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Monsieur le président, comme vous la savez, je suis très fier de m'exprimer en français, qui est ma langue maternelle. J'aurai le plaisir de faire une partie de mon allocution en anglais.
Je suis heureux d'être ici ce matin afin de remettre les pendules à l'heure à certains égards. Je suis très fier d'être ici avec mon collègue et ami, l'honorable , M. MacKay, pour qui j'ai beaucoup de respect. Nous avons préparé ce projet de loi avec lui. Nous sommes fiers d'être ici pour protéger les droits des Canadiennes et des Canadiens.
[Traduction]
Permettez-moi de vous parler d'abord de la vidéo produite par le criminel qui a attaqué cet édifice même du Parlement et assassiné le caporal Nathan Cirillo, vidéo que vous avez vue vendredi dernier.
[Français]
La définition du Petit Larousse est claire et c'est celle qu'utilisent le commissaire Paulson, le secrétaire d'État américain, John Kerry, ou même le président François Hollande, qui a qualifié l'acte commis ici « d'inspiration terroriste ». C'était un acte de violence, un geste d'éclat animé par une idéologie.
Évidemment, chaque fois que je comparais ici, je me rappelle que j'étais présent à ce moment-là avec le ministre MacKay et plusieurs collègues du caucus gouvernemental. Nous avons été témoins et victimes de cette attaque. J'ai eu la chance de rencontrer tous les membres du comité pour leur dire que nous devions demeurer vigilants et confiants ainsi que de prendre les mesures nécessaires à cet égard, tout en respectant la Charte canadienne des droits et libertés et la vie privée pour lutter efficacement contre la menace terroriste qui évolue. C'est mon premier devoir comme ministre de la Sécurité publique.
C'est la raison pour laquelle je suis présent aujourd'hui devant vous, accompagné du ministre MacKay, pour vous présenter le projet de loi . Ce projet de loi comprend des mesures pour lutter contre le terrorisme et va donner des outils additionnels à nos forces de l'ordre, aux services de renseignement ainsi qu'aux organismes qui font le suivi et la surveillance de nos services de renseignement.
[Traduction]
Notre loi antiterroriste, le projet de loi , garantit une meilleure protection de nos droits et de nos libertés. Ce projet de loi fournit davantage d'outils aux organismes chargés de l'application de la loi et de la sécurité pour lutter contre la radicalisation et traquer les terroristes, et il accroît considérablement les mécanismes de contrôle et de révision judiciaires afin de protéger nos droits et libertés, ainsi que la vie privée de tous les Canadiens.
Monsieur le président, le fait est que le mouvement djihadiste international a déclaré la guerre au Canada et à la plupart des pays du monde. Le Canada et les Canadiens sont ciblés par les terroristes djihadistes simplement parce que ces terroristes détestent notre société et nos valeurs. C'est la raison pour laquelle notre gouvernement présente des mesures visant à protéger les Canadiens contre les terroristes djihadistes qui cherchent à détruire les principes mêmes qui font du Canada le meilleur pays où vivre dans le monde.
C'est aussi pour cette raison que le Canada ne reste pas les bras croisés, comme certains le voudraient. Nous nous joignons plutôt à nos alliés pour appuyer la coalition internationale dans la lutte contre l'EIIL, l'organisation terroriste qu'est l'État islamique.
[Français]
Nous l'avons vu à Saint-Jean et ici même à Ottawa. Nous l'avons vu aussi à Paris, à Sydney en Australie et à Copenhague. La menace est complexe et diffuse. Nous avons le devoir de poser les gestes pour protéger les citoyens dans le respect de nos droits et de nos libertés.
Des groupes d'extrémistes violents mondiaux, comme l'État islamique ainsi qu'Al-Qaïda et ses filiales, présentent une menace sérieuse pour le Canada. C'est la raison pour laquelle nous devons nous adapter et renforcer notre capacité à protéger notre pays et nos concitoyennes et concitoyens.
[Traduction]
Parce qu'il n'y a pas de liberté sans sécurité.
[Français]
Pour que la liberté s'épanouisse, la sécurité est essentielle.
[Traduction]
Ces principes visant à assurer la sécurité tout en préservant la liberté sont au cœur de l'approche de notre gouvernement conservateur en matière de sécurité nationale. Lorsqu'un ministère ou un organisme gouvernemental détient des renseignements laissant croire qu'il existe une menace à la sécurité, les Canadiens s'attendent à ce qu'il puisse les transmettre, afin d'assurer leur protection, aux autres ministères et organismes. On ne parle pas ici de nouveaux renseignements, mais de renseignements déjà recueillis. La Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, la première partie du projet de loi , constitue une réponse à la commission d'enquête sur l'affaire Air India et à beaucoup d'autres demandes. Monsieur le président, nous le faisons pour mieux protéger les Canadiens. Le projet de loi contient des mesures adéquates pour protéger la vie privée des Canadiens. Nous refusons de privilégier les droits des terroristes au détriment de ceux des Canadiens.
[Français]
Comme nous l'avons entendu, cette loi donnera la capacité légale à tous les ministères et organismes du gouvernement de communiquer des renseignements entre eux en ce qui concerne les activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada, et ce, soit de manière proactive ou en réponse à des demandes d'institutions fédérales désignées ayant un mandat ou des responsabilités liés à la sécurité nationale. Les gens de mon comté me demandent pourquoi nous n'avons pas fait cela avant.
Par définition, en vertu de la nouvelle loi, une activité portant atteinte à la sécurité du Canada est une activité qui porte atteinte à la souveraineté, à l'intégrité territoriale, à la vie ou à la sécurité de la population. Beaucoup d'observateurs ont commenté cette définition. Ce matin, je tiens à souligner qu'elle se rapporte strictement au partage de l'information déjà existante entre les agences et organismes fédéraux. Évidemment, elle ne se rapporte pas au mandat du Service canadien du renseignement de sécurité.
La deuxième mesure proposée par le projet de loi touche la Loi sur la sûreté des déplacements aériens. Cette loi procurerait un cadre juridique pour définir les pouvoirs ministériels en vertu du Programme de protection des passagers et élargirait le mandat de ce programme afin de recenser, d'énumérer et d'atténuer les menaces provenant de deux catégories d'individus.
La première catégorie, qui est constituée de ceux qui sont soupçonnés de présenter une menace pour la sécurité du transport, existe déjà. Quant à la deuxième catégorie, elle n'existe pas encore. Pourtant, nous en avons grandement besoin. Ceux qui tenteraient de se rendre à l'étranger dans le but d'appuyer des activités liées au terrorisme ne sont pas couverts par la loi. Présentement, nous ne pouvons pas les empêcher de monter à bord d'un avion même si nous avons des raisons de croire qu'ils le font dans le but de commettre un acte terroriste.
Encore une fois, monsieur le président, c'est assez clair.
[Traduction]
Nos organismes de sécurité nationale disposeraient d'un outil supplémentaire pour lutter contre la menace que posent les individus qui voyagent à l'étranger pour prendre part à des activités criminelles. La loi autoriserait l'Agence des services frontaliers du Canada à recueillir de l'information sur les voyageurs aériens qui arrivent au Canada ou quittent le pays, et à les contrôler en fonction de la liste. Si ce sont les responsables de l'application de la loi du gouvernement du Canada et non les employés des compagnies aériennes qui soumettent les passagers à un contrôle en fonction de la liste, cela permettra d'améliorer la sécurité des Canadiens et de mieux protéger leur vie privée.
[Français]
Le projet de loi permet aussi aux particuliers inscrits à qui l'on a refusé l'embarquement en vertu du programme de présenter une demande afin d'être retirés de la liste. Le projet de loi prévoit un mécanisme d'appel. En effet, toute personne inscrite pourrait interjeter appel à la Cour fédérale.
La troisième mesure que nous proposons fournira au Service canadien du renseignement de sécurité — le SCRS — un nouveau mandat pour réduire les menaces à la sécurité du Canada. Je dis enfin.
[Traduction]
Actuellement, le SCRS peut détecter les menaces à la sécurité, mais n'est pas en mesure d'intervenir, comme on le fait dans la plupart des pays alliés. Grâce au nouveau mandat de perturbation des menaces, le SCRS serait autorisé à prendre des mesures concrètes pour contrer les menaces à la sécurité du Canada, au pays et à l'étranger, comme le font la plupart de nos alliés, comme la Suède, la Norvège, la Finlande, le Danemark, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. Il est à peu près temps, monsieur le président. Par exemple, le SCRS pourrait perturber les projets de déplacement ou les transactions financières des terroristes, et même intercepter des armes pour empêcher qu'elles soient utilisées dans des activités terroristes.
Il est important de noter que ce mandat est lié à la définition actuelle de « menaces envers la sécurité du Canada » qui figure à l'article 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Cette définition est en vigueur depuis 30 ans; elle sert de fondement au mandat principal du SCRS en matière de collecte de renseignements depuis sa création et elle serait appliquée de la même façon pour le mandat de perturbation des menaces.
[Français]
S'appuyant sur ce nouveau mandat, le projet de loi fixe des limites rigoureuses et établit un mécanisme de mandat en ce qui touche la perturbation liée aux menaces. À ma connaissance, nous sommes le seul pays au monde à ajouter cette supervision judiciaire au mécanisme de réduction de la menace. Si les mesures proposées risquaient de porter atteinte à un droit garanti par la Charte ou de contrevenir à une loi canadienne, un juge de la Cour fédérale devrait les autoriser au préalable.
Le projet de loi établit aussi de nouvelles exigences en matière de rapport pour le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité en ce qui a trait au SCRS. Nous confions en effet à ce comité de surveillance le mandat légal de suivre les activités du SCRS afin d'accroître la responsabilité, la transparence et le respect des droits des Canadiens et Canadiennes.
Enfin, la quatrième mesure proposée vise des changements à la Section 9 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Cela permettrait au gouvernement d'utiliser et de protéger l'information classifiée dans le cadre de procédures d'immigration, y compris les certificats de sécurité devant la Cour fédérale et les demandes de non-divulgation saisies par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Ces modifications assureraient une protection rigoureuse de l'information classifiée et feraient en sorte que les procédures soient équitables. Cela nous permettrait également de nous assurer que la discrétion du juge est maintenue dans ce cas et que le rôle de l'avocat spécial — ou amicus curiae — est maintenu afin de protéger les intérêts des non-citoyens lors des séances à huis clos.
[Traduction]
Avant de conclure mon exposé et de céder la parole à mon collègue, j'aimerais parler de trois idées fausses véhiculées par des députés de l'opposition et quelques soi-disant experts.
Le a prétendu qu'en vertu du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, la dissidence et les manifestations légitimes seraient désormais considérées comme des menaces à la sécurité canadienne. Ces allégations sont complètement fausses et franchement ridicules. L'article 2 de la Loi sur le SCRS, qui décrit exactement ce qui est considéré comme une menace envers la sécurité du Canada, n'est aucunement modifié dans la nouvelle loi antiterroriste, qui vise, je le répète, l'échange d'information et la perturbation des menaces.
Monsieur le président, nous rejetons l'argument selon lequel chaque fois que nous parlons de sécurité, nos libertés sont menacées. En fait, nous croyons le contraire. Les Canadiens comprennent que liberté et sécurité vont de pair. Fondamentalement, nos services de police et nos organismes de sécurité nationale s'emploient à protéger nos droits et nos libertés, et ce sont les terroristes djihadistes qui mettent notre sécurité en danger et qui cherchent à nous enlever nos libertés.
De plus, le a fait des allégations que je considère, en tant que ministre de la Sécurité publique, comme inacceptables; il a dit que le SCRS enfreint la loi. C'est une insulte aux hommes et aux femmes qui protègent quotidiennement les Canadiens, qui risquent leur vie dans des endroits peu sûrs, monsieur le président. Depuis 30 ans, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité présente un rapport annuel qui a toujours démontré que le SCRS respecte nos lois canadiennes. Je demande au chef du NPD de présenter des arguments cohérents et d'éviter d'insulter ceux qui nous protègent. Je lui demande de leur présenter des excuses et de s'en tenir aux faits, à la vérité et à la réalité.
Par ailleurs, certains commentateurs ont affirmé que la portée de la définition d'une « activité portant atteinte à la sécurité du Canada » est trop vaste et que les termes utilisés sont trop vagues pour une mesure législative sur la sécurité. Eh bien, cette définition ne devrait pas être interprétée isolément. L'article 5 de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada restreint davantage l'information qui peut être communiquée en exigeant qu'elle le soit seulement si elle se rapporte à la compétence ou aux attributions du destinataire en matière de sécurité nationale. La définition est censée s'appliquer à toute information se rapportant à la sécurité du Canada.
Je suis heureux que nous ayons avec nous la , qui a dit que les dispositions visant à protéger les activités licites de défense d'une cause, de protestation et de manifestation d'un désaccord sont insuffisantes. J'invite la députée à relire le projet de loi avec attention. La loi indique clairement que la définition d'une « activité portant atteinte à la sécurité du Canada » exclut les activités licites de défense d'une cause, de protestation, de manifestation d'un désaccord ou d'expression artistique.
Il convient de souligner que l'exclusion constitue une précision et qu'elle vise à mettre en évidence le fait que ces activités ne sont pas censées être visées par cette mesure législative. Encore une fois, monsieur le président, l'information qui est visée par ce projet de loi, uniquement à des fins d'échange, a déjà été recueillie et se rapporte à des activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada. Le terme « licite » doit être interprété de façon restrictive et exclure les formes légitimes de protestation qui ne contreviennent pas au Code criminel. Autrement dit, une manifestation pour laquelle on ne possède pas de permis municipal et qui serait autrement licite ne serait pas visée par cette mesure législative.
De même, certaines personnes ont affirmé qu'en permettant au SCRS de perturber les menaces à la sécurité nationale, on bafouerait les droits des manifestants légitimes. Encore une fois, c'est faux. En vertu du projet de loi que nous avons devant nous aujourd'hui, pour que le SCRS se livre à des activités de perturbation, il faut qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une activité donnée constitue une menace envers la sécurité du Canada. Il s'agit de la même définition qui est utilisée depuis 30 ans. Auparavant, le SCRS ne disposait pas de pouvoirs de perturbation; il pouvait uniquement recueillir et conserver des renseignements dans la mesure où cela était strictement nécessaire.
La sécurité est essentielle au maintien de nos droits et de nos libertés démocratiques, et c'est précisément le but de la loi antiterroriste. J'espère que tous les députés appuieront ce projet de loi en ayant la certitude que nous prenons les mesures adéquates pour protéger les Canadiens, leurs libertés et leurs droits.
Personnellement, monsieur le président, je crois qu'il serait irresponsable et immoral de rester les bras croisés devant cette menace en constante évolution. Il est de notre devoir d'empêcher que les silos bureaucratiques causent la perte de vies humaines. Nous pouvons régler ce problème. Les Canadiens ne nous le pardonneraient pas si nous ne corrigions pas les lacunes de ce système dysfonctionnel d'échange d'information. Nous sommes probablement l'un des rares pays qui ne l'a pas encore fait. Mieux protéger les droits et les libertés des Canadiens tout en luttant contre la menace du terrorisme, voilà exactement ce que propose le projet de loi . Pour ce faire, nous travaillons en étroite collaboration avec le ministre de la Justice et le personnel de son ministère. Je vais maintenant lui céder la parole.
Merci.
:
Monsieur le président, chers collègues, c'est un honneur pour moi d'être ici devant vous. Je tiens à vous remercier du travail important que vous accomplissez. J'ai l'honneur d'être accompagné de mon collègue Steven Blaney, ministre de la Sécurité publique, et des fonctionnaires de nos ministères de la Sécurité publique et de la Justice.
Comme vous le savez, nous sommes ici pour discuter du projet de loi , la loi antiterroriste. Ce projet de loi est axé sur le problème très réel du terrorisme, qui sème de plus en plus l'inquiétude partout dans le monde. Le gouvernement du Canada prend des mesures — et vous prenez des mesures — pour analyser les outils qui sont à la disposition de nos organismes de renseignement et d'application de la loi et qui sont nécessaires pour répondre efficacement à cette menace.
Le projet de loi découle de cette analyse et il est d'une importance cruciale. Comme l'a dit le ministre Blaney, mes observations porteront principalement sur les modifications au Code criminel qui figurent à la partie 3 du projet de loi.
[Français]
Depuis 2001, le Code criminel permet de lutter tout particulièrement contre le terrorisme, notamment au moyen d'infractions relatives à diverses formes de participation et de facilitation d'une activité terroriste et au fait d'accuser une personne de se livrer à une telle activité. Ces mesures ont été renforcées en 2013 par l'ajout de nouvelles infractions relatives au déplacement des terroristes et au terrorisme nucléaire.
[Traduction]
Monsieur le président, la menace au Canada est un phénomène mondial, imprévisible et en constante évolution. Par conséquent, on devrait mettre à la disposition du système de justice pénale un ensemble proportionnel d'outils d'enquête et d'application de la loi afin de pouvoir trouver, arrêter et poursuivre ceux qui en sont responsables. C'est justement ce que permettraient de faire les modifications au Code criminel proposées dans le projet de loi . Elles constituent un effort pour moderniser les choses, pour suivre l'évolution des menaces. Comme l'a dit le ministre Blaney, il s'agit de donner aux organismes d'application de la loi la capacité de faire face à cette menace constante et de leur permettre de détecter et d'écarter le type de terrorisme que nous connaissons malheureusement au XXIe siècle.
Je vais maintenant vous parler des parties du projet de loi qui sont directement du ressort du ministère de la Justice.
D'abord, l'article 83.3 du Code criminel, qui cible les individus pouvant être impliqués, directement ou indirectement, dans une activité terroriste, impose actuellement deux critères à respecter pour qu'un tribunal impose un engagement à un individu. Le projet de loi propose d'abaisser le seuil d'application de ces deux critères. Au lieu d'imposer aux policiers d'avoir des motifs raisonnables de croire qu'une activité terroriste sera — en mettant l'accent sur le mot « sera » — entreprise, on leur impose d'avoir des motifs raisonnables de croire « à la possibilité qu'une activité terroriste soit entreprise ». De même, au lieu de parler de motifs raisonnables de soupçonner que des conditions sont nécessaires pour éviter que l'activité terroriste ne soit entreprise, on parle de motifs raisonnables de soupçonner que des conditions auront « vraisemblablement pour effet d'empêcher que l'activité terroriste ne soit entreprise ».
En abaissant le seuil d'application, on veut faciliter la tâche aux policiers pour l'obtention de l'engagement assorti de conditions et la comparution de l'individu devant un juge. Il est important de mettre l'accent sur l'aspect du contrôle judiciaire.
Le projet de loi ferait également passer la période maximale de détention d'un individu en attente de son audience d'engagement de deux à six jours, la période de 24 heures de mise sous garde par la police restant la même. Autrement dit, la période durant laquelle les enquêtes peuvent avoir lieu et certaines conditions peuvent être mises en place pour protéger le public serait prolongée et pourrait aller jusqu'à sept jours.
Le projet de loi propose aussi de renforcer les conditions d'engagement de ne pas troubler l'ordre public liées au terrorisme qui figurent actuellement dans le Code criminel. Le projet de loi propose d'abaisser le seuil d'application de l'exigence actuelle selon laquelle une personne doit avoir des motifs raisonnables de craindre qu'une personne « commettra » une infraction de terrorisme; on parlera plutôt de motifs raisonnables de craindre « la possibilité qu'une personne commette » une infraction de terrorisme. Cette modification vise à faciliter l'obtention d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Il y a une gradation, ici. Nous abaissons le seuil d'application pour permettre aux policiers, grâce à un contrôle judiciaire, de mettre en place les conditions requises pour protéger le public en fonction des preuves. On prolongerait également la durée maximale de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public; il passerait de deux à cinq ans pour ceux qui ont déjà été condamnés pour une infraction de terrorisme.
De plus, pour l'engagement assorti de conditions et l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, le tribunal serait autorisé à imposer des cautions, et les juges auraient l'obligation d'envisager d'imposer des restrictions géographiques et le retrait du passeport, donc de mettre en place des contrôles du comportement, si l'on veut. Le projet de loi ferait également passer de deux à quatre ans la peine maximale pour une infraction à ces ordonnances.
Le projet de loi propose également de modifier le Code criminel afin d'ériger en infraction le fait de sciemment, par la communication de déclarations, préconiser ou fomenter la perpétration d'infractions de terrorisme en général, et ce, en sachant que la communication entraînera la perpétration de l'une de ces infractions ou sans se soucier du fait que la communication puisse ou non entraîner la perpétration de l'une de ces infractions. Cette nouvelle infraction entraînerait une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement. Elle permettrait de combler ce que nous considérons comme une lacune dans la loi et de répondre à la menace actuelle.
Actuellement, il est illégal de conseiller à quelqu'un de commettre un crime précis, comme un meurtre. Toutefois, il n'est pas illégal de conseiller à quelqu'un de commettre un large éventail d'activités criminelles, comme le terrorisme, en l'absence de détails précis quant à l'infraction que la personne est encouragée à commettre. Par conséquent, la nouvelle infraction proposée vise à tenir compte des cas où l'incitation active ne comporte pas de détail précis qui permettrait d'établir un lien entre l'encouragement et la commission d'une infraction précise de terrorisme, même si dans les circonstances, il est clair que l'on encourage activement une personne à commettre les infractions de terrorisme prévues dans le Code criminel. Autrement dit, il importerait peu qu'une infraction précise de terrorisme soit préconisée ou fomentée pour que la responsabilité criminelle y soit rattachée. Pour être clair, il ne s'agit pas d'une infraction liée à la glorification du terrorisme.
Dans le contexte de cette nouvelle infraction, on propose de créer deux nouveaux mandats de saisie relativement à la propagande terroriste. L'un s'applique à la propagande terroriste sous une forme concrète, comme les affiches ou les dépliants, et l'autre vise à éliminer la propagande terroriste diffusée et stockée dans un site Web situé au Canada.
Il va sans dire que nous travaillons à l'intérieur de nos propres frontières. Nous n'avons pas la possibilité de saisir ce matériel à l'extérieur du pays.
Des pouvoirs semblables existent déjà pour d'autres comportements que le Parlement juge néfastes, dont la propagande haineuse et la pornographie juvénile. Cela reflète les articles qui existent déjà dans le Code criminel.
Je pense que la plupart des parents sauront que nous le faisons afin d'éliminer le matériel qui pourrait être utilisé pour radicaliser ou recruter les jeunes. D'ailleurs, en discutant avec les gens de cet article du Code criminel, j'ai constaté que certaines personnes s'inquiètent du fait que nous n'avons pas déjà la capacité de retirer ce matériel offensant.
Enfin, des modifications sont proposées afin d'améliorer la protection accordée aux personnes qui jouent un rôle dans le cadre des poursuites et des instances liées à la sécurité nationale. Ces modifications permettront notamment d'accroître le pouvoir discrétionnaire des tribunaux pour rendre des ordonnances qui répondent aux besoins des témoins en matière de sécurité. Nous parlons en particulier des intervenants du système de justice qui peuvent se sentir vulnérables par rapport aux individus auxquels nous avons affaire. Cela ressemble un peu à ce que nous avons vu dans les poursuites intentées contre les membres de gangs ou du crime organisé. On tient compte de leur rôle en ce qui concerne les questions de sécurité nationale tout en respectant en tout temps les droits des accusés à un procès juste et équitable.
Ces propositions législatives et celles de mon collègue, le ministre Blaney, sont raisonnables et constituent une réponse proportionnelle à la menace du terrorisme au Canada. Elles contiennent un certain nombre de mesures de protection: la surveillance judiciaire et un pouvoir discrétionnaire concernant les nombreux outils dont nous avons parlé ici ce matin, l'obligation d'obtenir le consentement du procureur général avant d'engager une procédure, et l'obligation de faire rapport annuellement sur l'imposition d'engagements assortis de conditions. Ces rapports sont déposés au Parlement; je l'ai fait récemment, en décembre. De plus, ces engagements de ne pas troubler l'ordre public et engagements assortis de conditions deviendront caduques; cela veut dire que la loi, qui est entrée en vigueur en 2007, sera révisée en 2017 en ce qui concerne ces engagements.
Nous proposons ces nouvelles mesures améliorées et approuvées par les tribunaux, qui permettent de réagir au terrorisme au pays et à l'étranger, en conformité avec le cadre juridique global actuel qui respecte la Charte et contient d'importants mécanismes de contrôle.
En conclusion, je dirais que du point de vue de la justice pénale, le projet de loi permettra de combler les lacunes de la loi, de cibler uniquement les actes extrêmement graves et de définir clairement les éléments d'infraction qui représentent un niveau élevé d'intention criminelle.
Monsieur le président, je vais conclure en citant un passage de la décision du juge Moldaver, de la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'affaire R. c. Khawaja:
Il ne fait aucun doute que le terrorisme est un crime en soi, qu'il n'a pas d'égal et qu'il ne se limite pas à l'absurde carnage et aux dégâts matériels. Ses conséquences sont bien plus insidieuses, en ce qu'il attaque notre mode de vie et vise à miner les valeurs fondamentales auxquelles nous souscrivons — celles qui sont à la base même de notre démocratie constitutionnelle.
Monsieur le président, je remercie le comité de tenir d'importantes délibérations au sujet de ce projet de loi. Nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions. Encore une fois, nous tenons à vous remercier sincèrement du travail que vous accomplissez.
Merci.
:
Je pourrais peut-être d'abord vous donner deux exemples qui illustrent la situation actuelle.
Comme nous l'avons entendu récemment, à Montréal, deux jeunes filles auraient déclaré qu'elles quittaient le pays pour aller commettre des attentats terroristes à l'étranger. Elles se sont présentées à un bureau des passeports et ont demandé le traitement accéléré de leur demande en 48 heures. Elles ont affirmé avoir perdu leur passeport et vouloir se rendre au Moyen-Orient, une région où il y a de nombreux conflits, comme vous le savez. Cette information devrait soulever des préoccupations en ce qui a trait à la sécurité nationale. Le Canada n'est pas et ne veut pas devenir un exportateur de terroristes. À l'heure actuelle, cette information ne peut être communiquée aux autorités compétentes comme la GRC ou l'agence de sécurité, le SCRS. Le projet de loi permettrait au ministère de prendre ce genre de mesure.
Le deuxième exemple présente le problème sous un autre angle. Prenons un individu blessé qui se rend dans un consulat au Moyen-Orient, qui veut revenir au pays et qui demande de l'information. Puisqu'il est blessé ou qu'il a passé quelques semaines dans le désert, sa situation pourrait soulever des doutes raisonnables, mais encore une fois, cette information ne peut être communiquée ni aux policiers, ni à l'Agence des services frontaliers du Canada, ni à nos services de renseignement. Un individu, un voyageur représentant une menace terroriste possiblement élevée ayant participé à une expérience de combat pourrait revenir dans notre pays, et nous pourrions difficilement l'en empêcher.
Ces deux exemples démontrent clairement la nécessité de nous assurer que la main gauche du gouvernement sait ce que fait la main droite, mais je tiens aussi à souligner qu'il existe de nombreux mécanismes qui permettent de protéger la vie privée et la Constitution.
D'abord, je pense avoir indiqué clairement qu'il doit s'agir d'information relative à une activité qui porterait atteinte à la sécurité du Canada. Il doit y avoir un risque avant que l'information ne soit communiquée, et elle doit être communiquée à un organisme compétent. Encore une fois, il ne s'agit pas de nouveaux renseignements; ce sont des renseignements qui ont déjà été recueillis par le gouvernement, mais qui n'ont pas été communiqués.
Allons-nous laisser les terroristes se servir du cloisonnement pour s'en prendre aux Canadiens? Honnêtement, je crois que ce serait totalement irresponsable. Voilà pourquoi, quand je parle aux gens de ma circonscription ou d'ailleurs, ils me demandent pourquoi nous n'avons pas fait cela plutôt et pourquoi nous ne communiquons pas l'information au moyen d'un processus respectueux et légitime.
Eh bien, c'est ce que nous faisons. De plus, il est important de préciser — et c'est dans le projet de loi — que la communication d'information doit s'effectuer d'une manière conforme à la Charte canadienne des droits et libertés et à la protection de la vie privée. On le précise dans la partie qui porte sur l'édiction de la loi. C'est déjà dans de nombreuses mesures législatives, mais nous avons estimé qu'il était important de le préciser dans le projet de loi.
Je pourrais vous en dire davantage, mais je pense que vous avez d'autres questions à poser.