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Merci, monsieur le président.
Chers collègues, madame l'ombudsman, mesdames et messieurs, je suis honoré d'avoir l'occasion de me présenter aujourd'hui devant le comité afin de parler des importantes modifications de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition que j'ai proposées au moyen du projet de loi .
Tout d'abord, j'aimerais saluer la secrétaire parlementaire, la députée , de même que tous les membres du comité qui ont pris la parole durant la deuxième lecture du projet de loi à la Chambre des communes. Je leur suis sincèrement reconnaissant de leur dévouement à l'égard des victimes, de même que des commentaires qu'ils ont formulés durant le débat, et que j'ai pris très au sérieux.
Monsieur le président, je tiens également à souligner le bon travail qu'effectuent les professionnels de notre système correctionnel. Ces gens, particulièrement ceux qui travaillent au sein de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, méritent notre reconnaissance, car ils travaillent fort et prennent des décisions extrêmement difficiles afin d'assurer la sécurité de nos collectivités.
À propos de professionnels, j'aimerais remercier et saluer Sue O'Sullivan, ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, qui s'adressera après moi au comité. Je lui suis reconnaissant des conseils qu'elle m'a prodigués au moment d'élaborer le projet de loi et qu'elle m'ait fait profiter de sa sagesse. Les fonctions de chef adjointe qu'elle a occupées au sein d'un service de police et le travail communautaire qu'elle a effectué auprès des victimes lui ont procuré de précieux atouts qu'elle peut mettre à profit dans le cadre de son rôle actuel, et dont elle a fait profiter tous les Canadiens, y compris moi-même, car, comme je l'ai expliqué, elle m'a aidé à rédiger le projet de loi.
J'aimerais également souligner tout particulièrement la présence de mon ancien adjoint législatif, Stephan Rose, qui a pris une journée de congé pour être parmi nous aujourd'hui. Il a passé de nombreuses heures à m'aider à concevoir le projet de loi, et il mérite qu'on le félicite publiquement pour son dévouement à l'égard des victimes au Canada.
Monsieur le président, d'abord et avant tout, j'aimerais mentionner, comme je l'ai fait chaque fois que j'ai eu l'occasion de parler à la Chambre des communes du présent projet de loi visant à ce que les victimes d'actes criminels violents soient traitées avec équité, les raisons pour lesquelles j'ai déposé ce texte législatif. Comme vous avez déjà entendu ces raisons, je n'entrerai pas dans les détails. Cependant, aux fins du compte rendu, j'évoquerai ce qui a orienté mes efforts et m'a insufflé la passion requise pour rédiger le projet de loi.
Au fil des ans, depuis mon élection en 2006, un certain nombre de personnes m'ont téléphoné, m'ont transmis des courriels et se sont présentées devant moi pour me sensibiliser à l'égard du déséquilibre qui existe au sein de notre système de justice en ce qui a trait à la manière dont les victimes et les délinquants sont traités et aux droits accordés à chacun. Cette question est devenue pour moi une préoccupation de nature politique, et j'ai commencé à en discuter avec mes collègues et avec des ministres afin de déterminer ce qu'il était possible de faire pour remédier au problème.
Toutefois, aucune de ces discussions n'a eu sur mes efforts une incidence aussi déterminante que celle qu'a eue une expérience que j'ai vécue durant l'été de 2010. Des mandants de la collectivité où je réside, à savoir Ancaster, en Ontario, m'ont invité à assister à une audience de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. L'audience concernait Jon Rallo, qui est le beau-frère de l'une de mes mandantes et qui a assassiné sa soeur, sa nièce et son neveu. Cette femme et son conjoint, dont la générosité est reconnue dans notre collectivité, voulaient que, en tant que député fédéral, je puisse observer par moi-même le processus qu'ils doivent subir chaque année ou aux deux ans depuis beaucoup trop longtemps, que je constate dans quelle mesure ils ont la possibilité de se faire entendre dans le cadre de l'audience — c'est-à-dire pour l'essentiel, par le truchement de la déclaration de la victime —, et que je prenne connaissance de toutes les facettes, aussi brutales soient-elles, d'une audience de la commission. Monsieur le président, je peux vous dire que nul ne peut imaginer le supplice que représente pour une victime le fait de lire sa déclaration s'il n'a pas assisté à un tel événement.
Chaque fois que M. Rallo a présenté, dans le cadre du processus actuel, une nouvelle demande de libération conditionnelle, mes deux mandants ont dû passer par un tel processus. Je les ai accompagnés de nouveau à l'audience de 2011, puis à la dernière en date, qui a été tenue à l'été de 2013 à l'établissement fédéral de Gravenhurst, en Ontario. De telles audiences ne sont jamais faciles à vivre. Chaque fois, cette femme tente de toutes ses forces de garder son calme, mais inévitablement, avant de prononcer le moindre mot, le processus fait remonter à sa mémoire un crime commis il y a plus de 30 ans, et elle se met à pleurer. Sa soeur, sa nièce et son neveu ont été victimes d'un triple meurtre violent et crapuleux commis par le mari de sa soeur, M. Rallo. Après avoir tué son épouse, ce criminel violent a étranglé ses deux jeunes enfants, un garçon de six ans et une fille de cinq ans. La dépouille de son fils n'a toujours pas été retrouvée.
À chaque audience de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, ma mandante pose la même question à M. Rallo: pourquoi as-tu assassiné les membres de ta famille et qu'as-tu fait du corps de ton fils? Elle n'a jamais obtenu la moindre réponse. En dépit du fait qu'il a été déclaré coupable de ce triple meurtre sur le fondement d'éléments de preuve très substantiels et très évidents, M. Rallo n'éprouve aucun remords et n'a jamais reconnu sa culpabilité. À chaque audience, il reste de glace pendant la lecture de la déclaration de la victime.
Monsieur le président, malgré la douleur manifeste qu'éprouvent ma mandante, ses parents et son mari, ils estiment avoir le devoir impérieux d'assister en famille à chaque audience. Ils ressentent le besoin de le faire pour honorer la mémoire des trois membres de leur famille qui sont disparus.
Monsieur le président, je crois que cette famille est assez représentative de chaque famille canadienne qui se trouve dans une situation semblable. Je peux attester que toutes les personnes qui ont perdu des êtres chers aux mains de criminels que j'ai eu l'occasion de rencontrer m'ont dit qu'elles avaient subi un traumatisme du même ordre, et qu'elles avaient éprouvé une même douleur, un même sentiment d'impuissance et le même ferme sentiment du devoir.
Monsieur le président, à mes yeux, cela montre de façon extrêmement convaincante que, beaucoup trop souvent, le processus fédéral de libération conditionnelle oblige — involontairement, je crois — les victimes et les membres de leur famille à revivre leur cauchemar. Déterminés à faire en sorte que l'on donne plus de place aux victimes au sein du processus de libération conditionnelle et à ce que l'on modifie ce processus, je me suis adressé à des défenseurs des droits des victimes, à des agents d'exécution de la loi et à des juristes au moment d'effectuer des recherches en vue d'élaborer le projet de loi. Ces gens s'entendaient tous pour dire que les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition étaient peut-être appropriées au moment où elle a été promulguée, à savoir en 1992, mais qu'elles n'étaient plus pertinentes au sein de la société canadienne d'aujourd'hui, où l'on souhaite que les victimes soient traitées avec respect et dignité.
Pour m'assurer que mon projet de loi soit bien documenté et bien conçu, j'ai discuté à maintes occasions avec l'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels. J'ai fait une étude approfondie du rapport intitulé Répondre aux besoins des victimes d'actes criminels au Canada, qu'elle a publié en juin dernier. Les recommandations qu'elle a formulées concernant le droit des victimes d'exiger de bonnes communications dans l'ensemble du système, le recours à la technologie aux fins de la présentation des déclarations des victimes durant les audiences de la Commission et le fait de veiller à ce que le processus de libération conditionnelle tienne davantage compte des besoins des victimes ont trouvé leur expression dans le projet de loi . Compte tenu de son expertise, je lui laisserai le soin d'établir de façon plus claire les parallèles pertinents.
Cela dit, je ne me suis pas fondé sur sa seule expertise pour concevoir le projet de loi. Mon personnel et moi avons passé beaucoup de temps à discuter avec des juristes, et nous sommes d'avis que le texte législatif que nous avons rédigé repose sur des assises juridiques et constitutionnelles solides. Il vise la modernisation de neuf dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
En outre, nous nous sommes inspirés de ce qui se fait en la matière dans d'autres administrations. La loi sur les droits des victimes que la Nouvelle-Zélande a adoptée en 2002 a été un modèle pour le reste du monde. Les droits des victimes sont également enchâssés dans les dispositions correspondantes de la loi néo-zélandaise de 2002 sur la libération conditionnelle, et nous proposons quelque chose d'assez semblable au moyen du projet de loi . De surcroît, comme la loi néo-zélandaise, mon projet s'est fondé sur le soutien et le respect que l'on doit accorder aux victimes.
En 2009, le ministre de la Justice de la Nouvelle-Zélande a lancé une vaste consultation publique en vue d'accroître l'ampleur du soutien offert aux victimes au sein du système de justice. C'est pour cette raison, monsieur le président, que j'étais très heureux que, l'été dernier, la secrétaire parlementaire et le ministre annoncent la tenue d'une consultation du même ordre.
Je ne mentionnerai pas tous les points communs entre le projet de loi et la loi adoptée en Nouvelle-Zélande, mais je soulignerai que, comme on l'a fait là-bas, nous avons proposé une modernisation du processus passant par le recours à la technologie, à la vidéoconférence et aux télécommunications aux fins de la présentation des déclarations dans les bureaux régionaux. Cela vise expressément à faire en sorte que les victimes aient une véritable occasion de se faire entendre durant le processus, mais également à atténuer le caractère pénible qu'il peut avoir pour les victimes et leur famille de façon à éviter qu'elles soient de nouveau victimisées. Le projet de loi relatif aux victimes d'actes criminels présenté au Parlement de la Nouvelle-Zélande comportait des dispositions semblables.
Monsieur le président, ce projet de loi, que le Parlement de la Nouvelle-Zélande a adopté en 2013, comprenait des mesures visant à améliorer le système de communication de renseignements aux victimes qui trouvent leur pendant dans le projet de loi , lequel prévoit que les victimes auront un accès accru à l'information touchant les progrès qu'effectuent les délinquants dans le cadre de leur plan correctionnel et aux documents pertinents.
Nos confrères néo-zélandais ne sont pas les seuls à s'être penchés sur la question. Le rapport du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels renferme un examen des dispositions législatives adoptées aux États-Unis aux échelons fédéral et étatique, du code de déontologie en vigueur au Royaume-Uni et des directives européennes de 2012 touchant le soutien et la protection à offrir aux victimes.
En mentionnant ces exemples, je ne veux pas laisser entendre que le Canada doit se contenter de suivre la parade — il doit plutôt être un chef de file mondial en matière de droit des victimes, surtout des victimes de crimes violents. Cependant, je tenais à faire ressortir qu'un débat semblable a lieu dans d'autres pays du monde, plus particulièrement les autres pays du Commonwealth et des pays alliés du Canada. Ainsi, les efforts que nous déployons sont appropriés et viennent à point nommé.
Monsieur le président, chers collègues, nous devons absolument comprendre que le projet de loi vise à aider les victimes à mieux se faire entendre au sein du système de justice et à doter la Commission des libérations conditionnelles du Canada d'un plus grand nombre d'outils d'évaluation des délinquants. Cela dit, le projet de loi ne concerne pas des délinquants quelconques — je vous prie de garder présent à l'esprit que les dispositions dont il est question et que la nouvelle latitude que nous conférons à la Commission des libérations conditionnelles du Canada ont trait à des délinquants qui ont causé de graves préjudices physiques à d'autres personnes, qui ont mutilé des gens à vie, qui ont fait une tentative de meurtre ou qui ont effectivement tué une ou plusieurs personnes. Il s'agit, non pas exclusivement, mais essentiellement, de gens comme Clifford Olson, qui a fait un nombre effroyablement élevé de victimes; David Shearing, qui a tué tous les membres d'une même famille; David Dobson, qui a sauvagement assassiné Darlene Prioriello; et les frères Munro, qui ont enlevé et tué par balles le constable Michael Sweet.
La Commission des libérations conditionnelles du Canada devrait être en mesure d'accroître l'ampleur de son examen lorsqu'elle a affaire à une personne qui a commis un crime haineux et qui n'a que très peu de chances de se voir accorder une libération conditionnelle. À coup sûr, monsieur le président, la commission devrait disposer d'un pouvoir discrétionnaire plus vaste dans les cas où un délinquant viole les conditions de sa mise en liberté ou commet carrément un nouveau crime après s'être vu accorder une libération conditionnelle.
Il s'agit non seulement d'une question d'équité à l'égard des victimes, mais également, de façon plus générale, d'une question de sécurité publique.
Monsieur le président, j'en suis arrivé au point où, pour moi, la boucle est bouclée. Nous pouvons nous pencher sur les faits, sur l'expérience vécue par d'innombrables victimes, sur les précédents, sur les mesures que prennent d'autres pays et sur le libellé du texte législatif, mais en fin de compte, lorsqu'il s'agit de victimes de crimes violents, ce dont il est question, c'est de personnes. Les personnes ne sont pas de simples statistiques, et elles ne sont pas un fardeau pour notre système. Le système de justice est déjà suffisamment intimidant, de sorte que les victimes ne devraient jamais avoir l'impression de n'être qu'un rouage de la machine. Il s'agit d'un processus très personnel, très émotif.
Je demande instamment au comité de ne jamais perdre cela de vue durant son étude du projet de loi . Oui, nous devons étudier le projet de loi, et nous devons nous assurer qu'il permet de moderniser la loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, comme il se doit.
Monsieur le président, chers collègues, j'accueillerai favorablement toute modification qui est bien intentionnée et qui renforce le libellé et le fondement du projet de loi. Nous devons unir nos efforts afin de renforcer le texte législatif au moyen des modifications requises, mais nous ne devons jamais porter atteinte à l'honneur des personnes les plus touchées par des crimes violents ni minimiser l'importance de ce qu'elles ont vécu — ces gens n'ont jamais demandé qu'un événement malheureux leur arrive et ils feraient n'importe quoi pour que cela ne se soit jamais produit. Ces personnes sont des victimes, et le projet de loi a été conçu pour elles.
Merci beaucoup.
Monsieur le président, membres du comité, bonsoir. Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui pour vous parler du projet de loi , la Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
J'aimerais d'abord vous donner un bref aperçu du mandat de notre bureau. Le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a été créé en 2007 pour donner une voix aux victimes à l'échelon fédéral. Nous le faisons: en recevant et en examinant les plaintes de victimes; en fournissant des renseignements et des références aux victimes d'actes criminels en vue de promouvoir et de leur faciliter l'accès aux programmes et aux services fédéraux; en promouvant les principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité; en faisant mieux connaître au personnel de la justice pénale et aux décideurs les besoins et les préoccupations des victimes; et en cernant les problèmes systémiques et nouveaux qui influent négativement sur les victimes d'actes criminels.
Le Bureau aide les victimes de manière individuelle et de manière collective. Nous aidons les victimes de manière individuelle en leur parlant au quotidien, en répondant à leurs questions et en traitant leurs plaintes. Nous aidons les victimes de manière collective en étudiant des questions importantes et en présentant au gouvernement du Canada des recommandations sur la façon d'améliorer ses lois, ses politiques et ses programmes, de façon à mieux soutenir les victimes d'actes criminels.
J'aimerais d'abord remercier M. Sweet de son travail relatif au projet de loi, ainsi que pour avoir reconnu le rôle utile que les victimes doivent jouer dans le système canadien de justice pénale.
Comme je l'ai mentionné, mon travail consiste à aider les victimes d'actes criminels au Canada. Au cours de mon mandat précédent et de mon mandat actuel, j'ai eu le privilège d'entendre des centaines de victimes un peu partout au pays. J'ai constaté que les victimes sont surtout préoccupées par la façon dont elles sont traitées au sein du système de justice pénale et à l'extérieur de celui-ci. Plus particulièrement, j'ai constaté que, bien que leurs besoins et leurs préoccupations soient uniques et varient de l'une à l'autre, toutes les victimes veulent être informées, prises en considération, protégées et soutenues. Il ne fait aucun doute à mes yeux que le projet de loi vise à prendre en considération et à inclure davantage les victimes d'actes criminels dans notre système de justice pénale, et j'appuie pleinement ces aspects du projet de loi.
Je pense que le projet de loi C-479 propose des modifications utiles à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui amélioreraient grandement la manière dont les victimes sont traitées et prises en considération dans le processus. En fait, bon nombre de ces modifications vont dans le sens des recommandations que notre bureau a formulées dans le passé. Cela étant dit, je pense que certains amendements mineurs renforceraient le projet de loi, et j'aimerais en faire part au Comité aujourd'hui.
Le projet de loi vise à régler le problème du manque de renseignements qui sont communiqués aux victimes, en leur permettant d'obtenir des renseignements additionnels au sujet du délinquant qui leur a causé un préjudice. À cette fin, le projet de loi propose de confier à la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) la tâche de fournir l'information aux victimes de manière discrétionnaire, afin d'assurer que les victimes la reçoivent. J'appuie fortement cette modification. J'aimerais cependant proposer un amendement.
Dans sa version actuelle, le projet de loi propose de rendre obligatoire la communication de certains renseignements seulement, communication qui est maintenant discrétionnaire. Je proposerais que tous les renseignements dont la communication est actuellement discrétionnaire soient fournis aux victimes automatiquement, à moins qu'une raison touchant la sécurité empêche de le faire. Si le principe du projet de loi est d'assurer aux victimes un accès plus grand à l'information, je ne vois aucune raison de ne pas inclure tous ces renseignements.
En outre, la liste proposée des renseignements qui seront fournis aux victimes inclut de l'information relative au plan correctionnel du délinquant. Nous avons souvent entendu des victimes dire qu'elles souhaitaient en savoir davantage au sujet des progrès réalisés par le délinquant en vue de sa réadaptation. La Loi sur la sécurité des rues et des communautés, le projet de loi , en 2012 a fait en sorte que certains renseignements concernant le rapport sur la participation aux programmes et les infractions disciplinaires graves d'un délinquant sont maintenant communiqués à la victime par le Service correctionnel du Canada, le SCC, s'il le juge opportun.
Or, ce rapport fournit très peu de renseignements à la victime, outre les noms des programmes auxquels le délinquant peut participer, l'état de ces programmes, par exemple si le délinquant les a complétés ou est en train de les suivre, et des descriptions générales de leurs objectifs. Le rapport ne fournit pas d'information sur le risque que le délinquant représente, sur ses progrès et sur sa réadaptation en général. C'est cette information que les victimes veulent le plus obtenir.
Par contre, le plan correctionnel fournit des renseignements beaucoup plus complets qui seraient utiles aux victimes pour comprendre les risques que le délinquant peut poser, comment ces risques sont gérés et les progrès réalisés par le délinquant, le cas échéant, en vue de se réadapter. En conséquence, j'appuie fortement la proposition du projet de loi qui vise à fournir aux victimes plus de renseignements concernant le plan correctionnel du délinquant.
En outre, un grand nombre de victimes ont exprimé le désir d'être informées de la perpétration de nouvelles infractions prévues par le Code criminel par le délinquant alors que celui-ci est sous la responsabilité du SCC. Aussi, je recommanderais que le projet de loi soit amendé afin d'ajouter à la liste des renseignements qui sont communiqués aux victimes tout renseignement relatif à la perpétration de nouvelles infractions prévues par le Code criminel par un délinquant sous la responsabilité du SCC.
Enfin, on trouve dans cette partie du projet de loi une omission technique importante qui pourrait réduire à néant les avantages envisagés du projet de loi, une fois qu'il aura été adopté.
Le projet de loi propose d'allonger la liste des renseignements qui sont communiqués aux victimes et d'apporter une modification à l'article 142 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui autoriserait la Commission des libérations conditionnelles du Canada à fournir de l'information relative au plan correctionnel du délinquant. Le plan correctionnel est un document relevant du SCC qui est utilisé pour gérer le délinquant pendant qu'il purge sa peine. En conséquence, notre bureau recommande que le SCC, et non la CLCC, soit autorisé à communiquer cette information, au moyen d'une modification de l'article 26 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, plutôt qu'au moyen d'une modification de l'article 142 seulement.
Il en est ainsi également de la notification à la victime de la date de certaines permissions de sortir et de la mise en liberté, ainsi que de la destination du délinquant et du fait qu'il passera à proximité de l'endroit où se trouve la victime pour s'y rendre. Tous ces renseignements sont actuellement fournis aux victimes par le SCC en vertu de l'article 26 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ce qui n'est pas prévu par le projet de loi. Autrement dit, je recommande de modifier le projet de loi pour que les amendements proposés de l'article 142 de la Loi se reflètent aussi dans l'article 26.
S'il est essentiel de veiller à ce que les victimes soient bien informées, il est tout aussi important de créer pour elles des possibilités de participer au processus et d'établir un environnement qui favorise cette participation. Cela signifie qu'il importe d'offrir aux victimes des choix et des options quant à la façon dont elles peuvent participer au système de justice pénale, afin qu'elles ne se sentent pas intimidées ou craintives et que leur vie et leur situation financière ne soient pas bouleversées.
Un bon exemple à cet égard réside dans l'audience de libération conditionnelle. L'audience de libération conditionnelle peut être très importante pour certaines victimes, parce qu'elle représente souvent la première occasion pour elles d'en apprendre davantage au sujet des progrès réalisés par le délinquant en vue de sa réadaptation, le cas échéant. Pour certaines victimes, il sera important, voire nécessaire, de confronter le délinquant en personne, alors que, pour d'autres, cette idée sera intimidante ou généralement peu souhaitable.
Dans le système actuel, la seule façon dont une victime peut obtenir l'information la plus complète possible au sujet du délinquant qui lui a causé un préjudice et des progrès qu'il a accomplis consiste à assister à l'audience de libération conditionnelle ou à en observer le déroulement en temps réel. Dans le cas des victimes qui craignent de rencontrer le délinquant pour toutes sortes de raisons, y compris la crainte de représailles, il y a un manque évident d'options offertes pour observer le déroulement de l'audience de libération conditionnelle. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que les victimes peuvent demander d'assister à l'audience par vidéoconférence ou par un système de télévision en circuit fermé. Assister par diffusion Web sécurisée ou branchement audio ne constitue pas une option.
Le projet de loi vise à corriger cette lacune en prévoyant que, dans les cas où une victime ou un membre de sa famille s'est vu refuser la possibilité d'assister à une audience, la Commission prend les dispositions nécessaires pour que cette personne puisse observer le déroulement de l'audience par téléconférence ou par transmission vidéo unidirectionnelle en circuit fermé.
Je recommanderais deux amendements à cette proposition. Je recommande que le texte soit modifié de façon à permettre aux victimes non seulement d'« observer » le déroulement de l'audience, mais d'y participer en lisant les déclarations qu'elles ont préparées. Je recommande également que la possibilité d'observer le déroulement d'une audience de libération conditionnelle ou d'y participer par téléconférence, par transmission vidéo unidirectionnelle, par vidéoconférence ou au moyen d'une autre technologie soit offerte à toutes les victimes, que leur présence à l'audience ait été autorisée ou non. Nous devons nous rappeler que, pour certaines victimes, le travail, le soin des enfants, de parents âgés ou d'autres membres de la famille, les contraintes financières ou l'angoisse qu'elles ressentent à l'idée de se trouver à proximité du délinquant peuvent les empêcher d'assister à l'audience.
Bien que les propositions du projet de loi visent manifestement à accroître l'accès des victimes aux audiences, elles ne tiennent pas suffisamment compte du fait que, pour bon nombre de celles-ci, il n'est pas toujours possible d'assister à l'audience, que leur présence ait été autorisée ou non.
Ce manque d'options quant à la présence à l'audience de libération conditionnelle ne serait pas en soi aussi problématique si les victimes pouvaient avoir accès aux comptes rendus des audiences à une date ultérieure. Dans les faits, cependant, cet accès n'existe pas. En effet, aucune transcription n'est fournie, et les victimes n'ont pas la possibilité d'obtenir un enregistrement audio, même s'il existe. La victime qui n'a pu assister à l'audience ne peut que demander une copie du registre des décisions, qui expose la décision rendue et les principaux motifs à l'appui de celle-ci. Il ne s'agit cependant pas d'une description complète des renseignements fournis au cours de l'audience de libération conditionnelle.
Le projet de loi reconnaît cette lacune et tente d'y remédier en prévoyant que, lorsque la transcription d'une audience a été effectuée, la commission en fournit gratuitement une copie à la victime, à un membre de sa famille ou au délinquant qui en fait la demande par écrit. Malheureusement, bien que cette disposition vise à répondre aux besoins des victimes, notre bureau croit comprendre qu'il arrive rarement à l'heure actuelle que des transcriptions soient effectuées. La pratique consiste plutôt à conserver l'enregistrement audio à titre de registre de l'audience de libération conditionnelle. En conséquence, cette modification législative n'aurait pas pour effet d'accroître l'accès des victimes aux comptes rendus des audiences de libération conditionnelle.
Notre bureau a déjà recommandé que les victimes aient accès aux enregistrements audio des audiences de libération conditionnelle pour les écouter, sans les conserver, et qu'un soutien financier soit disponible pour les personnes qui doivent se déplacer vers les endroits où ces enregistrements sont conservés, au besoin.
En conséquence, je recommanderais que le projet de loi soit amendé de façon à prévoir que les victimes, les membres de leur famille et le délinquant ont accès, sans frais, aux enregistrements des audiences de libération conditionnelle, qu'il s'agisse d'enregistrements audio, audiovisuels ou autres.
En plus d'accroître les renseignements que les victimes reçoivent et le rôle qu'elles jouent dans le système, le projet de loi propose d'espacer davantage les audiences de libération conditionnelle dans le cas des délinquants violents dont la demande de libération conditionnelle est refusée ou dont la libération conditionnelle est annulée ou prend fin.
En 2010, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a publié un rapport intitulé Pour un plus grand respect des victimes dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, dans lequel il a recommandé que le délai entre les audiences soit porté à cinq ans dans le cas des délinquants purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité ou une peine d'une durée indéterminée, si leur demande de libération conditionnelle est refusée.
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J'ai moi aussi, bien sûr, eu l'occasion d'assister à des audiences de libération conditionnelle et j'ai parlé avec les victimes. Je crois que M. Sweet a très bien parlé des expériences qu'il a lui-même vécues. Je peux commenter des expériences à peu près semblables. Mais j'irai plus loin en disant que nous parlons souvent de la journée de l'audience et de toutes les émotions qui y sont liées.
Quand vous parlez aux familles et aux membres de la famille qui se sentent obligés d'assister à l'audience en tant que représentant d'une personne qui ne peut pas y être, ils vous diront qu'ils pensent non seulement à la journée de l'audience, mais à tout le mois qui précède, à l'année qui précède. Va-t-il demander une libération conditionnelle? L'audience va-t-elle bien avoir lieu? Va-t-elle être annulée? Dois-je modifier la déclaration de la victime? Cela ne se limite pas à la journée de l'audience. Ensuite, évidemment, une fois que l'audience a eu lieu, les victimes pensent aussi à « l'après ». C'est un poids énorme qui se crée.
Bien sûr, l'une des choses que le projet de loi essaie de régler — si je peux le dire, en quelques mots —, c'est le fait que les victimes veulent être informées, prises en considération, protégées et soutenues, ce qui suppose beaucoup.
Premièrement, les victimes ont besoin d'information. Elles veulent de l'information sur le délinquant qui leur a causé un préjudice — et c'est une grande partie —, elles veulent savoir si le délinquant, pendant son incarcération, prend les mesures nécessaires afin d'assurer sa réinsertion sociale; les victimes ne veulent pas seulement savoir s'il a suivi un cours et s'il l'a terminé, mais s'il s'est engagé dans ce cours.
Elles veulent également savoir quels risques sont associés à ce délinquant. Est-ce que les mesures visant la réinsertion sociale sont appropriées? À l'inverse, si elles ne le sont pas, les victimes pourraient vouloir prendre des mesures supplémentaires pour le moment où le délinquant sera remis en liberté dans la collectivité. Lorsque le délinquant est libéré dans la collectivité, muni d'un laissez-passer ou en libération conditionnelle, les victimes veulent le savoir et doivent savoir quelles conditions lui ont été imposées. Si une condition porte que le délinquant ne doit pas communiquer avec la victime ou avec sa famille, les victimes doivent le savoir. S'il y a une condition géographique, elles doivent aussi le savoir. En résumé, elles ont le droit d'être informées parce que cette information leur permet de se sentir en sécurité.
Quand cela concerne, par exemple, le fait que la Commission des libérations conditionnelles tienne compte de la sécurité de la victime lorsqu'elle prend une décision, c'est quelque chose dont les victimes nous parlent; comment puis-je savoir si les commissaires ont tenu compte de la sécurité lorsqu'ils ont pris une décision touchant la libération? Je crois que bien des éléments proposés dans ce projet de loi...
Nous pourrions prendre une modification en particulier, par exemple, quand il s'agit de la Loi sur les services correctionnels et la mise en liberté sous condition, l'article 142 attribue la responsabilité à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, et l'article 26 donne cette responsabilité au Service correctionnel du Canada. Deux articles mentionnent deux organismes fédéraux chargés des délinquants, au chapitre de la gestion, du plan correctionnel et des enjeux de la libération conditionnelle.
Ce que je constate c'est qu'il y a certaines choses, par exemple les placements à l'extérieur, dont l'octroi relève du directeur d'établissement, donc du Service correctionnel du Canada. Nous devrions vraiment faire en sorte que cela se reflète dans les articles 146 et 26, qu'il soit indiqué que les dirigeants ont cette capacité, puisqu'ils ne peuvent donner à la victime que ce que la loi prévoit. Quand vous regardez un document comme le plan correctionnel... comme je l'ai dit, dans ma déclaration précédente, j'ai reçu le témoignage de victimes qui disaient avoir entendu pour la première fois dans le cadre de l'audience devant la Commission des libérations conditionnelles qu'un délinquant aurait été retourné... et cela peut être 15 ou 20 ans plus tard...
Ce qu'elles disent, c'est que, si le Service correctionnel du Canada pouvait avoir en main plus tôt ce plan correctionnel, et s'il avait aussi le pouvoir de communiquer cette information aux victimes plus tôt dans le processus, les victimes pourraient évaluer les éléments de risque et savoir si le délinquant s'est engagé à l'égard de sa réinsertion sociale. Ce serait logique, dans les modifications que nous recommandons, que les articles 26 et 142 accordent à ces deux organisations la même capacité de donner de l'information aux victimes de crime.