Ceci est la 49e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne en ce mercredi 16 février 2011. La séance est télévisée.
Vous avez en main l'ordre du jour. Nous poursuivons notre étude du projet de loi . Après l'audition des trois témoins qui comparaissent aujourd'hui, nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi.
Avant de commencer, j'attire votre attention sur deux choses.
Nous avons reçu un courrier d'un témoin ayant comparu mercredi dernier clarifiant sa situation. L'ordre du jour indiquait que M. Randall Fletcher représentait le Bureau du procureur général de l'Île-du-Prince-Édouard. Vous vous souviendrez que la présidence avait cherché à confirmer au cours du témoignage de M. Fletcher que celui-ci représentait bien le procureur général, à la suite de quoi M. Fletcher a semblé confirmer qu'à sa connaissance le ministre avait pris connaissance de son mémoire. La semaine dernière, M. Fletcher a envoyé une note de clarification à la greffière. Je vous en fait lecture verbatim:
Hier, avant de faire mon exposé par vidéoconférence devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, j'ai informé la personne de qui je relève de la demande de présentation. Je n'étais pas certain que l'information avait été transmise au ministre et je n'avais pas eu l'occasion de clarifier la situation avant l'exposé. Lorsque j'ai été présenté comme représentant du ministère du Procureur général de l'Île-du-Prince-Édouard, j'ai pensé qu'une annonce pouvait avoir été faite en ce sens, car je ne m'étais pas présenté à ce titre dans mes messages. Je crois ce matin que la question n'a pas été portée à l'attention du ministre et j'aimerais préciser que les opinions que j'ai exprimées durant la séance ne représentent pas nécessairement celles du ministère. J'essaierai d'obtenir plus d'éclaircissements, mais j'aimerais dès à présent dissiper tout malentendu.
Voilà la fin de la citation. C'est juste pour le procès-verbal. Il tenait juste à ce que nous apportions ce rectificatif au procès-verbal.
Le deuxième point, avant de passer à l'audition de nos témoins, est que vous avez en main le huitième rapport du sous-comité de l'ordre du jour et de la procédure du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Lors de cette réunion, nous avons décidé d'entreprendre comme prochain travail l'étude du projet de loi , soit les modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, et il a été convenu que nous allions inviter 21 témoins environ à comparaître, soit pour la première fois soit pour un nouveau témoignage. Nous avons convenu que les panels ne comprendraient pas plus de trois groupes chacun par heure. Voilà votre huitième rapport. Je crois qu'il reflète fidèlement ce que nous avons décidé à cet égard.
Quelqu'un veut-il proposer l'adoption de ce rapport? M. Lemay propose.
(La motion est adoptée.)
Le président: Passant à nos témoins, nous recevons Julie McAuley, Craig Grimes et Mia Dauvergne, qui représentent Statistique Canada et viennent témoigner de nouveau.
Vous connaissez la procédure. Je ne sais pas si vous avez préparé un texte. Aimeriez-vous commencer? Nous aurons ensuite une période de questions des membres.
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Merci beaucoup, et merci de l'invitation à comparaître au sujet de la Loi sur la protection des enfants contre les prédateurs sexuels.
Statistique Canada ne prend pas position sur le projet de loi.
L'exposé que nous avons préparé contient nos données les plus récentes sur les infractions sexuelles commises sur des enfants portées à l'attention de la police et des tribunaux.
La version que nous présentons aujourd'hui diffère légèrement de la copie que nous vous avons transmise par avance. Au cours de la vérification, nous avons remarqué une anomalie dans les données que nous avons reçues du Québec; cette anomalie qui touche les diapositives 4, 5 et 6 de la présentation a été rectifiée.
Toutes les sources sont clairement indiquées au bas des diapositives, où figurent également des notes relatives aux données. Mes collègues, Mme Mia Dauvergne et M. Craig Grimes, m'aideront à répondre aux questions que vous pourriez avoir.
Je vous invite à passer à la diapositive 2 de la présentation.
Au moyen des données transmises par les services de police de tout le Canada, nous pouvons examiner les tendances des infractions sexuelles contre les enfants qui ont été déclarées par la police. Au cours des 10 dernières années, le taux du total des infractions contre les enfants déclarées par la police est resté relativement stable.
Les infractions sexuelles contre les enfants peuvent être groupées en deux catégories: les agressions sexuelles et les infractions sexuelles autres.
Le taux des infractions sexuelles contre les enfants déclarées par la police connaît un recul général depuis 2005, alors que celui des infractions sexuelles autres contre les enfants a augmenté au cours des deux dernières années.
À la diapositive 3, nous voyons les variations géographiques du nombre et du taux de victimes d'infractions sexuelles contre les enfants déclarées par la police.
En 2009, le taux le plus élevé de ces infractions au Canada a été enregistré dans le Nord. Alors que l'on utilise des taux afin que les tendances ne soient pas faussées par les variations de population, il importe de noter que le nombre absolu de ces infractions dans le Nord est considérablement moindre que dans la plupart des autres provinces.
La diapositive 4 donne un aperçu des infractions sexuelles contre les enfants selon l'âge de la victime. De façon générale, dans le cas des infractions sexuelles commises sur des enfants et des adolescents déclarées par la police, nous savons que les filles sont plus susceptibles que les garçons d'en être les victimes et que les adolescentes sont les plus exposées. Ce constat vaut aussi pour les victimes des agressions sexuelles déclarées par la police.
En 2009, davantage de filles que de garçons ont été victimes d'infractions...
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La diapositive 5 donne une vue d'ensemble de l'âge des victimes d'infractions sexuelles autres contre des enfants déclarées par la police. Alors que les filles sont plus susceptibles d'être victimes que les garçons, la distribution de l'âge des victimes est différente de ce que nous avons vu à la diapositive 4 qui concernait les agressions sexuelles. Alors que le nombre d'incidents concernant les garçons est relativement stable quel que soit l'âge, chez les filles le risque de victimisation atteint son sommet à l'âge de 13 ans.
Les trois diapositives suivantes montrent les données pour 2009 déclarées par la police intéressant la relation entre les victimes et les auteurs présumés de l'infraction. Comme vous le voyez, lorsque les enfants avancent en âge, la relation entre la victime et l'auteur présumé change: chez les plus jeunes, les auteurs sont le plus souvent les parents et d'autres membres de la famille, alors qu'à un âge plus avancé il s'agit le plus souvent de connaissances.
La diapositive 6 donne les chiffres pour les enfants âgés de zéro à cinq ans. Ici, nous voyons que les parents et d'autres membres de la famille représentent la majorité des auteurs présumés. En 2009, presque six garçons sur 10 et près de sept filles sur 10 victimisés l'ont été aux mains d'un membre de leur famille.
À la diapositive 7, nous voyons la relation de l'auteur présumé avec la victime pour les infractions sexuelles contre les enfants de six à 11 ans. Comme vous pouvez le voir, si les garçons et les filles dans cette tranche d'âge étaient toujours les plus susceptibles d'être victimisés par un parent ou un autre membre de leur famille, les proportions étaient moindres que chez les enfants plus jeunes. Par comparaison, les enfants de six à 11 ans, et particulièrement les garçons, étaient plus susceptibles que les enfants plus jeunes d'être victimisés par une connaissance. Autrement dit, la relation commence à se déplacer de la famille vers les connaissances.
La diapositive 8 montre la relation de l'auteur présumé avec la victime dans le cas des infraction sexuelles contre des enfants de 12 à 17 ans déclarées par la police. Nous voyons ici un recul encore plus grand de la proportion d'enfants victimisés par un membre de la famille et une augmentation de ceux victimisés par des connaissances et des étrangers. Ces chiffres montrent aussi que les adolescents sont trois fois plus susceptibles que les adolescentes de devenir victimes de personnes en situation d'autorité, telles qu'un enseignant ou un entraîneur.
Dans les années d'adolescence, nous constatons également une augmentation substantielle de la proportion d'infractions sexuelles sur des enfants commises par des étrangers, avec 10 p. 100 chez les garçons et 14 p. 100 chez les filles.
Le nombre de causes d'agressions sexuelles et d'autres infractions sexuelles réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes est resté relativement stable au cours des cinq dernières années. En 2008-2009, quelque 7 400 accusations d'agressions sexuelles ont été portées au Canada, dans le cadre d'environ 5 000 causes judiciaires.
Les données relatives aux agressions sexuelles recueillies auprès des cours criminelles ne nous permettent pas de distinguer entre celles commises contre des enfants et des adolescents et celles commises contre des adultes. De ce fait, il n'est pas possible de déterminer l'âge des victimes d'agressions sexuelles au moyen des données recueillies auprès des cours criminelles pour adultes. Cependant, nous savons d'après les données transmises par la police qu'environ la moitié des agressions sexuelles commises au Canada en 2009 l'ont été sur des enfants. La vaste majorité de ces agressions sexuelles étaient de niveau 1.
En 2008-2009, il y a eu environ 7 200 accusations d'infractions sexuelles autres, contenues dans environ 3 300 causes judiciaires.
Les causes mettant en jeu des infractions sexuelles contre des enfants souvent englobent aussi d'autres infractions. La diapositive 10 montre la proportion de déclarations de culpabilité à l'égard d'accusations d'agressions sexuelles et d'autres infractions sexuelles, quelle qu'ait été l'infraction la plus grave.
En 2008-2009, 32 p. 100 des causes comptaient une accusation d'agression sexuelle et 48 p. 100 comptaient une accusation d'infraction sexuelle autre ayant conduit à un verdict de culpabilité. Ces proportions sont restées relativement stables depuis 2000-2001.
La diapositive 11 indique la différence entre les types de peines imposées dans les causes d'agression sexuelle. En 2008-2009, l'emprisonnement a été la peine la plus lourde imposée dans environ 55 p. 100 des cas d'agression sexuelle. Cela représente une légère hausse par rapport à l'année précédente. Alors que la proportion des condamnations avec sursis est relativement stable depuis 2000-2001, le recours à la probation est en recul.
Comme on peut le voir dans la diapositive suivante, la plupart des peines de prison infligées dans les causes comportant une accusation d'agression sexuelle ayant donné lieu à un verdict de culpabilité étaient supérieures à trois mois mais inférieures à deux ans. La longueur médiane des peines d'emprisonnement a été d'environ un an.
Depuis 2000-2001, entre 23 et 27 p. 100 des condamnations pour agression sexuelle ont donné lieu à une peine de prison de deux ans ou plus — soit l'incarcération en pénitencier fédéral — comparé à seulement 4 p. 100 des peines imposées aux adultes en général. Ces peines d'emprisonnement plus longues peuvent être un indicateur de la sévérité avec laquelle les tribunaux traitent ces infractions.
La diapositive 13 montre la différence entre les types de peines imposées dans les cas d'infraction sexuelle autre. En 2008-2009, l'emprisonnement a été la peine la plus sévère imposée dans environ 65 p. 100 des causes mettant en jeu des infractions sexuelles autres. Cela représente une augmentation par rapport à l'année précédente et une poursuite de la tendance à la hausse constatée depuis 2003-2004. Le recours à la probation a diminué depuis 2003-2004 et en 2008-2009, elle a représenté la peine la plus lourde dans environ 18 p. 100 des causes mettant en jeu des infractions sexuelles autres. Le recours à une peine avec sursis a également reculé au cours des quatre dernières années.
À la diapositive 14, nous voyons que la répartition des peines d'emprisonnement pour des infractions sexuelles autres a évolué depuis 2005. On remarque une augmentation des peines d'emprisonnement de trois mois ou moins et une baisse des peines d'emprisonnement de durée supérieure à trois mois et inférieure à deux ans. Cette évolution a commencé en 2005 et coïncide avec l'introduction de peines minimales obligatoires pour plusieurs infractions dans cette catégorie.
Je vous remercie encore une fois de l'invitation à comparaître devant le comité. Ceci clôt mon exposé.
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins. Cela a été un rapport très intéressant et je veux vous remercier de nous avoir donné les statistiques pour une période aussi longue. Mon impression générale est que la plupart des diapositives que vous avez montrées font apparaître une situation relativement statique sur le plan des infractions sexuelles.
J'ai une question d'ordre général. On a beaucoup parlé des infractions non déclarées. Je sais que vous appartenez à Statistique Canada, et je vais donc vous laisser répondre à loisir et à votre guise, mais je soupçonne que vous ne pouvez pas réellement nous dire quels crimes restent non signalés; à tout le moins, ils ne sont pas compris dans ce jeu de diapositives. Je vous permettrai de répondre à cela à la fin, car j'ai des questions plus précises intéressant votre présentation.
À la page 13, nous voyons une augmentation considérable des peines d'emprisonnement — je dirais de 15 p. 100 ou plus — après 2006. J'imagine que c'est le résultat de modifications de la loi, mais vous pouvez peut-être me renseigner. La courbe verte est ascendante.
À la page 14, la courbe bleue fléchit. Elle représente les peines de prison de plus de trois mois et de moins de deux ans. Je crois vous avoir entendu dire que ce fléchissement est dû aux peines minimales obligatoires introduites en 2005.
Pouvez-vous m'éclairer? Vous l'avez dit, mais je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi la relation. Pouvez-vous donner quelques explications supplémentaires?
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Tout d'abord, veuillez me pardonner pour mon retard. J'ai fait tout mon possible, mais j'ai dû rencontrer, après la période des questions orales, des journalistes qui voulaient absolument avoir des explications sur ce qui s'était passé hier soir en comité, ainsi que des gens qui avaient travaillé sur cette question.
J'aimerais aussi souligner que j'ai vu cette information pour la première fois ici. Même si j'en avais pris connaissance plus tôt, il serait quand même impossible de se faire une idée juste de la signification de ces statistiques. Pourtant, j'y accorde énormément d'importance. Je connais Statistique Canada et je suis persuadé qu'il s'agit d'un des meilleurs organismes au monde, en général. Je lis souvent les publications de cet organisme.
Par contre, des statistiques semblables ne se lisent pas comme vous venez de nous les lire. Il faut les regarder, sinon on n'en retient que quelques aspects. J'avais demandé qu'on reçoive ce document un peu à l'avance. Je ne sais pas à quel moment on l'a reçu, mais je pense que mon assistante l'a reçu hier, alors que j'ai siégé jusqu'à 22 h 30 à un comité. Alors, quand on vous demande de nous les envoyer dans un certain délai, je vous serais reconnaissant que ce soit un peu plus tôt.
Je ne vois pas en quoi cela va m'aider dans la mise aux voix que nous allons faire cet après-midi même, et c'est bien dommage.
Des avocats de la défense nous ont dit, au cours de nos audiences, que les tribunaux avaient établi comme principe qu'en matière d'infractions sexuelles contre des enfants, la règle était l'incarcération. J'ai l'impression que ce n'est pas ce qu'on trouve dans vos statistiques.
Pourriez-vous m'éclairer à cet égard?
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Je préfère être très clair dès le début. L'étude que j'ai faite et les témoignages que j'ai entendus m'ont convaincu que cette loi, dans son ensemble, est une bonne loi. Exceptionnellement, je suis prêt à reconnaître que les peines minimales poursuivent un objectif légitime, parce qu'il s'agit d'enfants et que ce sont les victimes les plus vulnérables. Il s'agit aussi de victimes pour lesquelles les infractions sexuelles, ou même les infractions en général, ont les conséquences les plus graves et les plus longues.
C'est aussi parce que j'accepte que dans tous les cas où il y a des peines minimales, la nécessité de dénoncer le crime et d'imposer une punition et un choc à la personne qui a commis les infractions est importante, même si on sait que dans certains cas cela n'aura pas d'influence, éventuellement, sur leur taux de récidive. Remarquez que dans ces cas, la punition est encore plus justifiée.
Il est certain, et je l'ai dit à l'occasion de l'étude de bien d'autres projets de loi, que j'ai un préjugé défavorable à l'égard des peines minimales. J'ai déjà, dans d'autres circonstances, montré dans quelle direction épouvantable cela nous amène, jusqu'où cela a conduit des pays qui ont adopté systématiquement les peines minimales. Comme je l'ai dit, nous n'avons pas de position doctrinaire ici. Nous sommes prêts à reconnaître les peines minimales lorsqu'elles sont justifiées. Dans ce cas, nous estimons qu'elles le sont.
De plus, j'ai fait une étude attentive du projet de loi et j'ai remarqué qu'il avait quand même été soigneusement conçu et qu'il y avait une rationalité réelle entre les minimums qui sont choisis par acte d'accusation et par déclaration sommaire de culpabilité quant à la gravité des infractions visées. L'éventail est très large. Il va de 15 jours à cinq ans. Quand il est à cinq ans, c'est quand même pour des infractions qui sont des agressions sexuelles armées avec violence, et de l'inceste envers un enfant de moins de 16 ans. Encore là, nous avons entendu des témoignages lundi dernier et certains autres bien avant cela. J'accepte leur raisonnement, particulièrement celui de M. Van Gijseghem, qui disait que, même si c'est étrange, il y a des enfants qui se rétablissent.
Enfin, je veux dire que les chances de récidive dans les cas d'inceste n'est pas très grand. Par contre, les conséquences vécues chez les victimes sont généralement très fortes, de telle sorte que, dans bien des cas, les peines minimales sont bien mesurées pour agir sur la récidive éventuelle des condamnés et aussi selon la gravité des infractions.
Cependant, une chose m'inquiète toujours dans le cas des peines minimales. Selon mon expérience de praticien depuis 1966 en matière de droit criminel, et selon des expériences faites dans d'autres pays où il y a de telles peines minimales, celles-ci amènent des juges, dans certaines circonstances, à ne pas imposer la peine qu'ils estimeraient juste et équitable. On trouve, finalement, lorsqu'on n'y a pas pensé assez, des cas qui auraient justifié ou qui ne justifieraient pas la peine minimale que le juge doit imposer.
Dans d'autres pays du Commonwealth, comme dans certains États américains, certains articles prévoient que lorsque le juge constate qu'il y a des circonstances exceptionnelles, il n'est pas obligé d'imposer la peine minimale, à la condition, cependant, de bien consigner et de bien expliquer les circonstances exceptionnelles qui justifient, d'après ce juge, cette décision.
Cela a évidemment l'avantage de ne pas obliger un juge à imposer une peine qu'il estime injuste, mais aussi cela a l'avantage, quand on étudie l'utilisation de cet article, de voir si les minimums sont bel et bien justifiés ou pas. Ça permet un examen, comme cela se fait dans d'autres juridictions où de tels articles existent. Il s'agit de cas exceptionnels difficiles à prévoir.
S'il y a bien un endroit où ça risque d'arriver, c'est bien dans le cas de l'article que nous examinons actuellement. Je comprends parfaitement les peines minimales prévues aux alinéas 151a) et b), je sais ce que l'on vise. On vise, évidemment, des touchers à des fins sexuelles sur des enfants. La plupart du temps, d'ailleurs, quand ces touchers sont révélés, ils ont été continuels et ils seront nécessairement importants dans l'évolution de l'enfant, dans les souffrances qu'il va subir pendant une bonne partie de sa vie.
Cependant, il est impossible de décrire cette infraction sans couvrir — et c'est ce que nous faisons — un toucher occasionnel dans des circonstances particulières. Vous aurez remarqué que les vrais experts qui sont venus témoigner sont ceux qui ont consacré leur vie à examiner cette question. Je parle de M. Van Gijseghem et de M. Quinsey, qui ont corrigé certaines de nos impressions. Ils nous disaient que les infractions sexuelles sur des enfants sont commises par des pédophiles dans 20 p. 100 des cas. Dans 15 p. 100 des cas, ils le sont par des psychopathes. Il y a donc quand même ces tendances chez des gens qui n'ont pas ces caractéristiques. La loi est importante pour les punir et les décourager de recommencer. La loi est prévue pour ça.
Il est certain que la personne qui commence à toucher des enfants avec une intention sexuelle pendant un certain temps ou en prenant une décision mérite une peine minimale.
Toutefois, on peut imaginer qu'une personne qui n'avait jamais décelé cela chez lui, ou n'était jamais passé à l'acte, le fasse au cours d'une fête à cause de l'alcool ou d'autres raisons. Il pourrait y avoir d'autres circonstances. Ce pourrait être des gens qui ont à peu près le même âge. Un seul toucher ne pourrait justifier de les envoyer en prison.
Il pourrait y avoir aussi d'autres circonstances présentées au juge, mais je me dis que dans toutes les infractions que j'ai examinées, il n'y a que celle-là où je vois une possibilité réelle qu'un juge estime qu'une peine d'emprisonnement serait injuste et non productive.
Je propose mon amendement uniquement lorsqu'il y a un toucher. Dans le cas où on invite un jeune à nous toucher, il s'agit d'une démarche criminelle qui est plus grave qu'un toucher qui pourrait n'être qu'un geste rapide.
Pour le rédiger, j'ai demandé au légiste de s'inspirer de diverses législations qui contiennent des articles semblables. C'est pourquoi il a pris cette forme. Je le cite:
[...] le tribunal peut infliger une peine de détention d'une durée inférieure à la peine minimale s’il est d'avis que des circonstances exceptionnelles se rattachant au délinquant ou à la nature de l'infraction le justifient; le cas échéant, le tribunal est tenu de donner par écrit ses motifs lors du prononcé de la peine et de les faire inscrire au procès-verbal de l'audience.
Je soulèverai un autre élément un peu plus loin, pour justifier cela. Dans ce cas, exceptionnellement, mon parti et moi-même estimons et nous acceptons que c'est un des rares cas où les peines minimales sont justifiées. C'est aux deux extrêmes qu'on a actuellement des minimums que je trouve acceptables. Il s'agit d'abord des cas de meurtres, parce que c'est l'infraction la plus grave, celle qui affecte le plus les victimes. À l'autre extrémité, on a de courts minimums pour des récidives. Ces gens peuvent en effet, dans le cas de crimes qui ne sont pas commis uniquement par des gens qui ont un passé criminel ou une habitude criminelle, être menacés d'un court minimum, ce qui peut véritablement avoir un effet sur la possibilité de récidive ou pas. C'est le cas de la conduite avec les facultés affaiblies. Le minimum pour une première infraction est de 15 jours, et pour une autre infraction, c'est de 90 jours. Les études criminologiques que j'ai vues depuis une trentaine d'années démontrent que cela peut avoir un effet. Entre autres, lors de la condamnation pour la première infraction, la personne doit être avertie que la prochaine fois, il y aura un autre minimum.
Dans ce cas, c'est vraiment à cause des effets sur les victimes et du fait qu'il s'agisse d'enfants.
On a appris une autre chose: prison ou pas, traitement ou pas, il est d'abord extrêmement difficile d'établir les traitements qui ont des chances sérieuses d'amener les gens à ne pas récidiver. Il est très aléatoire que cela puisse avoir des effets ou pas, d'où la nécessité de la dénonciation et du choc que doit subir le délinquant dans ce domaine. Cela peut être salutaire et l'empêcher de recommencer. De plus, il est généralement reconnu par la société dans laquelle on vit, et par toutes les sociétés du monde, que la protection des enfants contre ce genre de crime est presque aussi importante que la protection de la vie.
Merci de nous avoir présenté votre amendement. J'ai une ébauche de décision de la présidence avant que n'interviennent les autres membres du comité ici.
Il s'agit d'une décision, et non pas d'une ébauche de décision. C'est bel et bien une décision.
Le projet de loi modifie le Code criminel pour augmenter ou imposer des peines minimales obligatoires pour certaines infractions d'ordre sexuel à l'égard d'enfants. Cet amendement a pour objet de permettre à la cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire et de choisir une peine inférieure à la peine minimale énoncée dans le projet de loi.
On peut lire ce qui suit dans la deuxième édition, 2009, de
La procédure et les usages de la Chambre des communes:
Principe et portée: Un amendement à un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture est irrecevable s'il en dépasse la portée et le principe.
De l'avis de la présidence, l'introduction du concept de la discrétion est contraire au principe du projet de loi , et est, en conséquence, irrecevable.
Voilà quelle est ma décision.
Allez-y, monsieur Ménard.
Je vais commencer par dire que je suis très encouragé et optimiste par suite des commentaires de M. Ménard et qui semblent être l'expression sincère du fait que son coeur a été touché par les supplications des victimes que nous entendons si souvent au comité et qui appuient l'imposition de peines minimales obligatoires, et au moins du fait que son coeur a été touché par les supplications des victimes d'agressions sexuelles contre un enfant.
Je lui suis très reconnaissant s'il peut maintenant clairement envisager, comme il dit pouvoir le faire, d'appuyer une peine minimale obligatoire, et même d'user de ses vastes pouvoirs de persuasion pour convaincre le reste de son caucus de l'appuyer. Cependant, je pense que sa plume a trahi son coeur, et que quelque part, entre sa décision d'accepter des peines minimales obligatoires pour protéger les victimes d'agressions sexuelles contre des enfants et l'élaboration de cet article, sa plume s'est égarée, car cet article n'imposerait pas une peine minimale obligatoire. Une peine minimale obligatoire qui n'est pas obligatoire ne constitue pas une peine minimale obligatoire. J'aimerais bien pouvoir dire cela en français, pour être bien certain que la traduction soit claire.
J'ai été heureux que M. Comartin précise pour M. Ménard que cette exception relative à la proximité d'âge protégera les auteurs de certains actes qui préoccupaient M. Ménard. J'ai également été heureux que la fonctionnaire du ministère de la Justice ait expliqué à M. Ménard qu'il s'agit ici d'un article visant une infraction d'intention spécifique, ce qui signifie que le fait de toucher accidentellement ne requiert aucune protection contre une peine minimale obligatoire. Il n'y aura aucune condamnation.
J'espère que M. Ménard votera avec son coeur et acceptera l'article comme établissant une peine minimale obligatoire véritable. Et j'ai un grande admiration pour les gens du Québec et leur intelligence. Je suis convaincu que les gens du Québec sauront qu'une peine minimale obligatoire qui n'est pas obligatoire ne constitue pas vraiment une peine minimale obligatoire.
Le respect que j'ai pour leur intelligence est telle que je sais qu'ils verront à travers cela. Je suis certain que ce sera également le cas de M. Ménard.
Merci.
Ce double amendement fait passer de 45 jours à un an la peine obligatoire minimale proposée à l'alinéa 151a) et de 14 jours à 90 jours la peine minimale obligatoire pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire à l'alinéa 151b).
Ma question s'adresse aux fonctionnaires. J'ai à l'esprit que les données que Statistique Canada vient de nous fournir montrent qu'il y a eu, au cours des 10 dernières années, quelque 7 000 condamnations pour contacts sexuels. Chacune de ces condamnations, pour lesquelles le tribunal imposerait la peine obligatoire, enverrait par définition l'intéressé dans un établissement provincial et non pas fédéral. Les peines d'un an ou de 90 jours sont purgées en établissement carcéral provincial et non pas fédéral, alors le coût total serait subi par les provinces.
Ma question est la suivante: le ministère a-t-il établi ce que cela pourrait coûter aux provinces? Deuxièmement, y a-t-il eu quelque consultation des autorités provinciales au sujet de ces coûts, avant que nous n'allions de l'avant et leur imposions cette mesure?
Si Mme Morency ou M. Villetorte ne peuvent pas répondre à cette question, peut-être que M. Dechert le pourra.
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Comme vous l'avez souligné dans votre question, oui, l'augmentation proposée de la durée des peines est telle que les peines demeureraient inférieures à deux ans, ce qui voudrait dire qu'elles seraient purgées en établissement provincial, de telle sorte que le projet de loi ajouterait à ce qui existe déjà.
Les fonctionnaires ont-ils fait une évaluation de ce que pourraient être les ramifications? Oui, nous avons fait ce travail. Ces renseignements ont été fournis, et la décision prise est reflétée dans le projet de loi que vous avez devant vous. Je sais qu'il y a une motion sur le coût des projets de loi anticriminalité et que l'on est en train d'en débattre à la Chambre; ce sera peut-être là une autre occasion d'obtenir les autres informations plus spécifiques.
Et, non, il n'y a pas eu, lors de l'élaboration du projet de loi , de consultations particulières à cet égard. Cependant, cela étant dit, il est juste de dire qu'au fil du travail que nous faisons dans le domaine de la réforme du droit pénal, nous oeuvrons étroitement avec nos homologues provinciaux et territoriaux, et il serait juste de dire qu'il y a de manière générale eu au cours des ans un appui en faveur de mesures de renforcement du droit pénal relativement à l'abus sexuel d'enfants. Lorsqu'il y a désaccord, que ce soit ici ou dans le cadre d'autres tribunes, cela tend à concerner davantage la façon d'y parvenir.
Cela étant dit, il y a un appui général. Nous n'avons cependant pas mené de consultation visant expressément le projet de loi C-54.
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Eh bien, pour clarifier les choses concernant les statistiques que nous venons d'entendre, nous avons évidemment accès aux mêmes statistiques que celles fournies au comité. Nous avons accès également à des rapports plus anciens.
Vous avez entendu qu'il est difficile à partir de l'enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes de ventiler le nombre des agressions sexuelles en général entre celles commises sur des enfants et celles touchant des adultes, et c'est une difficulté à laquelle je ne puis guère remédier pour tenter de fournir de meilleurs renseignements au comité.
Cependant, dans le cadre des engagements que j'ai pris lors de ma dernière comparution, j'ai fourni au comité le rapport intitulé « Les enfants et les jeunes victimes de crimes violents déclarés par la police, 2008 ». Il a été publié en 2010 par le Centre canadien de la statistique juridique. En ce qui concerne les trois infractions générales d'agression sexuelle — les articles 271, 272 et 273 — ce rapport donne un chiffre ventilé qui indique que 80 p. 100 des causes jugées intéressant des victimes juvéniles portaient sur ces trois infractions générales d'agression sexuelle.
Je ne suis pas en mesure de donner au comité une ventilation plus fine, pas plus que le CCSJ, mais lorsqu'il s'agit de savoir combien il y a de victimes juvéniles, on peut se faire une idée, par exemple, des répercussions de poursuites en vertu de l'article 271. Le ministre a mentionné le même chiffre lors de sa comparution.
Pour ce qui est des autres statistiques que le CCSJ a fournies au comité, lorsqu'il s'agit d'une infraction commise spécifiquement contre un enfant, il est très facile de savoir que la victime est un enfant car vous avez un critère d'âge. La difficulté avec l'une des questions était la détermination de l'âge du contrevenant. Nous considérons le nombre des infractions — les infractions déclarées — le nombre de contrevenants condamnés pour une infraction donnée, et peut-être les données disponibles sur la durée moyenne ou médiane des peines prononcées. Nous examinons tout cela.
Le comité pourrait considérer, par exemple, la présentation des témoins précédents, que vous avez sous les yeux. Vous y voyez le nombre d'incidents déclarés pour les différentes infractions sexuelles contre les enfants. Cela donne au comité une idée de l'évolution constatée sur cette période et du nombre de contrevenants accusés ou jugés au titre de ces différentes infractions. On peut tirer quelques paramètres de ces données, que nous utilisons également.
Bien sûr, les services correctionnels fédéraux, tout comme les provinciaux, peuvent effectuer des calculs sur la base de leur propre population carcérale, mais cela n'est pas de mon ressort.
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Ce ne sont que des questions.
En guise de commentaire sur cet article, je pense que la difficulté que nous avons à l'évaluer est la suivante. M. Ménard a fait ressortir le caractère problématique d'une approche uniforme, d'autant que tous les partis s'étaient prononcés en faveur des peines minimales obligatoires de la loi antérieure, y compris le Bloc à l'époque. Les statistiques que nous voyons, et pratiquement tous les témoignages que nous avons entendus, indiquent que ce genre d'infraction devrait donner lieu à une peine d'emprisonnement. Les statistiques montrent que, effectivement, dans la vaste majorité des cas, une peine de prison est infligée.
Cependant, le véritable problème — et c'est ce que nous disent en substance les psychologues qui ont passé toute leur carrière à travailler sur ces dossiers — est qu'il est réellement important, et je pense absolument obligatoire, que la peine soit adaptée à l'individu. Lorsque vous optez pour ces solutions qui cherchent à caser tout le monde dans la même boîte, cela ne fonctionne tout simplement pas.
Cela étant, monsieur le président, je ne vais évidemment pas souscrire à ces peines minimales obligatoires dans ce cas-ci.