Passer au contenu

SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 025 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 mai 2014

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Chers collègues, bienvenue à la séance 25 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Histoire de rectifier l'ordre du jour, je dois annoncer un peu de confusion causée aujourd'hui par la nécessité d'aller voter. La sonnerie se déclenchera dans 10 minutes. Nous serons donc contraints d'interrompre notre réunion, hélas. Il y aura donc discussion avec nos témoins quant à la possibilité qu'ils restent un peu plus longtemps que prévu. À ce que je comprends, il faudrait changer des réservations d'avion, ce que comprend notre comité. Ce sont des questions qu'on abordera pendant l'interruption.
    Aujourd'hui, nous accueillons, de Social Capital Partners, M. Bill Young, le président. M. Young va entamer son exposé sous peu. Il dispose de 10 minutes. Après quoi, nous interromprons la séance dès que la sonnerie du vote se déclenchera. Nous irons voter à la Chambre des communes et, à notre retour, si M. Young est en mesure de rester le reste de la séance ou bien du temps dont nous disposons, il sera disponible pour des questions.
    De plus, pendant la deuxième heure, nous aurons un exposé de M. Norm Tasevski, de Purpose Capital. À ce stade, les membres du comité pourraient poser des questions aux deux témoins.
    Pour l'instant, c'est l'approche adoptée par le comité, après consultation de certains membres, ainsi que du greffier et de nos invités d'aujourd'hui, dont nous apprécions la coopération.
    Monsieur Young, vous avez la parole, pendant un maximum de 10 minutes.
    Merci beaucoup. Je savais que j'aurais 10 minutes, mais je ne m'attends pas à en voir la fin marquée par un gong. C'est allé un peu loin.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Bill Young: Voici comme j'ai l'intention de procéder. Je sais qu'il s'agit de finance sociale. Je me suis dit que j'allais simplement vous faire un historique de notre organisation et des éléments de finance sociale qu'elle implique, avec leurs répercussions possibles sur la sécurité publique, si on regarde les choses dans cette optique.
    Notre priorité est les occasions d'emploi pour les populations désavantagées. Social Capital Partners a été constitué en 2001.
    Je suis une de ces personnes qui ont eu la chance de se trouver au bon endroit au bon moment. Dans le secteur privé, la roue de la fortune m'a vraiment beaucoup avantagé. Comme c'est loin d'être le cas pour tout le monde, je me suis demandé comment je pouvais tirer parti de mon expérience des affaires pour faire du bien autour de moi.
    La question qui sous-tend Social Capital Partners est de savoir pourquoi nous séparons le monde entre le domaine des affaires, celui des organismes à but non lucratif et celui du gouvernement, alors qu'une bonne part des solutions innovatrices se situe probablement à l'intersection des trois domaines. Et la réponse de Social Capital Partners a été de voir si, dans la pratique, on ne pouvait pas rendre effectives certaines de ces nouvelles approches, en s'attaquant à un défi social donné.
    Lequel? Celui de trouver, par des approches nouvelles et innovatrices, de bonnes occasions d'emploi pour des gens se heurtant à des obstacles dans ce domaine. Notre approche est passée par trois étapes, que je vais décrire brièvement — brièvement, cela va sans dire. Mais le récit des étapes suscitera peut-être des questions.
    Pendant la première étape, nous nous sommes demandés comment lancer des entreprises qui intégreraient la dimension sociale dans leur ADN. Là encore, je simplifie beaucoup, mais, pour résumer, nous avons assumé le rôle d'investisseurs de capital risque fournissant du financement, parfois sous forme de prêts, d'autres fois sous forme de contributions, mais seulement à des organismes dont 50 % au moins de la main-d'oeuvre venaient de populations désavantagées.
    Laissez-moi vous donner une idée du type de choses que nous avons effectuées. Il y a une société de gestion immobilière à Vancouver aujourd'hui aux mains d'un organisme de bienfaisance qui aide les femmes ayant été victimes de violence. Elle emploie 200 personnes. Il y a une société de rénovation à Winnipeg aujourd'hui qui emploie des Autochtones des quartiers défavorisés du centre-ville. Elle emploie 45 personnes et reste rentable.
    Soit dit en passant, environ la moitié des personnes en question avaient des casiers judiciaires avant d'être embauchées, fait tout aussi pertinent pour votre comité.
    Il y a également une société de messagers à bicyclette, à Toronto, qui embauche directement des jeunes de centres d'hébergement. Il y a à Montréal 12 magasins d'aubaines qui embauchent directement des personnes sur les listes de l'assistance sociale provinciale.
    C'est avec ce type d'organismes que nous travaillons. Ils ont chacun une histoire intéressante mais, vu le temps dont nous disposons, je dirais simplement qu'après cinq ou six ans nous avons décidé de faire le point et de nous demander ce que nous avions accompli. D'une part, nous avions trouvé une des choses que nous voulions prouver, soit que ces sociétés à double rentabilité pouvaient fonctionner. Elles pouvaient être rentables financièrement, rentables et viables, et socialement, en changeant des vies.
    Par contre, il nous avait fallu cinq ou six ans pour créer 300 ou 400 emplois — une goutte d'eau dans la mer des besoins. Nous nous étions lancés dans l'aventure pour changer la donne, pour amener la société à adopter graduellement cette façon d'engendrer un rendement à la fois économique et social. Mais qu'avions-nous, au bout du compte? Un article de magazine intéressant, une anomalie.
    Nous nous sommes alors demandés comment vraiment changer la donne. Et nous avons décidé que, pour cela, il fallait pouvoir compter sur deux éléments: la participation du secteur privé, sans laquelle nous continuerions d'être considérés comme une anomalie; et une approche toute faite, parce que lancer une société est difficile, peut-être spécialement difficile avec notre modèle. On conclut une entente par an seulement, parce qu'il faut laisser tomber tout le reste pour assurer la viabilité de la nouvelle entreprise.
    Nous avons ruminé: secteur privé, approche toute faite... pourquoi pas des franchises? Pourquoi ne pas établir des franchises viables avec notre proposition de valeur? Nous avons décidé de fournir un capital de démarrage à un entrepreneur qui voulait acheter l'un des emplacements de franchise. Le financement serait octroyé en fonction de sa dette bancaire et à des taux intéressants — des taux liés, en fait, à notre mission sociale.
    Le prêt était octroyé à condition que l'entrepreneur ait un programme d'embauche communautaire. Il devait s'engager à embaucher un certain nombre de ses employés par l'intermédiaire des agences de services communautaires et parmi les gens en butte à des obstacles à l'emploi. Nous nous engagions en contrepartie à fournir à l'entrepreneur un bassin de candidats satisfaisants parmi lesquels choisir et, si nous n'étions pas en mesure de le faire, à l'exempter de son obligation d'embaucher le nombre de personnes fixé. Et nous lui laissions la prérogative de décider si, oui ou non, nous avions fourni un bassin satisfaisant.
    Bref, nous avons éliminé les risques pour le secteur privé, en nous disant que c'est ainsi qu'on obtiendrait sa participation. Nous lions nos taux d'intérêt au nombre d'embauches communautaires. Plus un entrepreneur embauche, plus son taux d'intérêt diminue. Nous lions le rendement de notre investissement à notre mission sociale.
    Là encore, je résume beaucoup, mais nous avons créé quelque 60 franchises de ce type, essentiellement dans le secteur de l'entretien automobile. C'est un secteur qui nous va bien. M. Lube, Active Green et Ross sont nos plus grands noms.
(1535)
    Nous aimons le modèle de l'entretien automobile, parce qu'on n'a pas besoin d'une masse d'habiletés pour effectuer un changement d'huile — même si je dis souvent, à la blague, que je serais quant à moi éliminé — et parce qu'on peut, avec du travail, devenir au bout du compte un mécanicien breveté. Nous aimions les secteurs où les personnes décidées à redresser le cap de leur vie pouvaient compter sur de bons résultats socioéconomiques.
    Nous pensions donc tenir la solution: créer des centaines de franchises et des milliers d'emplois. Le modèle fonctionne comme nous l'espérions, dans la mesure où nous pouvons maintenant conclure deux ou trois ententes par an, parce que nous n'avons plus à calculer le prix d'un changement d'huile ou de la vente d'un pneu d'hiver — toutes choses que nous avons d'abord dû calculer.
    Il s'est alors produit une ou deux choses sur lesquelles je ne m'attarderai pas, mais qui nous ont amenés à comprendre que le concept allait bien plus loin. On s'en est aperçu quand Active Green et Ross nous ont contactés pour utiliser notre programme d'embauche communautaire dans les magasins propriétés de la marque, mais qu'ils n'avaient pas besoin de notre financement.
    Nous sommes restés interloqués, vu que nous avions toujours vu le financement comme à la fois la carotte et le bâton nécessaires pour que l'affaire se fasse. Nous offrons la carotte d'un financement avantageux et nous avons le bâton d'exiger le remboursement de prêt si vous ne respectez pas ces conditions. Nous ne nous attendions pas à ce que les sociétés disent: « Non, vous nous avez donné accès à un bassin de main-d'oeuvre auquel nous n'aurions jamais eu accès. Nous sommes contents des employés et c'est une bonne chose pour la communauté. Pourquoi n'en profiterions-nous pas? » Et nous nous sommes rendus à l'évidence. Pourquoi pas? Pourquoi pas ces sociétés? Pourquoi pas toutes les sociétés si on leur facilitait les choses?
    Après avoir assuré l'embauche pour 50 ou 60 emplacements de franchise, nous avons appris deux choses: premièrement, que les employeurs embaucheraient ce type de personnes si c'était facile à faire; deuxièmement, que c'était loin d'être facile. Pourquoi? Eh bien, vous pourrez peut-être poser des questions pour avoir plus de détails, mais disons pour simplifier que le système dans son ensemble n'a jamais envisagé l'employeur comme un client aussi important que la personne à laquelle on s'efforce de trouver un emploi.
    En d'autres termes, on met un produit sur le marché, le produit étant un individu qui cherche un emploi mais qui se heurte à des obstacles, et le marché étant un emploi de premier échelon dans une société offrant de bonnes occasions de promotion. Au Canada, le produit est mis sur le marché par des milliers d'agences de services communautaires dont la formation et le modus operandi est essentiellement celui des travailleurs sociaux. Ils ne parlent pas la langue des affaires. Ils estiment que leur client est la personne à laquelle ils s'efforcent de trouver un emploi, ce qui se comprend.
    Ils ne pensent pas à l'employeur comme étant stratégique. Ils croient être avec l'employeur dans une relation transactionnelle où ils envoient leurs chercheurs d'emploi se présenter à toutes les offres d'emploi diffusées. Ils n'imaginent pas être dans une relation stratégique avec l'employeur où ils lui demanderaient ce qu'il faut pour avoir un bon technicien; une situation où ils demanderaient à l'employeur quelles sont ces difficultés et où ils s'engageraient à les résoudre.
    Nous avons constaté que nous mettions un pansement sur un bobo, sans remédier au mal véritable. Nous aimons dire que nous sommes bilingues, pas parce que nous parlons anglais et français, hélas, mais parce que nous parlons la langue des affaires et celle des organismes communautaires. Nous comprenons que, pour fournir autant d'occasions d'emploi que possible aux personnes que nous nous efforçons d'aider, il faut tenir compte dans l'équation autant des besoins de l'employeur que de ceux des personnes à qui nous nous efforçons de trouver un emploi.
    À grande échelle, nous dépensons des milliards de dollars à l'emploi, à la formation et à l'assistance sociale. Généralement parlant, les employeurs ne sont pas impliqués dans la conception de la formation. La formation n'est pas liée aux futures pénuries de main-d'oeuvre qualifiée. Et il est rare que le financement soit effectivement lié à de bons résultats en matière d'embauche.
    De bons résultats en matière d'embauche, c'est pourtant ce qui est recherché des deux côtés de l'équation: du côté de l'offre, les personnes pour lesquelles nous nous efforçons de trouver des emplois stables offrant une progression de carrière; et du côté de la demande, les employeurs qui recherchent des personnes susceptibles de rester et de progresser.
    Au bout du compte, nous en sommes arrivés à la conviction suivante: que nous devrions travailler au niveau du système lui-même, pour en faire un système beaucoup plus axé sur la demande et reconnaissant l'importance des deux clientèles. C'est, selon nous, le ressort le plus important pour fournir beaucoup plus d'occasions d'emploi aux gens en but à des obstacles. Si je lis cela à la sécurité publique etc., la motivation de répondre à une demande pourrait et devrait avoir d'énormes répercussions sur la façon dont on conçoit tout système.
    La clé du problème, pour tous autant que nous sommes? C'est que, par bien des côtés, il y a peu de choses aussi importantes que l'emploi, non seulement pour des résultats économiques mais pour notre estime de nous et notre confiance. C'est un fait qui, selon moi, est manifestement lié aux questions de sécurité publique ou de récidivisme.
    C'est pourquoi notre principe est maintenant de travailler avec les employeurs, les gouvernements, les agences de services communautaires et les agences de recrutement existantes afin d'oeuvrer de concert à la création d'un système plus axé sur la demande.
(1540)
    De concert avec Deloitte, nous avons publié un livre blanc sur ce à quoi ressemblerait un système axé sur la demande. Nous avons mis en place un ou deux projets pilotes pour des gouvernements provinciaux. Notre objectif est de montrer à quoi ressemblerait, sur papier, un système conçu pour commencer par la demande et remonter à partir de là. Quels sont les domaines où on s'attend à avoir des occasions d'emploi majeures à l'avenir? Dans quels secteurs?
    Dans le cadre de notre projet pilote, nous avons dit pouvoir amener des employeurs de ce secteur à s'engager à effectuer 10 embauches communautaires par an pendant cinq ans. Ce n'est pas un chiffre énorme, mais cela assurerait une cohorte de 100 personnes par an. Nous demanderions aux employeurs d'effectuer un suivi des résultats d'emploi des 100 personnes en question, par opposition aux résultats des embauches effectuées par d'autres voies.
    Chaque année, nous comptons utiliser les données et la rétroaction des employeurs pour déterminer chaque maillon de la chaîne de valeur du côté de l'offre, afin de déterminer ce qui manque et où nous devrions intervenir: accueil, évaluation, formation avant emploi, placement, soutien après emploi, pour les personnes à qui nous nous efforçons de trouver des emplois. Ainsi, en l'espace de cinq ans, nous doterions les gouvernements de deux atouts: une étude de rentabilité pour les employeurs souhaitant avoir recours à ce mode d'embauche, avec des données sur les résultats d'embauche et la contribution de 10 PDG faisant des tournées avec nous pour convaincre leurs homologues des raisons pour lesquelles ils devraient en faire autant; et les domaines précis dans lesquels, selon nous, les gouvernements devraient chercher les meilleures façons de mesurer, de gérer et de financer l'ensemble.
    Monsieur Young, les cloches ont commencé à sonner.
    Merci beaucoup de votre exposé. Nous espérons sincèrement qu'on pourra trouver une solution vous permettant d'être présent pendant la deuxième heure, au cas où le comité aurait des questions. Mais, comme les cloches sonnent, nous allons maintenant suspendre la séance et nous rendre à la Chambre. Merci encore. Je vous prie de nous excuser mais, en tant que parlementaires, quand les cloches sonnent, nous n'avons pas le choix.
(1540)

(1630)
    Chers collègues, nous allons reprendre.
    Notre premier témoin de la journée, M. Young, avait un avion à prendre, si bien qu'il n'est pas là pour la deuxième heure de questions. Ce n'est pas ainsi que les choses étaient prévues, mais nous avons été interrompus par un vote.
    Pour la seconde heure, nous accueillons, de Purpose Capital, M. Norm Tasevski, cofondateur et associé.
    Monsieur, vous avez la parole pendant 10 minutes au maximum. Après cela, j'espère que vous serez disponible pour les questions et commentaires des membres du comité.
(1635)
    Parfait. Merci beaucoup, monsieur le président, et membres du comité de m'avoir invité à comparaître sur cette question très importante.
    Vous avez entendu ce que Bill Young avait à dire, même si cela a été bref. C'est l'un des gourous, des chefs de file de la finance sociale au Canada. Je ne vais pas essayer de remplacer ce qu'il a à dire ou à proposer. Par contre, je peux m'efforcer de cibler mes remarques de façon plus succincte sur l'applicabilité de la finance sociale à la prévention du crime, sur les modalités à cette fin. Nous entendons suggérer des structures de finance sociale que le comité pourrait envisager d'utiliser dans le cadre d'une stratégie d'ensemble de prévention de la criminalité.
    En matière de prévention de la criminalité, la finance sociale apporte un mécanisme permettant de redéfinir le rôle de tous les intervenants — l'État, le secteur privé et le secteur public — dans l'établissement, le maintien et la bonne ordonnance d'une communauté. Elle apporte ce que nous appelons une réaction mixte au crime et à ses effets et, surtout, une action préventive mixte qui diminue la fréquence des crimes pour commencer.
    La finance sociale élimine les silos traditionnels du profit privé et du bien public. À l'heure actuelle, le secteur privé investit pour le profit privé et le gouvernement pour le bien public. La finance sociale élimine ces silos. Grâce à la finance sociale, les acteurs du secteur privé ayant la motivation et l'intention appropriées, et je souligne l'importance de cette motivation et de ces intentions, peuvent investir pour le bien public et le profit privé. Le rôle du monde des fondations et de celui du gouvernement change également. N'étant plus contraints d'agir seuls, les gouvernements et les fondations peuvent compter sur un véritable partenaire, un véritable partenariat, plus riche que celui autorisé par le modèle habituel de partenariat public-privé. Avec les outils de la finance sociale, gouvernements et fondations peuvent s'attacher à fournir des mesures incitatives à des acteurs du privé et à établir les conditions leur permettant de financer le bien public.
    La finance sociale change la teneur du discours sur la réponse sociétale à la criminalité. La finance sociale résulte en la création d'une nouvelle dynamique dans notre collectivité. L'obligation communautaire, par exemple, pousse des citoyens ordinaires à investir dans des bâtiments importants de leur collectivité. Les baux viagers donnent aux gens ayant des besoins de logement social la possibilité d'investir dans leurs propres soins et leur propre logement.
    La prévention de la criminalité est, de par sa nature, un effort communautaire. La responsabilité n'en revient pas uniquement à la police ou aux tribunaux. Ce n'est pas non plus au secteur social d'assumer seul la responsabilité des effets négatifs de la criminalité. Avec la finance sociale, la collectivité et le secteur privé, ainsi que les institutions publiques, peuvent créer une nouvelle dynamique où la communauté elle-même s'attaque aux racines de la criminalité, à ses répercussions et à sa prévention de façon mixte.
    La finance sociale apporte des structures et des mécanismes concrets pour faciliter la prévention de la criminalité à l'échelle de la collectivité. Elle permet, d'autre part, la création de nouveaux outils qui, il y a même 10 ans, n'auraient pas fait partie des options de la trousse. Laissez-moi vous donner trois exemples de finances sociales susceptibles d'intéresser le comité.
    Je vais commencer par la structure que nous appelons un fonds de capital catalyseur. Pour simplifier les choses, disons que les structures de capital catalyseur unissent dans une même occasion d'investissement différentes catégories d'investisseurs, ceux préoccupés avant tout par le social et ceux préoccupés avant tout par la finance. Une catégorie d'investisseurs investit en capital et accepte d'absorber un certain niveau de perte préétabli. Ce faisant, ce groupe investisseur réduit le risque lié à l'occasion d'investissement dans son ensemble. La seconde catégorie d'investisseurs investit alors son capital, généralement en beaucoup plus grande quantité, dans le voisinage de 80 ou 90 % du total investi. Vu la diminution du risque, le second groupe d'investisseurs obtient un rendement correspondant mieux à ses attentes quant au risque et au rendement, soit, généralement, le rendement du marché. Ainsi, le premier investisseur fonctionne comme catalyseur pour stimuler l'injection de nouveaux capitaux, souvent beaucoup plus importants que ceux qui pourraient autrement être investis dans l'initiative.
    Le capital catalyseur change donc le profil de risque de différentes catégories d'investisseurs. De plus, il enchâsse la valeur sociale dans le fonds et dans ses résultats, même si certains des investisseurs obéissent à des motivations différentes.
    Ma société, Purpose Capital, a l'expérience du montage de ce type d'initiatives. Souvent aussi, elle montre comment les fonds de capital catalyseur ont eu des répercussions sociales en d'autres occasions. Bien que notre expérience ne soit pas directement liée à la prévention de la criminalité, je suis convaincu qu'un modèle de fonds catalyseur s'appliquerait à cette prévention.
    Je poursuivrai avec une structure à laquelle Bill Young a peut-être fait allusion: l'obligation à impact social. Ces obligations sont une innovation, par rapport au modèle plus traditionnel de partenariat public-privé. Pour en expliquer le fonctionnement, on peut dire que ces obligations sont une façon de financer en fonction du rendement des résultats de biens publics. C'est une méthode à faible risque, voire, pour certains modèles d'obligations à impact social, une méthode sans risque, permettant aux gouvernements d'appuyer des initiatives de bien public.
(1640)
    Voici la façon dont une obligation à impact social fonctionne: un gouvernement entre en partenariat avec ce qu'on appelle un intermédiaire. L'intermédiaire collecte et gère un capital obtenu auprès de banques, d'institutions financières, de fondations et de particuliers, puis l'investit dans les prestataires de services assurant ensuite la prestation de programmes sociaux innovateurs.
    La prestation de ces programmes par ces fournisseurs réduit le besoin de financement direct ou de paiements de transfert provenant du gouvernement. Quand le gouvernement constate qu'il fait des économies, il verse un pourcentage de ces économies aux investisseurs ayant financé le programme au départ.
    Le modèle de l'obligation à impact social a été appliqué dans d'autres pays, notamment au Royaume-Uni, où le concept a d'abord été élaboré en 2010. Au Canada, les gouvernements ont commencé à faire de la recherche, à concevoir et à lancer ce type d'obligation au pays. Il y a d'ailleurs eu, il y a quelques jours, l'annonce en Saskatchewan de ce que nous considérons comme la première obligation à impact social au Canada.
    Si le comité s'intéresse au modèle de l'obligation à impact social, il convient de garder deux ou trois choses à l'esprit.
    Tout d'abord, il faut savoir comment attribuer une valeur au résultat recherché. Deuxièmement, il faut un mécanisme permettant de déterminer si le résultat est véritablement attribuable à l'intervention elle-même. Troisièmement, les participants à une obligation à impact social, notamment le partenaire gouvernemental, doivent être préparés à repenser les modalités de financement d'une intervention, ainsi que la responsabilisation des parties intervenantes.
    Pour repenser ainsi les choses, il peut être nécessaire de changer de culture, d'adopter un financement axé sur les résultats, ainsi que des méthodes de fonctionnement qui peuvent être radicalement différentes de celles actuellement financées et adoptées par les gouvernements et les prestataires de services.
    Quelle est la troisième et dernière option que je suggérerais au comité? Un mécanisme qui finance directement des entreprises sociales hautement innovatrices. Je peux décrire ce qui constitue une entreprise sociale. Cette option est une variante de l'idée d'investir dans une obligation à impact social, sauf que l'investissement s'effectue dans ce cas directement dans l'intervention elle-même.
    Laissez-moi illustrer l'idée par un exemple lié au travail du comité: le travail effectué depuis une décennie par Peacebuilders Canada, afin de fournir aux jeunes un meilleur accès à la justice. Un aspect de leur travail les amène à diriger vers leur programme, plutôt que vers le tribunal saisi des affaires de drogues, les jeunes délinquants dont c'est la première infraction. Leur programme consiste à travailler avec les jeunes pour s'en prendre aux causes profondes de leur infraction, en appliquant les techniques des cercles de guérison autochtones.
    Leur modèle se traduit par un taux de récidive inférieur à 20 %, par opposition à un taux de 60 %, voire plus, avec le système des tribunaux. De plus, le programme des Peacebuilders coûte une fraction seulement des poursuites judiciaires à l'encontre des jeunes contrevenants: 30 000 $ par jeune pour le programme Peacebuilders, je crois, contre 120 000 $ en passant par les tribunaux.
    D'autre part, Peacebuilders propose des options innovatrices en matière d'entreprises sociales. Purpose Capital a brièvement collaboré avec Peacebuilders pour les aider à élaborer une entreprise reposant sur les habiletés utiles acquises par les jeunes délinquants — en gérant, par exemple, la chaîne d'approvisionnement en drogues illégales dans les rues — appliquées alors à la vente de produits légaux dans des kiosques et dans des magasins.
    Les trois options de finance sociale que je viens de présenter constituent, selon moi, la pointe de l'iceberg. La finance sociale constitue un outil supplémentaire dans la trousse dont dispose le gouvernement pour lutter contre la criminalité. Elle apporte aussi un nouveau modèle permettant à la collectivité d'élaborer une réaction mixte et permettant de tisser des liens communautaires plus riches et plus effectifs.
    Permettez-moi toutefois de conclure mes remarques par une mise en garde. Premièrement, la finance sociale n'est pas une panacée. Il s'agit d'un outil de plus, qui ne saurait remplacer d'autres interventions dans le domaine de la prévention de la criminalité. La finance sociale repose sur la possibilité d'engendrer un rendement financier et, de ce fait, est appropriée uniquement pour certaines interventions, pas toutes.
    Deuxièmement, la finance sociale présente bien des avantages. La magie ne tient pas, toutefois, à la nature de la finance sociale — aux structures — mais dans sa mise en oeuvre. Au Canada, nous explorons encore les modalités de mise en oeuvre optimales de la finance sociale; c'est un projet en devenir. Ceci dit, je suis intimement convaincu que le Canada apportera une contribution importante au mouvement international en faveur de la finance sociale et que le travail de votre comité apportera une pierre à cet édifice.
    Sur ce, je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Tasevski.
    Cette fois-ci, le temps imparti pour les questions est de sept minutes.
    Madame James, vous avez la parole.
    Merci à nos témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je voudrais des précisions. Faites-vous les investissements initiaux ou êtes-vous plutôt un intermédiaire?
    Nous agissons en tant qu'intermédiaires dans le système. Nous travaillons essentiellement avec les propriétaires et les gestionnaires d'actifs. Nous les aidons à réfléchir sur les façons d'infléchir l'écosystème grâce à des investissements et ensuite nous pouvons les aider à déterminer comment ces immobilisations peuvent être mises en place. Nous n'utilisons pas notre propre capital mais nous travaillons avec d'autres groupes pour les aider à faire des placements.
(1645)
    Ainsi, vous déterminez les secteurs où ces investissements peuvent être profitables et être source de rendement, n'est-ce pas?
    C'est intéressant, car on a évoqué l'intermédiaire et voilà que vous êtes ici présents.
    La première heure de notre séance a été écourtée et le témoin que nous avons entendu a laissé entendre qu'il était peut-être plus facile de repérer ces groupes et de les interrelier. Est-ce là la fonction de l'intermédiaire? L'intermédiaire facilite-t-il les choses pour celui qui veut investir pour le bien social et les groupes qui de fait ont besoin...?
    Est-ce là votre rôle?
    Oui, en effet c'est notre rôle.
    On dit souvent que Tim Hortons et Canadian Tire et d'autres font des choses à l'échelle du Canada mais est-ce que vous avez pu le constater...? Tout d'abord, depuis combien de temps vous occupez-vous de ces activités-là?
    Purpose Capital existe depuis environ quatre ans, mais je travaille dans le domaine depuis environ 10 ans.
    Constatez-vous qu'il y a une demande pour vos services? Y a-t-il une demande, une place sur le marché? Évidemment, si vous vous occupez de ce domaine depuis 10 ans, je suppose que la réponse est oui.
    Oui. Il y a absolument un marché pour le service que nous offrons.
    Vous avez dit dans vos remarques liminaires que vous ne vous êtes pas attardé à la prévention de la criminalité en soi. Vous êtes un intermédiaire. Avez-vous constaté auprès des entreprises avec lesquelles vous travaillez qu'elles voulaient investir... les éventuels investissements se feraient-ils du côté de la prévention de la criminalité?
    Je constate que c'est le cas d'une façon un peu nuancée. À bien des égards, la criminalité est le résultat de lacunes dans notre société, n'est-ce pas? Qu'il s'agisse de jeunes qui ne trouvent pas de débouché à l'emploi ou de jeunes qui n'ont pas la possibilité de s'instruire, dans les deux cas, cela déclenche un certain comportement à cause du manque de moyens. Le système social en place n'est pas complet. Certains groupes d'investisseurs sociaux tentent de combler les lacunes d'autres façons. En bout de ligne, si ces lacunes sont comblées, on constatera une diminution de la criminalité.
    Voici un exemple: notre société met l'accent sur les biens immobiliers. Nous cherchons ce que nous appelons des biens immobiliers qui auront une incidence, des groupes qui essaient de réunir des actifs servant à aider la société à résoudre certains des problèmes sociaux les plus pressants. Cela peut signifier le logement social, par exemple, ou un centre communautaire, ou encore un centre sportif. De cette façon, on fournit ainsi un gîte et de cela peut découler un emploi duquel découle la possibilité de jouir des plaisirs de la vie, créant ainsi, à mon avis, une conjoncture qui réduit les conditions favorables à la criminalité.
    Vous nous avez dit que le financement social créait un climat — et je ne suis pas sûre que ce soit le terme que vous avez utilisé — qui permet de procéder à des mesures tangibles, c'est-à-dire après les faits, accéder à une évaluation pour déterminer si les objectifs ont été atteints et à partir de là, on peut effectivement parler de financement social.
    Comme vous le savez, les gouvernements financent des programmes de prévention de la criminalité. Nous avons investi des montants énormes mais en grande partie, l'argent a servi à changer les attitudes et cela ne permet pas vraiment de déterminer à long terme, après coup, si des résultats tangibles ont été obtenus, si on a réussi à réduire la récidive ou à prévenir la criminalité. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous voulons voir si le financement social, comme vous le préconisez, pourrait être un autre outil utile. Ce n'est pas la panacée, mais assurément, si l'on peut augmenter les moyens financiers, les investissements, et nos capacités, il vaudrait la peine que les gouvernements s'y intéressent.
    Je voudrais vous poser une autre question. Vous avez parlé de la nécessité d'une évolution culturelle. Jusqu'à présent, on sait qu'il a toujours été du ressort du gouvernement ou de la police de s'occuper de la prévention de la criminalité, qu'il s'agisse d'un gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux, car vous avez dit que le financement social était reconnu à d'autres paliers. Vous avez dit qu'on ne devrait pas miser uniquement sur le gouvernement, sur la police, la GRC ou les forces de l'ordre local, mais qu'on devrait en faire l'affaire de tout le monde dans la collectivité. Je pense que c'est un très bon argument.
    Y a-t-il des obstacles qui entravent l'action du gouvernement fédéral? Je pense qu'on en revient à l'évolution culturelle. Étant donné les preuves reliées à des projets couronnés de succès, pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait s'intéresser à cet aspect-là?
(1650)
    La question est pluridimensionnelle. Je vais l'aborder de diverses façons, si vous le permettez.
    D'une part, il y a l'évolution culturelle. Derrière la notion de financement social, se trouve le souhait de nous ramener à une situation où toute la collectivité se mobilise pour résoudre les problèmes sociaux. Ces derniers ne sont pas uniquement la responsabilité du gouvernement sur le plan du financement direct de certaines interventions qui aboutiront à la réduction de la criminalité. Depuis 200 ou 250 ans dans notre société occidentale, nous avons nourri l'idée que certaines choses étaient l'apanage du gouvernement, d'autres l'apanage du secteur privé et d'autres n'appartenaient qu'au secteur social. Cette compartimentation a abouti à des lacunes dans la prestation de services sociaux et la programmation visant à bonifier nos sociétés dans leur ensemble.
    Avec le financement social, tous les groupes sont réunis, et on rejette la nécessité de cette cloison étanche entre les responsabilités, un groupe s'appropriant un aspect et l'autre un autre. Ce qui est réalisable désormais est que le gouvernement peut être un partenaire véritable avec une organisation sans but lucratif ou une oeuvre caritative, et nouer un partenariat avec une organisation à but lucratif.
    Je crois que c'est là l'élément clé qu'il faut souligner s'agissant de financement social. Les investisseurs, les bailleurs de fonds dans des projets à impact social souhaitent ardemment participer au développement communautaire. Cela ne se compare pas à ce qu'une grande société fait de son capital.
    Merci beaucoup, monsieur Tasevski.
    Madame James, votre temps est écoulé.
    Monsieur Garrison, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci à notre témoin de son exposé. Merci également à M. Young.
    Avant de poser mes questions, je dois dire que de notre côté nous sommes un petit peu intrigués que le gouvernement consacre tant de temps à un sujet aussi limité. Nous avons pressenti des témoins qui se sont dits surpris qu'on n'abordait pas la question de façon plus générale. Nous sommes impatients d'entendre des témoins qui traiteront des enjeux plus généraux en matière de prévention de la criminalité.
    Bien entendu, nous avons saisi le comité de motions concernant des aspects qui sont véritablement du ressort du comité et constituent une partie importante de notre mandat s'agissant du rôle du gouvernement en ce qui concerne le traitement inadéquat de la maladie mentale dans les prisons ou encore les problèmes de gangs de rue chez les jeunes à Montréal ou encore un projet des services frontaliers de première ligne.
    Ce n'est pas que je n'ai pas de respect pour nos témoins qui font un excellent travail et qui présentent des idées intéressantes. Il me semble toutefois que cela est tellement éloigné du mandat du comité qui concerne une stratégie nationale de prévention de la criminalité et c'est là la difficulté.
    Cela dit, je vais vous poser quelques questions.
    Nous avons entendu le témoignage d'Elizabeth Lower-Basch du Center for Law and Social Policy à Washington. Elle a évoqué les obligations à impact social et abordé certaines notions que vous avez vous-mêmes évoquées. Si j'ai bien compris sa conclusion, elle dit que ces projets sont en eux-mêmes plus coûteux qu'une intervention directe par le gouvernement, car ils supposent la création d'une autre infrastructure. Dans la plupart des cas, il y a une forme de bénéfice versé aux investisseurs. Si c'est la seule façon d'obtenir plus d'argent pour la prévention de la criminalité, c'est peut-être une bonne idée, mais ces projets sont plus coûteux et se prêtent moins bien à la reddition de comptes qu'une intervention directe de la part du gouvernement.
    Qu'en pensez-vous?
    Je vais vous présenter quelques arguments là-dessus.
    S'agissant de certains mécanismes en matière de financement social, notamment les structures à mettre en place, on tente de trouver un complément ou un remplacement. Un mécanisme de financement social comme les obligations à impact social ne constitue pas un remplacement à d'autres possibilités d'investissement.
    Il existe des programmes de subventionnement. Sur le plan du rendement, une subvention est essentiellement une perte totale. Quand le gouvernement ou une fondation consent à une subvention, on ne s'attend pas à recouvrer l'argent. On espère des retombées sociales grâce à l'utilisation de cette subvention. Les obligations à impact social visent à changer cette mentalité. Même si un mécanisme de financement social coûte un peu plus, il faut mettre cela en regard de ce que coûte véritablement l'octroi de simples subventions. Voilà une chose.
    Selon le modèle des obligations à impact social, il faut dire que si le gouvernement aujourd'hui même finance des projets, souvent cela s'avère un investissement de départ. Ensuite, un deuxième groupe intervient, comme par exemple une fondation communautaire. Je pense qu'il serait faux de dire que des particuliers essaient de tirer parti d'un système de financement social. Souvent, on rencontre des fondations familiales bien nanties qui veulent faire du bien. Elles essaient de trouver des moyens innovateurs pour placer leur capital. Toutefois, c'est là une injection de nouveaux capitaux. Parfois, le gouvernement n'investit rien dans un projet d'obligations à impact social. Il s'agit en fait d'un complément aux autres mécanismes de financement gouvernemental.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question. Selon moi, ce financement est un outil supplémentaire qui peut servir.
(1655)
    Vous dites que si le gouvernement intervient grâce à une subvention, il n'en retire rien. Toutefois, il en retire quelque chose sous la forme d'un taux de criminalité plus bas et des bénéfices sociaux qui en découlent.
    La même chose est vraie pour le financement social, si bien...
    Le coût est plus élevé.
    Si on considère qu'une subvention est une perte totale, le coût est plus élevé. Dans le cas des obligations à impact social, on ne dépense pas un sou tant que l'objectif n'est pas atteint sur le plan social. Le gouvernement ne dépense rien tant qu'il n'y a pas de résultat. Cette dépense gouvernementale se transforme en économie.
    En réduisant le nombre d'assistés sociaux, le gouvernement réalise des économies. Les paiements de transfert sont moins élevés. L'intermédiaire touche un pourcentage des sommes épargnées. Il ne s'agit pas d'une nouvelle injection de capital.
    Bien sûr, si l'intervention avait été directe, on pourrait compter sur toutes les économies sans avoir à verser quoi que ce soit à qui que ce soit. De ce point de vue là, c'est comme si nous comparions des pommes et des oranges.
    Je vous demande maintenant qui prend les décisions dans les projets à financement social? Autrement dit, qui décide si un projet mérite d'être réalisé ou est prioritaire? Vous dites que cela est laissé entièrement au secteur privé et que le gouvernement n'intervient pas pour décider quelle collectivité ou quelle partie d'une collectivité bénéficiera de ce genre d'investissements.
    Je ne pense pas avoir dit cela.
    Les investisseurs privés peuvent faire des placements dans ce genre d'initiatives. Souvent, bien des projets que notre société entreprend sont réalisés grâce à des fondations privées philanthropiques ou à d'autres organismes gouvernementaux. Nous travaillons avec la ville de London à une initiative de logement social. Ce n'est que six mois après le début du projet qu'il a été question de faire intervenir le secteur privé.
    Une grande partie du financement social se fait sous la houlette du secteur social, des fondations publiques, ou d'organismes semblables. Il ne s'agit pas d'investisseurs privés qui décident soudainement d'investir et d'imposer la façon de faire. Les choses ne fonctionnent pas ainsi. C'est véritablement le secteur social qui milite pour cette cause.
    Mais ce sont les investisseurs privés qui décideraient de l'endroit où ils souhaitent investir et qui choisiraient d'investir dans le logement ou la prévention de la criminalité. Ce sont eux qui prennent ces décisions. Ils ne se contentent pas de dire qu'il y a de grosses sommes à la disposition de quiconque voudrait s'en servir.
    Je vais vous donner un exemple, si j'en ai le temps.
    Nous travaillons actuellement à un projet de logement social avec la ville de London. C'est la ville qui effectivement a retenu notre société pour la conception du fonds communautaire résilient. Il s'agit en fait d'un modèle d'investissement pour la création de nouveaux logements abordables. Nous nous entretenons actuellement avec les fondations communautaires pour créer ce fonds. Nous n'avons pas encore parlé à des investisseurs privés, car nous savons que des fondations familiales s'intéressent à des investissements dans le logement abordable à London. Il y a déjà des groupes qui, pour des raisons charitables, souhaitent être parmi les premiers à investir dans ces nouveaux mécanismes de financement.
    Merci beaucoup, monsieur Tasevski.
    Monsieur Norlock, vous disposez de sept minutes.
    Monsieur le président, permettez-moi de remercier notre témoin.
    Je pense qu'il y a ici un fossé idéologique. Certains d'entre nous pensent que le gouvernement a un rôle à jouer en investissant dans la prévention de la criminalité, mais parfois, étant donné mon idéologie, on peut constater la plupart du temps les bonnes idées qui font déjà leur chemin dans la collectivité et tout ce qui reste à faire est de les orienter dans la bonne direction. D'aucuns pensent qu'à moins que le gouvernement n'ait un contrôle total, on ne peut s'attendre à des résultats souhaitables si bien qu'il faut une intervention plus intense de la part du gouvernement.
    Je ne peux m'empêcher de penser et je l'ai déjà dit ici — qu'Albert Einstein avait raison, si c'est lui qui a dit cela, de définir l'aliénation mentale comme le fait de quelqu'un qui répète toujours le même geste et s'attend à de meilleurs résultats. Vous avez évoqué les résultats positifs produits par Peacebuilders Canada, résultats bien plus remarquables, franchement, que l'aboutissement de la plupart des projets gouvernementaux.
    Nous avons entendu le témoin précédent qui représentait des sociétés qui embauchent précisément un pourcentage de leurs employés parmi les défavorisés de notre société: des assistés sociaux, des repris de justice, des détenus libérés depuis peu ou des gens qui ont vécu... Vous avez parlé de Peacebuilders Canada. Il y a 12 ans environ, je quittais la police. La justice réparatrice était bien installée dans nos façons de faire. Vous avez parlé des Premières Nations. Le modèle se trouve chez les Indiens maoris de Nouvelle-Zélande et là-bas on considère que le fait de faire honte peut donner des résultats positifs. Une idée peut sembler vraiment mauvaise jusqu'à ce qu'on la mette à l'essai pour découvrir qu'elle est bonne. Je pense que c'est là qu'est le fossé.
    Pouvez-vous nous donner des exemples tirés de votre expérience. Comment avec l'aide d'un certain financement gouvernemental — et je songe ici à un financement visant la prévention de la criminalité — des organismes comme le vôtre et des groupes communautaires arrivent à optimiser les deniers publics afin d'obtenir de bons résultats. Pouvez-vous nous donner des cas où les résultats ont été positifs afin de nous en inspirer si nous choisissons cette voie?
(1700)
    Je vais vous donner un exemple et il n'est pas tiré de l'expérience de ma société, mais il est plutôt bien connu. Cela se passait à Yonkers aux États-Unis. Le projet était intitulé Greyston Bakery. Greyston Bakery est un partenariat avec une prison locale dans l'État de New York. Quand un détenu est libéré du système carcéral — et je ne connais pas tous les détails du fonctionnement — il est embauché automatiquement à Greyston Bakery.
    Pour les amateurs de crème glacée Ben & Jerry, Greyston Bakery est la compagnie qui fabrique les brownies de la crème glacée Ben & Jerry. Cette compagnie a une activité assez prospère grâce à cette fabrication.
    L'embauche se fait directement à partir du système carcéral et l'emploi est garanti.
    Vous pouvez imaginer le scénario; si un gouvernement se voyait demander de financer directement un groupe qui prend de tels risques, réels ou apparents, ce groupe ne recevrait sans doute pas de financement. Greyston, qui est une boulangerie, a trouvé des bailleurs de fonds. C'est un groupe qui vend son produit sur le marché et qui offre un débouché pour des gens dont le curriculum vitae comporte des laps de deux, cinq ou dix ans.
    Greyston Bakery peut prouver que le taux de roulement de ses employés est très faible. Ils peuvent prouver que les employés qui ont travaillé pour la boulangerie ont pu passer à un emploi à plein temps. Si vous en parlez aux représentants de Greyston Bakery, ils vous diront que c'est la seule entreprise qui a accepté de les embaucher après leurs démêlés avec l'appareil judiciaire. Sans cette occasion, ils auraient sans doute récidivé et se seraient retrouvés devant le tribunal.
    Si j'ai bien compris, l'essentiel du financement était de sources privées. Je ne sais pas quel a été l'apport gouvernemental, mais je pense qu'il y en a eu un et sans jeu de mots, c'était plutôt la cerise sur le gâteau par comparaison à l'essentiel du financement de Greyston.
    Je pense que c'est une chose qu'il faudrait garder à l'esprit. À bien des égards, le rôle du gouvernement est de créer des incitatifs et des mécanismes pour que le financement social trouve sa place, sans que le gouvernement assume le principal risque sur le plan du capital. À bien des égards, c'est un tandem. Dans certains modèles, le financement gouvernemental est minoritaire.
(1705)
    Merci.
    Vous avez dit que certaines organisations sans but lucratif pourraient vouloir être participantes, mais que c'est un peu risqué. Si le gouvernement investissait des fonds de démarrage, ces organisations verraient là une réduction du risque et elles pourraient lancer des projets qui aboutiraient à des résultats, qui réduiraient considérablement la récidive et dès lors, ce ne serait pas un programme exclusivement gouvernemental. Autrement dit, on embaucherait quelqu'un pour une période de six mois, et cette personne serait rémunérée au sein de sa société, après quoi les choses s'arrêteraient là.
    Tout à fait. Le domaine que je connais le mieux est celui du logement. C'est notre centre d'attention.
    Je vais vous donner l'exemple de ce que nous appelons le fonds d'acquisition New York. Trois groupes différents se sont réunis pour constituer un capital afin d'obtenir un résultat tangible. Ce fonds se porte acquéreur de biens immobiliers dans la ville de New York et convertit ces biens en unités de logements abordables de diverses tailles. Cela peut se traduire en logements abordables pour les gens à faible revenu ou encore des logements adaptés pour ceux qui en ont besoin.
    Outre le gouvernement, sept fondations communautaires cotisent à ce fonds qui représente 40 millions de dollars en capital. Pour ce projet, le secteur privé a investi 170 millions de dollars.
    Maintenant, qui gère le déploiement de ce capital? Le fonds d'acquisition New York n'est pas entre les mains du secteur privé. Ce sont les fournisseurs de services qui trouvent et transforment les propriétés et qui trouvent ceux qui les habiteront. Il y a donc une certaine indépendance. Les investisseurs se soucient du rendement. Dans la mesure où le fonds est rentable... Dans le domaine de l'immobilier, on songe au revenu de location et à la plus value. Les investisseurs soucieux de l'aspect social peuvent compter sur 210 millions de dollars en capital au lieu de 40 millions de dollars qui peuvent servir à construire des logements abordables.
    Merci beaucoup, monsieur Tasevski. Le temps est déjà écoulé.
    Monsieur Easter, vous avez la parole.
    Merci de votre exposé.
    Le fait que nous étudiions cette question plutôt que d'autres en matière de sécurité publique témoigne manifestement de l'intérêt que le gouvernement porte au financement social. J'essaie encore de comprendre pourquoi. J'essaie aussi de comprendre à quoi rime le financement social, en toute honnêteté.
    Quel avantage le gouvernement peut-il tirer du recours plus intense au financement social? Quels en sont les bénéfices pour le gouvernement? Réduire les coûts? Impartir certains programmes? Pourquoi pensez-vous que le gouvernement s'intéresse si vivement à cet aspect.
    La réponse à cette question est pluridimensionnelle. Il y a nombre d'avantages pour le gouvernement.
    Le financement social offre notamment un mécanisme propice à la créativité. Dans l'écosystème de financement social, il y a quantité d'innovations et elles sont le fait des fournisseurs de services. S'agissant des programmes de financement gouvernementaux, le défi notamment est le temps qu'il faut pour la création d'un programme et les règles afférentes qui limitent la mise en oeuvre à certaines activités. Les investisseurs privés, les oeuvres caritatives et les organisations sans but lucratif cherchent des moyens innovateurs et créatifs de régler les problèmes sociaux sans avoir à supporter le fardeau des exigences qu'une organisation gouvernementale impose sur le plan de la programmation. Ainsi, les avantages sont considérables pour ce qui est de la création de mesures innovatrices.
    On peut faire une analogie avec la technologie. Jusque vers le milieu de l'année 2000, ceux qui définissaient nos rapports à la technologie étaient Google, Microsoft et IBM. Steve Jobs a créé le téléphone intelligent et nous disposons de millions d'applications qui définissent une façon fondamentalement différente de nous servir de la technologie. Si on ouvre la porte aux oeuvres caritatives et au secteur privé, leur créativité va aboutir à des mécanismes différents de prestation des programmes gouvernementaux.
    L'autre avantage est la possibilité que le gouvernement réalise des économies. Je pourrais vous donner des exemples détaillés. C'est une des choses... Mais il n'y a pas que les économies. Il a la possibilité de trouver d'autres sources de capitaux que l'on peut injecter dans le secteur social, là où le gouvernement seul ne peut pas intervenir. Le logement social en est un exemple.
    On peut ainsi couvrir divers aspects des programmes sociaux que le gouvernement a du mal à couvrir.
(1710)
    Est-ce que le fait que nous fassions du financement social pour le logement social est un problème, car nous ne mettons pas suffisamment l'accent sur notre stratégie du logement, à l'échelle nationale, du point de vue du gouvernement?
    Nous avons assisté à des compressions dans ce domaine cette année. J'ai peur que lorsque vous regardez les choses sur le plan national, vous qui êtes à London, il y a peut-être beaucoup de possibilités de financement social à London, en Ontario, mais je peux vous dire qu'à Kensington, à l'Île-du-Prince-Édouard, il n'y a vraiment pas beaucoup de possibilités de financement social. Si cela donne l'occasion au gouvernement de dire: « D'accord, les collectivités s'en sont occupées, et donc nous n'avons plus besoin de nous impliquer dans le logement social », vous vous retrouverez avec toute une programmation disparate à l'échelle nationale. Vous aurez des villes où il y a des gens riches qui sont capables de fournir un financement, tandis qu'il y en aura d'autres où ce ne sera pas le cas.
    Cela pose-t-il un danger?
    Je n'ai encore vu personne se retirer. Je vais vous donner un exemple. Je viens en fait de la ville de Toronto. À Toronto, chaque année, nous construisons environ 65 000 nouvelles unités de logement. La taille de la ville est en expansion. Là-dessus, je dirais que moins de 1 000 unités sont des unités de logements abordables.
    J'étais à New York pour m'adresser à des membres qui avaient contribué au développement du fonds d'acquisition. La ville de New York s'est fixé comme objectif de logements abordables le nombre de 200 000 unités. La seule façon d'atteindre cet objectif, c'est de créer les mécanismes pour que le financement social soit possible aux États-Unis.
    Ce n'est pas comme si un organisme gouvernemental se retirait du financement. Au contraire, les gouvernements investissent davantage, car l'idée de catalyser les fonds fait en sorte que plus les parties investissent dans le mélange, plus le financement des autres risque de grandir. Ainsi, je ne vois aucune réduction ou des gens qui disent: « Je vais me retirer de cette initiative ».
    J'ai peur que le gouvernement se retire d'une stratégie du logement.
    Dans ma région, nous dépendons de certains groupes caritatifs. Ce n'est pas vraiment du financement social, mais Habitat For Humanity fournit un logement à un grand nombre de personnes à l'Île-du-Prince-Édouard et c'est une bonne chose. Il faut également obliger le gouvernement à assumer ses responsabilités et non pas avoir quelqu'un d'autre qui s'en occupe et que le gouvernement s'en sorte à bon compte.
    C'est ce qui me préoccupe à propos de ces questions.
    Je trouve qu'avec les besoins que nous avons dans notre société, certaines des réponses proposées sont simplement inadéquates. Si nous arrivons à trouver un mécanisme pour accroître le nombre d'acteurs et les montants d'argent dans certains de ces programmes... Je me soucie moins du fait que le gouvernement se retire, mais plus du montant total de financement qui aujourd'hui est insuffisant. Il nous suffit simplement de trouver davantage de mécanismes pour investir.
    En ce qui concerne le financement social et sa provenance, il est certain que c'est un concept nouveau pour moi. Y a-t-il une coordination nationale dans la façon dont fonctionne ce système de financement social ou bien est-ce que tous les intervenants et les différents groupes agissent chacun de leur côté et suivent différentes idées? Existe-t-il une coordination nationale ou une entité qui coordonne toutes ces activités au Canada ou bien les choses se font-elles uniquement dans certaines régions?
(1715)
    Cela dépend de votre définition du mot « coordination ».
    Au Canada, personne n'est chargé de la réglementation du financement social et il n'existe aucun groupe national qui aspire à devenir cette entité principale. On en retrouve un peu dans d'autres pays. Le Royaume-Uni est probablement le pays où le financement social est le plus développé au monde. Là-bas vous avez ce que l'on appelle Big Society Capital et il y a également le Third Sector qui est chargé, à l'échelle des politiques, de coordonner bon nombre des efforts de financement social.
    Je dirais qu'ils ont 10 à 15 ans d'avance sur nous, en Amérique du Nord. Nous n'avons pas encore ces éléments en place, mais nous avons mes collègues au MaRS Centre for Impact Investing, à Toronto, qui agissent un peu à titre d'instigateurs de certains projets.
    Merci, monsieur Tasevski.
    Une fois de plus, nous avons un petit peu débordé. Nous vous donnerons l'occasion de faire d'autres commentaires en réponse à des questions, si vous le désirez. Cela ne pose pas de problème.
    Nous allons maintenant passer à Mme Rosane Dorée Lefebvre, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Tasevski, je vous remercie d'être ici avec nous aujourd'hui.
    J'ai quelques brèves questions à vous poser.
    À la fin de votre présentation, vous avez mentionné que le financement social n'était qu'un outil parmi les outils disponibles. Y a-t-il des endroits ou des secteurs où il ne serait pas envisageable d'avoir de la finance sociale?

[Traduction]

    Je dirai ici que certains types d'interventions ne donnent aucun rendement. Tout l'édifice du financement social est basé sur la capacité de créer des produits et des services innovateurs que des gens sont prêts à acheter.
    Imaginez un scénario comme la sécurité alimentaire. Dans certains cas, le réseau des banques alimentaires, malheureusement au Canada, est une nécessité. Il n'y a vraiment aucun mécanisme pour monétiser ce genre de stratégie, et d'ailleurs très peu de gens essaient de faire cela. Je crois qu'il s'agit d'un exemple extrême de ce qui est tolérable dans le monde du financement social.
    Je dirais que s'il y a des interventions... Pour moi, le logement et l'immobilier fournissent une filière pour la location. Il existe un modèle d'affaires connu pour générer des revenus qui pourront être partagés avec les investisseurs, mais dans d'autres modèles, comme l'intervention en cas de catastrophe, le financement social risque de ne pas s'appliquer.
    Des choses notamment qui nécessitent d'agir rapidement pour atteindre des résultats. Comme on l'a dit plus tôt lorsqu'on a posé une autre question, il faut pouvoir mesurer l'incidence de vos interventions. Dans certains cas, l'intervention prend des années avant d'aboutir et donc vous devez avoir certains domaines qui nécessitent une certaine dose de patience pour pouvoir générer des résultats.
    Ce n'est pas une réponse très précise à votre question, mais ce n'est pas non plus une panacée. Il y a des endroits où c'est tout à fait indiqué tandis qu'il y en a d'autres où ça paraît peu logique.

[Français]

    Dans votre présentation, vous avez donné trois exemples de finance sociale. Le troisième point que vous avez abordé est le financement direct des obligations à valeur sociale.
    Si le secteur privé pouvait financer directement ces activités, pourquoi passerait-on par le gouvernement? Pourquoi passer par des obligations à valeur sociale? Pouvez-vous parler davantage du troisième point que vous avez présenté?
(1720)

[Traduction]

    À propos du troisième point, si j'ai bien compris la question, un des modèles dont j'ai parlé concernait l'idée de capital catalyseur. Le capital catalyseur fonctionne essentiellement pour convaincre un deuxième ou un troisième investisseur du capital-action à investir dans une intervention. Quelqu'un a besoin de lancer le processus.
    Si vous enlevez le financement social de l'équation, si je cherchais à développer une possibilité d'investissement — peu importe qu'il s'agisse d'un projet à visée sociale ou pas — le premier investisseur est celui qui va servir de catalyseur pour le reste des investisseurs. Si quelqu'un dit: « Il s'agit effectivement d'un investissement légitime. Il peut générer les rendements que je recherche, et je serai le premier à y investir », le deuxième et le troisième investisseurs vont se joindre à lui. Certains attendent souvent que le premier investisseur prenne l'initiative avant de décider eux aussi d'investir.
    La même chose se produit avec le financement social. Dans le cas du financement social, il y a une difficulté supplémentaire, à savoir le fait de ne pas comprendre les débouchés qui existent, la façon dont fonctionne le financement social, ce qu'il signifie ou comment on peut garantir des résultats sociaux. Comment pouvoir mesurer tout cela? Comment pouvoir le comptabiliser?
    Il nous faut des fers de lance. Dans certains cas, c'est le gouvernement; dans d'autres, ce sont des fondations privées ou des philanthropes. Il y a toujours une étincelle qui doit se produire pour créer une possibilité d'investissements.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Doré Lefebvre.
    Monsieur Payne, s'il vous plaît, vous avez cinq minutes.
    Merci monsieur Tasevski d'être venu. Nous avons entendu des renseignements très intéressants aujourd'hui.
    Je vais accorder une minute à mon collègue, M. Norlock, pour qu'il vous pose une question. Je sais qu'il n'a pas eu cette possibilité.
    Merci.
    Je vais vous donner un exemple. M. Easter a mentionné Habitat for Humanity et le fait que les plus petites communautés n'avaient pas cette possibilité. Eh bien, Habitat for Humanity est présent dans la plupart des petites collectivités. Je sais que l'organisme est présent dans ma communauté. Il y construit des maisons dans des communautés d'environ 1 000 à 3 000 habitants.
    J'aimerais utiliser un exemple et vous demander ce que vous en pensez. Avec un petit investissement du gouvernement dans la formation et les débouchés, nous avons pris 12 personnes difficiles à embaucher et ne disposant d'aucune expérience dans la construction. Il s'agissait d'un chantier confessionnel, à savoir un groupe d'églises locales qui se sont réunies et ont amassé 300 000 $ en très peu de temps. Elles se sont jointes à cette organisation qui travaillait avec le ministère de l'Éducation. Elles ont embauché 12 personnes pour travailler sur ce chantier de construction. À la fin du projet, 8, 10 ou 12 personnes avaient un emploi permanent à temps plein dans l'industrie de la construction.
    Cela vous semble-t-il être un bon exemple de la façon dont les partenariats public-privé peuvent s'unir avec les organismes sans but lucratif?
    Je dirais que oui, peut-être.
    Je ne sais pas si Bill Young a eu la chance de parler d'Inner City Renovations de Winnipeg, mais il s'agit essentiellement d'un modèle semblable. Dans ce cas-là, c'était Bill Young qui a servi de catalyseur à cet investissement. Ce serait un bon exemple.
    Pour revenir à l'exemple de Habitat for Humanity, je connais Habitat assez bien, en réalité. Je sais qu'il s'intéresse de très près aux modèles d'investissement à impact social pour son projet.
    Dans la ville de Toronto, nous avons différentes organisations qui se sont unies pour créer un projet de Habitat for Humanity de plus grande envergure. Pour accroître le nombre d'unités qu'elle construit, elle a une stratégie qui consiste à utiliser l'investissement à impact social ou des mécanismes de financement social.
    L'exemple que vous avez donné à mon avis en serait un bon.
    J'imagine que c'est à mon tour. Merci monsieur le président.
    Oui, c'est à vous, il vous reste encore deux minutes.
    Merci.
    Il est intéressant d'entendre certains membres de l'opposition dire qu'il s'agit du mauvais type d'investissement. Vous avez parlé un petit peu de compartiments. Lorsqu'on a des compartiments, les gens se contentent d'y rester. Ils ne peuvent pas voir au-delà des limites et n'arrivent pas à voir que cela pourrait éventuellement aider différentes personnes dans différentes organisations.
    En ce qui concerne le logement social dont vous avez parlé, ces investisseurs y ont des actifs. Ils vont obtenir un rendement sur leur argent. Je vois que cela pourrait éventuellement aider un grand nombre d'organisations et de particuliers.
    Vous avez parlé de certaines des valeurs qu'on retire de tout cela. S'agissant de financement, je me demande si vous n'auriez pas un autre exemple des principaux obstacles à surmonter quand on veut mettre sur pied ce genre de modèle.
(1725)
    Une fois de plus, je vais vous donner des exemples dans le domaine du logement et de l'immobilier, principalement parce que c'est notre domaine d'expérience. Il y a quelque chose qu'on appelle le bail viager. J'en ai parlé dans mon allocution. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas ce modèle, un bail viager est un mécanisme dont a besoin quelqu'un qui se trouve dans un logement supervisé, comme une personne âgée qui est atteinte d'une forme de handicap ou qui ne nécessite pas nécessairement des soins tous les jours, mais des soins ponctuels, de la part d'un infirmier dans son unité. Le bail viager donne la possibilité à cette personne d'acheter un bail sur une propriété.
    Plutôt que de devoir déménager dans un établissement de soins de longue durée et de payer essentiellement entre 3 000 et 5 000 $ par mois simplement en loyer, cette personne peut en réalité acheter l'unité dans laquelle elle emménage. Il s'agit souvent de maisons en rangée ou d'unités au sein d'un immeuble en copropriété qui se trouve juste à côté d'un établissement de soins de longue durée ou près d'un hôpital.
    Vous créez ainsi la possibilité pour cette personne dans le besoin d'être propriétaire d'un bien ou d'un actif sous-jacent.
    Merci beaucoup. Je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
    Monsieur Rousseau, vous disposez d'environ trois à quatre minutes.
    Je vais m'exprimer en français.

[Français]

    Pouvez-vous m'énumérer les paramètres d'évaluation de vos investissements et me dire lesquels pourraient s'appliquer à des programmes de prévention du crime? Quels paramètres ou mesures utiliserait-on pour évaluer le succès ou l'échec d'un investissement?

[Traduction]

    Vous voulez dire précisément pour prévenir la criminalité?

[Français]

    Oui, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Si j'envisageais une intervention pour prévenir la criminalité, j'examinerais plusieurs critères. D'abord, je me demanderais si c'est quelque chose qui peut réduire la récidive à long terme. Si la programmation actuelle peut entraîner — et je ne connais pas exactement les cibles précises, mais admettons qu'aujourd'hui vous puissiez réduire de 50 % les taux de récidive grâce à vos programmes. L'intervention dans laquelle vous voudriez investir devrait avoir une cible tangible au-delà de ce seuil. Si vous voulez augmenter cette cible de 10 %, les projets dans lesquels vous voulez investir devraient inclure cette cible et disposer de résultats tangibles pouvant être mesurés. Plus les mesures sont tangibles, mieux c'est.
    Lorsqu'il s'agit de résultats sociaux, il vaut mieux s'en remettre à des études anecdotiques ou à des études de cas, mais plus vous arrivez à générer des données objectives, mieux c'est. Si cela entraîne une réduction de l'utilisation des ressources, par exemple au sein du système de justice pénale — je crois que pour traduire un jeune devant les tribunaux de traitement de la toxicomanie, cela coûte environ 120 000 $ pour aller jusqu'au bout du processus. Si vous arrivez à prouver qu'un projet qui n'est pas directement appuyé par le gouvernement, par exemple par le biais du financement social, peut éviter de faire passer ce jeune devant les tribunaux, ce n'est pas comme si le gouvernement se retirait du financement. Ce que vous faites permet de faire économiser de l'argent au gouvernement et si le projet coûte moins que ce qui serait nécessaire pour poursuivre ce jeune... The Peacebuilders, par exemple, a une programmation qui, je crois, coûte environ 30 000 $ par jeune. Il s'agit là de certains exemples de critères.
    Il vous reste encore 30 secondes.

[Français]

    D'accord.
    Cela pourrait-il s'appliquer aussi dans les régions rurales? Je pense surtout à des exemples qui ne vous sont peut-être pas familiers. Par exemple, la philanthropie est moins présente dans certaines régions rurales du Québec. Il serait plus difficile d'avoir des instruments de mesure du succès d'un programme dans de telles régions.

[Traduction]

    Ce que vous dîtes est très intéressant. Cela dépend de la nature du crime que vous essayez de prévenir, je crois.
    Pour répondre à l'une des questions soulevées plus tôt, ce qui est crucial ici c'est que vous réunissiez les membres de la communauté pour aider à résoudre le problème. Ce n'est pas quelque chose que le gouvernement doit résoudre. Le virage culturel qui doit se produire, à mon sens, est que les intervenants de notre société arrivent à trouver des façons de créer des projets qui soient les plus logiques et qui importent le plus pour cette communauté.
    Le gouvernement ne finance pas ce genre de choses. Il n'est pas celui qui gère la programmation. Vous êtes simplement le protagoniste qui aide à catalyser et à appuyer. Cela peut se faire par le biais de changements des politiques. Pas besoin pour cela d'injecter du capital.
    La meilleure réponse que je puisse vous donner, c'est que la première chose que je ferais serait de contacter des gens dans les régions rurales du Québec pour voir quels genres de projets ils essaient déjà de créer dans leur communauté. Il s'agirait de savoir s'ils n'ont pas suffisamment de soutien. Est-ce qu'ils comptent sur des fondations de petite taille, locales et caritatives? Est-ce que cette aide leur suffit? Y a-t-il une façon d'améliorer cet investissement?
(1730)
    Merci beaucoup, monsieur Tasevski.
    Merci, monsieur Rousseau.
    Chers collègues, notre temps est écoulé pour aujourd'hui.
    Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier, monsieur Tasevski, d'avoir passé ce temps avec nous et de nous avoir fait part de vos idées et d'avoir répondu à nos questions.
    Nous allons maintenant lever la séance.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU