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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 055 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 23 mars 2011

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Il s'agit de la 55e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le mercredi 23 mars 2011. Veuillez noter que la séance est télévisée.
    Vous avez devant vous l'ordre du jour. Comme vous savez, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois. Nous accueillons aujourd'hui deux groupes de trois témoins.
    Nous avons tout d'abord, à titre personnel, Susan Reid, professeure de criminologie et de justice pénale, et directrice du Centre de recherche sur les jeunes à risque de l'Université St. Thomas. Soyez la bienvenue.
    Ensuite, de la Canadian Crime Victim Foundation, nous recevons Joseph Wamback, co-fondateur et président, de même que Lozanne Wamback, co-fondatrice et directrice de cette même organisation.
    Enfin, Gordon Penner témoignera à titre personnel par vidéoconférence depuis Burnaby. C'est un plaisir de vous revoir. Cela fait déjà un bon moment.
    Quelqu'un a indiqué que vous n'aviez pas d'exemplaire de l'ordre du jour. Est-ce exact?
    Je vais demander à la greffière de vous en distribuer un.
    Quoi qu'il en soit, je pense qu'on vous a informés de la procédure. Chacun d'entre vous dispose de 10 minutes pour présenter son exposé, après quoi nous enchaînerons avec une période de questions.
    Nous allons commencer par Mme Reid.
    Je m'appelle Susan Reid, et je suis professeure de criminologie à l'Université St. Thomas de Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Je suis également directrice du Centre de recherche sur les jeunes à risque, qui abrite le centre de l'Est de la Commission des étudiants du Canada et le Centre d'excellence pour l'engagement des jeunes.
    Depuis l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants, soit depuis quelques années déjà, j'étudie l'incidence des mesures législatives relatives à la justice pénale pour les adolescents. J'espère que je pourrai contribuer aujourd'hui à l'élaboration de lois progressistes en matière de justice pour les adolescents pour les années à venir.
    « Pourquoi me demanderiez-vous ce que je changerais au système de justice pénale pour les adolescents? Je ne suis qu'un autre de ces détenus. » C'est ce qu'a déclaré un jeune homme à qui j'ai parlé quand je me suis rendue au seul établissement de garde en milieu fermé de la province, le Centre pour jeunes du Nouveau-Brunswick. Je lui ai répondu que j'étais très curieuse de savoir ce qu'il avait à dire, car je voulais transmettre ses commentaires aux législateurs. Je lui ai dit qu'à mon avis, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents estimait les jeunes à leur juste valeur, de par sa philosophie et ses principes, et qu'il était important qu'ils puissent se faire entendre dans le cadre des délibérations du gouvernement sur des modifications législatives qui les toucheraient directement.
    Je suis donc ici aujourd'hui pour exprimer le point de vue de ce jeune homme et pour vous amener à réfléchir en vous fournissant des données probantes sur les modifications proposées à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    J'ai eu le privilège de participer à l'une des tables rondes nationales organisées par le ministre de la Justice au cours de l'été 2008. À cette occasion, j'avais exprimé toute ma reconnaissance à l'égard du travail de réflexion qui a mené à l'élaboration de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. La loi, contrairement à celle qui l'a précédée, reconnaissait les jeunes Canadiens comme des membres importants et actifs de notre société ayant beaucoup de potentiel. Je pense que les problèmes découlant de la Loi sur les jeunes contrevenants nous ont servi de leçon, et nous avons essayé de créer une mesure législative qui soit progressiste.
    Cependant, je crains qu'en ajoutant la dissuasion et la dénonciation individualisées aux principes de la détermination de la peine, comme le prévoit le projet de loi, on retourne à l'époque où le Canada avait le triste honneur d'avoir le taux d'incarcération chez les jeunes le plus élevé dans le monde.
    Je suis triste à l'idée qu'il pourrait y avoir davantage de jeunes placés en détention, alors que les études démontrent que l'incarcération ne permet pas nécessairement de réduire la criminalité chez les jeunes et même qu'elle augmente, dans la plupart des cas, la probabilité de récidive après leur libération. Je crois que les membres les plus vulnérables de nos communautés seront particulièrement touchés par ces politiques, c'est-à-dire les pauvres, les démunis et les Autochtones. Avec de tels principes de dissuasion et de dénonciation, j'ai peur qu'on envoie comme message aux jeunes qu'ils seront laissés pour compte, qu'on ne se donnera pas la peine d'appliquer des études et des pratiques fondées sur des données scientifiques.
    J'ai beaucoup critiqué la Loi sur les jeunes contrevenants car elle accordait peu de priorité aux principes. Lorsque nous avons élaboré la déclaration de principes dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, nous étions clairs: nous adoptions une approche séquentielle afin de déjudiciariser les auteurs d'infractions mineures en donnant aux policiers les outils nécessaires pour intervenir plus sévèrement auprès des jeunes contrevenants coupables de crimes graves.
    La dernière disposition de l'article 38 établit l'objectif et les principes de la détermination de la peine qui vise la protection de la société à long terme — c'est-à-dire les sanctions qui font en sorte que les jeunes contrevenants sont tenus responsables de leurs actes et qui favorisent la réinsertion sociale et la réhabilitation.
    L'un des meilleurs éléments de la mesure législative est, sans contredit, l'application de mesures et de sanctions extrajudiciaires. Les jeunes et les professionnels le reconnaissent aussi. Une récente méta-analyse de 29 études réalisées aux États-Unis auprès de plus de 7 000 jeunes délinquants sur une période de 35 ans a révélé que plus on incarcère des jeunes contrevenants, plus on augmente les chances de récidive. La meilleure chose à faire est de continuer ce que nous faisons — c'est-à-dire éloigner les jeunes auteurs d'infractions mineures du système carcéral.
    Je trouve formidable que la GRC ait élaboré une stratégie nationale destinée à fournir à ses agents les outils leur permettant d'appliquer une pratique fondée sur des données scientifiques afin d'évaluer si les délinquants peuvent être dirigés ou non vers un programme de sanctions extrajudiciaires.
    Quand j'ai consulté des policiers dans le cadre de mon rapport sur les mesures extrajudiciaires, ils m'ont dit qu'ils étaient préoccupés par la mauvaise tenue des dossiers, notamment pour ce qui est du nombre de fois où un contrevenant a fait l'objet d'une mesure extrajudiciaire, et ils aimeraient... et ils appuieront votre recommandation visant à assurer un suivi de ces dossiers. C'est ce qui m'inquiète, puisque les jeunes qui sont déjudiciarisés ne sont pas dans le système et ne devraient pas avoir de dossier à ce moment-là. Mais pour être honnête, c'est le moindre de mes soucis concernant cette proposition.
    L'importance qu'il y a à protéger les droits en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est également soulignée dans le préambule de la déclaration, qui fait mention de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. On attire notre attention sur l'importance de la déjudiciarisation, des solutions extrajudiciaires et des interventions sociales et éducatives. Nous devons également nous rappeler des Règles de Beijing, qui guident également nos choix en vertu de la Convention de l'ONU et selon lesquelles l'incarcération devrait être utilisée en dernier recours.
    Un des problèmes avec la convention, c’est la clause de réserve visant l’article 37 qui nous permet d’incarcérer des jeunes contrevenants dans des établissements pour adultes. Dans la province d’où je viens, je suis heureuse qu’on ait retiré les jeunes de cette prison. Toutefois, lorsque les lits sont vides, pour que ce soit plus rentable, on a décidé, dans une proportion de cinq contre un, de placer des adultes avec des adolescents. Cette façon de faire enfreint non seulement la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, mais diminue aussi la possibilité d’offrir aux jeunes les programmes auxquels ils ont droit.
    Je tiens à féliciter le gouvernement d’avoir insisté pour que les jeunes de moins de 18 ans qui doivent purger une peine d’emprisonnement le fassent dans un établissement pour jeunes, et j’aimerais attirer votre attention sur le paragraphe 93(1), qui précise que l’on peut incarcérer des jeunes délinquants dans des établissements pour adolescents jusqu’à l’âge de 20 ans. Ces deux dispositions sont tout à fait conformes à la philosophie et aux principes de la LSJPA, et nous devrions le souligner.
    Or, je n’aime pas du tout l’article 92, qui nous donne la capacité de demander aux tribunaux de transférer un jeune délinquant dans un établissement pour adultes si c’est dans son intérêt ou si c’est pour assurer la protection de la société à long terme. Je suis convaincue que nous aurions pu éviter le décès de la jeune néo-brunswickoise, Ashley Smith, qui s’est enlevé la vie dans un pénitencier pour adultes.
    Dans les années 1990, un criminologue de l’Université de Pennsylvanie parlait des jeunes délinquants comme de la nouvelle génération de « super-prédateurs ». John Dilulio avait prédit que la vague de crimes des années 1990 serait beaucoup plus importante et, à ce moment-là, le terme « super-prédateurs » était employé couramment pour désigner les jeunes contrevenants. Cela avait donc donné lieu à une avalanche de politiques punitives aux États-Unis pour faire face à la délinquance juvénile. Plus récemment, je me suis réjouie de lire un article paru dans le New York Times, dans lequel ce criminologue regrettait d’avoir qualifié les adolescents de la sorte et reconnaissait que ses prédictions sur la hausse de la criminalité chez les jeunes ne s’étaient pas concrétisées.
    Je crains que le gouvernement, avec ce projet de loi, tombe dans le même piège que les États-Unis dans un effort pour sévir en croyant que c’est ce que veulent les Canadiens, et continue de se fier aux quelques cas sensationnalistes qui provoquent un sentiment de dégoût chez la population. La panique, comme nous l’avons vu dans le passé, est transitoire et s’estompe avec le temps. Je ne veux surtout pas sous-estimer la douleur et l’angoisse que vivent les victimes et leurs familles lorsqu’un incident horrible survient. Au contraire, je considère qu’il est très important d’intervenir auprès de nos jeunes en sachant que nous nous fondons sur des données scientifiques et que nous faisons tout ce qu’il y a de mieux pour ces délinquants, les victimes et les familles de ces jeunes qui ont comparu devant nos tribunaux.
(1540)
    Nous savons, d'après nos résultats de recherche, qu'appliquer une dose d'intervention correctionnelle trop élevée à des contrevenants qui présentent des risques faibles ou modérés a pour effet d'augmenter la propension à la criminalité. Nous devons continuer de promouvoir cette pratique fondée sur des données scientifiques et la réflexion à propos de la multiplication des reportages, que nous devons prendre en compte. C'est ainsi que le public est informé de ce que nous faisons pour nos jeunes.
    La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant est très claire sur la question de la protection des renseignements personnels, et nous devons faire attention de ne pas publier de noms dans les journaux. Je suis contre la levée de l'interdiction là-dessus, parce que je considère que ce serait une violation directe de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
    Je suis également préoccupée par l'attention médiatique que suscitent les réunions-marathons récentes sur le réseau de variétés A&E et sa série Beyond Scared Straight. Ce réseau diffuse une émission qui parle d'un programme dont nous savons, grâce à des travaux universitaires, qu'il ne fonctionne pas. Le public le percevra comme quelque chose d'efficient qui pourrait permettre de réduire la criminalité chez les jeunes, mais nous savons que...
(1545)
    Malheureusement, je dois vous interrompre. Vous avez déjà dépassé le temps qui vous était imparti.
    D'accord.
    Vous pourrez évidemment donner des compléments d'information lorsqu'on vous posera des questions.
    C'est bien. Merci.
    La parole est maintenant à M. Wamback.
    Nous sommes ravis de vous revoir au sein de notre comité. Vous disposez de dix minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. C'est pour moi un honneur que d'être ici. Je vais m'efforcer d'être bref.
    Mes aspirations sont les mêmes que celles de toutes les familles canadiennes: avoir des communautés dynamiques et sécuritaires où les gens peuvent grandir et prospérer sans être victimes d'intimidation ni avoir de craintes, et où on pourrait faire du dépistage précoce et apporter de l'aide à ceux qui sont prédisposés à avoir des comportements violents; des communautés où nous pourrions protéger nos valeurs les plus chères, le droit que nous avons acquis à la naissance, le droit humain le plus fondamental, qui est le droit à la vie. Le débat d'aujourd'hui ne porte pas sur les enfants qui ont commis des erreurs stupides, et toute tentative visant à réduire la portée du débat à cette notion ne ferait que masquer la vérité. Ce n'est pas le cas de la grande majorité des jeunes Canadiens qui se retrouvent devant les tribunaux.
    Les modifications que l'on souhaite apporter, avec le projet de loi C-4, n'ont rien à voir avec des problèmes sociaux ou des politiques sociales. Je crois qu'il s'agit de changements essentiels à apporter à une mesure pénale qui est probablement la loi la mieux comprise de toute l'histoire du pays. Le débat porte sur les jeunes contrevenants les plus violents au Canada, qui représentent une petite minorité parmi tous ceux qui se retrouvent dans le système de justice; une petite minorité qui a suscité des discussions houleuses et des craintes, et qui est à l'origine d'un débat dans lequel la plupart des Canadiens ne se retrouvent plus. Ce débat ne devrait pas se limiter au monde aseptisé des universitaires; il doit inclure tous les Canadiens, particulièrement ceux qui ont côtoyé de près de jeunes contrevenants violents, qui savent ce que sont les housses mortuaires et qui ont vécu avec les contrecoups et les conséquences d'un meurtre, l'intimidation de la communauté et les répercussions dévastatrices sur la vie des gens de la culture et de la violence des gangs.
    L'objet de ce débat, c'est la confiance.
    Ces 11 dernières années, j'ai rencontré des agents de police, des procureurs de la Couronne et des juges qui jouent véritablement un rôle central dans notre système de justice. Ils ont exprimé leur mécontentement à l'égard des limitations de la loi actuelle, qui ne prévoit rien pour les pires cas.
    L'objet de ce débat, c'est la confiance; il faut donner à notre système judiciaire les outils et la latitude nécessaires afin qu'il prenne les bonnes décisions pour la sécurité de tous les jeunes Canadiens, tout en protégeant nos valeurs et principes d'indépendance judiciaire.
    L'objet de ce débat, c'est la confiance dans notre système judiciaire, afin qu'il assure la protection de nos enfants, tout en offrant aux contrevenants et aux victimes des possibilités pour l'avenir. Les spécialistes avec lesquels je travaille me disent qu'il faut au moins trois ans d'intervention clinique intensive pour qu'un traitement puisse réussir et permette de réhabiliter de jeunes contrevenants violents. L'allongement des peines donne aux ingénieurs sociaux et aux psychologues le temps nécessaire pour faire l'intervention clinique qui contribuera à la réhabilitation réussie et à la réinsertion dans la société des jeunes contrevenants violents, tout en réduisant les risques de récidive et en protégeant la société contre les multirécidivistes violents. Le système actuel ne le permet pas, parce que les sentences pour violence extrême ouvrent la voie à des réductions de peine ou font l'objet de négociations de plaidoyers et, plus important encore, le counselling n'est pas obligatoire dans ce système.
    Actuellement, nous nous limitons à faire du gardiennage d'enfants, et nous ne sommes pas très bons là-dedans. Le programme IRPS — programme intensif de réadaptation placement et surveillance —, qui consacre actuellement 100 000 $ par année aux jeunes criminels violents constitue un énorme gaspillage d'argent et est voué à l'échec, parce que rien n'est obligatoire jusqu'à l'expiration du mandat. Je pourrais vous donner de nombreux exemples, dans lesquels nous sommes personnellement intervenus, ou quelqu'un avait suivi le programme en question, et deux semaines après avoir été libéré, il avait assassiné un autre enfant.
    Quant aux statistiques, je vous demanderais de ne pas vous fier aux données actuelles de Statistique Canada dans votre processus décisionnel. S'il vous plaît, prenez le temps de lire le rapport de l'Institut Macdonald Laurier, dont j'ai apporté un extrait, en français et en anglais, pour tous les membres du comité. Je vous invite à lire le rapport en entier, et à poursuivre ce débat sur les modifications à la loi, sans vous laisser distraire par des statistiques trompeuses. La question que nous nous posons tous est de savoir si la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, dans sa forme actuelle, constitue un outil efficace pour réduire la criminalité. Statistiquement, nous avons enregistré le taux d'incarcération le plus élevé au monde. Mais dans beaucoup de cas, une même personne était comptée quatre fois dans cette base de données statistiques.
(1550)
    La durée moyenne d'une peine était de 30 jours au Canada, comparativement à plusieurs années aux États-Unis. Là encore, il s'agit d'une anomalie statistique qui a été utilisée par beaucoup de ceux qui voulaient changer la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou la Loi sur les jeunes contrevenants, car cela apportait de l'eau à leur moulin.
    La réponse simple à cette question est le non-respect des conditions pour des actes criminels distincts au regard de la Loi sur les jeunes contrevenants. Quarante-sept pour cent des informations contenues dans la base de données statistiques visant la Loi sur les jeunes contrevenants concernaient des manquements: manquement à un engagement, non-respect des conditions de libération sous caution, manquement aux conditions de probation. Quand on a éliminé, dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la reconnaissance de ce type de manquement comme un acte criminel, pourquoi le taux de criminalité n'a-t-il pas chuté de 40 à 50 p. 100? Il n'a reculé que d'environ 32 à 35 p. 100. J'en conclus que la criminalité chez les jeunes ne diminue pas; elle augmente.
    Au cours des 11 dernières années, j'ai voyagé un peu partout au Canada, et j'ai parlé à des milliers de victimes, ainsi qu'à des agresseurs et à leurs familles. Invariablement, tout le monde voulait des changements — des changements positifs — pour protéger les familles. En 1999, j'ai lancé une pétition — que je vous ai remise en français et en anglais —, pendant que mon fils était dans le coma à l'hôpital, après avoir été agressé violemment par 14 jeunes délinquants. À l'époque, en 1999, cette pétition ne contenait rien de machiavélique ni de caché, et ce n'est pas plus le cas aujourd'hui. Les points 1 à 9 sont repris dans le document que vous avez devant les yeux. Cette pétition a été signée par 1 300 000 Canadiens. Je crois que c'est l'une des pétitions qui a reçu le plus grand nombre de signatures, dans l'histoire de ce pays, ce qui la distingue des autres.
    Aujourd'hui, nos problèmes sont les mêmes qu'il y a 12 ans. D'ailleurs, je crois que l'on peut dresser un parallèle avec ce qui se trouve dans le projet de loi C-4, à l'exception de certains éléments que nous devrions ajouter, qui sont le counselling obligatoire ou l'intervention obligatoire à un âge précoce, pour tenter d'aider les jeunes.
    J'entends beaucoup parler de l'identification des criminels violents ainsi que de la détention préventive ou de l'emprisonnement avant procès. Les gens qui ont attaqué mon fils avaient déjà 56 chefs d'accusation à leur actif. Le jeune homme qui a poignardé à mort Joey Tanner avait fait l'objet de 29 condamnations pour crimes violents. Joshua Hunt, Nicholas Chow... la liste est longue. Ces crimes, ces assassinats, ont été perpétrés par des individus ayant des antécédents de violence, et le système ne fait rien pour les aider, pas plus qu'il ne fait quoi que ce soit pour protéger des enfants innocents. Le noeud du problème, c'est la durée de la peine, la capacité de nos institutions à faire des efforts de réhabilitation efficaces, quand c'est possible, et la nécessité de protéger des enfants innocents contre des attaques d'une extrême violence.
    La plupart des victimes de jeunes contrevenants sont aussi des jeunes. Je crois que cela tourne autour de 90 p. 100. Lozanne et moi avons parlé directement à plus de 30 000 adolescents au cours des dernières années. Le message qu'ils nous ont transmis est le même, et ce, peu importe qu'ils vivent dans de grandes villes ou de petites communautés: pourquoi personne ne nous aide? Pourquoi la banalisation de la violence contre les personnes est-elle acceptée? Pourquoi ce sont les brutes et les agresseurs qui reçoivent toute l'aide? Pourquoi personne ne nous écoute? Je n'ai pas de réponse à leur donner. J'espère que ce gouvernement ou celui qui suivra aura toutes les réponses à leurs questions.
    Aujourd'hui, 90 p. 100 de la criminalité chez les jeunes n'est pas signalée, et selon les spécialistes qui siègent à mon conseil d'administration, cela provoque des traumatismes psychologiques majeurs. Le coût pour le Canada et la société est incommensurable — décrochage scolaire, dislocation de la famille, problèmes de colère et de frustration non résolus. Au bout du compte, ces personnes, animées par un esprit de vengeance, se retrouvent dans le système judiciaire.
    Nous sommes favorables au projet de loi C-4. J'espère être préparé pour répondre à toutes vos questions, autant que peut l'être ma femme.
(1555)
    Aujourd'hui, j'ai promis d'être bref, et je vous prie de m'excuser de m'être laissé emporter par l'émotion.
    Onze ans ont passé, et nous voyons aujourd'hui — pas plus tard que la semaine dernière — que ce qui est arrivé à notre fils se répète encore et encore dans notre pays. C'est arrivé, pas à cause d'une erreur stupide, pas à cause d'un délit mineur, mais parce que notre société est incapable de s'occuper des délinquants violents et multirécidivistes.
    J'espère que tous les membres de ce comité examineront la situation comme elle est. Il ne s'agit pas d'une question de politique partisane, mais bien de protéger les droits des Canadiens et de leurs familles.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup pour ce témoignage.
    La parole est maintenant à M. Gordon Penner.
    Vous disposez de 10 minutes.
    Bonjour. Merci de m'avoir invité. Mon allocution ne sera pas aussi longue que celles de mes deux prédécesseurs. Je n'ai pas autant d'expérience qu'eux. Mais je vais vous relater mon histoire personnelle, et j'espère qu'elle vous permettra de comprendre d'où je viens.
    En 2006, mon fils Jesse, alors âgé de 20 ans, étudiait au collège Douglas. Il a été assassiné par un jeune contrevenant qui avait déjà été condamné dix fois, la plupart pour des agressions violentes. Il était issu d'une famille dans laquelle la mère avait ses problèmes et le père était indifférent, d'après la description qu'en avait fait le tribunal. Le comble, c'est que personne n'avait fourni l'information que nous avions trouvée sur Google — soit que le frère, âgé de 18 ans, cocaïnomane à l'époque, était en liberté sous caution, pour meurtre, à la suite d'un braquage à domicile qui avait mal tourné, à Burnaby, et qu'il avait commis avec la complicité de son cousin. Ce jeune garçon, issu d'une famille dysfonctionnelle, avait donc été remis en liberté.
    Lorsque je lis les articles sur la détention présentencielle de la Loi sur les jeunes contrevenants, il me semble que tout est là. Pourquoi ne les a-t-on pas suivis?
    J'ai probablement plus de questions que de réponses, mais je peux vous assurer que cela a été un cauchemar pour nous, parce que personne ne semble vouloir nous parler de ces problèmes. Nous trouvons très déconcertant que personne ne veuille parler d'une erreur du système.
    Si ces enfants étaient dépistés et évalués correctement, ils seraient probablement maintenus en détention également; par conséquent, je ne crois pas que nous devrions parler de ceux qui sont à la limite, qui pourraient passer entre les mailles du filet.
    Le garçon qui a tué notre fils... c'était un crime aveugle. D'ailleurs, 90 p. 100 des personnes invitées à la fête organisée dans cette maison ne le connaissaient même pas. Je ne sais pas si le nommer changerait quelque chose. Quant à la question de la protection de la vie privée et de savoir s'il faut donner le nom de ces jeunes, je ne crois pas que la solution soit de les identifier. Néanmoins, je sais une chose: la protection de la vie privée en vertu de la politique jeunesse est utilisée pour nuire à ma famille. Je ne peux discuter de ces problèmes avec des représentants de mon gouvernement provincial. Ceux-ci m'ont dit qu'il s'agissait d'un jeune contrevenant et qu'ils ne pouvaient pas parler avec moi de ses problèmes ni des problèmes de sa famille.
    Si nous ne pouvons pas savoir pourquoi ce garçon a été libéré, si personne ne veut nous parler et si les lois en vigueur ne sont pas appliquées correctement, comment puis-je croire que cette nouvelle mesure législative nous sera d'un quelconque secours? Vous avez affaire, tout au mieux, à un sceptique. Nous avons été traînés dans ce bourbier. C'est un cauchemar. Nous n'avons reçu absolument aucune aide pour nous sortir de cette situation difficile. Cela a été pour nous toute une expérience que d'essayer de nous y retrouver dans ce système, d'être témoins de toutes ces lacunes et de subir tous les problèmes qui nous sont tombés sur la tête. Je pense que c'est une situation déplorable et que cela ternit l'image du système de justice pénale.
    Pour pouvoir m'adresser à mon gouvernement provincial, je dois retenir les services d'un avocat. J'aimerais savoir pourquoi je dois payer pour que justice soit rendue.
    Ce garçon avait des antécédents médicaux, d'ailleurs, et je ne l'ai su que lors du contrôle des motifs de sa détention. Il avait été frappé à la tête par un véhicule, alors qu'il était âgé de 8 ans, et il avait subi des dommages majeurs au lobe frontal. Il a été heurté de nouveau par un autre véhicule à l'âge de 10 ans, subissant des blessures au même endroit.
    À 16 ans, il avait déjà été condamné 10 fois pour des délits graves. Il a été expulsé de l'école à l'âge de 11 ans, pour violence. On lui a refusé l'enseignement hors école en raison de son comportement violent. Je ne sais pas ce qu'il a fait entre 11 et 13 ans sur le plan scolaire, mais on ne peut pas s'empêcher de penser qu'il était sous surveillance, comme le seraient, j'en suis sûr, la plupart des enfants de ce pays non scolarisés à cet âge-là. À 13 ans, il a été pris en possession d'une voiture volée. À 14 ans, il avait commis deux incendies criminels, au mépris de la vie d'autrui. Il a aussi cassé la main de l'employé d'un magasin d'alcool avec une batte de baseball. Il a également assené un énorme coup à un jeune, avec une branche d'arbre de la taille d'un deux par quatre, le frappant au cou, dans une station d'aérotrain, pour le voler.
    Ne pensez-vous pas qu'il y a eu des signes d'escalade de la violence chez ce jeune contrevenant?
(1600)
    Ma famille et moi avons eu énormément de discussions animées sur ces questions. D'après ce que nous voyons, il y a moyen de s'occuper de ces jeunes.
    Il semble qu'il y ait beaucoup de confusion, dans ce pays, sur la façon dont tout le système fonctionne. On dirait qu'il y a beaucoup de problèmes d'interprétation entre les différentes juridictions. Les victimes ne servent qu'à alimenter le débat.
    C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant.
    Merci.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Nous commencerons par M. Murphy, qui dispose de sept minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je voudrais également remercier les témoins pour leurs témoignages.
    Tout d'abord, je tiens à dire à M. Penner et à sa famille, ainsi qu'aux Wamback et à leur famille, au nom des libéraux et probablement de tous les membres du comité, que nous comprenons — nous pouvons le lire sur vos visages — que c'est une expérience extrêmement douloureuse pour vous. Vous avez vécu le cauchemar de la victimisation. Nous le comprenons et nous compatissons énormément.
    Notre objectif est d'améliorer la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Après de nombreuses audiences et pour avoir écouté beaucoup de témoins, nous en sommes venus à reconnaître que dans cette la loi, on se contente de décrire les infractions et de dire quelles peines s'appliqueront. On n'y parle pas du tout — ce n'est pas la façon dont nous faisons les lois, c'est une erreur — du type de traitement, du genre de réussite ou de progrès que l'on peut accomplir en soignant, en réhabilitant ou en faisant du counselling auprès de ces personnes, les pires contrevenants. Je veux parler d'une aide qu'ils recevraient pendant leur incarcération ou lorsqu'ils seraient sous supervision. C'est une lacune évidente qui montre bien que la loi, quoi que nous fassions, ne permettra pas de résoudre ce problème. Je crois que nous le savons tous.
    Je suis très intéressé, M. Wamback, par ce que vous avez dit au sujet des trois années et des conclusions auxquelles sont arrivés les spécialistes que vous avez consultés, qui disent qu'il y a une sorte de point de référence ou de période pendant laquelle l'intervention clinique fonctionne. Cette semaine, nous avons entendu le témoignage d'une autre victime d'un crime semblable, qui a également parlé de cette période de trois ans. J'aimerais savoir ce que vous ont dit vos spécialistes là-dessus, que ce soit à propos de l'intervention clinique en milieu carcéral ou en milieu supervisé. Si vous aviez des documents supplémentaires sur le sujet, vous pourriez les transmettre à notre greffière.
    Étant donné que je dois m'entretenir avec mes amis de St. Thomas sur d'autres questions, pourriez-vous me dire brièvement ce que vous entendez par là?
(1605)
    L'information m'a été donnée par mes administrateurs, qui sont professeurs de psychologie — il y a également un doyen en psychologie —, travaillant dans des universités canadiennes. Ils oeuvrent également en pratique privée. Nous avons discuté ad nauseam des problèmes relatifs aux jeunes, à la criminalité, à la prédisposition à la violence et aux comportements criminels.
    Ce qui revenait toujours, dans nos discussions, c'est que, selon leurs analyses et leur expérience — et ce sont des gens qui travaillent dans ce domaine particulier de la pratique médicale depuis des décennies —, il faut au minimum trois ans d'intervention clinique intensive, à raison d'une ou deux fois par semaine, pour pouvoir changer la prédisposition ou le comportement d'un individu.
    Croyez-vous que les jeunes qui sont incarcérés, si peu soient-ils, bénéficient de ce type d'intervention clinique?
    Absolument pas. C'est l'une des choses que nous avons constatées en 1999, et que nous essayons de faire connaître encore aujourd'hui à quiconque veut bien nous écouter. L'incarcération dans des établissements pour jeunes délinquants sans intervention, programme clinique ou programme de réadaptation obligatoire ne règle rien.
    Nous discutons avec des gardiens de prison et avec des travailleurs des centres de détention pour les jeunes. À maintes reprises, ils nous ont dit qu'ils n'ont pour toute réponse qu'un doigt d'honneur et des invitations à aller se faire pendre quand ils demandent à certaines personnes d'assister à leurs séances de counselling. Ils n'y peuvent rien, absolument rien. Les jeunes n'ont aucune obligation de suivre un programme pendant leur incarcération.
    Je pense que ce serait un immense progrès — dans l'intérêt de la société aussi —, de donner à ceux que nous mettons en liberté de meilleures chances de se réinsérer dans la collectivité sans récidiver.
    Il est quasiment impossible de mesurer le taux de récidive des jeunes contrevenants, parce qu'il n'existe pas de statistiques. Nous ne faisons que déterminer qu'il y a eu 56, 29, ou 40 condamnations antérieures. Nous ne savons rien, vraiment. Mais il ne faut pas un génie pour comprendre que si nous ne pouvons pas changer ces gens et les réadapter — ou même, il faut l'admettre, leur donner les outils nécessaires pour fonctionner dans la société — nous ne résolvons rien; nous ne faisons qu'aggraver les choses.
    C'est peut-être l'occasion de vous dire, monsieur Reid, que j'ai vécu pendant un an à Holy Cross House, quand je faisais mes études de droit, alors j'ai un petit parti pris pour St. Thomas et l'excellent travail qu'y fait l'ancien député conservateur, Dennis Cochrane, en qualité de chancelier.
    Quoi qu'il en soit, il se pourrait que nous ayons en partie une perspective commune concernant les interventions cliniques pour la réadaptation des jeunes, que ce soit par la voie de la déjudiciarisation ou par celle de l'incarcération, et que ces interventions soient obligatoires ou non — et ce sont là de bonnes questions — je crois que nous reconnaissons que les mesures de réadaptation pourraient être efficaces.
    Laissons de côté l'obligation pour le jeune de participer à un programme donné. Quel type de traitement faudrait-il selon vous, et pendant combien de temps? Que faut-il pour changer quelqu'un? J'ai entendu le témoignage d'un groupe de victimes, qui parlaient de changer une jeune personne si c'est possible. Il me semble comprendre, monsieur Penner, qu'il y a aussi tout un problème lié à la santé publique ou à la santé mentale. Dans votre cas, ce peut être terrible — et c'est terrible —, mais c'est peut-être très différent de l'objectif positif de réadaptation avec lequel vous semblez d'accord.
    Merci beaucoup.
    Je pense que vous voyez juste au sujet de notre perspective commune. Admettons-le, nos établissements pour les jeunes servent à les punir. Ils n'ont pas été conçus pour les traiter, et la détention dans un établissement carcéral n'est rien d'autre qu'une punition. Nous savons qu'il faut un traitement différent pour les jeunes dont les besoins sont très complexes, et que nos établissements sont bondés de jeunes qui souffrent de troubles mentaux à qui aucun traitement n'est imposé. Je parierais d'ailleurs que s'ils voulaient accéder à des services, il n'y en aurait même pas. C'est un problème, cela aussi.
    Divers programmes sont offerts dans nos établissements communautaires, et si nous avions suffisamment de ressources pour fournir des traitements de santé mentale de trois ans, nous aurions de meilleurs résultats. Il y a des gens qui ont effectivement besoin de passer quelque temps dans un établissement fermé. Mais ne nous faisons pas d'illusions en pensant que la détention dans un établissement fermé sert à traiter quelqu'un, c'est pour le punir plutôt. Je suis en faveur de la peine de trois ans. C'est d'ailleurs ce que prévoyait la première loi sur les jeunes contrevenants.
(1610)
    Merci.
    Nous laissons la parole à M. Lemay pour sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins qui sont devant nous aujourd'hui.
    Je m'adresse aux parents et à M. Penner également, père d'un enfant. Je suis touché par le fait que vous soyez obligé de venir nous dire ce que vous avez vécu, ce que la société a fait et surtout ce qu'elle n'a pas fait pour aider les parents et les victimes qui ont vécu les choses que vous nous avez racontées.
    Je vous dirai que j'ai plaidé beaucoup de causes parce que j'étais souvent présent au tribunal de la jeunesse. J'ai rencontré plusieurs parents comme vous. Le problème, et je vous le dit très sincèrement, c'est que tout ce que vous venez de dire est dans la loi actuelle. Tout ce que vous demandez est dans la loi actuelle. On n'a pas besoin de l'amender ou d'y toucher. Tout est là, je vous le jure, dans les articles 38, 39 et 40 de la loi actuelle. Je les ai lus et j'ai plaidé en m'y référant. Tout est là.
    La question est plutôt: comment se fait-il que vous, les parents de ces enfants, ne soyez pas mis au courant? Il y a une lacune quelque part. Je vous le dit sincèrement. Lorsque je lis les peines spécifiques, dans les articles 37, 38, 39, 40, 41 et 42, c'est clair. Tout est là. Ce que je déplore, c'est malheureux, mais on dirait que les tribunaux ne s'en servent pas.
    Je ne peux pas parler pour la Colombie-Britannique ou pour une autre province que le Québec, mais je peux vous dire que le taux de criminalité a baissé. Oui, il y a encore des crimes violents, c'est évident. Et oui, il y a encore des gangs de rues, comme M. Petit vous le dira probablement dans quelques minutes. Oui, c'est vrai. Malgré tout, tout est dans la loi actuellement. Je déplore le fait que vous ne soyez pas capables d'avoir de l'information. Je vous le dis sincèrement.
    Doit-on amender la loi? Doit-on inclure les parents? Doit-on vous aviser et vous tenir au courant, comme on le fait dans le Code criminel actuellement? Il y a des articles spécifiques du Code criminel pour que les victimes — et vous en êtes — puissent se présenter devant le tribunal et dire ce qu'elles vivent et ce qu'elles ont vécu.
    Je ne veux pas être plus long. Je vous poserai une question. Je m'adresse à M. Wamback et, bien évidemment, à M. Penner. Je vous demanderais de faire rapidement, en utilisant le reste de mon temps.
    Qu'est-ce qui fait qu'on devrait changer la loi pour satisfaire vos besoins, alors que tout est là? Qu'est-ce qui manque? Qu'est-ce qui aurait dû être là?
    J'ai eu des clients à qui ça faisait plaisir de passer devant le tribunal de la jeunesse en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. Si on avait pu afficher leurs noms dans la rue, ils auraient été bien contents parce qu'ils auraient eu l'air de petits bums et de petits toughs. Je ne suis pas sûr qu'amender la loi pour faire la publicité des noms soit une bonne solution.
    Monsieur le président, je ne sais pas combien de temps il me reste, mais je le laisse à M. Penner et M. et Mme Wamback, car je voudrais les entendre à ce propos.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Lemay.
    Vous dites que tout ce que nous demandons est déjà dans la loi... J'ai du mal à le croire, et je suis heureux que vous le pensiez, parce que tous les avocats, les législateurs et les conseillers à qui nous avons parlé nous ont dit le contraire, et c'est ce que confirme par ailleurs notre propre expérience. Je ne suis pas avocat mais ingénieur, alors je ne vais pas me lancer dans un débat avec vous. Quoi qu'il en soit, la loi actuelle ne contient aucun principe de dissuasion et de dénonciation. Pour moi, la dissuasion et la dénonciation, c'est faire comprendre à quelqu'un que « en faisant telle chose, vous vous exposez à telles conséquences », et la dénonciation sociale, c'est dire qu'en tant que société, nous jugeons une action ou une infraction particulière tellement grave que nous ressentons le besoin de prévoir une sanction...
    L'un des gros problèmes que pose la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, c'est qu'à mon très, très humble avis, il s'écoule trop de temps — trois ou quatre ans —, avant qu'un délinquant violent comparaisse devant un tribunal. Dans cette période de trois ou quatre ans, les souvenirs des témoins s'estompent, des témoignages sont perdus, des actes d'intimidation sont commis, des témoins disparaissent, et au bout du compte, les peines infligées n'ont plus grand poids.
    Au sujet des ordonnances de non-publication des noms, c'est ce qui se fait déjà dans les groupes autochtones de détermination de la peine. Pour ce qui est des jeunes de la rue, quand l'un d'eux commet un acte violent, je peux vous garantir que les membres de la collectivité qui ont le même âge savent précisément qui est l'auteur de l'acte. Les seuls à ne pas le savoir, ce sont les policiers et les parents de ces enfants.
    Les garçons qui ont attaqué mon fils avaient 56 accusations à leur dossier de jeunes délinquants, y compris des accusations d'actes violents. Si nous l'avions su, dans notre collectivité, nous aurions peut-être pris des mesures pour nous protéger et pour protéger nos enfants.
    Il y a un jeune homme du nom d'Almeida, à London, dont la fille âgée de 5 ans et demi a été enlevée, violée, battue et assassinée par un jeune de 18 ans dont le mandat pour agressions sexuelles contre de jeunes enfants venait d'expirer. Il avait été inséré dans la collectivité sans que personne sache qui il était, et les actes violents qu'il avait commis avaient été tenus secrets. La police, même, ne savait pas qui il était ni ce qu'il faisait, et voilà qu'il a enlevé la vie à une autre enfant.
    Des jeunes qui ont commis des actes d'une extrême violence — y compris le viol — dans nos collectivités retournent dans nos écoles. Les enseignants et les parents ne savent pas qui ils sont, mais les jeunes, eux, le savent. Ils reviennent avec une image plus prestigieuse qu'avant leur départ, et ils sont traités en héros parmi les leurs.
    La publication des noms crée également de l'embarras. Elle est embarrassante pour la collectivité et les familles des auteurs de ces actes tellement violents contre l'humanité, et je pense que cet aspect est absolument essentiel et très important.
(1615)
    Merci.
    C'est au tour de M. Comartin. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur et madame Wamback, monsieur Penner, je me fais l'écho des commentaires qu'a faits M. Murphy sur la peine et la douleur que vous avez vécues et la manière dont le système de justice pénale vous a trahis. Parce que c'est la vérité, il vous a trahis.
    Monsieur Wamback, je pense ne pas être d'accord... J'ai fait la même chose lundi, avec d'autres victimes d'abus et de violence commis par des jeunes contrevenants. J'ai étudié la question. Je suis avocat et j'ai passé une bonne partie de ma carrière, surtout au début, dans ce domaine, d'un côté comme de l'autre.
    La première fois que j'ai lu cette loi, j'ai d'abord pensé « Mais que faisons-nous? C'est inutile ». Je suppose que vous avez lu le rapport Nunn...
    Oui.
    ... et les commentaires du juge Nunn sur l'obligation que nous avons de nous occuper de ce groupe particulier de délinquants violents, surtout les récidivistes. Cette loi, à ce que je peux voir, ne fait rien de plus en ce sens. Disons que c'est mon introduction.
    Voici ce que j'aimerais vous demander. Vous parliez des procureurs et de la police qui n'aimaient pas le système. Nous avons entendu les témoignages de trois procureurs principaux de l'Alberta, du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse. Ce sont des gens dont le travail consiste précisément à poursuivre les jeunes contrevenants. Ils nous ont dit que cette loi comporte trois éléments qui, de fait, vont leur compliquer la vie.
    Il s'agit du projet de loi C-4 qu'étudie le comité en ce moment. Ils ont dit qu'il leur sera plus difficile de poursuivre les jeunes délinquants en justice et de les détenir avant la tenue de leur procès, et que le projet de loi restreint leur pouvoir de les retenir après la détermination de la peine et de les faire condamner à des peines pour adultes. Donc, avec tout cela, cette loi compliquera la tâche des procureurs quand il voudront faire condamner ce segment de 5 à 10 p. 100 des jeunes délinquants.
    Alors j'aimerais savoir si vous avez étudié la question? Que pensez-vous de...? Je vous fais mes excuses, je devrais aller au bout de ma pensée. Ils ont témoigné devant nous à deux reprises et, entre-temps, ils nous ont transmis cette proposition de modifications. Jusqu'à maintenant, le gouvernement a refusé même de discuter avec eux. Je ne devrais pas dire « refusé », mais simplement qu'il « n'a pas discuté avec eux ». Il semble qu'ils ne proposeront pas d'apporter ces modifications à la loi, alors qu'il est tellement évident qu'elles feraient beaucoup pour nous aider à intervenir auprès de ces 5 à 10 p. 100 de délinquants violents.
    Tout d'abord, êtes-vous au courant de ces modifications, et deuxièmement, le cas échéant, qu'en pensez-vous?
(1620)
    Oui, je les connais. J'en parlerai une à une, puisque la détention avant la tenue du procès demeurera certainement discrétionnaire. Il ne s'agira pas de détenir avant le procès les auteurs d'infractions mineures et sans violence. Toutefois, si l'auteur d'un meurtre n'est pas détenu avant le procès, je pense que c'est absolument déplorable et que c'est une erreur qui pourrait coûter d'autres vies. C'est déjà arrivé. C'est arrivé tellement souvent que nous sommes en faveur, et je le serai toute ma vie, de l'emprisonnement des délinquants extrêmement violents avant la tenue de leur procès.
    Sur le deuxième point, ce n'est pas obligatoire. Cette loi ne fait qu'élargir l'éventail de possibilités offertes aux procureurs et aux juges pour prendre des décisions et préserver leur indépendance judiciaire à l'égard du gouvernement. Je ne suis pas avocat, mais je n'arrive pas à comprendre qu'un procureur de la Couronne puisse prétendre qu'une peine pour adulte va créer plus de problèmes. En vertu de l'actuel Code criminel du Canada, une peine pour adulte peut se solder en fait par une détention moins longue.
    Le projet de loi C-4 limite le placement des contrevenants... même quand il n'y a pas eu meurtre. Il ne s'agit pas de les condamner à des peines pour adultes. Mais pour un délinquant violent, les possibilités seront plus restreintes que maintenant si ce projet de loi passe. Il sera plus difficile d'infliger des peines pour adultes que cela est le cas sous le régime actuel. C'est ce que fera ce projet de loi C-4, et c'est ce que nous ont dit les procureurs. Ils travaillent dans le domaine tous les jours. Je le connais assez bien, mais ils en sont les experts. C'est ce qu'ils disent. Donc, le projet de loi C-4 leur compliquera la tâche sur ces deux plans, ainsi que sur celui de la détention avant procès.
    Je n'ai pas l'avantage d'avoir vu la documentation que, de toute évidence, vous avez reçue. J'estime que nous devons laisser aux juges et aux procureurs de nos communautés, dans tout le pays, plus de marge de manoeuvre pour exercer leur discrétion et pour s'assurer que les récidivistes et les délinquants extrêmement violents sont pris en charge efficacement et soumis à un programme de réadaptation donné dans un centre de détention ou encore que ces individus sont tenus à l'écart de la société de façon qu'ils ne puissent plus faire de mal.
    Je pense pouvoir affirmer sans crainte que c'est le but visé par tout le monde ici. C'est simplement que le projet de loi C-4 ne permet pas de l'accomplir.
    Madame Reid, j'ai une brève question pour vous. Toute la problématique de la tenue de dossiers me préoccupe un peu. Je parle bien sûr des mesures extrajudiciaires et j'ai eu droit à des réponses assez variées à ce sujet. Je n'ai pas très bien compris ce que vous vouliez dire à propos de vos discussions avec les agents de police. Disent-ils qu'il leur est possible de le faire ou encore que cela leur compliquera davantage la tâche?
    Ils sont d'accord avec l'amendement proposé pour permettre la consignation des mesures extrajudiciaires. Ils seraient heureux de pouvoir en faire le suivi. Par exemple, si un jeune a reçu un avertissement à Saint John (Nouveau-Brunswick) avant de déménager à Fredericton, un agent local pourra lui rappeler qu'il a déjà eu une mise en garde.
    Je voulais souligner que tout cela se passe avant la condamnation; les sanctions extrajudiciaires visent une intervention en dehors des cadres du système. J'ai rédigé pour le ministère de la Sécurité publique du Nouveau-Brunswick un rapport dont le titre aurait pu se traduire en français par « 125 avertissements ». Ce titre m'a été inspiré par les agents de probation qui disaient que si la meilleure solution consiste à ramener à la maison un jeune coupable d'une infraction mineure en lui servant un avertissement, ils sont prêts à le faire 125 fois s'il le faut.
    Je dois vous interrompre.
    Chers collègues, la sonnerie se fait entendre, ce qui signifie que nous devrons aller voter dans environ une demi-heure. Je dois obtenir votre consentement pour que nous puissions continuer les questions pendant encore 10 ou 15 minutes.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Vous n'avez plus de temps...
    Monsieur Comartin.
(1625)
    Monsieur le président, que proposez-vous pour la deuxième heure de notre séance?
    Malheureusement, si nous allons voter en Chambre, nous n'aurons plus guère de temps, à moins que tous consentent à poursuivre la séance après 17 h 30.
    Allons-nous revenir après les votes?
    Oui, nous reviendrons et nous déciderons alors de ce qu'il convient de faire.
    Monsieur Woodworth, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins. Dans un système comme le nôtre, il n'est pas nécessaire que tous s'entendent sur tous les sujets, mais il faut absolument que nous puissions nous écouter les uns les autres et je me réjouis de vous voir tous ici pour nous livrer vos témoignages.
    D'entrée de jeu, je dois vous dire, monsieur Wamback, que vous n'aviez bien sûr pas à nous présenter d'excuses pour l'émotivité qui transpire de vos propos. En fait, je considère que l'émotion que vous causent ces 11 années d'un constat du problème que j'imagine un peu frustrant témoigne de l'urgence de la situation, de la nécessité de faire quelque chose de différent et d'agir sans tarder. Alors, non seulement des excuses ne sont pas requises, mais des remerciements sont de mise.
    De plus, j'estime que vous avez tout à fait raison d'affirmer qu'il faut cibler les récidivistes violents. Et c'est exactement notre objectif avec le projet de loi C-4. C'est une mesure très ciblée qui s'attaque justement à ces récidivistes violents.
    Même si les statistiques sont imparfaites — et je ne vais pas minimiser vos préoccupations à cet égard — je peux vous dire que les chiffres que j'ai pour 2009, et ils proviennent du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, indiquent que 47 271 jeunes ont été accusés de crimes avec violence. J'estime qu'il ne sert à rien de se demander si ces chiffres sont à la hausse ou à la baisse. Le nombre de cas est tout simplement trop élevé et c'est un autre signe que des mesures immédiates s'imposent.
    C'est une supposition de ma part, mais j'aimerais que vous me confirmiez quelque chose. Ai-je raison de croire que vos 11 années d'expérience et d'observation de ce phénomène vous permettent sans doute de constater que la situation s'envenime, plutôt que de s'améliorer?
    Permettez-moi de vous donner un petit exemple en guise de réponse. Lorsque mon fils a été presque assassiné il y a près de 12 ans, l'affaire a fait les manchettes nationales. Il n'y a pas un journal au pays qui n'en a pas parlé. On a réalisé un film au sujet du crime et de la réadaptation de mon fils. On voit maintenant presque chaque jour des jeunes qui se font poignarder ou tuer à coups de pieds et l'on n'en traite même plus dans la rubrique des faits divers. J'en déduis que nous sommes désormais insensibilisés au phénomène qui est devenu si fréquent que les gens n'en font plus de cas. Les seuls que cela préoccupe, ce sont les citoyens comme M. Penner et les familles qui sont directement touchées et qui se retrouvent à devoir composer avec les rouages du système.
    En ma qualité de législateur, j'en conclus qu'il s'agit d'un problème urgent qui ne peut attendre et qui nécessite des mesures immédiates. Une mesure comme le projet de loi C-4 qui cible les récidivistes violents est donc une étape absolument nécessaire, même s'il y a encore du chemin à faire.
    Si vous me le permettez, madame Reid, j'aurais quelques questions à vous poser. Vous aurez sans doute déduit de mes commentaires que je ne suis pas d'accord avec tout ce que vous avez dit. J'espère que vous me pardonnerez de me montrer un peu inquisiteur, car j'aimerais jauger l'ampleur de vos connaissances à ce sujet.
    Saviez-vous que 47 271 jeunes Canadiens avaient été accusés de crimes avec violence en 2009?
    Je le savais.
    Vous le saviez, d'accord.
    Vous avez utilisé l'expression « prise de décisions fondée sur des éléments probants » ou quelque chose du genre, ce qui n'a pas manqué de m'intriguer. Vous m'excuserez, mais je dois dire que lorsque j'entends cette expression, cela veut généralement dire, non pas que les éléments probants sont inexistants, mais bien qu'ils ne sont pas acceptables pour la personne qui utilise l'expression. Je vous demande donc si vous connaissez la Commission Nunn.
    Certainement.
    Très bien. Alors, vous savez assurément que le commissaire Nunn a entendu des témoignages à ce sujet?
    Je parlais en fait de pratiques fondées sur des éléments probants, mais oui, je le sais.
    Eh bien, je parle de recommandations et de mesures législatives s'appuyant sur des éléments probants. Le juge Nunn a entendu 47 témoins avant de formuler ses recommandations. Étiez-vous au courant?
(1630)
    Oui.
    Soit dit en passant, nous avons aussi reçu comme témoin l'autre jour le préfet d'une municipalité rurale de la Saskatchewan dont le conseil avait notamment observé une hésitation à imposer des peines de mise sous garde aux jeunes récidivistes. Savez-vous si un phénomène semblable a pu être observé ailleurs au pays?
    Est-ce que je sais s'il y a de l'hésitation à ce chapitre?
    Je veux dire que les magistrats hésitent à imposer des peines de mise sous garde aux jeunes récidivistes. Savez-vous si des Canadiens de partout au pays sont à même d'observer une telle situation?
    Je ne suis pas certaine que je qualifierais d'éléments probants des observations semblables.
    D'accord, mais vous pouvez comprendre que, dans mon rôle de législateur, je me dois de considérer qu'il s'agit d'éléments importants et je dois prêter une oreille attentive aux observations formulées par les Canadiens de toutes les régions du pays. Est-ce que vous pouvez le comprendre?
    C'est tout à fait compréhensible.
    Ainsi, par exemple, lorsque j'entends dire que les résidents de cette municipalité de la Saskatchewan ont observé une tendance à imposer à répétition des périodes de probation toujours plus longues ou des peines à purger dans la communauté qui ont pour effet de replacer immédiatement les jeunes contrevenants dans des situations dysfonctionnelles, vous conviendrez avec moi que je ne peux pas balayer ces éléments du revers de la main.
    Non, mais je ne considère pas qu'il s'agit d'éléments probants du point de vue procédural.
    Tout à fait, et c'est ce que je disais. Lorsqu'il est question de prise de décisions fondée sur des éléments probants, il s'agit parfois de déterminer quels sont les éléments que nous sommes prêts à accepter et quels sont ceux dont nous ne voulons pas. Mais dans mon rôle de législateur, je ne peux pas simplement ignorer les témoignages des 47 personnes qui ont comparu devant le juge Nunn avant qu'il ne formule ses recommandations, pas plus que je peux laisser de côté les observations de Canadiens de tout le pays qui ont pu constater des problèmes incessants dans la mise en oeuvre de notre système de justice pénale pour les jeunes. Par conséquent, dans le contexte des améliorations ciblées proposées dans le projet de loi C-4 au titre de la procédure, je dois me fier sur ces témoignages. C'est le point que je souhaitais faire valoir ici et je vous suis reconnaissant de m'avoir permis de le faire.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Non.
    Avant de permettre à nos témoins de quitter la salle, j'aurais une précision à apporter au bénéfice de M. Wamback. M. Comartin a laissé entendre que trois procureurs généraux des provinces canadiennes avaient soulevé des préoccupations au sujet de ce projet de loi. Je voulais que vous sachiez qu'il s'agit de questions d'ordre technique. Ils ont décelé quelques dispositions du projet de loi qui semblent produire un résultat contraire à l'objectif visé. Comme ces procureurs généraux appuient l'orientation générale du projet de loi, je voulais que cela soit bien clair. Je ne me souviens pas d'avoir entendu ces procureurs généraux critiquer le projet de loi; ils voulaient simplement signaler quelques anomalies d'ordre technique. Il faut dont s'attendre à ce que des amendements soient proposés en ce sens.
    Monsieur le président, je comprends mieux maintenant.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons interrompre notre séance jusqu'à notre retour de la Chambre.
    Je vous remercie.

(1710)
    Nous accueillons maintenant trois témoins. Tout d'abord, représentant UNICEF Canada, nous recevons M. Marvin Bernstein, conseiller principal de la promotion et de la défense des droits. Bienvenue à vous. Nous accueillons aussi le représentant de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues, M. Bruno Serre, membre du conseil d'administration et responsable des rencontres de famille. Enfin, Manjit et Suman Virk vont témoigner à titre personnel via vidéoconférence à partir de la belle ville de Victoria.
    Je prie tous nos témoins de bien vouloir nous excuser pour le délai d'attente. Nous avons malheureusement eu certains votes qui n'étaient pas prévus, ce qui nous a obligés à interrompre notre séance pendant 20 ou 25 minutes.
    Le temps que nous pourrons consacrer à vos témoignages devra donc être restreint. Je vais laisser à chacun d'entre vous une période de cinq minutes pour faire une déclaration. Nous n'aurons pas malheureusement pas le temps de vous poser des questions.
    Pourquoi ne pas commencer avec M. Bernstein? Vous avez cinq minutes.
    Je veux juste souligner que nous allons remettre au comité un mémoire exhaustif qui n'a pas encore été traduit. Nous vous avons fourni quelques notes sommaires qui, je crois, ont été traduites. Il y a aussi une déclaration de principe d'UNICEF Canada qui a été rédigée hier soir. Je n'aurai pas le temps de vous en faire part dans mes observations préliminaires, mais nous pourrons la transmettre au comité.
    Je suis heureux d'avoir la possibilité de comparaître devant vous, même si c'est pour moins longtemps que prévu. Je voulais souligner que j'ai cumulé dans le cadre de différentes fonctions 28 années d'expérience en protection de l'enfance dans la province de l'Ontario. Vous trouverez les détails dans nos notes sommaires. J'ai complété récemment un mandat de cinq ans à titre de protecteur de l'enfance pour la Saskatchewan, un poste indépendant de l'assemblée législative. Je suis rentré en Ontario il y a environ six mois pour être nommé conseiller principal à la défense des droits, surtout pour nos enfants canadiens.
    Je tiens aussi à ajouter que j'ai participé à la table ronde tenue à Regina en 2008 avec le ministre de la Justice, M. Nicholson, et son homologue de la Saskatchewan, M. Don Morgan. C'est donc avec grand plaisir que je peux enfin constater les suites de cette table ronde. Toute cette démarche cadre très bien avec la teneur des propos échangés en Saskatchewan.
    Je veux également faire écho aux commentaires formulés ici même par Kathy Vandergrift. Elle a témoigné devant votre comité le 10 juin 2010. Elle a alors fait référence au rapport du Comité sénatorial intitulé Les enfants: Des citoyens sans voix. Elle a indiqué que des gens de Justice Canada lui avaient parlé d'une éventuelle évaluation du niveau de conformité avec des traités internationaux comme la Convention relative aux droits de l'enfant. J'ai relu la transcription et rien n'indique de la part de votre comité, ou d'une partie de ses membres, d'éventuels efforts pour retracer cette évaluation, ou même déterminer si elle a eu lieu ou non, afin que les résultats puissent être mis à la disposition, non seulement du comité, mais aussi de Mme Vandergrift. Lorsque j'ai communiqué avec elle le week-end dernier, elle n'avait reçu aucune nouvelle indication de la part du comité concernant ce rapport d'évaluation des impacts sur les enfants.
    Si je soulève ce point, c'est parce que nous sommes d'avis — comme vous pourrez le constater dans notre mémoire détaillé — que la plupart des modifications proposées dans le cadre du projet de loi C-4 seraient incompatibles avec les principes établis dans la Convention relative aux droits de l'enfant; iraient à l'encontre des recommandations formulées par le Canada dans les conclusions du Comité des droits de l'enfant en 2003; et n'iraient pas dans le sens des énoncés de l'Observation générale no 10 qui traite du système de justice pour mineurs. Les conclusions abordent aussi l'aspect de l'intérêt primordial des enfants et notre mémoire fait état de nos préoccupations à cet égard dans le contexte des modifications proposées dans le projet de loi C-4.
(1715)
    Par conséquent, je ne saurais trop recommander à votre comité de tout mettre en oeuvre pour retracer ce rapport d'évaluation, s'il existe, afin de déterminer si le Canada se conforme à ses obligations internationales à titre de signataire de la Convention relative aux droits de l'enfant. S'il était possible de fournir ce rapport à UNICEF Canada, je serais heureux d'avoir l'occasion de vous indiquer après en avoir pris connaissance si le projet de loi C-4 pourra nous permettre ou non de nous acquitter de nos obligations en matière de droits de la personne découlant de la Convention relative aux droits de l'enfant.
    Je vous remercie, mais je dois malheureusement vous interrompre ici. Vous n'avez plus de temps.
    Merci.
    Nous passons à M. Bruno Serre. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je suis Bruno Serre, père de Brigitte, assassinée le 25 janvier 2006. Je suis également membre du conseil d'administration de l'AFPAD depuis maintenant trois ans et demi. Je suis venu ici en mon nom personnel, mais je partage l'opinion de beaucoup de victimes qui sont passées par où je suis passé.
    Ma fille a été tuée par deux jeunes de 18 ans, Sébastien Simon et Tommy Gagné. Ils lui ont assené 72 coups de couteau et plusieurs coups de poing et coups de pied à la tête. Durant cette nuit du 25 janvier, elle n'a eu aucune chance de s'en sortir. Sébastien Simon a un passé lourd, c'est un jeune au comportement violent qui, depuis son jeune âge, a vécu dans plusieurs centres de jeunesse. Il n'a ni conscience ni scrupule. Il n'a démontré aucun remords. Cette nuit-là, après leur crime, Sébastien Simon, Tommy Gagné et leurs complices sont allés au motel avec des prostituées. Le lendemain, Sébastien Simon s'est fait tatouer Born to kill et Born to die sur les avant-bras. Il avait eu 18 ans quelques mois auparavant.
    J'appuie le projet de loi C-4, car je pense qu'on devrait contrôler davantage les jeunes délinquants pour éviter que de tels drames ne se reproduisent. Il faut absolument protéger la population contre les jeunes récidivistes au comportement violent.
    Ce projet de loi serait pour les juges et les policiers un bon outil. Il permettrait d'appliquer des mesures extrajudiciaires qui donneraient à la société les moyens de suivre les dossiers des individus qui progressent au point de devenir des individus violents. De plus, imposer une peine de détention aux jeunes ayant un comportement qui peut mettre la vie d'autrui en danger serait une bonne chose et, à mon avis, un moyen de dissuasion.
    Les jeunes qui commettent un crime grave, c'est-à-dire un meurtre, une tentative de meurtre, un homicide involontaire ou une agression sexuelle, devraient recevoir une peine pour adultes. La publication de leurs noms serait une autre façon de protéger la société.
    Nous devons prendre des mesures qui nous permettront de prévenir les crimes, pas seulement d'y réagir. L'association dont je fais partie représente les familles des victimes au Québec. Plusieurs des victimes que je rencontre me disent qu'il faut appliquer des mesures plus strictes à l'égard des jeunes contrevenants violents.
    J'ai accompagné en cour la famille de la jeune Francesca Saint-Pierre, 14 ans, battue à mort par un jeune de 15 ans. Ce dernier a écopé d'une sentence de sept ans, soit quatre ans de détention ferme et trois ans en maison de détention. Sept ans pour un meurtre prémédité. Imaginez la réaction de la famille à l'annonce de la sentence.
    Dans le cas dont je viens de parler, la jeune fille avait porté plainte contre ce jeune alors qu'ils étaient tous deux hébergés dans un centre. S'il avait été en détention, le drame aurait probablement pu être évité. On se doit de protéger la population contre les jeunes au comportement violent qui n'ont aucun respect pour la vie. Malheureusement, il y en a de plus en plus, et leur violence n'a pas de limite. Le projet de loi C-4 pourrait peut-être contribuer à en dissuader quelques-uns. Il est certain qu'une fois en détention, ils auraient le temps de réfléchir aux conséquences de leurs actes. Ce sont des mesures que les familles des victimes attendent depuis longtemps.
    Je pense que le statu quo n'est pas la solution. On se doit de donner des outils aux procureurs, aux juges et aux policiers pour s'assurer que les jeunes reçoivent des sanctions correspondant à la gravité de leurs crimes, et non de simples réprimandes. Il faut passer un message clair. Nous devons protéger notre société contre les contrevenants violents et récidivistes.
    Merci.
(1720)

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant du côté de Victoria.
    Monsieur et madame Virk, vous avez cinq minutes.
    Notre histoire est similaire à celle de Bruno. En 1997, notre fille a été assassinée par des jeunes de son âge et l'affaire a fait les manchettes au niveau national et international. Il s'agissait d'un crime sans précédent, surtout à Victoria, une ville si magnifique...
    Ce fut pour nous en tant que victimes le début d'un bourbier juridique qui a été une véritable épreuve pendant plus de 10 ans. Nous avons dû constater que le système est trop indulgent pour les criminels, d'autant plus que Kelly Ellard, celle qui a tué notre fille, a eu droit à des appels à répétition. Elle a mis notre vie en attente en épuisant toutes ses possibilités d'appel grâce à l'argent des contribuables.
    Mais nous nous réjouissons de voir que le gouvernement songe maintenant à s'occuper également des victimes, et non seulement des contrevenants. Je conviens d'ailleurs avec Bruno que la loi devrait traiter ces jeunes comme des adultes. S'ils commettent des crimes d'adulte, ils devraient être jugés en conséquence. De plus, la publication de leur nom les empêchera de pouvoir se cacher derrière le paravent de la loi, car les gens sauront qui ils sont et leur dossier ne sera plus sans tache.
    Nous travaillons maintenant à la prévention de la criminalité à Victoria. Nous visitons les écoles et les communautés pour parler directement aux jeunes afin de les inciter à vivre une existence saine et bien remplie, exempte d'intimidation et de violence. Nos démarches ne sont pas vaines. J'ai également écrit un livre qui raconte notre histoire. Nous la présentons aussi dans un DVD qui met l'accent sur le phénomène de la violence et de l'intimidation chez les jeunes. Il s'agit donc d'outils très efficaces, capables d'après moi de faire une différence dans la vie des jeunes.
    Nous espérons pouvoir continuer à travailler en ce sens afin d'encourager nos jeunes à s'épanouir pleinement en adoptant de saines habitudes de vie, plutôt que de gaspiller leur existence dans les affres de la drogue, de la solitude, de l'alcool et de la violence. À Victoria et en Colombie-Britannique, il y a beaucoup de sensibilisation à cet effet dans le réseau scolaire, et nous faisons notre part.
    Je laisse maintenant la parole à mon épouse.
    En tant que victimes de la criminalité, nous avons constaté qu'on ne cible pas suffisamment les crimes commis par ces jeunes et leurs impacts sur la population en général. Les deux jeunes qui ont assassiné notre fille avaient l'admiration de plusieurs. La violence est glorifiée dans les jeux vidéo et la musique rap; nous devons chercher à voir ce qui amène nos enfants à perdre le contrôle.
    Si nous avions des lois permettant de contrer ce problème, nos enfants y penseraient peut-être à deux fois avant de s'en prendre à quelqu'un d'autre. Il est de notre devoir de nous exprimer à ce sujet, car c'est là que la violence trouve son origine chez nos enfants. C'est à cause du secret qui entoure tous leurs agissements. Il ne fait donc aucun doute dans mon esprit que la société a le droit de connaître l'identité des jeunes qui commettent des crimes graves de manière à pouvoir s'en protéger. Le secret entourant leur identité n'est dans l'intérêt ni de l'adolescent ni de la société. Je pense que la divulgation de l'identité devrait être obligatoire pour tous les jeunes qui commettent des crimes graves.
    Nous avons pu constater au fil des ans que la plupart de ces jeunes ne vont pas changer avec le temps. Leurs agissements en tant qu'adolescents vont se répéter pendant le reste de leur existence. L'intervention précoce est donc cruciale, en commençant par des programmes et des services de counselling destinés aux jeunes. Nous voyons de plus en plus de cas de dépression et d'autres problèmes de santé mentale. Nous devrions faire le nécessaire à ce sujet également pour nos jeunes, plutôt que de nous contenter de les incarcérer quelque part sans leur procurer le soutien mental et l'attention dont ils ont besoin.
    Le spectre est plutôt large, mais comme nous discutons du système de justice pénale, je pense qu'il nous faut des peines plus lourdes. S'il n'en tenait qu'à moi, notre système judiciaire fonctionnerait en outre beaucoup plus rapidement car, comme l'indiquait mon époux, nous avons eu à vivre trois procès différents pour un seul et même crime. Comme cela nous apparaît tout à fait illogique, j'ose espérer que l'on pourra également proposer des solutions à ce sujet.
    Je vous remercie.
(1725)
    Merci à tous nos témoins.
    Monsieur Serre et monsieur et madame Virk, merci de nous avoir fait part de vos expériences personnelles. Nous vous encourageons à poursuivre vos efforts.
    Ici à Ottawa, nous faisons de notre mieux pour régler quelques-uns des problèmes de criminalité qui touchent le Canada et vos témoignages nous seront très utiles dans la poursuite de notre examen du projet de loi C-4.
    Merci à vous tous.
    La séance est levée.
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