Je suis certain qu'un juge voudrait prendre cela en considération, tout en imposant à l'auteur principal et à celui qui retire des avantages de l'agiotage une sentence bien supérieure aux deux ans proposés ici, surtout si cet agiotage a permis d'engendrer des profits d'un million de dollars.
Je retrouve le même défaut dans l'injustice qu'il y a à prévoir des peines minimales pour n'importe quelle participation, aussi minime soit elle, mais qui constitue quand même une infraction à partir du moment où la personne le sait et où elle aide l'acteur principal à commettre l'infraction. C'est ce qu'il faut comprendre quand on établit des peines minimales.
Les peines minimales, vous les concevez parce que vous pensez à des choses graves et aux profits rapportés aux contrevenants par leurs actions illégales. Toutefois, vous oubliez que, très souvent, ils ont entraîné avec eux du personnel qui travaillait de bonne foi, mais qui a mis du temps à se rendre compte qu'il aurait dû se retirer de cette situation.
Même s'il s'agit d'une infraction sophistiquée, soit celle de la manipulation des stocks en Bourse, vous pouvez parfaitement concevoir que de jeunes courtiers peuvent avoir été entraînés dès le début dans une affaire et qu'ils ne s'en sont pas retirés assez rapidement. De plus, ils n'ont retiré aucun bénéfice des actions d'agiotage posées par la personne principale. Il me semble que c'est pour cette raison que l'on nomme des juges que l'on veut intelligents et indépendants, qui peuvent entendre toutes les circonstances et déterminer une sentence non seulement adéquate dans le cas de l'infraction commise, mais également pour les victimes et relativement au rôle de la personne qui a apporté une aide mineure à l'acteur principal.
Le président: Merci.
M. Serge Ménard: C'est pour ça que nous sommes contre cet amendement.
Je voudrais dire tout d'abord que je trouve très louable l'intention avec laquelle Mme Jennings a abordé cette question. Toutefois, la difficulté dans ce cas particulier, c'est qu'il y a une distinction aussi importante que justifiée entre une fraude ordinaire et une manipulation boursière.
Dans le cas d'une fraude ordinaire, l'article parle clairement de frustrer le public ou une personne quelconque « de quelque bien, service, argent ou valeur ». La valeur de ces choses peut être déterminée assez exactement, en cas de fraude portant sur des biens, des services, de l'argent ou des valeurs.
Toutefois, en cas de manipulations boursières, il n'y a pas de lien direct entre l'acte et son résultat ou, du moins, il n'y a pas nécessairement un lien direct. On peut faire une manipulation boursière sans recevoir un million de dollars, mais en causant des pertes totalisant plus d'un million de dollars. De même, on peut recevoir plus d'un million de dollars sans causer des pertes équivalentes parce qu'il y a sur le marché d'autres facteurs qui déterminent le montant des gains et des pertes.
C'est un peu comme d'essayer de placer une cheville carrée dans un trou rond: on ne peut pas appliquer une disposition de détermination de la peine fondée sur le montant en jeu quand il s'agit d'un système ouvert qui n'est pas directement rattaché à des biens, des services, de l'argent ou des valeurs. C'est probablement pour cette raison que le gouvernement n'a pas proposé d'appliquer la peine minimale obligatoire aux manipulations boursières.
C'est mon point de vue. Toutefois, monsieur le président, je crois qu'il serait utile pour nous de savoir ce que pense Mme Kane, qui représente ici le ministère de la Justice, des incidences possibles de cet amendement.
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Merci, monsieur le président.
Je crois que M. Woodworth a parfaitement compris les facteurs en jeu. Je ne peux donc que répéter que ce n'est pas une lacune ou un oubli. La disposition a été intentionnellement rédigée pour que la peine minimale obligatoire s'applique uniquement au paragraphe 380(1), qui traite d'une infraction dont on peut établir la valeur, et ne s'applique pas aux autres paragraphes car, pour des raisons pratiques, il serait très difficile de déterminer la valeur d'une manipulation boursière.
Il y a un autre facteur. Si nous examinons toutes les données relatives aux infractions ayant donné lieu à des accusations, nous constaterons qu'il y en a très peu, sinon pas du tout, qui soient fondées sur des dispositions autres que celles du paragraphe 380(1). Cela signifie que s'il y a fraude, les accusations sont portées en vertu du paragraphe 380(1) plutôt que de l'autre paragraphe. Autrement dit, s'il est possible d'attribuer une valeur à la fraude, c'est ce paragraphe que nous invoquons.
Dans le cas des autres infractions, qui exigent peut-être davantage de préparatifs pour influencer les marchés, si une personne est accusée et condamnée, sa peine peut se situer n'importe où dans l'intervalle allant jusqu'au maximum de 14 ans. Toutes les circonstances aggravantes qui s'appliqueraient permettent de croire que la peine augmenterait avec la gravité de l'infraction.
Ensuite, je dirais à M. Woodworth qu'il est vraiment facile d'évaluer le montant d'une fraude boursière car presque n'importe quoi à la Bourse a une valeur cotée ou une valeur facile à trouver. Quoi qu'il en soit, tout cela est probablement discutable.
J'ai cependant noté que l'amendement proposé par ma collègue, contrairement au paragraphe 380(1.1) du projet de loi, n'impose pas l'existence d'un acte d'accusation. La peine minimale obligatoire pourrait donc s'appliquer même en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Si c'est bien le cas, comme je le crois, et que ma collègue cible les fraudes boursières, il en découle qu'il serait possible de condamner une personne à une peine minimale obligatoire de deux ans d'emprisonnement par procédure sommaire, si l'infraction cause des pertes d'un million de dollars ou plus.
Je me demande simplement s'il y a d'autres dispositions du Code criminel qui permettent d'appliquer des peines minimales obligatoires en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
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J'ai déjà fait valoir tous mes arguments à cet égard, mais à mon avis, ça s'applique parfaitement. Vous ne pensez pas à tous les complices qu'il peut y avoir dans de tels cas. Or certains d'entre eux ne méritent même pas l'emprisonnement. C'est le caractère odieux...
Vous pourriez peut-être songer éventuellement à faire ce que font tous les pays du Commonwealth, je crois, c'est-à-dire permettre aux juges, dans des circonstances exceptionnelles, de ne pas appliquer la peine minimale et exiger qu'ils expliquent leurs motifs par écrit. La peine minimale que vous avez établie est vraiment peu élevée par rapport à ce qui est habituellement imposé et maintenu par les cours d'appel. Parmi les milliers de causes qui font l'objet d'une décision chaque jour au Canada, on peut toujours en trouver qui, en apparence, ne sont pas justes, mais pour en juger, il faut d'abord savoir sur quels faits les juges se sont fondés. En outre, le recours contre les mauvaises décisions des tribunaux se fait d'abord par l'entremise d'une cour d'appel. Comme législateurs, nous devons intervenir uniquement lorsque nous ne sommes pas d'accord sur les principes émis par les cours d'appel.
Il est évident que nous allons voter contre cette disposition pour la même raison. Il est très rare que les peines minimales soient justifiées. Je les accepte dans les cas de meurtre, donc quand il s'agit des actions les plus graves, ou encore quand elles sont peu élevées du fait qu'il s'agit de récidives reliées à des crimes commis par des gens ordinaires, par exemple la conduite avec facultés affaiblies, parce que lorsqu'elles sont condamnées la première fois, ces personnes sont averties qu'en cas de récidive, elles feront l'objet d'une peine minimale.
Par contre, je suis certain qu'on va donner lieu à des injustices en appliquant cela. Si vous croyez le contraire, c'est qu'à votre avis, les policiers ou les procureurs ne seront pas assez fous pour entamer des poursuites. Or je ne voterai justement pas en faveur d'une loi si je crois qu'elle est mauvaise à un point tel que les policiers et les procureurs ne voudront pas l'appliquer.
(L'article 2 est adopté par 8 voix contre 3.)
Le président: L'article 2 est adopté.
Nous allons maintenant passer à l'article 3. Quelqu'un peut-il intervenir? Nous n'avons pas d'amendements.
Je vais maintenant passer au vote sur l'article 3.
Souhaitez-vous un vote par appel nominal, monsieur Ménard?
Une voix: Passons au vote.
(L'article 3 est adopté.)
(Article 4)
Le président: Nous passons maintenant à l'article 4. Nous avons l'amendement libéral no 1.1.
Monsieur Lee.
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En général, une période d'interdiction peut aller au-delà d'une autre peine parce qu'il arrive que ce soit la seule interdiction imposée. Dans d'autres circonstances, nous avons d'autres dispositions du Code qui interdisent par exemple à un délinquant coupable d'agression sexuelle sur des enfants de s'approcher de terrains de jeux, d'aborder des enfants, etc.
L'article 810 prévoit des engagements. Les ordonnances correspondantes peuvent avoir des périodes d'application plus ou moins longues en fonction des circonstances dans lesquelles elles sont imposées, même si les personnes en cause sont en détention ou sont assujetties à une ordonnance de probation pendant une période moins longue. L'engagement peut durer un certain nombre d'années.
En ce qui concerne votre question sur l'augmentation ou la réduction des restrictions, l'objet de cette disposition est de modifier les conditions prescrites dans l'ordonnance. Cela pourrait se traduire par un changement de la portée de l'interdiction. À mon avis, si la période est prolongée, les délinquants peuvent demander un examen judiciaire de la décision s'ils estiment que le changement leur impose une peine plus sévère que le tribunal ne l'avait envisagé à l'origine.
La disposition est rédigée de façon à permettre à la personne de revenir devant le tribunal pour dire: « Je ne peux plus me conformer à l'ordonnance pour les raisons suivantes. » La personne ne serait plus alors en situation de violation. On pourrait vouloir modifier l'ordonnance à cause d'un changement de leur comportement, de mesures qu'ils ont prises ou de leur désir de se livrer à des activités qui risquent de violer les conditions de l'ordonnance. La modification leur permettrait de le faire sans aller à l'encontre de l'ordonnance.
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Oui. Je regrette de ne pas avoir eu l'occasion de poser à nos témoins une question à ce sujet. D'après le paragraphe 380.3(5) du projet de loi, le tribunal doit, dans tous les cas, donner ses motifs s'il décide de ne pas rendre d'ordonnance de dédommagement. J'ai bien dit dans tous les cas, même s'il n'y a eu aucune demande d'ordonnance de dédommagement, même si le procureur n'en a pas demandé.
Il me semble étrange d'imposer à l'appareil judiciaire l'obligation de donner des motifs si, dans un cas particulier, ni le procureur ni les victimes n'ont demandé ni n'ont souhaité demander une ordonnance de dédommagement. Cela me semble un peu exagéré.
D'après mon amendement, c'est seulement si une victime réclame un dédommagement et que le tribunal décide de ne pas rendre d'ordonnance de dédommagement que le juge doit motiver sa décision. Cela me semble plus raisonnable compte tenu du fait que, plus haut dans l'article, il est obligatoire de demander aux victimes si elles souhaitent réclamer un dédommagement et que le procureur a un rôle à jouer à cet égard. L'article établit toute une procédure à cette fin.
S'il y a une procédure destinée à demander aux victimes si elles souhaitent ou non réclamer un dédommagement, si, de plus, le tribunal peut décider de sa propre initiative de rendre l'ordonnance de dédommagement, je ne vois pas la nécessité d'exiger du tribunal qu'il motive sa décision de ne pas rendre une telle ordonnance si personne — ni le tribunal lui-même ni la victime ni le procureur — n'en voulait.
Mon amendement a pour but de supprimer cette obligation absolue qu'a le tribunal de donner des motifs chaque fois qu'il ne rend pas une ordonnance de dédommagement.
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Oui, j'ai quelques observations à formuler. Le projet de loi comprend un certain nombre de dispositions essentiellement destinées à donner le plus d'occasions possibles de rendre une ordonnance de dédommagement dans les cas de fraude. Premièrement, le tribunal est tenu d'envisager la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement dans ces cas. Dans les dispositions générales relatives au dédommagement, le tribunal n'est pas obligé d'envisager cette possibilité. Il peut le faire, mais il n'y est pas tenu.
Si on commence par imposer au tribunal d'envisager le dédommagement, celui-ci pourrait bien ne pas être nécessaire dans tous les cas, mais le tribunal a l'obligation d'y penser. Ensuite, à la toute fin du processus, pour s'assurer que cette possibilité a été envisagée, que les victimes aient décidé ou non de remplir les formules, de faire état de leurs pertes, etc., le juge doit inscrire au dossier de l'instance: « Aucune ordonnance de dédommagement n'a été rendue. »
Ce n'est pas un fardeau très lourd de dire que cela n'a pas été fait parce qu'aucune victime n'a réclamé un dédommagement et qu'aucune perte quantifiable n'a été présentée au tribunal. Les motifs garantiraient au moins à tous les intéressés que la possibilité a été envisagée. De toute évidence, si les victimes sont connues et ont fait état de leurs pertes et que le juge a pu ou non rendre une ordonnance de dédommagement, compte tenu des éléments de la peine ou des montants en cause, ou encore s'il n'a pu se prononcer que pour un dédommagement partiel, tout cela serait indiqué dans le dossier de l'instance.
Je comprends bien que votre amendement vise à alléger le fardeau du tribunal en lui évitant l'obligation de motiver sa décision s'il est évident qu'aucune victime n'a réclamé un dédommagement. Je pense cependant qu'il peut être avantageux de laisser cette exigence dans le projet de loi. Elle garantit que la possibilité d'un dédommagement a été envisagée.
Y a-t-il d'autres interventions au sujet de l'amendement libéral no 1.1? Je vais mettre l'amendement aux voix. Ceux qui sont en faveur? Ceux qui sont contre?
(L'amendement est adopté.)
Le président: L'amendement est adopté. L'article 4 modifié est-il adopté?
(L'article 4 modifié est adopté.)
(L'article 5 est adopté.)
Le président: Il y a un amendement proposant l'insertion d'un nouvel article 5.1. Il s'agit de l'amendement libéral no 2.
Avant de donner lecture d'une décision de la présidence, j'ai dit que je donnerai à Mme Jennings l'occasion d'expliquer l'amendement.