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Chers collègues, la séance est ouverte. Bienvenue à la 34
e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous examinerons aujourd'hui le projet de loi , Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Au cours de la première heure, nous assisterons à la comparution de deux ministres, à savoir , et . Ils passeront la première heure avec nous.
Ils sont accompagnés de plusieurs autres collaborateurs, qui resteront avec nous pour toute la durée de la séance: Hilary Geller, sous-ministre adjointe de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, au ministère de la Santé; Diane Labelle, avocate générale des Services juridiques, Santé Canada, au ministère de la Justice; Kathy Thompson, sous-ministre adjointe du Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, au ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile; et pour terminer, le surintendant principal Eric Slinn, directeur général des Services de soutien aux opérations, Police fédérale, à la Gendarmerie royale du Canada.
Au cours de l'heure suivante, soit de 16 h 30 à 17 h 30, nous entendrons le témoignage d'une autre collaboratrice du ministère de la Santé: Suzy McDonald, directrice générale déléguée de la Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme, et de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs.
Voilà qui met fin à la liste de témoins d'aujourd'hui.
Chers collègues, nous allons sans plus tarder écouter les déclarations des ministres. C'est la ministre Ambrose qui ouvrira le bal.
La parole est à vous, madame la ministre.
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Merci, monsieur le président.
Je suis très heureuse d'être ici, en compagnie du ministre Blaney et de nos collaborateurs, pour discuter de notre Loi sur le respect des collectivités, un projet de loi visant à protéger et à assurer la santé et la sécurité publiques au sein de nos collectivités.
Avant de plonger dans le vif du sujet, je tiens à dire que nos pensées et nos prières accompagnent la famille et les amis du caporal Nathan Cirillo, de l'Argyll and Sutherland Highlanders of Canada. De même, nos pensées et nos prières accompagnent bien sûr la famille et les amis de l'adjudant-chef Patrice Vincent, qui a été tué par un terroriste s'inspirant de l'État islamique en Irak et au Levant.
Les événements de la semaine dernière, qui se sont déroulés en partie dans les corridors qui nous entourent, nous rappellent cruellement que le Canada n'est pas à l'abri du genre d'attaques dont nous avons été témoins ailleurs dans le monde. J'étais très touchée de voir les Canadiens faire preuve d'une telle solidarité, qui a permis à notre pays de traverser bien des difficultés. Ensemble, je sais que nous resterons vigilants à l'égard de ceux qui nous veulent du mal, chez nous et ailleurs.
Monsieur le président, je vais maintenant aborder le sujet à l'ordre du jour, à savoir la Loi sur le respect des collectivités. Le projet de loi vient renforcer le cadre canadien de réglementation des drogues en codifiant les facteurs que la Cour suprême du Canada a mis en évidence. Notre gouvernement traite avec le plus grand sérieux les torts que peuvent causer les drogues dangereuses à forte dépendance. Ces drogues déchirent des familles, favorisent un comportement criminel et détruisent des vies. Elles minent la sécurité de nos rues et nuisent à nos collectivités. En fait, le taux de consommation de narcotiques au Canada demeure préoccupant. Chez les jeunes, ce comportement est encore bien trop fréquent. Les répercussions en chaîne de la toxicomanie se font sentir dans toutes les sphères de notre société.
Dans le cadre de la Loi sur le respect des collectivités, notre gouvernement prend des mesures pour résoudre ces problèmes et pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens et des collectivités dans lesquelles ils vivent. Le projet de loi n'a pas été conçu du jour au lendemain, ni sur un coup de tête. Il a été rédigé de façon à codifier expressément une décision détaillée de la Cour suprême du Canada de septembre 2011 qui portait sur un centre d'injection supervisée. Dans cet arrêt, la cour a été on ne peut plus claire. Elle m'a ordonné à moi, ministre de la Santé, de tenir compte de facteurs précis dans l'examen des demandes d'exemptions aux lois canadiennes sur les drogues dans le but de créer ce genre de centres.
Je n'ai pas le choix d'en tenir compte. Voici donc les facteurs qui sont ajoutés à la loi:
... la preuve, si preuve il y a, concernant l’incidence d’un tel centre sur le taux de criminalité, les conditions locales indiquant qu’un centre d’injection supervisée répond à un besoin, la structure réglementaire en place permettant d’encadrer le centre, les ressources disponibles pour voir à l’entretien du centre et les expressions d’appui ou d’opposition de la communauté.
Monsieur le président, je trouve le dernier point particulièrement important. Notre gouvernement croit sincèrement, à l'instar de la Cour suprême, que les collectivités méritent d'avoir leur mot à dire concernant tout projet visant à créer un centre d'injection supervisée.
Voici ce que dit la cour dans sa décision:
... n’autorise pas les consommateurs de drogues injectables à posséder des drogues à leur guise, n’importe où et n’importe quand. Il ne s’agit pas non plus d’inviter quiconque le désire à ouvrir un centre de consommation de drogues en le présentant comme un « centre [de consommation] supervisée ».
Notre gouvernement respecte cette décision du plus haut tribunal au pays, et c'est dans cette optique que nous présentons la Loi sur le respect des collectivités. Le projet de loi modifie la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui est la loi fédérale de réglementation des drogues au Canada. Son objectif est double: la protection de la santé publique et la protection de la sécurité publique.
Malgré son caractère prohibitif, le projet de loi prévoit aussi des exemptions pour l'utilisation légitime d'une substance désignée ou d'un précurseur. Des exemptions sont actuellement prévues pour des raisons médicales ou scientifiques, ou des raisons d'intérêt public. En tant que ministre de la Santé, j'ai notamment pour rôle d'approuver ces exemptions. Les motifs qui sont le plus souvent invoqués sont l'utilisation des substances réglementées dans le cadre d'essais cliniques, la recherche universitaire nécessitant ces substances, ou l'aide humanitaire dans d'autres pays. Dans tous ces cas, les activités exemptées de l'application de la loi portent sur des substances réglementées qui sont obtenues de sources légales. Ce genre d'exemptions, qui touchent des activités où les substances réglementées sont obtenues de façon licite, représentent pratiquement la totalité des exemptions accordées.
Là où les dispositions du projet de loi entrent en ligne de compte, c'est lorsqu'un autre type de demandes d'exemption commence à apparaître; elles visent les activités comportant des substances réglementées qui sont obtenues de sources illégales. Les risques élevés de ces substances sont accrus lorsque celles-ci proviennent de sources illicites; tout le monde convient qu'elles sont dangereuses puisqu'elles sont produites dans un milieu non réglementé. Compte tenu de l'ampleur du risque, toute demande visant ce genre d'activités associées à des substances illicites doit être évaluée en fonction de critères rigoureux, y compris les facteurs de la Cour suprême que j'ai mentionnés plus tôt.
C'est pour cette raison que la Loi sur le respect des collectivités propose d'ajouter de nouvelles dispositions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, dispositions qui s'attarderont plus particulièrement aux demandes d'activités associées à des substances illicites, et qui comporteront justement un volet sur les centres d'injection supervisée.
Le projet de loi précise les informations qu'une personne demandant une exemption pour les activités d'un centre d'injection supervisée comportant des substances illicites est tenue de soumettre à l'avance, si elle veut que sa demande soit prise en considération. La demande n'est pas évaluée tant que tous les renseignements nécessaires ne sont pas reçus. En tant que ministre de la Santé, cette exigence m'assure de pouvoir exercer efficacement mes responsabilités lorsque j'évalue le bien-fondé d'une demande de création de centre d'injection supervisée, comme le veut la Cour suprême. Les critères qui se trouvent dans le projet de loi sont fondés sur les facteurs que la cour a déterminés.
Un des ajouts les plus importants, qui a d'ailleurs suscité le plus long débat, c'est le fait que la Cour suprême exige de tenir compte des expressions d’appui ou d’opposition de la communauté. Selon les nouvelles dispositions, les demandeurs devront recueillir les commentaires et les points de vue, à l'échelle locale, des ministres provinciaux responsables de la santé et de la sécurité publique, des chefs de police locaux, et des premiers professionnels de la santé publique de la province ou du territoire, sous la forme d'une lettre résumant leur opinion concernant l'activité proposée. Les demandeurs devront également consulter l’autorité attributive de licences en matière d’activités professionnelles de la province, et un large éventail d'organismes communautaires au sein de la municipalité. Ils devront soumettre des rapports sur ces consultations, y compris un résumé des opinions recueillies, une copie des mémoires écrits qu'ils ont reçus, et une description des mesures prises afin de calmer les inquiétudes pertinentes qui ont été exprimées lors des consultations.
Notre gouvernement reconnaît l'importance de consulter les organismes communautaires intéressés par toute proposition de centre d'injection supervisée, et est heureux d'appliquer la décision de la Cour suprême à cet égard. Comme je l'ai dit plus tôt, un des principaux objectifs de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances est de protéger la sécurité publique. Elle y parviendra surtout en minimisant le risque que des substances réglementées aboutissent sur le marché clandestin. La renforce davantage cet aspect en proposant un pouvoir d'inspection des lieux en aval, qui permet à Santé Canada de vérifier l'exactitude des renseignements de la demande et la présence de toutes les mesures nécessaires. Dans le cas où une exemption de cette nature est accordée, le centre devra respecter des modalités claires et sera soumis à des inspections de conformité.
Compte tenu des dangers inhérents à ces substances, il est primordial que Santé Canada ait les outils nécessaires pour assurer la sécurité des centres tant pour le personnel que pour l'ensemble de la collectivité. Comme c'est le cas de toute exemption accordée aux termes de cette loi, l'exemption peut être révoquée si les modalités ne sont pas respectées ou en cas de problèmes de conformité. De même, lorsque les exemptions accordées selon les dispositions du projet de loi parviennent à échéance, des demandes d'extensions sont soumises, et des critères sont définis. Pour renouveler une exemption, un demandeur doit fournir d'autres renseignements qui datent du moment où la première exemption a été accordée jusqu'à la demande la plus récente. Il faut également y inclure des précisions concernant toute variation du taux de criminalité dans les environs du centre, de même que les répercussions des activités du centre sur la santé individuelle ou publique.
Étant donné que nous connaissons les risques associés à la possession, à l'utilisation et à la production de substances illicites, il est tout à fait logique que les exemptions pour des activités associées à des drogues dangereuses ne soient accordées que dans des circonstances exceptionnelles, si des critères rigoureux sont respectés. C'est ce qui crée une bonne politique gouvernementale favorisant la protection de la santé et de la sécurité du public et, surtout, le respect de nos collectivités.
La Cour suprême m'a ordonné de tenir compte des cinq facteurs qui sont énoncés dans sa décision, et le projet de loi définit la façon dont nous y parviendrons. Notre gouvernement prend des mesures afin que nous ayons les bons outils pour le faire. Cette nouvelle méthode assurera un processus d'évaluation des demandes de création de centres d'injection supervisée plus clair et transparent pour les ministres de la Santé d'aujourd'hui et de demain. La démarche proposée fournit également la structure législative nécessaire pour prendre adéquatement en charge les problèmes en matière de santé et de sécurité publiques, mais surtout, elle permet au public et à la collectivité de se faire entendre.
Pour conclure, monsieur le président, la est une composante importante et nécessaire de l'engagement de notre gouvernement à lutter contre la consommation de drogues dangereuses et illicites. Elle complète la stratégie nationale antidrogue de notre gouvernement, et prévoit un processus de demande qui respecte nos collectivités. J'encourage les membres du comité à examiner attentivement les dispositions de la Loi sur le respect des collectivités, qui ont pris naissance dans la décision de 2011 de la Cour suprême.
La Cour suprême a été très claire à propos de mes responsabilités en tant que ministre de la Santé. Je crois que la Loi sur le respect des collectivités offre les outils nécessaires pour que notre gouvernement puisse se conformer à ces décisions.
Pour terminer, monsieur le président, nous croyons que les communautés ont le droit de se faire entendre dans ces réflexions et consultations, et que la santé publique doit demeurer une priorité afin d'assurer la sécurité de nos rues.
Merci.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de m'accueillir cet après-midi au Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Je suis impatient de revenir vous rencontrer pour discuter du projet de loi , qui vient d'être déposé à la Chambre et qui vise à protéger le Canada contre le terrorisme.
[Traduction]
En tant que , je crois fermement que nous devons tout faire pour que nos rues et nos collectivités demeurent sécuritaires pour nos enfants et nous-mêmes. Voilà pourquoi je tiens à remercier ma collègue, la , de son esprit d'initiative entourant ces mesures législatives essentielles, et plus particulièrement de son inclusion des collectivités dans une décision qui pourrait transformer radicalement leurs quartiers.
[Français]
Le projet de loi propose de concevoir de nouvelles exigences pour les organisations qui demandent une exemption en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances afin de mettre en place un centre de consommation supervisée.
Le projet de loi que vous examinerez garantira que ceux qui pourraient être touchés par la mise en place de ces centres seront consultés avant qu'un tel centre ne soit construit dans leur communauté.
[Traduction]
En d'autres termes, les simples citoyens, les groupes communautaires d'action civique et les forces de l'ordre pourront se faire entendre et dire si de tels centres de consommation de drogue ont leur place dans leur voisinage.
Les Canadiens s'attendent à ce qu'on ne prenne pas à la légère toute décision permettant la création d'un lieu où les lois seront enfreintes, et où les toxicomanes pourront consommer des drogues illicites. Il est toutefois consternant d'apprendre qu'aucun Canadien ne serait consulté si un tel centre de consommation de drogue devait aujourd'hui ouvrir ses portes dans une de vos circonscriptions. Ce qui me choque, c'est que la chef adjointe du NPD, Mme Davies, a annoncé que son parti allait s'opposer à ce que les membres des collectivités aient leur mot à dire dans cette décision. Or, la consultation est à mes yeux un principe fondamental de tout processus décisionnel démocratique. C'est la raison pour laquelle je suis si reconnaissant d'être aux côtés de , ministre de la Santé, et pour laquelle j'appuie sans réserve ce projet de loi qui permettra aux gens touchés ou consultés de s'exprimer.
Dans le cadre d'une question de sécurité publique, nous avons vu les néo-démocrates réclamer un plan visant à distribuer des aiguilles à des criminels coupables afin qu'ils continuent à consommer derrière les barreaux. Je ne suis pas d'accord. Je ne crois pas que cela fasse partie de la réinsertion sociale; nous ne voudrions pas que les détenus prennent cette voie lorsqu'ils seront libres. À la place, nous avons présenté la . Par ailleurs, il y a la position des libéraux. M. Trudeau a reconnu sa volonté de légaliser la vente de marijuana, ce qui en rendrait l'accès plus facile à nos enfants. Il a bien dit que, selon sa vision de la légalisation, fumer de la marijuana deviendrait une activité quotidienne normale. Je ne suis pas d'accord. Je pense que nous pouvons en faire plus pour nos enfants, et que nous pouvons leur offrir une société plus protectrice.
Voilà pourquoi je rejette totalement cette idéologie radicale en faveur des narcotiques. Voyons voir ce que fait réellement le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.
[Français]
D'abord et avant tout, ce projet de loi garantira que les demandes pour permettre la consommation de drogues illicites dans nos communautés seront examinées soigneusement.
Des propositions pour mettre en place de tels sites soulèvent d'importantes questions de sécurité publique du point de vue des membres du personnel de ces sites, des familles et des services policiers locaux.
Il n'y a aucun doute que le point de vue des organismes locaux d'application de la loi devraient être pris en considération.
Les substances obtenues de sources illicites ont un effet néfaste et dévastateur sur la sécurité publique et pourraient favoriser le crime organisé.
[Traduction]
Cet été, j'ai pu constater moi-même certains des défis qui se posent aux policiers qui défendent nos collectivités, y compris dans certains secteurs où la toxicomanie est très présente. J'ai sillonné les rues du quartier Downtown Eastside en compagnie de membres du Service de police de Vancouver, et ce n'est certainement pas le genre d'activité criminelle que je voudrais voir à proximité d'une école, ou de quelque collectivité que ce soit. Les agents de police de première ligne sont plutôt d'accord.
Tom Stamatakis, président du Syndicat des policiers de Vancouver et de l'Association canadienne des policiers a dit:
... [m]on expérience à Vancouver m'a appris que ces sites entraînent aussi une augmentation du comportement et de l'agitation de nature criminelle dans les environs des sites et que ces derniers ont une incidence considérable sur les ressources policières.
Est-ce bien là le genre de Canada que nous voulons, monsieur le président?
[Français]
Pour ces raisons, j'appuie le projet de loi de la ministre Ambrose. Non seulement donne-t-il une voix aux Canadiens directement touchés par la décision de bâtir un centre de consommation supervisée, mais il s'ajoute en outre à d'autres mesures rigoureuses prises par notre gouvernement pour contrer la consommation.
Comme je l'ai mentionné, la Loi concernant l'éradication des drogues dans les prisons est un autre projet de loi important examiné par le Parlement. Ce projet de loi garantira que la Commission des libérations conditionnelles du Canada aura un pouvoir législatif supplémentaire lorsqu'elle prendra des décisions sur la mise en liberté sous condition de contrevenants ayant obtenu une libération conditionnelle, mais dont les tests de dépistage ont donné des résultats positifs, ou qui refusent de se soumettre à un test de dépistage avant d'obtenir leur congé d'une institution et de réintégrer la communauté.
Ce projet de loi garantira également que la Commission des libérations conditionnelles du Canada portera une attention particulière à la question visant à savoir si la condition de s'abstenir de consommer des drogues et de l'alcool devrait être imposée au contrevenant au moment de sa libération conditionnelle.
[Traduction]
Le gouvernement conservateur est fier des efforts qu'il déploie pour appuyer les collectivités et assurer leur sécurité, notamment en s'attaquant au problème de l'utilisation des drogues illicites.
Merci d'avoir pris le temps de discuter de ce problème très important aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie la ministre Ambrose, le ministre Blaney et les autres responsables de comparaître devant le comité aujourd'hui.
J'ai entendu les deux ministres parler de la nécessité de consulter la collectivité. À mon avis, nous espérons tous que les mesures prévues dans ce projet de loi donneront aux collectivités la possibilité d'exprimer leurs points de vue concernant les sites d'injection que l'on cherche à ouvrir dans leur région.
Il est important de faire remarquer que, avant l'étape de l'étude au comité, les parlementaires ont passé plus de 18 heures à étudier le projet de loi à la Chambre des communes, pendant la première étape importante sur le plan législatif. À mon avis, nous sommes tous heureux de voir que le projet de loi a enfin franchi l'étape suivante.
Je suis d'accord avec vous deux pour dire que, en tant que législateurs, nous devons veiller à ce que les collectivités prennent part à ce processus. D'ailleurs, à mon avis, cela contribue à la réussite de n'importe quelle initiative.
Madame la ministre Ambrose, dans votre exposé, vous avez parlé de l'importance d'entendre l'opinion des autorités locales et de la population concernant les demandes visant à ouvrir des sites de consommation supervisés. Pourriez-vous nous parler davantage de la manière dont le projet de loi C-2, la mesure législative que nous étudions, permettrait de consulter un large éventail d'intervenants? Vous ne parlez pas seulement des ordres de gouvernement, d'un groupe communautaire ou d'une seule force policière, mais d'un large éventail d'intervenants. Pourriez-vous nous dire pourquoi, à votre avis, il s'agit d'une étape importante d'une demande visant à ouvrir un site d'injection supervisée?
:
Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, le gouvernement est convaincu que les sites d'injection supervisée ne devraient pas être ouverts sans que la collectivité ait été consultée. Nous croyons que la consultation constitue l'un des principaux moyens de faire preuve de respect à l'égard des Canadiens et à l'égard de leurs collectivités au sujet d'une question comme celle-ci.
La Cour suprême a déterminé que les expressions d'appui ou d'opposition de la collectivité constituent un facteur crucial dont je devrai tenir compte, en tant que ministre de la Santé, et dont tout futur ministre de la Santé devra tenir compte lorsqu'il ou elle se penchera sur une demande de ce genre. Je demanderais au comité de me permettre et de permettre à tous les futurs ministres de la Santé de pouvoir faire cela. Il s'agit d'un des plus importants objectifs de ce projet de loi. Ces consultations mettront en lumière soit un large appui, soit une grande opposition, soit peut-être même des remarques modérées pour ou contre. Quoi qu'il en soit, il est extrêmement important de tenir ces discussions. Évidemment, nous prenons très au sérieux les dommages causés par les drogues dangereuses créant une dépendance. Nous savons que les collectivités se disent très inquiètes des conséquences d'avoir un site d'injection dans leur quartier.
Pour cette raison, et aussi pour respecter l'exigence de la Cour suprême, le projet de loi exigerait que l'on prenne en compte des critères rigoureux avant de traiter une demande visant à ouvrir un site d'injection supervisée. Voilà pourquoi il est si important de donner à tous les Canadiens la possibilité de s'exprimer sur la question avant l'ouverture d'un site. Les critères prévus dans le projet de loi permettraient à bien des voix différentes d'être entendues en vue d'éclairer l'étude du ministre de la Santé. Ceux qui présentent une demande visant à ouvrir un site d'injection supervisée devront solliciter l'opinion de nombreux groupes de la collectivité à l'égard des activités proposées, sous la forme d'une lettre.
Par exemple, une lettre serait exigée de la part du ministre de la Santé provincial concerné. La lettre soulignerait son opinion à l'égard des activités proposées dans le site, décrirait comment ces activités seraient intégrées dans le système de soins de santé provincial et fournirait des renseignements concernant l'accès au traitement de la toxicomanie, qui serait offert aux personnes qui utiliseraient le site. Non seulement cela permettrait à l'autorité provinciale d'avoir un mot à dire, mais cela servirait aussi à informer le ministre de la Santé fédéral pendant le processus d'approbation.
Il vaudrait certainement la peine de tenir compte de l'appui d'un ministre de la Santé provincial dans le cadre d'une demande d'ouverture d'un site d'injection supervisée.
De la même manière, nous nous attendrions à recevoir des lettres de la part de l'administration municipale de même que du chef des services de police de la collectivité pour indiquer s'ils considèrent que les activités proposées dans le site seraient sécuritaires ou non, notamment toute préoccupation concernant la santé — et donc aussi la sécurité — de la population.
Enfin, nous aimerions recevoir des lettres de la part du principal ou des principaux professionnels de la santé, tels que l'administrateur en chef de la santé publique de la province et le ministre de la Sécurité publique de la province concernée pour veiller à ce que leurs opinions soient consignées au dossier. Les demandeurs seront également tenus de mener des consultations auprès des organismes de réglementation professionnelle pertinents de la province et d'un vaste éventail de groupes communautaires de la municipalité. Ils devront fournir des rapports de ces consultations, notamment des résumés des opinions exprimées, des copies de tout mémoire à avoir été présenté ainsi qu'une description de toutes les mesures qui ont été prises pour répondre aux préoccupations à avoir été soulevées au cours des consultations.
L'important ici, c'est que les intervenants de la collectivité doivent pouvoir s'exprimer clairement et avoir la possibilité de faire connaître leurs opinions. Cette question touche les gens de la collectivité. Lorsque quelqu'un présente une demande visant à ouvrir un site dans un quartier résidentiel, à mon avis, il est seulement logique d'inviter toutes les parties concernées à exprimer leurs opinions avant d'aller de l'avant avec la demande.
Quand nous lançons des processus de consultation — notamment pour d'autres projets controversés —, souvent les parties concernées et ceux qui seraient directement touchés par le projet souhaitent exprimer leurs points de vue et prendre part au processus. Voilà ce que fait ce projet de loi.
Je crois qu'il est absolument nécessaire de permettre aux gens de s'exprimer.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les ministres et les autres responsables d'être ici aujourd'hui.
J'aimerais commencer par simplement faire remarquer que, de toute évidence, au cours de la dernière année et demie — soit depuis que le projet de loi a été présenté —, beaucoup de gens se sont dits gravement préoccupés par les lacunes du projet de loi. Pour commencer, le simple fait qu'il a été renvoyé au Comité de la sécurité publique, et non pas au Comité de la santé, laisse transparaître très clairement les partis pris du gouvernement sur la question. Je remarque que la Chambre de commerce de la région de Toronto s'est dite préoccupée par le fait qu'aucun autre service de santé n'est tenu de franchir autant d'étapes exhaustives avant d'être approuvé.
Évidemment, nous savons aussi que le gouvernement s'est opposé à InSite, le site d'injection sécuritaire dans le Downtown Eastside, jusque devant la Cour suprême du Canada. Je présume donc que la seule raison pour laquelle nous nous étudions un tel projet de loi, c'est que la Cour suprême du Canada a obligé le gouvernement à le faire. Toutefois, ce que je trouve très intéressant, c'est que rien dans le projet de loi n'oblige réellement le ministre de la Santé à étudier ou à approuver une demande. Même lorsque le demandeur a répondu à tous les critères — littéralement de a à z —, et a respecté tous les principes, rien ici ne contraint le ministre à approuver la demande.
Mes questions sont donc davantage axées sur les préjugés politiques qui sont en jeu ici avec ce projet de loi. Nous venons justement de les entendre dans les propos du ministre Blaney cet après-midi. J'aimerais savoir ce que vous savez au juste des sites de consommation sécuritaires et savoir, plus précisément, si l'un ou l'autre de vous deux a jamais visité InSite, dans le Downtown Eastside?
Monsieur le ministre Blaney, vous dites que vous avez été dans la rue avec les policiers. C’est bien. Vous avez entendu leur point de vue. Toutefois, avez-vous jamais visité InSite et parlé avec les professionnels qui gèrent ce service et qui interagissent avec les gens?
Est-ce que l'un ou l'autre des ministres pourrait répondre à la question?
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Volontiers. Je pense que votre remarque met en lumière le fait que les gens doivent comprendre qu'on demande à la ministre de la Santé d'accorder une exemption en vertu de la loi afin d'autoriser la consommation de drogues illicites dans un établissement. Pareille mesure a des répercussions sur la communauté et le système de santé. Nous devrions donc consulter, comme nous le ferons d'ailleurs, toutes les parties concernées, y compris les ministres de la Santé provinciaux, les administrateurs en chef de la santé publique et les communautés pour trouver de bonnes raisons, bien sensées
Mais bien sûr, votre commentaire portait davantage sur la consommation de drogues illicites et le traitement offert à cet égard en général. C'est un problème fort préoccupant, car la drogue détruit la vie d'un nombre croissant de jeunes. Je reçois les doléances de plus en plus de parents, qui me disent qu'il faut mettre en oeuvre davantage de campagnes nationales afin de sensibiliser les jeunes aux dangers de la drogue. Nous savons que la drogue a des répercussions non seulement sur le membre de la famille qui en consomme, mais aussi sur la famille entière et parfois la famille étendue et les amis à l'école. Les drogues ont déchiré bien des familles et des communautés.
Nous avons mis notre énergie à investir substantiellement dans le traitement et la prévention de la toxicomanie. Nous avons une stratégie nationale antidrogue, dont le ministre Blaney s'occupe beaucoup à titre de responsable et qui nous concerne un peu aussi. L'objectif consiste à faire de la prévention, à offrir des traitements et à appliquer la loi afin d'avertir tout particulièrement les jeunes au sujet des dangers de la consommation de drogue afin d'essayer de les empêcher d'en prendre, et si jamais ils en consomment, de leur proposer le traitement dont ils ont besoin pour cesser d'en prendre.
Soyons franc: je suis certaine que tout le monde ici — y compris Mme Davies —, espère que personne n'en arrivera à consommer une drogue nocive et qu'il y a des traitements destinés à ceux qui tombent dans la dépendance aux drogues illicites ou à d'autres substances, y compris les médicaments d'ordonnance.
C'est exactement à cette fin que nous avons annoncé récemment un élargissement de notre stratégie antidrogue afin de lutter non seulement contre la consommation de drogues illicites, mais également contre celle de médicaments d'ordonnances, que les jeunes consomment de plus en plus de façon récréative. Nous disposons maintenant d'un nouveau financement de près de 45 millions de dollars pour les cinq prochaines années, des fonds que nous utilisons pour travailler avec des groupes communautaires et les provinces et les territoires afin de mettre en oeuvre des programmes dans le cadre desquels non seulement on fera de la prévention, mais on offrira également des traitements. Nous prenons un certain nombre de mesures.
Pour ce qui est du traitement et du soutien destinés aux Premières Nations et aux Inuits, une facette du problème au sujet de laquelle notre ministère joue un rôle de premier plan, nous appuyons des programmes de traitement pour les jeunes contrevenants aux prises avec des problèmes liés à la drogue. Cela permet à la GRC de diriger ces jeunes vers des programmes de traitement et appuie la recherche sur les nouveaux outils de traitement.
Nous avons également travaillé avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et d'autres parties concernées afin d'effectuer des investissements stratégiques dans le système dans des domaines clés, comme la pratique fondée sur les données probantes, le renforcement des activités d'évaluation et de mesure du rendement, et la mise en oeuvre de certains programmes qui portent fruit dans diverses régions du pays. Dans le cadre de ce seul programme, nous avons à ce jour versé plus de 100 millions de dollars aux provinces et territoires, ce qui a permis de former plus de 8 000 personnes afin qu'elles se chargent des initiatives de traitement, d'informer plus de 27 000 personnes dans le cadre d'échange de connaissances, et d'offrir des programmes et services à plus de 20 000 jeunes.
Nous nous efforçons donc de nous attaquer au problème qui touche nos jeunes, et je pense que c'est exactement ce que nous devons faire.
Ces sortes de projets ont eu des résultats vraiment très positifs, qui ont eu une incidence dans les communautés. Bien entendu, ce genre de succès touche aussi les parents qui, quand ils sont confrontés à un enfant toxicomane, ne savent pas où aller. Nous leur fournissons des numéros de téléphone, du soutien et des renseignements, et leur expliquons comment discuter avec leur enfant et comment l'aborder. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour appuyer ceux qui travaillent aux premières lignes afin de lutter contre l'abus de drogue.
Le ministre Blaney voudra peut-être ajouter quelque chose, mais au bout du compte, je pense que le fait de voir quelqu'un s'enfoncer dans la toxicomanie est une des choses les plus horribles qui puisse arriver à une famille. Il y a de plus en plus de jeunes qui font des surdoses, non seulement de drogues illicites, mais également de médicaments d'ordonnance. À titre de ministre de la Santé, je suis convaincue qu'il faut prendre les devants, communiquer avec les jeunes et leurs parents, et offrir des programmes de prévention et de traitement.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à remercier les ministres de comparaître aujourd'hui avec les fonctionnaires.
Je trouve fort intéressant que dans les deux exposés, nulle mention n'a été faite du toxicomane, du patient, et du tort qui lui est infligé. À la page 147 de la décision de la Cour suprême, que j'ai ici devant moi, on peut lire qu'en l'espace de six ans, les décès par surdose sont passés de 16 à 200 dans l'est du centre-ville. Tout le monde conviendra qu'il s'agit d'une augmentation fulgurante. L'administrateur en chef de la santé publique de la ville de Vancouver a également qualifié d'« épidémique » l'augmentation des cas de VIH-sida, d'hépatite C et d'endocardite chez les toxicomanes de ce quartier. C'est pour cette raison et parce que toutes les autres tentatives de lutte contre la toxicomanie ont échoué que les trois... et je cite un extrait de la décision de la Cour suprême: « Insite est le fruit du fédéralisme coopératif, issu des efforts concertés des instances locales, provinciales et fédérales. » La police de Vancouver a appuyé InSite. En fait, la Cour suprême a déclaré que « le législateur a tenté de concilier les intérêts contradictoires de sécurité et de santé publiques ».
Je m'étonne qu'aucun ministre n'ait essayé de concilier ces deux intérêts contradictoires dans son exposé ou dans le projet de loi.
La ministre a évoqué la vie horrible des toxicomanes et affirmé que nous savons que personne ne souhaite voir ses enfants ainsi. J'ai pratiqué la médecine pendant 21 ans. Un grand nombre de mes patients venaient de l'est du centre-ville, et je sais que nous avons été incapables de faire quoi que ce soit jusqu'à présent. InSite a permis d'éliminer complètement les décès et a aidé les gens à pouvoir aller là où ils pouvaient recevoir les soins, les traitements et les services de réadaptation dont ils avaient besoin.
J'aimerais donc demander à la ministre de la Santé ce qu'elle compte faire pour maintenir ces bonnes pratiques de santé publique, dont l'efficacité a été prouvée non seulement à InSite, mais dans six communautés européennes et en Australie, où on compte maintenant quelque 70 sites d'injection sécuritaire. Qu'entend faire la ministre pour aider les toxicomanes actuellement confrontés à d'énormes problèmes de santé publique et à la mort?
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre Blaney et madame la ministre Ambrose, d'être venus témoigner au comité cet après-midi.
Je représente une circonscription où une installation du nom de Four Winds vient d'ouvrir ses portes. J'ai pu faire une déclaration plus tôt cette année sur les avantages et le mandat de cet organisme.
En somme, il aide les gens à se libérer de leurs dépendances, que ce soit la consommation de drogues illicites ou l'abus de médicaments d'ordonnance.
Ma collectivité a appuyé énergiquement cet organisme. Quelques entreprises locales ont participé à des activités de financement, les membres de la collectivité ont manifesté leur soutien en faisant du bénévolat, et l'organisme se porte très bien. Il aide les gens dont la consommation de drogues a détruit leur vie et celle de leur famille.
Dans ma circonscription, je connais des parents qui aimeraient avoir leur mot à dire lorsqu'on propose de créer un centre d'injection supervisée dans leur collectivité ou au bout de leur rue. C'est le gros bon sens.
Le projet de loi dont nous sommes saisis s'intitule la Loi sur le respect des collectivités, dans laquelle nous respectons la volonté des collectivités et de nos électeurs. Je sais qu'il comporte un certain nombre de critères qui aideraient les ministres de la Santé à prendre des décisions éclairées concernant les centres d'injection supervisée.
C'est logique, puisqu'une décision complètement informée ne devrait pas se fonder uniquement sur l'opinion de la population ou des exploitants de ces centres. Des critères devraient également être établis.
Je me demande si la ministre de la Santé pourrait nous fournir des détails sur ces critères et un peu plus d'information sur les critères requis pour délivrer des permis.
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Merci beaucoup, monsieur Falk.
Là encore, je reviens à la base. C'est la ministre de la Santé qui envisage d'accorder une exemption pour permettre l'utilisation de drogues illicites en toute légalité dans un établissement donné. C'est une décision très importante et je prends très au sérieux les directives de la Cour suprême. Je pense qu'elle a abordé la question de manière à équilibrer les répercussions sur la santé publique ainsi que les répercussions sur la sécurité publique.
Comme je l'ai déjà dit, il y a plusieurs façons de consulter les intervenants. On ne consulte pas uniquement les membres de la communauté, ce qui est le plus important, mais également les forces de l'ordre, les dirigeants municipaux et provinciaux, mais surtout, comme le ministre Blaney et vous l'avez dit, les résidants de la localité. Les mesures prévues dans ce projet de loi ne consistent pas seulement à consulter la communauté locale. J'ai mentionné plus tôt les critères dont je ne peux pas faire fi. L'idée de mettre sur pied des centres de consommation un peu partout au pays sans respecter la décision de la Cour suprême est de toute évidence vouée à l'échec. La cour a exposé ce que tous les ministres de la Santé doivent prendre en considération lorsqu'ils étudient ces demandes. C'est pour évaluer si oui ou non un site aura une incidence sur le taux de criminalité. Le ministre Blaney en a parlé. C'est également pour évaluer si des conditions locales portent à croire qu'un site de la sorte est nécessaire, si une structure de réglementation est en place pour soutenir le site et si des ressources sont disponibles pour en financer l'entretien. Là encore — et vous en avez parlé —, c'est pour évaluer si la communauté appuie le projet ou s'y oppose.
Tous ces points sont bien exposés dans le projet de loi. Nous estimons que nous parvenons à un équilibre avec le critère du point de vue de la sécurité publique, puisque nous prenons en considération si les gens tels que les responsables de l'application de la loi appuient le projet. Nous avons également l'occasion d'entendre les résidants des quartiers et des municipalités visées. Ce genre d'information est absolument nécessaire. En plus de savoir si les ressources disponibles sont suffisantes et s'il y a des preuves pour établir que l'emplacement est approprié, il y a également la question de savoir si la communauté l'acceptera et si elle est pour ou contre l'emplacement choisi. Il est important de connaître à quel point la communauté est pour ou contre le projet. C'est important pour moi ainsi que pour le ministre Blaney. Et je peux vous garantir que c'est important pour les membres du conseil municipal, le ministre de la Santé de la province, l'administrateur en chef de la santé publique et fort probablement le premier ministre. Il y a une raison pour laquelle la Cour suprême a décrété que nous devrions examiner si les gens appuient le projet ou s'y opposent car tout le monde voudra savoir ce que la communauté locale pense de l'aménagement d'une installation de ce genre. De toute évidence, si une exemption comme celle-ci est accordée, le site aurait à respecter des modalités clairement établies et à se soumettre à des inspections de conformité. C'est parce que, et je reviens à la question de fond, les substances illicites présentent un danger inhérent. Il y a des choses qui arrivent à cause de ces substances, et ce sont des substances dangereuses.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie également, madame et monsieur.
Monsieur Blaney, un peu plus tôt, vous avez demandé si on aimerait qu'il y ait un site d'injection supervisée devant chez soi. Je souhaite moi aussi répondre à cette question.
Vous avez beaucoup parlé, tous les deux, de l'aspect légal, mais maintenant, on va se parler des vraies choses. Je vais vous dire comment cela se passe vraiment sur le terrain.
Je suis députée d'. Il y a un HLM dans ma circonscription. Mon équipe s'y rend tous les printemps pour aider à faire le ménage du parc situé en face du HLM puisqu'il est possible qu'on y trouve des seringues. En effet, il y a beaucoup de toxicomanie et de narcoprostitution dans ma cisconscription, c'est un fait. Des enfants nous aident à nettoyer le parc. On nous dit donc de faire bien attention parce qu'on trouve régulièrement des seringues dans ce parc.
Juste en face, l'organisme Dopamine distribue des seringues propres pour aider à prévenir certaines infections. Des représentants de cet organisme se promènent dans les parcs pour aider à ramasser des seringues. On veut s'assurer que les enfants ne se piquent pas avec ces seringues et ne contractent pas d'infection comme le VIH ou l'hépatite C. C'est ce qui se passe sur le terrain.
On veut qu'il y ait un site d'injection supervisée dans ma circonscription parce que cela nous aiderait. Les corps policiers y sont favorables, tout comme les groupes communautaires et le maire de Montréal.
Quel serait l'effet d'un tel site d'injection supervisée? On sait que les gens vont continuer à s'injecter de la drogue et que les gens vont continuer à se droguer; c'est une maladie. Un projet de loi comme celui-ci ne va pas empêcher les gens de se droguer, mais s'ils le faisaient à l'intérieur d'un site d'injection supervisée, les seringues resteraient en grande partie à l'intérieur et ne traîneraient pas dans les parcs où les enfants peuvent se piquer.
Vous voulez protéger les familles. À mon avis, le projet de loi fait exactement le contraire, parce que les seringues resteraient à l'extérieur. Garder les seringues à l'intérieur accroîtrait la protection de nos enfants.
Merci aux témoins d'être venus.
Il faut s'attendre à avoir des discussions au sujet du processus, certes, mais j'aimerais en revenir aux principes du projet de loi. Comme vous le savez, mon amie Mme Davies fait remarquer que différentes parties ne mettent pas nécessairement le même accent sur ce genre d'exercice, et je ne pense pas qu'il faille s'en étonner. Il faut toujours trouver un équilibre lorsque l'on traite ces questions et, comme vous le savez, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, que le projet de loi modifierait, a vraiment le double objectif de protéger la santé publique et la sécurité publique, comme l'a dit la ministre. Certaines questions mettent l'accent sur l'aspect santé publique, tandis que d'autres s'attachent davantage à la protection de la sécurité publique, mais nous devons partir du principe que les deux ne sont pas mutuellement exclusives, qu'elles peuvent être combinées.
Je suis vraiment intéressée de savoir comment le régime que l'on présente aiderait la ministre à combiner la protection de la santé publique et la protection de la sécurité publique. Il est clair que les consultations auprès de la collectivité permettent au public de commenter le processus.
Selon vous, comment le processus recommandé par le projet de loi trouvera-t-il un juste équilibre?
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Merci, monsieur le président.
Lorsque Mme Davies vous a demandé si cette exemption s'appliquerait à InSite, votre réponse m'a un peu inquiétée. Quand on examine les critères qui sont établis ici pour que la ministre soit en mesure d'approuver la création d'un site d'injection supervisée ou d'un centre de consommation supervisée, on se rend compte qu'InSite a rempli chacun d'eux à maintes reprises. Je trouve vraiment intéressant d'apprendre qu'InSite devra tout recommencer dès le début.
Permettez-moi de lire un extrait du jugement de la Cour suprême, à la page 187:
InSite sauve des vies.Ses bienfaits ont été prouvés. Au cours de ses huit années d’exploitation, InSite n’a eu aucune incidence négative observable sur les objectifs en matière de sécurité et de santé publiques du Canada. Priver la population des services d’InSite a un effet exagérément disproportionné par rapport aux avantages que le Canada peut tirer d’une position uniforme sur la possession de stupéfiants.
InSite a fait ses preuves. Au cours de cette période, le centre a sauvé des vies dans 366 cas de surdose qui, pour la plupart, se termineraient par un décès. Ses objectifs sont très clairs; ses résultats, aussi. InSite a permis de réduire la criminalité dans la région, ce qui est un autre fait bien établi, et on en parle aussi dans le jugement de la Cour suprême. Ce qui m'inquiète, c'est tout simplement ceci: je comprends la volonté ou la nécessité d'appliquer des critères d'exemption dans le reste du Canada, mais il ne faut pas oublier que, pendant huit ans, InSite a fait ses preuves en remplissant chaque critère. Les provinces ont donné leur aval. D'ailleurs, ce sont les provinces qui ont poursuivi le gouvernement devant les tribunaux. Les autorités sanitaires provinciales ont appuyé cette mesure, de concert avec les professionnels qui savent ce qu'ils font: on parle là de médecins et de personnel infirmier qui sont dûment qualifiés selon les exigences de l'organisme d'accréditation de la Colombie-Britannique. On a également rencontré les services de police à l'échelle locale. On a mené de vastes consultations communautaires avant de créer InSite. À l'époque, j'étais la ministre chargée de Vancouver-Est; je parle donc en connaissance de cause. On a consulté toute la population. Bref, tous les critères ont été remplis, sauf un: la GRC est la seule force policière à avoir dit non. Par contre, les services de police de Vancouver et des municipalités environnantes ont appuyé cette idée.
Je peux donc comprendre que vous vouliez appliquer vos critères à d'autres groupes. InSite a largement satisfait à ces critères, d'autant plus que la Cour suprême a confirmé ce fait. Pourquoi alors obliger InSite à tout reprendre du début? Ce processus exige du temps. Au fond, vous faites le contraire de ce que la Cour suprême a demandé, c'est-à-dire ne pas contrevenir à l'article 7 de la Constitution, concernant le « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. » Durant le délai d'attente, bon nombre des personnes qui utilisent actuellement les services d'InSite seront exposées à des risques de décès par surdose, à des maladies, etc., parce qu'elles n'auront aucun moyen de...
Comment cela correspond-il à ce que demande la Cour suprême? La Cour suprême a dit que la discrétion laissée à la ministre n'est pas absolue. Madame Geller, je vous ai entendue dire que la ministre n'a aucune limite quant à son pouvoir décisionnaire. Pourtant, à ma connaissance, il y a bel et bien des limites, notamment l'article 7 de la Charte portant sur la question de la justice fondamentale. Voilà donc vos limites.
Comme Mme Davies l'a dit, les opinions ne suffisent pas, car elles expriment un jugement personnel. Sans vouloir offenser qui que ce soit, j'aimerais faire remarquer que les ministres de la Santé dans la plupart des provinces, à l'exception de l'Ontario, ne sont pas des médecins. Leurs opinions sont purement subjectives. On a besoin de preuves objectives quand il est question de la vie et de la santé des personnes et de la propagation de maladies. En excluant InSite de la portée de cette exemption, et en l'obligeant à tout recommencer dès le début, ce qui nécessitera des années, comment une telle approche permettra-t-elle de sauver des vies?
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Les critères sont très clairs, mais j'aimerais en connaître le poids.
Supposons que la force policière, la municipalité, le gouvernement provincial, etc., et toutes les autorités en matière de santé décident que c'est une bonne chose à faire, compte tenu du bilan des centres d'injection supervisée et de la situation des maladies à ce moment-là dans leur région particulière, mais que la collectivité s'y oppose. Qu'adviendra-t-il alors? Comment soupèsera-t-on le tout? Je dois avoir la certitude que ce facteur ne sera pas pondéré d'une manière... Comme son nom l'indique, le projet de loi porte sur la sécurité des collectivités. Or, à mon avis, ce ne devrait pas être le cas, puisque la sécurité des collectivités n'est pas le seul enjeu. Il y a aussi la sécurité des personnes, ce qui englobe les toxicomanes et les patients. Pourtant, je n'entends rien à ce sujet. On parle uniquement de la sécurité d'une collectivité.
À bien des égards, la collectivité ne comprend pas, de manière objective, en quoi consistent les enjeux. En tiendrez-vous compte seulement...? Si la collectivité disait non, cela empêcherait-il d'établir un centre InSite? Rien de tout cela n'est très clair. La décision revient à la ministre. D'ailleurs, je n'ai pas non plus entendu la ministre dire un seul mot sur les droits des toxicomanes, notamment leur droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de leur personne. On a parlé de toutes les autres questions. Je dois savoir comment ces facteurs sont mis en balance.
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Comme Hilary l'a dit tout à l'heure, la Stratégie nationale antidrogue repose vraiment sur trois piliers. Ces piliers sont tous conçus pour réduire ou éliminer les impacts négatifs de la consommation de drogues illicites et pour contribuer à l'instauration de collectivités plus saines et plus sûres.
Le portefeuille de la santé consacre environ 126 millions de dollars par année aux activités de lutte contre la toxicomanie et la consommation de drogues illicites au Canada. Depuis 2007, grâce au Fonds des initiatives communautaires de la Stratégie antidrogue, Santé Canada a financé 139 projets destinés à décourager les jeunes de consommer des drogues illicites. Par l'entremise du Programme de financement du traitement de la toxicomanie, Santé Canada accorde également 13,2 millions de dollars par année aux gouvernements provinciaux et territoriaux et à d'autres intervenants importants pour renforcer le traitement de la toxicomanie au Canada. Comme la ministre l'a dit, ces programmes de financement visent également à lutter contre l'abus de médicaments d'ordonnance.
Pour ce qui est de la prévention, le programme fournit un financement de contribution d'environ 9,6 millions de dollars pour aider divers bénéficiaires à réaliser des projets de promotion de la santé et de prévention qui facilitent l’élaboration de solutions nationales, provinciales, territoriales et locales, ancrées dans la collectivité, contre la consommation de drogues chez les jeunes et qui favorisent la sensibilisation du public aux questions liées à la toxicomanie.
Plus de 139 000 jeunes, 11 000 parents et 2 000 lieux de travail ou écoles ont participé à ces programmes. Les projets ont visé à renforcer les capacités: plus de 13 000 jeunes et près de 5 000 enseignants ont reçu une formation sur divers sujets, notamment le leadership entre pairs, la facilitation et les compétences de vie.
Sachez que le programme en matière de prévention a fait l'objet d'une évaluation. Selon les résultats, le programme a permis de favoriser la connaissance des choix sains, d'accroître la sensibilisation générale perçue à l’égard des drogues illicites et d'accroître la sensibilisation aux problèmes susceptibles de toucher les gens qui consomment des drogues illicites. De plus, le programme a permis de réduire la probabilité d'essayer ou de consommer régulièrement de la marijuana ou d'autres substances illicites. Enfin, le programme a amélioré l'engagement et la capacité communautaires en général.
Passons maintenant aux mesures de traitement. Dans le cadre du programme, nous avons financé 29 projets dans l'ensemble du Canada. Par exemple, l'établissement d'indicateurs nationaux de traitement et la fréquence accrue de rapports axés sur ces indicateurs ont permis de mesurer de façon uniforme, pour la première fois, les systèmes de traitement partout au pays. Grâce à la production de normes et de lignes directrices fondées sur des données probantes, on a assuré l'uniformité et la qualité des services de traitement. Avant le lancement du programme, de nombreux responsables provinciaux et territoriaux disaient travailler en vase clos, la collaboration avec d'autres secteurs ou régions n'étant alors pas une priorité. Tout démontre que le programme a aidé à établir des conditions propices à la collaboration, notamment grâce à la création d'une plateforme nationale d'échange de connaissances pour tous ces projets.
Enfin, permettez-moi de dire quelques mots sur la santé des Premières Nations et des Inuits. Nous avons investi 12,1 millions de dollars pour améliorer la qualité et l'accessibilité des services de traitement offerts aux Premières Nations et aux Inuits. Ce financement a permis de réorienter 36 centres de traitement pour mieux répondre aux besoins des collectivités: par exemple, les services destinés aux femmes, aux jeunes, aux personnes atteintes de troubles concomitants de santé mentale ou aux prises avec des problèmes d'abus de médicaments d'ordonnance. Ce financement a contribué à l'augmentation du nombre de centres de traitement agréés: ainsi, en 2013, 82 % des centres de traitement étaient agréés, par rapport à 68 % en 2010. Ce financement a également permis d'accroître le nombre d’intervenants en toxicomanie qui reçoivent une formation et qui se font accréditer: en 2013, 434 intervenants en toxicomanie et conseillers des centres de traitement en milieu communautaire étaient agréés, une hausse par rapport à 358 en 2010. Aujourd'hui, 78 % des conseillers des centres de traitement sont agréés, contre 66 % en 2011.
On voit donc que ces programmes ont un impact énorme sur la prévention et le traitement, aussi bien chez les Premières Nations que chez d'autres groupes vulnérables, et particulièrement auprès des jeunes, des parents, des écoles et des enseignants.
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Quand j'ai demandé tout à l'heure si d'autres services de santé seraient soumis à une liste aussi exhaustive de critères, je crois que Mme Geller a répondu que, les services de santé n'étant pas du ressort fédéral, mais bien du ressort provincial, il n'y a pas moyen de le savoir, et j'accepte cette réponse.
Cela m'amène à penser que, dans sa décision, la Cour suprême du Canada n'a pas dicté que la ministre devait se prononcer sur tous ces critères. Le rôle de la ministre se limite à une exemption aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui est, bien entendu, une loi fédérale. C'est donc tout à fait approprié. Voilà pourquoi InSite et le Dr. Peter Centre ont dû, selon toute vraisemblance, s'adresser au gouvernement fédéral.
Une solution fort possible, voire plus logique et plus rationnelle, aurait été que la loi fédérale garantisse une telle exemption dans les cas où les provinces et les municipalités donnent leur approbation ou leur appui. Donc, dans les faits, au lieu de s'en tenir à cette liste absurde de principes de a) à z), la ministre aurait pu invoquer, comme exigence d'exemption, l'argument qu'il s'agit d'un service de santé et, au bout du compte, d'une exigence provinciale.
Ai-je raison de dire qu'une telle approche aurait été acceptable du point de vue de la décision de la cour?